Carnet de guerre de Charles SÉVERAC

Sergent au 215e régiment d’infanterie

 

 

Mise à jour : février 2019

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Description : Charles Séverac aout 1914

 

Charles SÉVERAC (1891-1957) en août 1914

 

 

Prélude

Charles Édouard Aimé SÉVERAC est né à Appelle (Tarn) en décembre 1891. En 1911, il est étudiant commis des PTT. Il fait son service militaire au 15e régiment d’infanterie en 1912-13 et finit sergent. Il intègre logiquement le régiment de réserve du 15e RI, le 215e RI, qui fait partie de la 66e division d’infanterie

 

Les noms de villages ont été corrigés – J’ai ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit. Certains noms de village ont été soulignés volontairement, il s’agit des lieux où passe réellement Charles SÉVERAC. Merci à Étienne pour le carnet de son arrière grand-père.

 

En 2013, ce carnet a été l’objet de recherches et d’analyses par Nicolas C. étudiant en Édition à l’Université Rennes 2.

 

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Début du carnet

15 août 1914 :

Embarquement à 1h30. Narbonne 11h30 (Repas). Sète (15h30).

Vin à volonté sur le quai.

Nîmes 19h00

16 août 1914 :

Lyon 5h.

Ici rencontre d’un convoi de blessés venant d’Altkirch : ils nous affirment que les Boches fuirent devant les baïonnettes françaises.

Ambérieux 7h00 – BourgBesançonBelfort 19h00.

A 22h, le régiment sous une pluie fine traverse la ville et prend la direction de la trouée de Valdieu.

 

(*) : Le JMO dit que le 6e bataillon arrive à 19h00 à Belfort, alors que le 5e y est arrivé à 14h00. Charles est donc du 6e bataillon.

17 août 1914 :

Petit croix vers 2h00.

Nous mangeons en popote (Vin à volonté). Les paysans racontent qu’un régiment de réserve a été surpris par les Boches alors qu’ils faisaient la soupe (!).

Couche sur la paille, suis très bien

/ Correspondance / lettre / carte /

18 août 1914 :

Départ 5h30 : Montreux : un vieux paysans a arboré sa médaille de 70 et nous lève la casquette - Valdieu  - RetzwillerBuethwiller (Rencontre BRUGIÉ).

Vire rare, mauvais cidre à 1.50 – pluie

/ 1 Carte /

19 août 1914 :

Départ 5h30. Balschwiller. Eglingen : rencontre 12ème chasseur à cheval portant des casques allemands. Brouillard épais. Nous remontons la vallée de l’Ile et allons contourner dans les faubourgs sud de Mulhouse.

Vers 8h00, fusillade en avant. La colonne s’arrête. Passent deux cavaliers revenant avec leurs chevaux percés de balles. Nous repartons. Froeningen : on amène 4 prisonniers dont un officier, sur le bord de la route, gît un Boche mort.

2km plus loin, la fusillade crépite, nous nous arrêtons, approvisionnons nos armes et repartons en colonne par 4 (!). Tout d’un coup, sans nous y attendre, nous sommes inondés d’obus. L’ordre est donné de se porter à l’abri des maisons du village de Didenheim.

Je m’élance pour traverser l’espace découvert mais je me couche plusieurs fois le nez fouillant la terre : tout le monde est émotionné et sans haleine ! Je bondis de nouveau, mon sac sur la tête est traversé par une balle de mitrailleuse.

Ouf ! L’abri est atteint : l’émotion est passée.

 

Vers 13h00, l’ordre est donné de se masser et de monter à l’assaut : il faut passer sur un pont balayé par les mitrailleuses. Deux fois, nous nous engageons sur le pont mais un mouvement de recul nous oblige à revenir en arrière. Quelques fractions ont pourtant atteint la prairie.

Je me retire derrière les maisons avec une demi-section et me joins à celle d’un lieutenant. Le duel d’artillerie est colossal, la mitraille crache dur. Je me porte légèrement en avant pour tacher de voir où est ma compagnie et je vois le capitaine porté par un homme blessé. Je me précipite et le prends sur mes épaules, un brancard et on l’emporte.

Le combat a duré jusqu’à la nuit et a été très meurtrier. L’officier qui m’a pris sous son ordre me trouve un cantonnement pour mes hommes.

 

Quant à moi, je me rends chez des Alsaciens qui m’offrent la lumière et le gîte et me font boire du café au lait et du « schnaps ». Là je rédige mes impressions sur la journée.

Notre artillerie a sauvé la situation et a obligé l’ennemi à se retirer avec de fortes pertes. Nous avons 50 morts et 200 blessés. (*)

Presque aucun homme n’a tiré un coup de fusil.

 

(*) : Les chiffres sont presque exacts (JMO)

20 août 1914 :

Lendemain de bataille – Nous saluons les morts – Nous faisons la popotte sur le champ de bataille –

Le 7ème corps nous dépasse (ils ont fait 300 prisonniers du côté de Mulhouse).

Les officiers d’artillerie sont allés sur les coteaux de Brunstatt où était portée l’artillerie boche : là tout est anéanti. Ils ont ramené 24 pièces et 50 chevaux. Il parait que l’armée ennemie est retirée dans la forêt de Hardt où ils nous attendent.

Nous cantonnons à Didenheim. Avant la soupe, nous trinquons aux malheureux qui ne sont pas revenus ! Un régiment de chasseur à cheval, emmenant quelques prisonniers, prétendent qu’il n y a aucun boche dans la Hardt et que Colmar est pris.

21 août 1914 :

Notre régiment stationne encore sur le champ de bataille où le génie fait des retranchements.

 

Vers 14h, un orage nous inonde.

 

A 15h, nous partons dans la direction ouest, on rencontre des troupes de toutes armes.

 

A 17h, Heimsbrunn où nous cantonnons.

Les paysans nous racontent que les boches sont des barbares, qu’ils ont tout saccagé ici. On ne trouve ni de vin ni de victuailles. Heureusement que le ravitaillement fonctionne bien.

22 août 1914 :

Brouillard épais et froid. On entend le canon du côté de Colmar. Des troupes actives nous dépassent, je crois que nous sommes réserve d’armée. On apprend que Metz serait investi et que les allemands auraient été écrasés à Dinant (!).

 

A 17h, je prends les avant-postes en avant du village d’ Heimsbrunn – Nuit très froide.

23 août 1914 :

Brouillard épais et froid.

Notre général de division est relevé parait-il, pour ne pas avoir assez pris de précaution dans la marche en avant du 19.

Après le brouillard, chaleur accablante. Je contemple les Vosges à ma gauche et la plaine de la basse Alsace qui s’étend devant moi.

Pas de ferme mais de gros villages dans la campagne boisée, a peu de distance l’un de l’autre. On voit les églises de Mulhouse et les hauts fourreaux. Je viens de terminer ce service d’avant-poste et je rentre au cantonnement d’Heimsbrunn.

 

Il parait que nous partons à 18h.

Contre-ordre : nous ne partons que demain matin pour une direction inconnue.

 

20h, des camions portent un aéro allemand, le parc d’aviation de Mulhouse a été anéanti.

 

(*) : Le général VOIRHAYE, commandant la 66e division d’infanterie (celle du 215e RI) sera relevé de ses fonctions le 27 août. Remplacé par le général MAZEL, ancien commandant par intérim de la 8e division de cavalerie. Il est limogé…

24 août 1914 :

Heimsbrunn – Faisons l’exercice dans les champs. Passons par la grande route de Mulhouse à Belfort – Des autos contenant des blessés et des prisonniers boches.

Un beau soleil oblige ma personne a faire la lessive.

 

Départ 21h - J’ai avalé 5 ou 6 patates sans pain ni sel - Nuit noire – je crois que nous allons vers l’arrière.

/ 2 Cartes /

25 août 1914 :

Petit-Croix – Dure étape – arrivons au jour – 4 œufs à la coque et je vais me reposer.

26 août 1914 :

Départ 5h pour Montbéliard.

Toute la division se retire en arrière. Pourquoi ? Il parait que nous embarquerions pour aller en Lorraine.

Châtenois, Sochaux ; sur tout le parcours, grand enthousiasme des populations qui nous offrent des fleurs, du vin, de la bière. Cela faisait 8 jours que je n’avais pas bu un quart de vin.

Aussi, l’estomac a repris des forces et j’arrive dispos à Montbéliard. Ici la population nous offre au passage des cartes, du café. Nous allons cantonner au château.

/ Plusieurs cartes /

27 août 1914 :

Montbéliard.

Pluie continuelle – repas du soir dans un restaurant devant lequel j’ai fait queue depuis 17h pour manger à 18h ¾ : quel régal !

/ Cartes, Lettres /

28 août 1914 :

Montbéliard.

Exercice matin et soir comme en temps de paix – Après la soupe, c’est un réel plaisir de boire quelques choppes de bière.

/ Cartes, Lettres /

29 août 1914

Montbéliard

Exercice matin et soir – On ne se croirait vraiment pas à la guerre avec cette vie de caserne.

/ Cartes, Télégramme à 18h /

30 août 1914

Montbéliard

Aujourd’hui dimanche marche – manœuvre de 30km du côté de la frontière suisse – A 15h, corvée de lavage à la rivière. Il parait que nous repartons demain matin et mon linge est tout mouillé

1 septembre 1914

Morvillars.

On s’occupe des travaux de fortification sur la rive gauche de l’Allaine. Popote : sommes très bien et buvons du bon vin à 0,70. Cette nuit, je couche chez un particulier. Ça va être délicieux.

2 septembre 1914 :

Morvillars.

Ce matin, marche dans les bois, ce soir travaux de retranchement – Quant à moi, je suis de jour et en profite pour aller taquiner le goujon dans l’Allaine. Depuis quelques jours, il fait beau.

Je suis très bien nourri et dors bien. Ça ne durera pas longtemps. On lit les journaux !

/ 2 Cartes /

3 septembre 1914

Morvillars.

Travaux habituels – Toujours confortable – Chaude journée.

/ 2 Cartes /

4 septembre 1914

Morvillars.

Même journée qu’hier.

/ 1 Carte /

5 septembre 1914 :

Morvillars.

Ce soir, je suis de garde sur une route donnant accès au village. La nuit promet d’être froide et il faut rester dehors sous une haie.

Un cycliste m’apporte un ordre : départ de Morvillars demain matin à 3h. Un moment après j’étais relevé pour aller me reposer.

6 septembre 1914 :

Arrivée à 10h à Courtelevant (à 2km de la frontière suisse) par Fesches-le-Châtel et Delle.

Belle journée. Pas de vivre dans ce village (pas de carte postale), la vie dure va recommencer.

Les patrouilles cyclistes cantonnées ici ont aperçu quelques troupes ennemies dans les bois de la Haute Alsace du côté de la Ferrette.

Je me suis débrouillé pour manger avec d’autres sous-officiers chez un particulier. Il parait que nous sommes ici pour quelques jours. Contre ordre. J’ai juste le temps de manger une soupe à l’anis.

 

A 18h, nous arrivons à Réchésy (4km plus loin), on ne trouve que des gâteaux.

7 septembre 1914 :

Départ à 7h. La compagnie est avant-garde. Le bataillon va en reconnaissance à une quinzaine de kilomètres dans la Haute Alsace. Pays très boisé.

PfetterhouseMoos – Retour à Réchésy à 17h – mange en popote.

/ 2 Cartes /

8 septembre 1914 :

Réchésy – Bon café au lait – Nous repartons pour Courtelevant.

/ 1 Lettre /

9 septembre 1914 :

Courtelevant – On ne trouve rien ici sauf du lait – Reçois une carte me rassurant enfin sur Ernest, allé à Poitiers.

/ 1 Lettre /

10 septembre 1914 :

Courtelevant – Je passe sergent haut-le-pied à la 2ème section (Adjudant BRAS). (*)

Le bataillon se déplace ce soir pour prendre la réserve des avant-postes à Lepuix (5ème nord-ouest).

Avec ma demi-section, je prends le service dans une ferme où je me fais réparer un bon bol de lait. Ouf !

Un coup de feu.

Je rassemble mes hommes dans la tranchée. Je vais interroger la sentinelle : elle a tiré sur un chien !

/ 1 Lettre /

 

(*) : Sergent haut-le-pied ? Un internaute c’est à quoi correspond cette fonction ?

11 septembre 1914 :

A 3h, l’ordre est donné de quitter le village – DelleMorvillarsDanjoutin (parcs à bestiaux) – Belfort – Ici je rencontre le fils du capitaine ROBIN.

A 16h seulement, nous arrivons à Valdoie.

Dure étape de 35km. Je vais boire un bon café et vais me coucher sur les planches.

/ 3 Cartes, 1 Lettre /

12 septembre 1914 :

Départ à 4h – Giromagny – Ballon d’Alsace, pays charmant et pittoresque mais la côte est dure et la pluie tombe continuellement.

En route, le capitaine nous lit une note disant que les Allemands reculent sur toute la ligne et que nous avons pris l’artillerie d’un corps d’armée.

 

Arrivée à 16h à Saint Maurice. Nous allons cantonner dans une ferme sur la montagne. Il pleut toujours. Heureusement, je peux me changer et faire sécher mes effets. Très pénible étape de 35km !

/ 2 Cartes /

13 septembre 1914 :

Départ à 4h – Le ThillotCornimontLa Bresse.

Dure étape de 25km qui aurait été d’un charme infini si un ouragan n’avait pas soufflé toute la journée nous arrosant de pluie et de grêle. Nous arrivons les pieds dans l’eau et mouillés jusqu’aux os.

Suis chez de bonne gens chez qui je me restaure et fais sécher mon linge.

/ 2 Cartes /

14 septembre 1914 :

Départ à 5h – GérardmerLongemer – Pluie continuelle, nous sommes encore mouillés jusqu’aux os. Nous sommes cantonnés dans une ferme en pleine montagne. On allume des feux et fais sécher son linge.

Très dure étape à cause du mauvais temps. Lait et fromage.

15 septembre 1914 :

Départ à 7h – Et toujours la pluie, c’est dégoûtant – Gerbépal – Il fait un froid de loup. Coliques. Je vais entamer la boite de Küb gardée avec soin.

/ 1 Lettre /

16 septembre 1914 :

Gerbépal – Repos.

Je fais ma petite lessive. Il ne pleut plus mais le temps est nuageux. On voit passer beaucoup de gens qui réintègrent leur domicile.

Je suis désigné pour commander la 1ère demi section d’éclaireurs du bataillon.

17 septembre 1914 :

Gerbépal – Exercices.

Je n’y assiste pas m’étant fait porter malade pour coliques (purgé). On ne trouve rien comme vivre ici ni comme papier pour correspondance.

18 septembre 1914 :

Gerbépal – Il a fait un vent de tous les diables la nuit dernière. Le froid commence d’arriver ici.

Pas de papier pour écrire. PAGO le fait pour moi.

Ce matin exercice d’éclaireur. On entend le canon dans la direction de Saint-Dié. De l’endroit où nous sommes, on voit tomber les obus. Le bruit court que nous irions occuper les cols.

19 septembre 1914 :

Gerbépal – Pluie toute la journée – Théories, revues, nettoyage.

/ 1 Carte /

20 septembre 1914 :

Gerbépal – Pluie continuelle, temps froid.

 / 2 Cartes /

A 11h départ.

La section a failli être foudroyée : la foudre est tombée sur la route à 20m devant nous. Quelle secousse !

AnouldFraizePlainfaing – Ces deux derniers villages ont subi les effets du bombardement. Cantonnons à Plainfaing.

Trouve du vin (Joie !).

/ Cartes /

21 septembre 1914 :

L’ordre arrive dans la nuit de prendre l’offensive vers le nord, mais les boches s’étant repliés, il y a contre-ordre.

Départ à 6h30.

Au bout de 6km de marche dans la vallée de la Meurthe, nous arrivons sous une pluie fine à Habeaurupt. On trouve encore du vin (0,80), du lait, du fromage.

Il parait que nous allons prendre les avant-postes du côté du col du Bonhomme.

 / 2 Cartes /

22 septembre 1914 :

Départ à 6h pour prendre les avant-postes du col du LouchpachLe Rudlin.

Nous grimpons par un sentier abrupt. La compagnie s’installe dans une ferme abandonnée sur le chemin frontière d’où l’on peut se porter aux tranchées.

Première journée : Il fait très froid, la grêle tombe par intermittence. Les obusiers boches situés à 10km de là nous lancent des « marmites » qui font beaucoup de bruit mais qui n’arrivent pas jusqu’à nous.

 

A 12h, je fais partie d’une patrouille qui doit se porter 3km en avant des tranchées. Quelques chasseurs alpins sont avec nous (effectif 20 hommes). Nous marchons toujours sous bois pendant 3h. Nous arrivons enfin à une lisière de bois où nous fouillons une ferme où les boches se rendent chaque jour pour prendre du lait.

Au bout d’un moment, les obus (marmites) sifflent au-dessus de nos têtes et vont tomber 2km en arrière de nous. C’est un réel plaisir d’entendre le sifflement, on dirait un pigeon volant au-dessus des sapins.

Bientôt, le sifflement devint plus strident et les obus éclatent plus près.

Nous repartons à la ferme de départ. Les marmites nous serrent maintenant de plus près. Sic ! A terre ! La marmite éclate à quelques mètres devant nous et fait un trou de 2m de diamètre. Sic ! Sic ! Encore plusieurs autres. Encore quelques pas et nous arrivons hors de portée.

Tout le monde est indemne. Nous en avons été quittes pour un peu de frayeur !

/ 1 Carte /

 

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Cet épisode est relaté dans le JMO du régiment.

23 septembre 1914 :

Deuxième journée : La nuit a été très froide et je plains les hommes qui ont du passer 6h dans les tranchées. Pour ma part, je n ai pas dormi de la nuit tellement je grelottais. D’ailleurs, je m’étais pendant la patrouille et … interdiction d’allumer des feux

Le soleil se montre. Les obusiers tient mais pas dans notre direction.

 

A 11h, départ pour une reconnaissance. Nous échangeons 4 ou 5 coups de feu avec une patrouille boche qui se retire. Nous ramenons de la ferme Violette toute une famille soupçonnée avec leurs bestiaux.

Les obusiers n’ont heureusement pas tiré.

 

Retour 19h – Nuit noire.

24 septembre 1914 :

Troisième journée : Nuit très froide.

 

A 7h, je repars en reconnaissance à la ferme Mielos. Nous allons enterrer un fermier tué par une marmite.

Retour à 9h30.

 

Départ à 10h. Le 5ème bataillon vient nous relever et nous redescendons à Habeaurupt pour nous reposer. Nous recevons quelques hommes du dépôt. On s’informe des nouvelles du pays. (*)

Vu CHAMAYAN Marc, et de mes camarades de mon escouade de l’active qui ont été blessés du côté de Lunéville.

/ 1 Lettre /

 

(*) : Le régiment reçoit 330 hommes.

25 septembre 1914 :

Habeaurupt – Nous faisons nos provisions de « Schnaps » et de fromage avant de partir aux avant-postes. On entend les obusiers plus près.

En effet, on nous annonce que la ferme du col de Lonspach, où nous étions, a été « marmitée ».

/ 2 Cartes /

26 septembre 1914 :

Départ à 6h pour prendre les avant-postes au col du Bonhomme. Il fait très beau. Nous passerons deux jours dans des tranchées sous les immenses forêts de pins.

Vers 10h, une trentaine de marmites sifflent au dessus de nos têtes. Temps froid – Nuit Noire.

 

A 20h, j’organise une corvée d’eau car le jour, on pourrait recevoir des marmites. Je me rends à une ferme frontière occupée par les alpins et située sur la route de Fraise au Bonhomme.

Je suis de veille et je passe la nuit appuyé contre un pin.

27 septembre 1914 :

Deuxième journée au Bonhomme :

Vais avec ma demi-section à un petit poste avancé à une lisère de bois. Nous sommes à 2000m des tranchées boches. Toute la journée, nous entendons une vive canonnade à gauche. Plusieurs marmites sifflent au dessus de nos têtes.

28 septembre 1914 :

Troisième journée au Bonhomme : La nuit a été très froide mais elle s’est passée sans incident.

 

A 10h, nous somme relevés et nous redescendons à Habeaurupt par le Rudlin.

Vite je cours acheter des fromages. J’avale un bol de lait et vais me coucher.

29 septembre 1914 :

Habeaurupt – On s’inquiète de ne pas avoir de vin. J’en trouve du vieux à 2,50.

On raconte que nos grosses pièces vont venir au col. Quel plaisir de manger une soupe chaude bien assis sur une poutre en bois.

On nous annonce que l’armée de Kronprinz a été coupée, Saint Dié a été repris par les Allemands mais c’est une petite affaire.

Je suis sans tabac depuis quelques jours.

/ 1 Carte /

30 septembre 1914 :

Départ à 6h pour les avant-postes.

Heureusement, c’est notre tour d’être réserve et nous restons au bas du col, dans la vallée à Le Rudlin.

Il fait très beau mais le vent est froid.

/ 2 Cartes /

1 octobre 1914 :

Le Rudlin – Ordre est donné de manger la soupe à 8h30.

Départ à 9h30 en reconnaissance (1 section). Nous fouillons la ferme abandonnée « Mathieu » ou nous emportons une trentaine de fromages. Je pousse une pointe jusqu’à la ferme Violette. Rien à signaler.

Heureusement que le retour n’a pas été marmiteux.

 

Rentrée à 18h. J’avais l’estomac dans les talons.

Belle excursion sous forêt.

2 octobre 1914 :

Habeaurupt – Nous revenons en arrière pour le repos.

Il est vrai qu’au Rudlin, ça n’a pas été très pénible hormis la patrouille d’hier.

/ 1 Lettre / 1 Carte /

3 octobre 1914 : 

Habeaurupt – Exercice en veste ! (Quel froid !). On reçoit comme nouvelles que les boches reculent toujours et qu’ils ont passé la Meuse.

Ici, la situation ne change pas.

/ 1 Carte /

4 octobre 1914 :

Alerte à minuit.

Par un brouillard épais et un vent glacial, nous atteignons à 4h le Lac Blanc où la compagnie va prendre les avant-postes. Depuis le matin, nous restons couchés sous des sapinettes et grelottons.

On entend des coups de feu (patrouille).

 

A la nuit, nous rejoignons la ferme Immerling.

5 octobre 1914 :

À 4h, nous quittons la ferme et revenons sous bois qui exhalent un parfum merdeux.

Ma section prend le service à une tranchée. Nous sommes là jusqu’à demain matin 4h. D’où nous sommes, on aperçoit la vallée d’Orbeck sur le versant allemand.

Il fait beau mais nous souffrons du froid aux pieds.

Des individus sortant d’une ferme à 1000m en avant se cavalent lorsqu’on leur tire deux coups de fusil. Vive canonnade à gauche et mitrailleuse jusqu’à 17h.

6 octobre 1914 :

La nuit a été affreuse – Vent glacial et pluie fine (pas d’abri).

 

À 5h, on nous relève et par un sentier baveux et difficile, nous gagnons le Lac Blanc (hôtel) où nous venons nous reposer. Cet hôtel au début de la campagne a été pris d’assaut par les alpins ; ce fût une marmelade dans les pièces où l’on se battit à la « fourchette ». Amas de bibelots un peu partout en désordre.

Cet hôtel devait être d’un luxe et d’un confortable sans pareil. Autour de l’hôtel sont plusieurs tombes où dorment boches et français. (Altitude 1080m).

7 octobre 1914 :

À 4h, nous nous portons à une ferme sur la descente de la vallée allemande pour y prendre le service pendant 24h.

On est bien dans le foin mais, comme partout, il ne faut pas sortir car la maison est repérée par les obusiers.

Temps froid, épais brouillard.

 

À 12h, le soleil se montre. Quelle joie de pouvoir causer au soleil et regarder le beau panorama par une lucarne.

Les cuisiniers font la soupe à l’hôtel et nous apportent un bouillon chaud à la tombée de la nuit.

/ 1 Carte /

8 octobre 1914 :

Nuit froide.

A 4h, on nous relève. Nous repartons aux emplacements du 4 octobre. Toute la journée nous restons couchés sous les sapins sur un tapis de mousse gelée.

 

A midi, le soleil se montre et nous réchauffe.

 

A la nuit, je pars avec une escouade visiter deux fermes abandonnées où les boches étaient venus l’après-midi.

Rien à signaler.

 

A 19h, nous nous retirons à la ferme Immerling.

/ 1 Carte /

9 octobre 1914 :

Reprenons à 4h notre poste à la tranchée ou je suis détaché à une tranchée isolée avec l’escouade.

La journée est magnifique. On aperçoit dans le lointain les sommets arrondis de la forêt noire et la vallée du Rhin au dessus de laquelle flotte un brouillard argenté.

 

A 15h, fusillade à 400m à droite. Je fais prendre renseignements : une patrouille boche s’est avancée trop près de nos lignes.

Nuit pas trop froide.

10 octobre 1914 :

Retour à 5h à l’hôtel du Lac Blanc pour y reposer.

Le brouillard coule, la température se refroidit. Je bois un bouillon bien chaud et fais la sieste.

Il parait que le 17 nous descendrons nous reposer 5 jours à Habeaurupt. Ce ne sera pas trop tôt.

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11 octobre 1914 :

Nuit troublée.

Vers 1h, une sentinelle casse un carreau et crie « aux armes ». Vous jugez de cet émoi et de cette pagaille ! Sans lumière, on s’équipe et on sort par une seule porte. Quelle colonne ?

Enfin on respire un peu mieux lorsqu’on apprend que c’est une fausse alerte : la sentinelle avait entendu passer … un convoi de mulets et croyait que c’était les boches qui montaient par les rocs.

 

A 4h, nous allons prendre le service à une ferme en avant du lac.

La ferme est habitée, on y trouve du lait et du fromage. Bonne chère au repas du soir, mangé autour d’une table (chose rare) : soupe aux choux, bouilli, frites, beurre, rôti, vin et café.

Quel bonheur de gouter parfois des plaisirs qui ressemblent à ceux du chez-soi. C’est vraiment trop pour nous qui sommes habitués à faire 4 repas consécutifs parfois avec 4 morceaux de bouilli.

/ 1 Carte /

12 octobre 1914 :

Minuit : ‘Aux armes !’.

On sort rapidement, on entend une fusillade nourrie dans le ravin.

Plus rien. On réintègre la grange jusqu’au matin 4h à la relève. Nous nous portons en arrière à une ferme près du lac.

Très belle journée.

/ 1 Lettre / 1 Carte /

13 octobre 1914 :

Je n’ai pas passé une très bonne nuit avec des maux de ventre. Aussi vais-je à l’hôtel où je me repose avec une purge. Ce jour de repos absolu m’a remis sur pied et je pourrai reprendre du service dès demain.

/ 1 Carte /

14 octobre 1914 :

Me voila de nouveau sur pied.

Dès 6h, je rejoins ma section qui stationne dans la forêt. Avec PAGO, nous faisons la sieste.

 

Vers 16h, duel d’artillerie de montagne : les obus sifflent au dessus de nos têtes pour aller tomber sur la crête derrière l’hôtel.

Nous rejoignons à la tombée de la nuit la ferme ‘Immerling où nous cantonnons.

 

A 20h, le capitaine me fait partir en patrouille avec 10 hommes.

Nuit noire. Rien à signaler.

15 octobre 1914 :

Dès 4h, ma section va prendre le poste extrême du 5. Chacun son tour.

Belle journée.

 

Dans la nuit, nous avons eu la visite de deux patrouilles boches qui se sont repliées en vitesse aux deux premiers coups de fusil des sentinelles.

(On peut envoyer de la correspondance car les cuisiniers qui viennent apporter la soupe nous l’emporte).

/ 1 Carte /

16 octobre 1914 :

Hôtel du Lac. Belle journée. C’est le dernier jour où nous restons sur les hauteurs. Demain, nous redescendons à Habeaurupt nous y reposer 5 jours.

Au poste où j’étais hier, 2 patrouilles se sont rencontrées. Les boches ont eu 4 tués et nous 1.

/ 1 Lettre / 1 Carte /

17 octobre 1914 :

Habeaurupt – Départ à 5h.

Descente rapide par les sentiers abrupts.

A 8h, nous sommes rentrés au cantonnement : quelle joie de se reposer à l’abri des éventualités qui se produisent là-haut.

18-19-20-21 octobre 1914 :

Habeaurupt – On trouve du vin, du ‘schnaps ‘ et quelques conserves.

Un camarade nous prépare un riz au lait vanillé que nous arrosons de champagne. Temps doux avec brouillard.

/ 2 Lettres / 3 Cartes /

le 21 avant de monter aux avant-postes, réveillons avec PAGO et autres sous-officiers.

22 octobre 1914 :

Départ 1h.

Nous sommes bien chargés et le chemin est pénible.

Nous allons prendre le secteur à la gauche du Lac Blanc. La nuit est très noire et on a peine à suivre les camarades car on risque de glisser dans les ravines. Je vais prendre position au ‘poste de douane’.

Je dirige deux patrouilles et ne rencontre rien.

23 octobre 1914 :

À 5h, je suis relevé.

Une heure après, une reconnaissance allemande tombait sur le poste (nous avons 1 blessé). Nous occupons une ferme en arrière où nous viendrons nous reposer une nuit entre autre (Ferme Tinfronce).

 

A 18h, nous apprenons la mort du camarade blessé le matin.

 

A 19h, nous entendons une violente fusillade. Le capitaine m’envoie aux renseignements.

Le même poste a été attaqué de nuit (nous avons 1 mort).

Il fait nuit noire et je regagne la ferme non sans avoir ramassé quelques bûches.

/ 1 Carte /

24 octobre 1914 :

Suis placé aux avant-postes au poste central qui n’est pas très dangereux – Rien à signaler.

25 octobre 1914 :

Reste à ce poste pour remplacer un sergent fatigué. Nous touchons une couverture et le sac s’alourdit.

Ce soir, je serai relevé et irai passer la nuit à la ferme.

/ 1 Lettre / 1 Carte /

26 octobre 1914 :

Après une bonne nuit de repos, je reprends le poste de douane.

Toute la journée, la brume est jetée par un vent froid. Maintenant le poste est organisé à merveille et je me sens tranquille dans les tranchées derrière les réseaux de fil de fer. Mes hommes confectionnent une cave recouverte de rondins et terre où nous serons à l’abri du froid et des obus.

 

A 20h, un coup de feu. Tout le monde est prêt et j’écarquille mes yeux pour interroger l’obscurité. Rien. Je me renseigne : un caporal a trébuché et a fait partir le coup.

Tout s’est passé normalement.

27 octobre 1914 :

Ferme Tinfronce pour le repos – temps froid et pluvieux. Après la soupe du soir, manille.

28 octobre 1914 :

Poste central. Brume et pluie fine.

 

A 12h, nous nous portons aux tranchées avancées pour renforcer au cas où une contre-attaque boche se produirait. Fusillade à gauche. Le brouillard est épais.

 

A 19h, nous revenons au poste central. A minuit, la neige commence à tomber.

/ 1 Carte /

29 octobre 1914 :

Je suis de jour et pars vers 8h avec ma canne à l’hôtel du Lac Blanc accompagné les hommes malades à la visite. Il ne neige plus mais le temps est froid !

/ 1 Carte /

30 octobre 1914 :

Poste de Douane - Rien à signaler.

31 octobre 1914 :

Ferme Tinfronce.

Ordre est donné de lancer une reconnaissance en avant. Naturellement, j’en fais partie. La brume est épaisse. Nous sommes sur un mamelon boisé : les obus allemands et français se croisent à une dizaine de mètres au-dessus de nos têtes. C’est charmant ! Sur notre gauche la fusillade crépite dur.

Nous rejoignons la ferme à la nuit.

1 novembre 1914 :

Nouvelle reconnaissance, quant à moi je reste à mon poste. Fusillade à droite et en avant.

Dans notre secteur rien à signaler.

2 novembre 1914 :

L’ordre est donné de reprendre le service normal et de ne plus envoyer de reconnaissance en avant, reconnaissance qui ont servi parait-il à obliger l’ennemi à montrer ses forces, découvrir quelques tranchées, montrer que nous étions là et détourner quelques troupes qui opéraient plus au nord contre le col de Sainte Marie.

Aujourd’hui soleil : ce n’est pas malheureux !

/ 1 Lettre /

3 novembre 1914 :

Poste de droite – Temps très doux – Rien à signaler.

On entend une violente fusillade et canonnade vers la gauche (contre attaque des boches repoussée).

/ 1 Carte /

4 novembre 1914 :

Ferme Tinfronce

 / 1 Carte/

5 novembre 1914 :

Ferme Reichsberg

Nous nous portons en arrière pour nous reposer. Sommes très bien installés.

/ 1 Lettre / 1 Carte/

6 novembre 1914 :

Je vais prendre 24h de service au poste de liaison des Hautes Chaumes (1215m). Soleil magnifique argentant un océan de brumes d’où émergent des îlots boisés.

Dans la nuit, violente fusillade toujours du côté de Sainte Marie.

/ 1 Carte /

7 novembre 1914 :

Ferme Reichsberg

Nous apprenons la grande victoire des russes.

A 19h, punch, chocolat et manilles.

/ 1 Carte /

8 novembre 1914 :

Ferme Reichsberg

/ 1 Carte /

9 novembre 1914 :

Nous devions aller nous reposer 4 autres jours dans les fermes du Louschbach mais nous restons ici pour participer à des diversions.

Aujourd’hui, diversion, nous sommes en réserve au lac.

10 novembre 1914 :

Autre diversion et réserve à l’hôtel du Lac Blanc. Rencontre et fait connaissance avec CABAROU.

11 novembre 1914 :

Ferme Reichsberg.

La compagnie participe à une autre diversion. Ma demi-section reste à la ferme comme soutien d’artillerie alpine. Je vais faire des excursions aux Hautes Chaumes où elle s’est installée.

Vers 15h, le vent du nord souffle avec rafales : il fait très froid et la neige gelée commence à tomber.

 

20h. La compagnie rentre. Comme tous les hommes ont souffert et que ma demi-section est restée à la ferme, le capitaine m’envoie au poste des Hautes Chaumes. Temps affreux.

Je n’ai jamais connu un pareil temps. De la brume glacée est jetée par un vent glacial et violent. La brume s’accroche aux vêtements et au visage et s’y transforme illico en glace. Nous avons gagné péniblement le poste avec une lanterne que le vent nous éteignait souvent.

Le bruit court que demain nous descendrions à Habeaurupt, si c’était vrai seulement !

/ 1 Carte /

12 novembre 1914 :

En route pour Habeaurupt par un vent glacial. Quelle joie de pouvoir se reposer cinq jours consécutifs à l’abri des éventualités.

13 novembre 1914 :

Habeaurupt

Je griffonne mon portrait.

Départ à 13h pour remonter. Pas de veine. Temps affreux, vent violent et neige.

Là haut, nous passons la nuit dans une ferme en avant de l’hôtel du Lac Blanc. Nous sommes remontés pour exécuter des travaux.

14 novembre 1914 :

Hôtel du Lac Blanc.

Temps mauvais. Nous descendons à Pré Bracot pour exécuter des retranchements avancés.

 

A 17h, retour à la ferme d’hier.

/ 1 Lettre /

15 novembre 1914 :

Même ferme.

Nous nous reposons pour aller travailler la nuit à une tranchée très avancée.

Départ à 17h.

Auparavant, je bois un bon chocolat. Il a fait un temps épouvantable, jamais je n’avais vu de pareilles intempéries de ma vie ! Nous sommes contraints de rentrer à 20h trempés jusqu’aux os.

 

L’adjudant qui nous commandait lutte contre deux idées : doit-il exécuter l’ordre du capitaine et nous laisser là jusqu’à minuit ou doit-il faire son devoir et sauvegarder la vie de ses hommes ?

Sa conscience a parlé. Nous remontons péniblement emmenant 3 malades.

Je passe la nuit à me chauffer et à sécher mes effets.

/ 1 Carte /

16 novembre 1914 :

Ferme au-dessous du lac.

Temps affreux. Le capitaine nous donne repos pour que les hommes puissent faire sécher leurs effets.

/ 1 Carte /

17 novembre 1914 :

Temps affreux.

Nous passons à l’hôtel du Lac et allons travailler de jour à cause du brouillard aux tranchées du 15. Le brouillard s’étant dissipé, nous sommes obligés d’aller y travailler encore de nuit de 17h à 22h.

18 novembre 1914 :

Nous laissons les travaux à une autre compagnie et nous allons prendre le service dans les fermes – Ferme du Lac – Nous sommes pour ainsi dire au repos.

/ 1 Carte /

19 novembre 1914 :

Ferme Claudepierre habitée par de véritables Alsaciens.

On y est très bien mais je pars travailler de nuit pour achever des travaux avancés. Belle journée mais froide. Bon repas à table pris avec un réel plaisir. (Lu journal du Tarn)

/ 1 Carte /

20 novembre 1914 :

Ferme du Lac.

Temps glacial et brumeux.

/ 2 Cartes /

21 novembre 1914 :

Ferme Parmentier.

Suit à un poste avec mon escouade seulement. Temps magnifique. Déguste des chocolats au lait et de bons repas (cuisine moi-même).

22 novembre 1914 :

Ferme du Lac.

Pas de vent – Soleil splendide – De pareilles journées sont rares, très rares à cette saison. Le soir, vais prendre mon repos à l’hôtel ou PAGO m’a invité (Café, Rhum, Manille, Chocolat)

/ 1 Carte /

23 novembre 1914 :

Ferme Masson.

Brouillard épais et givré toute la journée qui favorise les travaux avancés.

/ 1 Carte /

24 novembre 1914 :

Ferme Masson.

Temps Froid mais relativement doux, il neige par intermittence.

Nota : Toutes ces fermes sont situées sur le versant boche en allant vers Orbey, village situé sur un ruisseau qui descend du Lac Blanc à quelques kilomètres au nord de Münster.

/ 1 Carte /

25 novembre 1914 :

Ferme Masson

Il neige, exécutons des travaux comme hier. Bon repos.

/ 1 Lettre /

26 novembre 1914 :

Ferme Immerling.

Changeons de secteur pour deux jours seulement puis nous irons sans doute au repos.

Journée superbe. Avec ma section, je reste à la ferme. Cette dernière n’est pas habitée, la vie change.

/ 1 Carte /

27 novembre 1914 :

Poste à la lisière d’un bois (n°2) – Nous n’aurons pas trop à souffrir des intempéries : tranchée très bien aménagée avec poêle (chocolats)

 / 1 Carte /

28 novembre 1914 :

Nous redescendons au repos à une ferme près du Rudlin. Mangeons en popotte les 5 sous-officiers. Sommes très bien (vin à chaque repas).

Allons deux fois en corvée au Lac.

Sommes de retour vers 23h (c’est ce qu’on appelle du repos !).

/ 1 Lettre /

29 novembre 1914 :

Même ferme.

Nous faisons un ballot de tous nos effets dans la toile de tente et ne conservons dans les sacs que la couverture et les vivres (?).

Mangeons des noix en dessert, quel régal ! Surtout avec un coup de vin par-dessus.

 

Repartons après la soupe du soir recharrier du matériel au lac (!).

Retour à 23h.

/ 2 Cartes /

29 novembre 1914 :

Même ferme.

Temps assez beau. Sur le chemin, passent nombre d’officiers, de la petite artillerie et des alpins. Je prévois du nouveau pour demain.

Menu choisi pour le repas du matin : soupe de viande, jambon, sardine, bouilli, patates, rôti de bœuf, châtaignes, gimblettes, café.

Le caporal-fourrier m’apporte des cartes postales de notre région ; je m’empresse de vous les envoyer et de vous prévenir de les conserver soigneusement.

Lac Blanc : La seule maison que l’on voit sur la carte c’est l’hôtel du Lac ; le rectangle blanc de droite est la ferme du Lac. La croupe de droite, boisée possède la ferme Immerling ; la croupe de gauche, c’est les Hautes Chaumes (1215).

Le Rudlin et le col du Louschbach : La croix (x) indique la ferme où nous nous reposons pour le moment.

 

Ps : Les châtaignes étaient excellentes ainsi que les gimblettes. Et maintenant à bientôt sans doute de mes nouvelles. Bons baisers. Charles.

1 décembre 1914 :

Ferme près du Rudlin.

Temps maussade. Nous faisons les préparatifs pour remonter aux avant-postes.

/ 1 Carte /

2 décembre 1914 :

Départ à 2h.

Arrivée à la ferme Reichsberg à 4h30. Brouillard épais.

Le 215ème aidé d’un bataillon de chasseurs va attaquer les redoutables têtes des Faux et Grimaude.

 

A 6h, nous prenons place dans les tranchées avancées ; notre compagnie ne participera pas à l’assaut (*).Elle est située à la droite pour arrêter toute contre attaque boche.

 

A 10h, le brouillard se dissipe. Notre artillerie (75,65) commence à battre les positions à enlever. Jusqu’à la nuit le duel d’artillerie est formidable : on croirait assister à un feu d’artifice.

 

Vers 14h, après de terribles fusillades, on entend le clairon sonné la charge et les officiers criés « en avant » pendant que les hommes hurlent. Je reconnais la voix du brave commandant DUCHESNE. (**)

 

A 18h, la tête des Faux est entourée.

Jusqu’à minuit, avec ma demi section, je transporte du matériel au-delà d’un ravin à pic où une section de notre compagnie va organiser des travaux de défense.

Toute la nuit, qui est éclairée par la lune, on entend des coups de feu ; des quantités de balles nous sifflent aux oreilles pendant le charroi. Je remonte à ma tranchée et cherche à dormir.

 

(*) : Seules, les 17e et 24e compagnies restent en réserve (JMO).

(**) : Le commandant DUCHESNE Eugène sera tué durant l’attaque. Son corps resté accroché dans les barbelés sera récupéré une semaine plus tard, le 9 décembre. Les 2 et 3 décembre, le 215e RI aura perdu 227 hommes tués, blessés et disparus.

3 décembre 1914 :

Ma section, dès 5h, se porte au-delà du ravin. Nous sommes là en tirailleurs battant la vallée mais dans une position critique puisque tournant le dos à l’ennemi situé sur la tête de Grimaude.

Dès le point du jour, les artilleries commencent à tirer et la fusillade reprend drue et serrée.

Le temps est clair, le vent violent.

Nous sommes là couchés derrière des rocs et nous ne bougeons pas un doigt car les balles venant de derrière sifflent en masse et les marmites et les 77 rasent nos têtes pour aller tomber sur une autre compagnie.

 

Vers 12h, la pluie se met de la partie, je bois de temps à autre quelques gouttes de ‘gnole’ et grille des cigarettes.

 

A 15h, nous recevons l’ordre de nous replier et de regagner les tranchées de la veille. Nous descendons le ravin sans encombre mais pour escalader l’autre versant abrupt, nous sommes inondés de projectiles mais l’on n’en fait aucun cas et on continue d’escalader avec quelques arrêts forcés. Pour ma part, je suis heureux d’atteindre un mur : j’étais à bout de force et j’avais les mains gelées.

Enfin nous regagnons nos tranchées. Nous nous entassons pêle-mêle dans les caves des tranchées.

 

Toute la nuit, des coups de feu.

J’apprends que la tête des Faux est prise mais qu’on n’a pu arriver à s’emparer de la tête de Grimaude.

4 décembre 1914 :

Même emplacement. Je crois que l’attaque ne sera pas poussée plus loin. Journée belle. Les canons commencent à tirer mais moins qu’hier.

Toute la journée, fusillades sur la tête des Faux.

 

A la nuit, avec une escouade, je me porte à une ferme en avant des trachées pour placer des patrouilles fixes en avant.

Le vent souffle avec violence ; il fait clair de lune et lorsqu’on fait les relèves, nous recevons des coups de feu mais pas meurtriers car les tranchées boches sont à 800m.

Un cuisinier vient à la ferme faire du café. Boire chaud, quelle aubaine !

5 décembre 1914 :

Ce matin à 4h, je remonte à une tranchée. En route, je rencontre un autre sergent qui me crie : « Tu as des lettres ! ».

Nous voilà tous les deux derrière un mur fouillant dans les tas de lettres pendant que sous le clair de lune les balles nous arrivent.

 

Arrivé à la cave de la tranchée, je parcours 3 cartes, les annales et des journaux d’Ernest.

On entend toujours les obus siffler mais les coups de feu sont moins nombreux.

 6 décembre 1914 :

Brouillard épais mais vite dissipé. Avec mon escouade, je me rends à une autre ferme (*) dès la pointe du jour.

 

Vers 8h, les mitrailleuses crachent vers la tête de Faux.

Le temps devient excessivement clair et par le trou du guetteur, je contemple la magnifique plaine du Rhin et la forêt noire. Les marmites pleuvent sur une ferme à 400m de la notre.

Arriverons t’elles sur la notre ?

La nuit arrive et je suis heureux de rencontrer PAGO qui arrive de la corvée d’ordinaire. Je peux griffonner un mot et le lui remettre. Nous prenons du café et allons nous coucher.

La nuit est mauvaise.

/ 1 Carte /

 

(*) : Ferme du Grand Pré (JMO).

7 décembre 1914 :

Prends place avec mon escouade à une tranchée. Dans cette dernière est un poêle et un réchaud qui nous sera très utile pour boire chaud.

Dans l’après midi, du 105 vient éclater à une centaine de mètre de notre gourbi.

Quelques éclats sifflent par-dessus.

 

A la nuit, j’allume le poêle et me prépare un quart de chocolat. Alerte ! La fusillade crépite dur à la Tête de Faux.

C’est les boches qui opèrent une contre attaque. Vite, tout le monde dans la tranchée près à tirer. Je me fais des cheveux car je ne sais si je boirais mon chocolat. Enfin, une accalmie, nous rejoignons le terrier et je peux déguster mon souper.

 

Vers 8h, on nous apporte des vivres, du vin et de la « gnole ». Tout le monde est en joie.

8 décembre 1914 :

Avant le jour, la section se rend à la ferme Immerling pour s’y reposer un jour.

Quelle joie de pouvoir se débarbouiller même avec de l’eau glacée. Quel plaisir de dépouiller les 3 colis reçus et en correspondance.

Ps : Avec un camarade revenu de Gérardmer, nous allons déjeuner avec toutes les friandises au choix !

Notre artillerie commence à tirer, les marmites la cherchent et pleuvent un peu partout e quelques unes à côté de notre ferme. Par malheur, l’une d’elle est venue tombée sur la grange d’une ferme et a blessé une dizaine de soldats.

 

A 18h, nous nous rendons à la ferme Brück supérieure. On entend les mitrailleuses à la tête de Faux pendant quelques instants.

Je me régale avec les figues qui sont exquises.

/ 1 Carte / Journal /

 

Description : 1

 

 

9 décembre 1914 :

Nous retournons passer la journée à la ferme Immerling, le service ayant été changé (5 jours dans les tranchées et 2 jour à la ferme Immerling). Journée maussade, calme plat.

Canonnade de courte durée l’après midi.

 

A la nuit, nous retournons à nouveau à la ferme Brück supérieure où nous passerons la nuit pour prendre ensuite le service dans les tranchées. Nuit comme les autres, des coups de temps à autre. Une patrouille de notre compagnie est envoyée dans les tranchées allemandes pour retirer les corps du commandant DUCHESNE et du lieutenant DUTRÉ qui étaient dans les fils de fer.

L’opération a heureusement réussi.

/ 1 Lettre / 1 Carte / 1 Carte postale /

 

Lettre arrivée le 18 décembre datée du 12 décembre :

 

Chers parents,

« Notre secteur étant diminué à cause de la trop grande quantité de service, notre section rejoint à nouveau la ferme Immerling pour y rester au repos et je peux griffonner à loisir quelques lignes.

Depuis le 2 décembre, la vie monotone qui sévissait ici est entravée journellement par des canonnades et fusillades qui nous obligent à nous tenir en éveil. Pendant les relèves des patrouilles lorsqu’il fait clair de lune, des projectiles nous sifflent aux oreilles mais on n’en fait pas cas. Enfin, dans quelques jours, l’accalmie reviendra et nous continuerons à vivre à peu près tranquilles.

Dans un temps assez rapproché, je pense que nous descendrons au repos pour délasser à la fois le corps et l’esprit. Lorsque je reçois de la correspondance ou des colis, vous ne sauriez croire comme le moral se trouve renforcé. Aussi quelle réjouissance à la réception de 3 colis et de la correspondance l’autre jour après quatre jours d’isolement !

Quel régal de délaisser un morceau de bouilli terreux pour digérer quelques figues délicieuses, des raisons ou des châtaignes ! Il est vrai que le capitaine fait son possible pour nous rendre heureux : presque tous les jours, nous avons un peu de vin, de la « gnole », du chocolat, des sardines … etc.…

Hier on a distribué des chaussettes et des gants. Quel regret d’avoir reçu les jolis gants que vous m’avez envoyés : c’est trop beau pour un militaire ; aussi je les conserve dans le sac et me suis emparé d’une paire de gants excellents et très beaux donnés par la compagnie.

Ah ! Comme c’est bien de penser déjà à nous faire obtenir un peu de réjouissances pour la nuit de la Noël ! Avec PAGO, nous nous sommes promis de bien nous divertir si toutefois nous sommes ensemble. Vous pourrez m’expédier vers le 15 ou le 16 une conserve de foie gras et si cela est possible une petite fiole contenant un peu de vin vieux. Comme j’aurais cru passer la nuit de Noël parmi vous et mes amis ! Enfin soyez toujours confiants en la fin prochaine et notre retour au pays.

Je vais tacher de vous crayonner un croquis de la région pour que vous puissiez me suivre plus facilement.

Je vous laisse car je vais consacrer un moment à ma toilette : « Garçon, la barbe ! » le salon n’est pas des plus lumineux ni des plus confortables …. mais avoir le visage propre et … pas piquants !

Meilleures amitié à tous les amis. Écrivez à Jean LAFON pour lui donner de mes nouvelles. »

Meilleurs baisers

Charles

 

Description : image006

 

 

10 décembre 1914 :

Avec mon escouade, je me rends à la ferme ou j’étais le 4. Vent violent.

 

Vers 14h, l’artillerie ennemie nous envoie des obus sur les tranchées et sur les fermes. Que va-t-il donc se passer ? Une contre attaque Boche doit se préparer car j’entends déjà les mitrailleuses.

Je fais sortir mes hommes de la cave de la maison et les installe sur la grange où sont organisés des créneaux.

La maison tremble vu la chute rapprochée des marmites qui font un bruit infernal. Je tiens les hommes sous une bonne humeur en leur racontant des balivernes : « les boches sont très chic de nous envoyer des marmites, nous pourrons faire du café ce soir ! » etc.

 

Vers la nuit, le calme se rétablit, nous voilà tous sains et saufs.

On nous apporte des vivres. Les cuisiniers viennent faire la cuisine. On va pouvoir boire du café chaud.

Demain je reste encore à cette ferme.

11 décembre 1914 :

Même emplacement. Belle journée.

L’artillerie fouille le terrain récemment occupé et nous laisse tranquille dans les fermes. A la nuit la corvée d’ordinaire m’apporte un double réchaud pour pouvoir prendre des repas chaud.

Voilà les cuisiniers installés devant le fourneau. Je me rôtis une côtelette de mouton …

 

« Sergent – Sergent, vite ! ».

Tout le monde sac au dos ; je sors me rendre compte ; la sentinelle était venue crier « aux armes » à cause d’une violente fusillade à la tête de Faux.

Je rassure mes hommes un peu émotionnés ; de pareilles échauffourées se produisent à peu près toutes les nuits.

Je suis tout de même content que cela ce soit passé ainsi car je vais pouvoir croquer ma côtelette.

/ 1 Carte /

12 décembre 1914 :

À la pointe du jour, je me rends à une tranchée à 100m en arrière de la ferme.

Journée maussade et relativement calme.

/ 1 Carte /

13 décembre 1914 :

Même emplacement.

A la nuit on m’apporte la soupe et les ordres. Je suis tout heureux d’apprendre que nous allons être relevés dans quelques heures. Toutes les « Taupes » sont dans la joie car le service est très pénible dans ce secteur.

On est contraint de dormir le jour quand c’est possible. Vent violent, rafales et grésil.

/ 1 Carte /

14 décembre 1914 :

A 1h, la relève arrive ; nous montons à la ferme Immerling où nous cassons la croûte.

 

A 4h, nous descendons au Rudlin sous la pluie et par un chemin boueux. Quelle joie en arrivant au Rudlin de pouvoir promener la route et causer à voix haute.

 

A 11h, nous repartons pour l’arrière.

Il pleut par intermittence et les sacs sont lourds. Beaucoup d’hommes s’arrêtent le long du parcours.

Enfin, tant bien que mal, nous arrivons à Dévelines (à côté d’Anould) où nous cantonnons. (J’ai noté sur mon carnet le mécontentement du général ; je vous l’ai dit dans une des mes précédentes lettres).

15 décembre 1914 :

Dévelines – C’est un peu courbaturé que je me lève de la paille pour griffonner un peu de correspondance. Distribution de gants, de chaussettes, jerseys, pantalons (rouges et bleus). Pour ma part, je change de pantalon de drap.

 

Départ 15h. AnouldSaint-LéonardSaulcySainte-MargueriteLe Pair où nous cantonnons à 20h.

Immédiatement, je prépare un bouillon Kub ; boire chaud après cette marche pénible sous la pluie !

/ 2 Cartes /

16 décembre 1914 :

Le Pair – Temps pluvieux. Je change de linge. Mange assis autour d’une table : quel délice ! On trouve tout ce qu’il faut.

/ 1 lettre / 2 Cartes postales /

17 décembre 1914 :

Départ à 6h30 pour les avant-postes.

 

Après 2h de marche à travers bois de pins et terres, nous prenons place dans une tranchée (nous relevons le 152ème). Nous sommes salués par quelques coups de feu pendant l’installation. Sur le parcours, nous avons traversé de véritables villages composés de cahutes en feuillage. Ici aussi, il y a des abris mais peu sur contre la pluie et le marmitage.

Beau panorama de la vallée de la Fane, vers le col de Saales. Nous avons les tranchées boches à 400m. Lorsqu’on se montre, on reçoit des projectiles et vice-versa. De temps en temps et toujours des coups de feu.

 

Je crois que nous resterons 4 jours dans les tranchées et que nous irons ensuite 2 jours au repos dans les villages en arrière.

Ça se courrait que l’active était là : le chef de section à un gourbi spécial avec un poêle, ce soir j’irai faire des chocolats. En attendant la nuit, je lis des journaux de date récente.

 

A 19h, une fusillade nourrie commence, qui se répand vite sur un grand front ; j’étais allé à un petit poste en avant donner des ordres et me voilà obligé de revenir à mon poste sous la « grêle ».

18 décembre 1914 :

Même emplacement.

Coups de feu comme d’habitude. Des marmites tombent sur une section à droite sans blesser personne. Je me rends au gourbi de l’adjudant avec lequel je prends mes repos et fait la lecture des journaux récents.

 

L’après midi, je m’occupe à rechercher du bois sec pour allumer le poêle.

/ 1 Carte / Journal /

19 décembre 1914 :

Dès la pointe du jour, je me porte à une tranchée en avant. Ici, nous sommes à 300 m des tranchées allemandes.

Rien à signaler.

20 décembre 1914 :

Reviens à la tranchée en arrière. Passe la nuit dans le gourbi de l’adjudant où il pleut comme au dehors.

Mais fort heureusement, nous avons un réchaud et un poêle.

On peut se procurer du vin, c’est épatant ! Serons-nous relevés demain matin ?

/ 1 Carte /

21 décembre 1914 :

La section se rend à un gourbi à quelques mètres en arrière où le service est moins pénible. Il ne pleut plus mais le temps reste froid et maussade. Je me demande quand est ce que nous irons passer quelques jours au repos ?

/ 1 Carte datée du 21 /

22 décembre 1914 :

Même emplacement – Ce matin, le soleil a percé les nuages ; je sors du gourbi et m’assieds sur un tronc d’arbre pour lire les journaux et griffonner un peu de correspondance.

/ 1 Carte /

23 décembre 1914 :

Pars m’installer à une tranchée avancée avec une escouade. Gourbi assez bien aménagé avec l’inscription :

 

« Hôtel Doum-Doum

Déjeuner à la fourchette

Portion de pruneaux

Concert à toute heure »

 

/ 1 Carte /

24 décembre 1914 :

Même emplacement.

Journée grise. J’attends avec impatience les 2 colis annoncés qui me serviraient bien pour le réveillon. Arriveraient-ils à temps ?

Oui ! A minuit je me mets au devoir d’organiser la fête mais comme les hommes sont fatigués, je reste seul dans mon coin pour renouveler le repas de nuit coutumier.

Pendant 1h, je grignote de chaque friandise, et à chaque bouchée, je pense aux parents et aux amis, qui de retour de la messe de minuit se calfeutrent pour l’instant dans des salons bien chauds pour causer … comme ces idées me donnent le « cafard », je cherche à dormir.

/ 1 Carte /

25 décembre 1914 :

Même emplacement.

C’est le jour de la Noël. Chacun de nous le sait mais on ne le dirait pourtant pas… Journée grise. J’apprends que nous serons relevés le 27 au matin. Ce n’est pas trop tôt : 10 jours de tranchées !!

Si nous avions encore 4 jours de repos pour nous refaire et nous décrasser ! J’ai la visite du capitaine qui me félicite sur la façon dont mon poste est tenu.

/ 1 Lettre / 1 Carte /

26 décembre 1914 :

Même emplacement – Dans la nuit un caporal demande l’autorisation d’aller prendre 2 morts de la 152ème à 200m en avant de mon poste. L’opération lui a réussi et il sera sans doute cité à l’ordre.

Journée ensoleillée. Aussi quelques unes de nos tranchées sont bombardées. Pas de mal.

/ 1 Carte /

27 décembre 1914 :

Même emplacement.

Journée belle – Duel d’artillerie – Nuit pluvieuse.

/ 1 Carte /

28 décembre 1914 :

Même emplacement.

Journée pluvieuse.

/ 1 Carte /

29 décembre 1914 :

Même emplacement.

Journée avec vent – Nos tranchées reçoivent quelques obus. Chez nous, pas de mal mais 2 blessés à une autre section.

/ 1 Carte /

30 décembre 1914 :

Même emplacement.

Journée maussade – Nous allons être relevé cet après midi.

Relève à 16h. Quelle joie de dépouiller les friandises reçues, au repas du soir, en commun !

/ 1 Carte /

31 décembre 1914 :

On peut se décrasser. Quel plaisir ! Nous allons passer 4 jours en arrière de la ligne (notre compagnie est réserve). Le jour nous quittons la ferme abandonnée par crainte du bombardement.

/ 1 Lettre / 1 Carte /

1 janvier 1915 :

Très belle journée ensoleillée. La joie règne partout. Menu : soupe aux choux, bouilli, haricots au porc, filet de porc, saucisses, beurre, figues, noisettes, noix, pommes, mandarines, champagne, cigares ….

Cette journée de fête s’est malheureusement mal terminée. Les marmites ont rappliqué et l’une d’elle est tombée sur un gourbi occupé par les territoriaux …

/ 1 Lettre / 1 Carte postale / 1 Carte d’état-major /

2 janvier 1915 :

Sommes toujours compagnie de réserve. Triste cérémonie. Enterrement des territoriaux : derniers adieux de leurs officiers.

/ 1 Carte / 1 Journal /

3 janvier 1915 :

Même emplacement – Belle journée. Nous travaillons à organiser les chemins à travers bois.               

La compagnie se rend à Le Pair vers 15h pour aller prendre quelques jours de repos.

Pour ma part, je reste aux baraquements de la chapelle comme agent de liaison. Je m’installe dans la baraque de petit état major (cycliste, agent de liaison …) où l’on est très bien.

Rien à faire. Ma seule préoccupation est d’aller prendre les vivres à Le Pair par un homme qui est à ma disposition et de passer les ordres.

/ 1 Carte /

4 janvier 1915 :

Même emplacement.

Je préfère rester ici que d’être allé à Le Pair car j’aurai eu des ennuis avec les revues, gardes et exercices.

Ici absolument rien à faire. On mange en popote.

Nous nous préoccupons d’aménager la baraque et de faire de la bonne cuisine, de lire les journaux récents. CABARAN raconte des blagues qui déchaînent les fous rires.

5 janvier 1915 :

Même emplacement – Journée pluvieuse et neigeuse. Les hommes des tranchées sont à plaindre.

/ 1 Carte / 1 Lettre /

6 janvier 1915 :

Journée pluvieuse.

/ 3 Cartes postales / 1 Carte /

7 janvier 1915 :

Malgré que la compagnie reprenne du service dans les tranchées, je reste à mon poste. Journée pluvieuse.

/ 1 Lettre /

8 janvier 1915 :

Journée pluvieuse.

 / 1 Carte /

9 janvier 1915 :

Toujours la pluie. Sentiers impraticables. Que je dois m’estimer heureux de méconnaître pour l’instant la vie des tranchées.

/ 1 Mandat / 3 Cartes postales / 1 Carte /

10 janvier 1915 :

Encore la pluie mêlée à un peu de grésil.

L’après midi est assez belle. Aussi quelques coups de canon.

/ 1 Carte / 1 Carte postale /

11 janvier 1915 :

Journée pluvieuse.

/ 1 Carte /

12 janvier 1915 :

Pluie et neige par intermittence.

/ 1 Lettre /

13 janvier 1915 :

Belle journée. Temps sec.

Aussi vers 12h, bombardements. Un éclat, heureusement arrêté dans sa course par un rondin, est venu tombé à mes pieds. Nous attribuons ces bombardements aux renseignements qu’aura fourni un taube qui a survolé la matinée. Il n’y a pas d’accidents.

/ 1 Lettre / 2 Cartes postales /

14 janvier 1915 :

Temps humide – Brouillard.

/ 2 Cartes postales /

15 janvier 1915 :

Temps froid et pluvieux.

/ 1 Carte /

16 janvier 1915 :

Bourrasque de vent. On se croirait au mois de mars avec des giboulées qui tombent par intermittence. La compagnie revient en réserve ici dans les baraquements.

/ 2 Cartes /

17 janvier 1915 :

Journée de Neige.

/ 4 Cartes postales / 1 Carte /

18 janvier 1915 :

Neige encore ce matin, puis journée ensoleillée. Nos soldats s’amusent de bon cœur à des combats de boules de neige.

19 janvier 1915 :

Nuit géline et claire. Journée neigeuse et ensoleillée. Froid piquant.

Je suis avec ma compagnie au Pair pour une période de repos de 4 jours.

/ 4 Cartes postales / 1 Carte /

20 janvier 1915 :

Très belle journée ensoleillée. Après une bonne nuit dans le foin, je me lève à 8h pour prendre un chocolat au lait.

Vers 10h, Taube survole Saint Dié.

 

Après un bon repas, nous repartons prendre les douches à la caserne Hillerman.

Nous apprenons que le Taube a lancé deux bombes sans résultat. Quel grandiose changement ! Jamais depuis la guerre, je n’avais parcouru un aussi grand bourg dans lequel régnait autant d’animation bien qu’il soit proche des lignes ennemies.

Nous rentrons pleins d’appétit à Le Pair où nous prenons un bon repas (je prépare la boite de homard avec de la mayonnaise)

 

Menu :

 

Soupe aux choux, jambon, saucisson, beurre.

Homards mayonnaise,

Rata,

Beefsteaks au gril,

Salade d’orange – Thé.

 

Eh ! Bien franchement, on ne se croirait pas en guerre à certains moments de notre existence.

 

21 janvier 1915 :

Journée grise – Un territorial de la 51ème a tiré la photographie aux cadres de la 21ème compagnie.

/ 1 Carte / 2 Cartes vues /

22 janvier 1915 :

Journée grise – On nous habille de neuf (capote réséva, pantalons bleus, képis bleus).

/ 1 Carte / 2 Cartes vues /

23 janvier 1915 :

Nous quittons à 13h le village où nous étions si bien chez ces braves gens. A 16h, nous arrivons aux emplacements. Je reste en réserve avec ma demi-section.

/ 1 Carte postale /

24 janvier 1915 :

Journée grise – Je suis toujours en réserve pour, avec ma demi-section fabriquer des rondins.

Travail de nuit jusqu’à 21h.

25 janvier 1915 :

Même journée, même travail. A 17h, je prends place dans un poste d’écoute très avancé, avec trous à même la paroi des tranchées.

/ 1 Carte postale /

26 janvier 1915 :

Même emplacement – Journée grise. Une patrouille vient nous saluer, nous rendons la politesse.

/ 1 Carte /

27 janvier 1915 :

Même emplacement – Notre artillerie bombarde les tranchées ennemies. A trois reprises, les tranchées boches nous font la grêle sur notre poste. Nous répondons.

A 18h, nous sommes relevés et venons aux emplacements de la demi-section de réserve.

/ 1 Carte /

28 janvier 1915 :

Journée claire. Aujourd’hui c’est le tour de l’ennemi à bombarder nos tranchées. Passe la journée à faire fabriquer des rondins.

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29 janvier 1915 :

Froid intense et piquant malgré le soleil.

A 17h, nous allons prendre place dans la tranchée à l’arrière de mon ancien poste d’écoute. Ici, gourbi assez bon.

30 janvier 1915 :

Les nuits sont très claires et l’on voit les boches travailler sur la neige. Quelques feux de salve et ils disparaissent rapido dans les tranchées.

A 17h, je pars au poste d’écoute du 27 remplacé un sergent malade.

31 janvier 1915 :

Même emplacement.

A 17h, nous sommes relevés par une autre compagnie et allons passer 4 jours en arrière en réserve dans les fermes abandonnées.

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1 février 1915 :

Même emplacement.

Suis de garde à la chapelle.

/ 1 Carte /

2 février 1915 :

Très belle journée ensoleillée mais la neige ne fond pas.

/ 1 Carte /

3 février 1915 :

Même emplacement.

Passe la journée au bois pour la coupe de rondins.

Vers 14h, passe un « aviatik », ensuite bombardement de nos tranchées. Quelques obus éclatant à 400m nous envoient quelques débris que l’on a le temps d’éviter.

/ 1 Carte /

4 février 1915 :

Très belle journée. Reviens au bois le matin.

Après la soupe, attendons le départ pour Le Pair. Pendant notre marche un aviatick survole nos lignes ; notre 65 lui envoie quelques obus, mais en vain.

Suis content de retrouver une cuisine chaude où l’on prendra pendant 4 jours de bons repas à tables avec du pain de luxe.

/ 1 Lettre / 2 Cartes vues /

 

Lettre arrivée le 23 avril 1915 datée du 18 avril 1915 :

 

Chers Parents,

« Je vous envoie très brièvement la suite de mon journal de route. »

Du 5 au 7 février, repos au village de Le Pair.

Le 7, douche à la sous-préfecture et fabrication de crêpes au retour.

Du 8 au 16, période de tranchées. Plutôt humide.

Le 13, des lances bombes détruisent des tranchées du secteur.

Le 14 une fusillade sur la cote 607.

Neige le 15 et 16.

Du 17 au 24, période passée dans les baraquements de l’arrière.

Le 18, duel d’artillerie formidable et fusillades nourries toute la nuit.

Le 21, la neige est de retour. Le camarade GROC et un de ses amis nous prennent un cliché photographique.

Le 23 chute de grésil et neige le 24.

Du 29 au 4 mars, période de tranchées. Presque tous les jours, tourmentes de neige. J’apprends que la compagnie au repos au village est partie pour S. où ça chauffe.

 Le 2, des poilus abattent une belle biche.

Du 5 au 12, période de baraquement. Le repos au Pair est encore raté mais il est doux d’aller déguster un café au lait à la ferme habitée ou de choquer des verres de champagne entre amis. Temps gris avec chute de neige.

Du 13 au 22, période de tranchées.

Le 15, vive fusillade. Alerte. On en est quitte pour un peu d’énervement. Très belles journées avec peu de pluie. Passent plusieurs avions.

Du 23 au 26, repos au village. C’est avec plaisir que nous revivons de tranquilles moments de bien-être. Temps splendide.

Du 27 au 30, période de baraquements.

Le 28, chute de neige ainsi que le 29.

Du 31 au 5 avril, période de tranchées. L’ennemi a gagné du terrain devant mon secteur et construit une tranchée à 100m des sentinelles ; aussi peut-on faire un carton de temps à autre. Temps beau puis splendide. On nous améliore l’ordinaire pour la fête de Pâques.

Du 7 au 10, période au village. Pluie sans discontinuer avec tempête de neige et de grésil.

Du 11 au 13, période de baraquements. Giboulées, passage d’avion.

Du 14 au 18, période de tranchées. Temps très beau. Passage d’avion journellement : le 17, notre section de gauche a ses tranchées démolies par des lances bombes qui font un bruit infernal. La nuit du 17 au 18 a été assez mouvementée : mitrailleuse, lances bombes, fusillade à la côte 607.

Le 18, lances bombes, 4 blessés. Avec le retour de la belle saison, il faut s’attendre à … quelques « orages » un peu partout.

Je suis dans le gourbi avec l’adjudant PLANÈS ; la journée est très belle. Je me rendrai demain à la visite pour me faire soigner l’auriculaire et je rencontrerai le sergent MAGNIEN qui m’aura sans doute fabriqué quelques clichés. »

Bons Baisers

Charles.

 

 

Fin du carnet ?

 

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Charles a survécu à la guerre, cité 2 fois (au régiment et à l’armée), il est passé au 339e RI en octobre. 1918, après la dissolution du 215e. Son livret militaire n’a pas été retrouvé. Sa fiche matriculaire en 3 pages est ici : Page 1Page 2Page 3

Il a pris une série de photos, photos visibles ici. Il est décédé en 1957.

 

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