Carnet de guerre de Thomas GASTON

Sergent au 352e régiment d'infanterie, 18e compagnie

durant 14/18

 

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« Grâce aux conseils d'un ami...... je peux vous faire parvenir un carnet concernant la vie de mon grand père pendant le début de cette guerre, et qui concerne le 352ème régiment d'infanterie qui ne figure pas dans toute votre recherche.

Et je vous adresse toute mon admiration pour votre travail dans cette mise en place du souvenir.

Cordialement     Bernard G.  (déc. 2005)

 

Les photos et la carte ne proviennent pas du carnet, elles aident à la compréhension du texte.

 

 

Le 352e régiment d’infanterie était en 1914, constitué de 2 bataillons. Il tenait garnison à Humes (maintenant Humes-Jorquenay), au nord de Langres (52).

Le 352e R.I. était à la disposition du 7e Corps d’Armée, il fut rattaché à la 121e division d’infanterie de juin 1915 à avril 1917, date de sa dissolution, suite aux énormes pertes de l’offensive du Chemin des Dames

 

 

Exercice de mobilisation fait à Gérardmer, dans la nuit du jeudi au vendredi 30 et 31 juillet; 1er et 2ème bataillon prêt à partir.

Arrivée des réservistes: habillement.

 

Samedi 1erAoût

Départ de Gérardmer pour former le dépôt à Humes. Arrivée à Humes à 10 heures du soir.

Dimanche 2 Août:

Déclaration de la mobilisation générale, promenade dans Humes, baignade, parties de pêche et courses à vélo.

Lundi 3 Août

Occupation pour faire la cuisine, on trouve une personne très gentille et elle nous prête tout ce qu'il nous faut, et moi je suis le chef cuisinier.

Mardi 4 Août

Arrivée des réservistes: tous saouls comme des boudins et très fatigués, distribution de l'ordinaire et placement dans les cantonnements. Arrive le dîner, j'ai 2 sous-off en plus, mais ça ne fait rien.

Mercredi 5 Août

Habillement des réservistes, distribution de l'ordinaire. Au caporal, achat de patates et de carottes. Le soir au dîner j'ai encore 2 sous-off de plus, je ne sais plus où les mettre, moi et la dame, on se demande d'où ça sort tout ce monde. Je fais la cuisine pour 8 et on est 14,ça ne me va guère.

Jeudi 6 Août

Habillement complet des réservistes pour la revue de demain, travaux de couture et de propreté.

Vendredi 7 Août

Revue des réservistes en tenue de campagne par le commandant et le colonel puis un peu d'exercice.

Samedi 8 Août

Départ de Humes vers midi par une chaleur terrible, nous embarquons à Langres pour Besançon. En route des cris de ...A Berlin...  . Passage des gares, joyeux enthousiasme qui vient de l'ignorance, la nuit vient et à minuit nous sommes à Besançon.

Là: contrordre est donné, direction immédiate pour Belfort.

Dimanche 9 Août

Arrivée matinale à Belfort, débarquement, en sortant de la gare nous voyons un dirigeable français, nous, on prend la direction de Félon, le soir on tire sur un aéro boche mais rien à faire pour l'avoir, puis l'on entend le canon pour la première fois gronder mais au loin.

Lundi 10 Août

Départ de Félon à 4 heures du matin. Arrivée à Lachapelle à 11 heures du matin. Sentinelles aux issues, nous assistons à un duel d’artillerie.

Le soir, à la nuit, retraite. Nous arrivons à Félon ou nous nous couchons très arasés de fatigue.                         

Mardi 11 Août

Départ de Félon pour St Germain en débandade par une chaleur terrible; enfin on arrive le soir à St  Germain et l'on fait la soupe.....Alerte, il faut partir de suite pour Rougemont.

Mercredi 12 Août

Cantonnement d'alerte, garde aux issues, puis l'on va dans un pré, sous les arbres, où nous liquidons de la bière. Départ à 1 heure sur la direction de la frontière, marche rapide sur le village Lauw nous prenons d'assaut le village à la baïonnette.

Nous ne trouvons qu'une patrouille du 14éme Dragon de Colmar composée de 3 hommes, on tire et l'on fait 2 prisonniers dont 1 blessé et l'autre rien, 5 chevaux tués, on prends les équipements que l'on envoient au commandant; puis, comme récompense l'on s’envoie un bon beafsteack de cheval, le soir rien d'important.

Jeudi 13 Août

Nous faisons une tranchée que nous occupons à l'entrée du village. Une patrouille allemande nous tire dessus, nous répondons, vive fusillade, enfin elle se replie mais ça siffle très dur, c'est le baptême du feu, on va à sa poursuite avec le capitaine en tête.

Les obus commencent à nous tomber dessus, c'est encore la première fois que l'on entends cela, il faut voir comment on s'en fout, on dirait jamais, jamais que nous sommes à la guerre : Boum...trop long, Boum...trop court, Boum, juste dans le cimetière que nous occupons mais personne n'est blessé.

La nuit vient et tout est calme.

Vendredi 14 Août

Départ pour Sentheim route libre. Stationnement prolongé dans le village, il y arrive des chasseurs alpins, nous quittons Sentheim dans l’après midi pour revenir à Lauw par un détour très long dans les bois.

Samedi 15 Août

Lauw, nous cantonnons chez une bonne vieille, on fait une bonne friture que nous avons attrapée dans la rivière et on prend un bon bain puis l'on voit passer beaucoup d'otages que nous avons pris.

Dimanche 16 Août

Départ pour Sentheim le matin on a fait un mouvement en avant ou l'on s'est transportés à la lisière d'un bois; nous restons toute la matinée: arrestation du chef de gare, retour à Sentheim.

Lundi 17 Août

Revue du cantonnement par le commandant Fleury, journée de pluie, partie de pêche, nous attrapons une belle friture; on se croirait à Paris aux bords de la Marne.

Mardi 18 Août

Départ pour Reiningue, nous voyons péniblement les ruines de l'église et le clocher est complètement détruit par les flammes, les Allemands avant de reculer ont mis le feu partout, l'on voit des maisons en feu et les habitants sont là qui pleure devant leur maison toute en flammes puis, plus loin, une gosse de 10 à 12 ans nous dit que les Allemands ont tués son grand père et qu'ils ont emmené toute la volaille et empoisonné leur cheval parce qu'ils ne pouvaient pas s'en servir pour eux.

 

Dans tout le village on se figurerait la fin du monde, pourtant ce n'est pas tout, en nous promenant dans la ville nous voyons un pauvre homme qui nous dit que les Allemands ont tués sa femme et son gosse âgé de 13 mois parce que soit disant que sa femme leur avait répondue malhonnêtement alors il nous à emmené à l'endroit où sa femme avait été fusillée ainsi que son enfant.

Là spectacle terrible nous voyons des femmes, des enfants pleurer le long d'un mur tout troué de balles, nous leur demandons pourquoi ils pleurent: ils nous disent encore la même chose que le pauvre homme: pour certains ce sont les maris, pour d'autres des cousins; morts pour n'avoir pas voulu faire ce que les Allemands leur demandait.

Nous quittons ces pauvres gens le coeur bien triste, les paysans leur en veulent à mort.

Mercredi 19 Août

Nous restons à Reiningue, nous prenons les avants postes à un carrefour près d'une maison incendiée, nous voyons défilée l'artillerie. Dans la soirée une panique se déclenche  car il parait qu'une patrouille de Uhlans rode autour du village, retour au grand trot des voitures de ravitaillement.

Il faut voir l'affolement des gens du village, le matin on avait fait des tranchées et on avait embauché les civils: le général Vautier passe près de nous et parle au capitaine, le général Vautier est le nouveau commandant le 7ème corps d'armée.

Jeudi 20 Août

Départ pour Niedermorschwiller nous arrivons dans une usine où il y à 1200 prisonniers dont 3 civils qui devraient êtres fusillés: l'un pour avoir fait mourir une femme en la dénonçant d'avoir logé des français chez elle, le 2ème pour espionnage, et le dernier, quelqu'un qui coupait les doigts aux morts et achevait les blessés pour leur prendre leurs bagues et autres bijoux.

Enfin les blessés montent en auto et départ l’âpres midi pour Lachapelle avec le convoi des prisonniers qui est entouré du 1er peloton de la 18ème compagnie commandée  par le lieutenant Déraz et un peloton de chasseurs à cheval commandé par un capitaine qui conduisait le convoi des prisonniers.

Mauvaise organisation de la conduite: fatigue, chaleur terrible, deux heures de marche sans repos avec tout le barda sur le dos par la faute du pitaine des chasseurs.

En route on rencontre le Général Pau qui fait arrêter le convoi, il cause aux officiers "boches" et leur fait remettre leur sabre en leur disant qu'en 1870 on lui avait fait rendre le sien puis nous touchons nôtre pain, nous arrivons très tard le soir, très fatigués; nous autres Français rien à manger, rien pour coucher pendant que les prisonniers s'enfilent une bonne soupe bien chaude et couchent sur de la paille, nous nous faisons un repas avec notre argent et nous couchons où nous pouvons.

Les officiers Allemands sont partis pour Belfort par le tramway électrique.

Vendredi 21 Août

Réveil en vitesse, on boit le jus et l'on monte dans les autos qui sont là pour nous conduire au Pont d'Aspach; où nous devons attendre des ordres ''grand halte''.

Départ l’après midi pour Niedermorschwiller ou nous apprenons le départ de la compagnie pour Lutterbach, nous y arrivons très tard, là chacun se débrouille pour coucher, moi, je trouve un lit où je couche, je pense à la bonne nuit que je vais faire là dedans.

Samedi 22 Août

Je m'éveille après une bonne nuit de repos, cela fait juste 15 jours que je n'avais pas mis les pieds dans un lit....enfin on a rassemblement où l'on forme les faisceaux, sur un terrain au bout du village en attendant des ordres qui ne viennent pas, nous restons à Lutterbach.

Nous visitons le pays, l’église, tout est très gentil, nous trouvons tout ce que nous voulons à acheter puis on apprend que Mulhouse est à 7 kilomètres, on discute avec les habitants qui parlent tous le Français et qui sont très gentils.

Dimanche 23 Août

Bonne journée de repos que nous passons agréablement, nous allons à la messe et tout le monde chante.

Lundi 24 Août

On nous fait faire l’exercice le matin, cela nous porte à croire que nous allons rester là longtemps, l'après - midi nous repartons à l’exercice, là, un contrordre arrive: nous rentrons au cantonnement et nous prenons notre dernier repas. Départ nocturne, attitude des habitants dont les craintes sont maintenant justifiées, stationnement silencieux et étrange à la gare et sur la voie du chemin de fer; nous repartons et nous apprenons que nous allons sur Belfort afin d'y recevoir nôtre drapeau et de repartir dans un autre pays....

Nous marchons toute  la nuit, le matin à Lachapelle le colonel prend la responsabilité de nous faire reposer un peu car les hommes tombent de fatigue et surtout de sommeil tout le long de la route.

Mardi 25 Août

Le matin, après trois heures de repos à Lachapelle nous repartons pour Héguénigue; revue, présentation du drapeau, c'est le sergent Lagadette qui en a eu la garde ce jour là, discours du colonel, émouvant défilé devant l'emblème face à l'est nous regardons le drapeau en passant, l'après-midi, préparation pour le départ du lendemain.

On nous distribue des molletières en drap de Mulhouse, nous prenons la garde aux issues toute la nuit par un temps de pluie.

Mardi 25 et Mercredi 26 Août

Cantonnement à Héguénigue.

Jeudi 27 Août

Départ à  9 heures pour Belfort où nous arrivons sous une pluie fine, la ville  est silencieuse et vide. Nous arrivons à la gare où nous allons embarquer pour une destination qui ne nous est pas encore communiquée, le capitaine fait distribuer du fromage et du café et vient enfin l'heure de monter dans le train.

Nous voila plus où moins bien installés...le train démarre, il est 20 heures 30, nous roulons pour destination inconnue, nous regardons les villages que nous passons, jolies vues, très agréables.

Adieu des paysans, en route une pauvre vieille se met à genoux pour nous dire adieu.  Le train roule, nous voyons défilées les gares...Besançon...Dijon...Dôle...Villeneuve St Georges...Noisy sur Marne...Creil... etc...etc., dans les gares; les dames de la croix rouge nous donnent des douceurs, cigarettes, café, pain, chocolat...et nous encouragent.

Vendredi 28 Août

La nuit s'est passée en chemin de fer, nous passons près de 3 heures, au petit jour à contourner Paris, l'après midi, nous arrivons vers 4 heures à Villers Bretonneux près d'Amiens, nous débarquons et nous allons cantonnés à Corbie, gros bourg, 5000 habitants, nous apprenons que les Allemands sont près de Péronne, nous entendons le canon.

Samedi 29 Août

Nous restons à  Corbie, dans la Somme, en armes, toute la journée sur le qui vive, vient l'heure du déjeuner, je vais me faire cuire une boite de singe chez une habitante; l'après midi l'on joue, on va faire une partie de pêche, toujours en entendant le canon gronder mais sans se faire de bile.

Départ précipité vers 4 heures pour Pierrepont où nous arrivons à minuit très fatigués et tombant de sommeil.

Dimanche 30 Août

Nous partons de Pierrepont et marchons dans la direction de Séviller, après quelques heures de repos nous nous dirigeons vers le sud et marchons toute la journée le soir, nous apprenons que le colonel a été blessé et que le 6ème bataillon est entré en action avec l'ennemi, nous apprenons la mort du commandant, de 2 officiers et des 2 tiers de l'effectif du 6ème bataillon qui marchait seul, sans soutient contre l'artillerie, que les hommes se trouvaient pris de flanc par les mitrailleuses qui les hachaient.

Nous attendons ce qui reste du 6ème ....nous voyons des compagnies de 240 hommes revenir à 50 ou 60,la plus importante ...75 hommes.

 

Nous apprenons que le général Persein, commandant l'armée du nord aurait gardé sur lui pendant 48 heures l'ordre de se rendre en Belgique, une trouée serait restée ouverte par où seraient passées les troupes allemandes se dirigeant sur Paris.

Il paraît que Persein aurait été fusillé, le général Pau aurait quitté l'armée d'Alsace pour commander celle du Nord, il aurait donné sa parole de réparer en 4 jours la faute de son collègue.

Le soir on couche à Séviller avec des rescapés du 6ème bataillon qui nous racontent comment ils ont été pris de tous les côtés à Bayonvillers et Proyart.

Le matin on repart en laissant les habitants aux «boches» Les bruits de trahison du général Persin continuent, que doivent penser les Belges?                                                                       

Lundi 31 Août

Nous sommes partis à 5 heures du matin, il est midi nous sommes fatigués et nous avons soif, on nous donne une pose  afin de pouvoir reprendre un peu de force.

Nous marchons jour et nuit nous ne connaissons plus de repos, les «boches» nous poursuivent......

Le long de la route on nous fait mettre l'arme sur l'épaule, on ne sais pas pourquoi, on apprends un peu plus tard qu'un Marocain vient d'être tué parce qu'il avait giflé son supérieur, on défile devant le cadavre..... Nous faisons une grande halte à Catillon pour manger, nous repartons à 14 heures et nous marchons jusqu'à minuit pour arriver à Hondainville après avoir parcouru 54 kilomètres sans repos. Nous sommes à 100 kilomètres de Paris.

Mardi 1erSeptembre

Nous restons à Hondainville, il paraît que les Allemands emploient les balles «doum doum» parce que les Français, eux; utilisent les obus Turpin....à 17 heures on nous fait équiper prêt à partir, nous entendons le canon, on nous dit que l'armée Allemande se heurte au 2ème corps d'armée du centre qui la repoussait contre les armées Anglaise, la trouée fait par les «boches» dans le nord serait fermée et ils se trouveraient ainsi bloqués.

Mercredi 2 septembre

Départ de Hondainville à 6 heures et demie, on marche jusqu'à Neuilly-en-Thelle, nous arrivons à midi et demie et nous en repartons à 16 heures 20 heures nous arrivons à Persan, nous passons l'Oise et nous cantonnons à Beaumont sur Oise où nous trouvons juste de quoi coucher.

Jeudi 3 septembre

Nous quittons Beaumont et on nous dit qu'il faut toujours reculer. Survient alors un ordre de faire des tranchées, nous sommes soutien d'artillerie, finalement l'artillerie s'en va et nous sommes libres mais dans le village on nous donne des poules des canards pour que ce ne soit pas les allemands qui en profitent.

Enfin, après bien des fatigues nous arrivons à Ecouen par une chaleur terrible nous rencontrons beaucoup de troupes allemandes notamment le 13ème corps, les territoriaux s'occupaient aux barricades.

Là nous voyons passer des officiers allemands qui ont été fait prisonniers,  nous partons ensuite à Bouqueval où nous pouvons enfin bien manger et où nous passons une bonne nuit.

Vendredi 4 septembre

On se réveille après une douce nuit passée dans des draps bien blancs que nous avons trouvé dans une maison abandonnée mais nous n'avons rien abîmé on fait un bon déjeuné de volaille et nous quittons Bouqueval pour aller à Chennevières en passant par Louvres.

Arrivées à Chennevières nous prenons la garde au poste de palier, à 10 heures on reçoit du renfort du dépôt pour compléter le 6ème bataillon décimé à Péronne.

On avait d'abord envoyé ces pauvres malheureux à Rouen et à St Dié pour le 152ème active, ils n'avaient pas encore vu le feu et ne sont pas restés longtemps sans le voir, un terrible combat d'artillerie devait s'engager quelques jours après.                      

Samedi 5 septembre

Nous partons cantonnés à Moussy-le-Neuf à 1 heure du matin nous passons par Dammartin et nous nous dirigeons sur Meaux nous faisons de nombreuses haltes.

dimanche 6 septembre

Départ de Moussy-le-Neuf à 1 heure du matin nous sommes en réserve, on attend des ordres puis nous quittons la route pour arriver en plein champs sous le feu de l'artillerie vers 19 heures nous arrivons à Douy-la-Ramée, là,  nous voyons un spectacle horrible, devant nous sont placés des batteries de 75 qui tirent soit disant sur un corps d'armée qui bat en retraite, plus au loin nous voyons des meules de pailles en feu, nous entendons les cris des blessées français qui avaient du défendre un village.

Nous sommes arrivés dans une grande ferme où nous avons recueillis les blessées, enfin on prend la garde aux issues et le reste va se coucher.

 Lundi 7 septembre

Réveil à 4 heures du matin, personne ne pensait à la terrible journée que nous allions passer : nous sortons de la ferme et on commence à entendre le canon et la mitrailleuse, s'engage alors un épouvantable duel d'artillerie, là nous sommes désignés comme soutient d'artillerie nos canon de 75 n'arrêtent pas mais les grosses pièces répondent, nous sommes dans un bois qui bien que formant un ravin ne nous met pas à l'abri des éclats d'obus.

Le tir se rapproche de plus en plus, 2 chevaux sont tués, un camarade reçoit un éclat d'obus qui traverse sa marmite et vient se loger dans son morceau de  viande à l'intérieur, nous avons nos premiers blessées, nos premiers morts, beaucoup déjà gisent sur le sol,  pauvres copains, malgré tout il faut endurer car c'est la guerre, on nous fait reculer, là encore plus que jamais les percussions nous tombent dessus, nous devons rester derrière un talus coûte que coûte, nous voyons tomber les marmites allemandes à 30 où 40 mètres de nous mais personne n'est touché sauf 2 artilleurs qui servaient une batterie de 75 et sur qui est tombé un obus, nous les enterrons près de la route, malgré tout ces morts nous sommes tous très calmes, nous les recouvrons de feuilles que nous avons coupées car par la chaleur qu'il fait, ils se décomposent  vite.

 

Le spectacle qui s'offre à nos yeux est terrible, le soir arrive, avec la nuit vient le silence nous n'entendons plus que quelques coups de canon de temps en temps... très loin là-bas à travers champs.

Nous prenons la direction de Fosse-Martin où nous devons bivouaquer, là encore il paraît que l'on se trouve devant une armée forte de quatre corps d'armée commandée par le général Won Kluck et le Kronprinz mais nous ne perdons pas courage au contraire, il paraît que cette armée manque de munitions, malgré tout, les coups de canon que nous entendons sont bien dans la direction que nous prenons : celle de Fosse Martin.

Nous arrivons à Nogeon, là encore nous ne savons par ce qui nous attend le lendemain dès le réveil, nous sommes encore avec les bruits des obus dans les oreilles, nous ne pensons qu'à nous coucher, en plus de tout ça, cela fait 2 jours que nous n'avons mangé que des boîtes de singes trouvées sur les cadavres et nous avons une soif terrible.

Nous arrivons enfin à Fosse-Martin, il fait beau, il ne fait pas froid, nous dormons sur l’herbe.

Mardi 8 septembre

Réveil aux bruits des canons, il est 9 heures 40, tout le monde est prêt, il y a une batterie de 75 qui tire à 20 mètres de nous : arrive un ordre :

      !! Attaquer la ferme de Nogeon et la distillerie qui se trouve à côté, nous ne sommes que 2 régiments, nous, et le 216ème d'infanterie. Nous quittons l'emplacement où nous avons passé la nuit, après avoir traversé un petit village en ruine nous arrivons en plein champ, commence alors la fameuse bataille de la Marne dont on parlera tant de tous les côtés.

 

Au loin sur notre droite arrive des renforts, des chasseurs alpin, et, sur la gauche arrive de l'infanterie , on ne sais pas d'où cela vient, nous qui pensions être seuls , nous avançons coûte que coûte malgré les balles qui sifflent et les obus qui tombent, il nous faut nous emparez de la ferme qui est occupée par les allemands, on place les mitrailleuses et les canons et tout ça commence à faire un pétard terrible, nous on avance toujours, vient l'ordre d'attaquer à la baïonnette on la met au canon puis les clairons sonnent de tous les côtés la charge : en avant.!!!

 

Là commence à tomber mes camarades, malgré tout il nos faut avancer, nous arrivons à la ferme mais pas possible d'y pénétrer les obus allemands tombent et les balles nous sifflent aux oreilles.

Derrière la ferme les obus tombent à 25 ou 30 mètres de nous, commence alors un spectacle horrible les uns sont touchés légèrement les autres ont le crâne défoncé, la cervelle qui sort, les bras ou les jambes coupées.

Nous entendons des cris : maman, à boire, j'ai soif, sauve moi ... Nous sommes là sans pouvoir rien faire. Soudain un obus tombe à 2 mètres de moi et de mes camarades mais personne n'est blessé : il n'a pas explosé, nous ne recevons que des morceaux de terre, vraiment on n'en revient pas, nous sommes abrutis par les balles et les obus mais on se contente d’en rigoler malgré le spectacle horrible qui se déroule  devant nous.

 

Nous recevons l'ordre de reculer car la ferme et en feu : c'est un obus allemand qui est tombé dessus et a incendié la paille, on se repli dans les champs avec un grand calme malgré les balles qui nous sifflent aux oreilles.

Quelques uns tombent, blessés, puis malgré l'ordre reçu par le général, le capitaine au lieu de ce replier nous fait avancer en plein découvert baïonnette  au canon. Nous sommes à 100 mètres des allemands que nous voyons de l'autre côté de la route, ils nous tirent dessus, nous nous mettons derrière des gerbes de blé, là, un officier allemand qui était caché lui aussi nous tire dessus mais personne n'est touché, enfin nous arrivons  derrière les gerbes comme des abrutis  car depuis le matin le canon n'a pas arrêté une minute.

 

Tout à coup nous sommes pris entre 2 feux, l'artillerie françaises nous tire dessus ignorant notre présence puisque l'on avait reçu l'ordre de ce replier, enfin le capitaine devient énervé et nous nous replions, là, nous avons plusieurs blessées.

Les obus tombent toujours mais personne de chez nous n'est atteint, seule la 20ème compagnie qui se trouve à quelques dizaines de mètres de nous en reçoit un en plein dans une section, malgré les cris des blessées personne ne s'affole, nous voilà derrière un talus , nous avons faim et nous avons soif, nous sommes bien content de trouver des betteraves pour calmer cette faim et cette soif, nous reculons encore un peu afin de pouvoir nous reposer car depuis ce  matin 9 heures nous avons toujours été en première ligne.

 

Il y a dix minutes que nous sommes là et nous devons retourner attaquer la ferme, cette ferme qui a été prise et reprise je ne sais pas combien de fois.

Il est 3 heures de l'après midi, le général Dollo qui se trouvait parmi les troupes marche le premier, c'est la première fois que nous voyons un général en  première ligne, nous avançons en masse et nous nous emparons de la ferme.

Il y a des blessés partout, certains sont là depuis le matin, nous rentrons dans la ferme entre les hurlements et les pleurs, nous trouvons du pain, des biscuits, du café, tout cela est rempli de sang, je m'empare de pain que je mets dans ma musette avec des biscuits et du singe car nous n'avons rien mangé depuis plusieurs jours. Nous sortons de la ferme, nous traversons la route, nous voyons un allemand avec ses habits déchirés et un bras en moins, nous allons dans une fosse où il y a plusieurs cadavres français appartenants au génie qui était occupé à faire des tranchées.

Nous restons dans cette fosse et les copains s'emparent de la distillerie ; il est 18 heures, le canon s'arrête et on entend plus que quelques balles sifflées à nos oreilles mais nous sommes sourds à cause du bruit des obus que nous entendons depuis le matin. Nous reculons un peu afin de nous mettre dans des petits trous qui ont été faits par le Génie, une escouade est désignée de services aux petits postes. Nous commençons à manger le pain que j'ai trouvé, nous sommes obligés de retirer la croûte pleine de sang,  je n'ai pourtant jamais fais un si bon repas avec mon copain Vuillaumé, on nous apporte également du mouton que l'on a récupéré dans la ferme, ce mouton était blessé ou tué mais quelle importance, on le fait rôtir sur les restes de flamme de l'incendie de la ferme car bien sûr il est défendu d'allumer du feu, on fait vraiment un bon dîner et on se couche sur la terre humide: nous n'en pouvons plus de fatigue, malgré tout cela notre capitaine veille sur toute la compagnie.

 

Voilà plusieurs heures que nous essayons de dormir malgré un état d'énervement mélangés à de la peur.

Nous nous réveillons avec une soif terrible, nous entendons toujours les cris des blessés qui sont encore dans la ferme et que les infirmiers ne sont pas encore venus chercher. C'est horrible à entendre mais nous ne pouvons rien faire, nous décidons d'aller à la ferme chercher de l'eau puisqu'il y a un puit. Nous constatons que cette eau a une odeur épouvantable, mais nous avons tellement soif que nous la buvons quand même : il doit sûrement y avoir des cadavres au fond du puits.

Nous sommes alors témoin d'une scène incroyable : un camarade se lève pour donner à boire à un sergent grièvement blessée, à l'instant où ce sergent approche le quart de sa bouche il reçoit une balle en pleine tête.

 Jamais nous n'avons réussi à savoir par qui cette balle avait été tirée.

 Mercredi 9 septembre

Après avoir passé une nuit très agitée nous prenons du café que les cuisiniers nous ont préparé durant la nuit, on nous sert encore du mouton tué au milieu des cadavres français mais nous sommes bien content de l’avoir, depuis 2 jours que nous ne mangeons que des betteraves ça nous change un peu.

 Le jour se lève, nous sommes couchés à plat ventre dans une petite tranchée, nous devons y rester toute la journée, recommence alors la fusillade mais nous n'y répondons pas.

Les obus tombent de tous les côtés, devant, derrières, nous sommes tellement fatigués que nous avons tendance à nous endormir. Il fait une chaleur terrible, l'artillerie ennemie ralentie son tir et...... le soir arrive, on entend plus qu'une batterie tirer, la nuit c'est installée, on parle tous ensemble de cette journée d'hier, de ce soldat du 216ème portant un drapeau décoré de la croix de fer, de ces allemands, prisonniers, que nous avons vu passer couvert de tant de blessures, et le train train quotidien reprend peu à peu, nous passons une nuit tranquille.

 

Lire les combats à la ferme de Nogeon au travers des historiques des régiments présents

jeudi 10 septembre

On se réveille de bon matin : aujourd'hui doit être le dernier jour de la bataille de la Marne, nous restons dans nos tranchées, nous   n'entendons plus, ni le canon, ni les fusils, nous envoyons des patrouilles.

Nous sortons de nos trous, nous allons voir en avant les cadavres, petit à petit tout le monde sort, nous constatons que les allemands ont battu en retraite pendant la nuit, nous retournons à la ferme, là, nous découvrons l'horreur dans sa totalité, cinq chevaux sont morts, tués par les mitrailleuses ,à moitié calcinés ,dans l'angle d'un mur le corps d'un allemand sans tête est en train de se consumer dans les restes de l'incendie, à quelques mètres de là nous apercevons sa tête qu'un chat est en train de ronger, nous entrons dans ce qui devait être  une chambre, sur des matelas, des soldats sont là, morts,  tout est brisé, certains d'entre nous prennes soi-disant des souvenirs : en fait ils  ne font que piller la ferme.

 

Dans le jardin toujours des cadavres, c'est horrible nous ne pouvons même pas intervenir, à côté de ces pauvres garçons il y a des moutons ils ont pratiquement tous une balle dans la tête et pourtant certains ne sont pas mort : quel spectacle vraiment!!!

Nous sortons de la ferme pour aller voir dans le champ voisin, là nous voyons tous ces malheureux du Génie qui ont tous été tués par les obus, en regardant leurs positions on peut presque deviner ce qu'ils étaient entrain de faire au moment de mourir, un caporal tient dans sa main une photographie, probablement celle de sa femme et de ses deux enfants c'est horrible, il est là, souriant devant cette photo, à côté de lui, un autre tient son fusil prêt à bondir hors du trou, en regardant tout au tour nous ne voyons que des morts , presque tous des allemands, nous les fouillons pour prendre tout ce que nous n'avons plus, des quarts, des bidons et surtout des vivres car ils ont tous dans leurs musettes de très bons paquets de potage, fatigués nous rentrons pour manger la soupe.

 

L’après - midi je vais faire un tour au village voisin pour tacher de trouver à boire, je parts avec une corvée, sur la route il n'y a que des cadavres je continu de prendre leurs potages et aussi des mouchoirs. Nous rencontrons un soldat avec les yeux grands ouverts, il donne l'impression de se reposer, mais nous nous rendons compte qu'il a une balle dans la tempe.

Nous rejoignions la route où les allemands nous attendaient la veille : toujours des cadavres, certains sont encore dans la position de charge, tous baïonnettes au canon, les yeux grands ouverts, nous constatons pour la première fois les ravages du fameux canon de 75.

Derrière une meule de paille nous découvrons entasser les uns sur les autres une trentaine d'allemands morts, un obus a dû tomber juste derrière pour les soulever de cette façon, c'est une vraie boucherie et pourtant ça ne nous fait plus rien du tout.

Lorsque je reviens à la compagnie j'ai avec moi un tonneau de vin, mes copains sont si heureux d'avoir du pinard que c'est une vraie joie. 

Arrive l'ordre d'aller cantonner à Bouillancy, nous enterrons tous les morts qui sont là dans la ferme et, de chaque côté ont fait un faisceau de fusils nous ramassons des fleurs un peu partout et nous faisons une jolie croix, un dernier adieu à tous ces pauvres garçons et nous partons. 

Nous arrivons le soir à Bouillancy où nous découvrons le village en ruine, des français, surpris dans la nuit ont été tués avant d'avoir eu le temps de s'habiller, ils ont été massacrés.

L'ordre de faire la soupe arrive nous tuons un cochon et nous allons nous coucher. Prend alors fin, la fameuse bataille de la Marne dont on ne gardera en mémoire que les atrocités de la guerre.

Vendredi 11 septembre

Départ de Bouillancy à 8 heures du matin, nous avons de la pluie. Après une longue marche par accoups nous arrivons à Villers-Cotterêts à 9 heures du soir et comme toujours nous sommes de garde. Nous faisons la soupe et nous nous couchons de bonne heure car demain nous devons partir tôt.

Tout le long de la route nous avons remarqué des feux non éteints des Allemands qui n'ont pas eu le temps de faire leur soupe puis nous avons pu voir également des volailles traînées dans la boue, sans doute les derniers vestiges des allemands qui battent en retraite.

samedi 12 septembre

levée à 4 heures du matin, départ de Villers-Cotterêts à 7 heures, en route on nous lis un ordre du général Maunoury commandant notre corps d'armée puis sur la route nous voyons des  débris d’ uniformes d'anglais qui ont dû se battre aussi de ce côté, nous arrivons à 14 heures à St Bandry, dans l'Aisne;  le canon tonne, c'est le nôtre qui poursuit l'arrière garde allemande qui bat en retraite et qui essaie de traversée l'Aisne, nous apprenons également que l'encerclement  de l'armée allemande n'est pas tenue à cause de la division de Nanteuil, St Quentin, St Bandry, nous devions y rester que quelques instants et finalement on y restera toute la soirée sous une pluie battante .

Ce qu'il y a de plus malheureux c'est qu'à 100 mètres de nous il y a un village mais nous n'avons pas le droit d'y entrer.

À 9 heures du soir après avoir été mouillés toute la journée ont nous annonce qu'on va nous mettre à l'abri mais pas pour longtemps. Nous en profitons pour manger un peu, nous n'avons pas encore touché nos rations et c'est en se battant que nous pouvons ramasser de la nourriture, nous faisons du vin chaud et nous allons nous coucher avec nos vêtements tout trempés.

dimanche 13 septembre

Réveil de bon matin, il faut faire très vite pour le café car il faut sortir du village le plus vite possible, j'ai encore mes vêtements tous trempés, par chance dehors il y a un grand feu ou j'essaye de faire sécher tout ce que je peux.

Nous quittons St Bandry et nous montons sur le plateau qui domine le village, nous y restons toute la journée comme soutient d'artillerie qui doit bombarder l'autre côté de l'Aisne. Nous changeons de place plusieurs fois pour venir dans un champ de betteraves puis nous faisons la soupe, nous mangeons très bien, on se fait du café et le soleil vient se mettre de la partie, cela nous permet de nous sécher encore plus vite. Nous pouvons apercevoir les fameuses carrières de l'Aisne ou les allemands se sont si biens retranchés. Après une journée ou le canon a tonné sans cesse ont nous donne l'ordre le soir d’aller cantonner à Ressons-le-Long.

 

À plusieurs reprises nous manquons de nous perdre dans la nuit, à l'horizon nous voyons de nombreuses meules de paille incendiées, nous trouvons un cantonnement et nous décidons de nous y reposer. Nous en avons grand besoin.

 

Lundi 14 septembre

 

Départ de grand matin avant le jour afin de pouvoir traverser l'Aisne, nous arrivons par le chemin Leport qui débouche sur un pont mais nous recevons l'ordre de faire demi-tour car le pont a été détruits par les Allemands.

Un peu plus loin nous trouvons un pont de bateaux fabriqué par le génie, nous le traversons afin de nous rendre à Fontenoy, là,  nous voyons dans un champ de betteraves des morts français ainsi que quelques chevaux tués, nous sommes en bas de Fontenoy, nous montons pour aller sur le plateau,  au sommet de la côte nous faisons une halte, il y a là une cinquantaine de cadavres, Allemand, Français, tout cela mélanger, ils sont au corps à corps, il y a du y avoir un sanglant combat de nuit.

À peine avons nous mis nos sacs à terre qu’une terrible fusillade nous surprend, nous avons juste le temps de nous mettre à l'abri derrière un talus que nous réussissons tant bien que mal à transformer en abri, derrière nous il y a quand même 7 ou 8 morts, le soir arrive et on reste collé à cet emplacement les balles sifflent de partout mais personne n'est touché.

 

Nous sommes là, dans la nuit, la pluie tombe, nous n'avons rien, pas même des couvertures. Deux fois nous sommes en alerte, tout le monde est prêt à bondir sur ceux qui sont censé arriver pour nous attaquer.

Mardi 15 septembre

Rien ne s'est passé pendant la nuit, le petit jour arrive et nous sommes toujours dans la crainte d'un affrontement, nous avons les bras et les jambes engourdis soudain, une pluie d'obus nous tombe dessus, il y a des tués et des blessées parmi les camarades.

Les heures passent, on mange du singe, en attendant le soir que les cuisiniers partent au village pour pouvoir nous ramener de la soupe, nous nous occupons à faire des trous  afin de pouvoir nous mettre à l'abri.

La nuit arrive enfin, les cuisiniers descendent alors au village, nous trouvons le temps long, ils reviennent enfin et nous rapportent de la viande, elle est à moitié crue, par contre il ont réussi à trouver une cave et nous rapportent aussi du vin qui date de 1880 et 91, la nuit se passe à boire, au petit matin il y a une cinquantaine de bouteilles vides près de nous et de ces cadavres qui sont là depuis maintenant 2 jours. Tout le monde est malgré tout bien énervé.

À plusieurs reprises nous manquons de nous perdre dans la nuit, à l'horizon nous voyons de nombreuses meules de paille incendiées, nous trouvons un cantonnement et nous décidons de nous y reposer. Nous en avons grand besoin.

Mercredi 16 septembre

Nous continuons à creuser quelques trous, les balles continuent à nous sifflées aux oreilles et quelques obus tombent par ci par là, mais rien de grave. L'après-midi le capitaine ne fait fouiller les morts afin de récupérer les munitions et les conserves qu'ils peuvent avoir sur eux bien que je sois forcer d'obéir, cette situation n'est pas réjouissante.

Le soir arrive et nous sommes relevés par la 20ème compagnie, nous allons dormir au village car nous sommes très fatigués.

Jeudi 17 septembre

Réveil très tôt, nous buvons le jus et nous allons dans un petit bois, la matinée se passe, de l'autre côté de l'Aisne nous apercevons les autres qui nous viennent en renfort mais il ne nous est pas possible de traverser à cause de l'artillerie allemande qui tire de partout, ces pauvres gars ne savent pas si c'est du lard ou du cochon, eux qui viennent du dépôt, ils n'y comprennent rien.

 

 C'est l'après-midi la plus forte, nous apercevons le chemin de fer qui siffle tout en s'avançant, lorsque tout à coup,...boum...boum... ce sont les percutants allemands tombent, la machine du train fait marche arrière en vitesse, la scène nous fait tous rigoler, le soir arrive et nous partons dans les grottes de Vaux-Gautricourt, là, nous nous retrouvons tant bien que mal, nous récupérons de la paille et on se couche à la porte de la grotte.

Dans la nuit le hennissement  des chevaux nous réveille mais ce n'est qu'une fausse alerte et bien que les balles nous sifflent devant le nez personne n'est touché.

Vendredi 18 septembre

Nous quittons l'entrée de la grotte de bon matin pour aller passer la journée à Port Fontenoy, il peut à torrent et nous allons nous abriter dans une grotte.

Toute la journée nous faisons du nettoyage sur les routes et le soir nous allons remplacer les compagnies de première ligne sur les hauteurs de Fontenoy. Nous avons gagné un peu de terrain, lorsque le capitaine décide d'aller reconnaître la situation en haut de la côte. Eclate alors une vive fusillade déclenchée par un régiment d'infanterie français qui nous prend pour l'ennemi, nous nous précipitons derrière un talus et personne n'est touché... Sauf Latapie...  Nous nous réfugions ensuite dans un petit bois afin d'y passer la nuit.  

Samedi 19 septembre

Dès le matin nous nous mettons à faire des tranchées car les obus ne cessent de tomber, notre principale préoccupation est de nous abriter. La matinée se passe sans incident, vers 16 heures le capitaine décide de monter sur la crête afin d'y observer les événements causés par les obus allemand ainsi que ceux des mitrailleuses : quelle imprudence de sa part, sans doute repéré par l'ennemi, il tombe grièvement blessé, une balle lui a traversé la poitrine. Lorsque la nuit arrive nous allons sur les rails du chemin de fer et nous subissons une fusillade  toute la nuit.

DIMANCHE 20 septembre

au petit jour nous allons retrouver la compagnie qui se trouve à Montaigu, nous entendons des cris de toute sorte, les Allemands pousse une charge à la baïonnette, c'est terrible à entendre, combien d'entre nous vont encore y rester ?

Nous nous réfugions sous des rochers, lorsque les obus arrivent nous constatons que ce sont nos batteries qui sont visées elles se trouvent juste aux dessus de nous, un obus tombe en plein sur l'une d'elle tuant 4 hommes, un autre tombe au milieu d'un groupe de chez nous : 8 morts ...12 blessées, un peu plus loin un autre tu 9 chevaux qui étaient dételés de leurs batteries.

Un pauvre gars de chez nous a le bras cassé, un autre qui était parti faire ses besoins reçoit un éclat en pleine poitrine, quelle matinée sanglante... nous ne pouvons plus tenir, nous battons en retraite et nous nous réfugions dans un bois afin de soutenir la contre attaque allemandes si toutefois ils réussissent à repasser l'Aisne.

Le soir, nouveau bombardement sur une batterie française, nous apprenons par la suite que nous avons été vendus par un carrier qui a donné exactement l'emplacement de la batterie afin qu'elle soit repérée. Nous entendons de nouveau une charge sur le plateau de Fontenoy mais cette fois ce sont les français qui mettent les allemands en déroute nous pouvons voir tout cela au travers d'une jumelle que nous avons trouvé. La nuit arrive et nous descendons du bois pour aller nous coucher au Pressoir : c'est une ferme qui se trouve sur la route de Soissons.

Lundi 21 septembre :

Très bonne nuit de repos, cette journée est employée à des travaux de propreté et au repos, il y a bien longtemps que l'on ne s'est pas reposé comme cela.

Mardi 22 septembre :

Nous passons encore une bonne nuit, nous occupons cette journée au lavage du linge, nous nettoyons tout ce qui peut l'être, le repos est le bien venu. Le soir nous avons mission d'aller garder les bords l'Aisne, il peut à torrent et nous nous mettons à l'abri tant bien que mal.

Mercredi 23 septembre :

Le petit matin arrive et nous retournons au Pressoir pour une nouvelle journée de repos. La nuit arrive, plus belle que celle d'hier au bord de l'Aisne.

Jeudi 24 septembre :

Départ à 4 heures du matin, nous allons passer la journée à Vaux Gautricourt, nous devons servir de soutien d’artillerie dans le village, croyant y passer la nuit nous faisons quelques tranchées, mais lorsque le soir arrive nous retournons au Pressoir.

Vendredi 25 septembre :

Nous restons au Pressoir, nous sommes de service, le soir nous allons passer la nuit au bord de l'Aisne, terrible fusillade toute la nuit.

Samedi 26 septembre :

Au petit jour nous retournons au Pressoir pour une journée de repos, on lit, en dort, on se repose de la nuit de l'on vient de passer.

Dimanche 27 septembre :

Repos toute la journée, travaux de propreté, bonne nourriture.

Lundi 28 septembre :

Nous restons toujours au Pressoir, c'est la belle vie, nous apprenons que le général Decastelneau aurait repris Péronne et St- Quentin mais nous, par contre, cela fait deux semaines que nous sommes devant le plateau de Fontenoy et nous n'avons pas encore pu chasser les Allemands : il est vrai d'après ce qu'on dit qu'avant la guerre ils auraient fait réaliser de véritables fortifications.

Mardi 29 septembre :

Rien de nouveau, nous restons toujours au Pressoir et tout le monde est atteint de dysenterie

 Mercredi 30 septembre :

Départ à 9 heures avec le génie pour aller faire des tranchées sur le plateau d'Amblény. Le soir nous retournons au Pressoir. 

 Jeudi 1er octobre :

Départ du Pressoir à 7 heures du matin nous allons à Ressons-le-Long nous sommes tranquilles toute la matinée, l'après-midi nous allons faire des tranchées commencées par le génie. Nous sommes forcés d'arrêter car nous sommes dans l'eau.

Le soir nous rentrons et une section va sur les bords de l'Aisne, moi, avec une demie section je prends la garde au poste de police où j'ai une sentinelle à placer à un kilomètre du poste chez le colonel pour la garde du drapeau. Dans la nuit, une vive fusillade suivie d'une attaque à Fontenoy

Vendredi 2 octobre :

Nous restons à Ressons-le-Long, l'âpres midi nous sommes dans un château jusqu'à 6 heures du soir, là, départ pour Courmelles, nous faisons un grand détour et nous arrivons à 24 heures. Nous avons fait 28 kilomètres.

Samedi 3 octobre :

Repos toute la journée, rien à signaler, Courmelles est situé sur la rive gauche de l'Aisne où les allemands sont passés sans pouvoir piller. Nous faisons une bonne soupe avec du cochon et nous allons dormir dans un grenier.

Dimanche 4 octobre :

Journée de repos, un sous lieutenant nous passe en revue, il vient du dépôt et nous engueule parce qu'un homme à des boutons qui manquent à sa capote.

LUNDI 5 octobre :

Nous partons faire des tranchées au dessus du plateau de Courmelles, nous nous rendons compte que les anglais les ont commencées puis nous voyons pour la première fois le général Klein, commandant notre brigade. Nous voyons aussi les obus allemands éclatés en direction de Soissons. C'est drôle à voir..... Les anglais jouent au ballon.

Dans la journée nous apercevons 7 aéroplanes anglais. Le soir nous rentrons à Courmelles.

Mardi 6 octobre :

Le matin nous remontons faire des tranchées, il fait un beau soleil et on se laisse vivre jusque au soir. Nous allons partir soit disant en première ligne, en effet nous partons à 19 heures, nous traversons Soissons, les dégâts causés par les allemands sont très importants.

Nous  voyons le monument élevé à la mémoire des soldats de la guerre de 70. Nous prenons la route de Reims, nous rencontrons des Alpins, des Marocains qui vont comme nous remplacer les troupes de première ligne. Nous apprenons que nous allons à Ste Marguerite, et que, de là, nous nous rendrons sur le plateau de Vregny remplacer les troupes anglaises qui iront, eux, remplacer les troupes qui sont dans le nord.

                  Nous arrivons enfin sur les bords de l'Aisne, à Billy on nous fait traverser la rivière sur un pont réparé car il avait été détruit par les allemands pendant leur retraite.

Nous arrivons à Vénizel, Buçy-Le-Long, on nous fait monter sur le plateau, là il règne un grand silence, jamais on ne penserait qu'une troupe vient en relever une autre. Les anglais sont très gentils, il nous recommande d'être très prudent car devant nous il n'y a rien. Nous n'avons jamais vu d'aussi belles tranchées et si bien faite.

La relève se fait à merveille, les Anglais s'en vont en sortant par un autre boyau. L'escouade de garde est désignée et tout le monde doit veiller pour la première fois, en ayant peur d'une attaque.

Mercredi 7 octobre :

La nuit a été longue, nous avons attendu le jour avec impatience, nous pouvons enfin nous rendre compte de ce qu'il y a devant nous, nous apercevons les tranchées allemandes à environ mille deux cent mètres devant nous. Un camarade prit d'une envie pressante monte sur la tranchée pour poser culotte, les balles allemandes sifflent immédiatement et il à juste le temps de sauter dans la tranchée.

Nous avons devant nous une étendue de terrain immense qui semble être un champ de betteraves. Au loin quelques maisons et, protégé par du fil de fer nous apercevons les tranchées, nous pouvons en distinguer environ une quinzaine de rangées alors que nous nous en avons à peine deux.

Nous commençons à fouiller les cabanes occupées aux Anglais que nous avons remplacé, nous trouvons dès boîtes de corned-beef, sorte de viande anglaise. Nous trouvons ça très bon.

Devant nous sont placés des rangées de boîtes vides de façon à pouvoir entendre l'ennemi en cas d'invasion. Toute la journée les allemands tirent des coups de fusils. Le soir nous sommes relevés par la 20ème compagnie nous allons coucher dans une grotte où nous trouvons toutes sortes de boîtes de conserve anglaise que nous mangeons avec appétit, notre service est organisé pour notre bataillon, 2 compagnies de veille aux tranchées, et ,2 aux repos à la grotte prête à intervenir au secours des autres en cas d’attaque.

jeudi 8 octobre :

La journée se passe aux grottes, à 18 heures nous allons reprendre nos emplacements occupés depuis hier par la 20ème compagnie. Le capitaine Girol qui vient de l'école de guerre met en place un dispositif de garde.

Ce dispositif se compose d'une demie section déployée en tirailleur, à plat ventre, dans les betteraves, à 50 mètres environ en avant des tranchées. Une autre escouade se place à 100 mètres plus loin pour épier les bruits de l'ennemi c'est la 6eme escouade, je suis forcé d'aller avec eux comme sergent puisque c'est moi qui commande cette escouade.

Nous sommes à environ 100 mètres des allemands. Il nous faut rester là 3 heures, la relève se fait de trois heures en trois heures : trois heures de veille, trois heures de travail, trois heures de poste d'écoute et trois heures de repos. Après avoir reçu une averse terrible sur le dos pendant plus de deux heures nous voyons enfin l'une de nos relèves arriver.

Nous sommes tous gelé, ça fait trois heures que nous sommes couchés à plat ventre dans les betteraves, nous rentrons à la grotte pour veiller.

Vendredi 9 octobre :

Nous passons la journée dans les tranchées, on nous donne la permission de tirer sur" ceux que nous avons devant nous".

Le soir nous sommes relevés par la 20ème qui eux sont relevés le soir même par les Alpins du 67ème. Nous avons passé trois jours en première ligne, nous allons au repos trois jours : tout le bataillon. Nous arrivons à Billy sur Aisne c'est un village à 6 kilomètres de Buçy-Le-Long, un peu en arrière de la route qui mène de Soissons à Reims.

Malgré un bon accueil de la part des habitants nous avons quand même le sentiment de les déranger. Ils nous font un bon accueil et nous passons une bonne nuit.

Samedi 10 octobre :

Repos, toute la journée nous entendons la fusillade et le bruit du canon là haut sur le plateau de Vregny, mais ça ne nous empêche pas d'améliorer notre cuisine du mieux que l'on peut. La nuit arrive, nous allons nous coucher.

Dimanche 11 octobre :

Le matin, exercice sur le plateau qui domine Buçy-Le-Long, sur la route du retour nous apprenons la mort d'un sergent du sixième bataillon qui a été tué pendant un cours théorique sur le désapprovisionnement des armes .Une messe est décidée et tout le monde est présent, le reste de la journée se passe au repos.

Lundi 12 octobre :

La journée se passe au repos, le soir arrive et nous remontons aux tranchées. Nous, nous allons à la grotte, la 20ème compagnie, elle, part en premières lignes.

Mardi 13 octobre :

Rien de bien important, la journée s'est passée à la grotte. En fin d'après midi nous partons relever la 20ème compagnie. Chacun est à son poste, il y a à peine un quart d'heure que nous sommes là que le canon groupe dur du côté de Soissons : c'est à dire bien à notre gauche.

Les coups de fusils sont de plus en plus nombreux, je suis avec le sergent Major sur le champs de betteraves nous pensons que tout va rentrer dans l'ordre assez rapidement lorsque la fusillade éclate sur tout le front. Nous envoyons des fusées        ... les allemands répondent à coups de canon et nous sommes forcés de rentrer en courant dans la tranchée anglaise.

A peine sommes nous dedans que les obus éclatent tout au tour, un obus tombe dans la tranchée explosant une cabane, faisant un mort et deux blessés. Au bout d'une demi-heure le calme revient et nous retournons nous placer dans nos petits postes.

 Mercredi 14 octobre :

Dans la journée quelques obus tombent sans effet, nous continuons à aménager nos tranchées et nos trous. Le soir nous retournons à la grotte.

jeudi 15 octobre :

il ne se passe rien de spécial dans la journée, nous nous occupons du nettoyage des armes, le soir nous retournons aux tranchées : travail de nuit, nous prenons les petits postes jusqu'au matin, de 3 heures à 6 heures .

Ensuite nous rentrons dans la tranchée.

VENDREDI 16 octobre :

Le petit matin se lève et il y a du brouillard partout, malgré tout je suis forcé de retourner aux petits postes alors je fais un petit tas de foin où je fais encore faire une petite tranchée derrière juste pour être à l'abri, à peine avons nous fini que le brouillard se lève d'un seul coup, impossible de rentrer dans la tranchée, sitôt que l'on essaie de se relever les allemands nous tirent dessus.

C'est en rampant tant bien que mal que nous arrivons dans la tranchée. Personne n'est blessé. Le soir retour aux grottes.

Samedi 17 Octobre :

Repos aux grottes toute la journée, tout se passe bien, le soir nous remontons aux tranchées; de 6 h à 9 h petits postes , les hommes travaillent aux boyaux qui vont bientôt devenir tranchées de première ligne .

Dimanche 18 Octobre :

Journée très calme, dans les tranchées il ne se passe rien, nous attendons la relève avec impatience, ce sont les Alpins, et ils n'arrivent qu'à 9 h du soir. Nous avons passés 6 jours aux tranchées, et nous partons au repos pour 6 jours à St Marguerite, dans le bas de Buçy.

Lundi 19 Octobre :

Première journée de repos, nous devons changer d'habitation; après beaucoup de difficultés, nous trouvons une dame qui accepte de nous loger.

Mardi 20 Octobre :

Journée de repos après une bonne nuit passée dans un bon lit que l’habitante a mis notre à disposition pour mon copain Vuillaumé et pour moi, nous faisons une bonne popote, et, doucement, nous nous remettons des fatigues de ces six jours passés là-haut.

Mercredi 21 Octobre :

Grand luxe, on reste couché jusqu'à 8 heures du matin, on se trouve si bien dans ce lit, avec des draps si blancs...chocolat au petit déjeuner...tout va bien.

Dans la matinée nous changeons de Commandant de Compagnie, c'est l'adjudant Beyer nommé Lieutenant qui maintenant nous commande.

Jeudi 22 Octobre :

Toujours au repos, dans la journée nous voyons un aéro allemand, notre artillerie a beau lui tirer dessus, pas moyen de l'atteindre, en revanche, il nous envoie des explosifs.

Vendredi 23 Octobre :

La journée se passe bien, rien d'important, une distribution de chemises et de flanelles... on se repose.

Samedi 24 Octobre :

La routine habituelle... vers 8heures du matin nous entendons le bruit du canon et de la mitrailleuse sans trop savoir de quoi il s'agît. Nous attendons 20heures pour aller faire la relève des chasseurs. Nous allons à la grotte, la nuit est calme.

Dimanche 25 Octobre :

Belle journée mais bien triste, le soir nous partons aux tranchées vers 21 heures, la pluie commence à tomber, elle ne s’arrête qu'au petit jour. Nous veillons dans les tranchées jusqu'à 9 heures, nous partons en petit poste à 100 mètres en avant des tranchées, quelques coups de fusils par-ci par-là et des fusées éclairantes à cause de la nuit noire. Nous sommes relevés à minuit et nous retournons aux tranchées. La nuit est noire, il pleut à torrent et il fait un vent terrible, un bruit court...il parait que nous devons lancer une attaque à 4 heures du matin.

Lundi 26 Octobre :

L'attente est angoissante, aucun ordre n'arrive, à 6h30 cependant nous mettons sacs au dos, ce sont les chasseurs à pieds qui attaquent, les canons tonnent, la fusillade commence mais l'ennemi ne répond pas. Le silence reviens d’un seul coup, l'attaque a échouée. Le soir nous sommes relevés par la 20èmè compagnie.

Mardi 27 Octobre :

La journée se passe à la grotte, le soir nous allons relever la 20ème compagnie, la pluie se met à tomber, les hommes travaillent dans les petits postes avancés.

Mercredi 28 Octobre :

A l'aube tout le monde cesse le travail, vers 7 heures nous entendons une fusillade éclatée, juste à notre droit, là où se trouvent les chasseurs à pieds, les Allemands ripostent mais ça ne dure pas très longtemps. Rien de bien important jusqu'au soir où nous sommes relevé par la 20ème compagnie

Jeudi 29 Octobre :

Nous passons la nuit à la lisière d’un bois où il n’y a pas cahute, on se couche le long des boyaux, rien de bien important pendant cette journée, nous allons occuper la nouvelle tranchée et je suis ‘’de jour’’, je vais à la visite médicale avec les malades et là, le médecin me dit de dire au Lieutenant que les hommes malades doivent rester aux cuisines.

Voulant effectuer ma mission, je suis forcer de monter sur la tranchée, en plein jour, avec tout les risques que cela comporte, je m’avance sans méfiance pour aller trouver le Lieutenant et lui transmettre le message mais je n’arrive pas jusqu’au bout, les Allemands me tirent dessus et je m’écroule, touché au pieds droit, heureusement je tombe dans la tranchée. On m’emmène à l’infirmerie, c’est beaucoup moins grave que je ne le pensais, avec 4 ou 5 jours de repos tout rentrera dans l’ordre. Il fait un temps terrible.

Vendredi 30 Octobre :

J’ai passé une bonne nuit à l’infirmerie, par contre, avant de me refaire mon pansement, j’ai eu le droit à un coup de bistouri, ça commençait à s’infecter et il fallait faire sortir le pus. A par ça tout le reste se passe bien.

Samedi 31 Octobre :

Je suis toujours à l’infirmerie, mes pieds vont de mieux en mieux. Les copains sont descendus au repos.

Dimanche 1 Novembre :

Il fait un temps superbe, je vais faire un tour dans le jardin mais je suis forcé de rentrer, les balles sifflent, ce ne sont que des balles perdues mais quand même, restons prudent.                             

 Lundi 2 Novembre :

Rien de bien nouveau, le médecin me fait sortir de l’infirmerie avec 4 jours de repos et me demande de revenir le voir. J’arrive au cantonnement où je retrouve mes copains et nous mangeons bien pour fêter ça.

Mardi 3 Novembre :

Le matin on m’apporte le chocolat, le midi, tout le monde s’occupe de moi, je fais un très bon repas car tout le monde est au repos; la journée se passe vraiment très bien.

Mercredi 4 Novembre :

Nous sommes toujours à Sainte Marguerite et je suis toujours bien soigné, surtout pour la cuisine. Nous nous tenons prêt à partir, il y a une vive fusillade pas très loin d’ici.

Jeudi 5 Novembre :

Nous restons en tenue de départ toute la journée, nous craignons une attaque, les obus et les balles éclatent dur dans Sainte Marguerite mais rien ne se passe, le soir nous devons partir pour Billy mais on s’arrête à Buçy.

Là nous attendons jusqu’à 3 heures du matin, lorsque enfin nous arrivons à Billy il est 6 heures et nous sommes tous très fatigués.

Vendredi 6 Novembre :

Repos jusqu’à 9 heures, ensuite grande toilette, et nous passons une journée agréable. Le soir nous fêtons la St Ernest, nous faisons une bonne petite “bombe”et vers minuit, tout le monde au lit.

Samedi 7 Novembre :

Réveil en vitesse, on craint une attaque, nous partons immédiatement pour Buçy, il nous faut traverser l’Aisne en plein jour, et malgré le brouillard qui nous aide un peu, les Allemands nous arrosent d’obus. Nous arrivons à Buçy et on nous fait mettre dans les maisons jusqu’à 14 heures, de là, nous montons aux tranchées et le “bal” commence, tout ce qui peut être tiré tombe tout autour de nous, nous nous trouvons à la lisière d’un bois, tout cesse enfin, personne n’est blessé et nous restons dans le boyau où il n’y a rien pour coucher.

Dimanche 8 Novembre :

Une nouvelle attaque est décidée mais c’est à la 20ème Compagnie de partir en premier, elle réussie à se poster au carrefour de “Pont Rouge”, le soir nous allons la relever.

Lundi 9 Novembre :

nous travaillons toute la journée dans les boyaux pendant que quelques-uns veillent, dans le courant de l’après-midi, nous apprenons qu’un sergent de chez nous a été tué; il s’agit du sergent Clanose, il était papa d’une petite fille qu’il n’aura jamais vue; elle était née au début de la guerre.

Nous sommes relevé dans la soirée, et nous partons à la grotte.

Mardi 10 Novembre :

Journée calme, on se nettoie des pieds à la tête, une grande toilette ça fait du bien. Dans la soirée nous partons relever la 20ème; je suis désigné pour aller aux petits postes avec 8 hommes, je reçois des conseils de prudence, de beaucoup de prudence, en effet, d’où nous sommes nous pouvons voir à environ quarante mètres les Allemands qui ont, comme nous, un petit poste, nous pouvons nous voir très distinctement, nous sommes ici pour 24 heures sans aucun secours, nous nous organisons.

Nous avons le village de Vregny à notre droite et un peu en arrière, devant, les Allemands, et au dessus de nous, la nuit qui commence à tomber, espérons que tout se passera bien.

Mercredi 11 Novembre :

Avant que le jour ne se lève ont nous apporte notre repas pour toute la journée, repas accompagné de vin, de beaucoup de vin, les copains ont dû penser que nous en aurions besoin, nous échangeons quelques plaisanteries avec nos “livreurs”, et, ils nous laissent en nous souhaitant bonne chance...tu parles.

Le jour commence à se lever, la campagne est calme, nous buvons notre jus et nous mangeons une bouchée. Il est 8 heures lorsque les Allemands commence à nous tirer dessus, nous ne répondons pas et nous avons tort, à force de nous tirer dessus ils démolissent  la terre que nous avions mis en hauteur pour nous protéger .

Le calme revient enfin, nous reprenons notre attente sans savoir ce qui allait nous arriver...

 

Il est 14 heures lorsque les tirs reprennent, plus forts que le matin, nous répondons de tous les cotés, le camarade qui se trouve à coté de moi tombe, je ne comprends pas tout de suite, ce n’est que lorsqu’il est par terre que je me rends compte qu’il a une balle en pleine tête, je défais vivement le paquet de pansement que j’ai sur moi mais je ne peut rien faire, c’est épouvantable, il meurt dans mes bras, sans aucune souffrance, comme ça, pour rien.

J’ai à peine le temps de comprendre ce qui vient de se passer qu’un autre s’écroule quelques mètres à ma gauche, lui aussi touché en plein front, quelques secondes après, un troisième est touché lui aussi mais il semble n’être que blessé, tout va si vite que je n’ai pas le temps d’arrêter ce copain qui, pris de panique sort de la tranchée pour aller chercher du renfort, ou je ne sais quel secours, il n’a pas le temps de faire deux pas, il s’écroule. Tous, nous le regardons dans l’espoir de le voir se relever mais non, il ne bouge plus et il nous faudra attendre l’arrivée de la nuit pour se rendre compte qu’il a reçu une balle en plein coeur.

 

Le calme revenu, nous avons passé le reste de l’après-midi avec nos deux morts et notre blessé, abruti par toute cette horreur, attendant la nuit pour enfin être relevé de ce cauchemar. Sur 8 que nous étions au départ, 3 morts et un blessé, quel terrible malheur.

La relève arrive enfin et nous partons nous reposer dans les tranchées Anglaise, avant, je dois m’assurer que les infirmiers se sont occupé de ces 3 malheureux, il fait un temps terrible, il pleut à torrent, et jamais nous avons eu un vent aussi violent. Je vais enfin me reposer de tous ces malheurs.

Jeudi 12 Novembre :

Le soleil est enfin revenu, mais il doit y avoir une attaque, un duel d’artillerie se fait entendre, les Allemands répondent si fort que nous sommes obligés de quitter nos tranchées Anglaises afin de nous rendre à la lisière du bois où l’attaque commence, heureusement, aujourd’hui nous sommes compagnie de réserve mais cela ne nous empêche pas quand même d’être en plein danger, nous avons encore 3 blessés. On nous fait avancer, reculer, les Allemands ne cessent de tirer, c’est encore l’horreur et ça coûte encore très cher à notre régiment.

En fin d’après-midi tout redevient calme, nous partons relever la 20ème compagnie.

Vendredi 13 Novembre :

Journée de travail aux petits postes, nous continuons les boyaux qui nous relient aux tranchées principales pendant que d’autres posent les fils de fer barbelés.

Samedi 14 Novembre :

Toujours dans les tranchées de première lignes, nous en sommes à notre deuxième nuit blanche et cette journée est bien froide. Nous sommes relevés le soir par les chasseurs à pieds, et, nous redescendons à Buçy.

Dimanche 15 Novembre :

Il fait très froid, une pluie très fine tombe toute la journée, nous nettoyons les armes ainsi que nos vêtements qui sont couverts de boue.

Lundi 16 Novembre :

Repos, bonne nuit, mais le temps ne change guère, il pleut toujours et il fait un froid terrible.

Mardi 17 Novembre :

Nous sommes toujours en repos, il a gelé toute la nuit, ce matin, par contre, le soleil se lève; Nous verrons passé dans l’après midi un aéro, nous avons beau lui tirer dessus il nous est impossible de l’atteindre.

Mercredi 18 Novembre :

Après une bonne nuit nous préparons tout notre équipement car nous devons assurer la relève du soir. Il est 18 heures lorsque nous partons et il fait toujours un froid terrible.

Jeudi 19 Novembre :

De nouveau en première ligne, nous venons se passer une nuit très froide en petit poste, la neige commence à faire son apparition, le soir nous continuons le travail dans le boyau, toujours en petit poste, nous posons des fil de fer, il fait toujours très froid et pas possible de bouger. De temps en temps, quelques fusées éclairantes sont lancées par les boches, nous ne répondons pas.

Vendredi 20 Novembre :

Le jour pointe à 6 heures, il fait très froid. Dans la matinée le soleil fait une apparition mais nous sommes forcé de marcher sur place, nous sommes gelé des pieds à la tête. Nous sommes relevé le soir par la 20ème et comme d’habitude, nous descendons à la grotte.

Samedi 21 Novembre :

Le froid, toujours le froid, une bonne nuit de repos nous remet en pleine forme. Dehors le vent s’est levé, il souffle avec rage. Nous passons la journée à nous reposer, les Chasseurs viennent nous relever ; il est près de 20 heures.

Dimanche 22 Novembre :

Journée de repos, nous sommes cantonné dans une ferme, en alerte, nous pouvons entendre un duel d’artillerie, il durera toute la journée.

Lundi 23 Novembre :

Malgré que nous soyons toujours en repos, l’artillerie Allemande s’occupe de nous rappeler que c’est la guerre. Il nous est défendu de sortir, quelques obus tombent dans la ferme où nous nous trouvons mais bien qu’il y ait beaucoup de dégâts matériels, personne n’est blessé.

Mardi 24 Novembre :

Encore en repos, la neige tombe et il fait froid vers 19 heures le canon se fait entendre, on nous fait prendre les armes mais le calme revient vite et nous allons nous coucher.

Mercredi 25 Novembre :

Les obus nous ont pratiquement fait passer une nuit blanche, il neige toujours, rien de bien nouveau.

Vers 16 heures on nous sert la soupe et nous partons relever les chasseurs à pieds : il est 17 heures lorsque nous nous retrouvons en première ligne.

Jeudi 26 Novembre :

Nuit calme, dans la journée les hommes travaillent dans les boyaux et sont en petits postes quand le soir arrive.

Vendredi 27 Novembre :

Depuis hier soir, et, toute cette journée nous avons eu des coups de fusils. Il fait un beau soleil, cela nous fait du bien, ça nous réchauffe un peu. Le soir, nous sommes relevé par la 20ème, nous partons aux tranchées de 2ème lignes afin d’y passer la nuit.

Samedi 28 Novembre :

Nous passons la journée au nettoyage des boyaux, le soir, les mitrailleuses et les canons se font entendre sur notre gauche, c

ça dure à peu près une heure et tout redevient calme. Nous passons une bonne nuit.

Dimanche 29 Novembre :

La journée se passe sans incident, le soir nous sommes relevé par les chasseurs et nous retournons cantonner à Buçy : même place.

Lundi 30 Novembre :

Nuit calme, au petit matin nos canons commencent à tirer mais l’ennemi ne répond pas. Les coups de fusils se fond également entendre, on ne sais pas trop d’où ils partent, pendant ce temps on emploie la journée à se nettoyer. Le soir venu, tout le monde se couche.

Mardi 1er Décembre :

Triste temps, vent, pluie, neige, l’artillerie ne cesse de tirer du matin jusqu’au soir, on ne sais pas trop pourquoi. La nuit venue nous sommes tranquille.

Mercredi 2 Décembre :

Journée de repos, calme et sans incident, à 21 heures tout le monde est couché.

Jeudi 3 Décembre :

La pluie nous réveil, nous avons passés une nuit calme, le canon tonne depuis ce matin, sans arrêt. Nous partons à 17 heures relever les chasseurs à pieds, nous prenons le petit poste avancé, toute la nuit l’ennemi ne cesse de tirer.

Vendredi 4 Décembre :

L’ennemi tire toujours, les balles nous sifflent aux oreilles, dans l’après midi, nous trouvons quand même le temps de nous reposer un peu. Avec la nuit, le froid retombe et la pluie nous transperce jusqu’aux os, nous sommes trempés. A 20 heures la relève a bien lieu mais dans la tranchée de première ligne.

Samedi 5 Décembre :

L’ennemi tire toujours, il vise nos fils de fer, il cherche à briser nos lignes de résistance. Plusieurs copains sont tués.....et le calme revient, le temps est terrible. Le soir nous allons aux petits postes où nous sommes relevés par la 20ème, nous redescendons à la grotte et nous nous couchons.

Dimanche 6 Décembre :

Il fait beau, nous avons passé une bonne nuit, il a gelé, tout est blanc, nous devons transporter des matériaux en première ligne. Les Allemands ne cesse pas de nous tirer dessus mais aujourd’hui pas se dégâts, personne n’est tué. Le soir nous regagnons tous la grotte, fatigués, nous nous couchons.

Lundi 7 Décembre :

Dès le réveil nous reprenons les corvées de la veille, nous avons encore beaucoup de choses à transporter en première ligne. Nous sommes relevé le soir par les chasseurs. Nous redescendons à Buçy, même cantonnement.

Mardi 8 Décembre :

Journée de repos consacrée au nettoyage des armes ainsi qu’aux vêtements. Le soir nous faisons une partie de cartes, nous nous couchons très tard.

Mercredi 9 Décembre : Réveil à 7 heures, nous sommes d’exercice de 8heures 30 à 10 heures mais le lieutenant nous fait rentrer un peu plus tôt, nous allons à la messe célébrée en mémoire de nos copains, ceux qui sont tombés lors de la fameuse attaque du 12 Novembre.

Jeudi 10 Décembre :

Journée de repos, au programme, travaux de couture et de nettoyage. Nous améliorons l’ordinaire, le repas du soir est très bon, nous jouons aux cartes et nous nous couchons.

Vendredi 11 Décembre :

Repos, après une bonne nuit, réveil à 7heures exercice de 8 à 10 et ensuite, partie de manille. A 16 heures on nous sert la soupe pour pouvoir aller relever le 5ème d’artillerie mais au dernier moment il y a contre ordre ; c’est le 45ème qui part à notre place.

Samedi 12 Décembre :

Dernière journée de repos, à 17 heures nous montons faire la relève, la pluie recommence à tomber, elle ne s’arrêtera pas de la nuit.

Dimanche 13 Décembre :

Toute la journée nous continuons les travaux dans le boyau, la journée se passe sans incident.

Lundi 14 Décembre :

Ce matin, le soleil se montre un peu et la pluie s’est enfin arrêtée, les Allemands font comme nous, ils travaillent. Dans l’après midi, le canon à tonné de part et d’autre, nous avons 2 morts, deux pauvres gars qui ont reçu des éclats, pour eux la guerre est terminée.

A 17 heures nous remontons faire la relève de la 20ème en première ligne, il fait une nuit très noire, la pluie retombe de nouveau, encore plus forte, encore plus froide.

Mardi 15 Décembre :

Malgré nos pieds gelés, nous avons passés une assez bonne nuit, le froid est terrible ; La journée se passe tant bien que mal, nous avons connu pire...

A 17 heures nous recevons l’ordre d’avancer le petit poste de 80 mètres en avant, pas facile, les Allemands ne cessent de tirer, nous devons creuser un boyau pour y parvenir.

Mercredi 16 Décembre :

la pluie s’est arrêtée mais qu’est-ce qu’il fait froid....nous travaillons jusqu'à midi, les Allemands tirent toujours et visent les boucliers, d’où nous sommes nous apercevons leurs tranchées de première lignes, elles sont à peine à 150 mètres de nous. Nous apprenons que nous ne serons pas relevé le soir.

Jeudi 17 Décembre :

Nous venons de passer une nuit terrible, le canon allemand à tirer toute la nuit dans les boyaux, nous continuons le travail malgré tout. Dans la matinée nous nous apercevons que leur boyau vient pratiquement rejoindre le notre. A 16 heures nous mangeons la soupe et deux heures après nous sommes relevé par les chasseurs. Nous allons à Buçy.

Vendredi 18 Décembre :

Après une bonne nuit de repos nous nettoyons les armes et nous nous occupons aussi de nos vêtements, ils en ont bien besoin. Après, promenade dans Buçy l’après midi. Le soir venu nous prenons la garde au château. Il pleut toute la nuit.

Samedi 19 Décembre :

Nuit de garde tranquille, dans la journée nous assistons à un défilé, les gens du pays, sur ordre du Maire doivent accompagner leurs enfants...Ils partent tous, l’âge limite c’est 14 ans... quelle horreur. Dans l’après midi, gros duel d’artillerie et le soir nous sommes relevé de garde.

Dimanche 20 Décembre :

Matinée de repos, nous partons pour l’exercice et nous rentrons vers 14 heures, nous profitons des douches que le Génie a installées ensuite nous nous rendons à la messe. Retour au cantonnement dans la soirée, là, une corvée du Génie est commandée, elle commence à 18 heures et doit se terminée à 2 heures du matin : quel Dimanche....

Lundi 21 Décembre :

Depuis que nous sommes au repos, il y a toujours des corvées. A notre gauche, vers Soissons, nous entendons une terrible fusillade, avec de temps en temps quelques coups de canon, on nous signale même un obus de 155 tombé sans avoir explosé, il paraît que ça arrive assez souvent.

Nous redescendons à la grotte, il fait un temps affreux, il doit être à peine 20 heures lorsque nous avons une alerte, nous commencions à peine à nous endormir, le réveil est un peu brutal, mais personne ne traîne, nous formons les faisceaux, et nous attendons les ordres. Au loin la fusillade est violente, les mitrailleuses crachent sans arrêt, il se passe environ une demie heure, le calme revient, nous retournons nous coucher.

A peine sommes nous allonger, 2ème alerte, il est 22 heures, nouvelle préparation et nous attendons les ordres. Nous avons attendu pendant 4 heures sans qu’aucun ordre n’arrive, au loin tout est redevenu calme, on nous informe que les Allemands ont voulu sortir de leurs tranchées et qu’ils ont eu de grandes pertes, nous par contre nous n’avons que quelques blessés

Mardi 22 Décembre :

Tout est calme, chacun à sa façon, se repose de la nuit que nous venons de passer. Dans la soirée nous portons des cartouches en première ligne, on craint une nouvelle attaque Allemande, il ne pleut pas, la nuit est claire et le silence est angoissant, ça doit cacher quelque chose, on préférerait entendre quelques fusillades. Nous redescendons à la grotte à 20 heures et nous nous endormons tranquillement.

Mercredi 23 Décembre :

Réveil à 4 heures, nous devons aller travailler dans les boyaux jusqu’au lever du jour. Il fait très froid, nous avons très vite les pieds gelés.

A 7 heures 30 nous rentrons à la grotte, nous y restons toute la journée, lorsque nous remontons en première ligne, il est 19 heures, toujours le même travail, placement des petits poste Buçy-Le-Long s.... nous nous trouvons maintenant à même pas cinquante mètres des postes Allemands, en écoutant bien on peut les entendre, ça doit être pareille pour eux, nous travaillons dans un silence total. Ceux qui ne travaille pas sont aux aguets.

Jeudi 24 Décembre :

Je vais à la visite médicale, ça fait déjà deux ou trois jours que je suis atteint de dysenterie, me voilà 4 jours exempt de service, je dois rester aux cuisines, c’est le seul endroit ou il fait chaud. Le soir, les cuisiniers ont préparés une petite fête et m’ont gentiment invité, la nuit se passe bien, dehors il neige.

Vendredi 25 Décembre :

Aujourd’hui c’est Noël, j’avais pensé le passer parmi la famille mais mon bonheur c’est envolé, la guerre est là, présente, tous les jours, gardons espoir, ce n’est que partie remise. La journée se passe bien malgré que nous craignions une attaque Allemande, elle ne viendra pas, rien que quelques coups de canon au loin, c’est tout.

Samedi 26 Décembre :

La nuit aux cuisines a été bonne, je fais ma toilette. Dans la matinée, nous entendons dans la direction de Soissons le canon et la mitrailleuse, il doit se passer quelque chose de ce coté. La journée se passe sans incident.

Dimanche 27 Décembre :

Après avoir fait ma toilette je vais à la visite médicale car mon état ne c’est guère amélioré. Le major me redonne 4 jours de repos et me fait avaler une cuillère à café d’ipéca... le résultat est presque instantané, à peine cinq minutes et je dég........tripes et boyaux, changement de traitement immédiat, le médecin me donne du bismuth et me conseil de manger très légèrement pendant deux jours, d’après lui ça sera suffisant à ma guérison.

Le soir les Allemands bombardent la ferme où je me trouve, en un rien de temps tout est en feu, heureusement, nous sommes relevé le soir, nous partons cantonner à St Marguerite.

Lundi 28 Décembre :

Après une nuit dans un vrai lit qu’une brave femme a mis à notre disposition, je déjeune un vrai chocolat... voilà bien longtemps que ça ne m’était pas arrivé, j’en avais presque oublié le goût ; Aujourd’hui je suis chargé de faire la cuisine pour 6, tout marche à merveille, la journée se passe très bien et le soir nous retournons dans nos lits.

Mardi 29 Décembre :

C’est toujours le même bonheur que de se réveiller dans un vrai lit, l’impression de repos est totale. Toute la journée nous entendons un duel d’artillerie, dans le fond, rien d’anormal, tout ce passe bien, rien ne trouble notre repos.

Mercredi 30 Décembre :

Quelques hommes sont désigné pour faire une corvée du Génie, de 6 heures du soir à minuit, je passe au travers de ce travail, je n’ai rien à faire de la journée à part ma cuisine : repos, ça fait du bien   .

Jeudi 31 Décembre :

Ce matin à 8 heures , il y a une conférence sur la guerre par le lieutenant Déraz, après nous restons au cantonnement pour déjeuner, je leur ai préparé un gâteau de riz, nous avons aussi quelques suppléments, filets de hareng, fromages, café, et aussi du vin. Je prépare également un bon menu pour le soir, d’après moi il ne manque rien. Le dernier dîner de 1914 s’achève, nous espérons tous que l’année 1915 nous apportera du bonheur, du triomphe ainsi que de la joie.

Vendredi 1er Janvier :

Tous nous avons passé une bonne nuit, comme le veut la coutume, au réveil nous nous sommes tous souhaité la bonne année. Le petit déjeuner par contre lui n’était pas très gai, nous pensions tous à ce soir, nous faisons la relève des chasseurs en première ligne, avec tout ce que ça comporte d’incertitude et de peur.

22 Heures nous y sommes, nous occupons les tranchées de première ligne, il pleut toute la nuit, une nuit noire, les boyaux sont trempés, nous commençons la nouvelle année dans de bien mauvaises conditions.

Samedi 2 Janvier :

La nuit s’achève, la pluie reste, de temps en temps nous faisons une ronde, nous nettoyons ce que nous pouvons à l’intérieur des boyaux. Aux petits postes, dans la matinée les obus explosent dans nos tranchées, il fait une journée sans lumière, triste et froide.

Le soir les Allemands nous envoient quelques fusées éclairantes et quelques bombes, personne n’est touché.

Dimanche 3 Janvier :

Ce n’est pas croyable, ça fait 24 heures que la pluie tombe, nous sommes méconnaissables des pieds à la tête, des tas de boue qui nous déplaçons tant bien que mal dans ces boyaux qui s’écroulent de partout. C’est l’horreur.

Lundi 4 Janvier :

Ce matin encore les Allemands nous envoient des obus, toujours entre 9 et 10 heures, allez savoir pourquoi... nous apprenons dans la matinée que nous serons relevé en fin de journée par la 20ème, en fait ce n’est qu’à 20 heures que nous pouvons redescendre à la grotte, la nuit est toujours aussi noire et froide, nous allons nous reposer de ces 3 jours de fatigue.

Mardi 5 Janvier :

Nous nous sommes bien reposer, la nuit a été calme, dans la matinée nous sommes de corvée de nettoyage dans les boyaux, ensuite, transport de matériels jusqu'à la clairière afin d’y construire des abris.

Le soir après la relève par les chasseurs, nous descendons à Buçy le Long, la nuit est toujours noire, on n’y voit pas grand chose, nous faisons une promenade à la recherche d’un cantonnement, c’est un peu la pagaille, tout le monde râle après le fourrier, pour finir, tout le monde se retrouve dans la salle de danse de Buçy pour dormir. On s’endort....

Mercredi 6 Janvier :

La nuit a été bonne, nous passons la journée à nous nettoyer, nous, nos vêtements, nos armes ce n’est pas du luxe, nous sommes dans un état...Après nous jouons à la manille, nous nous reposons.

Jeudi 7 Janvier :

Aujourd’hui, nettoyage du cantonnement en particulier ainsi que de nos affaires, on a l’impression de ne pas pouvoir en venir à bout.

Vendredi 8 Janvier :

Après une bonne nuit de repos nous sommes tous en forme pour aller travailler dans les boyaux lorsqu’un contre-ordre arrive : On doit se tenir prêt à partir, nous restons toute la journée équipé, en cantonnement d’alerte. Toute la journée nous entendons les canons, français et allemands, ça barde fort là-haut.

Le soir le calme revient, notre alerte se termine, on peut enfin quitter tout nôtre barda, nous allons nous coucher.

Samedi 9 Janvier :

La nuit a été calme, nous nous réveillons, le temps est superbe, le soleil est revenu, il fait froid mais beau ça nous redonne un peu le moral. Nous débutons la journée par une corvée de génie et le bombardement recommence, jamais ça n’a tapé aussi fort, les Allemands bombardent le plateau de Crouy : cantonnement d’alerte encore une fois.

Dimanche 10 Janvier :

Le bruit du canon nous réveil, la fusillade s’en mêle, il se passe quelque chose de pas normal. Le soir, 2 gendarmes viennent chercher un sergent, le sergent Pasquier, ils l’emmènent à Soissons, nous ne savons pas ce qui se passe.

Lundi 11 Janvier :

Nous passons le début de la journée au repos, à 13 heures, nous prenons le service à la mairie, jusqu'à ce que les chasseurs viennent nous relever à 18 heures, il y en a un qui nous fait bien rire, il chante et fait un peu le pitre, il est drôle, on le regarde un peu et nous partons a la grotte, la pluie est revenue, c’est un vrai déluge, lorsque nous arrivons à la grotte nous sommes trempés des pieds à la tête.

Mardi 12 Janvier :

Nous passons une bonne nuit à la grotte, aujourd’hui je suis chef de corvée, nous avons des matériaux à transporter, les Allemands tirent des obus de tous les côtés mais le travail doit quand même être fait.

 

Nous avons beaucoup de mal à marcher dans les boyaux, il nous arrive de nous enfoncer parfois jusqu’aux genoux, personne ne dit rien, tout le monde fait de son mieux, à un certain moment, on pense que les Allemands nous ont repéré, les obus viennent tomber dans les tranchées où nous sommes, nous avons un blessé mais d’où je suis je ne peut pas me rendre compte de ce qui se passe en arrière, nous arrivons à 4 à la fin du boyau, je fais arrêter les hommes car d’où nous sommes à la clairière il y a 100 mètres à découvert, ça me paraît un peu risqué mais je me met à courir et j’arrive à la clairière où après avoir reçu des ordres je fais déposer les planches dans les boyaux.

Je reste étonné de voir que sur les 30 que nous étions au départ pour faire ce travail, nous ne sommes que 8 à y être arrivé, les autres n’ont pas réussi à passer a cause des obus, ils sont rentrés à la grotte. Ma mission est terminée, moi aussi avec les autres nous rentrons à la grotte.

Quelques artilleurs décident de coucher avec nous.

Mercredi 13 Janvier 1915 :

Réveil au bruit du canon, les Allemands bombardent nos tranchées et brisent en même temps les quelques fortifications que nous avons construit, arrivent aussi des grenades, nous voyons revenir la 4ème section qui a passée la nuit dans le bois puisque ont pensait a une attaque.

Une corvée est désignée pour aller nettoyer les boyaux mais c’est impossible de tenir, ils reviennent, notre canon de 75 répond à toutes les attaques jusqu'à ce que nous n’entendions plus rien, les artilleurs ont du battre en retraite.

Il est 10 heures 30 lorsque nous voyons arriver un capitaine d’artillerie, il est affolé, il nous dit que notre première ligne est prise par les Allemands, nous devons y aller, nous nous équipons à toute vitesse et nous partons pour les tranchées, quand nous quittons la grotte, il est 11 heures.

Nous rampons dans l’eau et la boue, les obus explosent tout dans nos tranchées on ne se rends même pas compte de ceux qui restent sur place.... on avance, nous voilà dans la tranchée de première ligne, les casques à pointes sont à moins de cent mètres, nous n’en revenons pas, ils sont juste derrière notre dernière tranchée, ils avancent en colonne par 4, en tirailleurs, nous ouvrons le feu, c’est terrible, ils ne s’attendaient pas à ça, affolés, ceux qui ne tombent pas sous les balles se jettent dans les tranchées où dans les trous qui se trouvent à coté d’eux.

 

De notre coté chacun trouve une place pour tirer, je suis à coté de 2 chasseurs Alpins qui n’ont pas réussi à trouver un créneaux, ils me chargent tour à tour leurs fusils... je tire. A mon avis la tranchée qui se trouve en face de moi doit être bouchée car à chaque instant, les Allemands montent dessus pour aller de l’avant, à chaque fois que j’en vois un, je tire, et il disparaît aussitôt, sans pouvoir être certain de mon tir, je ne pense pas qu’il soit si mauvais que ça, quelques instants après plus personne ne monte sur la tranchée...

 

Pendant que tout ça se passe, les Allemands ne perdent pas leur temps, ils nous encerclent de tous les cotés, du coté de Moncel, sur les hauteurs de Buçy, et par la ferme Montagne, bien entendu, nous nous rendons compte de rien, nous continuons de tirer sur ceux qui viennent vers nous, nous comprendrons plus tard que tout cela n’était qu’une diversion.

Il est à peu près 13 heures 30 lorsque le Capitaine Girol vient dire au Commandant de Compagnie d’envoyer un gradé chercher des cartouches à la grotte, bien entendu, c’est moi qui suis désigné pour cette mission et  je dois faire le plus vite possible pour revenir.

Je m’apprête à partir lorsque nous apprenons que notre sergent major vient d’être tué, nous n’arrivons pas à le croire, je veux en avoir la preuve.... ça n’est pas très difficile, il est à quelques mètres de nous, le pauvre a reçu un éclat d’obus en pleine tête, sa cervelle est sortie, il n’y a plus rien à faire. Cette vision ne me fait pas oublier ma mission, je rassemble quelques hommes de ma section et nous quittons la compagnie pour faire le plus vite possible.

Tout cela sans savoir ce que nous allions découvrir, tout au long des boyaux, des cadavres, que des cadavres, une véritable boucherie qui n’est pas sans nous rappeler le terrible combat de la Marne.

Après bien des difficultés nous arrivons dans un boyau situé à l’horizontal par rapport à l’entrée de la grotte, nous pouvons voir de là, tout Moncel et Buçy et, tout un régiment d’Allemands arrivant en masse sur l’entrée de la grotte.

 

Pensant que nous pouvions nous replier par les boyaux, ils arrivent de tous les cotés, nous prenons à toute vitesse nos papiers, quelques cartouches, faisons un ballot avec quelques affaires que nous ramassons mais, c’est trop tard, les Allemands sont là, devant nous, à l’entrée de la grotte, il nous est impossible de tenter quoi que ce soit, ils nous ordonnent de nous déséquiper et de mettre bas les armes, ils n’ont pas l’air trop agressifs, ils nous groupe 4 par 4, nous demande de vider nos poches et de jeter par terre tout ce que nous pourrions avoir comme objets allemands, nous devons également nous séparer de nos couteaux, un gradé parlant un peu le français nous annonce une fouille, et nous menace de mort dans le cas où une arme serait découverte.

 

Nous attendons.....

 

Un Allemand me donne un morceau de pain ainsi qu’un morceau de saindoux et 2 cigares, les bruits qui nous arrivent de l’extérieur nous font penser que ça barde dur, tout à coup, une contre-attaque française arrive, ils nous font sortir de la grotte, il est 14 heures 30, le spectacle est horrible, combien de nos camarades sont là, morts, et pourtant nous ne pouvons pas nous arrêter, nous passons à coté du tas de fumier, nous devons monter sur le terrain, un instant je pense que tout est terminé, qu’ils vont nous tirer dessus, rien ne se passe, nous continuons de marcher.

Leur organisation n’a rien à voir avec la notre, il faut bien le reconnaître et nous sommes bien placer pour le constater, leur artillerie arrive à toute allure, se place sur le plateau, un Allemand a sur son dos des fils télégraphiques qu’il déroule au fur et à mesure qu’il avance, le service sanitaire suit le mouvement, tout cela nous semble incroyable.

Nous nous dirigeons vers Vregny dans des boyaux plein de boue, c’est avec beaucoup de peine que nous y arrivons, nous n’y restons que quelques instants, nous repartons en direction d’Anisy le château, quelques balles nous sifflent encore aux oreilles, des balles perdues, sans doute.

Nous passons devant beaucoup d’Allemands avant d’arriver à Anisy, c’est là qu’est leur quartier général, à l’heure Allemande il est 5 heures, 4 heures Française, cette heure nous ne sommes pas près de la revoir, il faut lui dire adieu et nous ne savons pas pour combien de temps, maintenant nous sommes en Allemagne.

 

              A la porte du château nous voyons des femmes et des enfants qui pleurent en nous voyant arriver, nous ne comprenons pas trop pourquoi, un peu plus loin c’est un officier Allemand qui donne une gifle à un de ces soldats, là non plus, nous n’aurons jamais de réponse à ce geste, nous restons une bonne heure dans ce château, de nouveau on nous fait remettre 4 par 4 et, escorté par des hussards de la mort et quelques soldats allemands nous prenons la direction d’Anisy Pinon.

            Sans n’avoir rien mangé de toute la journée nous arrivons à Anisy à 20 heures, on nous conduit à une usine où nous nous écroulons de fatigue.

          Nous n’avons plus à craindre ni les balles ni les obus mais nous ne savons pas ce qui nous attend dans notre captivité, ni le temps qu’elle va durer.

                      Après avoir trouver un coin pour me coucher, je m’y installe et je tombe de sommeil après cette terrible journée.          

   

Fin du Carnet

 

 

Thomas GASTON a donc été fait prisonnier le 13 janvier 1915 à 14H, et interné à LANGENSALZA ; camp principal de prisonniers situé dans la province de Saxe, près d'Erfurt.

Les prisonniers y subissent deux épidémies de typhus exanthématique (l'une d'entre elles en Avril 1915), celles-ci seront la cause de nombreux décès parmi les prisonniers.

 

 

 

 

 

Lire les détails des combats pour la ferme de Nogeon qu’a vécu Thomas GASTON les 7 et 8 septembre1914

Lire le détails de la bataille de Crouy, en janvier 1915, au moment où Thomas GASTON fut fait prisonnier

 

 

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