Témoignage de Léon CLAUDE du 38e régiment d’Artillerie

 

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« .. Il s'agit donc du récit que mon grand père fit à sa fille (ma mère) afin d'écrire un livret qui lui fut offert pour ses 70 ans, année de sa mort.

Il a donné les noms d'époque des lieux où il est passé. Les lieux entre parenthèses sont les noms actuels dans la mesure où j'ai pu les retrouver.… »

Christian, novembre 2007

 

 

 

J’avais vingt ans.

 

       Je suis parti à la guerre le 16 août 1916 avec la classe 1917, alors que depuis 2 ans déjà la Grande Guerre ravageait notre pays. Ma feuille de route indiquait : 5ème Bataillon de chasseurs à pieds, Caserne Moulières à Lons-le-Saunier.

Ma tante Clémentine, chez qui je vivais et qui avait déjà perdu cinq de ses fils, se mit à pleurer en me disant : « Encore un, tu n'en reviendras pas mon pauvre Léon. »

 

       C'est à Lons-le-Saunier, à l'exercice, que je devais recevoir ma blessure à la jambe droite, en sautant un fossé avec tout le barda sur le dos. Je ne pus me relever.

On me conduisit à l'hôpital militaire à Lons-le-Saunier, j'avais la tête du fémur déboîtée.

A ma sortie d'hôpital, je fus reconnu inapte à l'infanterie et versé dans l'artillerie coloniale. Je quittai les chasseurs pour être versé comme servant dans l'artillerie, d'abord au 42ème Régiment d'infanterie Fort Griffon, du 19 février 1917 au 17 juillet de la même année, puis versé au 5ème d'Artillerie de campagne Fort de Joux (Haut Doubs), du 17 juillet 1917 au 30 novembre 1917.

En effet, tout mon service armée de la guerre 1914-1918 devait me conduire en Europe Centrale avec l'Armée d'Orient.

 

       Pour bien comprendre l'intervention française dans les pays balkaniques pendant la guerre 1914-1918, il faut se souvenir d'abord de l'antagonisme de l'Autriche pour la Serbie, dans les Balkans.

En 1915, la Bulgarie, amie de l'Allemagne, entrait en guerre contre la Serbie et les alliés.

 

       Les Allemands, d'octobre à décembre 1915, venaient de conquérir la Serbie (Yougoslavie). C'est à cette époque qu'une première armée de secours débarqua, mais trop tard, à Salonique en Grèce, et y resta malgré l'opposition du roi Constantin et constitua l'Armée d'Orient. Au début de 1916, la Roumanie entrait à son tour en guerre aux côtés des alliés, mais ce pays devait être rapidement envahi par les Allemands dont le front offrait une avancée aux portes même de la frontière grecque. C'est là que luttait vaillamment la petite Armée d'Orient.

 

       La révolution russe de Mars 1917 aboutit à une paix séparée à Brest-Litovsk le 3 mars 1918, ce qui changea le front car les troupes ennemies libérées du front russe devaient opérer une poussée sur les autres fronts, l'Aisne en France et le front italien en Vénétie. La Roumanie se vit aussi imposer un traité de paix séparée à Bucarest en Mars 1918, mais nos troupes d'Orient obtenaient successivement des victoires décisives obligeant la Bulgarie, en septembre 1918, à déposer les armes.

 

       Le récit de mes campagnes vous fera mieux comprendre par cette introduction pourquoi je devais, pendant 18 mois, connaître l'Orient et servir ma patrie sur le front des Balkans.

 

Donc, en mars 1918, le 19ème d'Artillerie était stationné à Nîmes.

En attendant la formation d'unités complètes, nous dûmes aller en journée dans la campagne nîmoise et cueillir les olives laissées à l'abandon faute de main d’œuvre.

Enfin, le 1er mars, notre Bataillon étant au complet, nous partîmes en train pour Marseille et, en attendant le départ, nous stationnâmes au camp de la Delorme aux Aigalades jusqu'au 13 mars.

Je venais d'être versé au 1er Bataillon du 38ème Régiment d'Artillerie. Pas question pour nous d'embarquer au port, il y avait trop de mines vagabondes et trop de drames de la mer en Méditerranée.

C'est par le train, en convoi militaire, que nous devions, à Vintimille, quitter la France. A Pise, déjà, quelques anciens pas mal dégourdis surent tirer profit de l'occasion.

Des italiens, à grands gestes, nous offraient des carafes de vin capiteux contre (en mauvais français) du singe que leurs mains tendues réclamaient. " Trop de vin, pas de singe. " disaient-ils et nos malins, ayant adroitement ouvert leurs boîtes de singe et remplacé le contenu par de la terre au moment du départ, raflèrent très vite les carafes en échange de ces fausses boîtes de viande à la grande joie des compartiments.

La plaine d'Italie était très jolie avec les orangers et les amandiers en fleurs.

 

       C'est à Livourne que je passai ma première nuit italienne, et le lendemain, départ pour Rome.

Arrivé à minuit, je venais de voir le Vatican éclairé. Sur le quai, des religieux nous distribuaient des médailles et images du pape.

J'écrivis une carte à ma tante Augustine.

Mon adresse était : 38ème RA, 1er B. R 70 Armée d'Orient S.P. 517.

Le lendemain, après la soupe, départ pour Tarente, port italien. Là, notre embarquement sur le croiseur léger " d'Entrecastreaux " se fit sans histoire.

Les marins nous montraient sur le pont un très vieux canon de bronze qui venait de la guerre du Tonkin. Deux contre-torpilleurs nous escortaient ainsi qu'un avion. Peu avant Corfou, lever des couleurs, garde à vous. Nous saluons le précédent transport de troupes " Le Château-Renaud " coulé par un sous marin ennemi à cet endroit.

Nous longeons Corfou, un avion grec vient relayer celui de Tarente qui retourne en Italie. Nous entrons dans le golfe de Corinthe et guidé à travers les champs de mines, nous débarquons à Itéa (côte nord du golf de Corinthe) après 26 heures de traversée.

Nous sommes en Grèce. Le front se trouve au nord de la Grèce. Pour rejoindre Bralo, distant d'Itéa de 40 km, nous dûmes escalader des montagnes jeunes et abruptes par des chemins escarpés et dangereux. De Bralo à Salonique, nous prîmes le train.

Je me souviens de cette descente dans la plaine par une voie très pittoresque et encore escarpée.

 

Arrivée à Salonique le 25 mars 1918, camp de Zeitenlich, pour former un contingent avec les troupes revenant d'Albanie.

Ce camp d'accueil nous permit un petit séjour à Salonique.

Nous étions plutôt fatigués et c'était le printemps, un printemps continental et déjà chaud. Je me souviens qu'après avoir monté les tentes, la sieste était de rigueur.

La chaleur nous fatiguait et moi, le premier jour, les pieds dans mes souliers à clous dépassant de la tente, je m'endormis profondément. Là, mal m'en prit, le soleil ayant tourné trop vite, c'est une insupportable brûlure des pieds qui me réveilla. Les camarades moins dormeurs s'étaient depuis longtemps tirés à l'ombre au bord de la forêt. Je me déchaussai avec précaution, les clous brûlants de soleil avaient fort endolori mes pieds, mais on se remet de tout.

Et nous partons rejoindre le 42ème d'Artillerie coloniale rattaché à la 16ème Division coloniale de l'armée du Danube, sous les ordres, à ce moment-là, du maréchal Franchet d'Espérey.

 

       Maintenant le front était proche et nous nous préparons pour la grande attaque, appelée la bataille de Stradilegen. Nous suivons la vallée marécageuse du Vardar et montons à l'assaut du " Kaimatchcalan " (2535 m).

Là, 1800 canons furent montés à dos d'hommes, nos bourricots ne pouvant monter ces pentes trop abruptes.

Ce furent les prisonniers turcs qui traînèrent nos pièces à raison de 200 hommes pour une pièce.

Jamais les autrichiens ne pensaient que nous attaquerions la plaine de Macédoine en Serbie, au travers de ce barrage de montagnes inaccessibles à notre lourd matériel de guerre, sans route, sans chemin même.

Ce fut pourtant le plan de notre attaque surprise.

 

C'était le 4 juin 1918 et pendant 3 jours de feu continu, nos 75 crachèrent sans répit, aidés par des 100 de marine qui tiraient derrière nous en un jet puissant passant sur nos têtes en sifflant.

L'ennemi, surpris, harcelé, ne put se reprendre. Nos chefs, cependant, n'ignoraient pas le nombre de nos ennemis. Continuant sur notre lancée, ce fut la poursuite sur l'autre versant du Kaimatchcalan. Nous autres, les jeunes, furent réquisitionnés avec 4 jours de vivres et mission de retourner les pièces allemandes et autrichiennes et de nous en servir pour pourchasser l'ennemi et appuyer notre infanterie et pour cela nous devions user les obus ennemis abandonnés.

Tactique classique de l'ennemi démoli par ses propres armes.

Nous avions reçu une formation accélérée du rôle de pointeur et nous ne nous en privions pas.

 

Mais l'attaque surprise et la poursuite furent si rapidement menées que nos troupes envahirent Florina, Verria, Monastir (Bitola) et Iamitsa sans trouver beaucoup de résistance. Nous, les jeunes, allèrent jusqu'à Prilep.

A ce moment-là, les Autrichiens tenaient toujours l'Albanie au-delà de Florina, vers le lac Okhrida (lac d’Ohrid) et les Bulgares tenaient les montagnes au-dessus de Monastir.

Notre attaque surprise, notre victoire eurent pour principal effet de cerner les Autrichiens accrochés dans les montagnes d'Albanie. En avançant dans la jolie plaine de Florina, je vis tant et tant de fusils, des montagnes de fusils. Les Autrichiens, poussés par la faim, coupés de tout, descendaient se rendre à nos chasseurs d'Afrique, jetant leurs fusils comme on abandonne un objet inutile et nos glorieux soldats, à raison de un tous 50 mètres conduisaient l'immense, immense colonne de prisonniers.

C'est dans cette poursuite que nos soldats, des cavaliers, cueillirent le maréchal Makensen aux environs de Budapest. Honorable prise.

 

       Il est un incident que je veux vous raconter et que j'ai vécu au cours de cette bataille. Nous utilisions parfois, dans les canons, des fusées de type 1-A.

C'étaient des obus porteurs de grandes fusées pour détruire les batteries ennemies. Il ne fallait pas chahuter avec ça dans le canon, elles étaient très sensibles. A un moment donné, nous recevons l'ordre de sortir les obus des canons. Dans un de nos canons, impossible.

Le commandant s'énervait : " Retirez l'obus de dedans. " Alors, ils ont essayé doucement avec un débouchoir (une sorte de pilon avec un manche); ils risquaient de tout faire sauter. A un moment donné, voyant qu'ils n'y arrivaient pas et qu'il fallait descendre le canon à l'atelier à l'arrière, le Commandant demanda un volontaire.

Un attelage arrive de l'atelier de réparation, la nuit, et il fallait quelqu'un pour serrer la mécanique dans la descente. Personne ne voulait se porter volontaire.

" Bon ! Dans ce cas, ce sera le plus jeune." J'étais le plus jeune. Le capitaine me dit : " Vous êtes volontaire ? " Je réponds : " Si vous me dîtes d'y aller, j'irai." Fort bien, avec ce canon au-dessus de moi et l'obus coincé, à chaque secousse je croyais à ma dernière minute de vie.

Arrivés à un ruisseau, il se trouvait une légère remontée et la route continuait au fond du ravin, l'adjudant du convoi me dit : " C'est fini, tu peux retourner." Je fus, comme on le pense, bien soulagé.

 

       Mais revenons à notre campagne de Serbie.

Notre détachement de jeunes pointeurs avait reçu l'ordre de rallier la division. Nous repartîmes en camions par Salonique pour retrouver notre division.

Par la vallée du Vardar, nous dominions Veles (Titov Veles), mais les ennemis repliés avaient fait sauter tous les ponts de chemin de fer et les routes enjambant le Vardar. A Guevgueli (Gevgelija), je me souviens de notre arrivée proche de la gare, la voie était sautée.

Il fallut procéder au transbordement du train.

Un jeune lieutenant traînait avec lui une cantine dont le contenu lui était fort précieux. Affairé, il nous avait confié l'objet en disant : " Je vais au wagon des officiers. " Mais dans le changement de train, et l'escalade des remblais, chacun de porter son barda, et tous d'oublier la cantine. Mais un beau jour, voilà le lieutenant qui nous réclame son bien.

Personne ne savait, bien entendu, mais voilà, c'est moi qu'il reconnut. Et je devais le revoir plusieurs fois, ce lieutenant, et chaque fois il me disait : " Hein, ma cantine !! "

 

       Plus loin, à Veles, une grande gare peu avant Uskub (Skoplje), les Bulgares avaient fait sauter un grand pont de chemin de fer, avec des trains entiers.

Je revois encore les locomotives pendues dans le vide. Nous n'allâmes pas jusqu'à Uskub, et pour traverser le Vardar nous dûmes faire appel au Génie pour poser un pont provisoire de bateaux pour passer avec nos chevaux, nos canons et tout le train, et en nous dirigeant vers la Bulgarie commencer l'invasion du territoire ennemi.

L'unité de notre division était refaite et, par étapes, nous descendons les ramifications des Balkans, vers Radomir et Sofia.

J'étais, dans ces étapes, conducteur de chevaux, de petits mulets de montagnes passablement nerveux. Un soir je conduisais mon attelage paisiblement. Mon précédent amorçait un passage difficile; voici que ses chevaux se mettent à reculer, à reculer presque sur mes bêtes qui, braquées, reculèrent aussi et, effrayées, se cabrèrent et, d'un bond, coulèrent au ravin avec armes et bagages.

Moi, d'un bond, je venais de sauter sur la droite sauvant ainsi ma vie. Il était 10 heures du soir.

Hélas, la colonne était bloquée. Il fallut descendre rechercher mes mulets, les remonter indemnes mais fort secoués. Parfois, nous trouvions quantité d'objets, cantines, charrettes, canons, roulantes abandonnées par les Bulgares en fuite et, d'un coup d'épaule, nous basculions gaiement au ravin tous ces rebuts et, la voie libre, nous continuions.

Les fantassins et l'infanterie nous précédaient, harcelant les arrières ennemis. Avec nous des Grecs, tout joyeux d'arriver en pays ennemi avec droit de conquête, chantaient " Aïdé Sofia " et " Zig-Zig Marguerite ", oui bien sûr. Sitôt passées les frontières, ces gens-là se mirent à tirer sur les poules, à pourchasser les femmes, à faire un beau massacre. La Bulgarie s'empressa alors d'offrir l'armistice aux Français, à condition que les Grecs retournent dans leur pays.

 

Les bulgares signèrent donc une paix séparée le 30 septembre 1918. Il nous restait à chasser les Allemands épars sur ce territoire et cela encore pendant un mois et demi, puisque l'armistice général ne devait avoir lieu que le 11 novembre. Mon pauvre cheval donnait des signes de fatigue de plus en plus grands.

Et souvent, des traînards fantassins, ou autres, montaient sur ma charrette, ajoutant à la charge. Pauvre bête, à Sofia elle devait mourir.

 

Le 11 novembre 1918, le jour de l'armistice général, nous étions à Radomir, à 40 km de Sofia.

Nous étions sous la tente et il neigeait, le bel été bulgare était loin.

Après avoir rallié Sofia, nous prîmes le train. Une ligne à voie étroite. 3 locomotives devant, 1 à l'arrière tiraient et poussaient notre convoi dans la plaine bulgare. Parfois, c'était la halte forcée, il fallait casser le bois sur place pour entretenir les chaudières.

Nous devons cantonner au camp de Sistov (Sistovo). A cet endroit, en 1912, avait eu lieu une bataille furieuse entre les Turcs et les Bulgares. Nos troupes, fatiguées et mal nourries, devaient connaître à Sistovo une forte épidémie de grippe espagnole. A un moment donné, dans le camp, il y avait sept cents malades. Tout ce qui était un peu déprimé ne résistait pas. Je vis mourir, entre autres, un brigadier que le cafard tenaillait.

Il était paludéen, c'était assez pour succomber à l'accès de la grippe espagnole. Il y eut en tout 100 morts et parmi eux un médecin major qui s'était dévoué sans compter auprès de ces malades. Je ne devais pas être atteint de cette grippe. Après cet accès, le ravitaillement étant mieux organisé, nous devions lever le camp et traverser le Danube le 1er janvier 1919 pour débarquer sur l'autre rive du fleuve, à Zimnica (Zimnicea), en Roumanie. Là encore, nous devions cantonner quelque temps.

C’était la nouvelle année et chez les orthodoxes, l'usage était de bénir les maisons. Notre paysan nous avait cédé sa grange et il nous fit comprendre que le pope allait venir.

Nous étions d'accord sauf notre boucher, une espèce de sectaire, une grande gueule. Bref, on lui a dit de laisser le pope faire sa bénédiction et de se taire. Le pope nous bénit aussi et chacun, respectueusement, de faire le signe de la croix sur notre boucher qui dit :

" En voilà assez, allez ! La goutte maintenant." On a donc trinqué avec le pope et on lui a fait cadeau d'une fiole d'eau de vie qu'il prit sans faire de manières et puis partit tout content.

 

       Les paysans bulgares ou roumains vivaient très pauvrement, très primitivement.

Dans la ferme, un seul feu était allumé dans la cuisine. Une sorte de grand four communiquant avec la cuisinière chauffait la salle commune, quand on voulait bien la bourrer de paille enflammée, qui se consumait et produisait une maigre chaleur. Pas de lit, le long des murs, des bas flancs de bois où chacun s'allongeait avec une mince couverture. Leur principale occupation était de surveiller leurs biens pendant notre séjour.

Nous vivions plus ou moins sur l'habitant selon la régularité du ravitaillement, mais c'est ainsi dans toutes les guerres. Parfois, quand nous changions de cantonnement, nous voyions au-dessus de nous des cavaliers qui, à travers les collines, filaient prévenir les paysans de l'arrivée des soldats.

Alors à l'étape, les bêtes, il n'y en avait plus, mais il fallait bien qu'on les trouve. Parfois, un vieux, une pauvre vieille nous montraient leurs quelques poules étiques. Et nous, nous avions pitié et passions à côté sans rien prendre. Les soldats ne sont pas inhumains. Mais si un filou nous mentait ou essayait de nous rouler, ou de nous voler, là, nous ne faisions plus pareil; notre brigand de boucher plantait le couteau dans quelque porc ou vache, et ce jour là, nous avions de la viande fraîche.

 

       C'était maintenant le printemps et voilà qu'au nord de la Roumanie, les Bolchevistes attaquaient de nouveau les Roumains en revendiquant la Bessarabie, riche province agricole attribuée à la Roumanie après l'armistice. Et dans ce cas là, on envoyait quelques divisions et ça marchait.

Nous voilà donc embarqués en train via Bucarest, la capitale, que nous entrevîmes seulement Bucarest, belle et vieille ville, qui comptait, à l'époque, 280.000 habitants.

Et à travers la Valachie et la Moldavie, tirés, poussés par notre petit train qui se presse avec lenteur, nous débarquons à Jassi (Iasi), importante gare de triage; nous prenons la voie russe et en route pour Kichinev, capitale de la Bessarabie (110.000 habitants à l'époque), ville sur le Bijk (Byk), affluent du Dniestr.

 

Nous étions arrivés pour Pâques 1919. Nous devions stationner quelque temps à cet endroit.

Nous logions dans des baraquements proches d'une ancienne caserne de cosaques. Il faisait déjà plus chaud et notre sort de troupes en perpétuel déplacement nous réservait bien des misères.

Les parasites, d'abord. Poux et puces abondaient, nous les chassions bien mais il se trouvait toujours des drôles pour en être cousus et pour aimer ça. Nous avons eu aussi, l'un après l'autre, la gale car notre hygiène était sommaire.

Le scorbut nous fit tous plus ou moins souffrir des gencives qui saignaient car les conserves étaient notre menu habituel. Le paludisme étant à l'état endémique dans notre division, mon tour survint pendant notre cantonnement à Kichinev. J'étais bien pris, crise aiguë de paludisme, mais en même temps, congestion à la base des deux poumons. Je dus me traîner chez le major qui me fit asseoir.

Il voulait m'envoyer à l'hôpital.

Et moi, je ne voulais pas y aller. Je suis resté avec les copains. J'étais couché au chaud sur de la paille, derrière la porte et les camarades me donnaient de la tisane et me soignaient avec beaucoup de dévouement.

Je commençai à aller mieux et comme j'étais exempt de corvées et que décidément les escarmouches avec les Bolchevistes n'exigeaient pas l'artillerie mais seulement les fantassins, nous étions en quelque sorte au repos. J'allai me promener dans les casernes des cosaques.

Car si nous étions dans des baraquements, nos chevaux étaient dans les écuries des casernes royales. Dans la cour d'une caserne, derrière notre hôpital, se trouvait un poteau d'exécution encore très visible et sur le mur derrière, d'innombrables traces de balles. Combien d'hommes avaient été fusillés là ?

Cela faisait un petit effet dans le dos. Car les riches provinces du sud sont souvent convoitées par beaucoup et le vainqueur du moment à toujours de l'épuration à faire. Pour l'instant, la Bessarabie, tout comme notre Alsace, passait souvent d'un camp à l'autre au hasard des guerres.

 

Mais cette fois, les Roumains étaient bien décidés à la garder. En mai, par étapes, nous descendîmes un peu plus bas à Benver.

A cet endroit, 200 ans plus tôt, les Suédois avaient soutenu un très long siège contre les Russes pour être finalement battus. Dans ces plaines fertiles, nous étions mieux nourris.

Nous allions au marché jusqu'à Tiraspol; il fallait pour cela traverser le Dniestr. Le secteur était calme lorsque... Une belle nuit, voici des Bolchevistes. Un de ces coups de main en surprise.

L'encerclement d'une caserne et 110 soldats du Génie qui dormaient, emmenés prisonniers sans avoir eu le temps de se rendre seulement compte de ce qui arrivait. Ce matin là, grand branle-bas de combat. Les civils fuyaient en pleurant. On voyait à la jumelle nos soldats prisonniers de l'autre côté du fleuve, mais il ne nous fut pas possible de les récupérer. Ils ont été emmenés et ne devaient rentrer en France que beaucoup plus tard. Les Tirailleurs algériens nettoyèrent l'endroit. Un des jours suivants, les Bolchevistes n'ont rien trouvé de mieux que de nous voler un train blindé. On voyait le train qui montait, son panache de fumée nous indiquant sa fuite.

 

A cet endroit se trouvait un tunnel. Les Bolchevistes avaient caché le train là-dessous, mais chaque fois qu'ils essayaient de le mettre en route pour ressortir et qu'il montrait le bout de son nez au bord, notre Commandant s'agitait, jumelles en mains.

Notre Commandant était un pied noir, la tête un peu près du bonnet.

Un beau coup, il nous dit :

" Attends voir un peu, je vais les soigner."

On s'est mis à tirer dessus. Un obus est tombé sur le marché de Tiraspol. Ça a fait une belle histoire. Mais nous, on sortait de faire la guerre tout partout, on ne voulait pas non plus se laisser chatouiller, sans rien dire, par des bandes de révoltés.

Finalement les Bolchevistes étaient montés avec des chevaux pour tirer le train, mais ils n'ont rien pu faire. Et comme c'était la fumée qui nous indiquait l'emplacement à chaque tentative : pan ! Un obus. Finalement, nous avons reçu du Commandement supérieur un blâme pour avoir tiré sans ordre. Il s'en fichait bien notre Commandant et ce n'était pas les Artilleurs qui l'auraient contredit.

A part ces quelques escarmouches, notre camp de Bender fut heureux. Nos contacts avec les gens étaient bons. Il y avait là une minorité juive et leurs enfants nous chantaient l'Internationale en français pour avoir quelques sous.

 

       Nous contemplions aux jumelles, par-delà les bords du fleuve, l'immense plaine à blé de l'Ukraine. Tout y était doré en cette saison et partout des moulins à vent piquaient de leurs ailes noires ce beau tableau champêtre.

Parfois aussi, le désir d'un peu de viande fraîche envoyait nos rabatteurs dans les villages pour la réquisition. A ce travail, nous employions souvent un grand noir, et quelques autres. Un jour, le « négro » revient avec une vache superbe, grasse à souhait, et dans la main un billet du Brigadier :

" Tuez-la tout de suite, c'est la vache du pope. "

Notre sectaire de boucher y plante aussi sec le couteau. Voilà les gens qui arrivent en levant les bras, apportant 2 ou 3 vaches maigres pour l'échange. Trop tard, l'autre était déjà saignée.

Notre boucher n'a jamais tant ri. On a donc, pour une fois, mangé de la bonne viande; ça nous changeait de la petite carne. Mais je crois bien que ce jour-là, nous avons commis un sacrilège.


           
Le 12 juin 1919, les Bolchevistes tout à fait calmes, nous levons le camp en direction du sud, vers Reni.

En tout, 14 étapes sur les routes, avec nos chevaux, nos canons, les roulantes et tout le matériel. Mangeant au hasard des arrêts.

Le soleil était chaud, nous approchions des plaines du delta du Danube. Le soleil se réverbérait sur d'immenses champs de maïs aux larges feuilles brillantes. C'était le temps de la moisson.

Tôt le matin, nous voyions passer les moissonneurs et leurs familles. Je revois encore leurs prières au bord des champs, l'offrande des premières gerbes au Créateur, les bras levés vers le ciel. Ce peuple russe très religieux louait le Seigneur en toute occasion. Au hasard des étapes, nous entrions parfois dans les églises.

Chez les orthodoxes, leurs très beaux chants nous saisissaient; mais une ou deux fois, nous eûmes la joie d'atteindre des minorités catholiques romaines et le chant du Credo en latin nous bouleversait.

C'était la France, c'était notre village à chacun et pourtant, nous étions bien loin. C'est en Bulgarie que je devais faire cadeau des images saintes reçues à Rome à des catholiques romains.

En ce temps-là, j'ai compris l'universalité de l'Eglise catholique. Pour améliorer l'ordinaire, il nous arrivait de voler des poules, on les plumait en route et le soir on les faisait cuire à la broche. Cependant notre batterie était composée d'hommes relativement calmes. Un beau soir, nous campions dans une ferme et nous étions si bien fatigués que le sommeil nous prit assez vite. Dans la nuit, une autre batterie, cantonnée plus loin, devait quitter les lieux plus tôt que nous car les départs étaient échelonnés. Au matin, réveil en tempête, nos paysans hurlaient. On avait volé leurs lapins. Qui ? Pas nous, assurément, mais l'autre batterie qui les avait repérés pour mettre ça sur notre dos. Eux, ils étaient filés, alors on a crié aussi fort et on leur a dit de se débrouiller avec les officiers.

 

       Je crois que je n'ai pas encore beaucoup parlé de nos officiers. La plupart étaient basques ou catalans français. Ils parlaient entre eux leur langue basque, incompréhensible pour tout le monde. Alors, un jour, avec deux ou trois camarades vosgiens, nous nous sommes réunis et nous sommes mis à discourir en patois avec force gestes. C'était à leur tour de ne rien comprendre. Et nous avons gardé l'habitude lorsque nous nous retrouvions. Pour leur faire bien voir que les vosgiens ne sont pas plus sots que les autres.

 

       Peu avant Réni, nous avons campé au bord d'un lac pendant deux jours. Le delta du Danube est rempli de ces petits lacs que l'on traversait encore à cette époque avec des bacs. C'est là que je vis une chose extraordinaire que les insulaires nous avaient signalée comme une curiosité locale : l'homme aux yeux verts. Un batelier. Il était splendide et chacun de nous se dérangeait pour aller le voir. Son jeune visage était marqué d'acné, mais son regard vert est inoubliable.

 

       Et partout maintenant, des champs de maïs. Il faisait plus chaud encore, les paysans fauchaient entre les champs; ils n'avaient que leur chemise sur le dos et nous, les soldats, criions après, bien sûr.

 

       Arrivés à Réni, port fluvial sur le Danube, nous embarquons nos 3 batteries sur 5 péniches. Adieu la Russie, nous rentrons en Roumanie.

Et pendant 6 semaines nous devions, tout tranquillement, remonter 300 km de ce très beau fleuve, par petites étapes, avec des arrêts à chaque port fluvial, d'un côté ou de l'autre de la frontière roumano-bulgare. Premier arrêt à Galatz (Galati), grand port commercial roumain; à cette époque : 60.000 habitants. Puis Braila, port tout aussi important, Hîrsova, Cernadova.. Et puis, ce fut la frontière bulgare. Un arrêt plus important nous retient à Roustchouk (Ruse ?), port fluvial du côté bulgare.

Nous repassons à  Switow (Svistov), Nicopoli (Nikopol). Partout, nous trouvions des débrouillards.

Ainsi ces pêcheurs qui, le long du fleuve, accrochaient leurs barques derrière nos péniches : moins de fatigue pour eux qui remontaient d'ordinaire le courant à la rame. A l'étape, ils décrochaient et redescendaient en pêchant.. Pour ce très léger service, ils nous promettaient toutes les bénédictions du ciel.

Ce peuple, très superstitieux, était aussi prompt à nous bénir qu'à nous maudire.

 

       Et la promenade continuait. On se ravitaillait sur les rives, on faisait aussi du troc. C'était la fin, on le devinait bien. Mais des troubles éclataient ici ou là, le changement des frontières amenait des escarmouches. Voilà pourquoi nous nous déplacions si souvent.

Un peu pour faire voir que nous étions là, un peu pour rassurer les gouvernements remis en place.

Car le traité de Versailles en 1919 avait permis de refaire la carte de l'Europe centrale et de se débarrasser d'un très long esclavage turc. Toutes ces régions étaient fortement marquées par l'influence musulmane : architecture, monuments, mosquées, femmes voilées ou plus simplement esclaves. Il n'était pas rare de voir l'homme partir au champ assis sur son âne, les bras ballants, et les femmes marcher à pieds derrière en portant les instruments.

Nous remontions toujours le Danube; parfois la vallée se resserrait entre deux murailles de rochers, derniers contreforts des Carpates. Un beau jour tranquille, nous avons eu une émotion.

Sur une péniche, les mulets s'agitaient, quand soudain, un plongeon formidable : plusieurs venaient de tomber dans le fleuve. Aussitôt, les pêcheurs de sauter à l'eau ainsi que les soldats.

On croyait ferme que des hommes étaient tombés avec eux, mais non. Seulement, il ne fut pas possible de récupérer les bêtes qui, moitié nageant, moitié dérivant, se trouvèrent coincées vers l'arrière et prises sous les bateaux.

Elles devaient se noyer. Petite perte puisqu'à l'appel tous les hommes étaient présents.

 

       Notre dernière étape devait nous conduire à Lom Palanka (Lom, côté bulgare).

Nous approchions des célèbres " Portes de Fer ", un passage très étroit et fort pittoresque que le fleuve avait creusé dans une chaîne de montagnes appelées Alpes de Transylvanie, à la frontière de la Serbie (et de la Roumanie).

 

Nous étions au début d'août 1919 et cela n'allait pas tout seul en Bulgarie.

Le roi Ferdinand 1er avait abdiqué en faveur de son fils Boris. Celui-ci cherchait une politique francophile, à l'instar de son père qui s'était allié avec les Allemands et les Autrichiens en 1914 et que la victoire des alliés avait contraint à démissionner. A Lom Palanka, nous débarquâmes côté bulgare.

 

Adieu la Roumanie.

 

Et de là, par le train, nous devions rallier la capitale bulgare et nous installer dans un camp à 7 km de Sofia.

Prêts à recommencer la musique si nécessaire. Et notre Commandant en aurait été ravi. Les Tirailleurs patrouillaient sans cesse en ville à la première escarmouche : pan ; mais le calme revint assez vite. Et cette dernière semaine de se solder pour nous par 3 semaines d'occupation.

Les officiers d'intendance commencèrent à récapituler les comptes. Ça n'allait pas tout seul. Il manquait 700 litres de vin.

Vous pensez, on vendait ça aux civils contre des lièvres, des poules ou des lapins. Le Lieutenant nous dit : " Après vous, c'est fini, on peut fermer la boutique. " Mais on s'en fichait bien. Par contre nous étions excédentaires en rhum, 45 litres furent partagés entre tous. Nous parcourions toujours la campagne environnante à la recherche de viande fraîche. Nous étions, je l'ai dit, en pays conquis.

Un jour, dans une rue en pente d'un petit village des environs de Sofia, nous avons eu à déplorer un regrettable accident. Une de nos voitures écrasa un jeune enfant qui s'était imprudemment avancé sur la chaussée. Je me rappelle une camionnette de ravitaillement dont le chauffeur faisait des grands gestes.

C'était Georges P., un Ruppéen, si loin du pays. Ça valait bien un arrosage. Dans ce camp, à la campagne, nous eûmes quelques ennuis avec les paysans, car si on réquisitionnait la nourriture, eux ne se gênaient pas pour lâcher leurs cochons dans le ravitaillement des chevaux.

On avait des sacs de maïs. Les cochons les déchiraient et mangeaient le grain. On finit par dire aux paysans de garder leurs cochons. Mais avec un air de se ficher de nous, ils n’en faisaient rien. Un jour, à l'heure de midi, j'étais tout seul, les autres étant partis à la soupe, voilà un cochon qui revient.

Allez, pan... raide mort. Voici le paysan, les bras au ciel, poussant des tas de gémissements. Notre boucher rapplique. Ensemble on l'a fait taire et ma foi, le cochon, on l'a mangé. C'était bien juste, puisqu'il avait mangé notre maïs, n'est-ce pas ?

 

Un beau jour, arrive la nouvelle : nous allons être rapatriés.

Nous avons laissé sur place nos vieux canons que nous avions traînés si longtemps sur les routes d'Orient; ainsi que nos mulets.

L'embarquement se fit en train. Toujours ces tacots à bois qu'il fallait recharger pour alimenter les chaudières. Nous traversions la riche contrée de Roumélie en suivant le cours de la Maritza, fleuve bulgare qui se jette dans la mer Egée.

Aux arrêts du petit train, nous allions dans les champs voisins cueillir des melons et du raisin pour nous rafraîchir.

Parfois, dans les gares, des marchands vendaient leurs fruits sur le quai aux voyageurs.

Notre intendance fonctionnait mal, nous avions surtout des boites de saumon. Mais voilà ... le Capitaine avait un chien dont il ne voulait pas se séparer et cette bête se nourrissait de chocolat, alors que nous n'avions rien.

A une gare, voilà le chien sur le quai parmi les soldats qui, délicatement, l'attirent vers la queue du convoi et au moment du départ, l'oublient bien intentionnellement, lui et son chocolat.

Ceci est un échantillon de quelques tours que les soldats jouent quand ils se trouvent lésés dans leurs droits. Nous dormions sur le toit du train pour avoir un peu de fraîcheur, comme ça, en travers, les uns à côté des autres. Après un arrêt à Plovdiv (Philppapavoli), grand centre agricole et capitale de la Roumélie, nous quittons ce pays. Adieu la Bulgarie. Nous arrivons à Andrinople (Edirne), que quelques uns visitèrent très vite, entre deux horaires. Un jour, je sommeillais sur le toit, mon casque colonial s'échappa entre deux compartiments.

J'ai regretté de n'avoir pas rapporté ce souvenir. Mais déjà, c'était Constantinople (Istanbul), près d'un million d'habitants, capitale de l'empire Ottoman. Les tours de la magnifique église Sainte Sophie, devenue mosquée, dominaient cette très belle ville.

Mais hélas, de toutes ces belles capitales, nous devions surtout connaître les gares et ne conserver qu'une vision bien rapide au passage du train.

Rarement nous avons pu visiter ces trésors de l'Orient. Les belles villes ne sont pas faites pour les soldats, si bien que nous avons pu vivre surtout la vie des humbles gens que nous avons rencontrés dans nos stations à la campagne.

 

Adieu la Turquie.

 

Nous embarquons à Constantinople le 5 septembre 1919 à bord d'un transatlantique russe récupéré; Il s'appelait " L'Impérator Nicolas Due" et pendant 5 jours et 5 nuits, nous voguons en Méditerranée. Dans la mer de Marmara et le détroit des Dardanelles, des cuirassés anglais, la carcasse en l'air, gisaient là, souvenir de la défaite navale de 1915 contre les Turcs, alors que les Alliés cherchaient à forcer le passage vers les Russes et la Russie.

Nous croisons les îles grecques et par le détroit de Messine nous laissons à droite l'Italie et à gauche la Sicile. Tout près, en longeant les îles Lipari, nous regardons longuement dans la nuit le Stromboli en feu, et par le sud, nous contournons la Sardaigne, longeons la Corse, et, enfin, le 10 septembre 1919 nous arrivons à Marseille.

 

Vive notre pays, Vive la France.

 

       Et voici que l'un après l'autre, on se quitte.

Le chemin de nos villages prend des directions différentes. On s'embrasse :

" Adieu pour la vie. " Mais ce n'est pas sans peine qu'on voit se séparer des amitiés vécues journellement et si exceptionnellement depuis plus de 18 mois.

 

       Le 13 septembre 1919, j'arrive à Rupt, avec 45 jours de permission. Je fus démobilisé le 24 octobre 1919. De cette campagne, je reçus plus tard quelques médailles en remerciement de notre aide à nous alliés :

- Médaille d'Orient, - Médaille de Serbie, - Médaille de Roumanie.

 

       Une autre vie allait commencer pour moi, mais le destin qui m'avait conduit d'Italie en Grèce, de Serbie en Bulgarie, de Roumanie en Russie, puis ramené de Turquie, par la Méditerranée, à mon pays de France et à mon petit village de Rupt, a voulu, qu'après bien longtemps, là où fut toute ma vie, ces lignes fussent écrites à partir de mes récits. Pour que chacun se souvienne et apprenne par mon enseignement, que loin du pays, rien ne vaut la Patrie et que si les hommes et les paysages sont différents, partout le cœur conduit la vie et ramène à son clocher les enfants partis au loin.

 

 

 

 

 

 

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