Préambule :
Ajourné en 1914, 1915, 1916.
Classé service auxiliaire par la 1ère commission de réforme de la seine du 21 mai 1917.
Incorporé le 4 sep 1917 matricule 12.304 (20 Son S.E.M.R)
Classé service armé par la 6ème commission de réforme de la Seine le 19 sep 1917. Artillerie de campagne.
13ème Artillerie 1er oct 1917
10? R.E. ? - 18 fev 1918
C.O.A.I - 21 mars 1918 - Zone des armées
108ème R.A.L - 7ème groupe - 19 Batterie - 4ème pièce - secteur postal 29bis - de mars 1918 à Vallant St Georges (Aube) au 20 dec 1918 à La Ville-aux-bois-les-Dizy (Aisne)
Coop. G.S.S.A - 20 dec 1918
Démobilisé le 17 oct 1919 à Laon
Du 5 au 14 août 1918 – Permission
Retour de perm - Départ gare Nord 10h30.
Distribution cigarettes - éventail -sandwich - Orry la Ville - régulatrice - 2 heures attente - bon repas - et descente à Hermes au-dessous de Beauvais.- vais à St Félix à 3 km de là - La division est en déplacement, il faut attendre les ordres pour la rejoindre - Coucher dans un vilain grenier. Nuit passable.
Rien de nouveau - Je dors l'après-midi.
Réveil à 5 h - exercice au programme
Le cantonnement est consigné la matinée. Après la soupe je vais à Mouy à 5 km de St Félix. Je traverse Hondainville. Mouy est très coquet. Une rivière partage la ville, elle coule entre les maisons qui la bordent. Passe quelques heures à l'Y.M.C.A. Rentrée à 5 heures.
J'ai visité l'église qui est bien jolie. (La rivière s'appelle la Théraine).
Promenade matin et soir.
Je reçois quelques notions sur le fusil mitrailleuse, je lis le reste de la journée.
Dans la nuit du 21 au 22 les Boches bombardent et mitraillent par avions les environs de St Félix. Pendant un bon moment ils nous survolent.
Dans la nuit du 22 au 23, ils recommencent.
Belle journée - Promenades.
Dimanche Je retourne à Mouy ou je passe l'après-midi. Sur la place centrale, un gros auto-camion prend feu. Il brûle entièrement. Son chargement d'essence est en partie sauvé. C'est la fête de ma mère aujourd'hui et je n'y suis pas. Enfin je me console, voilà 11 jours de bon temps que je viens d'avoir.
On va probablement rejoindre notre division qui est la 58e. Le départ est annoncé pour 19 h. Je pars vers 10 h j'arrive à Clermont - 10 km de marche. Un orage formidable éclate. J'abandonne le détachement et vais coucher aux baraquements de la gare.
6 h du matin en route. Il reste 15 km à faire. Après 5 km j'arrive à Nointel. Des camions en partance pour Blincourt, lieu de mon étape, me prennent. La route est belle, je file. A 8h30 j'arrive dans la ferme ou je retrouve mes camarades. Vers Catenoy il y a un hôpital d'évacuation et un cimetière militaire. Cette vue m'attriste, je n'ai pas encore vu un nombre si considérable de tombes de soldats. A midi je quitte Blincourt par auto jusqu'à Estrées-St Denis.
Là encore des tombes. On voit que Lassigny n'est pas loin. Je reprends un autre camion jusqu'à Rémy et puis jusque sur la route de Bienville en passant par Compiègne. Cette ville est dévastée, c'est lamentable à voir. Je fais 2 km à pied j'arrive à Bienville. Il est 4 h du soir. Je couche dans un abri abandonné des artilleurs.
8H en route pour Coudun. L'échelon est sur Villiers s/s Coudun.
J'y arrive et à 3H je repars sous la conduite d'un camarade jusqu'à la batterie. Il m'a fallu faire 7 km dans cette dernière étape avec mon fourbi sur le dos. J'étais bien satisfait arrivé au but. Les Boches sont partis de là il y a peu de jours. Partout on retrouve leurs traces (bois ? ? ? ? ?).
Les cagnas sont toutes faites et je dors assez bien malgré le bruit de nos pièces.
5H réveil. On a attaqué cette nuit et en dernière heure nos patrouilles ne rencontrent plus l'ennemi devant elle. Moment de repos. On apprend que les boches ont reculé au-delà de toute espérance. Bravo. Noyon est pris. Je vais relever la ligne de l'observatoire. Nous allons nous porter en avant.
Il est 10H, on attelle, on part. On traverse Elincourt. Toute la contrée environnante est dévastée et ce sera ainsi tout le reste du chemin. Que de terre remuée, partout des branches et des trous d'obus. Par-ci par-là, l'air est infesté, des cadavres de français et d'allemands sont là.
Quelques pelletées de terre en recouvrent d'autres. Un pied passe. Ici, c'est la guerre dans toute son horreur. Thiescourt avec son église détruite.
Le pont de la Divette est sauté, le génie en construit un autre, nous attendons. Après le pont - Evricourt. Nous prenons position plus haut que ce dernier pays. Des femmes américaines conduisent des auto de la Croix-Rouge. Tous les poilus sont émerveillés de leur courage. Le front de ce côté n'est guère calme.
Depuis 4 heures le canon tonne.
Il est 5h30 et nous sommes prêts à partir. Hier nous avons avancé notre batterie de 7 km. Nous sommes à 7 km de Noyon.
A 7h30 nous nous déplaçons et prenons position à 100m / de Suzoy entre Lassigny et Noyon. Je passe l'après-midi dans un abri de tranchée avec mes camarades observateurs. Un obus à éclaté à 200m environ, un éclat est venu frapper un malgache à la tête. L'allemand doit reculer nous allons encore avancer. Nous changeons simplement de position pour plus de sécurité. Je traverse Suzoy qui est en ruines. Plus d'église et le cimetière est retourné. J'installe ma tente et me couche.
L'ennemi a bombardé derrière notre batterie à plusieurs reprises dans le courant de la nuit. On se bat à la sortie de Noyon. La résistance est forte.
A 6h30 je monte à un observatoire qui fait face à Noyon. La ville à été entièrement prise hier. Sur le bois St Siméon qui est en face, le bombardement est terrible.
Le Boche riposte, enfin nos fantassins avancent. Tarlefesse est pris et repris quelques heures après par le Boche. La lutte est violente. J'entends les décharges de fusils. Les blessés vont aux postes de secours, à la sortie de Noyon. Vers le milieu de l'après-midi, nous attaquons à nouveau mais Tarlefesse reste entre leurs mains. En fin de journée le massif St Siméon est conquis.
Le 412e d'Inf. le 6e et le 11e tirailleurs algériens ont beaucoup soufferts. J'assiste à l'enterrement d'un tirailleur. Cette vue me fait mal et le reste de la soirée j'ai toujours cette vision.
La matinée, nouvelle attaque. Le boche ne cède pas. A peu de distance de la batterie les obus pleuvent. Des éclats tombent à proximité de ma tente. Alternative de pluie et de soleil.
Matinée extraordinairement calme. Pas un coup de canon.
De la grosse artillerie de 220 est venu prendre position dans Suzoy. A 14h nous quittons la position. Je traverse Dives-le-Franc qui est entièrement détruit. Nous nous arrêtons à la sortie de ce pays au moulin Guillaumin. On met en batterie dans la plaine.
La nuit à été calme. Je vais à l'observatoire. Nous réglons sur Tarlefesse. Devant moi à 3 km à vol d'oiseau : Noyon. Pauvre Noyon. Il ne reste plus que des ruines. La cathédrale blessée, tend vers le ciel comme des bras, des deux tours mutilées. Le front reste stationnaire.
Réveil à 5h30. Nous attaquons. Le canon tonne sans arrêt et pendant plusieurs heures. L'après-midi est calme. Il fait beau. J'attends des nouvelles.
Jusqu'à 10 heures quelques coups de canon sont échangés et puis après, plus rien. On apprend que le Boche s'est retiré assez loin. On fait les préparatifs de départ.
A 20h nous quittons Dives-le-Franc. Je traverse Noyon. Il fait noir mais je vois quand même les maisons en ruines. Nous passons devant le quartier de cavalerie ou la lutte à été extrêmement violente et nous continuons. Il est minuit ½ quand nous arrivons sur Tarlefesse.
Nous nous couchons tel que sur l'herbe. Je n'ai que ma capote sur moi. Je m'endors. La pluie vient à tomber. Je me fais tout petit.
A 5h30 je me réveille et la batterie se déplace pour prendre position à gauche de Tarlefesse. A peine installé, nouveau déplacement. Nous nous dirigeons vers le massif de St Siméon et prenons position dans les bois. Nous sommes en avant et à droite de Tarlefesse. Des chevaux crevés infestent l'air.
Dans la nuit, les gaz nous ont légèrement incommodés. Toute la colonne éternuait. Quelques coups de canons de la part des Boches. Il fait très calme.
On vient me réveiller à 3h30. Nous partons à nouveau pour Thiescourt. On dit que le groupe va au repos, cela n'est pas certain.
A 6heures, nous retraversons Tarlefesse et passe devant ce qui fût son église. Nos canons ont visé juste. Me voici dans Noyon. En passant devant le quartier de cavalerie on sent encore les gaz et voit un cadavre de tirailleur. Je vois très bien la malheureuse cathédrale et les ruines amoncelées.
Rien n'a été épargné. Une grande partie de la ville est encore minée. Après trois heures de marche j'arrive dans les ruines de Thiescourt ou une partie du groupe est déjà arrivée.
La route que je viens de quitter à été minée tous les 15 m environ et d'énormes entonnoirs ont été comblés en hâte par le génie pour permettre l'avance de nos troupes. Un peu avant Suzoy je rencontre la grosse artillerie - calibres 220 et 280 - qui se porte à l'avant.
Je quitte Thiescourt à 5 heures du matin. La route est bonne mais longue. Toujours des villages en ruines. Je passe à Ressons s/s Matz. Entre ce pays et Gournay s/s Aronde, le pays est entièrement bouleversé. C'est de là, dans cette contrée qu'est partie l'attaque du 10 août.
Deux tanks sont encore dans les champs. Des dépôts de munitions ont sauté. Les tombes isolées sont nombreuses. Un piquet fiché en terre, recouvert d'un casque ou d'un calot désigne la place ou repose un combattant. J'arrive à midi à Moyenneville. C'est là que pendant ma permission ma batterie est venue prendre position et que le capitaine à été blessé.
Je suis de garde au parc jusqu'à demain midi.
Je suis relevé de garde à midi. Je vais voir la position où ma batterie s'était installée pendant ma permission. Je vois la place où mon capitaine et mes camarades ont été blessés. La veste affreusement mutilée du pauvre Guibert est là sur l'herbe. Que de blessures il a eu !
Les traces de sang et des lambeaux de chair sont encore à la place où les ordonnances des officiers d'état-major ont été tués. Je vais visiter les tombes de ces malheureux. Plus de cent soldats dorment déjà dans ce cimetière. C'est bien triste. Journée pluvieuse.
Repos complet.
10 - 11 - 12 septembre
Corvées de temps à autre. Le soir réunion pour le concert. Jusqu'à 11 heures c'est un fou rire général.
Corvées - Le soir séance de transmission de pensée.
Le matin remise de décorations aux canonniers du groupe sur la place du village. Le groupe lui-même est cité pour sa participation aux attaques de Champagne.
Voilà 16 jours que je suis à Moyenneville où j'ai éprouvé bien souvent l'ennui le plus grand. Le régime caserne est appliqué. Appels et corvées remplissent notre journée.
Dans l'après-midi le lieutenant nous informe qu'un prochain départ est à prévoir. Le soir nous faisons nos paquetages et chargeons les chariots.
A 5 heures réveil et à 7h nous nous mettons en route. Je traverse Antheuil - Vandelicourt et j'arrive à Marest s/s Matz où nous restons le reste de la journée. Ce soir je suis de garde.
Il fait froid cette nuit. A 2h30 je réveille toute la batterie. On attelle et à 5h les convois se mettent en marche. Je traverse Marest s/s Matz - Elincourt - les bois de l'Ecouvillon. C'est la route que le 28 dernier nous avons prise pour nous rendre à Suzoy.
Ces lieux sont particulièrement dévastés. Les bois de l'Ecouvillon sont remplis de tombes. On se croirait dans une province allemande. Partout on rencontre des écriteaux boches. Voici Thiescourt Cuy - Dives dont en vain on peut chercher les maisons. Je suis à 1500 m de Lassigny que nous laissons à gauche pour traverser Lagny - Catigny - Campagne - Fretoy - Freniches - et j'arrive à Flavy le Meldeux où nous passons la nuit. La journée à été grise et froide. J'ai voyagé sur le canon et ne suis pas très fatigué.
A 2h de l'après-midi nous partons de Flavy. Je passe à Rouvrel - Tirlaucourt - Guiscard qui est détruit - Buchoire - et je quitte l'Oise pour entrer dans l'Aisne - Guivry - Ugny le Gay - Guyencourt.
Nous nous arrêtons. L'Echelon restera dans ce pays. Je me couche à la belle étoile. Les avions nous survolent.
A 1h ½ du matin on fait les préparatifs pour gagner les positions. Je traverse Villequier-Aumont et rentrons dans le bois de Frières au sud de St Quentin. La Fère et Tergnier sont à droite. Il y a de la boue. J'enfonce jusqu'aux chevilles. Nous y passons la journée et la nuit.
J'entends une violente canonnade. On replie bagages pour redescendre à l'échelon le groupe doit aller faire un coup de main. A 16h nous quittons l'échelon qui est toujours à Guyencourt. Je passe Faillouël - Jussy entièrement rasé. On traverse le canal où des équipes travaillent activement à la construction des ponts. Il faut aller prudemment. Des saucisses boches peuvent nous voir. Voici Montescourt-Lizerolles. Le Boche bombarde(nt) un carrefour et des chevaux de la colonne légère sont blessés. Il fait nuit quand nous arrivons à la position qui se trouve près de la sucrerie de ce dernier pays.
Vers 9 heures attaque. Cerizy serait pris.
On travaille à la construction des cagnas. Alternative de pluie et de soleil.
On passe la journée tranquillement j'observe les avions ennemis.
Le soir quelques tirs. On apprend qu'à 3h du matin, il faudra quitter la position. Vers 21h les avions boches viennent jeter des bombes qui heureusement tombent assez loin de la batterie.
3h apprêts de départ. Dans la nuit noire nous partons. La marche est lente. Les arrêts fréquents. Autour de nous c'est la plaine. Les arbres fruitiers ont été systématiquement coupés et les villages anéantis - Gibercourt - Hinacourt. Il fait jour et les avions nous survolent.
On rentre dans un chemin creux.
Les pièces ne peuvent prendre position sans que des travaux soient faits, on les arrête dans les champs et là sous le regard des boches nous travaillons. Personne n'est content, la position est vraiment mauvaise. Un 77 allemand resté intact avec ses munitions à été retourné contre l'ennemi. Nous sommes à 200 m de Benay.
Nous construisons nos abris. Je couche sous la tente. Il ne fait pas chaud.
Rien de nouveau. Les boches font des tirs de harcèlement et des obus tombent un peu partout. Je pars à l'observatoire qui se trouve en avant de Cerizy. Le canon tonne très fort. Je vois des Boches circuler. Je distingue nettement les monuments de St Quentin.
La basilique paraît avoir souffert particulièrement. A la tombée du jour je redescends à la batterie. A un carrefour un obus tombe à quelques mètres de moi. Je viens de l'échapper belle. La terre est tombée sur moi. Ce n'est rien qu'un peu d'émotion.
Je coopère à l'amélioration de l'abri.
A 15h on me fait savoir que je dois aller à l'échelon pour changer de linge. Dans cette plaine l'eau manque complètement et on ne peut rien faire devant l'ennemi qui peut voir. Après quelques Km de marche j'arrive à l'échelon. Il fait nuit. Les avions boches nous survolent et jettent un très grand nombre de bombes à proximité et ceci pendant 1h au moins. Personne n'en mène marge. J'entends que des ordres sont donnés pour atteler les pièces. La batterie changerait-elle encore une fois de place ?
En effet à mon réveil mes camarades et les canons sont là. Nous changeons de direction. A midi tout le groupe se met en marche. Je passe dans Flavy le Martel - pays assez important - détruit - St Simon - Tugny et Pont - Bray St Christophe - Fluquieres - Etreilliers - et nous nous arrêtons à Attilly dans le bois d'Holnon. Il fait noir nous couchons dans un abri peu commode.
A 2h de l'après-midi nouveau départ. Le boche se sauve. Depuis le matin sans arrêt passe des convois français - Holnon - Fayet - et nous prenons position entre Gricourt et Thorigny. Le chemin a été pénible. Il pleut la terre est glissante et ce n'est qu'après beaucoup de manœuvre qu'on arrive à l'emplacement des pièces. C'est encore une nuit à la belle étoile, malgré cela elle se passe convenablement. Couché sur la route près d'un chariot, ce n'est pas commun.
Le froid me mord les pieds. Une violente attaque me fait lever. Je vais à l'observatoire plusieurs fois dans la journée. On se couche dans un creux.
Il a gelé la nuit et j'en ai ressenti les effets.
Je vais à l'observatoire. Les nouvelles sont bonnes, le boche se sauve. Ils laissent des cadavres et du matériel le long des routes. J'apprends que nous allons nous déplacer.
Départ l'après-midi. Voici Lesdin et Fontaine-Utertre. Il fait noir. Les Boches font preuve d'activité. L'échelon est à Le Tronquoy. Le long du chemin à partir de cet endroit on rencontre des cadavres.
5 h du matin 40 coups de canon sont tirés. Ce sont les seuls d'ailleurs de la journée.
Nous sommes déjà à bout de portée. Je vais voir le champ de bataille quitté la veille par l'ennemi. C'est affreux. Des morts sont partout tant français que boches. Les tranchées sont remplies d'armes et d'équipements divers. La fuite à été précipitée. Partout le canon a battu le sol qui est à peine dérangé.
Le sang a coulé à flot par place. Si les auteurs de la guerre voyaient cela … mais ceux-ci sont à l'abri. A 18h on attelle et on arrive au Tronquoy. On mange la soupe et on repart pour nous diriger sur Guyencourt - environ 35 km à faire.
Nous repassons par les localités que nous avons traversées le 6 et le 7.
Après 12h de voyage nous arrivons à Guyencourt. Il est bientôt 6h du matin.
J'ai sommeillé sur le canon. Depuis que nous voyageons ainsi je commence à être fatigué. Nous y passons la journée et la nuit.
A 14h nouveau départ. Nous allons prendre position devant Vendeuil. Il pleut. Le voyage s'effectue sans incident. La nuit est venue. Vite on dresse la tente et je couche sur la terre mouillée. Le ravitaillement arrive à 1h1/2 du matin.
Je vais à l'observatoire au fort de Vendeuil qui a sauté par les mines. Le bouleversement est complet. Peu d'artillerie ennemie devant nous. La position paraît tranquille.
Journées calmes. DE temps à autre je monte à l'observatoire. Les 6ème et 11ème tirailleur algérien font de fréquentes attaques pour traverser l'Oise et la mitrailleuse fonctionne sans arrêt. Le calme n'est pas pour ces malheureux fantassins.
Le bruit d'un départ prochain circule.
L'ennemi aurait reculé. Le départ est confirmé l'après-midi. Je suis envoyé en liaison à l'état-major qui est à Liez. L'état-major étant pour partir, je le suis jusqu'à Vendeuil. Les ponts pour l'artillerie lourde ne sont pas encor établis. Impossible de passer en cet endroit.
Je rejoins la batterie qui est encore au bois de Roquenet.
A 7h30 l'ordre de départ arrive. Je passe devant le fort de Vendeuil - traverse Vendeuil et me dirige sur La Fère. La nuit est superbe, il fait un beau clair de lune. En arrivant près de cette dernière ville un brouillard très dense nous donne des frissons. Voici La Fère.
Il faut traverser l'Oise et les ponts ne sont pas pratiques. Enfin tant bien que mal les canons passent. Jusqu'à la sortie de la ville il faudra passer sur sept ponts. La Fère a souffert beaucoup dans certains quartiers. En général le désastre est moins grand qu'à Noyon.
Cette ville est malsaine.
Les terrains qui l'entourent sont marécageux. La marche de la colonne est lente et l'heure avance. Nous continuons la route - Achery - Mayot - Choigny - et nous allons prendre position dans la direction de Renansart, entre Anguilcourt et ce pays.
Il est cinq heures du matin quand la batterie arrive. Cette marche m'a bien fatigué. Je prends la pioche et je creuse le trou qui préservera de la pluie moi et mes camarades. L'après-midi je dors quatre heures, j'en avais besoin.
Je viens de passer une bonne nuit. Il pleut. Il faut rester sous la tente. Il fait mauvais marcher dans les champs.
Vais à l'observatoire l'après-midi.
Les Français attaquent direction ferme de la Ferrière. Nos troupes avancent de 300m mais ce gain n'est pas maintenu. 2 obus tombent à proximité du poste. Nous avons la visite d'un général et d'un colonel.
Il pleut sans arrêt. Rien d'autre.
Le beau temps est revenu. Une audacieuse escadrille boche de 12 appareils survole nos positions. Violemment bombardée elle se retire tout en mitraillant. Bombardement de la région par l'ennemi.
Le matin je relève la ligne de l'observatoire lequel est changé. Il n'est plus prudent d'aller de ce côté.
A 2 h il doit y avoir attaque de notre part (heure H). Je monte au nouvel observatoire porter le repas du lieutenant. Près d'une heure avant l'heure prévue nous déclenchons un bombardement d'une violence inouïe sur les lignes ennemies. Celui-ci me rappelle ceux faits en Champagne alors que nous étions sur la défensive.
A l'heure dite je vois les tirailleurs monter à l'assaut. Dès le matin l'artillerie avait fait 2 brèches dans les barbelés mais les Allemands en défendent l'accès par des mitrailleuses qui tirent sans répit. Une batterie tire sur la ferme de La Ferrière. Il y a de ce côté 3 réseaux de barbelés de 20 m de large chacun. Malgré nos efforts aucune avance n'est faite. Un tirailleur blessé à la main vient tomber à côté de nous.
On lui donne à boire et accompagné d'un camarade je le conduis au poste de secours de Renansart.
Une nouvelle attaque aussi violente que celle d'hier me réveille.
Il est 5 h. A 10 h l'ordre est donné de tout replier. A peine ½ h est-elle passée que la batterie est déjà en route. La nouvelle position est au nord-est de Renansart près du pays.
A 16 h il fait nuit et c'est sous la pluie que nous montons la tente. Je fais un peu de liaison avec la 20ème Bie et revient me coucher. La nuit se passe assez bien.
8 h du matin. Nous quittons la position pour nous porter en avant à Fay-le-Noyer à 3 km de Renansart. Dans la nuit des avions lancent des bombes.
Le Boche a continué son recul.
Nouveau départ.
En me dirigeant sur la ferme de Ferrière je cours les champs. Je savais que la lutte avait été chaude mais je ne m'attendais pas à tant d'horreur. Un peu avant la ferme 3 lignes de tranchées servaient d'appui à l'ennemi.
Celles-ci sont remplies d'équipement - de fusils - fusils mitrailleurs - mitrailleuses - minnenwerfen - casques etc… et aussi de nombreux trop nombreux cadavres aux visages douloureux. J'ai le cœur serré en regardant ce terrible résultat de la guerre. Les Français sont aussi nombreux que les boches.
Des tirailleurs sont étendus sur le terrain, tout équipés. Dans les tranchées certains morts sont debout appuyés au parapet. D'autres couverts de sang, le corps ou le crâne ouverts gisent près des abris ou sur le bord de la route. Ces malheureux sont jeunes pour la plupart.
Ils vont rester ainsi plusieurs jours ainsi sans sépultures. Et je songe que chacun a dans son pays respectif une famille qui pense à lui et qui attend son retour.
Je continue mon chemin. Voici la ferme démolie. Dans un chemin creux cinq tirailleurs mis en morceaux par un obus sont étendus.
Villiers-le-Sec Pleine-Selve - Parpeville - Ce dernier pays est intact. Ma batterie s'arrête devant cette localité à quelques centaines de mètres. La nuit commence à tomber les obus aussi malheureusement. Nous nous mettons à terrasser et après avoir creusé un trou de 1m75 de long sur 1m60 de large et 50cm de fond nous y couchons à 4. C'est un peu étroit mais j'y dors bien quand même. La pluie est venue nous surprendre pendant les travaux et je me sens un peu humide.
Rien de nouveau si ce n'est que je suis promu téléphoniste et que j'entre en fonction. J'améliore la cagna. Ses dimensions sont convenables maintenant.
A 4 h du matin on vient nous réveiller. Départ à 5 h pour l'avant. Prenons position dans le bois de Torcy à côté de la ferme de même nom en avant de Torcy-Vilancet. Je creuse un trou pour y coucher. Je vais réparer une ligne à Parpeville. Je suis exténué par ces travaux et déplacements. Les boches à la nuit viennent jeter des bombes. L'Autriche aurait capitulé.
5 h du matin. Nouvelle attaque ou de nombreux tanks ont participé.
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