Carnet de guerre de
Jules RENAUDET
Mitrailleur au 67ème régiment d’infanterie territoriale
Publication :
Janvier 2025
Mise
à jour : Février 2025
Jules RENAUDET – 67ème régiment d’infanterie territoriale
Prologue
Christian B. nous dit en novembre 2024 :
« Ce document dactylographié été créé par
un passionné de recherches historiques, J.P. GAUNORD, de la commune de la
Chapelle-Thireuil.
Il peut aider d autres familles à la recherche. L’esprit du partage était nécessaire à nos poilus. Cordialement. »
Remerciements
Merci à Christian pour le carnet.
Merci à Valérie et Didier pour la recopie du carnet.
Merci à Philippe S. pour les corrections éventuelles et certaines recherches.
Nous avons ajouté (Pierre, Didier et Philippe) du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit. Pour une meilleure lecture, j’ai volontairement ajouté des dates, sinon le reste est exactement conforme à l’original.
Introduction
Jules Édouard Auguste RENAUDET est né en mars 1877 à St-Paul-en-Gâtine (Deux-Sèvres). À son incorporation, en 1899, il déclare être charpentier et intègre le 68ème régiment d’infanterie pour son service militaire. À sa sortie en septembre 1901, il est toujours simple soldat. En août 1914, vu son âge, il rejoint le 67ème régiment d’infanterie territoriale.
Le 67ème régiment d’infanterie territoriale (67e RIT) fait partie avec le 68e RIT de la 170e brigade d’infanterie territoriale (BIT) qui elle-même fait partie avec la 169e BIT (65e et 66e RIT) de la 85e division d’infanterie territoriale (85e DIT). Cette 85e DIT possède aussi quelques unités d’artillerie, de génie et de cavalerie. Cette division est affectée au secteur est du camp retranché de Paris dès août 1914. Elle y restera jusqu’en décembre 1914.
Début des écrits
Je soussigné, RENAUDET Jules Édouard Auguste, soldat classe 1897 – numéro matricule du recrutement 1136 - Demeurant à La Chapelle-Thireuil (Deux-Sèvres), a l’honneur de vous demander de vouloir bien lui délivrer le certificat tenant lieu provisoirement de carte de combattant.
Ci-dessous, détail de de mes affectations successives au cours de la guerre 1914-1918 :
– mobilisé par décret du 1er août 1914 au 67e territorial d’infanterie,
– arrivé au corps le 6 août 1914,
– versé à la 8e compagnie,
– parti aux armées le 9 août 1914,
– passé à la SHR le 10 novembre 1914,
– passé à la compagnie de mitrailleuse le 21 février 1915,
Août 1914
6 août 1914
Parti de La Chapelle-Thireuil le 6 août 1914, à 6 heures du matin, pour prendre le tram au Busseau à 7 heures. Arrivé à Parthenay à midi. De suite, on nous habille à la 8e compagnie.
250 hommes furent armés et le 10, nous prenions le train vers 3 heures du soir pour arriver à Paris vers 5 heures du matin où on nous dirigea à Torcy, à 30 km de Paris.
Il faisait chaud ce jour-là. Quelques jours après, je quittais la compagnie pour faire partie d’une section de mitrailleuses et je fus dirigé vers le fort de Villiers. (*)
(*) : Villiers-sur-Marne
Le 23 août
Le lieutenant PRÉZEAU (*) nous emmena à Champigny visiter le monument commémoratif.
Nous quittons Villiers le 27 août pour aller à Lagny en passant par Noisiel où nous voyons la chocolaterie Menier. (**)
(*) : Le lieutenant PRÉZEAU commande la 1ère section de la 11ème
compagnie du 3ème bataillon du 67e RIT.
(**) : Pour info, monument élevé pour les morts de la bataille
de Champigny, tentative française de rompre le siège de Paris fin novembre 1870
et durant laquelle 9000 soldats français et 3000 allemands furent tués en 5
jours. Une crypte y recueille ceux non identifiés.
Le 2 septembre
Je fus réveillé vers 10 heures du soir par un vacarme assourdissant causé par l’arrivée d’un grand nombre d’automobiles anglaises dont quelques-unes transportaient plus de 30 soldats. Nous étions à peine rendormis que nous fûmes réveillés à nouveau par le pas cadencé d’un régiment d’infanterie anglais, suivi bientôt d’un escadron de cavalerie.
Le matin, on ne voyait que des Anglais dans Lagny : les uns faisant leur toilette, se rasant à proximité d’une borne fontaine, d’autres savourant un délicieux bifteck ou une bonne tasse de thé ; d’autres enfin dormaient à poings fermés dans des couvertures, étendus sur la place. Je remarquai un détachement d’Écossais avec leurs jupes plissées et leurs chaussettes courtes laissant leurs jambes nues jusqu’au-dessus des genoux.
Le soir-même, nous partions pour Montévrain prendre nos positions. Nous ne doutions pas que les Allemands étaient presque à Meaux, car nous ne savions rien par les journaux.
Les Anglais arrivent de toutes parts et se rendent au-delà de Meaux où ils arrivent à temps pour aider à repousser l’ennemi, lequel recula jusqu’à l’Aisne.
Nous couchons plusieurs nuits autour d’une barge de foin près de la ferme des Corbins. (*)
Le canon tonne nuit et jour sans interruption mais on s’habitue à tout et nous dormons aussi tranquillement que dans un lit.
J’ai vu passer le 115e et le 131e revenant du front et dont il ne reste plus qu’un tiers des effectifs. Des blessés marocains transportés dans des charrettes arrivent peu après et sont soignés à l’école d’Alembert.
(*) : 700m sud du centre de Montévrain
Vers le 10 septembre
Le calme renaît.
Je suis allé à Lagny où j’ai vu sur la Marne les deux ponts que le génie avait fait sauter. Beaucoup d’habitants ont évacué la ville.
Le 11
Nous allons cantonner à Alembert.
Il pleut à verse ; nous transportons notre batterie de cuisine dans une charrette à bras.
Le 12
Dix soldats égarés du 104e venant de Belgique, passent à Alembert, rejoignant leur régiment.
Le 13
Quelques habitants de Lagny vont visiter les champs de bataille d’Étrépilly et de Vareddes ; on les réquisitionne pour enterrer les morts, ce qui leur ôte l’envie d’y retourner. Ils rapportent des souvenirs pris sur les cadavres boches, tels que sacs recouverts de poils, baïonnettes, cartouches, casques…
Les compagnies qui couchaient dehors reviennent à Alembert.
Le 15
Nous reprenons nos exercices quotidiens.
Les compagnies font de même, manœuvrant comme si elles étaient à la caserne.
Le 21
Nous allons à Vincennes en voitures, faire nos tirs.
Le 24
Venue du général.
Le 26 et jours suivants
Nous entendons de nouveau le canon qui est cependant loin. Les compagnies, de concert avec le génie, font des tranchées et installent des réseaux de fils de fer.
Le 12 octobre
Nous allons à pied à Vincennes, faire de nouveaux tirs. Nous rentrons le lendemain, éreintés, ayant fait en deux jours plus de 75 km.
Le lendemain, nous manœuvrons avec le régiment et couchons dehors sous la pluie, entre Annet (-sur-Marne) et Dammartin (-en-Goële].
Nous rentrons vers midi à Alembert, très fatigués.
Le 19
Certains ont mangé dans un restaurant à Lagny ; ils étaient cinq.
Le lendemain, ils étaient tous malades et beaucoup souffraient de coliques atroces. C’était un commencement d’empoisonnement provoqué par une omelette faite avec des œufs trop vieux.
Le 20
Six compagnies partent pour Dammartin faire des tranchées.
Le même jour, nous quittons Alembert pour retourner à Lagny où nous sommes logés au casino.
Le jour de la Toussaint, nous allons en groupe au cimetière déposer une couronne sur les tombes des soldats morts pour la Patrie.
‘’ Tu vas me dire je ne fais pas bien avec
mon bouc. Je t’aime, Jules ‘’
Le 4 novembre
Six mitrailleuses sont versées à Vincennes. Il ne nous en reste plus que six ; les hommes retournent à leur compagnie. Le même jour, les hommes du 67e, de la classe 1899, ayant fait leur congé dans l’infanterie coloniale, rejoignent le fort d’Ivry.
Le 7 novembre
Une quinzaine d’automobiles blindées, toutes neuves, conduites par des fusiliers marins, passent à Lagny se dirigeant vers le front. Deux-cents blessés arrivent à Lagny.
Lundi 9 novembre
Par un épais brouillard, nous partons pour Dammartin.
JMO
de la 170e brigade.
On
y lit que 3 sections de mitrailleuses partent de Lagny pour Dammartin
Il y a près de 2 000 hommes dans cette petite ville, d’où la difficulté pour trouver un bon cantonnement. Il ne fait pas chaud dans notre grenier sous les tuiles plates mal jointes.
Nous visitons dans un talus derrière la gare, les tombes de six soldats français et deux soldats allemands. Ces tombes sont bien entretenues et garnies de drapeaux et de couronnes, à l’exception de celles des Allemands qui sont cependant propres, mais sur lesquelles une simple croix est plantée avec l’inscription au crayon : « Ici reposent 2 soldats allemands ».
Tous les jours, nous allons à l’exercice ou en marche, et faisons quelquefois des battues pour prendre des lapins. Nous réussissons à en prendre quelques-uns. Nous apprenons que les territoriaux restés au dépôt sont versés dans la réserve active.
Le 10
Nous construisons des monticules circulaires en terre sur lesquels nous appuyons les pieds des mitrailleuses, ce qui nous permettra, le cas échéant, de tirer verticalement sur les taubes. (*)
(*) : Avions allemands.
Le 13 décembre ?
On nous prévient que nous partons le mercredi 16 pour une destination inconnue.
Le départ est avancé et a lieu le 15.
Nous touchons les vivres de réserve. Nous couchons le soir à Montagny (-Sainte-Félicité). (*)
(*) : Ils y cantonnent le 15 décembre (JMO 170e BI).
Le 16
Nous traversons Senlis dévasté par les Boches et couchons le soir à Pont-Sainte-Maxence où le pont sur l’Oise a été détruit. Un pont provisoire a été construit.
Je vois pour la première fois travailler les scaphandriers.
Le 22
Théorie du docteur CORBIN sur l’hygiène dans les tranchées et soins à donner aux blessés.
Le 24 ?
Le 3e bataillon part pour Couloisy occuper des tranchées.
Le mulet à DESCHAMPS blesse d’un coup de pied à la tête un petit garçon de neuf ans dont nous apprenons la mort quelque temps après.
JMO de la 170e brigade.
On y lit que le 3ème bataillon cantonne à Couloisy
1915
Le 1er janvier
Nous avons eu un ordinaire extra : champagne, rôti, jambon, cigares, rien ne manque
Le lendemain, nous mettons dans la soupe par erreur de la graisse à chaussure en place de saindoux.
Le 8 janvier
Nous partons pour Crépy-en-Valois à 28 km. Deux-cents autos provenant d’Amérique sont alignées sur la place et partent pour le front.
Peu après, le 16 janvier, nous quittons Crépy et couchons le soir à Longpont. Nous passons à Villers-Cotterêts ; cette ville est encombrée d’autos et de véhicules de toutes sortes servant au ravitaillement, c’est le surlendemain de la foire de Carôny [ ?].
(*) : Très certainement Cerizay. Dans la région où Jules
habitait se tenait autrefois le 17 janvier à Cerizay une foire très ancienne
(depuis 1487). il pourrait s’agir d’elle (il faudrait
pouvoir vérifier sur le manuscrit du carnet).
Le 17
Nous allons coucher à Nampteuil-sur-Muret.
Le 18
Le régiment entier part pour Vasseny par trois routes différentes.
Pour se dissimuler, six compagnies occupent les tranchées le soir même. La nuit est sombre, les champs et les sentiers détrempés. Nous sommes à 4 km des boches et nous éprouvons une certaine émotion en entendant si distinctement la grosse voix du canon.
Départ pour Salsogne le 20 au soir ; nous cantonnons dans un bâtiment dépendant d’une sucrerie. Nous voici à 2 km des boches. Les obus français et allemands passent au-dessus de nous ; quelques-uns tombent à 30 mètres de nous.
Le 23
Des soldats du 289e et du 124e territorial de Rodez viennent cantonner avec nous. Des hommes qui composaient le 89e au début de la guerre, il en reste environ 20 par compagnie.
Le 124e a perdu 300 hommes à Crouy.
Le 25 janvier
Les obus tombent encore autour de nous, blessant un soldat (*) et un civil.
(*) : C’est effectivement indiqué au JMO de la 170e BI : ‘’
Un homme de la 8ème compagnie est blessé
par un éclat d’obus ‘’
Le 26
Calme absolu.
Le 27
Ça recommence : un projectile tombe et éclate à 10 mètres de notre bâtiment. Il en est tombé trente dans un rayon de cent mètres autour de nous. Un obus tombe à deux mètres du lieutenant CHOTARD sans lui faire de mal, tandis qu’il blesse un soldat qui se trouvait à quinze mètres. (*)
(*) : Le JMO signale qu’un caporal (Arthur
DRILLON) de la 8ème compagnie a été tué. Est-ce lui ? Il était de la
même compagnie que Jules RENAUDET.
Le 29
Vers midi et demi, un obus tombe en plein sur notre bâtiment, réduisant en miettes les madriers qui nous servaient de tables, tordant plusieurs fusils et baïonnettes. Une heure auparavant, nous étions une trentaine à déjeuner dans ce bâtiment ; nous l’avons échappé belle.
Le 30
Au soir, nous rentrons dans les tranchées ; nous travaillons la nuit à consolider notre chambre de repos. Nos mitrailleuses sont braquées sur le pont de Missy (Missy-sur-Aisne) qui est à 300 mètres environ.
(*) : Voir
la carte de l’ensemble du front de l’Aisne (position du 67eRI à la ‘’
brigade mixte ‘’). On y retrouve tous les noms cités.
Le 31
Au soir, nous rentrons au repos à Sermoise et le 1er février, nous retournons aux tranchées pour 24 heures.
Le 2
Au soir, nous retournons à Sermoise où la moitié des maisons est démolie par les obus ; l’église n’a plus de toiture et tous les vitraux sont brisés. Aujourd’hui encore, plusieurs projectiles tombent sur Sermoise, démolissant quelques maisons. Nous partons pour Serches.
Le 4 février
Plusieurs taubes survolent Serches. Notre artillerie leur envoie plusieurs obus, mais sans pouvoir les atteindre.
Nous retournons le 7 février à Sermoise pour occuper nos tranchées.
Nous passons à Ciry-Salsogne où un incendie causé par un obus consume la maison où, quatre jours avant, était logé notre commandant. Plusieurs soldats du 289e ont été blessés aujourd’hui.
Il fait nuit noire et de nos tranchées, nous ne pouvons rien distinguer, sauf une meule de paille qui brûle.
Dans Missy, à part quelques coups de fusils échangés par les sentinelles, nous n’entendons pas grand-chose.
Nous passons encore deux nuits aux tranchées.
‘’Je t’en envoie 3 : une de chaque et les
autres dans une autre enveloppe. Tu les donneras à qui te fera plaisir.
J’avais envie d’en envoyer une à tante
Pauline et l’autre à tonton, et j’ai réfléchi : je te les envoie et tu en feras
ce que tu voudras. Ton grand ami, Jules.
J’en envoie une à Sidonie de chaque espèce,
une que nous sommes 3 et l’autre la section, et 2 à papa, pareil. Ton grand
ami, Jules.’’
Le 9 et jours suivants
Nous entendons jour et nuit une violente canonnade vers Venizel et Soissons.
Le 11 au soir
Nous pensions retourner en repos à Serches, mais nous restons au repos à Sermoise où les obus tombent toujours de temps en temps. Une femme qui avait été blessée l’autre jour est morte aujourd’hui, laissant sept enfants dont l’aîné a onze ans.
Le génie nous a commencé un blockhaus entre le pont de Missy et le pont de Venizel, en face de la ferme de la Biza.
Le blockhaus est recouvert de rails sur lesquels nous jetons une forte épaisseur de terre. Autour il y a des créneaux dissimulés dans la terre. Quelques obus tombent à une centaine de mètres de nous.
Le 15
Au soir, nous couchons dans notre blockhaus où il ne fait pas chaud.
Le 16
Une canonnade comme jamais nous n’en avions entendu a eu lieu du côté de Soissons.
Le 17
L’action paraît aussi forte, et la nuit le ciel est un peu sillonné par les éclairs produits au moment des départs des projectiles. Avec le crépitement des mitrailleuses et des fusils, c’est terrible.
Le 19
C’est plus calme vers Soissons, mais à 200 mètres à droite du blockhaus, quatre hommes de la 5e compagnie sont blessés dont le caporal RUSSEIL.
Le 20
Comme chaque jour, canonnades intermittentes.
Les 21 et 22
Calme complet.
Le 24
Les Boches bombardent en vain nos aéros.
Le 25
Quelques shrapnels tombent dans le jardin, mais beaucoup trop haut. Un obus tombe sur le hangar au fond de la cour brisant quelques chevrons qui nous servaient pour faire du feu. De petits éclats d’obus ont pénétré à dix mètres dans le bois. Le même jour, trois soldats sont tués à Ciry.
(*) : Les trois tués sont :
Zéphirin Joseph BOILEAU, 38 ans, mort
pour la France à Ciry-Salsogne (02). Voir sa fiche.
Édouard Maurice Eusèbe FROUIN, 35 ans, mort
pour la France à Salsogne (02). Voir
sa fiche.
Alphonse JUIN, 35 ans, mort pour la France à Ciry-Salsogne
(02). Voir sa fiche.
Le 26
Dans la soirée, nos avions survolent les Boches qui les bombardent inutilement. La ferme de la Biza située à cent mètres de notre blockhaus est incendiée par nos 75.
Le 26 et le 28
Nous construisons des abris pour mitrailleuses et des boyaux conduisant à ces abris
Le 28
Notre artillerie bombarde sérieusement les Boches. Un soldat de la 9e compagnie nommé BAUJAULT, a été tué ce même jour.
(*) : LE JMO dit : ‘’ Ciry est
bombardé, à 21 heures un soldat de la 9e cie du 67e
RIT, Henri Edmond Paul BAUJAULT, est tué au poste du pont de Missy-sur-Aisne par un coup de feu. Mais sa mort est datée
du 2 mars 1915 sur le JMO et le 3 mars sur sa fiche.
fevrier 1915
Le 3 mars
Vers la Gobine (*), un
soldat du 1 bataillon est tué et trois autres blessés. (**)
(*) : Entre le pont de Missy et
l’entrée du village.
(**) : Le seul tué du 67ème régiment d’infanterie territoriale
ce 3 mars est Alphonse MÉNARD. Voir sa fiche.
Le 5 mars
Quatre soldats et un sous-lieutenant du 282e, nous amènent deux mitrailleuses Hotchkiss ; nous versons deux des nôtres au 298e.
Le 8 mars
Treize obus et shrapnells tombent à côté du blockhaus. Il tombe de la neige et le vent souffle, glacial.
Le 10
Nous tirons 300 cartouches sur la Biza.
Le 11 mars
Jour de la mi-carême, nous faisons des crêpes à Sermoise.
Le 13 mars
Nous versons 2 mitrailleuses à la ferme de Mont-Soissons [ou du Mont de Soissons] et nous recevons en échange 2 mitrailleuses Hotchkiss.
Le 15
Dans la matinée, Sermoise est arrosé d’obus ; le mur de façade de la maison d’en face la 3e section est démoli. Deux projectiles tombent dans la cour et dans le jardin. Notre artillerie répond vigoureusement. Nous jouons aux palets dans la cour avec des culots d’obus.
Dans la nuit du 17 au 18, nous tirons sur les Boches 240 cartouches, pendant qu’ils plantent leurs piquets.
Le 20 mars ainsi que le 22
Nous tirons dans le courant de la journée sur la ferme de Biza. Notre artillerie envoie aussi sur cette ferme une trentaine d’obus.
Le temps étant clair depuis plusieurs jours, nos aviateurs en profitent. Sur un de nos avions, les Boches tirent 14 obus sans l’atteindre.
Le 22
Nous tirons sur la tourelle de la ferme de la Biza, à 100 mètres.
Le 24
Préparatifs de départ.
Les 82e et 282e nous remplacent. Départ à minuit. Arrivée à Violaines à 4 heures du matin. Nous logeons dans une ferme située au milieu du bourg.
Le 31 mars
bains-douches à Nampteuil.
Le 1er avril, nous allons voir un taube abattu par un de nos aviateurs, NAVARRE, à 3 km d’ici.
Le soir, nous allons à Jury verser deux mitrailleuses au 65e territorial, et nous revenons le lendemain.
Le jour de Pâques, il y a une messe en plein air à Nampeuil par un temps pluvieux. Les tambours et clairons prêtent leur concours.
(*) : 1ère des 12 victoires homologuées (plus 9 probables) du
pilote Jean NAVARRE alors caporal (avion abattu en fait par son passager armé
d’un fusil) : voir ici.
Mars 1915
Le 8 avril
Manœuvre aux Crouttes sous des averses de grêle.
Le 9
Même manœuvre par un même temps.
Du matin au soir, les compagnies abattent des arbres dans le bois et confectionnent chaque jour des milliers de piquets qui, chaque nuit, sont emportés vers le front.
Le 17
Départ pour Jury.
La 1ère section de mitrailleuses est à 1 km de notre ancien blockhaus et la 4e à Venizel. Nous sommes à 150 m de l’Aisne.
Le 18 avril
Par un temps clair, les avions, de part et d’autre, survolent les lignes. Le terrain est sillonné de tranchées et boyaux desquels on a extrait des millions de coquillages et des cailloux ronds comme on en trouve au bord de la mer.
Le 28 avril
Expériences de nouveaux explosifs et de bombes incendiaires, à droite de Venizel.
Le 29
Le 67e quitte le front à l’exception des mitrailleurs.
Mai 1915
Le 1er mai
Le soir, nous sommes relevés par les mitrailleurs du 93e territorial. Dans le courant de cette journée, un taube nous envoie quelques numéros de la Gazette des Ardennes.
Le 2 mai
À 4 heures, départ pour Puiseux où nous arrivons à 3 heures du soir, très fatigués.
(*) : la Cie de mitrailleuses du 67e
RIT est mise à la disposition du 7e Corps d’Armée (JMO 170e BI) et est affectée
à la 92e BI à Vic (JMO 7e CA).
Le 3 mai
À 6 heures du soir, nous partons pour Vic-sur-Aisne par une nuit sombre et sous la pluie. Nous croisons un grand nombre de voitures de ravitaillement et d’autos que nous distinguons à peine. Nous avons traversé l’Aisne entre la gare et Vic.
Nous couchons dans une grande chambre, à l’hôtel de la Croix d’Or, et repartons le lendemain soir à 2 heures pour occuper des tranchées situées sur le flanc d’une colline, en face Chevillecourt.
La 3e section est au repos dans les grottes très curieuses. Nous ne restons que deux jours avec le 54e (RIT).
Nous quittons nos tranchées le 6 mai à 5 heures du soir. Rassemblement des 3 sections à 8 heures sur la place à Vic-sur-Aisne. Nous partons à 9 heures pour arriver à Dommiers à 3 heures du matin.
À midi, départ pour Droizy où nous pensions coucher, mais l’on nous envoie à Couvrelles, puis à Salsogne, ensuite à Sermoise d’où nous gagnons l’abri de la Gobine à 3 heures du matin, tous bien fatigués. Le secteur est tranquille. Les travaux de défense ont été considérablement renforcés depuis notre premier jour à Sermoise.
Le 10 mai
À 4 heures du matin, un cuisinier du 89e qui apportait le café, a eu l’épaule traversée par une balle en face notre abri de mitrailleuses. Un projecteur vient d’être installé à côté de nous.
Le 11
Au soir, le 89e est remplacé par le 90e territorial.
Le 13
Cinq obus de 150 tombent sur Sermoise et deux hommes sont blessés dont le caporal BERNY, atteint au pied d’un éclat d’obus.
Le 15 mai
Quatre hommes du 90e sont encore blessés à Sermoise, dont deux grièvement.
Le 16
Il y a un tué et cinq blessés.
(*) : Il doit s’agir de François BISSIRIEX du 90e RIT, seul tué
à Sermoise dans cette période. Sa
fiche.
‘’ C’est mon sergent et ses deux cousins.
Jules ‘’
Le 23 mai
À 11 heures du soir, un lieutenant et son ordonnance qui s’étaient détachés d’une patrouille ont été capturés par quelques Boches qui avaient traversé l’Aisne dans une barque. Il paraît que c’est volontairement que cet officier, professeur d’allemand et marié à une allemande, s’est laissé prendre avec son ordonnance.
Nous apprenons avec plaisir l’entrée imminente de l’Italie dans le conflit.
(*) : Le JMO 90e RIT mentionne que le sous-lieutenant Jules
(Émile) MAROUZEAU et le soldat Pierre SOULAT ont été faits prisonniers à la
ferme de la Plaine (~2 km ouest du pont de Missy). (fiche de prisonnier MAROUZEAU) – (fiche de prisonnier
SOULAT).
(**) : Le lendemain 24, l’Italie déclarera la guerre à
l’Autriche-Hongrie (mais pas à l’Allemagne : ce sera le 2 août 1916)
Le 25 mai
Des centaines de coups de canon sont tirés sur les Boches en l’honneur de l’Italie. Des drapeaux français et italiens sont plantés sur le bois de l’Aisne.
Le 31 mai
450 hommes sont venus de Limoges renforcer le 89e (RIT). On fabrique porte-plumes, bagues, coupe-papiers et chaînes de montres.
Le 2 juin
Les Boches mettent le feu à un tas de guenillons restés entre notre abri et l’Aisne.
Le 6 juin
Nous entendons le violent bombardement précédant l’attaque sur Toutvent.
Le 10 juin
Un violent orage remplit d’eau les boyaux.
Le 18
Un homme de patrouille s’est égaré et a été tué.
Le 21 juin
Préparatifs de départ : nous partons des tranchées. A 10 heures du soir, nous arrivons à Vierzy.
Départ de Vierzy à minuit. Arrivée à Amblény, le 24 à 6 heures du matin.
Nous repartons le soir-même pour Ressons-le-Long à 4 km et nous y couchons.
Le 25
À 7 heures du soir, départ pour les tranchées.
Nous passons par Vic-sur-Aisne où nous traversons l'Aisne à Saint Christophe-à-Berry où tout est démoli. Nous arrivons à minuit aux tranchées par des boyaux impraticables et au son des marmites. Le 340ème est avec nous ; le 67ème territorial est un peu plus loin.
Notre cuisine se fait à Vingré, à deux kilomètres. De tous les côtés, aussi bien dans les remblais des tranchées que dans des champs et au bord des routes, il y a de nombreuses croix de soldats. De durs combats ont eu lieu ici. La tranchée que nous occupons a été creusée et habitée par les boches.
Le 26
J’ai vu faire des travaux : des sapeurs-mineurs découvrent des centaines de cadavres du 355ème d'infanterie français qui ont été tués, fauchés par les mitrailleuses boches le 24 septembre. Ils sont à peu près à 70 mètres de nous et ne sont pas enterrés. On peut les voir très bien en allant au bout de la chape, mais aucun de nous n'y est allé.
La plaine est labourée par les obus et engins de toutes sortes : saucisses, crapouillots, torpilles, et il en pleut jour et nuit. Tous les jours, quelques-uns sont atteints. POUZINEAU qui fait notre cuisine à Vingré a été blessé très légèrement à la jambe gauche par une balle des shrapnels qui a traversé sa jambière et fait une contusion au bas du mollet, et un éclat d'obus, qui a failli lui couper le bras gauche, a seulement déchiré sa chemise ; c'était le 26 juin.
Le 28
D’autres cadavres sont découverts ; ce sont des chasseurs à pieds du 45ème bataillon, tués le 2 octobre.
Le 29 juin
Un obus traverse le mur de notre cuisine ; le mur est démoli ; la cuisine est remplie de débris de pierres ; nous étions tous occupés à notre cuisine. Nous, on n'était que couvert de poussières avec quelques égratignures causées par les pierres. Aucun éclat ne nous a blessé ; c'est un fait du hasard.
Parmi ces chasseurs qui étaient morts, des volontaires vont les vérifier et rapporter au bureau des compagnies des fusils, des cartouchières, des porte-monnaie appartenant à un sergent-major et contenant 11 francs. Un très grand nombre de cadavres boches sont aussi découverts. Les boches aperçoivent les volontaires, leur envoient des obus, et les recherches sont arrêtées. Le bombardement est interdit.
Le 30
Nous allions au repos à Vingré pour quatre jours.
Le 1er juillet
GORGET laisse la compagnie-mitrailleurs et rentre à la 1ère compagnie, et BASTON à la 2ème compagnie.
Le 4 juillet
Je suis descendu de tranchée. A mon arrivée, j'ai été à la visite au poste de secours qui était à la grotte...
J'y suis allé tous les jours.
Le 11
Le major me met sur le cahier de visites : « consultation matinée » : c'était toujours le même major : M. BRILLAUT de Bressuire. Le lendemain, j'y retourne ; il me demande où j'étais et ce que je faisais. Le jour même, il m'évacua par ambulance à Montois (*) ; c'était le 11 juillet.
(*) : Allant ensuite au château de Haute Fontaine (maintenant Hautefontaine), il agit de l’ambulance 1/7 à Montois. l’ambulance 3/VII installée au château de Montauban à Hautefontaine du 29 juin au 30 juillet 1915 (JMO
services de santé 7e CA).
Le 13
Au matin, je passe la visite et M. le major m'évacua à l'ambulance 3/VII dans un château qui s'appelle « Haute Fontaine » et qui se trouve dans l'Oise. Le château était occupé par un certain M. COLLIGNON.
Le lendemain 14 juillet
Je suis dirigé vers Villers-Cotterêts, dans une usine pour faire l'esprit de bois (m'a-t-on dit) ; ça appartenait aux Boches.
Le 15
Au matin, je suis dirigé sur Meaux.
En passant dans une gare où on m'a donné des groseilles à manger, du café et un petit pain d'un sou, j'ai reconnu le capitaine qui nous avait menés en détachement : le capitaine METAYER de la 5ème compagnie du 67ème. Il m'a bien reconnu. On a été mangé la soupe à midi, on s'est fait inscrire, verser ses armes à 2 heures, passer la visite où on était environ 40.
Après, on nous a conduits dans nos compagnies. J'ai été versé dans la 2ème compagnie. J'en suis bien content car je me trouve avec M. METAYER, un bon homme. Je passe la visite à demi les matins ; je vais voir le dentiste tous les matins à 9 heures, et tous les jours pareils. Je prends les douches à demi les matins, ce qui me fait beaucoup de bien.
FIN des
écrits
Le journal de guerre de Jules RENAUDET s’arrête ici. La suite :
Il passe au 42e régiment d’infanterie le 29 juin 1917. Passé au 34e territorial d’infanterie le 5 septembre 1917. Démobilisé à Parthenay le 25 janvier 1919. La correspondance de ses amis soldats après l'armistice en 1919 indique que lui aussi est passé par Verdun :
Le 29 décembre 1915
Monsieur Renaudet
« Votre bonne
et courte lettre et la photographie qu'elle renfermait, m'ont fait plaisir, et
pour tout dire grand plaisir, mais permettez-moi d'ajouter votre retour à vous
tous avec la victoire, et la paix mettrait le comble à ma joie, et je l'espère
pour un avenir prochain.
En attendant cet
heureux instant, que Dieu vous garde comme il l'a fait par le passé, plein de
vie et de santé, et croyez que mes vœux les plus sincères de bonheur sont ceux
de votre vieux curé qui aime a rappelé au saint Autel, au maître de l'univers,
votre souvenir pour votre conservation.
Et croyez à tout le
dévoué le plus entier du ... »
Anatole Durget
Alexain, le 13 février 1919
Cher camarade,
« Je m'empresse
de répondre à ton aimable petite lettre car tu sais, c'est comme tu me dis,
l'on est bien heureux de rentrer dans le sein de sa famille. Mais mon vieux Renaudet, tu me demandes comme l'on a
fait une fois que vous avez été partis, mais je te jure qu'ils ont bien eu de
la misère pour nous faire enlever le tas de terre qui était à la porte de
derrière notre cantonnement et on a accablé de sottises le fourrier et Labite et je te jure que personne n'a
donné la main au lieutenant et l'on a touché qu'un litre de vin mais on a été à
la Coopé avec nos papiers et l'on a eu 20 litres de vin et tu dois penser le
beau travail que cela faisait le soir à la casbah.
Cher camarade, nous
on a parti à 9 heures de la gare et on est arrivé à Mailly à 8 heures le soir
et on est reparti le lendemain à 11 heures et je suis arrivé à Laval le
lendemain à 11 heures le soir et je te jure l'on était comme vous dans des
wagons-lits à cochons, 47 par compartiment, les cabinets, la cuisine, salle à
coucher, tous ensemble enfin l'on est rendu mais j'espère qu'ils n'auront plus
besoin de nous car pour retourner c'est inutile car il n'y a rien à faire car
la récompense est forte pour défendre la patrie.
Cher camarade, je
vais vendredi prochain pour mon pécule et je te dirai un mot plus tard car moi
aussi je veux t'envoyer ce que je t'ai promis mais tu sais il fait trop froid
pour le moment et aussitôt qu'il fera bon je te le ferai passer.
Enfin je pense que
tu dois être comme moi tu dois bien t'approcher toi aussi pour réchauffer la
petite femme car l'on trouve cela pas trop mauvais après nos 4 ans ½ de
paillasse et c'est un peu plus doux.
Enfin je finis en vous souhaitant à tous bien le bonjour ainsi que ma femme et ma petite fille qui se joignent à moi pour vous dire bien des choses. Ton copain qui ne l'oublie pas. »
GALISSON, jardinier à Alexain (Mayenne). (*)
(*) : Joseph Marie GALISSON classe 1897 était bien jardinier à Alexain (recensement 1911) et est passé au 34e RIT le 5
septembre 1917 comme Jules. Sa
fiche.
Cuisia le 16 février 1919
Mon bien cher ami Jules
« Je te
remercie de la grande lettre que je viens de recevoir. Je vois que tu n’oublies
pas tes anciens camarades.
Cher ami, d'après ta
lettre, je m'aperçois que ton voyage a été comme le mien, bien trop long, surtout
avec un froid pareil, mais nous, nous avons parti de Verdun à 11 heures du
matin, et arrivé à Mailly 10 heures du soir, et la même chose que vous.
Ravitaillement de 2 litres de pinard, et pain, boîtes de singe à volonté, et
reparti dans ce beau train de luxe à 2 heures de l'après-midi, enfin pour mieux
te dire, j’ai mis 5 jours pour arriver à ce fameux dépôt de Lons-le-Saunier.
Maintenant je veux
le raconter notre situation après votre départ. REYNAUD au ravitaillement,
bordel de dieu, vaguemestre, moi qui étais si content d'être ordonnance du
Chat-Huant, j’ai encore passé à côté. Figure-toi qu'après le départ de GIGOUT,
notre gros goret et celui du 33 et ce jeune lieutenant de Bar-le-Duc sont
partis en auto visiter Metz, Sedan. Enfin ils ont resté 4 jours.
C'est là qu'ils ont
liquidé le restant du boni. Bande de vaches ! Ils sont rentrés la veille de
notre départ, mais les poignées de main ont été vite faites, nous avons vu
personne. Enfin nous voilà débarrassés de dessous la botte de ces grosses vaches.
J'ai trouvé toute ma
famille à peu près en bonne santé. Quant à moi, ça ne va pas trop mal et
souhaite que ma présente te trouve de même ainsi que ta femme et toute ta
famille.
Nous n'avons pas
reçu la carte envoyée de Mailly, ou GALISSON ne nous l'aura pas dit.
Pour la graine de
tabac, j'ai fouillé tous les tiroirs, j'en n’ai pas trouvé, mais te bile pas,
je m'en procurerai toujours, et aussitôt que j'en aurai trouvé, je me ferai
plaisir de t'en envoyer et l'expliquer la manière pour le mettre en semis.
Au revoir cher ami,
j'ai gardé de toi de bons souvenirs. Reçois de ton ancien copain, une cordiale
poignée de main.
Ton dévoué »
CANARD Élie à Cuisia par Cousance, Jura.
(*) : Marie Elie Philippe CANARD,
classe 1897, qui est arrivé au 34e RIT comme Jules le 5 septembre 1917. Sa
fiche.
Chavornay, le 16 février 1919
« Pardonne mon
écriture, je ne peux plus écrire à l’encre »
Cher camarade,
« Je suis été
très content de recevoir ta lettre ; j’y pensais même ; aussi tu m’excuseras si
je n’ai pas répondu à ta lettre de suite, les travaux agricoles m’en ont
empêché.
Aujourd’hui
dimanche, j’en profite pour te faire une longue lettre. Je commencerai par
notre départ de Verdun qui s'est effectué sans encombre. Nous sommes partis à
l'heure voulue, mais nous n'avons pas vu notre superbe officier, ni le soir et
le matin. Nous n'avons pas eu de temps à perdre pour lui serrer la cuillère (le
noceur et le tombeur de femmes !) ; c'est fini, n'en parlons plus. En revenant
sur notre départ, je te dirais que nous avons, en cours de route, perdu seize
wagons, par suite de rupture d’attelage ; et peu s'en est fallu qu'une
catastrophe ne soit arrivée. Le tout s'est produit avant d'arriver à la gare
d'Ille-sur-Tilly, dans la Haute-Saône. Nous avions deux machines à notre train
: une conduite par deux Américains et l'autre par deux boches. Tu ne peux te
figurer les secousses que nous avons reçues.
A la gare que je
t'ai énuméré ci-dessus, on a garé notre train pour retourner chercher le
restant, ce qui nous a valu un retard considérable. L'officier gui commandait
la garde de police du train, a fait changer de machine et d'employés, ce qui
nous a permis d'arriver sans encombre à Lyon, et de là à mon dépôt. Donc, pour
en finir, je suis parti comme tu le sais, le 29 janvier, pour arriver chez moi,
le 1e février au soir.
Maintenant nous
allons parler de nos affaires personnelles car elles sont plus conséquentes. Je
pense que toute ta famille se porte bien et que tu es bien remis de toutes tes
émotions de la guerre. Quant à moi, je ne peux m'en faire encore une idée : je crois
que je suis en perme, mais je pense que ça passera avec le temps et les
travaux. Quant à la famille, tout le monde va bien pour le moment. Le petit
garçon (et non une fille car elle n'est pas commandée) est un petit diable. Je
t'en souhaite un pareil. Quant aux graines de tabac, tu t'étais trompé : ce
n'est pas à moi que tu l'avais dit; aussi, je m'en
inquièterai si je peux en avoir, mais c'est difficile, on n'en cultive pas chez
nous.
Donc je te quitte en
l'envoyant bien le bonjour ainsi qu'à ta famille ; la mienne se joint à
moi pour t’envoyer une cordiale poignée de main. »
REYNAUD Marius Chavornay par Artemare, Ain.
(*) : François Marius REYNAUD, classe 1897, habitait au lieu-dit de Charaillin à Chavornay. Lui aussi arrivé au 34e RIT le 5 septembre 1917.
Sa
fiche.
Maisoncelle, le 22 juin 1919
Mon cher Jules
« Le temps te
dure de rien à recevoir comme nouvelles de moi. Toujours comme à l'habitude, jamais
pressé. Enfin, malgré toute la misère, on s'est arraché de cet enfer où bien
des fois, on l'a échappé belle. La Champagne, la cote 304, le fameux moulin Hautcourt, le Godat en Alsace,
bombardement qui a duré huit jours avec gaz et Roulers, le plus terrible ; là,
on nous avait placés avec la vague d'assaut. Après, les avions pendant huit
jours.
Puis l'armistice fut
prononcé. La vie a commencé à renaître. Les deux mois en Allemagne ont été bien
(à part les marches). Et le 27 février, ils nous ont expédiés. Je crois qu'ils
n'avaient plus rien à nous donner ; sans cela, on y serait bien encore.
Enfin, Dieu merci,
je crois que tout de même que c'est fini pour nous ; demain le traité doit
se faire. Il y aurait bien encore quelques chances qu'ils seront encore obligés
de tirer les ficelles du canon pour les faire signer. Il n'en sera rien ;
ils ne peuvent rien faire avec toutes nos troupes qui sont prêtes à faire
feu ; et chez eux, le désordre en plein. Alors, d'ici quelques jours, le
traité se fera puis ce n'est pas trop tôt, et n'en parlons plus.
Parlons un peu du
temps. La chaleur règne à faire tout perdre. On a serré le foin, et du bon. La
récolte était assez bonne ; les blés étaient beaux, mais la sécheresse
emporte tout ; il y aura très peu de paille et le plus fâcheux, c'est que nous
ne pourrons pas planter de choux ni de betteraves. Le bétail sera malheureux.
Enfin c'est bien rare que l’on n’en ramasse pas pour manger ; les vignes sont
belles, on boira un coup de plus.
Toute la famille se
porte bien et se joigne à moi pour vous souhaiter un grand bonjour à tous.
Bonne chance et bonne santé.
Bien à toi et la
famille. »
Xavier POIRAULT Maisoncelle par Assais, Deux Sèvres. (*)
(*) : Aucun Xavier POIRAULT au recensement 1906 de Maisoncelle (Assais) mais seulement
un Eugène POIRAULT classe 1896 qui est listé ci-après à la 2e CM du 67e RIT). Erreur
de retranscription ?
Saint Porchaire,
le 24 juin 1919
Cher camarade,
« Je fais
réponse à te lettre que j’ai reçue le dernier jour de la semaine dernière avec
grand plaisir. Dons tu m’excuseras si je ne t’ai pas fait réponse plus tôt.
Car de ce temps,
l'on est bien plus chanceux et pressé pour le travail avec les foins, que nous
étions, étant à Verdun, aussi bien comme partout ailleurs dans ce triste
métier, malgré que l'on se faisait bien trop de bile
tous ensemble. Tu me parles ainsi d'aller vous voir pour aller voir la foire de
Coulonges. Mais pour la saison que nous sommes, je ne
peux rien te le promettre. Pour toi, fais donc ton possible pour venir à la
foire Saint Jacques prochaine. On mettrait la journée ensemble. Puis tu
viendrais me voir aussi en la journée car tu sais bien que c'est proche de la
ville.
Puis je viens
d’apprendre la nouvelle que la paix est signée. Puis ce n’est pas trop tôt.
Cher copain, je
termine en te souhaitant bien le bonjour ainsi que toute la famille. »
Ton camarade PIGNARD Joseph à Saint Porchaire, Bressuire (Deux-Sèvres).
Composition de la 2e section de
mitrailleurs du 67ème régiment d’infanterie territoriale
Après recherches certains noms écrits dans le carnet ont été complétés
volontairement de leur prénoms
Commandant de compagnie : lieutenant PREZOT
AUDEBRAN Ernest le Grand Mesnil à Channay (Indre-et-Loire)
BAUJEAU Georges, Boismé par Bressuire (2 Sèvres)
BICHON Désiré Ningodière de Saint-Loup-sur-Thouet (2 Sèvres)
BOUVRON Désiré Gustave par Fors (2 Sèvres)
CAILLON Alfred, Saint Maxire par Niort (2 Sèvres)
CHOTARD lieutenant, 73 rue Saint Gelais à Niort (2 Sèvres)
DESFRANÇOIS Henri d’Airvault (2 Sèvres)
DIGUET Henri André la Gibaudière de Saint André la Forêt sur Sèvre (2 Sèvres)
DUBOIS 28 rue Porte Saint Jean à Niort (2 Sèvres)
GEAY Louis, la Barre de Cherveux (2 Sèvres)
GEORGET Joseph caporal, Châtillon sur Sèvre (2 Sèvres)
LANDRAU Félix, les Echaubrognes par Maulévrier (Maine et Loire)
LETANG Villiers en Plaine (2 Sèvres) Aucun LETANG
aux recensements disponibles (1906 et 1936) mais 2 frères sont identifiés à St Pompain, à proximité, sans pouvoir déterminer celui qui
était à la CM
LIAIGRE Henri Victor de St Aubin de Baubigné, Châtillon sur Sèvre (2 Sèvres)
MOREAU Xavier, l'Ardoise de la Ferrière (2 Sèvres)
POIRAULT Eugène caporal, Maisoncelle par Assais (2 Sèvres)
POIRON Victor Armand Fidèle, Les Aubiers (2 Sèvres)
POUZINEAU Marie Clément Baptiste, la Poterie de la Chapelle Thireuil (2 Sèvres)
RAUD Victor Louis Désiré, la Mingotière de Fenioux (2 Sèvres)
RENAUDET Jules, la Chapelle-Thireuil (2 Sèvres)
RICHER Joseph, la Coursaudière de Vasles (2 Sèvres)
VERGNAULT Auguste, 79 rue de Strasbourg à Niort (2 Sèvres)
VINATIER Eugène Silas à la Foye Monjault (2 Sèvres)
VINATIER sergent, 20 rue du 4 septembre à Niort (2 Sèvres)
Le sergent Clément Pierre VINATIER sera tué à l’ennemi près de Massiges en février 1917. Sa
fiche.
Contacter le propriétaire du carnet de Jules RENAUDET
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