Publication :
décembre 2022
Mise
à jour : janvier 2023
Thierry
nous dit en décembre 2022 :
« Je t’adresse ce soir un courrier
poignant écrit par un aumônier qui a assisté au décès du soldat Désiré
Tavernier le 21 juillet 1915 à l’hôpital de Verdun.
Témoignage pris sur le vif Pour moi, il est
d’autant plus poignant que cela peut nous rappeler les morts en Ukraine qui
défendent notre liberté face au totalitarisme russe »
Désiré Adrien TAVERNIER est né en juin 1915 à Acheux-en-Vimeu (Somme). Au conseil de révision, à 20 ans, il est déclaré exempté « pour arrêt de croissance ». À cette date, il déclare être domestique. Il se marie en 1910 avec Jeanne SEIGNEUR. Ils sont tous les deux domestiques et habite chez leur patron Eugène MAISON, 83 place de la mairie à Tully. un fils né en 1911.
En décembre 1914, il est reconnu « propre au service armé » et est incorporé au 87ème régiment d’infanterie de Saint-Quentin le 19 février 1915 selon sa fiche matriculaire. Le journal de ce régiment signale l’arrivée de 117 hommes le 10 février et de 11 mitrailleurs le 18 février, tous ces hommes venant du dépôt du 87ème régiment d’infanterie. Faisait-il partie de ces hommes ?
Il est blessé le 1er juillet 1915, alors que le régiment se situe à la tranchée de Calonne vers Mouilly (55) au sud-est de Verdun. Le journal du régiment précise que les hommes ont reçu comme travail l’aménagement de la position : Réseaux de fil de fer à créer, tranchées à approfondir, créneaux, commencement d’un boyau de communication ; tout cela sous le bombardement. Pour cette journée du 1er juillet, il est déclaré 1 tué et 8 blessés.
Désiré TAVERNIER fait partie de ces blessés et évacué certainement très difficilement (avec fracture du fémur) car le 2, le bombardement continue. Son arrivée à l’hôpital Saint-Nicolas de Verdun se situe dans la nuit du 19 au 20 juillet…
Verdun, le 15 août
1915
Monsieur le curé,
« J'ai bien reçu votre lettre datée du
5 août, je réponds bien volontiers à vos questions.
Le soldat Désiré Tavernier blessé le 1er juillet nous a été apporté à l'hôpital
Saint-Nicolas pendant la nuit du 19 au 20 juillet. Il avait des plaies à la
cuisse gauche, à l’aine et une fracture du fémur gauche et ce qui était le plus
grave ; c'est que les plaies étaient gangrenées.
Cependant ce cher blessé avait encore toute
sa lucidité, il était toujours heureux du progrès des Français dans la région
où il venait d'être blessé sans s’occuper de son état lamentable. Aussitôt
arrivé à l'hôpital les soins les plus dévoués de la part des majors, des
religieuses, des Dames de la Croix et des infirmières lui ont été prodigués.
Il s'est ensuite endormi assez profondément
dans le lit numéro 31 de la salle Saint-Nicolas attenant à la chapelle de notre
hôpital.
Le lendemain matin 20 juillet, comme
j'allais voir les blessés dans cette salle qui s'était préparé la veille. Il
m'a demandé de se confesser pour communier aussi avec ses camarades. Je lui
apporter en effet la communion vers 6h du matin en même temps que onze de ses
camarades dans la salle Saint-Nicolas.
Ce cher ami ne se doute guère que c'était sa
dernière communion sur cette terre. Malgré la gravité de ses blessures, il
espérait bien guérir et revoir tout ce qu'il aimait et surtout vivre un bon
chrétien, voilà pourquoi il ne m'a jamais fait aucune recommandation à transmettre
à sa famille, il espérait la revoir lui plein de vie et heureux d'avoir ici
servi sa patrie. Mais je ne le perdais pas de vue connaissant mieux que lui le
mauvais état de ses blessures.
Dans la soirée du 21 je lui ai demandé
comment il se trouvait. Il m'a répondu qu'il allait mieux, j'ai compris que ce
mieux était l'indice du commencement de la fin prochaine. Tout indiqué ce cher
blessé qu'il ne passerait pas la nuit. Je lui ai dit que j’allais prier pour
lui et demander au Bon Dieu les Grâces nécessaires et il était heureux ce cher
enfant de voir le prêtre auprès de lui et la religieuse qui priaient auprès de
son lit. La providence nous a envoyé ce cher blessé pour lui procurer les
secours de notre sainte religion, le matin 20 juillet, il s'est confessé un peu
avant de mettre sa belle âme entre les mains du Bon Dieu et il recevait
l'extrême onction. Il est mort presque sans agonies le 21 juillet à 23h30.
Son corps a été placé dans un cercueil et
conduit avec les honneurs militaires et accompagné du prête au cimetière de
Verdun. Une plaque en plomb sur lequel est gravée son nom, et clouée sur le
cercueil et son nom lettres plombées sur sa tombe indiquent son emplacement.
Les objets personnels quand on a les trouvés de nos soldats morts à l'hôpital
sont recueillis par les personnels du service de santé envoyés au ministère de
la guerre.
Daignez, Monsieur le curé, et faire agréer à
cette veuve désolée Madame Tavernier,
l'expression de mon respect et de mes condoléances. »
Jacques Lemon
Le 20 juillet, le décès a été transmis au maire de Friville-Escarbotin (80). Son nom est gravé sur le monument aux morts de cette commune.
Sa femme Jeanne SEIGNEUR (épouse TAVERNIER) touchera le 16 août de la même année 150 francs pour « allocation de secours »…
Sa sépulture se trouve à la nécropole nationale « Faubourg Pavé » à Verdun, tombe individuelle n° 3044. Si un internaute passe à côté de ce carré militaire, merci de prendre une photo de sa tombe…
Nota :
Désiré TAVERNIER-Jeanne SEIGNEUR se sont mariés en 1910 à Tully (80). Le recensement de 1911 de ce village comporte-il une erreur, en bas de la page de droite ?
On y lit que Jeanne, domestique, est née à la bonne date de 1892, mais Désiré est prénommé « Joseph » né à Acheux-en-Vimeu et en 1885 (75 ?), ce que correspondrais bien à notre Désiré …
Et pourquoi un « petit point » avant le n° de l’individu (le seul dans le registre) ? Fallait-il que le recenseur y revienne voir sur ce couple ?
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des photos du 87ème régiment d’infanterie
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