Carnet de guerre de Louis THIEBAUT

du 76e régiment d'artillerie lourde à grande portée

 

 

Mise à jour : mars 2014

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J'ai retrouvé dans des archives familiales un carnet de mon grand-père Louis Thiebaut qui faisait partie du 76ème régiment d'artillerie lourde grand portée. Ce témoignage porte sur la période juillet-août 1917 à début janvier 1918.

J'ai joint les pages scannées de ce carnet à ce mail

Je veux que le max de personnes sache ce que nos anciens ont vécus..

Philippe, 2013

 

Merci à Françoise pour la recopie des pages du carnet.

 

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1917

 

 

Le 1er juillet dimanche

On se lève comme de coutume vers 6h ½. Personne ou très peu de monde autour des wagons. Beaucoup d’hommes sont en permission, partis à Paris ou aux environs.

 

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Le soir après la soupe, qui a lieu à 4h le dimanche, je vais me promener avec Viala. Nous passons par Froidmont. Nous observons les récoltes, on conclut que dans l’Oise, le meilleur rendement est la pomme de terre ou les cultures sarclées : betteraves, carottes, oignons, etc.

Les céréales n’y réussissent que médiocrement. Le seigle se présent bien, il commence à blanchir, signe de sa maturité, mais les épis sont très inégaux, il en est de longs, d’autres très petits.

Nous remarquons un champ où il a été complètement versé par les dernières pluies. (Aujourd’hui le temps est sombre, brumeux, il tombe une sorte de brouillard versant des gouttes espacées.)

La terre dans l’Oise est très facile à travailler, me dit Viala qui la semaine précédente a buté des pommes de terre. Elle est noire mais doit contenir beaucoup de silice. Le sous-sol qui se voit dans la tranchée d’où les prisonniers boches tirent du gravier, est formé entièrement de cet élément recouvert par une couche de terre arable de 80 cm à 1 m.

 

Tout en marchant nous discutons avec Viala sur le mode de travail du pays. On ne voit pas ou peu de champs en friches et on ne fait pas de jachère. Viala fait remarquer que les labours ou travaux d’entretien ne se font toujours pas par des temps très propices.

L’an dernier lorsque nous étions à Bailleul en août et septembre, des ouvriers labouraient près du village même par la pluie, de sorte que le chiendent qui est en grande quantité à certains endroits repousse aussitôt.

Les travaux de déchaumage doivent être faits par temps sec, de même que les sarclages. En passant près d’un champ de betteraves près Bailleul, que nous avions vu travaillé par des femme la veille, on vit que ce qui a été fait, sarclé, avant et pendant la pluie des derniers jours a repoussé, tandis qu’ailleurs l’herbe a séché et le terrain est net.

Les blés sont beaux, mais clairs et envahis par quantité de mauvaises herbes : bleuets, coquelicots d’un très joli effet mais détestables pour le rendement, le chiendent est aussi abondant.

Nous attribuons cela à un manque de nettoyage de la terre, faute d’un assolement bien compris de plantes sarclées alternées avec des céréales.

L’ensemencement n’est pas partout bien fait, il y a des parties claires et d’autres très épaisses.

 

Il semble que l’on emploi de vieilles méthodes. L’industrie consiste surtout en petites fabriques se succédant tout au long des cours d’eau tel le Thérain. On y fabrique des boutons, des brosses à dents, des tire-bouchons.

Cette fabrication ne peut se maintenir que grâce à la modicité du prix de la main d’œuvre et à l’utilisation des cours d’eau comme élément moteur de turbines. Ce sont en grande partie des femmes qui y travaillent.

Les boutons se font avec une graine très dure importée d’Amérique.

 

Des camarades : Carles, Maeyer, Scamps ont été embauchés dans l’usine vers la cantine pour le nettoyage du canal, ils ont 0,50 de l’heure et ils font dix heures.

Ce qui frappe dans le mode de récolte du pays, c’est la façon de ramasser le fourrage : quand il est coupé, on le laisse sécher puis on en fait des petites meules sur le champ, appelées ???. Ensuite on redéfait ces meules pour mettre le fourrage en bottes et s’il pleut il faut refaire sécher ces bottes.

Il faut ainsi près de trois semaines pour rentrer du fourrage qui mouille et sèche plusieurs fois et perd de sa valeur.

En outre cette méthode exige un travail double de la méthode habituelle.

Les paysans prétendent que le foin en bottes tient moins de place sur les greniers, ce qui est discutable.

 

Le 4 octobre 1917

On travaille à la demi-lune de la voie devant le cantonnement. Une équipe du génie est venue renforcer et commence à l’autre extrémité.

Le temps s’est couvert, il tombe une pluie fine, tout le jour il fait sombre et triste, tout est gris. Quelques avions bravent la tempête et volent bas.

 

Le soir, il pleut, on quitte de bonne heure. On dit que les américains reprendraient 5 groupes d’A.L.G.P. (*)  des pièces longues de 320 des unités auxquelles il manque le plus de personnel.

Le commandant Benoit empêcherait pour cette raison de dégarnir le groupe en évacuant trop de personnel ; si l’on ne pouvait plus tirer qu’avec 2 pièces, le groupe serait dissous, on dit aussi qu’on nous enlèverait les wagons.

Le 305 a fait un tir sur notre position de Nordhoek.

Objectif : un village où sont cantonnées des troupes boches venant de Russie.

 

(*) : Artillerie Lourde Longue Portée

Le 5 octobre.

Le matin, on travaille à la demi-lune terrassement, temps frais. La saucisse qui a son garage à côté, sort elle s’élève à 50 mètres, elle balance fortement, des sauts de 10 mètres, il parait qu’en haut c’est pareil.

L’observateur dans la nacelle ne doit pas être sujet au mal de mer.

Les autos de la saucisse partent vers le front, l’auto mitrailleuse en tête par de mauvais chemins. Les hommes doivent remorquer les autos avec des prolonges, le terrain est rendu glissant par les pluies de la nuit.

 

Le soir on travaille encore à la demi-lune jusque vers 3 heures.

Une équipe part à la position des Nordhoek,  placer les poutrelles de la 1ère et 2ème pièce Bandon et Thez.

La 2ème pièce devient la 4ème et occupera le 4ème épi. Nous partons à 4h ½ pour la position, les pièces étant arrivées à la gare du km 5 près cantonnement, nous montons avec les poutrelles. Le 4ème épi n’est pas terminé, on répartit un wagon de poutrelles entre les 3 pièces qui doivent tirer ; je reste pour voir le lieutenant du génie et demander si l’épi 4 sera bientôt fini, il doit être terminé ce soir.

Pendant ce temps le train de la batterie lui part et je le manque, je reviens avec le train du génie qui va à Heldebeek, soupe à  20h. (Vu Ferlet du 305.)

6 octobre

Ferlet, groupe 305, viennent de Heilles, Mouchy et de Verdun, ont pris part aux offensives d’août, le 8ème groupe en position à 3 km sur la gauche de Dugny a encaissé : 3 morts et plusieurs blessés.

Toute la batterie part à la position à 7h1/2.

On place nos poutrelles à l'épi 4. Nous sommes tout à fait sur la gauche et moins abrité que les autres pièces. On maquille devant nous avec de grandes bâches.

Les autres pièces sont derrière qui dit-on est marmité. À la lisière, il y a de grands arbres où sont des observatoires. Les saucisses sont derrière la position, on est à 5-6 km des lignes.

Les pièces arrivent à 10h ½. Soupe 11h ½. On place la règle pendant la soupe.

 

Le soir, pluie jusque 3 heures. Formation des pièces, préparation pour le tir. Alerte.

Retour à 5h30.

Le fourrier LEANDRI est nommé chef.

Fleures, de même, passe au groupe de 370 qui était avec nous à Bailleul (groupe de Chassaing-Huguet) JURMIANDE ( ?) sera rétrogradé.

 

 

BELMARES, blessé au tir du 7e groupe à Avencappelle, a la croix de guerre.

Le chef GRIBET sera nommé adjudant.

Le 7 octobre 1917

Changement d'heure. Retard d'une heure sur pendules. Le trompette, non prévenu, sonne une heure trop tôt. On part à 7 heures par le train.

 

Avant le pont la voie est coupée. Près du poste de mitrailleuse, il y a 2 trous de torpilles. Les avions les ont jeté vers 2 heures du matin. On a entendu les coups de canon. On quitte le train, et on va à pied en suivant la ligne par le Lion Belge à la position de Nordhoek.

On prend les dispositions de tir aussitôt en arrivant et on attend.

Il commence à pleuvoir à 10h.

Visite du commandant.

Recommandations au pointeur en hauteur.

Au 7e groupe, les pointeurs en hauteur, par suite de la précipitation à énervement du bombardement, ont fait des erreurs produisant des écarts de 1800m.

 

La soupe vient à 7h 1/2.

Il pleut. Distribution en désordre. Il manque quelque chose à chacun. Les uns n'ont pas de pain, d'autres pas de soupe, etc.…

Organisation !

Le brigadier d'ordinaire ULZ a oublié les plats au cantonnement.

Le soir la pluie continue. On gèle. Le vent fait tomber les panneaux de camouflage.

Le matin, il y avait grande activité aérienne. Le soir trop de vent.

On rabâche à 5 ½ et on rentre par le train.

Souper extra : soupe, frites, viande, salade.

URBIS est rentré de Mailly, trop jeune pour rester à l'arrière.

8 octobre

Matin, attente, soupe à la position, il pleut.

Alerte pour le tir à 15h, on change d’objectif, on commence le tir à 15h30, il pleut, on s’embourbe, on est sur du ballast de crassier qui résiste bien aux chocs, l’angle de tir est très faible : 23°, on change encore d’objectif au 4ème coup, il semble que nous tirions pour une attaque sur des points de concentration.

Il pleut de plus en plus, on barbote.

Le sous-lieutenant Régis est avec nous, les déplacements de la pièce se font avec la machine, le tir cesse après le 13ème coup, on rentre au cantonnement à 19h trempés jusqu’aux os.

Il faut se changer des pieds à la tête et la soupe.

9 octobre

Réveil à 4h du matin, départ à 5- ¼, un peu de retard.

A la position, préparation pour le tir, on tirera sans doute pendant une attaque, faute d’éléments le pointage se fait d’abord sur le rail, puis on pointe au jalon avec lanternes comme la veille, tirs par salves, 24 coups, halte au feu, soupe à la pièce.

Diverses avaries à la pièce 3038, il a fallu changer la tête mobile par suite de plusieurs affouillements sur l’obturateur et la rondelle d’appui, le trénil de droite est hors de service, l’embrayage ne fonctionne pas et la manivelle s’est tordue à un départ, elle a été remplacée par une de la pièce de Thez restée au garage.

La culasse ne fonctionne pas régulièrement, le verrou est maté, on sent une bavure et le talon de la pièce de mise à feu n’appuie pas sur le loquet, d’où un jeu, glissement, dévirage de la culasse, choc du verrou sur le loquet et cisaillement du rivet du talon, on remplace le verrou par celui de rechange qui se brise aussi.

 

Le commandant est venu voir pour remédier à ces avaries diverses : combinaisons pour empêcher le dévirage, pièces en bois, etc.

Rien n’y fait, on attribue cela à la forte charge pour un petit angle.

La pièce 3038 s’en va au garage et est remplacé par la 3037, on change de pièce.

Le personnel de la 2ème pièce se rend à la pièce 3040, 2ème épi derrière le bois et les arbres observatoires.

On tire 14 obus avec la 3040, réglage par avions, c’est le major-des-Logis Briaux du 7ème groupe de Poizerte qui observe en avion.

A la fin du tir, il y a une dureté de culasse due à l’encrassement de l’obturateur.             

10 octobre

Position, attente, différents pointages sur la batterie boche 03-30, observation impossible.

11 octobre

Pointage sur 99-34, soupe à la position, déplacement de la pièce, changement d’objectif, mise en place d’une nouvelle règle (avion boche au dessus de la position pendant cette opération, tir antiaérien 105)

Discussion avec Uz.

12 octobre

Le matin on ne va pas à la position, on mange la soupe à 10h, on part à 10h ½.

On est au poste, on a 30 grammes de saucisson comme casse croûte.

 

Après-midi : temps doux, soleil, temps brumeux d’automne, on prend un bain de lézard, étendus sur l’avant de la pièce, on lit les journaux

 Une escadrille boche pénètre dans nos lignes à 13h, 8 à 10 avions, on les canonne 75 et une batterie de 105 à gauche de notre position.

Pas de chasseurs des nôtres en l’air, les boches tournent sur notre position et s’en vont, ils reviennent une heure plus tard mais sont poursuivis par les nôtres, nombreux combats.

Thez le chef de pièce la 4ème dit avoir vu un boche tomber dans nos lignes.

 

A 15h, on reçoit l’ordre de partir, on rentre au Ct à 16h, visite du Lt Signoret, annonce de propositions pour nominations : Planolles, Uz, Thiébant sous-off, MP. Brigadiers et 1ère Cie.

Le 15 octobre il y aurait une attaque.

 

Le soir à 20h ½, les avions de bombardement boches arrivent, tir antiaérien, bombes dans les environs du cantonnement sur la gare de Heldebeek, quelques victimes.

15 octobre

Matin réveil 6h, nettoyage de la 2ème pièce 3038, on fait venir un homme de garde de la position avec la brosse, on finit le nettoyage à 13h ½.

 

A 15h on fait des abris sous les wagons, trous entre les traverses et traverses sur les côtés avec talus de terre, abris protecteurs contre les éclats de bombe et culots d’obus antiaériens.

 

A 19 heures, avions boches de bombardement, tir antiaérien, bombes dans les environs du cantonnement. Beaucoup d’hommes vont s’abriter sous la pièce 3038 sur la voie principale (entre autres le capitaine Martin avec son chien).

Les avions boches lancent des fusées éclairantes avant de jeter leurs bombes, elles éclairent comme en plein jour.

16 octobre 1917

Le matin réveil à 6h, appel à 7, on termine les abris sous les wagons en consolidant avec des rondins arrivés à la gare.

L’eau a envahi les trous creusés entres les traverses, on jette de la terre entre les rondins de façon à former talus.

 

Le soir, on continue ce travail et nivellement devant le wagon pour l’écoulement des eaux.

Visite du lieutenant Signoret.

17 octobre

Matin à la position, pointage sur objectif batterie boche 99-44.

L’observateur Briaux monte. (*)

On commence le tir à 9h ½ réglage.

Au 2ème coup on corrige de 8 décigrades, la correction du vent dans les calculs ayant été faite dans le sens inverse.

On tire 21 coups par pièce dont 3 à fusée court retard. Plusieurs coups sont signalés au but, à la pièce pendant le tir la voie s’affaisse, il faut surveiller de près les vérins, le volant du frein arrière se casse, les ressorts de la boggie arrière se décalent.

Malgré tout, bons tirs, bons résultats.

 

(*) : Il monte dans le ballon d'observation : La "saucisse"

19 octobre

Le soir, on donne la souscription qui s’élève à 66f, 25.

On va voir le capitaine Bary pour envoyer 1 homme à Dunkerque pour l’achat de la croix, Barthalot est désigné, il partira avec la camionnette.

Samedi 20 octobre

Le matin on reste au cantonnement.

Scamps part à 6h du matin avec la camionnette pour Dunkerque convoyer la tête mobile à Mailly, Barthalot part aussi pour acheter la Croix.

On monte à la position.

En attendant le départ du train du cantonnement, un avion boche arrive sur la saucisse près du cantonnement, tire dessus à balles incendiaires, les observateurs sautent en parachute.

Le vent les pousse vers les lignes boches. Ils descendent à quelques kms des lignes, la saucisse prend feu et tombe en flammes.

A la position on attend, on rentre à 5h.

Barthalot de retour rapporte la croix à 59, 50 = 3 diamants. On la fait voir aux hommes et on va l’offrir au lt Signoret qui remercie.

Barthalot a rapporté aussi des crevettes et des moules, on se régale.

Dimanche 21 octobre

Le matin on attend, on en profite pour se nettoyer un peu : barbe, etc.

On part pour la position avant la soupe. Le temps s’est un peu éclairci. Il y a encore la brume à l’horizon.

On est toujours pointé sur la batterie boche 99-34.

Les officiers vérifient les pointages des pièces, en faisant repérer chaque goniomètre à la même seconde sur le côté droit du soleil, on vérifie le repérage 1 le théodolite. Il y a une erreur de 2 décigrades à la 2ème pièce.

On vérifie les règles sans pouvoir trouver la différence.

Les hommes de la 2ème pièce vont chercher dans la forêt un gros caillebotis que l’on retire de l’eau et on le traîne sur la voie Decauville jusqu’à la voie normale.

La veille, on avait envoyé toute la batterie dans cette même forêt de Nordhoek pour ramasser des bouchons d’obus anglais, les bouchons ont un anneau et le tout est en cuivre. Si l’on en trouvait suffisamment la batterie les vendrait pour améliorer l’ordinaire.

 

En parcourant la forêt avec les M-des-Logis (*) Barde et Bardou, nous visitons un abri bétonné, murs de 1 m avec poutrelles en fer.

Un obus est tombé contre et l’a crevé. Toute cette forêt était occupée précédemment par les Anglais qui y avaient établi des batteries de 150 à 200 mm et 350 mm. On a trouvé depuis un obturateur de pièce qui mesure 350 mm. Le soir le Maréchal des Logis Thez me prévient qu’il y a attaque demain.

 

(*) : Maréchaux-des-Logis

Lundi 22 octobre

A la position, toute la journée, l’après-midi on fait du pointage sur le soleil. Le soir le Mal des Lis Thez. (*)

Réveil à 3h ½ on part à 4h ½.

Il pleut, on doit commencer le tir d’attaque à 5h 45.

La 2ème et 3ème pièce tireront chacune 4 coups à l’heure sur le même objectif. La 1ère pièce tirera 8 coups à l’heure.

 

(*) : Barré sur le cahier

27 octobre 1917

On sonne (Buchiazzo) le réveil à 3h ½. On part à la position à 4h ¼.

En arrivant on prend les dispositions de tir. Nous déplaçons le piquet de repérage, lanterne rouge, difficultés à cause des arbres. On ouvre le feu au petit jour.

Nous tirons pendant l’attaque qui se déclenche à 5h 15.

 

Après une douzaine de coups, il faut relever la voie, le rail de droite qui s’est affaissé (une heure de travail), on reprend le tir jusqu’à 11h, on arrête pendant ¾ heures pour la soupe.

 

Dans la matinée, on a changé d’objectif et on a réglé un tir sur la batterie boche 93-66 avec observation par avion.

Après la soupe on commence à nettoyer le matériel, broise et Jean-Marie.

 

A 1h ¼ arrive l’ordre : à vos postes, garde à vous.

Le tir d’attaque recommence jusqu’à cinq heures. On a tiré 68 obus dans la journée. C’est le record de nos tirs dans une seule journée.

Pas d’incident.

 

Description : verdun  decembre 1916.jpg

 

Photo du canon de Louis à Verdun, 1916

 

 

Le soir, on est éreinté, quand l’ordre arriva de se tenir prêt pour le tir de nuit, on croyait continuer le tir toute la nuit mais heureusement on repartit à 18 heures.

Après nettoyage rapide, on soupe et on se couche. (La pièce était brûlante surtout à la bouche.)

28 octobre

Matin : nettoyage personnel, échange d’effets de draps.

Départ à la position après la soupe du matin. Nettoyage en grand du matériel.

Brossage. Il sort de grosses paillettes de cuivre.

Un avion boche survole la position et la forêt et est fortement canonné par les 75 et les 105. Les éclatements des premiers sont blancs tandis que les autres sont noirs et plus gros.

Hier et aujourd’hui il a fait beau, toujours brumeux le matin et le soir, doux dans la journée, gelée blanche à 6h du matin. Les belges arrachent les betteraves, en font des tas et les transportent dans de petits chariots à trois roues attelés de mulets.

C’est extraordinaire le rendement qu’ils obtiennent en betteraves sur de petites étendues. Ce sont des betteraves fourragères. Nous rentrons à la nuit.

Malgré le temps clair, la nuit on n’entend pas d’avions boches de bombardement.

29 octobre

Toujours temps beau mais brumeux.

Toute la matinée, on change des effets et on touche des ingrédients pour le nettoyage des pièces à la position après la soupe.

La 2ème pièce 3038 a été mise à la place de la 4ème, timoms 3040.

Le trénil a été réparé ainsi que la culasse. La Cyclone n’a tiré que 350 coups tandis que Simoun 539. Pour égaliser Cyclone continuera les tirs.

On prépare tout pour cela : nettoyage, on creuse aussi un fossé d’assainissement le long de l’épi pour l’écoulement des eaux. Je m’occupe de tous ces travaux pendant que Barde, le sous off, termine le nettoyage de la 3040.

Un fusilier marin (le cousin au lieutenant Guillermaz) vient nous voir.

Il a fait l’attaque du 27.

1er novembre

A la sortie des vêpres, beaucoup de civils, des femmes en noir, peu de jeunes filles, pas de jolies, des enfants.

Tout le monde parle flamand.

On visite quelques magasins, on boit 2 chopes à 0,15 à un estaminet, bière blonde peu alcoolisée, assez agréable. Dans le village c’est calme relativement, peu de convois, des poilus se promènent, les estaminets sont presque vides.

 

Westvleteren s’étend tout en longueur le dong de la route de Furmes (à 18 km) à Ypres. L’église est du côté de Furmes.

De l’entrée du village on aperçoit l’église de Stavele, ces églises sont de monuments style gothique, l’extérieur est imposant, l’intérieur : nef très claire et chœur enfoncé dans l’ombre en retrait, contre les piliers diverses statues de saints. On remarque à l’intérieur quelques sculptures genre Renaissance, une chaire très ouvragée.

Le tout manque d’ensemble, de cohésion, il semble que chaque partie est faite indépendamment. L’église de Plombières est beaucoup plus élégante, harmonieuse, l’intérieur de la nef si claire ne donne pas cette idée de recueillement particulier à certaines églises ou cathédrales à vitraux plus foncés. Devant l’église de Westvleteren, il y a un kiosque d’attente pour les permissionnaires partant.

Les camions les prennent à 9h du matin et les emmènent jusqu’à Rosbrugge où ils arrivent à 10h.

 

Au centre du village, on remarque une sorte de mairie, à la fenêtre il y a des ordonnances de police en flamand qui commencent par le mot : Bericht (ordre en allemand).

L’un est en français et signé du gouverneur de la Belgique.

 

A l’estaminet, nous remarquons un christ janséniste : corps affaissé, bras verticaux, tête à gauche. Le canon tonne à la gauche du front français, les vitres des maisons vibrent.

Le temps reste couvert et brumeux. Nous n’aurons pas la visite des avions de bombardement.

 

On rentre pour 5 heures, il va faire nuit, menu du souper de la Toussaint : soupe, viande rôtie, pommes frites, salade, fromage bonbon, pruneaux, café, ½ litre de vin ; après on fait une manille.

2 novembre

On reste au cantonnement toute la journée. Temps gris, brumeux.

Des hommes de corvée vont nettoyer des obus à Heldebeek.

Enfin est arrivé 7 wagons, dont un avec des obus à culot étamé pour le décuivrage des pièces. Au départ du coup, l’étain fond, s’allie au cuivre des rayures et forme un amalgame facile à enlever.

Journée calme, le soir après la soupe on fait la manille.

3 novembre

Matin au cantonnement, on part pour la position à 11 heures.

On pointe la pièce avec comme objectif le clocher du village d’Houthulst.

On a un 2ème objectif ; le clocher de Jonkershove.

On croit qu’il y a des observatoires boches dans ces clochers et on veut les abattre. Peut-être ces églises servent aussi d’abris bétonnés. Des hommes font 1 fossé le long de la voie, les vérineux changent une traverse cassée, d’autres sont aux munitions ou aux caillebotis.

L’artillerie française devant la forêt donne fortement, il y a des tirs de petites pièces par rafales. Quelques arrivées.

 

Le soir de gros coups d’arrivés du côté de Westvleteren. On rentre à 5 heures. On dit que les 240 en position à notre gauche démontent leurs pièces pour partir en Italie.

Les évènements dans ce pays font l’objet de toutes les conversations.

 

Le soir, je vais à l’entrée du village avec Cenjotin, il fait une nuit noire.

11 novembre 1917

Réveil à 6h, de semaines, corvées, etc.

On apprend que le tir du 11 n’a pas eu plein succès. Un obus a traversé le clocher et n’a éclaté que dans l’église de Houthulst.

Il pleut tout le matin.

 

On part à la position à midi ½. On pointe sur le clocher, on tire avec observation par saucisse, 13 coups par pièce.

Le clocher est touché, il ne reste que la tour. Plusieurs obus le touchent mais n’éclatent que derrière. Il faudrait des fusées instantanées, on n’en fabrique plus.

On a tiré 2 coups à culots étamés, la pièce 3040 est bien décuivrée par ces obus.

 

On rentre à 17h ½, soupe frites salades.

C’est dimanche, dés le matin 6h les belges allaient à la messe.

Grande activité de l’artillerie la nuit dernière et ce matin, roulement continu et violent sur la gauche du secteur français. On voit quelques trains de troupes belges arriver pour relever les Français, dit-on. On doit (dit-on ?) partir avant le 15 dans l’Aisne.

Un camarade Eymand (de Téboursouk) du 5ème groupe a écrit à Carles, ils sont en Champagne avec des 190 au lieu de 320.

Ils sont en position.

12 novembre 1917

Réveil à 5h ½, départ à 6h ½.

Temps clair mais forte brume au ras du sol. Au lever du soleil le brouillard augmente puis finit par se dissiper.

A la position, préparations pour tir sur le clocher Jonkershove. La pièce 3037, 4 épis ne fonctionnent pas, le système de pointage est très dur, on ne peut dépasser 25°. (*)

Il y a des morceaux de chiffons entre les galets du tourillon (on suppose qu’ils ont été laissés au Creusot).

On remplace la 3037 par la 3038, ma pièce qui était en réserve.

J’y vais avec le culassier Scamps.

 

A 10h, on commence le tir après avoir été pressé pour la préparation. On tire sur le Jonkershove sur la gauche nord de la forêt d’Houthulst, c’est un petit clocher pointu.

On tire 13 coups à la 2ème pièce charge réduite. Les autres pièces tirent 15 coups soit 43 coups à 3000 francs soit 129 000 frs pour un clocher.

 

On mange la soupe à 14 heures.

Des avions boches viennent sur les lignes, tir contre avion.

 

Le soir, les camarades restés au cantonnement racontent qu’une escadrille boche est venue sur le train et a engagé un violent combat avec les Anglais. Plus de 30 avions étaient aux prises, tournoyants, 2 anglais et un boche sont abattus, un des Anglais sème ses ailes près du train, les morceaux tombent lentement en flottant, le moteur et le reste de l’appareil s’abattent près du moulin, l’aviateur est retrouvé informé, enfoncé en terre.

Après la soupe on nettoie et huile la pièce, on rentre à 17h sans être assuré d’avoir abattu le clocher.

 

Le soir on fait une partie de cartes.

 

(*) : 25 degrés de pointage de tir

13 novembre

On reste toute la journée au cantonnement, temps beau, soleil à midi, brume à l’horizon.

Canonnade violente sur la gauche du front français, feu roulant le soir.

Des pièces lourdes anglaises tirent près du cantonnement, tout tremble.

La pièce 3037 a été réparée par l’équipe de réparations. On a donné un sixième de tour à l’écrou qui serre les rondelles Belleville sur les tourillons. Celui-ci ne doit pas reposer directement sur la sous-bande, ne doit partir qu’au départ du coup.

Un lieutenant et un adjudant du 15ème d’artillerie en position devant nous, sont venus voir notre pièce après le tir.

 

Description : louis thiebaut 2.jpg

 

Ils disent qu’ils sont en position depuis quatre mois et ont tire plus de 4500 coups par pièce.

19 novembre

A 14 heures, revue des décorations.

Le commandant remet la légion d’honneur au lieutenant Signoret et 5 croix de guerre à Zittel, Chaudre, Bouilony, Danel, Dupont Léon, pour leur belle conduite pendant le bombardement au groupe.

Après la revue, réunion s/offs batterie A, brigadiers et 1 homme par pièce (pour la 2ème Urtis et Band) au mess des officiers.

Le lieutenant Signoret offre le champagne et des gâteaux, remercie en quelques mots.

 

Le soir il paie ½ litre de vin supplémentaire par homme. Les voisins de compartiment Urtis et C sont un peu émus.

20 novembre

On monte à la position, les nouveaux pour faire la manœuvre et les disponibles pour essayer les planchettes de chargement de fortune.

On met tout en ordre.

On rentre à 11h ½.

La pièce est de corvée.

 

A 13 heures, travail en divers, corvées. On ferme les passerelles des compartiments pour en faire des magasins. Les nouveaux sont logés à la place des permissionnaires d’Algérie dont on a fait les ballots qu’on mettra sur les passerelles.

Toujours temps doux, couvert, le soir clair de lune, pas de boches en l’air.

Activité modérée sur le front. Des Français montent en ligne avec drapeau et aumôniers.

21 novembre

Je vais à la position avec 6 hommes de la pièce, et des autres pièces pour la réparation des voies d’accès d’épis.

On revient pour la soupe.

 

Le soir au cantonnement repos. Il pleut, pluie fine, boue. Calme sur le front. On dit que les anglais ont avancé de 3 kms/ le front de St Quentin. Communiqué de T.S.F.

On dit aussi que le groupe irait à Sommesous pour se reformer en trois batteries.

22 novembre

Le matin on va à la position avec les nouveaux pour l’instruction.

Je fais l’instruction à un homme.

 

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2e pièce - 4e batterie, à Sommesous, le 6 décembre 1918.

Les noms des soldats sont indiqués au verso. Cliquer sur la photo pour agrandir.

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