Carnet de guerre d’Henri BLEYS, instituteur

Sergent au 122e Régiment d'Infanterie

 

 

 

 

Henri était instituteur et il a donc pris soin de noter au crayon tout son parcours depuis son départ de Rodez (12) le 5 août 1914, jusqu'à sa mort à St julien au nord de Ypres en Belgique le 28 octobre 1914.

 

Henri Bleys était l'aîné d'une famille de quatre enfants.

Deux Soeurs Maria et Julienne, son frère Camille, son père Henri maçon et agriculteur (décédé juste avant la guerre) et sa mère Julie née Décuq, habitaient la Combette à St Jean de Marcel un village du Tarn (81).

Il avait 23 ans en août 1914

 

Merci à Alain

 

Samedi 8 Août 1914
Depuis mercredi soir, en voyage par Albi, Carcassonne, Montpellier, Lyon, Dijon et Mirecourt où nous avons débarqué.

Pas souffert du voyage.

Grand enthousiasme des populations, bonnes nouvelles de la guerre. J’ai beaucoup de courage et très bon espoir pour la victoire.

Quant au prix, je n’y pense pas ; je pense très peu à ma maison et je ne me fais pas l’idée que je ne pourrais bien ne pas y revenir.
Samedi à 10h du matin
Descendu à 10h du matin en gare de Méricourt et cantonnement à 4km Luzieux. Passé le dimanche en repos. Mlles Mathieu très gentilles.
Dentelles.
Départ lundi 10, à 5h à Bayon pour Lunéville. Journée chaude et très fatigante. Les hommes tombaient en masse Lnd.A.P.vers Lunéville dans un village à 4 Km Nord Est de Bayon.

Bonne nuit dans une grange, lait à volonté et bière. Pas de pain ni œufs.

Mardi matin 11

Très courbaturé, blessé aux pieds, on attend l’ordre de départ vers Lunéville. Nègre François, Nègre Elie, Calvignac, Assié se portent à peu prés bien.

Quand on est bien fatigué,on a aucun instinct agressif, on se laisserait tuer assez facilement, surtout quand on est découragé..
Le mardi 11 on est à Brémoncourt. On est content et joyeux. Avec de l’argent on trouve de la bière, du lait.
Jour de repos, demain départ à 4 heures. Etat major de la division ici. Maisons et villages très propres.

Soins minutieux aux jardins.

Mercredi 12 (août)
Départ 4 heures, arrivé à Lunéville à 10h30 avec grosse chaleur. Vu 56é Artillerie Fournials en route.

Gens de Lunéville nous ont donné du vin, des melons, des conserves de la bière.

Très contents, pays boisé de pins, forêts comme à St Maur (Joinville). Soif accablante.

On entend le canon assez près.
Bientôt nous lutterons, tant mieux. On s’habitue à tout, même à la mauvaise vie que l’on mène. On est sale, fatigué, les pieds blessés, découragés.
Parfois on n’est pas trop sûr du temps et il faut faire la cuisine le plus vite possible. D’autres fois on est content et l’on rie.

En somme on n’a pas peur de la guerre, non, mais les fatigues abattent le moral.

Nous couchons à l’Usine Lorraine Dietrich (Autos, wagons). Nous sommes bien, on dirait un marché couvert.
Ah ! La guerre c’est autre chose que les grandes manœuvres, on vous menace de la mort, on est rude, mais tout est sacrifié par avance et l’on s’en foût.

Arrivera que pourra.

 

Reverrons nous St Jean et Carmaux ?

C’est douteux.

Nous allons dormir à la musique du canon. Les lettres n’arrivent pas.

Pourquoi écrire ?

Jeudi 13

Repos à Lunéville  Vu Château et Hôtel de Ville.

Vendredi 14 (août)
En marche vers l’Est, on a touché les cartouches de la voiture à munitions de la compagnie. On entend le canon à 8h du matin, on se prépare au combat.
Enfin nous en verrons des Prussiens ?

Il nous tarde de tirer le fusil et je suis très heureux d’être ici à la guerre.

Vu le général de division Vidal très calme.
Toujours beau temps depuis Rodez, car on s’est embarqué avec la pluie.


Nous avons fait vers l’est puis vers le nord-est la marche sous le feu de l’artillerie; un fort nous protégeais à droite mais pas vu d’obus.
Marche par la chaleur pénible, avons trouvé d’abord chevaux morts puis cavaliers Allemands tués.

C’est triste à voir on supporte les méfaits de la guerre un instant puis on repart plus agressif que jamais.


Maintenant nous attendons derrière une crête dans un bosquet devant nous, à cent mètres, le 56éme d’artillerie de Montpellier placé en batterie.

Léon Bousquet est venu nous voir car la 3éme batterie est là devant nous.
Depuis ce matin nous sommes bourrés, farcis de cartouches, ce qui nous épuise, mais on peut en avoir si besoin qu’on ne s’en séparera pas.

 

Des soldats fatigués préfèrent jeter leur veste (Mauriès) ou les souliers qui sont sur le sac.
J’écris au son du canon, là devant moi c’est pas mal cette cadence mais gare si ça pleut sur nous. En tout cas je n’ai pas peur encore, il est vrai que je n’ai rien vu excepté quelques morts Allemand.
Mon fusil est plein de cartouche et l’on peut se défendre et mieux attaquer. On ne pense à rien encore on n’a pas souffert de la faim de la soif ni du froid ni de la pluie.

On ne peut qu’être content.

 

Quelle vie, sale, campestre, sans confortable, que l’on mène tout de même. On serait mieux chez soi et l’on ne pousse plus de cris « A Berlin » car s’est trop loin trop pénible et bien dangereux.


On pense très peu à la maison où à son passé. Que doit faire ma mère, mes sœurs ?

Camille n’est pas parti encore (classe 14) mais cela m’est égal.

Reviendrai je chez moi ?

Ca m’est égal, je n’y pense pas et je n’y ai pas a y penser.
Ceux de chez moi, Calvignac l’aîné, Nègres François, Fabryal, pensent comme moi sans doute.

Et cela ne finira pas d’ici trois mois cette vie de brute et de sauvage mais tant pis il ne faudrait pas mourir en Allemagne car c’est trop loin.
Sous une rafale d’artillerie Allemande on forme une carapace on a chaud mais on rigole car il n’y a que des sifflements et pas d’atteints.


On est bien reposé.

8h30 toute la soirée nous avons été sous les rafales, on suait on se pressait, de temps à autre on voyait un blessé aller en arrière. L’un avait la capote percé l’autre un bras ensanglanté etc..

Des morts aussi 3 à la 5e compagnie 60 blessés 15 morts dans le régiment.

Le Journal des Marches et opérations du régiment signale « 14 tués, 27 blessés et disparus »
C’est pas mal pour un début on entendait venir les obus, l’on fourrait le nez dans la terre et ils éclataient aussitôt l’on regardait où il avait porté et s’il le fallait on changeait de place.
L’artillerie ennemie tirait sur le 56e d’artillerie que nous soutenions aussi nous en avons pris, on aurait dit l’orage avec sa grêle et son tonnerre.
Ce n’était pas gai mais on riait quand même les artilleurs n’ont eu qu’un mort en somme beaucoup de bruit pour peu de mal. On respirait quand les rafales étaient passées et maintenant que nous sommes à la nuit, cantonnés dans le village d’Albermenil (Embermenil) nous sommes tout à fait heureux.

 

Dans la nuit on entend le canon. Les boulets sont traîtres pour nous. On n’y voit rien, on n’est caché dans une vallée et l’on nous trouve quand même.
Le bel entrain se refroidit un peu devant la réalité. Non parce que l’on tremble, non, mais on risque sa vie et il faudrait revenir chez nous.

Encore nous ne sommes pas à Berlin et si cela continu nous allons payer cher le voyage.
Demain 15 août, Samedi fête à Moularès, Y pensons-nous que c’est l’Assomption ? Pas beaucoup.

15 août :
Nous nous préparons à la grande bataille ; autour du village d’Albermenil (Emberménil), nous faisons des tranchées.

Il menace de pleuvoir, hier soir nous n’avons rien touché pour manger.
Aujourd’hui Grt ?? il sont arrivés vers 8h30, on est reparti sans entrain sans courage et bien à regret l’on s’attend à une rafale comme hier.
Alors on se demande avec peine le nombre de jours que l’on a à vivre.

Mourir aujourd’hui plutôt que demain. Le courage tombe devant la réalité et je vous assure que c’est bien triste de voir tomber des obus sous son nez.
Pauvre fête de Moularès, où es tu ?

Et moi qui pensais à prendre huit jours de congés.
Hier soir vu Léon Calvignac du 81e de Digne n’était pas fier non plus. Toute gaîté était tombée et quand on se remplaçait, on se couchait de suite.


Si on entendait siffler un obus qui venait éclater près de nous. Nous étions bien repérés. Mais ils ne sont pas très meurtriers, il est vrai qu’on ne nous voyait pas.

Ils ont les obus fusants à la mélinite qui éclatent à 10m de haut, trop haut, à fumée blanche et les obus percutant qui touche terre en éclatant avec une fumée noire.


11 heures Le calme est revenu dans les esprits encore on n’a pas vu d’obus ni balles. Toute la journée dans un bois où nous avons eu l’ordinaire de la veille à 11heures.
Ce bois, vu la pluie, a été abîmé en partie (car il était jeune). pour faire des cabanes. On a fait une tranchée en avant du bois en cas d’alerte.
Ce soir on est parti vers Avricourt et l’on s’est arrêté pour la nuit au village de Leintrey.

On voit sur la route des sacs pillés et abandonnés. Une escarmouche s’y étant livrée la veille au matin pour chasser les cavaliers Allemands.
Le fort de Manonviller leur fait parfois une chasse effrénée. La gaîté est revenue car on ne se sent pas en danger imminent. On rigole des feux de l’artillerie que nous avons essuyé mais on ne voudrait pas y revenir.

 

Encore nous ne sommes pas sortis de France et je n’ai pas vu un Allemand vivant.

C’est bien ennuyeux d’essuyer son feu d’artillerie lourde et de le subir sans riposter, maintenant il est muet, il pleut.

Nous sommes dedans à l’abri mais nous voyons les feux de troupes dans la campagne sur leurs positions et il pleut beaucoup et sans cesse. Comment ne pas devenir malade ?

16 août

Jour pluvieux poussé vers Moussey pas de vivres touchés à 6 heures du soir pour la journée. Nous sommes en Alsace, en pays Allemand, Avricourt est au Sud Est, nous semblons aller sur Sarrebourg

Ici on prend des précautions infinies pour se garder de surprises de l’ennemi.
Les bois de pins sont épais et difficilement franchissables, des forêts impénétrables (sangliers). Les cultures périssent, blés, prairies artificielles.

On trouve toujours des chevaux morts.

Nous sommes arrivés au canal de la Marne au Rhin, les Allemands reculent et n’opposent pas de résistance nous avons tiré sur un aéroplane Allemand.
Cantonnés ce soir vers le Nord Ouest à Remoncourt village français dans l’école.
Lundi 17 août

de Remoncourt à Rott par Maizières où nous avons cantonnés bien accueillis quoique 18 km en Allemagne.

Le soir à 5 heures on a entendu au Nord Est le canon et la fusillade, des Allemands semblent reculer de la pluie et peu de fatigue.
Mardi 18 août à Lunéville on a été bien reçu ainsi que partout sur notre passage, tant en chemin de fer qu’en Lorraine.
On nous soignait comme des malades ou des condamnés.


Aujourd’hui nous avons attaqué les Allemands au fusil dans le village de Londoring (Loudrefing)  nous avons été pris près d’une voie ferrée par côté. Il a fallu reculé car il y avait les deux régiments ennemis.


C’était une peur générale dans ce bois séparés du bataillon, nous nous sommes retirés vers le sud, conduit par la boussole.

Perdus, nous avons campés dans la forêt.

Le Journal des Marches et opérations du régiment signale « 540 morts, blessés ou disparus »

Au petit jour du 19

On repart et l’on rencontre les A.P du 81é, alors nous faisons le café qui nous ranime et nous revenons dans un village allemand conquis où était notre régiment.
La panique au feu est telle que l’on se tirait parfois entre deux régiments Français. Hier il pleuvait maintenant le soleil nous égaye.

Mercredi 19 août :

Nous croyons bien hier y rester, il n’y a eu qu’un mort pour notre compagnie.

Le 3e bataillon a été décimé. Autour du village de, ?????? (Bisping)

Nous couchons sur nos positions dans les tranchées avec de la paille. Bonne nuit de repos j’étais près d’une mitrailleuse avec le lieutenant Lupiac.

Ce matin 20 août

Réveil par la fusillade à notre droite, on s’est déplacé, on a été voir et je n’ai encore rien vu ; on tire sans qu’on voit un allemand.

On se figure lui faire peur de cette façon là.
Cependant deux corps d’armée sont à notre droite et à notre gauche avec l’ordre d’avancer
Nous nous avons l’ordre de reculer afin de couper et de cerner l’armée allemande dans les bois qui sont devant nous.

Alors nous battons en retraite.
Le jeudi 20 août

Le 322e régiment de réserve du 122e est arrivé hier avec nous.

Avant de livrer un combat sanglant, une boucherie sans nom, on veut prendre des positions favorables.
On voit des blessés des morts mais maintenant on n’y fait plus attention.

La figure pâle ne fait pas peur et son camarade tombe sans qu’on s’en occupe le moins du monde.
On est sacrifié, aucune douleur ne nous touche ; on pense à soi et à la victoire.

On recule avec regret et cela décourage.
Ligne de feuon est énervé et agacé, beaucoup tremblent, alors on se tire très souvent entre français.

Heureusement que l’on se tire haut et que l’on se touche très peu. On tire énormément de balles et on ne voit rien.

C’est bien difficile d’empêcher ce gaspillage de munitions.


Les Allemands ont peur de nos canons à tir rapide juché devant moi.
2 heures étant en réserve, je vois les obus éclater à 800m et j’entends la fusillade.
Le village du Nord au devant de nous va être pris,.c’est ce qu’il faut.. J’ai vu Germain Bousquet, Miailhe et celui de Bar forgeron.

Déjà 18 jours après la mobilisation et l’on n’a rien fait ; on se tâte, encore on n’est pas à Berlin…
On s’habitue à recevoir des boulets des balles etc.

Et l’on n’en fait pas cas.

On s’habitue décidément à tout et un coup de fusil qu’on vous tire à
bout portant vous regardez indifférent et vous continuer votre mission.

Jeudi 20 août

On se promène d’un côté et d’autre puis très fatigués le soir on se heurte à une embuscade allemande.

Nous sommes en tirailleurs sur une croupe au-delà d’un village.
Les obus nous pleuvent devant, derrière et même notre artillerie, celle qui nous fit le plus de mal (25 morts) nous tire dessus.
Devant on reçoit le feu des mitrailleuses ennemies.

Bien placé, on tire quand même sur des attelages qui fuient et des hommes que l’on voit peu. Il faut reculer mais c’est très dangereux.
On se lève. Beaucoup tombent blessés aux jambes.

Je reste après les autres et je recule sans trop de danger par bons courts et rapides.
La débandade se produit le bataillon est éparpillé dans un pré la mitrailleuse nous vise mais aucun blessé.

On rentre dans un bois et l’on recule beaucoup en arrière après avoir rassemblé le bataillon. Les blessés sont restés aux mains des Allemands Fabre L., sergent blessé, Cathala E. mort, Ferreol caporal prisonnier, Chambur blessé.

 

Poursuivis toujours on marche vers la frontière toute la nuit sans repas sans pain.
Enfin le vendredi soir 21 août

L’on se trouve un cantonnement au Nord de Lunéville à 4 km, où l’on s’est reposé un peu mais ce matin samedi on est bien fatigué.
Samedi 22 août

Repos oui mais dès 6 heures grande lutte beaucoup de mort de blessés Lunéville retraite en déroute très découragés nombreux prisonniers on s’est reformé à 6 Km de Lunéville.

(Dans la marge une inscription en violet au lieu du crayon gris Pailhous M.)


Et l’on attend la nuit pour se replier. L’on s’en est allé et l’on a cantonné à Rayoncourt où l’on était déjà passé à l’allée.
Le régiment battu est découragé parce que fatigué. Les Allemands se sont conduits en bandits, ils ont bombardé Lunéville.

Heureusement que nous recevons du renfort pour les arrêter.
Dimanche 23 août :

Retraite vers Bayon, nous sommes renforcés
ce qui fait que les Allemands ne nous poursuivent pas.
Bayon-sur-Moselle, hier soir nous y avons fait une pause.

Lundi 24 août

Couché à Mongonville , levés à 4 heures nous retournons penaud vers Lunéville. On est si fatigué, on est si découragé que l’on pense revenir au feu sans courage et avec regret.

La défaite tue, éprouve les forces,

Tous faisons des tranchées à 2 Km à l’Est de Mangonville sur un mamelon.
Le canon tonne violemment, on craint de notre part, une débandade comme le soir de Lunéville.

Le soir de la sinistre déroute.
Alors on abandonne ses tranchées pour d’autres troupes et nous allons en réserve à l’est de Bayron qui est là sous nos yeux.

Des troupes fraîches doivent avoir arrêté l’ennemi car à 3 heures le canon s’éloigne et la gaîté nous reprend.

Nous sommes près à combattre.
Ce qui est triste, c’est que Pailhous (Albert) a été tué par un obus, Calvignac (Jean Hippolyte) a eu le ventre ouvert aussi ce sont les premières victimes de notre pays pour cette ignoble, cette maudite guerre et cela me rend triste.
Je les plains moi qui ne craignait rien, qui ne pensait à rien et je songe que la guerre va être longue et que la mort s’est le moindre malheur qui puisse nous arriver Nègre François, Fabryal, Valat et Assié sont encore debout ainsi que Puech des Ginestes.

 

Mais on n’a pas revu Nègre du Vern depuis la trahison des habitants du village. Nous avons tiré sur des Allemands et reculés précipitamment.
Voilà les premiers désastres de cette boucherie.
Ceux qui restent retrouverons-nous notre pays et nos fiancées.
Le Sergent Roux blessé hier, Cathala mort, Deschamps, Ferreol disparus.

Capitaine blessé à Lunéville très peu, sous lieutenant Brun disparus, Aquatelle ?? adjudant blessé au bras par un obus, tel est le bilan odieux de ce début de campagne.
Chambur blessé, la 6éme et la 5éme reforme plus qu’une compagnie à quatre sections. C’est triste la guerre quand on est découragé, il nous faudrait quelques jours de repos et de calme.


Je pense souvent à ma mère et mes sœurs.

Je suis triste de voir que Camille va être appelé avec la classe 14 et qu’il sera tué s’il va au feu, le malheureux. Il semble avoir du courage pourtant mais quel malheur pour ma mère
et mes sœurs si il y reste.

Il n’ira pas nous repousserons les Allemands, ils le sont déjà.

24 août(suite)
Oustry m’a écrit, Pauline aussi et ces lettres me rendent triste.

Je les conserve précieusement et je les remercie beaucoup. Aussi je leur dit toute la vérité et je leur répond longuement.

Quant à Rose je suis indifférent, et je n’y pense guère. Il y en a d’aussi gentille qu’elle et je suis tranquille de ce côté-là.

Nous sommes restés en ligne les sections par 4 depuis dix heurs jusqu’au soir, en réserve sur une pente apposée au soleil.

Nous sommes rôtis et personne ne se plaint maintenant.

5h30 tous contents.
Mardi 25 août

On est en réserve, on a pris toutes les dispositions pour la bataille. Les Allemands sont repoussés un peu.

On revient en arrière et l’on cantonne dans un pré autour d’un village Clayeures
Mercredi 26 août

Hier les Allemands ont été repoussés à la baïonnette et par nos canons.

Le soir une dégringolade de coups de canons les a poursuivi, délogés des bois et mis en fuite.
Les cuirassiers se préparaient à les charger.

Pas de mort chez nous (80ème) seulement des blessés.
Il parait qu’ils sont cernés ; hier ils ont peu joué du canon.
Aujourd’hui on les a poursuivis dans les bois mais on n’a guère tiré que des coups de canon. Il a fallu jouer et danser avec eu sur quelques crêtes où des rafales violentes s’abattaient. Mais aucun atteint.

Vers midi Larue, Combes sont blessés par deux obus et Faurés beaucoup à la tête.
Tout ce soir au dessus de nous on entend le sifflement doux des obus des deux artilleries ennemies.
Cela fait que nous avons dormis tranquilles jusqu’à 5 heures du soir.

Alors on se prépare à avancer ou à prendre des positions à la faveur de la nuit.
Jeudi 27 août

Nuit passée sur place, dans la forêt avec la pluie.

Mauvais repos et fatigué.

Pas de combat encore à 6 heures.

Les Allemands seraient-ils retirés ?

Tout le jour duel d’artillerie mais repos pour les fusils. Nous sommes restés sur place dans la forêt couchés sur les gerbes d’avoine dans des cahutes avec des branches vertes

Vendredi 28 août

Tout calme le matin, quelques coups de canon français qui n’ont pas de réponse.

Hier on a vu une section d’allemand écrasée par un obus français.

Mais après on a avancé et nous avons été criblés d’obus dans un village où Nègre Elie (Gustave) a été tué à une houblonnière, puis on s’est déployé mais les obus nous rasaient et les Allemands nous ont fait reculer.

Deux hommes restés en place ont été pris désarmés et fouillés ; on leur a tout pris et on les a renvoyé à nous.

Ils prenaient les blessés et les faisaient boire.
Beaucoup de mort et de blessé.

Vu Durand M et Fournil du 81éme.
Samedi 29 août

La forêt où nous étions sent à charogne à cause des morts, hommes et chevaux ; les routes sont pierreuse grattées par les obus.

Je viens de coucher dans un petit village mais pas avec mon régiment à Franconville.

Hier bataille d’A Gerbé à Germainville où Nègre Elie tué.

Repos.

Les Allemands sont cernés.

Reçu le 122ème de dépôt.

Le 122e régiment d’infanterie reçoit mille hommes de renfort qui viennent du dépôt
Dimanche 30 août

Avec débris, 6e formation d’une compagnie de réserve avec dépôt. Avons couché à la belle étoile.
De bon matin dans le brouillard on est canonné.

On saute une rivière sur des passerelles du Génie et notre compagnie va soutenir l’artillerie au-de là d’un village.
La batterie partie, on recule et je reste avec une compagnie du 142e (1), bien abrité. Abandonnés et cernés il faut battre en retraite.

Derrière il a plu des obus mais aucun mal.

La journée a été chaude sur toute la ligne et nous avons un jour vers Bayon.

Les villages sont incendiés, démolis les campagnes dévastées. Les gens effrayés c’est pitié que la guerre.

(1) C’est exact, le 142e RI était présent, ce jour,  avec le 122e RI
Lundi 31 août

Perdus, pas de 122e qui est dit on à la Hongrie.

Avons couchés dans une grange d’un village Ramonvillers démolis et brûlés en partie par des obus.

La bataille continue de bon matin avec le brouillard.

Quelle horreur que la guerre, tout est ruines et deuil. Les cadavres non enfouis sentent. Repos quand même.

Quelques obus reçus.

Mardi 1er septembre

Compagnie complétée par dépôt et soutien d’une batterie d’artillerie comme avant-hier. Repos sans recevoir de boulets.
Mercredi 2 septembre

Fusillade pendant la nuit peu tranquilles, et coups de canon mais aucun n’a porté.

Soutien d’artillerie et repos tranquille.

Les deux armées sont en face et se tiennent défensive ; aucune n’attaque. La campagne est dévastée, les villages et les villes incendiés, les gens ruinés.

Il faut qu’ils abandonnent tous ce qu’ils ont et partent.

C’est affreux.
Jeudi 3 septembre

Soutien du 56e d’artillerie.

Lettre de Pauline et d’Oustry mettent 7 jours pour venir.

Reçu bonnes nouvelles de Bonafé de la maison et de Carmaux.

Beau temps ici mais nuits froides. Pas trop froide tout de même. Lièvres, biches perdreaux et autres oiseaux effarés.
Nuit dernière calme douce et sereine, lune triste et lascive et on ne peut rêver.
Vendredi 4 septembre

Repos relatif depuis quelques jours, les sentiments tristes me reprennent et je voudrai revoir les miens et mon pays.

Nuit sur paille tranchée sous capote en guise de couverture chaude et douce.

Quant à la paix le repos la gaitéon est fatigué de la guerre.

Vers dix heures quelques obus cherchant notre batterie tombent assez près. une 40e de mètre.

Les femmes allemandes et celles de l’est sont décharnées plates et blondes très peu de jolies, à peine agréable voix chantante pas de brunes mignonnes.
Samedi 5 septembre

Nuit agitée et troublée par la fusillade nocturne.

Des coups de canons.

C’est lugubre et triste.
La guerre sera longue et meurtrière.
Nous reculons un peu. Je regarde devant moi, où on se bat, je ne vois rien, mais des coups de feu s’entendent.

On fait la guerre sans se voir.

Pas d’artillerie.
Ce soir isolé du régiment.

Dimanche 6 septembre

Nuit calme et tranquille toujours soutien d’artillerie quelques obus.
Lundi 7 septembre

Nuit froide quoique sereine.

De bon matin, je vais m’étendre au soleil encore je peux jouir de la douce chaleur. Reviendrons nous voir nos mères, nos sœurs et nos amours ?

Journée s’annonce belle.
Mardi 6 septembre

Depuis quatre jours pas d’artillerie.

On va chercher le régiment fondu 122e active et dépôt avec 322e réserve.
Ce soir prenons A.P.
Mercredi 9 septembre

Nuit passée au A.P.

Coups de canons continuels.

Dormi dans la tranchée, le matin à 5 heures un peu de pluie pas propice pour se battre !

Soleil Lutte obus vive mais pas atteints. On ne peut attaquer les Allemands dans les tranchées. Ils n’attaquent pas.
Peu de coups de fusil.

Vers deux heures calme de 3 à 4 heures notre artillerie à battu le bois à 300m en avant de nous, mais les effets sont terribles la terre vole à 50 m de haut tout fume tout craque.

Et les explosifs ne manquent pas !

C’est affreux.
Jeudi 10 septembre

Combat de nuit !

Oh bruit affreux !

Des projecteurs dans la pluie et le canon faisaient effet tonnerre et éclairs. Bombe magnésium faisait peur. Coup de fusil mais on a résisté.

Nous sommes mouillés.

Mauvaise vie (pain et eau), mauvais repos, mauvais temps.
Gerbéviller à ma gauche est en ruines (5000 H) on se sèche dans la tranchée dans la boue.

 

Le soir une petite attaque, peu de blessé.

Nuit passée à la lisière nord-est de Gerbéviller dans les tranchées sur le bord de la route encaissée.

Pas trop froid, mais quelques coups de fusil et canon.
Vendredi 11 septembre

Tranquilles le matin.

Ce village est déchiqueté ; il était plein de cadavres.

Les Allemands ont tiré 4 coups d’obus explosifs sur la croix rouge, les bandits !

L’église fait pitié.

En face le village au Nord de nos lignes un pré est parsemé de nombreux morts qu’on a pu enlevé depuis le 28 août

Samedi 12 septembre

Hier attaque de nuit, le matin pas de trace d’allemand, ils ont fui dans la pluie.

Quelle mauvaise nuit !

Du froid et de la pluie on grelottait.

Vers huit heures je bois avec délice un rayon de soleil. Je suis bien fatigué. Nègre A, Assié, Fabryal les trois Puech vont bien.
Dimanche 13

Hier, les Allemands se sont retirés, on avance de 5 km et on cantonne enfin dans le village de Croismare.

Pluie et repos momentané bien fatigué.

Le fort de Manonviller fut pris le deuxième jour après Lunéville et hier il l’on fait sauté après avoir pris canons et vivres.
Lundi 14 septembre

Repos et pluie à Croismare.
Mardi 15 septembre

Temps sombre.
Mercredi 16

Idem
Jeudi 17 septembre

Passé par Lunéville, St Nicolas, cantonné à Laneuveville à 4 km de Nancy.
Pluie et boue
Vendredi 18 septembre

Départ de Laneuveville. Devant Nancy à midi.

Pluie ou ciel orageux.

Toile de tente protège bien Allemand pris par le nord de Lunéville avec menace d’encerclement.

D’où retraite désordonnée.
Lundi 21 septembre

Depuis le 18 à Nancy, très bonnes gens bien soignés.

Départ ce matin à 8 heures Mlles Marie-Louise, Jeanne marie
me pressent rue du Faubourg des 3 Maisons
Veuve Javelos Rue …’’………….N°81.
Mardi vers Toul puis vers frontière

Mardi 22 septembre

Marche vers Allemands
Mercredi 23 septembre

Couché dans tranchée à Manonville

Beau temps et pluie.

Passage dans la réserve de l’armée active

Libération classe 1911.
Vendredi 25 septembre

Hier coups de canon assez éloignés.

Repos aujourd’hui soleil le jour mais nuits bien froides.

Coups de canons proches.
Samedi 26 septembre

Coups de canon. Soleil bienfaisant et adoré
Dimanche 27 septembre

Soldat Jupille d’Albi tué, Capitaine Treuille blessé légèrement, coups d’artillerie lourde 7 blessés.

Lettre de Rose et réponse.
Lundi 28 septembre

Avant poste mais tranquillité relative, restons au nord de Toul

Soir coups de lourde et attaques de nuit. (Sagepris)
Mercredi 30 septembre :

Repos beau temps 20 Km au Nord est de Toul.

Pays de plaine et boisé. Battage dans granges par machines à chevaux.
Jeudi 1er octobre

Temps froid et brumeux, repos.

On dors le jour, on mange et on marche la nuit Givre.
Vendredi 2 Octobre

Froid et couvert. Avant Poste on avance et attention !

Gouttes de pluie.
Dimanche 4 octobre

Réserve A.P Bois Est de Noviant-aux-Près. Temps couvert et froid le matin givre.
Mardi 6 octobre :

Repos à Assauville.

Mercredi 7 octobre

Repos dans le bois

Jeudi 8 octobre

Avant-poste à Seycheprés tranchée couverte mais nuits très froides.

Coup de canons lointains et dans le village récoltes abandonnées.

Village pillé et détruit par obus et incendies.

Ponts sautés.
Dimanche 11 octobre

Repos à Assonville.

Vers 11 heures pluie de percutants. 3 blessés 6e compagnie et 15 morts et 3 blessés à la 8ème compagnie Capitaine Treuille mort.

Nuit dans les champs.
Pan de muraille écroulé sur notre section. Pierre au mollet droit mais pas blessé on va en arrière pour se poster sur Soissons.
12 octobre

Repos à Jansay
13 octobre

Embarquement à Toul descente le 14 à 6heures du soir à Château-Thierry par Epernay et Châlon-sur-Marne.
Vendredi 16 octobre

20 Km Fatigue, cantonnement à Ploissy, temps clément vers Soissons - vu Anglais -
Samedi 17

Octobre forêt de Compiègne 15 Kms.
Dimanche 18

Repos à Compiègne - Belleville-….

Souper, coucher et toilette chez Mme Besses 59 rue des Sablons très bien, sans luxe et très bien reçus

Repos lundi et mardi.
Mercredi 21

Vers Mondidier 38 Km
Jeudi 22

Vers Amiens rester à Pierrepont

(23 octobre courrier de Pierrepont à Julienne et Maria)
Samedi 24

à Boussicourt division réserve d’armée

Maison en claire terre ??
Dimanche 25

Embarque à Mouthier passé à Amiens ville industrielle tissage 1500 h pris prisonniers par Allemand. - Abbeville.

26 Octobre

St Omer grande ville Hazebrouck descente à Bailleul pris l’autobus pour Ypres en Belgique.

Lille évacuée hier par les Allemands
Mardi 27

Attaque des Allemands.



Mercredi 28 octobre, Henri Bleys est mort tué à l’ennemi dans une tranchée au nord de St Julien Belgique.

 

 

 

 

 

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