Préambule
Les feuillets
déchirés de carnet de lettres, le plus souvent écrits au crayon ont été
transcrits aussi fidèlement que possible.
Du 6
avril au 5 décembre, ils sont de l’écriture de notre mère, Mademoiselle Jolly,
qu’il a connue employée des postes à
Un
soldat au front n’avait pas le droit de tenir un journal susceptible de
renseigner l’ennemi.
Les
autres feuillets ainsi que les lettres sont de son écriture.
Je
souhaite que nos petits-enfants, s’ils lisent un jour ces lignes, se
souviennent et comprennent la valeur du « petit trésor de guerre »,
multiples travaux effectués dans les tranchées.
S’ils
doivent s’en séparer, je souhaite que ce ne soit pas au profit d’un brocanteur,
mais d’un musée.
Pour
toute recopie , même en partie, de ce carnet, me contacter
Jean
Ghys, 2010
Sommaire
1915 : Le Départ, secteur de
Fresnes-en-Woëvre, puis secteur nord de Reims, Le Godat, La Neuville
Récit de l’attaque du 16 avril
1917
Préface
La mobilisation a été décrétée le premier août 1914.
Il rejoint la caserne le 3 août, caserne Vincent à Valenciennes ;
le 23 août, il est souffrant fiévreux et couché, mais l’ennemi est signalé à
Il est des derniers à partir par le train vers Bouchain, Arras, Amiens,
Rouen du 24 août au 4 septembre, au milieu d’une excitation générale, drapeaux,
encouragements de populations, libations et gâteries.
Embarqué le 4 septembre pour Le Havre et là sur le
« Tamatave » pour la Palisse où il débarque après une traversée assez
pénible.
La Rochelle, Niort, Saint Sulpice, Guéret, le 11 septembre, puis le
camp de la Courtine.
Durant toute cette période, il n’est question que d’exercices en
campagne, rencontres de connaissances, rumeurs imprécises et de bonnes choses
qu’il pouvait se mettre sous la dent.
Le 10 octobre, une demoiselle des PTT, Mademoiselle Marie-Louise Jolly
confectionne deux chaussons et un plastron pour son frère Georges, fait
prisonnier sur son lit d’hôpital.
Les premiers détachements quittent la Courtine les 19 et 27 février,
son tour vient le 28 mars 1915.
Le
journal de campagne
Guéret.
On décore un
officier du 1ier régiment d’infanterie, quartier libre, une carte de
Georges.
Arrivée de
la Classe 1916, on change de cantonnement, mess près du jardin public.
A 7 heures,
j’apprends que je suis désigné pour le prochain renfort.
Je viens de toucher
mon fourniment, pantalon de velours, belle capote.
Reçu des
nouvelles de Saint-Amand.
Mon père va
tous les jours au jardin, très triste de ne pas avoir de nouvelles. Le pain
fait défaut.
La troupe
coûte 180 000 à 200 000 francs pas mois. On a tout réquisitionné, blé, avoine,
bestiaux ; légumes abondant, semailles partout.
Aéros alliés
ont fait sauter un important parc à munitions situé dans un faïencerie et ont
essayé de faire sauter le pont de chemin de fer sur la Scares.
Mes proprios
m’ont placé des galons postiches, offert du chocolat et une petite médaille
porte-bonheur. Laissé mes effets dont je n’ai pas besoin à Georges Jolly.
Départ de Guéret à 7 heures du matin.
Réunion sur
la place Bonnaud. Remise des correspondances à la gare.
Une lettre
de madame LUAT. Bonnes nouvelles de paps et maman.
Passons à Saint-Sulpice, Saint Sébastien, Châteauroux (belle petite ville).
A Issoudun, les hommes aperçoivent
des prisonniers boches et s’élancent dans leur direction, les uns parlent de
les zigouiller, et finalement leur donnent des poignées de mains ; les
boches rigolent, le train repart, très long.
Il y a
quatre détachements (33ième, 73ième, 43ième,
127ième). Passons en gare de Charost,
Saint Florent, Bourges ; On voit passer le 417ième avec des
dragons, Nevers, Montchanin, (nous faisons le café), Beaune, Nuit-Saint-Georges
(Côte d’or), à Port-Neuve
arrêt au passage à niveau, j’achète du pain, des provisions. Dijon, (ville
propre et gentille), Is-sur-Tille,
une heure d’arrêt, j’en profite pour recoudre mes boutons et faire un bout e
toilette à la pompe.
Longeons la
Meuse, Hacourt (Haute Marne),
joli paysage, Neufchâteau, Bar-le-Duc
et Dugny près de Verdun à 7 h 50, le matin, après 48 heures de voyage.
Nuit pluvieuse
et froide.
Affecté à la
10ième compagnie.
Un ballon
captif près de nous. Je rêve des amis de la Courtine.
De la côte
où nous sommes, nous voyons exploser les marmites de 320 et évoluer nos troupes
à une distance de 3 à 4 Kms.
Fresnes-en-Woëvre.
La maison où
nous logeons a été occupée par les boches (cartouches, boites de conserves)
avons bouché avec du linge les trous
d’obus dans les murs.
Aux
tranchées, à quelques centaines de mètres des boches ; gourbi confortable,
mais trop bas de plafond.
Hier les
boches on bombardé le village et abattu un clocheton. Plus un habitant civil.
La chandelle toute allumée est tombée dans la soupe, nous l’avons quand même
mangée de bon appétit.
Une carte de
Georges du 9 février.
L’enseigne
du gourbi est « 77, hôtel des marmites de 205 »
Hier soir,
fausse attaque boche, les obus sifflaient.
Partons pour
Sainte-Ménéhould en camion auto. (*)
Il fait
froid.
J’ai visité
à Verdun le hangar aux dirigeables.
Un homme
trouve un accordéon, bien vite il passe de la Veuve Joyeuse à Margot, polka,
mazurka, etc… Hier soir un taube a été descendu près d’ici.
Il nous
arrive un renfort de Guéret.
(*) C’est exact, le régiment quitte le secteur
de Verdun à cette date pour le nord de Reims
Gueux,
près de Reims, joli petit village resté deux jours aux boches. 17 heures de
chemin de fer, temps froid, logés chez de braves gens.
Suis aux
tranchées depuis hier soir 11 heures.
Les boches
sont calmes, secteur tranquille. Nos prédécesseurs nous ont laissé des
provisions et la note suivante :
« Les poilus du 5ième aux amis du 127ième
qui ont l’honneur de nous remplacer dans le secteur. C’est avec regret que nous
laissons ce coin de la terre française où depuis 8 mois nous avançons pas à
pas. Soyez les bienvenus et comme vos frères d’armes faites vous respecter des
boches ; Certains d’être bien remplacés, courage les gars du 127ième,
soyons braves, la délivrance est proche »
Nos aéros
ont survolé les lignes boches, mais un taube a du faire demi-tour sous nos
obus.
Je quitte la
« Villa de Rêve » et le banc que j’y avais installé. Nouveau logement
moins spacieux, moins bien aménagé.
Vu hier un Amandinois du
140ième resté 15 jours dans les lignes boches et parvenu à rentrer
dans les nôtres à sainte Ménéhould.
Les taubes
font demi-tour sous le feu de nos mitrailleuses tandis que nos avions avancent largement
au dessus de leurs lignes. Une lettre de Bailleul ; Anglais et Allemands
concentrent de troupes énormes, on s’y bat fort.
On soufre
surtout du manque d’eau, pas moyen de faire un bout de toilette.
Ce matin, à
l’aide d’une baïonnette j’ai fait quelques trous dans une boîte de singe et à
l’aide de bois cassé très mince, ai réussi à faire chauffer le café sans risque
de se faire remarquer par les boches.
Fortifions
les tranchées au moyen de sacs de terre, fil de fer ronce, etc…
Cette nuit,
petite attaque à notre gauche sans résultats, pas un coup de fusil, notre 75
les arrête net. Il a plu beaucoup cette nuit. Au moyen d’une bâche, je fis un
trou d’un côté d’un boyau, le nettoyai et quand il fut plein, j’ai pu enfin me
laver à grande eau, heureux comme un canard ; mes camarades, surpris de
voir mon teint frais ont suivi mon exemple et ça dans le même jus.
Sommes à
Souvent la
journée s’achève vide et une fois la nuit tombée, c’est l’heure où un frisson
d’activité remue nos tranchées. Quelques coups de feu dans l’air brumeux, à la
hauteur d’un canal qui se trouve à notre gauche, mais ce sont des coups isolés,
capricieux, puisque chaque nuit nous renforçons et aménageons nos tranchées.
Parfois des
patrouilles se rencontrent et alors nos hommes engagent une fusillade plus
nourrie, plus serrées, plus soutenue, puis c’est le calme.
Partons au
repos pour quelques jours.
Il a plu,
sommes dans l’eau jusqu’à mi-jambe et un épais brouillard. On se perd dans
toutes ces bifurcations.
Suis allé
faire la corvée de bois avec mes hommes, orage épouvantable, muguet en
quantité.
Un colis
venant de Marie Thérèse ; ce matin, un de nos avions a descendu un
aviatick qui survolait le village ; les ailes du boche étaient en compote.
Dîner
succulent « potage vermicelle, bœuf, carottes, asperges d’Hermonville,
radis, fromage, confitures, biscuits, vin, champagne, café. Les asperges se
paient 40 à 60 centimes le kilo ».
Reçu une
carte de Gueux.
Avait chargé
les personnes chez qui je logeais d’expédier un colis à Georges.
Suis à 3 Kms
des boches. Lits faits en grosses branches et toiles métalliques à
compartiments.
J’habite le
1ier avec un copain ; deux sergents sont au
rez-de-chaussée ; un ami joue de la mandoline.
Ce soir,
revue, je vais me préparer.
Concert sur
la place !
La sainte
Griele Jeanne (valse), fantaisies sur Ligurd, l’Arlésienne (farandole), Sambre
et Meuse pour finir. C’est égal, si les boches savaient ce rassemblement, ils
seraient contents de nous canarder. Mes camarades sont rongés de vermine, me
suis protégé par le camphre.
Bon dîner,
filets de harengs, omelette aux œufs frais, escargots, asperges de Pévy, rosbif
froid avec salade, confitures, vin, biscuits, café.
Suis à 2 kms
du front, on entend le canon au loin.
Reçois une
lettre d’un camarade de la société de football, mes parents me croient à Guéret.
Toujours au
repos.
A 9 heures,
on nous réveille ; Les boches viennent d’attaquer à Berry-au-Bac. Il faut se préparer pour le départ. A minuit,
on nous dit d’attendre les ordres. Nous nous endormons, les sacs sur le dos. Il
fait froid, je déniche une couverture de rabiot. Fatigué, je m’endors d’un
sommeil de plomb. A 4 heures, réveil, on part, on fait une marche. A 8 heures,
il fait déjà très chaud et « Azor » est lourd. Rentrée au
cantonnement à 10 heures.
Toujours à Pévy, pays des asperges, il
paraît que nos troupes avancent dans la direction de Lens. (*)
(*)
La bataille d’Artois a commencé. Voir la description de cette offensive sur mon
site >>>
ici <<<
Un ami de
Paris m’apprend la disparition du fiancé de la cousine de Berthe. Nous partons
vers Berry-au-Bac, à l’ouest
de cette localité.
Arrivé au
cantonnement à 11 h 30 ; j’étais patraque.
Dans un
bois, du muguet en quantité. Nouvelles tranchées larges, les gourbis sont moins
confortables, villages d’alentour complètement rasés.
Notre gourbi
porte le nom de « Villa Belle Vue », son nom est incrusté dans la
craie.
Des 75 et
des 77 en guise de vases pleins de muguet. Un taube passe au dessus de nos
lignes, lance des fusées. Il n’a que le temps de faire demi-tour sous le feu de
nos mitrailleuses.
Mon
adjudant, un charmant garçon dont les parents habitent Buenos Ayres, était
parti simple soldat à la mobilisation (classe 1913) est déjà adjudant et décoré
de la Médaille Militaire par le général Joffre.
Cette nuit,
un semblant d’attaque sans résultat.
Nos réseaux
de fil de fer, ce matin étaient intacts ; Une carte de Georges, changé de
camp. Il en a reçu une de Berthe ; Nos parents vont bien.
Les chiens
sont toujours là, Paps a déplanté les arbres du jardin.
Cette nuit, j’étais désigné pour la patrouille.
De 9 heures
à 10 heures 3 attaque à notre droite.
Vive
canonnade.
Silence
complet pendant 5 minutes, puis le combat reprend. Il paraît que les boches ont
perdu 2 tranchées et veulent les reprendre.
Même attaque
3 jours de suite au même emplacement sans résultat, vite enrayée par notre
artillerie. Il paraît que nous pourrons correspondre avec les régions envahies.
j’écris à
Georges. Avons des rats gros comme des lapins et en nombre comme des fourmilières.
Les hommes leur font la chasse avec leur baïonnette.
Préparatifs
de départ. Allons au repos.
Ai conduit
de matin les hommes à la visite.
Revue
d’armes.
Un capitaine
décoré de la Légion d’Honneur et un infirmier de la Médaille Militaire. Quelques
heures de marche et sommes au repos.
Dîner
succulent : bouillon de bœuf, pommes de terre, sardines, pain de
boulanger, vin, biscuits, café et aussitôt sur le flanc. A 3 h 30, je me
réveille, me fais raser, fais ma toilette.
Je pense à
la Pentecôte chez moi, les années précédentes.
On décore
deux braves, on défile devant le colonel, la musique joue Sambre et Meuse.
La
Pentecôte, triste pour cette année.
Suis dans un
petit village de la seconde ligne.
Un renfort
arrive de Guéret.
Reçu des
nouvelles de Georges, il a reçu ses colis du 28 mars et une carte de
Saint Amand.
Tous vont
bien ; J’apprends que l’Italie a déclaré la guerre à l’Autriche.
Ce matin,
douche, théorie sur les gaz asphyxiants, 2 heures de revue d’armes et 4 heures
de revue d’effets.
On nous
distribue des colis offerts par le Touring Club de France.
On nous
distribue des masques contre les gaz asphyxiants.
Revue en
tenue de départ pour la tranchée.
Hermonville,
la tranchée craie, litière de grande herbes coupées dans les fils de fer
barbelés. Ai expédié hier colis à Georges ;
Cette nuit,
ai perdu ma baïonnette étant en mission.
Nouvelles de
Georges. Reçois tout assez régulièrement.
Ce soir,
patrouille.
Avons reposé
piquets de fil de fer et coupé de grandes herbes qui font une bonne litière.
Nos avions et notre 75 ont chassé un taube et les notre peuvent aller inspecter
au dessus de leurs lignes.
Revenant de
patrouille, j’allais rendre compte de ma mission à mon capitaine de section,
j’entends « halte là ».
Une
patrouille boche qui suivait s’est fait arrêter par nos sentinelles.
Puis un
moment après ils sifflent d’un air de dire « Venez donc ! Pas de
bobo ! Allez arrive ! Viens donc ! Viens va ! »
Je cours
dans la tranchée pour essayer de distinguer, mais rien, on n’y voit pas. Le
boche a le culot de crier « Kamarad » puis un moment après
« Messieurs les franzais, vot’Kapitaine y est là ! », un coup de
fusil et le silence complet.
Ils ont eu
peur qu’on les capout et ont fait demi-tour par principe.
Sommes très
ennuyés par des rats énormes et en grand nombre. Ils ont eu le culot de manger
jusqu’au pain qui était dans ma musette.
Passé ce
matin une petite revue ; Tout va bien, à leurs loisirs, les hommes se
fleurissent, font des dessins dans la craie.
Sommes au
repos pour quelques jours à Hermonville
Fait la
connaissance du Commandant des Pompiers, charmant. Avons fait manœuvrer la
pompe.
Cette nuit,
alerte. Le feu était aux environs. Je cours à la pompe, mais ce ne fut qu’un
commencement d’incendie sans importance.
Ce matin,
plusieurs aviaticks ont du faire demi-tour sous nos obus.
Revenu dans
les tranchées. Sommes un peu plus à droite. De là nous distinguons le fort de
« B » (*)
(*)
Il s’agit du fort de Brimont. Le régiment se trouve dans le secteur du
Luxembourg, au nord de Reims.
j’ai eu de
nouvelles d’un ami du 327ième qui est dans l’Argonne ; on dit
que la guerre peut durer longtemps encore. Ai accompagné les corvées avec du
matériel.
Calme.
Hier, à note
droite, un toute petite fusillade où il est resté quelques territoriaux. (*)
(*)
Il s’agit du 75e régiment territorial
Mon gourbi est
très bien aménagé, un petit château. Les hommes ont trouvé des outils boches.
Sommes à 3 Kms d’Hermonville,
à 17 Kms de Reims.
Suis au
repos à 3 Kms de nos lignes. Couché dans un bon lit dans un villa abandonnée
Carte tirée du Journal des Marches et Opérations du 127e
RI.
Le régiment tient les secteurs entourés de rouge
Ai fait un
colis à Georges contenant conserves et tabac. Le village est bombardé de façon
systématique tous les soirs après 5 heures.
Les maisons
rasées les unes après les autres.
J’ai touché
un pantalon de velours bleu avec passe poil jaune.
Visite des
gourbis installés par des territoriaux. Rien n’y manque : meubles,
vaisselle, carrelage céramique portent les noms de Villas Bel Accueil, Villa
des Roches…
Un de mes
anciens caporaux reçoit la croix de guerre.
Dans les
tranchées un peu plus à gauche de mon ancien cantonnement.
Ai envoyé un
colis à Georges par l’intermédiaire des amis de Villers-Franqueux.
Reçu les
félicitations du Colon sur la bonne tenue de ma tranchée et les travaux de
défense.
Avons un
déserteur boche.
Il paraît
que beaucoup voudraient se rendre, mais ils ont peur qu’on leur tire dessus.
Leur avons porté des journaux français et une lettre leur expliquant, en
français et en allemand, qu’il peuvent se rendre sans danger.
Dernièrement,
on a lancé un drapeau italien en face de leur réseau de fil de fer et il flotte
encore. Si jamais ils veulent l’enlever, on a disposé un système avec des bombes
pour les faire sauter.
Il paraît
qu’on donne des permissions. J’espère aller à Reims et à Paris.
Cette nuit
les boches sont venus nous rendre le tour que nous leur avions fait. Ils ont
déposé un paquet de journaux à une compagnie voisine.
Somme juste
en haut du fort de Brimont
d’où ils bombardent Reims et la cote 108.
J’ai fait un
lit fait de 4 piquets mis en terre sur lesquels j’ai tendu une toile
métallique. C’est moins froid qu’à terre et puis bien dans le sac à viande et
roulé dans la couverture, je ne crains pas les rats.
De l’eau à
torrent.
En certains
endroits, l’eau atteint
Quelques
camarades étaient allés s’amuser à l’arrière. Ils ont rapporté un bon verre et
des biscuits.
Ils se
disposaient à porter aux boches un drapeau français avec quelques inscriptions,
mais la nuit très noire et une grosse averse les arrêta.
Sommes
passés cette nuit en 2ième ligne ; pluie abondante,
Le long de
la route des chevaux ont été tués. Les boches avaient vu nos batteries défiler
au galop et ont tiré. Cantonnement dégoûtant, sommes allés chercher de la
paille dans un champ pour nous coucher.
Bien dormi
quand même.
La musique
que nous avions entendu le 14 juillet nous réveille au son de la Marseillaise,
Sambre et Meuse, Brahms…
Suis pour 4
jours au tir dans un bois ; douches au château près d’ici. Nous nous
exerçons à abattre des casques boches en papier, essayons des pétards pour
faire éclater la pierre.
Un camarade
du 43ième a été légèrement blessé à la main. J’ai en plus du masque,
des lunettes en caoutchouc avec verre en mica jaune.
Me voilà de
garde au fort de Saint-Thierry,
j’ai revu en venant dimanche Villers-Franqueux.
Hier
Monsieur Poincaré est venu visiter l’ambulance près de nous.
Le
Médecin-Chef m’a fait visiter le château, le parc.
Un Général
est venu et nous a félicités.
J’ai déjeuné
avec les artilleurs du fort.
Bons
copains.
Hier soir
étant au travail, avons reçus l’orage et une grosse averse. Trempés jusqu’aux
os.
Revu mon
ancienne villa de Villers-Franqueux
habitée maintenant par un lieutenant. Ai dîner avec les artilleurs :
nouilles, rosbif, frites, vin à discrétion, café.
J’ai vu
tirer leurs grosses pièces. Avec leur appareil de précision, je distinguais des cavaliers à 2 Kms et la
cathédrale de Reims.
Ai examiné
les positions boches ; maintenant, je puis aller en patrouille, mais ils
ont de rudes travaux de défense, il sera difficile de les déloger.
J’ai une
nouvelle vareuse en drap bleu clair.
Hier, avons
eu dans notre secteur un déserteur boche. Il paraît qu’ils sont mal nourris et
ont peur que nous les attaquions, pourtant il avait la croix de guerre.
Les
artilleurs ont semé la salade sur leurs abris.
Théorie sur
les gaz asphyxiants.
Le colon dit
que cela démoralise beaucoup les troupes. Il revient de permission, vu de
généraux qui lui ont dit qu’il devait être prêt à commander le 127ième
, il est le premier de la division. Irons nous reposer un peu à l’arrière, nous
sommes réellement fatigués.
Ce matin, un
avion boche a voulu passer nos lignes, mais a du faire demi-tour avec du plomb
dans l’aile.
Hier j’ai
joué au football avec un lieutenant artilleur. Nous quitte ce soir pour aller
au repos à l’arrière.
Coulommes,
logeons chez un maçon, couchons dans le grenier.
Outils en
abondance. On s’organise ; tout est propre.
La femme
nous fait la cuisine. On a une jolie petite salle à manger, des jeux à notre
disposition.
Revue du
lieutenant et du commandant.
Félicitations.
Ai bu un bon bol de chocolat et pris une bonne tartine de beurre.
Revue du
colonel.
Tenue de
campagne.
Décorations.
Allons travailler à quelques kilomètres.
Ventelay.
Marche
pénible de 6 h à 14 h, malades, traînards, cafards. Nous ne devons plus
cacheter nos lettres ; souffrant ces quelques jours ; cafard.
Cormicy
(Marne). Une grosse marmite est tombée près de moi, n’ai rein eu.
Le Préfet du
Nord fait demander les noms des hommes des régions envahies. Il paraît qu’on va
leur donner 5 jours par mois.
Reçu mon
hamac, très bien dormi, me suis bien reposé.
Suis dans
les mêmes tranchées que j’ai déjà occupées vers le 14 juillet à 2 kms de Villers-Franqueux à
Quelques
canonnades de part et d’autre sans résultat.
Ai été
souffrant quelques jours, vomissements, migraines.
En seconde
ligne.
En face, le fort de Brimont occupé par les
boches.
Gourbis très
confortable, jolies installations.
Cette nuit
en patrouille, ai fait un prisonnier, jeune Badois engagé volontaire au 113ième,
très crâneur. Refuse de donner des renseignements et persuadé des succès
allemands.
M’a assuré
qu’à Louchez ma compagnie a eu 88 tués en 3 jours.
Etait passé
trois fois à Valenciennes. M’a dit qu’ils ont eu quelques pertes le 22 dans un
duel d’artillerie, nous n’avons eu qu’un tué et un blessé et le soir un caporal
tué d’un coup de feu tiré à bout portant, bon garçon très courageux.
Hier un
taube a essayé de survoler nos lignes mais a fait demi-tour sous le deuxième
obus.
Tandis qu’un
des nôtres a survolé les leurs pendant 45 minutes et qu’ils lui ont tiré plus
de 1000 obus sans résultat. Petit duel d’artillerie, pais nous étions à l’abri.
Avons de
nouveaux casques en forme calotte de mineur. Il paraît qu’on va nous donner des
bérets avec ça.
De retour
aux tranchées du Godat.
Quelques activités des deux artilleries.
Nuit très
agitée.
Avons creusé
une nouvelle tranchée plus en avant. Vive canonnade de part et d’autre.
Obligé de rouspéter
pour faire sortir mon lieutenant de son trou.
Pas de
victime, un seul absent, mais a eu la frousse et s’est sauvé.
Cette nuit,
mon lieutenant a exigé que je me repose quelques heures, j’ai pu donc dormir.
Suis allé en
patrouille cette nuit, très agitée. Enfin sommes rentrés indemnes.
Sommes dans
un château autrefois occupé par un boche, en face le fort de Saint-Thierry.
Repos bien
gagné.
Le château a
reçu une grosse marmite cette nuit, avons du le quitter et aller camper dans
les bois. Grâce à mon hamac, j’ai pu me reposer un peu.
La Neuville.
Ma compagnie
retourne faire des travaux, je reste avec les hommes fatigués. Avons pris deux
tranchées boches dans notre secteur.
De retour
aux tranchées.
Grande
activité : avions, artillerie.
Après de violents canonnades, ralentissement dû sans
doue au mauvais temps. Des boches hier ont fait signe qu’ils voulaient se
rendre.
Un sergent
de notre tranchée veut leur faire comprendre de venir sans rien, mais une balle
le tue. Le lendemain, ils ont essayé le même coup, cette fois on leur a envoyé
une bombe qui en a tué 8, les autres se sont rendus.
Sommes au
repos à Cauroy-les-Hermonville,
13 habitants, une femme, 12 hommes, bon logement.
Dormi
jusqu’à 6 h ce matin, corvée de bois, toilette, bon repas : soupe grasse,
rôti de bœuf aux pommes, tripes en conserves, poires cuites au vin, petit
beurre, café, liqueurs.
Quantité
d’avions revenant de la direction du nord.
Pour se
venger les boches bombardent le village. Aucun dégât.
De retour
aux tranchées, avons progressé.
Il faut se
creuser de nouveaux trous.
Au travail,
nuit et jour, suis maintenant confortablement installé, logement à deux mètres
de profondeur, porte, lucarne, une botte de paille, mon camarade et moi, banc,
table.
Permissions
établées à partir du 13, cela m’encourage.
Un de mes
hommes a eu les jambes abîmées par des grenades. Le plus embêtant sont celles
qu’ils tirent avec leur fusil, on ne prévoit pas où elles peuvent tomber.
Un collègue
veut acheter un Kodak. Je lui ai trouvé une occasion, un camarade qui m’a
photographié.
Je l’ai
accompagné chez lui où j’ai pu faire ma toilette comme il faut. Puis un bon
repas avec les camarades mais n’ayant pas de quart, j’ai du boire dans le
couvercle d’une marmite.
Un camarade
adjudant (un Lillois) est venu me demander une place pour 4 jours. J’ai donc un
bon compagnon, le temps paraît moins long.
Au repos
pour quelques jours près de Cormicy.
Sommes
installés dans une maison inhabitée. Lits faits de toile métallique et paille
au fond de la pièce.
Une autre
pièce devant nous sert de salle de réunion. On a bouché les fenêtres avec des toiles
de tente pour tamiser la lumière.
Ce matin, je
suis allé à l’exercice dans un bois où en mai, j’ai cueilli du beau muguet,
déjà les feuilles sont toutes tombées.
De retour
aux tranchées.
Mon gourbi
occupé par un adjudant qui ne veut pas déguerpir, discussions, arrangements.
Au repos,
même logement que précédemment ; bon lit de paille fraîche.
A quelques
100 des premières lignes, le long du canal près d’Hermonville.
Je me suis
fait un réchaud dans un vieux fond de képi.
Mes hommes
sont tout heureux d’avoir une bonne tasse de thé chaud ;
Rencontré le
lieutenant du 43ième qui était à la Courtine.
Relevés des
tranchées hier soir. Ai pris une bonne douche.
Visite généraux,
bon repas.
Deux cartes
de Georges.
Etait depuis
longtemps sans nouvelle.
Rencontre
d’un groupe d’Amandinois. Un camarade nous a photographiés.
J’ai un bon
manteau en tissu caoutchouté (d’anglais) très pratique.
Bon nombre
d’accros français et ennemis, hardiesse de nos pilotes.
Permission
Hermonville
Tranchée
devant la route 44 vers le Luxembourg
et jusqu’au 20 janvier à l’ouvrage « Arcole ».
Hermonville
jusqu’au 23 janvier.
Tranchée
« Marengo ».
Hermonville.
Tranchée
« Arcole »
Nous sommes
au bois d’Hermonville. On
lance les gaz (mais Marcel Hutin dans l’Echo de Paris dément).
A voir ça,
les journaux vous dégoûtent.
Prouilly.
Vitry-le-François.
Départ en
auto pour Verdun.
Verdun,
débarquement à regret.
Caserne
Thierville. Travaux de défense la nuit autour des forts avec outils vermoulus
sous les bombardements.
Départ et
occupation de la 2° ligne.
Bombardement
épouvantable.
Gros noirs.
On prend les
premières lignes à
Nuit
épouvantable, tranchée d’approche, patrouille, grosse pertes, pas d’abri. On a
rien à croûter. On nous envoie du manger gelé comme les hommes, on ne peut
qu’absorber de la gnole.
Le rata et
le plat ne font qu’un.
Gelée
terrible.
On touche de
l’alcool solidifié.
Je fais
chauffer un peu de vin chaud. Bras est bombardé à outrance. Les chevaux et
bêtes de toutes sortes périssent dans les étables.
Nos
morts ? On ne peut les enterrer faute de temps.
Impossible
de creuser, c’est toujours de la pierre.
Les artilleurs
ayant perdu leurs pièces, on les oblige à aller les reprendre sans chevaux. Les
boches nous ont pris pas mal de 75 et ils nous tirent dessus. Je vois les
trajectoires d’obus, c’est à ne pas croire. L’obus rouge au départ jusque
presque dans sa chute.
Avec ça, le
fort de Monfaucon tire trop court et c’est nous qui recevons.
On est
complètement découragés, le froid, les pertes et les bombardements…
Si seulement
on y voyait la fin.
Un
bombardement continuel. Douaumont et le Ravin de la Mort sont à notre droite.
Eux aussi
prennent quelque chose !
Nous perdons
notre capitaine Delcourt (*), lui si bon, je ne l’ai jamais vu punir un homme.
Ah si
seulement nous étions relevés. Je suis commandé pour la corvée de matériel,
ronde, fil de fer barbelé, etc. Pour passer le barrage, il faut hésiter,
attendre ; il sera peut être trop vite ou trop tard car les obus pleuvent
en route.
C’est la
descente de la Côte sans voir clair au milieu des trous, des branchages. Je
suis blessé avec quelques hommes, des tués nous n’en parlerons pas.
Je prends un
blessé sur mon dos. Je suis légèrement touché au bras.
Mais mes
pieds me font terriblement mal. Nous rencontrons un poste de secours qui est
installé au fond et une bonne cave.
Nous nous
apprêtons à y descende croyant être sauvés, mais déjà on nous demande
« Quel régiment », « le 127ième »,
« Plus
loin ! ».
Enfin,
encore une lanterne nous indiquant un poste de secours.
Mais tout de
suite :
« Quel
régiment »,
« Le
127ième »,
« Au
dessus, ici c’est le 43ième ! »
Enfin, peu
après nous sommes sur des civières au fond d’une cave, on me panse, Camille
Beaurepaire, médecin au 43ième, vient me voir et me donne courage.
Etant gradé,
je n’irai pas loin, à l’infirmerie à Thiéville
où l’ami Campion me consolera. Je suis logé dans une belle petite maison sans
étage où une suspension à pétrole m’éclaire.
Je me
retape, de bonnes nuits, les pieds dans la ouate, car j’ai les pieds gelés.
Je reste
donc du 7 au 22 mars à Thiéville
pas loin de la grosse pièce d’artillerie installée sur rails.
(*) Il est tué d’une grenade à la tête. La journée du 5
mars, le régiment perd 120 hommes durent une contre-offensive locale (JMO)
Je rejoins
mon régiment au champ d’aviation où avec l’aide du petit Lucien, je réussis à
me faire un abri. Pendant ce temps, on la claque et Bonardel de Valenciennes avec quelques autres nous reviens
avec des madeleines de Commercy, des sacs de vêtements, de chaussures, de
pyjamas, etc.
Heureusement,
car on n’a plus rien à se mettre et beaucoup de beaux magasins brûlent.
Moi, je
dégote un beau pantalon, je n’ai que la bande à faire sauter, il était destiné
à un général…
Après quatre
jours, nous nous déplaçons encore pour rejoindre la citadelle de Verdun.
Oh !
ici, à la citadelle on ne craint rien, il peut tomber un 420.
Pourtant
j’ai vu des trous où on pouvait loger quelques maisons.
Mortier
Heiltz-le-Hutier ferme, bonnes personnes, envoi de colis à Georges et Malou.
Mont Saint
Féré.
Sergy.
Fears.
Oulches,
on va chercher des fraises avec Guichard.
Chemin des Dames.
Carte tirée du Journal des Marches et Opérations du 127e
RI.
Craonnelle
Peloton disciplinaire.
Tranchée d’évacuation, boyaux ; fête de
Départ en
chemin de fer pour l’Artois. Nous prenons position entre Bray et Maricourt.
Bois des Célestines à Sailly-Lorette.
On nage dans la Somme. Nous faisons des travaux, des claies, des gabions.
Nous sommes
à Maricourt dans des tranchées
bouleversées.
La nuit de
trous en trous d’obus on tombe sur des macchabées boches. Je fais une
patrouille avec 12 hommes.
Je manque
d’y passer. Il y a tellement un bombardement intense que l’on croit que tout
est éclairé. Je fais trois prisonniers des trois régiments différents.
Je les
conduis au Capitaine Verspirenne,
mais avant je les ai dépouillés de tout ce qui leur est inutile.
Je conserve
bouteillon et biscuits que j’empoterai en perm.
Le plus
jeune fait peine à voir en appelant toujours sa mère.
Moi j’ai
perdu pas mal d’hommes, entre autres les frères jumeaux d’Angers et les COA des
boulangers en ont vu de grises pour leur première.
On est sans
eau.
Il y a
tellement loin pour en avoir que les hommes qui partent avec les bidons ne
reviennent pas de sorte qu’à la section, il n’y a plus de bidon ou sont troués
par les éclats.
Heureusement
que j’ai des sels de Vichy. L’eau de macchabées, verte avec un paquet ne semble
pas si infecte.
Le jour J
approche et l’heure H.
Attaque.
Quel beau
spectacle de voir tous ces avions. Je n’en ai jamais vu autant.
Je me
retourne et vois en arrière les réserves qui nous suivent comme à la manœuvre.
Ca me rappelle les tableaux qui existent souvent pour montrer toutes les armées
en liaison.
Nous
avançons par vagues.
Les boches
perdent du monde, mais ils nous ont fait quelques pièges, leurs fameux trous.
Nous faisons
pas mal de prisonniers et avançons de
On devait
être relevé, mais rien à faire.
Il faudra
rester encore une longue nuit et une longue journée.
Nous voyons
la tranchée du chemin de fer et Sailly-Lorette
et le cimetière de Rancourt où
Bonardel avec son fusil
mitrailleur a fait tant de trous chez les boches qu’ils voulaient escalader les
gros arbres pour se loger dans les caveaux du cimetière.
Nous sommes
enfin relevés par le 1ier d’infanterie.
Quel
cauchemar en moins !
Nous partons
encore avec quelques camarades en moins. J’ai eu la chance d’en sortir, mais je
ne sais pas comment.
Nous allons
bivouaquer à Hardecourt.
Quel
froid !
Nous avons
dormi par terre, nous sommes raides au réveil. On préfère ça que d’être restés
là-haut.
Nous sommes
au Camp Gressain (Somme).
Je suis
joyeux, je vais partir en perm. Mais avant, il faudra encore faire la route
pour un autre voyage.
On désigne
tout de même les permissionnaires. Quelle chance, je suis dans le lot. Je fais
donc mon paquetage, je m’habille de neuf, prépare quelques souvenirs que j’ai
ramassé aux dernières attaques, mais, pan, pendant que j’ai le dos tourné, on
me chipe une belle carabine. Je n’ai pas le temps de faire des recherches pour
la retrouver, je préfère vite filer vers Amiens et m’éloigner de ces horreurs
que j’ai encore sous les yeux.
Et on part
vers la gare.
Nous voilà
près de la station, après une route boueuse, détrempée, de ces gros cailloux
blancs de la Somme, une fois qu’on allait pousser un gros soupir, voilà qu’on
vient nous annoncer qu’il faut faire demi-tour pour Hermilly.
Quelle
déveine !
Etre si près
d’Amiens et être obligés de partir pour ?
On n’en sait
rien.
Hermilly
– Logés dans une grange tout en désordre. J’ai donc repris mes frusques
dégoûtantes et reprendre un moral ignoble. Qu’est ce qui va encore se
passer ? Rien de bon sans doute, on a l’habitude, mais je finis de croire
que c’est toujours les mêmes qui sont dans la fournaise finalement.
On embarque
à Louilly pour une destination
inconnue.
Après un
voyage fatigant, on arrive près de Paris.
Si nous avions seulement la chance d’y être une journée.
Non, il n’en
est rien et nous finirons encore à rejoindre Noisy-le-Sec.
C’est encore
l’est en perspective…
Finalement,
en pleine nuit nous débarquons en Champagne.
Impossible
de savoir où nous sommes. On n’y voit pas à deux mètres.
Enfin, après
une longue marche, nous arrivons aux Grandes-Loges,
petit village.
Si c’était
pour y rester, il n’y aurait pas de mal, mais nous apprenons que c’est en
attendant de monter en ligne et que la marche sera très longue et fatigante… et
les côtes ne manquent pas.
Et moi qui
ai Azor (*) qui ressemble à un ballot de plomb,
mes culots d’obus et bagues, c’est du lourd !
J’aurais
bien envie de tout plaquer.
Au lieu
d’être dans un bon lit comme j’aurais dû l’être, je suis forcé de me contenter
de coucher sur le carreau.
Heureusement,
la température n’est pas froide.
(*)
Sac à dos du soldat qui contient tout le « barda », qui pèse 30 à
Au Grandes-Loges, on vient
m’annoncer de vite me préparer, que je pars en perm !
Je n’y crois
pas : avoir été si près et refaire le même chemin.
Enfin, j’ai
la preuve en main, je refais donc mes préparatifs et en route… La route ne me
semble pas si longue que la nuit.
Bien content
de m’éloigner encore pour une dizaine de jours ?
Si seulement
pendant ce temps l’armistice était signé !
Je passerai
donc une excellente permission.
Je verrai
tous les parents de Paris et Amiens et j’enverrai un colis au frère.
Je rencontre
quelques Amandinois à Paris qui me donnent des nouvelles de Saint Amand, mais
pas de ceux qui m’intéressent particulièrement. Après cette perm qui sera peut
être la dernière, le cœur bien gros, je rejoins mon régiment dans les
baraquements de Suippes.
Quel
secteur !
Tout est
démoli ?
Souain a
reçu quelque chose !
Le soir nous
prenons cette fameuse route de Souain
bordée d’arbres tout déchiquetés et prenons position dans les tranchées de
seconde ligne. Les tranchées ressemblent à des boulevards avec des chevaux de
frises !
Si c’était
pour y rester, je préférerais encore ces mauvais abris à ces attaques
démoralisatrices, et se voir toujours seul et perdre toujours de bons
camarades.
Je suis
encore désigné !
Oui, c’est
jamais des bonnes (- ? -)
Ah !
mais ici c’est une petite villégiature. Destination et point de d’attache, Chalons-sur-Marne, oh là, je vais
être pépère.
Je ne
penserai pas aux coups de mains.
Je me mets
en route pour Chalons avec
tout mon barda qui est bien lourd.
Non loin de
la route de Suippes, je vais
voir Henri Dubar qui est cuistot de l’officier de détail (encore une carrière
embusquée, enfin, qu’y faire ?)
Dubar me
fait cuire un bon bifteck avec de patates et me monte l’incendie qu’ils ont eu
quelques jours avant, tout leur abri qui a pris feu.
C’est égal,
quand je vois ça, nous qui nous contentons de si peu de chose, eux ces
scribouillards aiment avoir tout ce qui est beau et bien, tandis que nous, on
nous conduit pas ce matériel, on préfère voir les tranchées de loin, où ça
barde, il n’y a pas de visiteurs…
Mon séjour à
Chalons se passe bien. Il n’y
a que des sous-off. de tous les régiments de la 4ième Armée de
Gouraud. Les cours au début sont assez intéressants. Mais c’est encore un cavalier,
un commandant de chasseurs à cheval qui est directeur du cours, encore un
noble !
Enfin, il
est dit que ceux qui obtiendront une bonne note auront une perm de deux jours.
Ce serait suffisant pour venir à Paris ou à Amiens.
Ce qui me
fait rire, c’est quand le directeur du cours fait sa conférence, c’est que les
Russes s’endorment, ce n’est pas étonnant, ils ne comprennent rien, aussi le
commandant se fâche tout rouge lorsqu’il s’en aperçoit.
En revanche,
ces sous-off russes sont d’excellents tireurs et quand nous allons au tir, ils
font des tirs merveilleux.
Nous, nous
sommes pris souvent du froid, eux ne craignent rien. Ils ont des capotes comme
de grosses couvertures de troupier. Leur tabac jaune ressemble à des prises.
Quand nous manœuvrons devant les officiers étrangers, nous obtenons un beau
succès, surtout le jour où on nous a conduit au camp avec des autos
Ce n’est
rien d’être fatigué lorsque le soir on a un plumard à la caserne Fourgeot.
Belle place
plantée d’arbres, Et puis au mess on mange bien ; le soir on peut sortir
et faire sa correspondance, c’est presque la vie civile.
La fin du
cours arrive, quel dommage !
J’ai la
mention très bien, mais impossible de partir en perm. Il faut que je rejoigne
mon régiment à Cheppe.
J’instruirai
la nouvelle méthode et la gymnastique Hébert aussi.
Il y a un
camp d’aviation tout près de nous, je les envie de voir leur belle vie, leur
liberté. Si bien qu’un jour un avion boche était au-dessus de nous et pas un de
ces messieurs n’était là pour leur donner la chasse.
Je cours
pour monter comme mitrailleur, mais au même instant une auto ramenait ces
messieurs. Je n’eu pas le plaisir de prendre mon baptême de l’air.
Le jour de
la Sainte Catherine.
On monte en
ligne pour prendre position en 2ième ligne à la Cabane.
Nous sommes
en réserve en avant de Souain.
L’église est toute démolie et la cloche se trouve à côté.
Quel sale
coin, tout est démoli, remué, retourné, plus d’arbre, quelques troncs et des
tranchées qui n’ont plus de pars éclats.
Nous sommes
en ligne et occupons le petit poste 21 " les grenouilles ".
Rien
d’intéressant, mais de bons abris profonds dans la craie. En cas d’attaque,
nous sommes tous zigouillés. Quelques bombes et il faut dire
" Camarades ! ".
Nous sommes
relevés et allons en seconde ligne au camp des Deux Tombes.
Il gèle à
pierres fendre, mais je ne me plains pas car on a des abris dans les bois,
convenables de s’y reposer. Mais une balle de mitrailleuse le traverserait de
part en part, aussi le soir je fais du feu à griller un ours.
Extrait du Journal des Marches et Opérations du 127e
RI.
Au soir,
comme d’habitude le feu roule, les rondins prennent quelque chose. Nous allons
à la soupe et d’un coup on vient me dire qu’il y a le feu chez moi… Vite pur
éteindre et pour comble pas d’eau.
Il gèle, pas
d’eau à trouver. On en est réduit à prendre l’eau à la cuisine roulante, l’eau
pour faire le café.
Enfin, on
arrive à le faire diminuer d’intensité et vite je sauve mon sac avec quelques
bibelots, pauvre abri, il faudra chercher autre chose pour la nuit.
A Suippes jusqu’au 5 janvier, à la Noblette
du 6 au 9, la Ferme du 10 au 14, Saint Hilaire du 14
au 20, en réserve de seconde ligne du
21 au 27 février…
Du 1 au 5 mars au Moulin Rouge, du 6 au
9 à Oulche, du 10 au 12 à Pailofte, du 13 au 14
à Beaurieux, le 15 à Verailly, du 16 au 26
à Lavrigny, du 27 au 29 à Elizy, Violaine Romarin et les 30 et 31 mars à Maizy péniche.
Du 5 au 8 avril à Beaurieux, en réserve du 9 au 13, les 14 et 15 à Oulche.
Le 16 avril, attaque, je suis blessé à 10
heures, du 17 au 22 avril, Montigny-sur-Vesles.
Nota :
plus de 600 hommes du régiment sont
tués, blessés ou disparus durant les journées des 16 au 18 avril
Que dois-tu
penser de ne pas avoir de mes nouvelles ?
Ce n’est pas
de ma faute, va ! Dimanche, veille de l’attaque, j’avais écrit quelques
mots, mais il n’y a pas eu moyen de les faire partir. En ce moment, je t’écris
en étant bien à l’abri et pour un moment. Tu n’as pas besoin de t’en faire. Je
suis très content
Je suis dans
une ambulance très bien soigné.
Lundi, jour
de l’attaque, j’ai été blessé vers 10 heures, quatre heures après que l’attaque
avait été déclenchée. C’était dur ; du reste, quand je serai mieux
installé et que je pourrai avoir plus de facilités pour moi écrire, je
t’expliquerai ça. J’ai été blessé par un obus qui a éclaté à un mètre de moi.
Ce n’est pas grave. Voilà ce que porte ma fiche :
" Plaie
ouverte face postérieure cuisse droite, plaie de l’œil gauche "
Aujourd’hui
j’y vois de mon œil droit.
Les deux
premiers jours, je voyais trouble. J’ai la tête bandée mais je n’ai plus de
fièvre depuis hier.
J’attends à être
sur le billard, ce ne sera pas grand chose ; j’ai quelques éclats que l’on
va m’extraire assez facilement. Je te le répète, tu n’as pas besoin de t’en
faire. Je suis heureux dans ma situation.
J’ai
souffert mais je préfère encore ces souffrances à celles qu’endurent encore mes
camarades. Hier, on m’a fait ma toilette, une infirmière très douce. Le soir
j’ai eu un bol de bouillon. Je crois être ici encore pour quelques jours ;
puis je prendrai peut-être un train sanitaire qui me conduira encore à l’arrière
Si au moins
je pouvais aller dans une région où je connais quelqu’un. Je ne puis te dire si
je resterai dans la zone des armées. Si je suis pour y être, qu’on m’expédie à
Dieppe, Le Portal, etc. Ce qu’il y a de bien, c’est qu’il aura une convalo.
Sitôt que je
serai stable, je te donnerai immédiatement mon adresse.
Ici, ce
n’est pas la peine ; le temps que tu reçoives cette lettre, je ne serai
plus ici. Donc, ne t’en fais pas, je suis très heureux de mon sort. Tu
préviendras Tante, car je ne peux écrire partout.
Dans
quelques jours, ça ira sûrement mieux.
Allons, je
suis forcé de m’arrêter, un infirmier attend ma lettre…
Me voilà
content, heureux, tranquille.
Voilà
bientôt trois heures que l’on a fini de m’opérer et me sentant tellement bien,
je commence ma correspondance. Je viens juste de manger, chose qui n’a pas été
permise à tous ; c’est te dire si je suis malade, aussi c’est peut être à
cause que je n’ai pas été endormi. Peu de temps après t’avoir écrit pour te
donner de mes nouvelles, on venait me chercher pour être radiographié ;
j’avais une chaleur !
Le tout ne
dura pas longtemps.
Les médecins
virent tout de suite où l’éclat de la jambe se trouvait, après on inspecte
l’œil qui n’avait pas d’éclat, donc rien de dangereux. N’ayant pas ma glace sur
moi, je n’ai pas encore pu voir mes blessures, mais je sens bien que ce n’est
pas grave.
Le médecin
m’a dit que je serais guérit dans une quinzaine de jours.
Puis sitôt
avoir passé aux rayons, on est venu m’allonger sur le billard. Ca n’a pas duré
très longtemps, un quart d’heure, vingt minutes. L’éclat que l’on m’a retiré
avait emporté un morceau de ma capote.
L’éclat
d’obus était de la grosseur de la moitié d’un dé à coudre. Puis on m’a pensé et
on est venu me conduire sur un brancard dans une salle où il n’y a que des
blessés couchés qui ont subi une opération.
Ici, je suis
encore mieux, car j’ai un lit avec des draps. Je ne souffre pas trop ; je
n’ai plus de pansement à la figure. Une infirmière doit venir me laver plusieurs
fois dans l’après midi.
Comme je
vais bien, transportable en termes de médecin, je crois que l’on m’expédiera
bientôt, peut être cette nuit ou demain, jeudi. (Je date ma lettre de jeudi
puisqu’elle ne partira que demain) Je ne puis te dire encore où j’échouerai,
personne ne le sait, car en route, il paraît que l’on fait des triages. Comme
je suis bien, je crois que j’irai assez loin.
En ce
moment, il y a affluence de blessés. C’est égal, je ne pensais pas que j’aurais
eu cette chance, me voilà tranquille pour un petit temps et une convalo en
perspective… jusqu’à présent, j’ai été entouré de bons soins.
Depuis hier,
j’ai fait connaissance d’un infirmier qui est de Condé, qui connaît très bien
mon Oncle ; lui aussi me connaissait comme m’ayant vu dans mes tournées.
Cet après midi, il va m’être utile pour emballer toutes mes affaires qui sont
restées en dépôt dans la salle de préparation ou salle d’attente. Là aussi,
j’étais dans un lit.
C’est là
qu’une infirmière a fait ma toilette, du reste, j’y reviendrai, car depuis
quelques jours, je n’ai pas pu t’écrire.
Je réussis à passer presque sans encombre, quelques hommes de ma
section, les derniers, furent blessés légèrement.
Quelques hommes qui me manquaient rejoignent peu après, car partout,
c’était l’embouteillage.
Au petit jour, j’étais rendu à l’abri que je pouvais occuper. Nous
étions tassés les uns sur les autres, mais nous savions que ce n’était pas pour
y rester.
Le temps était brumeux.
Chacun me demandait si l’attaque aurait lieu.
Enfin, à 6 heures, la première vague partait à l’assaut.
Nous devions attendre que les autres bataillons aient atteint leurs
objectifs. Peu après, on entendait les mitrailleuses boches, le marmitage ne
les avait pas enterrées. Ils avaient l’air de ne pas se rendre facilement.
Malgré tout, la première ligne était entamée, je vis des prisonniers boches qui
étaient ahuris et jeunes.
Plusieurs repassèrent peu après portant nos blessés. Mais pendant ce
temps, j’étais là et sans ordre. Je ne devais partir qu’à l’heure H, après en
avoir reçu l’ordre. le temps me paraissait long et ça me semblait drôle de ne
voir personne ? Je vais voir pour me renseigner à mes côtés, plus
personne.
Qu’est-ce qui est arrivé ?
Je me renseigne, rien à savoir. Mais les autres sont partis en vitesse.
Nous partons pour rejoindre les autres, connaissant mon itinéraire, il faut que
je retrouve les camarades qui sont sûrement dans les tranchées boches, nous
sortons donc des tranchées.
Les mitrailleuses crépitent.
Nous passons de trou en trou d’obus. Notre artillerie lourde et de
tranchée a fait du beau travail ; pas un mètre de terrain n’a eu son
compte, des trous d’une profondeur !
Plus un bout de fil de fer barbelé.
Nous voyons quelques blessés et les premiers abris boches qui sont
intacts. Ce sont des abris en ciment armé.
Plus loin, nous remarquons un poste d’observation boche qui servait
aussi contre les gaz. Les consignes sont encore là, mais on n’y comprend rien.
Ils ont eu le culot de placer une grosse cloche qu’ils ont du prendre à une
église ou à une mairie.
Nous continuons toujours notre marche qui est encourageante et peu
après, je retrouve les éléments de ma compagnie. L’ordre m’avait été envoyé,
mais l’agent de liaison aura été blessé ou disparu. Mais voilà le moment où
nous voyons plus de prisonniers.
Quelques officiers, des chefs, les interrogent et se font même piloter.
Un grand officier boche a l’air de sourire comme signe de moquerie. Si nous
avions pu faire à notre mode, celui là n’aurait pas fait long feu.
En attendant, les boches réagissent et ça barde. Les obus éclatent non
loin de nous. On se terre comme on peut.
Peu à peu, ça se rapproche, rie à y faire. Malgré le mauvais temps, nos
avions survolent assez bas.
A dix heures moins quelques minutes, un obus éclate à trois mètres qui
ne fait heureusement qu'une victime. Les autres se sauvent aussitôt. Il en
arrive un autre et il n'a que des blessés. Je suis du nombre.
Ma figure saigne fortement ; je ne sais pas où je suis touché.
J’ai aussi quelque chose à la cuisse qui saigne et je sens la douleur. Je ne
perds pas le ciboulot.
Vite, j’enlève une courroie de mon sac pour servir de garrot. Un
brancardier tente de passer, il n’est pas de mon régiment, ça ne fait rien, mes
hommes lui font faire le pansement.
Aussitôt après, je prends mes affaires que j’y tiens le plus, tant pis
pour le reste, conserves, etc. ma peau avant. Mais c’est difficile de partir,
ça bombarde dur et tout le monde est terré. Enfin, avec ma petite boussole, je
parviens à m’orienter, malgré que je ne vois pas très clair.
Je vois la ligne Nord-Sud et c’est bien nécessaire, autrement, on irait
facilement chez les boches, surtout qu’on y connaît plus rien. C’est
terrible ; ce n’est pas assez de souffrir, les teutons n’arrêtent pas de
tirer.
Plusieurs fois, je suis forcé de passer sur le parapet, tout en ayant
un peu de peine à marcher. Quand il faut descendre un trou d’obus, je me laisse
rouler, ça va plus vite et c’est plus sûr.
Plusieurs fois, des obus sont tombés assez près, un surtout, encore
bien qu’il a eu le culot de ne pas éclater.
Enfin, peu après, je me retrouvais dans nos lignes. J’étais heureux. Je
me sentais déjà plus à l’abri. C’est assez que j’étais dans les boyaux et je
fus rencontré par un officier qui me fit conduire au poste de secours.
On me mit mes pansements, en m’asseyant, la tête me tournait. Comme
j’avais une bouteille de gnole, le médecin m’en fit boire et ce fut tout.
J’étais sauvé !
Qu’il fallait peu de chose !
Aussitôt après quatre hommes me transportaient au poste de secours du
régiment. Ayant des connaissances, je n’y reste pas longtemps. Un de mes amis
voulut que je prenne encore une tiote goutte et peu après une voiturette
m’enlève.
Deux vieux territoriaux en avaient plein leur charge. Une demi-heure
après, j’étais rendu aux divisionnaires.
Là on m’apporte la moitié d’un quart de café chaud qui me fit grand
bien.
Peu après, j’avais la chance d’être embarqué dans une auto. Que le
chemin me sembla long, surtout que les autres blessés se plaignaient, beaucoup
en rouge. Je mangeais des tablettes de ton fin chocolat qui me fit grand bien,
car où les voitures d’ambulance passaient, emmenant les blessés, il n’y faisait
pas gai, nous étions cahotés, les blessés se lamentaient.
Ce n’était pas la faute des conducteurs, leur voiture étaient forcée de
passer sur des blocs de pierre vétustes, irréguliers, disjoints, entre lesquels
existaient de nombreux trous. Le principal, c’est qu’on ne sentait plus à
l’abri, moins de danger, on n’entendait plus ces Zzrrrr… boum depuis huit
jours, ça me semblait drôle.
Enfin, vers deux heures trente, on me déchargeait dans un baraquement
confortablement installé. Aussitôt, nous avions la visite des médecins qui
décident pour les injections et le triage.
Pour mon compte, une injection de sérum et je reste là pour subir une
opération. Après l’injection, on me transporte dans la salle d’attente où il y
avait des lits, mais il y avait tellement affluence de blessés que beaucoup
restèrent sur leur brancard ; peu après, je dormis une heure, mon brancard
ayant été cassé, j’étais sur le parquet. Mais j’étais bien tout de même et ne
souffrais pas trop.
Dans la soirée, j’ai eu la chance d’être dans un lit, je croyais qu’on
allait m’opérer, mais il y avait de plus pressés et il était plus juste que
j’attende et dehors, il faisait un temps !
Il pleuvait, je me disais " tout de même, mes camarades
doivent la trouver mauvaise, je préfère beaucoup mon cas " et puis
j’avais toujours ce sifflement d’obus, pourtant où je suis, il n’en passe pas.
Enfin, le jour arriva et une infirmière me fit ma toilette.
Oh ! comme j’étais bien ; je vis à peu près clair, c’est
alors que je t’écrivis. Je jetais un coup d’œil au journal, mais ne pu le faire
longtemps. L’œil pleurait et je sentais que je me fatiguais.
Ma journée se passa bien.
Le soir, mon infirmier m’apporte à manger, du bouillon et du pain
J’aurais pu avoir des haricots et de la viande, mais j’ai préféré
attendre pour ne pas avoir de fièvre. La nuit, j’ai pu dormir quelques heures
en plusieurs fois. La nuit me parut longue, surtout qu’on entendait un violent
bombardement.
Le matin, les infirmières voyant que j’étais toujours là, me
pistonnèrent pour être opéré tout de suite.
Dans le fond, je ne demandais pas mieux, mais je me demandais l’effet
qu’allait me faire le billard. Ca ne fit rien, surtout quand j’ai entendu les
résultats de la radiographie, et tu vois, me voilà, tout c’est bien passé.
J’en suis heureux, je suis bien soigné, j’ai à boire et ce soir encore,
j’aurai à manger. Il fait encore un temps de chien ; nous ne réussissons
pas beaucoup pour le temps. Je ne connais pas encore le communiqué, et toi, que
dois-tu penser ?
Si tu as été quelques jours sans nouvelle de moi. Juste avant de partir
aux tranchées, j’avais eu le plaisir d’avoir ta lettre. Je n’ai pas eu ton
colis. Je crois qu’il me suive, à moins que les camarades, ayant faim,
l’ouvrent. Maintenant, je vais arranger mes affaires que j’avais déposées pour
voir s’il ne manque rien et arranger le tout pour que ça ne prenne pas trop de
place…
Enfin me voilà dans le train, il est seize heures. Je ne sais pas
encore exactement à quelle heure nous partirons, ici, nous ne sommes pas mal installés.
Nous sommes dans un wagon de l’Etat dans deux compartiments, il y a seize
places, nous ne sommes que huit, quatre couchés et quatre assis. Je suis en
haut et j’ai à côté de moi un soldat de mon régiment qui est amputé d’une
jambe.
Son frère était avec moi, il m’a demandé pour être à côté de lui.
Le médecin du reste l’a autorisé de bon cœur, le voyage nous semblera
moins long.
Les lettres 82 et 83 sont la description du voyage jusqu’à Alençon avec de multiples arrêts
dans les gares de Champigny, Juvisy,
Maintenon, Versailles, Chartres, Nogent-le-Retrou,
Le Mans pour arriver le 23
avril à 20 heures à Alençon.
Partout un accueil chaleureux et réconfortant du personnel de la Croix
Rouge et de la population ?
Il s’émerveille de la beauté et de la douceur du paysage et songe à
faire de bonnes promenades…
Il est hébergé au Lycée de garçons d’Alençon jusqu’au 8 juin,
permission à Amiens jusqu’au
20 juin, du 21 juin au 4 juillet à Besançon,
du 5 au 27 à Nevers, Guéret,
Bourganeuf, Chéniers ; du
28 juillet au 8 août à Amiens,
du 9 au 24 à Guéret, Chéniers,
du 28 au 30 à Creil, Gray ; Remiremont jusqu’au 6 septembre, puis Belfort, Arches,
Xertigny, Bruyère jusqu’au 13 décembre (sauf permission à Amiens du 25 novembre au 8
décembre).
Du 14 décembre au 5 février 1918, à Cornimont,
du 6 février au 15 mars, à
Fresse-sur-Moselle (Vosges)
Du 16 mars au 3 avril, permission à Paris,
Eguzon et Chéniers, le 18 mars 1918, mariage, Bourganeuf, Paris,
Coulommiers, Fresse-sur-Moselle.
Du 5 au 8 avril Epinal,
du 9 au 13, Paris, alerte des
gothas, voyage à pied dans le métro.
Du 14 avril au 2 mai, Conty (Somme), du 3 mai au 17 juillet, Lieuvillers (Oise) chez Léon Lepot, le 18 juillet débarquement
à Sézanne (Marne) jusqu’au 4
août, du 5 au 20 août Vauchamps
pour effectuer des travaux agricoles dans la région, du 21 au 23, Esternay, le 24 à Pagny-sur-Meuse, du 25 août au 5
septembre à Trondes, du 6 au
29 septembre à Lérouville, du
30 septembre au 13 octobre en permission à Paris,
Châteauroux, du 14 au 18 octobre à Lérouville,
du 19 au 22 à Saint Michel, le
23 novembre départ pour un long voyage Belfort,
Besançon jusqu’au 2 décembre.
Le 3 décembre, Paris, Saint-Amand
jusqu’au 9 décembre, Paris, Besançon
et enfin Belfort du 12
décembre au 30 décembre 1918 ; dislocation du 260ième le 31
décembre à Châteauroux.
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