Correspondance de guerre de Nicolas THEUREAUD (THEUREAU)
167ème régiment d’infanterie, 2ème compagnie
Publication :
mai 2007
Mise
à jour : juillet 2024
Prologue
Claire et Gilbert COING nous disent en décembre
2008 :
« Bonjour, nous
participons à l'élaboration d'une revue, La Physiophile, traitant de sujets
variés (sciences naturelles, archéologie, histoire, etc...), revue tirée à
environ 500 exemplaires et de renom national. Nous avons récemment publié
"Un jeune Montcellien dans la grande guerre" qui relate le parcours
du soldat TheureauD du 167ème
régiment d’infanterie de 1914 à 1919 à travers les correspondances adressées à
ses parents.
L'auteur de
l'article ayant donné son autorisation, nous vous l’adressons en pièce jointe
et nous vous laissons le soin de juger si vous le mettez à disposition à
travers votre site. Nous souhaitons qu'il soit fait mention du nom de l'auteur
: André PIERRE, ainsi que "article publié dans la revue
La Physiophile, n° 148 de juin 2008".
Nous restons à votre
disposition pour tout renseignement complémentaire. Félicitations pour votre
site que nous consultons très souvent car nous nous intéressons beaucoup à la
période 14-18. Cordiales salutations. »
André PIERRE,
auteur de cet article, nous dit :
« Il y a
quelques années, à la suite de circonstances trop longues à expliquer ici, je
suis entré en possession d’une partie de la correspondance échangée par un
jeune militaire montcellien avec ses parents entre les années 1913 et 1919. La
publication de ces lettres va permettre de juger de l’âpreté de ce conflit
meurtrier et des « misères » endurées par ce soldat.
Du moins eut-il le bonheur de rentrer à la maison à la
fin des hostilités, ce qui ne fut, hélas, pas le cas de nombre de ses camarades
de combat.
Nota : l’article étant publié en 2008, il ne disposait pas, comme nous en 2024, de toutes les données et archives militaires sur les sites gouvernementaux. C’est pourquoi, nous avons (Philippe et le Chtimiste) réexaminé cet article et noté nos commentaires en bleu et rectifier certaines inexactitudes (en bleu).
Remerciements
Merci à Claire et Gilbert pour le
carnet.
Merci à Philippe S. pour les
corrections éventuelles et certaines recherches.
Nous avons ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes de
l’article et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit.
Pour une meilleure lecture, j’ai
volontairement ajouté des chapitres, sinon le reste est exactement conforme à
l’original.
Introduction
Nicolas THEUREAUD (son père est nommé THEUREAU) est né à Montceau-les-Mines en juillet 1893. Son acte de naissance donne le patronyme de THEUREAUD, avec un ‘’ D ‘’ à la fin. Nous verrons que dans certain document le ‘’ D’’ disparait. Au moment de son incorporation, en 1913, il déclare être ‘’ chauffeur-mécanicien ‘’, et est logiquement affecté à une section de commis et ouvriers d’administration ; ce sera la 8ème section.
Rappel : Les commentaires sont d’André Pierre de
2008, les rajouts en bleu sont de Philippe et du Chtimiste en 2024.
« Lors d’une journée
de travail à Mazenay, ... le temps ne m’a pas duré... Si toutefois je ne m’en
allais pas à Montceau jeudi, envoyez-moi donc mon violon sans oublier la
colophane et ma méthode.... »
Il pense ainsi à se détendre en pratiquant son violon d’Ingres.
« ... pour comble, mercredi, j’ai travaillé
comme un nègre ; j’ai brasé toute la journée... »
On apprend dans cette lettre qu’il travaille comme mécanicien et qu’il fabrique et répare des bicyclettes :
« ... j’espère que
mon père a essayé sa bécane... surtout que ce n’est pas un tacot comme la
première que nous avions... Dimanche je lui mettrai encore un frein, ce sera
plus prudent et nous irons faire un tour ensemble. »
Apparemment, le jeune homme se rendait à Montceau chaque semaine pour rendre visite à ses parents. Malgré cela, il écrivait très souvent et il fera de même tout au long des événements qu’il affrontera plus tard et qui sont relatés dans cet article. Dans cette même lettre il continue ainsi :
« ... J’ai des
bécanes à vendre, au moins une si ce n’est pas deux... Dis à mon père qu’il
tâche de vendre quelques bécanes maintenant qu’il a la sienne. »
Nicolas vient d’avoir vingt ans :
« ... Je vais être obligé de me faire inscrire
avant le 20 août à ce que disent les affiches. C’est bien vrai quand même que
l’on va nous faire partir avant l’année prochaine, moi qui voulait encore
m’amuser... nous ferons bien le conseil de révision quand même ! » (*)
Comme on l’a compris, il s’agit là de l’inscription sur la liste des appelés sous les drapeaux au service militaire obligatoire.
(*) : Le recensement est obligatoire dès 20 ans.
Dans une autre lettre du 21 août 1913, il est question à nouveau de bécanes à monter et équiper pour deux Montcelliens. Nicolas indique l’adresse de sa pension à Chalon, 11 avenue Boucicaut. Voici donc commentée brièvement la partie heureuse de la jeunesse de Nicolas TheureauD.
A ce stade de la reconstitution, il nous manque de nombreuses lettres, si bien que nous ne pouvons indiquer le lieu où il a effectué son service militaire, probablement à Dijon. (*)
(*) : Il
n’était pas à l’armée car le 10 mars 1914, il a été réformé temporairement pour
‘’manque d’acuité auditive’’ par la commission spéciale de Dijon. Maintenu en
réforme en octobre 1914, il est finalement reconnu apte le 5 février 1915 et
est affecté à la 8ème section des commis et ouvriers d’administration (COA).
En l’absence de lettres permettant de retracer l’année 1914, nous arrivons au début de 1915 : les hostilités ont débuté depuis plus de six mois et le jeune soldat devrait bientôt partir pour le front.
Voici quelques extraits de sa lettre du 15 février 1915 qui montrent son inquiétude :
« ... Je vous l’ai dit je suis sur le pied de
guerre ; encore ce matin j’ai reçu mon fusil et ma baïonnette ainsi que douze
paquets de cartouches. Je m’attends à partir d’un jour à l’autre et même à
chaque instant...
Maintenant tout ce
que je vous recommande mes bons parents, c’est de ne pas vous en faire ça ne
sert toujours à rien, tout simplement qu’à vous faire malades. Comme je vous
l’ai dit il faut toujours être très confiant ; j’ai eu de la veine jusqu’à
maintenant, j’en aurai peut-être toujours. Bonjour à tous et mille baisers à
mes grand-mères et parrain et bon courage pour vous et mille baisers. Recevez
de votre fils qui vous aime mille caresses. »
Nicolas TheureauD, 8e section COA, cantonnement 57 à Dijon.
Si l’écriture du début de la lettre est assez régulière, celle des dernières lignes est devenue hachée témoignant peut-être de l’anxiété et de l’émotion du jeune homme. Nicolas et ses camarades n’ont pas été dirigés directement sur le front, mais à Auxonne pour y être équipés avant d’être conduits dans l’Est de la France.
Le jeune soldat est maintenant stationné à Pompey (Meurthe-et-Moselle) et est incorporé au 10e régiment d’infanterie, 9e bataillon,
35e compagnie. (*)
Il redit à ses parents de ne pas se tourmenter et leur répète : « Bon courage et bonne confiance. »
En ce qui concerne la période comprise entre début mai et octobre 1915, nous ne disposons pas de correspondance de sa part. Il a probablement continué d’écrire régulièrement à ses parents.
Mais la lettre suivante nous indique ce qui a pu se passer.
(*) : Depuis le 16 avril 1915 au 10ème régiment d’infanterie. Le
9ème bataillon est un bataillon composé d’hommes en formation qui seront
affectés dans différents régiments. En effet le 4 juin 1915, il est affecté au
167ème régiment d’infanterie et part au front.
Il est certain que de durs combats se déroulent pendant cette période. En effet, Nicolas écrit que son ‘’ régiment se trouve endommagé ’’
Il appartient désormais au 167ème régiment d’infanterie, 32e compagnie, caserne Thouvenot à Toul, Meurthe-et-Moselle (indiqué en fin de lettre).
Les termes de sa courte lettre sont plutôt énigmatiques. Il parle cependant ‘’ de passer une visite ’’ ; aurait-il été blessé ? La suite de la correspondance nous l’apprendra. (*)
(*) : Il a été blessé le 3 juillet 1915 au bois de la Gruerie
(54) par éclat d’obus au bras, seulement 1 mois après sa montée au front. Voir le JMO
Le régiment du soldat TheureauD a été déplacé sur le front et les soldats ont probablement reçu la consigne de ne pas indiquer dans leur courrier le lieu où ils se trouvent. Cette lettre indique également que Nicolas a changé de compagnie et le cachet postal sur l’enveloppe porte un nouveau numéro de secteur postal (48 au lieu de 94).
Nicolas a bel et bien été blessé. Dans cette lettre, il écrit :
« ... Je vous dirai
que je m’attends à recevoir la croix de guerre ; on m’a appelé pour me donner
des témoins quand je suis été blessé et l’on m’a dit que j’allais la recevoir
ainsi qu’une citation... » (*)
Il a dû subir une sérieuse blessure car il n’est plus en premières lignes, mais au train de combat ; il conduit un cheval.
(*) : La citation dit ‘’
Blessé le 3 juillet 1915 en Argonne, a fait preuve dans cette circonstance de
beaucoup de courage et de dévouement ‘’. Il obtient la croix de guerre avec
étoile de bronze.
Sans nom de lieu, Nicolas précise cependant :
« ... Nous sommes toujours dans les Vosges ;
il y a beaucoup de neige et il fait froid. Nous devons monter aux tranchées la
veille de Noël mais je ne sais pas encore si j’y monterai ; je vous avertirai.
»
Cette lettre mérite d’être reproduite dans son intégralité pour les précieuses indications qu’elle donne concernant la vie des militaires sur le front des hostilités. :
« Mes biens chers
parents,
Je m’empresse de
répondre à votre gentille lettre que j’ai reçue avec un vif plaisir en
apprenant que la santé est bonne pour vous et toute la famille. Pour moi tout
va bien pour le moment. Excusez-moi si je suis resté quatre jours sans vous
écrire ; comme je vous l’ai dit j’étais aux tranchées, cela m’était presque
impossible d’écrire ; tantôt nous étions aux créneaux, tantôt on était employés
à enlever la boue et l’eau qui, parfois, nous arrivait jusqu’au-dessus des
genoux. Malgré tout je conserve bon courage et bon espoir. En ce moment il faut
savoir être patient et avoir conservé son courage. Sachez être comme moi et
tout ira pour le mieux, je le souhaite de tout mon cœur.
Nous n’avons presque
pas eu de pertes, deux tués et une dizaine de blessés par les obus.
Entre nous, il n’y a
pas grand-chose, d’ailleurs, c’est presque impossible avec le temps que nous
avons, juste quelques coups de fusils de temps en temps ; les boches sont très
raisonnables ; ils ont été jusqu’à fraterniser avec les nôtres au petit poste ;
ils ont échangé une boule de pain pour des cigares que les nôtres leur ont
donné, cela prouve que les boches en ont marre et je serais porté à croire que
la guerre sera bientôt finie, je le souhaite bien vivement.
Je suis de repos
pour une huitaine de jours aussi je vous ai demandé un colis, c’est à dire des
limes fines et des bagues que mon père me coulera car il ne m’est guère facile
de trouver de l’aluminium, deux ou trois pierres à briquet si le colis n’est
pas parti, et une paire de chaussettes ; il faudra m’en couler le plus possible
et d’environ 12 mm d’intérieur, cela me fera rudement plaisir.
J’ai reçu la lettre
de grand-mère ainsi que le billet ; je la remercie du plus profond de mon cœur
et vous l’embrasserez une bonne fois pour moi. Je termine en vous souhaitant
bonne santé et bon courage ; je vous écrirai ces jours.
Votre fils pour la
vie et qui vous aime tous du plus profond du cœur.
Nicolas »
En même temps qu’elle nous montre la dureté de la guerre, cette lettre laisse transparaître les différents états d’âme du jeune soldat : lassitude puis tristesse à compter ses camarades de combat tués ou blessés, espoir de voir la guerre se terminer ; et ensuite, alors qu’il est au repos, le goût pour des activités matérielles plus agréables et enfin, la prévenance pour tranquilliser ses parents et leur dire son amour.
Cette missive du 1er février nous fournit des indications supplémentaires sur la cruauté de cette guerre.
En voici un extrait :
« ... Maintenant je
vous dirai qu’un bruit court à la compagnie, que les copains qui ont fait
l’attaque du 25 septembre partiraient avant ceux qui ont été blessés. Donc s’il
en est ainsi mon tour sera retardé de quelque temps pour partir en permission
car ils ne sont que 17 survivants ; ils seront vite passés, il en partira
davantage à la fois, mon tour sera vite venu, au plus tard à la fin du mois. »
Le jeune homme calcule ses chances d’obtenir une permission car bon nombre de ses camarades sont morts lors d’une attaque précédente.
Quelques extraits de cette lettre nous donnent des renseignements sur la vie des soldats au front. La compagnie de Nicolas TheureauD vient de descendre au repos.
« ... Je vous assure
que cela fait rudement plaisir ; nous pourrons nous reposer et faire notre
toilette pendant ces huit jours... »
On apprend aussi qu’il a été cité à l’ordre du jour mais aussi que, le 28 janvier, une explosion d’obus l’a rendu sourd pendant quelques jours.
(*) : Seul le 1er bataillon du 167ème régiment d’infanterie est
relevé par un bataillon du 169ème régiment d’infanterie. Le repos s’effectuera
dans les villages de Reclonville et Buriville (54). (JMO)
Toujours pas de permission pour le soldat THEUREAUD ; au contraire, il se trouve à nouveau sur le front :
« Je suis toujours
aux tranchées, à vingt mètres environ des boches ; en ce moment c’est très dur,
le mauvais temps tous les jours et les tranchées sont pleines d’eau ; par
endroits nous en avons jusqu’au ventre, c’est dur mais malgré tout il ne faut
pas nous décourager, les beaux jours viendront peut-être bientôt ».
Une nouvelle fois, Nicolas se trouve en première ligne et griffonne une courte lettre presque illisible : (*)
« En ce moment je
suis aux tranchées depuis deux jours. Les boches commencent à redevenir
tranquilles ces jours-ci ; ils reçoivent la piquette et subissent de lourdes
pertes ; à souhaiter qu’ils soient tous exterminés et que nous puissions
rentrer chacun chez soi et être heureux après avoir enduré toutes sortes de
souffrances. Pour moi ce sera bientôt fini cette guerre car ils tentent un peu
partout et n’arriveront pas à percer, au contraire »
Ces lignes reflètent-elles l’état du moral des troupes à ce moment de la guerre ou ce qu’il veut donner comme impression à ses parents... ? De furieuses batailles sont encore à venir.
(*) : Le régiment est dans le secteur de Reillon (54)
Le soldat TheureauD est en première ligne depuis plusieurs jours ; il confie à ses parents de nouvelles perspectives sur la durée de la guerre :
« Il est vrai qu’en
ce moment de fortes batailles se déroulent sur notre droite (*); nous avons eu de la veine, espérons que nous l’aurons
jusqu’au bout. Les boches mènent une certaine activité mais ils ne perceront
pas, j’en suis sûr.
Ne vous tourmentez pas, je ne m’exposerai que lorsqu’il sera extrêmement nécessaire ».
Ces dernières lignes montrent les tentatives du jeune soldat pour apaiser un peu l’angoisse de ses parents. Il le fait dans chacune de ses lettres.
(*) : La bataille de Verdun commence le 21 février.
Cette lettre contient le texte de la citation que doit recevoir le jeune homme :
« A toujours fait preuve
de courage et de mépris du danger depuis son arrivée au front, notamment au
cours d’une attaque à laquelle il a participé. » (*)
(*) : Cette citation n’est pas indiquée sur sa fiche
matriculaire. Il y en a qu’une inscrite qui date du 20 février 1916 : ‘’ Blessé le 3 juillet 1915 en Argonne, a
fait preuve dans cette circonstance de beaucoup de courage et de dévouement ‘’
Au moment de remonter à nouveau en première ligne, Nicolas remercie ses parents :
« ... Je les reçois
juste au moment de partir, ces dix francs me serviront si j’ai le bonheur de
redescendre au repos, espérons-le, dans huit jours ; en ce moment il se mène
une certaine activité »
A la fin de la lettre, il essaie d’être ironique :
« ... Bon courage et
pas de tourments surtout. Hein ! Moi je ne m’en fais pas, toujours le même
poilu !... »
« ... En ce moment
je suis aux tranchées, en première ligne ; nous sommes sérieusement bombardés.
Malgré tout, je continue de ne pas m’en faire, d’ailleurs vous le savez bien
cela ne sert à rien du tout. Nous venons d’avoir notre fourrier tué d’une balle
au ventre.
Je vous remercie
pour les dix francs ; j’ai employé cinq francs pour acheter deux tablettes de
chocolat, un camembert et un pot de confiture pour manger pendant mon séjour
aux tranchées car nous ne mangeons que la nuit ; le jour les cuisiniers ne
peuvent pas monter sans être bombardés et nos boyaux sont en partie démolis.
Nous mangeons à 3 heures du matin et à 8 heures du soir. Que voulez-vous ? A la
guerre comme à la guerre, nous sommes bien obligés d’y prendre. Ne vous
tourmentez pas, j’en serais heureux »
(*) : Jean Auguste CHAMPEL, caporal-fourrier au 167ème régiment
d’infanterie, mort pour la France devant REILLON (54) le 18 mars 1916. Voir
sa fiche.
L’unité dans laquelle Nicolas combat change de secteur :
« ... Nous devons partir
d’un moment à l’autre sûrement pour une chose sérieuse. Je vous le répète, ne
vous en faites pas, je viens d’être épargné par les balles, elles m’épargneront
bien encore.
... Mon père doit
être heureux de travailler le jardin. Moi je serais heureux de pouvoir le
faire, vous pouvez me croire ! J’aurais encore moins de peine que j’en ai
actuellement ! »
(*) :
Dans cette lettre, on apprend que le 167e régiment d’infanterie dans lequel il est incorporé s’est déplacé dans les environs de Lunéville.
29 mai 1916 :
« Il semble que
le régiment soit au repos. »
En effet la missive nous indique que Nicolas TheureauD a reçu la croix de guerre et que les copains lui ont demandé d’arroser l’événement. Evidemment, le moral est un peu meilleur...Il a également obtenu, enfin, une permission et en profitera pour se faire photographier à Montceau.
Lettre poignante... La voici dans sa presque intégralité :
« Mes biens Chers
Parents,
Deux mots pour vous
donner de mes nouvelles qui sont toujours très bonnes mais aussi fatigué d’une
longue marche que nous venons d’effectuer sous un soleil ardent ; enfin tout
s’est bien passé pour moi, je n’ai pas calé ; sachez d’abord que votre fils est
un as pour la marche...
En ce moment, comme
je vous l’ai dit hier nous entrons dans une nouvelle phase de la guerre qui, je
crois, ne sera pas des plus douces pour nous. Nous sommes tout près de Verdun
et quand vous recevrez ma lettre je serai aux tranchées ; je ne m’en fais pas
une miette malgré que je pense très souvent à vous et, croyez-le, je vous aime
plus que jamais vous ne l’avez cru ; j’ai été quelque peu volage mais j’espère
que vous m’en pardonnerez et si jamais il m’arrivait un malheur votre
consolation sera celle-ci que votre fils aura fait son devoir, oui, tout son
devoir et non un lâche comme d’autres, et ce que je vous demande surtout c’est
d’ouvrir l’œil quant à mon violon.
Je l’ai promis à ma
Victorine, vous lui laisserez et l’avertirez surtout. J’espère que je passerai
au travers comme par le passé ou bien, ce qui serait à souhaiter c’est que
j’attrape une blessure comme il y a un an. Ne soyez pas surpris si vous êtes
quelques jours sans recevoir de mes nouvelles ; quant à moi voici six jours que
je n’en ai pas ; écrivez-moi souvent, très souvent.
Vous embrasserez la
grand’mère Bernard et la grand’mère TheureauD ainsi que le parrain pour moi, et toute la
famille.
Ne vous tourmentez
pas et bon courage. Votre fils qui vous aime et vous embrasse de ses meilleurs
baisers.
Nicolas »
En écrivant cette lettre le 2 juillet, le jeune homme sait où il va (*) ; il passe en revue tous les instants de sa jeune vie et en lisant ces lignes nous pouvons clairement nous rendre compte qu’il fait son testament. Et il n’a pas encore vingt-trois ans !
(*) : En effet, après un repos de 15 jours, le régiment part
pour Verdun où les soldats savent bien que la bataille dure depuis 5 mois et
que les divisions d’infanterie y sont dirigées chacun leur tour, jusqu’à leur
30 % de pertes. Les compagnies de son régiment seront en tranchées à tour de
rôle devant Fleury du 5 au juillet.
Deux nouveaux courriers parviendront à ses parents, datés des 4 et 5 juillet 1916 : le jeune homme répète à ses parents qu’il
‘’ s’apprête à
monter aux tranchées (…) ‘’.
Voici donc Nicolas engagé dans l’enfer de Verdun. Le courage des troupes françaises fera que les Allemands ne réussiront pas à enlever la place forte ; mais au prix de quels sacrifices de part et d’autre. Au cours de ces jours sanglants, Aucune nouvelle de Nicolas ne parvient aux siens. Que s’est-il donc passé en ce début de juillet 1916 ? (*)
A Montceau, sans nouvelles de leur fils depuis un mois, les parents de Nicolas sont morts d’inquiétude. Le 2 août 1916, ils écrivent au Comité International de la Croix Rouge à Genève, organisme chargé de rechercher les soldats dont on a perdu la trace au cours des combats.
Un peu avant le 15 août, la famille reçoit une carte partie le 10 de Genève : le texte est pré-imprimé et indique que le Comité de la Croix Rouge communiquera les renseignements demandés concernant le soldat TheureauD aussitôt que possible.
(*) :
Le 11 juillet, les Allemands attaquent leur position, le régiment perd près de
1500 (mille cinq cent) hommes tués, blessés et disparus. Le journal du régiment
indique pour le bataillon de Nicolas (1er bataillon) :
« Le 1er bataillon du 167e RI en pleine
relève est attaqué violemment, les officiers et soldats sont tués ou fait
prisonniers. » (JMO)
Nicolas THEUREAUD est dans la liste
des pertes, et est considéré comme disparu, on y apprend qu’il faisait
partie de la 2ème compagnie.
Ce même comité confirme qu’à la date de ce jour le nom du disparu ne figure pas sur les listes des prisonniers, des blessés ou des décédés qui sont envoyées régulièrement par les gouvernements allemand, autrichien, bulgare et ottoman. Les recherches continuent…
Enfin arrive une carte ! C’est une carte postale militaire allemande sur laquelle Nicolas indique ce qui suit :
« Deux mots pour vous dire que je suis prisonnier de guerre, non blessé,
en bonne santé ? Ne vous tourmentez pas. Dites-le à Victorine. Je vous embrasse
tous du plus profond de mon cœur. Nicolas. »
Cette carte, est datée du 16 juillet 1916 mais est partie du camp de prisonniers de Wahn le 27 du même mois, puis a subi la censure et les contraintes du trajet compliqué entre l’Allemagne et la France. Elle porte également un cachet violet qui semble indiquer son passage auprès de l’autorité militaire française.
Pour les parents, la joie immense de savoir leur fils vivant est à peine atténuée par un second cachet rouge qui ordonne en français :
‘’ Ne pas répondre à Wahn, attendre des indications ultérieures. ‘’
Le prisonnier écrira de nombreuses cartes au départ de ce camp, sans toutefois donner d’adresse précise. En outre, ces cartes réservées à la correspondance des prisonniers de guerre en Allemagne subissaient toujours d’énormes retards ; par exemple l’une d’elles, écrite le 28 août (date indiquée en en-tête), a été oblitérée au camp de Wahn le 5 octobre.
Enfin, sur une nouvelle carte écrite le 10 septembre, le jeune homme transmet son adresse.
Après les habituels ralentissements subis en cours de route, elle n’arrivera probablement à Montceau qu’à la fin d’octobre. Sur cette carte Nicolas écrit :
« .. En ce moment je
ne suis toujours pas malheureux et travaille aux champs. Ecrivez-moi mais ne
m’envoyez rien, je n’ai besoin de rien… »
Une nouvelle carte postale datée du 2 octobre 1916 indique :
« ... Je vous dirai
que j’ai reçu votre carte du 19 août ; elle m’a produit une joie profonde de
savoir que vous étiez renseignés sur mon sort car vous avez dû être inquiets.
Ne vous inquiétez plus, tout va pour le mieux... »
Cette correspondance montre la lenteur qui affecte également le courrier au départ de France et adressé aux prisonniers en Allemagne ; la carte des parents TheureauD a mis environ quarante jours pour lui parvenir.
On dispose donc de nombreuses cartes du prisonnier dans lesquelles il affirme qu’il n’est pas malheureux et recommande à ses parents de ne pas se faire de soucis pour lui.
Evidemment, malgré ses recommandations, ses parents lui envoient de nombreux colis qui ne parviennent jamais à destination.
Il faut dire que Nicolas vient d’être déplacé et se trouve depuis peu dans un autre camp de prisonniers, à Giessen, ville de Hesse, à soixante kilomètres au nord de Francfort.
Il n’y restera que peu de temps et sera dirigé à nouveau vers un autre camp à Stralkowo, près de Posen, ville de Poznanie, qui deviendra polonaise à la fin du conflit sous le nom de Poznan.
Il indique son adresse : Nicolas TheureauD, matricule 457, 1er bataillon, Camp de Stralkowo près de Posen.
Le régime militaire des camps de prisonniers semble s’assouplir un peu ; ainsi lettres et colis arrivent un peu plus régulièrement et les correspondances par lettres sous enveloppes sont tolérées.
Nicolas semble travailler à l’extérieur du camp mais réclame assez fréquemment l’envoi de vêtements chauds pour se protéger des rigueurs du climat de la région.
Les fêtes de fin d’année approchent et la perspective de les passer loin de chez lui provoque une baisse sensible du moral. Les lettres suivantes des 16 et 31 décembre en sont le témoignage : celle du 16 décembre n’a été traitée à la poste de Stralkowo que le 9 janvier 1917 ; celle du 31 décembre ne l’est que le 17 janvier.
La lenteur de transmission de ces correspondances, probablement voulue par les services allemands, contribuait à saper le moral des prisonniers.
Voici des extraits de ces deux lettres :
« ... Envoyez-moi
régulièrement des colis et mettez-y ce que vous jugerez qui me sera le plus
utile et le plus nourrissant, chaussettes, chocolat, lait, fromage, sucre,
pâtes, pâtisserie, sel et poivre. Je vous en serai reconnaissant. ...
Ecrivez-moi souvent. Je termine en vous souhaitant bonne année et bonne santé
et, surtout, pas de tourments, ça ira jusqu’au bout… »
« ...Puisse l’année
1917 nous apporter des jours meilleurs, c’est ce que nous espérons tous ; oui,
nous serions tous bien enchantés de la disparition de toutes ces plaintes, de
tous ces tourments et inquiétudes ; oui, nous espérons que cette année, enfin,
nous amènera la paix et la liberté... Je demande à Dieu qu’il vous garde tous
en bonne santé ; quant au reste, tout ira pour le mieux... Ecrivez-moi aussi
souvent que vous pourrez cela me ferait tant plaisir... »
C’est le premier Nouvel An que Nicolas passe en captivité et ces lettres nous indiquent que son moral est vraiment atteint. Heureusement les colis vont arriver...
Nicolas a reçu trois colis dont deux de Mâcon ; en effet, avec l’aide de la chambre de commerce, l’Œuvre des prisonniers de guerre de Saône-et-Loire seconde les familles afin d’adoucir les conditions de vie des militaires prisonniers.
Carte postale de la croix rouge de Genève adressée à Monsieur Theureau(D) père :
Ainsi, après de longs mois de recherches, dues au nombre très important de soldats tués, disparus, blessés ou prisonniers, la Croix Rouge a retrouvé sur les listes qui lui sont adressées le nom de Nicolas TheureauD et en informe son père. Cette carte nous apprend que le soldat a été fait prisonnier à Fleury, village disparu de la carte de France après avoir été le théâtre de terribles affrontements à plusieurs reprises.
C’était le 11 juillet 1916 : Nicolas fut donc l’un de ces héroïques défenseurs du petit village meusien situé devant Douaumont et qui, dit-on, changea dix-sept fois de mains entre le 20 juillet et le 18 août 1916.
A ce sujet, laissons quelques instants les tribulations de notre jeune Montcellien pour citer un texte de Mr. Limoges, dans le courrier de Saône-et-Loire du dimanche 13 juillet 1986, commémorant le 70e anniversaire de cette terrible bataille :
« L’histoire de
France a conservé en mémoire l’âpreté de ces heures tragiques : Lorsque dans
les derniers jours de juillet 1916, trois régiments français reçurent l’ordre
de reprendre le village sis à quatre kilomètres au nord de Verdun, les deux
artilleries française et allemande évitèrent de bombarder Fleury, non par souci
d’humanité, mais parce que les lignes des combattants et adversaires étaient
trop proches les unes des autres et, en certains endroits, entremêlées.
Lorsque le village
fut définitivement reconquis par les Français, il ne restait debout à Fleury
qu’un surgeon de noisetier ou d’ormeau et, d’intact, que la cloche de
l’église... au sol ! »
Carte de l’Oeuvre des prisonniers de guerre de Saône-et-Loire. Cette association dispose dans tout le département de nombreux membres qui se chargent de préparer les colis destinés aux prisonniers. L’Oeuvre annonce qu’elle a adressé à TheureauD Nicolas un pantalon, une capote et un képi.
Cette carte est adressée au maire de Montceau avec prière d’en avertir la famille.
Nicolas exprime
son bonheur : il vient de recevoir une photo de ses parents qu’il n’a pas vus
depuis sa dernière permission, près d’un an auparavant :
« Mes biens chers Parents aimés,
Oh ! Grande est ma joie en ce moment. J’ai
reçu votre photo, cela m’a fait beaucoup plaisir ; je vous félicite de la bonne
posture que vous avez tous les deux et vous remercie infiniment d’avoir pensé à
cela. Je pourrai donc vous admirer, ainsi que Victorine, dans mes jours de
cafard, cela me distraira et me soulagera beaucoup... »
Victorine est la
fiancée de Nicolas. Nous savons par des lettres précédentes qu’elle rend de
fréquentes visites à ses parents. Il possède aussi une photo d’elle...
Cette missive nous
apprend la blessure du frère de Victorine : il a reçu un éclat d’obus et est
hospitalisé ; une nouvelle famille est touchée par cette guerre.
A la fin des
hostilités la presque totalité des familles de France seront meurtries par ce
conflit.
Le jeune
prisonnier ne reçoit plus de conserves. Il pense qu’elles sont ouvertes et
détruites par les autorités de censure ; par contre il réclame des vêtements,
des chaussures et un képi rouge (?). Il écrit également :
« Ici il commence à faire chaud ; je
travaille chez un prêtre et, en travaillant, on n’est pas trop
malheureux... »
Nicolas s’est
blessé au pied avec sa fourche et devra observer quelques jours d’arrêt de travail.
Il s’intéresse à la langue allemande :
« ... Maintenant je me débrouille assez
bien ; je parle assez bien l’allemand et un peu le polonais, rien n’était plus
désagréable pour moi d’entendre parler et de ne pas comprendre. Ici on apprend
très vite... »
À partir de cette
date il y a une lacune de près d’une année dans la correspondance du
prisonnier.
Monsieur J.-M. TheureauD adresse une lettre à son fils. Entre autres nouvelles, l’envoi du
82ème colis (!), dont le père énumère le contenu. Tous ces envois représentent
évidemment de grands sacrifices pour la famille.
Dans ce cas
particulier, trois ou quatre colis par mois pendant une période de deux ans. Il
est certain que beaucoup de prisonniers français n’ont pas été aidés de cette
façon dans leur malheur.
Cette lettre a été
minutieusement inspectée par la censure allemande : elle porte les marques d’un
produit violacé et l’intérieur de l’enveloppe lui-même a été badigeonné par
endroits de ce produit, sans doute pour révéler un éventuel texte clandestin
invisible à l’œil nu.
Lettre de
Victorine à son fiancé toujours prisonnier. La jeune fille est toute à sa joie
et à son bonheur de lui annoncer la signature de l’armistice.
Cependant cette
lettre n’ira pas bien loin : l’enveloppe porte le cachet postal du 19.11.1918
au départ de Montceau-les-Mines mais également la griffe « Retour à l’envoyeur
», les échanges de courrier entre la France et l’Allemagne étant suspendus dans
l’attente d’une situation normalisée.
Carte postale de
Nicolas expédiée de Mutzig en Alsace reconquise et portant un cachet postal
français du 24 décembre. La voici dans son intégralité (sans quelques mots
illisibles) :
« Mes biens chers Parents,
Me voici revenu français maintenant. Je suis
rapatrié du 20. Nous sommes arrivés à Strasbourg en bonne santé. Vous parlez
d’une joie que j’ai ressentie en passant le Rhin. Quand j’ai ..... les zouzous
(?)...... ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai compris la réalité.
Soyez persuadés mes chers parents que je suis
réellement heureux. Je suis à Mutzig, à
Je pense qu’au jour de l’an je serai près de
vous ; ne vous en faites pas, je suis en bonne santé et espère que vous aussi
ainsi que Victorine. Bonjour à tous et à bientôt. Votre fils pour la vie.
Nicolas »
Enfin à la fin de
décembre, le jeune homme va revoir sa famille et sa bonne ville de Montceau où
il séjournera effectivement un mois et demi en permission avant d’être convoqué
vers le
Dans cette carte
postale, Nicolas parle d’un exercice (?) : ... un exercice qui ne devrait pas
être très dur, mais enfin il ne faut plus qu’un peu de patience.
Il ne restera pas
longtemps à Chalon-sur-Saône... En effet :
« Mes biens chers Parents,
Me voici encore une fois dans un autre truc à
Dijon depuis mardi soir dans une compagnie d’autos du 8ème Train des Equipages.
Nous ne resterons pas ici ; j’irai à Orléans, probablement ; mais avant de partir
j’irai certainement en permission de dix jours à laquelle j’ai droit.... Quant
à moi tout va très bien.
A bientôt..... »
Nicolas vient
d’effectuer la permission de dix jours qu’il prévoyait et il est rentré à
Dijon. Il a touché sa ration de tabac mais, comme il ne fume pas, il informe
ses parents de l’envoi de deux colis de cinq paquets de tabac. ....cela aurait
fait un colis trop gros.
Cette
correspondance est oblitérée d’un cachet violet du 8ème Escadron du Train des
Equipages - Dépôt.
Encore un
changement d’affectation pour Nicolas :
« Je m’attends à partir tous les jours,
ma compagnie étant dissoute le 29 ; il en part tous les jours un peu partout,
tous des professionnels aux armées ; sûrement je serai du nombre et j’en suis
très affligé car je me trouvais bien ici.
Que voulez-vous ? »
Dans ce métier-là
on est obligé d’écouter. Espérons vivement dans la libération prochaine.
Parmi cette
correspondance entre le soldat Nicolas TheureauD
et ses parents, nous avons trouvé une enveloppe sans correspondance datée du
A Sélestat le
moral est bien meilleur et les mauvais moments de la guerre et de la captivité
sont oubliés. Dans cette lettre plaisante le soldat fait la relation de deux
incidents qui l’ont perturbé :
« ... Pour moi tout va bien à part un
abcès qui m’est venu à la moustache ; j’en souffre énormément mais j’espère que
d’ici deux ou trois jours ça ira mieux. N’empêche que j’ai une tête comme une
citrouille et peut-être serai-je obligé de me raser les moustaches, chose qui
me contrarierait beaucoup car j’aime beaucoup mes bacchantes... J’ai été
quelque temps privé de nouvelles de Victorine et j’ai écrit deux lettres
quelque peu nonchalantes ; j’ai eu peur de l’avoir un peu fâchée. Non ce n’est
qu’un manque de ma part puisque maintenant je reçois journellement ses lettres.
.... Que voulez-vous ? Je l’aime et j’étais
trop malheureux d’être privé de ses nouvelles... »
L’épisode des
moustaches n’est pas terminé :
« ... Tout va bien pour moi ou à peu
près ; mon abcès est à peu près guéri ; on voulait me raser les moustaches mais
je n’ai pas voulu et ça guérit tout de même ; je préfère souffrir un jour de
plus et conserver mes moustaches. Je recommence mon service et vais partir dans
un moment avec le général Jacquemond
pour Strasbourg, peut-être plus loin je ne sais pas...
Envoyez-moi de l’argent ; ce n’est pas que
j’en manque, non, mais je veux avoir un pécule nécessaire dans le fourbi que je
fais, il peut arriver que j’en aie besoin. »
En quoi consiste
le fourbi que fait Nicolas TheureauD ? Dans le
langage militaire, Nicolas était tringlot, c’est-à-dire soldat du train des
équipages et l’armée faisait piloter aux soldats toutes sortes de véhicules :
des voitures automobiles transportant généraux et officiers, des camions
convoyant du matériel pour les troupes d’occupation de la Rhénanie après les
hostilités.
Nicolas ne s’était
pas trompé en disant qu’il irait peut-être plus loin que Strasbourg puisque la
lettre suivante vient d’Allemagne.
Le soldat TheureauD étant mécanicien (rappelons-nous ses débuts
dans cette profession, à Chalon, avant son départ au service militaire), on lui
demande de changer de qualification :
« ... Comme je vous le dis je suis passé
dépanneur après avoir passé un essai ; je suis parti lundi matin et n’est
rentré que ce soir ; j’ai dépanné trois voitures à
Nicolas est
toujours à Spire et il se débrouille bien en allemand. Mais le métier de
militaire commence à lui peser et c’est bien normal après plus de cinq ans de
carrière militaire !
« Je vous dirai aussi que pour ce milieu
militaire ça commence à se tirer ; si je ne me trompe pas, d’ici 27 jours je
serai civil ; je m’en réjouis et Victorine aussi.... »
La démobilisation
est proche et cela se manifeste encore dans cette lettre dont voici un passage
:
« ... Quant à moi tout va bien ; j’ai
roulé hier et ce matin et cet après-midi je veux aller pêcher dans le Rhin
ayant une dernière journée de repos ; je vous tiendrai au courant de ma pêche !
Ne vous tourmentez pas pour moi... Je termine pour aujourd’hui ; à bientôt et
c’est du 17 demain ! Bonjour à tous. Votre fils qui vous aime.
Nicolas ».
Cette lettre est
la dernière en notre possession.
Nicolas Theureaud a retrouvé la vie civile aux
alentours du 31 août 1919, comme il l’espérait dans ses dernières lettres.
Lui-même, ses parents et sa fiancée ont pu enfin profiter de leur bonheur après
les douloureux évènements vécus par le soldat et les terribles inquiétudes
ressenties par ceux qui étaient restés à l’arrière.
Nicolas Theureaud a donc été absent de « ses foyers
», comme disent les militaires, durant près de 4,5 années pendant lesquelles il
a été gravement blessé en tant que soldat, il a subi des vexations de toutes
sortes en tant que prisonnier de guerre. Il n’a bénéficié que de quelques rares
permissions et a obtenu une décoration méritée avec citation pour sa bravoure
au combat.
Un petit peu de
baume au cœur au milieu de tant de « misères ».
Il est rentré chez
lui à vingt-six ans gardant au cœur le triste souvenir de près de cinq années
de sa vie gâchées et la légitime fierté d’avoir défendu sa patrie. Il a eu
beaucoup de chance si l’on considère le nombre effroyable d’hommes de toutes
nations qui ont perdu la vie lors de cette terrible confrontation appelée la «
grande guerre »
Je remercie
chaleureusement mon ami Roger Triboulin
pour sa collaboration.
André PIERRE
En examinant sa fiche matriculaire, il est noté qu’il a été proposé pour la médaille militaire en avril 1972, l’a-t-il obtenu ?
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