Carnet  de  route  d’Arthur CRIBIER

du 45e régiment d’artillerie

 

Arthur CRIBIER appartenait à la 21e section de munitions, rattaché au parc d’artillerie du 45e régiment d’artillerie. La 21e section de munitions était commandée par le capitaine LUCHOT.

L’artillerie de la 55e DI était composée de 3 groupes d’artillerie (1 groupe du 13e, 1 groupe du 30e et 1 groupe du 45e RAC). Le parc d’artillerie était composé des sections de munitions 21 à 25 provenant du 45e RAC. La 55e DI (avec la 56e DI) faisait parti du 5e groupe de réserve.

Arthur était cultivateur, habitant a La Ferté-Saint-Aubin (Loiret)

 

Merci à Jean-Pierre pour l’accord de mise en ligne du carnet de son grand-père et à Patrick pour la recopie.

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Cheval 34491, sabre 41255, révolver J1715, surfait 0508, couverture 0502.

Jeudi 13 août 1914

Nous partons pour embarquer notre matériel de la 21ème section de munitions à 7 heures ½ du matin de l’abattoir d’Orléans.

1Arrivée aux Aubrais à 8 heures ½  afin d’embarquer à 11 heures. On mange un repas froid : une boite de sardines pour 3 et un bout de fromage de Gruyère.

Départ des Aubrais à 2 heures.

A Neuville-aux-Bois, on nous donne de l’eau fraiche.

A Pithiviers, des dames nous donnent des médailles et de la bière. Ensuite Malesherbes, 50 minutes d’arrêt, changement de ligne.

Eau à volonté dans des baquets, pour les chevaux et les hommes, on distribue un quart de café.

Ensuite Corbeil, puis Melun.

Là je rencontre un régiment de Turcos avec leur musique qui va aussi à la frontière.

C’est le commencement de la nuit.

Montereau, Nogent-sur-Seine etTroyes, c’est le jour.

 

14 août 1914

Mailly-le-Camp : 7 heures.

Quelques wagons démolis sur le bord de la voie. Vu quelques autres wagons où il y a eu une quarantaine de morts par tamponnements à Sompuis, Vitry-le-François, Bar-le-Duc à 11 heures.

Hauteurs de chaque coté de la ville, paysage accidenté. Arrivée à Sampigny (Meuse) à 2 heures du soir. Débarquement.

On forme le parc à Koeur-la-Petite à 25 km de la frontière. On couche dans une grange. Difficile d’avoir ce que l’on a besoin.

Vin 14 sous. Culture mal faite.

Départ le à 1 heure du soir.

On passe à Saint-Mihiel, on arrive à Senonville à 6 heures. Rien que des montées et des descentes. Soldats sur toutes les routes.

On nous montre un sac de fantassin allemand neuf trouvé dans les bois près de la frontière. Impossible de trouver quelque chose à acheter, vin, tabac, allumette. Hier on a mangé un cheval qui avait la jambe cassée. Aujourd’hui, on mange un porc acheté.

On vient d’entendre le canon de forteresse à la frontière. On ne connaît pas de nouvelles. Tout le monde s’impatiente de ne pas partir au feu.

Pays pauvre, cotoyeux mal cultivé, habitants pauvres et sales, villages de même.

 

Le journal de marches et opérations (JMO) de la section stipule que :

Le 15 août : « …l’entrain est très grand… » et que les journées des 16 et 17, la pluie a été continuelle.

18 août 1914

Départ de Senonville à 9 heures.

J’étais parti à cherché des journaux dans un patelin à 3 km et j’arrive à temps pour monter à cheval, on arrive à Buxières à midi.

Le pays est bon, les récoltes magnifiques, les arbres couverts de fruits, surtout les pruniers ; il y a de la vigne mais le vin est cher (15 à 17 sous). On n’entend toujours pas parler de nouvelles.

23 août 1914

Nous sommes toujours à Buxières. Je viens d’entendre la messe à l’église du village. Beaucoup de curés qui sont à la section des infirmiers auprès de chez nous à la 5ème section assistaient à la messe. Nous sommes toujours en attendant.

Hier et aujourd’hui on entend le canon. J’ai été hier voir auprès du pays une ferme, Buxières-aux-Bois, qui était exploitée par un Allemand et qui a été absolument dévastée par le 82ème de ligne et le 7ème dragon, tous les meubles sont réduits en morceaux, grands comme la main.

Je n’ai pas vu les gens. Le mari était parti en prison préventive à Saint-Mihiel et la femme et 3 gosses dans l’intérieur de la France comme émigrés. La ferme était un modèle pour la région qui est bonne comme terrain mais cultivée d’une façon déplorable, on y voit partout des gens coupant leur blé à la faucille tandis que l’on y voyait une plus grande propreté et tous les instruments modernes (écrémeuse, malaxeur, faucheuse).

J’en ai rapporté, comme souvenir, une feuille de papier à beurre marquée à leur nom.

24 août 1914

Départ de Buxières à 7 heures ½.

Arrivée à Hattonville à 11 heures. On entend le canon. Soldats à pleine rue.

Départ d’Hattonville à 8 heures du soir pour Joinville où l’on arrive à 2 heures du matin. Là, on manque de se faire prendre par les Allemands, car l’on va à 2 km d’eux, sans savoir où ils étaient et par nuit plus noire que dans un four.

Heureusement, on s’en tire.

L’on fait demi-tour et l’on revient à Chaillon à 11 heures du matin. Ici, l’on vendait du vin 28 sous, c’était honteux.

De là, départ à 4 heures pour Saint-Mihiel, arrivée à 7 heures du soir à la caserne du 12ème chasseur à cheval où nous couchons dans un lit, c’est la 1ère fois depuis le départ d’Orléans.

Et vraiment l’on avait bien gagné après 2 jours et une nuit de cheval et plus de 100 km.

Le journal de marches et opérations (JMO) de la section indique : « … nous arrivons à 22hOO à Saint-Mihiel absolument éreintés par cette marche de 40 heures sans repos…. »

26 août 1914

Départ de Saint-Mihiel pour Lérouville, arrivée à la caserne du 154ème d’infanterie à midi. Pays humain pour les soldats, les gens plus propres que ceux vus plus tôt. Carrière de pierre.

Départ de 1er septembre à 11 heures du soir.

Embarquement de nuit.

Départ à 4 heures du matin.

1er septembre 1914

On passe à Bar-le-Duc à 8 heures.

A Coulommiers à 3 heures du soir. On nous donne des poires. On débarque au débarquement au nord de paris, à Goussainville (20 km de Paris).

Le soir, on va à Villiers-le-Sec à 12 km.

Là, tous les habitants déménagent avec leur butin sur le dos. Les femmes et les petits enfants avec leurs paquets sur le dos.les voitures à bœufs, à chevaux, à âne, le tout chargé de matelas, meubles, paquets ; c’est d’une tristesse désolante, mais je remarque que l’on n’entend qu’aucun cri, tout le monde a espoir dans des jours meilleurs.

Pour le moment, c’est l’invasion qui se prépare.

A Villiers, nous avons pris des poulets et des lapins abandonnés. Nous vivons comme des bourgeois, vin à volonté dans les caves.

Départ de Villiers à 8 heures du soir pour Gonesse.

Arrivée à 11 heures du soir. On couche dehors, heureusement le temps est sec, et nous ne [xxx] pas sauf de sommeil. Voilà 3 nuits presque à blanc :(Embarquement, chemin de fer et débarquement, 2 nuits et cette nuit) 2 heures de sommeil à part cela et la reculade, tout va bien pour nous.

Départ 1 heure du soir pour Tremblay, arrivée à 6 heures où on couche dehors.

Départ à 6 heures ½, le lendemain, arrivée à Vaujours à 11 heures après avoir rencontré des soldats en masse, surtout des régiments de zouaves.

Attente d’une demi-heure à chaque coin de rue.

Départ de Vaujours à 2 heures du soir, arrivée à Mitry-Mory à 5 heures du soir.

Village abandonné. On trouve de tout dans les fermes, poulets, lapins, oies, le tout à profusion. Une très grande ferme abandonnée à Maurepas. On y loge jusqu’à 8 heures du soir.

Après départ de nuit pour Nantoulliet. Quelques sections approvisionnent des artilleurs pendant la nuit.

Monthyon et Iverny. C’est vraiment la guerre dans toute son horreur.

De très durs combats se déroulèrent dans ce secteur durant ces jours de septembre de la bataille de la Marne.

 

Nous avons marqué ce dimanche 6 septembre par une drôle de fête.

Nous partons de Nantoulliet vers 7 heures du matin pour aller ravitailler des régiments d’infanterie, nous passons à Iverny, là, nous commençons à voir des chevaux tués et plus loin sur le bord de la route, 4 fantassins les 4 fers en l’air.

Je vous prie de croire que les premiers (morts) vous font beaucoup d’effets et on se demande à quand son tour.

Ensuite, une maison en feu, des artilleurs du 13ème, fantassins réservistes du 231ème et 242ème.

Après, nous arrivons à Monthyon, 4 km.

En arrivant auprès d’une grange couverte d’ardoises qui se trouve à peu près entre les 2 pays, nous voyons encore des pioupious puis des soldats allemands tous plus ou moins abimés.

Près de la grange, des prisonniers allemands enterrent leurs camarades morts, dans un trou immense sous la conduite des gendarmes. Plus loin, les Allemands avaient abandonné une quinzaine de caissons d’artillerie, des quantités d’obus chargés ; c’était incroyable, le mélange d’obus, de caissons, de morts, de bottes, de calçons, de sacs et ils mettent leurs obus dans un espèce de panier qui en contient 3 séparé.

Une quantité incroyable de blessés allemands et français sont pansés dans une ferme et dans l’église.

Nous revenons à midi et le soir nous enterrons les morts dans le cimetière d’Iverny.

C’est très simple, une corvée a creusé une fosse commune dans le cimetière.(*)

Pendant ce temps, nous avons ramassé les morts dans une voiture de ferme.

On les cale avec de la paille.

On les emmène avec quelques fleurs pris dans le jardin à côté.

On les décharge au cimetière où les gendarmes ce qui peut les faire reconnaître, plaque d’identité, livret, lettre ; ensuite, on part en chercher d’autres. J’en ai amené une quinzaine avec la corvée.

Il y avait un capitaine d’infanterie instructeur à l’école Saint-Cyr, il avait son bouc taillé un peu en pointe, un sous-lieutenant d’infanterie 45ème, un lieutenant d’administration, un sous-officier du 13ème d’artillerie, un sergent et le reste simples soldats d’infanterie et 2 ou 3 artilleurs dont un brigadier, la tête presque complètement enlevée par un obus.

On met les morceaux dans sa musette pour l’enterrer. Des chevaux tués, des maisons brulées, des cadavres. C’est d’une tristesse incroyable et pourtant, aussitôt que la mort n’est plus sous nos yeux, on n’y pense plus.

Et l’on rit, il est vrai que le vin et le poulet à profusion aide à noyer le chagrin.

(*) C’est exact : le JMO indique : « …on nous charge d’enterrer premières victimes 3 officiers et 16 fantassins… »

Le 6

Repos à Nantoulliet, après, repos auprès de la halte du chemin de fer à Gesves.

On entend une bataille absolument terrible, ce n’est qu’un coup de canon interminable qui dure jusqu’à 9 heures du soir. On ne peut avoir aucune idée de ce que cela peut être si on ne l’a pas entendu. (*)

Il faut se figurer un orage terrible qui durerait 3 jours, on avait qu’une idée très faible de ce que cela peut être.

(*) C’est exact : le JMO indique : « …Nantoulliet. Grande bataille sur tout le front… »

Le 10

Les Allemands sont partis. Le soir, l’on va à Saint-Soupplets, à 6 heures on repart.

On passe à Etrépilly. Là, un spectacle inoubliable.

Des morts sur le côté de la route, des chasseurs du 29ème et des fantassins du 150ème , (*) au moins 150 visibles de la route, en passant.

2Le pire, c’est à l’entrée du village. Quelques Allemands aussi. Les maisons éventrées, les toitures crevées, à l’intérieur un désordre inexprimable, les armoires vidées de leur contenu, les meubles brisés, la vaisselle en miettes, le tout mêlé de bouteilles brisées et piétinées et sali de déjections.

Les caves vidées, tout le vin qui n’a pu être bu et les bouteilles vidées est défoncé et brisé, le vin perdu a fait de la boue dans certaines caves où l’on s’enfonce de 5 centimètres.

Par là-dessus, flotte cette odeur de cadavres de chevaux et d’hommes en décomposition qui vous poursuit partout. (**)

 

On arrive le soir à Trocy. On y couche dehors, bien entendu. Il a plu dans la soirée et l’on se couche dehors [xxxx].

Ce village est absolument dévasté et pillé.

On ne peut s’en faire une idée, les rues sont encombrées de bidons, de sacs, de bois de lit, de chaises, de glaces et le tout mêlé de morts et de cadavres de chevaux. Une belle ferme. Rousseau est aussi pareille, le coffre fort a été défoncé, je n’ai pas encore vu aussi pire qu’ici, à 200 m du village, une grande quantité d’artillerie de forteresse allemande avait été en position quand le 75 les a délogé. Ils ont abandonné beaucoup d’obus de gros calibre.

Il y a plusieurs morts, dont un a été véritablement déchiqueté par un obus. Il y a des morceaux à 50 m les uns des autres, un pied, une main, un morceau des reins, les intestins, le tout brisé, déchiqueté, les jambes disparues.

Des blessés dans une ferme, d’autres achèvent de mourir dans une voiture. Des prisonniers qui ont été pris, nous dise que l’armée allemande est en déroute, démoralisée par le tir du canon de 75. (***)

 

(*) Le 150e RI et le 29e chasseurs ne se trouvent dans ce secteur ( !). Ces sont le 350e RI (« réserve du 150e RI) et le 69e chasseurs (« réserve » du 29e chasseurs). Curieux. En effet, les 350e RI et 69e BCP ont subit de terribles pertes sur les champs de bataille de se secteur.

(**) Le JMO indique : « …Village et plaine remplis de cadavres, odeur épouvantable… »

(***) Le JMO indique : « …Trocy est complètement saccagé, la bataille y a fait rage. Tout le long de la route nous voyons les suites de la déroute allemande, matériel et munitions abandonnés, hommes et chevaux laissés sans sépultures… »

 

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Extrait du JMO de cette unité

Le 11

Au matin, départ de Trocy.

On passe à Vincy, village pillé et brûlé en partie.

Ensuite Acy-en-Multien à 2 ou 3 km de Rozoy-en-Multien. Le pays ne m’a l’air que légèrement pillé. Ensuite Etavigny, c’est le village le plus atteint de tous par l’artillerie, le clocher est presque abattu et ne tient que par miracle.

Le pays brûle au moment où l’on passe, 2plus rien n’est debout, des blessés allemands et français sont dans des maisons.

Ensuite, Boullarre n’est pas trop touché. Après, il n’y a plus trace de bataille. Les Allemands sont en fuite. Après la traversée de plusieurs autres villages et de la forêt de Villers-Cotterêts, l’on arrive à Pisseleux et enfin à Villers-Cotterêts (Aisne).

 

Le soir à 7 heures, par pluie depuis 3 heures, l’on va chercher du bois dans une scierie pour faire du feu pour passer la nuit auprès.

Les quelques gens qui restent, disent que les Allemands sont partis du matin à 10 heures et que les chasseurs à cheval entraient d’un bout pendant que eux sortaient de l’autre. L’on parle que 2 femmes ont presque été violées.

Une jeune fille de 18 ans avait suivit 6 Allemands dans une chambre pour boire avec eux t la fin de la beuverie s’était terminée par ce que l’on doute. Je crois qu’elle avait mis beaucoup de bonne volonté.

Peu de pillage malgré une occupation de 11 jours.

Marche aujourd’hui de 40 km. On part de Villers pour Soissons, mais les Allemands n’ont pas quitté si vite que l’on croyait et on est obligé de s’arrêter à un petit village, Chaudun. De là, on entend une canonnade terrible du côté de Soissons : pas de repos pour le canon.

18 septembre 1914

On attend toujours à Chaudun, 8 km de Soissons.

Hier, 17 septembre, j’ai fait un prisonnier.

On passait le matin dans une rue, une femme nous appelle, nous disant qu’elle croyait qu’il y avait un Allemand dans son grenier.

Nous étions 4 et sans armes. Je prends un broc et nous montons dans le grenier. Il ya avait un espèce de réduit à hauteur, sous les tuiles où il ya avait des bottes de fourrages. On se met à en déranger, en criant « tient bien ton fusil », pour faire croire que nous étions armés.

Tout d’un coup, le bonhomme s’arrache d’un bond en criant en français « prisonnier, camarade ».

On le prend et on cherche son fusil.

On le trouve avec tout son fourniment. Il y avait 4 cartons et au moins 150 dans ses cartouchières, de quoi nous démolir tous. Nous l’avons amené au commandant qui m’a félicité comme gradé.

Le soir, on l’a remis aux mains des gendarmes après l’avoir fait manger et boire, car il était mort de faim.

Le 20

Changement de cantonnement, on va à Longpont, à 6 km.

On y reste jusqu’au 30 septembre où l’on va à Villers-Cotterêts échanger nos caissons de munition pour 4 pièces et 6 caissons de matériel de 90.

On revient coucher à Longpont et le lendemain, 1er octobre, on va à Chaudun, où l’on était il y a 15 ou 20 jours et là, on commence à apprendre à manœuvrer notre matériel.

On fait un peu de tir avec le 4 à Saconin. On continue à apprendre.

Le 8 (octobre)

On part pour Serches.

 

 En route, on passe des troupes d'infanterie anglaises  habillée en jaune avec des casquettes plates, toujours frais rasés. Ils ont des mines de prospérité et ont l'allure de bourgeois allant à la chasse.

En arrivant à Serches, on voit une compagnie écossaise avec leurs jupes à petits plis comme une noumée. ( ?)

Le soir on part mener les pièces en position à 11 heures.

On rentre à 3 heurs du matin en laissant les pièces et leurs servants sur une hauteur au dessus de carrières à 6 km de Serches. au matin du 10, nous voyons une troupe de Marocains, 500. Ils restent avec nous jusqu’à 1 heure du soir.

C’est curieux de voir ces noirs.

Nous faisons la popote ensemble et au même feu. Ils m’offrent du café et faisons échange de politesse. Tout est curieux en eux, Figure, costume, chargement et surtout leur façon d'essayer de parler français. (*)

C’est un spectacle d'exposition, mais non truqué, car c'est naturel.

(*) C’est vrai, car la brigade Marocaine Ditte avait rejoint le 5e groupe de réserve à partir du 1e septembre.

Le 9

Dans la nuit on va faire des tranchées pour enterrer nos canons sur une hauteur au-dessus de Ciry dans un bouquet de bois au-dessus des carrières

le 10 au soir

On même les pièces dans ces tranchées. On ne marche et travaille que la nuit pour ne pas être vu par les Allemands.

Les tranchées pour artillerie sont des trous des 1 m de creux pour enterrer les pièces à seule fin que la bouche soit seule à hauteur du sol. de chaque coté on creuse des sortes de niches pour les munitions et des beaucoup plus grandes, une de chaque coté pour les servants en cas de danger.

Les niches ont de 1.5 m ou plutôt de 2m à 2.50 de creux et 1m de large, chaque pièce les fait à sa manière.

On les recouvre de morceaux de bois et par dessus, on met la terre, provenant du trou.

On ménage à l'intérieur des sortes de marches pour descendre.

Le lendemain on commence des tirs d'une trentaine de coups, les allemands ne répondent pas (*)

 

(*) Le JMO indique : « …tir de réglages de 26 obus pour 4 pièces… »

 

Le 11

On recommence à tirer vers les 4 heures. On envoie 25 ou 30 obus tout d'un coup

On nous dit un avions garer (?) vous. On entre dans les trous que l'on appelle de casemates. Tout le monde n'était pas encore rentrer que boum boum, 2obus éclatent.

Ce que l'on prenait pour le bruit d'un avion, c'était le sifflement des obus. Tout le monde à terre.

Les obus arrivent de tous cotés.

Les éclatements se font avec un bruit de tonnerre au dessus de nos têtes, coupant les branches des arbres.

Nous avions planté un bouleau à l'entre de notre trou, les éclats venaient coupe les feuilles qui en voltigeant venaient nous couvrir.

Chaque obus en éclatant fait un déplacement d'air terrible soulevant tout.

C’est le baptême du feu.

Au bout d'une heure la canonnade et nous sortons  à l'air.

Alors on constate le travail.

Une pièce est touchée sérieusement.

L’affut est traversé et le débouchoir mis hors de service

Ma pièce est légèrement touchée à la manivelle. Plusieurs marteaux restés dehors sont touchés par les éclats.

Des arbres sont touchés mais pas un seul homme est atteint sauf 2 très légèrement par un éclat de pierre, un rien.

 

Le soir je reste de garde et on revient chercher nos pièces pour les ramener à Serches. Ensuite repos pendant que les officiers cherchent une autre position.

La nuit d'après on part faire d'autres tranchées autre part.

Mais dans la journée, ils sont découverts par un aéroplane allemand qui lâche dessus une grenade de la grosseur d'une marmite qui fait un trou à enterrer un cheval.

Il n'y avait à ce moment là que le capitaine qui inspectait car le jour ou y travaillait pas.

On abandonne donc ces positions sans y avoir amené les canons.

Les épisodes du bombardement, du débouchoir, de l’avion et du capitaine LUCHOT sont relatés exactement comme dans le JMO.

 

Tout cela continue jusqu’au 29 à 11h du matin.

On part pour Billy-sur-Aisne.

Moi, ayant attrapé une entorse au pied gauche, le 28, je reste ici, et les autres partent le soir à Bucy-le-Long avec les pièces. Les caissons restent ici.

Dans la nuit du 29 au 30

On ramène les avant-trains et les chevaux dans Bucy. Un obus éclate en tête de la colonne blessant 3 conducteurs DELAFOY, LEMAIRE, RIMBERT et le brigadier de la 1ère pièce BARON (?)

Ce pauvre gars est mort le 1e nov. jour de toussaint. Il avait été blessé d'un éclat dans le bas ventre. Il sera enterré demain matin, 2 novembre, jour des morts à Septmonts ou il était à l'hôpital.

Un autre obus, trois minutes avant celui-là, avait déjà tué un téléphoniste et cassé la jambe d'un autre à peu près au même endroit.

Noël 1914

J’écris aujourd'hui, 25 décembre, jour de Noël.

Nous sommes toujours à Bucy-le-Long depuis bientôt 2 mois. Rien de particulier. C’est la guerre de tranchée. Les allemands sont tous dans les tranchées et nous la même chose.

Auprès des pièces, des trous également.

Mais c'est des trous merveilleux tellement c'est bien fait, des maisons en petit avec bancs et lits d'ailleurs le plateau où nous sommes est très sain. J’écris cela dans un de ces trous à 5 ou 600 mètres des Allemands à côté du téléphone qui me relie aux pièces, car je suis à ce que l'on appelle "l'observatoire"

Pour y venir, il faut suivre 1 kilomètre au moins de tranchées tout en tortillant bien entendue. On ne peut se figurer le travail fait et la quantité de terre remuée.

On tire quelques coups de canon de temps en temps. D’autre fois on tire pendant 2 heures ou une journée. Tout cela sans grand résultat.

C’est tout ce que nous faisons ici.

Si cela continue, la guerre durera bien 10 ans.

Le moral des soldats est très bon et le physique encore meilleur si possible

D’ailleurs nous sommes vêtus et nourris tel qu'il est impossible de demander mieux.

L’intendance fonctionne d'une façon absolument merveilleuse.

18 janvier

Il nous ait arrivé une chose ordinaire à la guerre, mais qui n'est pas drôle quand elle vous arrive.

Les choses suivaient leur train habituel quand le 10 et le 11 nous attaquons et prenons du terrain sur Crouy.

Les choses allaient bien, mais le 13 au matin, nous sommes attaqués à notre tour. Les Allemands s'étaient renforcés par des régiments nouveaux venant de Belgique. Ils s'avancent sur nos tranchées en colonne de compagnie, sans même tirer un coup de fusil.

Malgré le feu de nos canons qui les fauchaient par rang entiers, ils s’avancent jusqu’aux tranchées, un combat acharné s’ensuit, mais leur avance continue. Ils étaient trop.

Vers midi, nous donne l'ordre de nous sauver et d'abandonner les pièces.

Alors la bataille est effroyable. Je pars en tête des avant trains à la sortie de Bucy, les obus tombaient à droite et à gauche et au-dessus de la colonne.

Je croyais bien ne jamais pouvoir atteindre le pont de Venizel.

Heureusement qu’ils nous envoyaient des obus mauvais, sans cela personne n'aurait pu passer.

Tout le monde aurait été tué.

..

Dommage que le carnet se termine ici…

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