Numérisé par Ghislain Audion,
arrière-arrière-petit-fils, octobre 2011 :
"Je vous contacte car j'ai numérisé le carnet de
guerre de mon arrière-arrière-grand-père, Jean-Marie Gilaizeau, du 81ème RIT.
J'aurai voulu savoir si vous seriez intéressé pour le
mettre sur votre site."
"Je crois que pour moi et pour ma famille ce
serait un honneur qu'il y apparaisse, d'autant plus que je pense que votre site
internet est le meilleur et le plus complet sur ce dramatique conflit."
"En comparant avec d'autres écrits de Poilus, je
pense que ce carnet n'est pas des plus intéressants, mais il y a des passages
qui sont vraiment explicatifs et touchants. On s'aperçoit de comment les
Territoriaux, au fur du temps, vont être amenés à aller en première ligne. Et
cela sans se plaindre... "
"On ressent plus la colère des Poilus quant à
l'image d'eux qu'avaient ceux de l'intérieur (les mœurs de l'intérieur), et la
part de la croyance des poilus dans la religion et qu'avaient la plupart des
soldats et qui leur donnait beaucoup de courage..."
Le
81e régiment territorial de Nantes, est formé initialement de 3 bataillons (N°1
à 3), le 3 août 1914. Il fait parti de la 175e brigade territoriale, elle-même
de la 88e division territoriale. 3300 hommes environ, composent cette unité.
3
autres bataillons de soldats plus âgés, viendront s'ajouter au 81e RIT, le
4ème, le 6ème et le 8ème bataillon.
Ces
bataillons seront affecté individuellement à d'autres secteurs géographiques,
et n'iront pas, au début, en premières lignes.
Le
6ème bataillon dont faisait parti Jean-Marie GILAIZEAU, commença la guerre en
effectuant des gardes dans les gares d'Orléans puis de la région de Troyes (fin
1914)
Début
1915, le bataillon est chargé de l'entretien des routes du front, de la
construction de quais de ravitaillement de la gare de Somme-Bionne (Marne), de
chemins routiers conduisant au front.
La
nuit, ils poussent des voitures de munitions par des chemins défoncés pour
préparer l'offensive de février. (source : journal du régiment)
Le 1er – terrassement pour
faire une cabane pour donner des douches
Le 2 – même travail – je ne
reçois pas de correspondance et souffre beaucoup d’un gros rhume – journée vive
Le 3 – même travail – je
souffre de plus en plus – nous ne pouvons trouver du vin pour nous soigner –
journée des plus tristes depuis mon départ – le canon gronde fort (*)
Le 4 – je fais le même
travail, ai les mêmes souffrances et prends la garde la nuit – le canon gronde
toujours
Le 5 – je relève de garde –
je souffre beaucoup – je vais à la visite – notre médecin n’a rien à nous
donner – toute la journée je suis en fièvre – il faut cependant que je lave,
les gens qui me lavaient sont évacués – toujours vive canonnade – 50 Boches
prisonniers
Le 6 – passé une nuit
terrible – impressions : on fait des sales choses pour que les officiers
prennent des douches et les hommes qui ont de la bronchite sont dans des
greniers pleins de courants d’air – journée assez calme
Le 7 – dimanche – passé à la
visite du médecin-major – un peu de bronchite – la journée est assez bonne –
avec grand plaisir je peux assister à une messe de la petite chapelle de Somme-Bionne, dite dans
l’intention d’une paix prochaine mais paix honorable – chasser ces sales Boches
– grandes dépenses pour me soigner – canonnade toute la journée
Le 8 – je commence à aller
mieux – je ne ménage rien pour me soigner, mais à ce sujet que de pensées me
viennent à la mémoire – toujours forte canonnade
Le 9 – je suis de mieux en
mieux, mais toujours avec les bronches engagées – calme complet
Le 10 – je me sens plus
dégagé – la respiration se fait mieux – assez calme
Le 11 – je souffre davantage
– à la visite j’ai de la fièvre – le soir ça va mieux – impressions : on
ne s’attend pas à ce que ce soit sitôt fini – grand mouvement de troupes – on
n’entend très peu le canon
Le 12 – je me sens mieux
quoiqu’ayant passé une nuit sans pouvoir dormir – moment de grandes dépenses –
canonnade arrêtée par la neige
Le 13 – bon repos dans la
nuit – je me sens beaucoup mieux – je commence à mieux manger –journée calme
Le 14 – dimanche – nuit
médiocre – le matin je tousse beaucoup – pas d’appétit – j’assiste à une messe
– le tantôt je me trouve un peu mieux – canonnade assez vive
Le 15 – triste lundi-gras, je
me sens plus mal, je tousse beaucoup et ai toujours de la bronchite –
l’après-midi, vive canonnade – journée qui paraît assez calme
Le 16 – au matin grande
attaque française – il n’y en avait pas eu d’aussi forte depuis le début de la
guerre – on nous dit que cette attaque devait durer 36 heures – 12 jours que je
ne travaille pas – je me sens beaucoup mieux – l’après-midi on voit des
prisonniers boches (**)
Le 17 – comme santé ça va de
mieux en mieux – mon intention est de reprendre mon service – l’attaque se
continue – on entend le canon plus loin – toute la journée ce n’est qu’un
roulement – toute la journée une des plus violentes attaques jusqu’à ce jour
Le 18 – l’amélioration de
santé continue – je dépense beaucoup pour me soigner – l’attaque se continue
Le 19 – je suis toujours de
mieux en mieux et m’occupe de la corvée de cantonnement – on voit beaucoup de
prisonniers boches – on entend toujours le canon
Le 20 – je suis beaucoup
mieux – je demande à reprendre mon service – l’après-midi et dans la nuit du 20
au 21 vive canonnade – la nuit attaque des plus violentes – du 20 au 21 journée
qui est à remarquer
Le 21 – dimanche – je ne me
fais plus porter malade et continue à faire les corvées de cantonnement
Le 22 – toujours corvée de
cantonnement – assez calme
Le 23 – dans l’après-midi une
des plus fortes canonnades que je n’ai entendues jusqu’à ce jour
Le 24 – toujours même emploi
– continuation comme combat
Le 25 – idem – vive canonnade
comme combat
Le 26 – gelée le matin – il
faut mettre du sable sur les routes pour ne pas glisser – travail assez dur –
au moment où nous étions à manger il tombe des obus allemands à environ 300
mètres de nous – pensant que c’était des essais faits par quelqu’un des nôtres,
je ne suis nullement effrayé, tandis que plusieurs parmi nous, qu’on appelait
froussards, sont allés voir et ont trouvé des éclats d’obus et vu les trous
faits par ces obus – pour mon compte, j’aurais été tué que je n’aurais nullement pensé à cela, et
ces obus ont été tirés vu que le ballon captif d’Etat-major se trouvait à peu
près à 100 mètres d’où les obus ont éclaté – réflexions : pauvres femmes,
si toutes vous voyiez vos hommes dans l’état où ils sont et si vous connaissiez
leurs pensées, la guerre ne durerait pas longtemps – ne reçois pas de lettre –
envoie 2 cartes, à ma femme, Simone
Le 27 – travail au
cantonnement – dans la nuit du 27 au 28 terrible canonnade
Le 28 – dimanche – je suis de
corvée de cantonnement – l’après-midi il faut faire des baraquements pour
cantonner la 22ème Compagnie qui doit arriver le soir – je suis dans un bois où
je vois le feu et la fumée de nos canons comme je ne l’avais encore jamais vu –
cela est terrible
(*) : il sont à 5 km du front
(**) : il s'agit de l'attaque de
Champagne du 16 février. Elle durera une quinzaine de jours, et n'aura pas de
progression spectaculaire.
Le 1er – corvée de
cantonnement – toujours terrible attaque
Le 2 – corvée quartier
général
Le 3 – idem – 10 hommes
Le 4 – idem – tous les jours
terrible canonnade
Le 5 – idem
Le 6 – idem – on entend
toujours le canon
Le 7 – idem – dimanche
Le 8 – idem
Le 9 – idem – nous devions
partir à Châlons
Le 10 – corvée de bois –
fascines pour mettre sur les routes – 10 hommes – de garde – fusillade de 11
heures ½ à minuit et de 1 heure à 2 heures
Le 11 – relevé de garde –
repos – note : serait content de savoir si tu as reçu les lettres du 10 et
du 11
Le 12 – de jour – parti de Somme-Bionne à 9 heures 1/2 le
soir (*)
Le 13 – arrivée à Châlons à 1 heure du matin –
installation à la caserne de Tireley
Le 14 – de garde à l’hôpital
(caserne Février)
Le 15 – idem – lettre de
Pierre qui m’énerve
Le 16 – idem – journée où je
m’ennuie
Le 17 – idem – énervement
continu
Le 18 – idem – beaucoup de
typhoïdes
Le 19 – idem – impressions
tristes, on voit des femmes venir voir leur frère ou mari et retourner en
pleurs
Le 20 – idem
Le 21 – dimanche – journée
avec fièvre d’énervement – je suis fatigué
Le 22 – toujours de garde –
je suis moins énervé
Le 23 – de garde toujours au
même poste – je suis un peu plus tranquille
Le 24 – je suis bien reposé
Le 25 – idem –
impressions : femmes tristes
Le 26 – idem – beaucoup de
jeunes femmes viennent voir leur mari
Le 27 – toujours même poste
Le 28 – nous apprenons que
nous devons aller à Brienne-le-Château
Le 29 – relevé de garde
Le 30 – parti de Châlons à 6
heures – passé à Sarry, Pogny,
traversé la ligne de Paris à Strasbourg à la Chaussée-sur-Marne, cantonné
à Drouilly
Le 31 – parti de Drouilly à 6 heures – passé à Châtelraould,
endroit très éprouvé par la bataille de la Marne, (**) surtout Glannes – passé à Arzillières, dernière limite de nos troupes à
la bataille de la Marne – poste d’observation du général Manourie – cantonné à Brandonvillers
(*) : Le bataillon quitte le
secteur et reçoit des félicitations du général RUGEMBACH, commandant le génie
de la 4e armée, pour son travail dans ce secteur. Les 23e et 24e compagnies
partent pour Châlons/Marne le 12 mars. Les autres Cie les rejoignent le 30.
(**) : Le bataillon entier fera
une halte à Châtelraould : "Le commandant fait formé le carré, prononce
quelques paroles et le bataillon défile"
Le 1er – dernier jour de
marche – très fatigué – arrivé au cantonnement de Brienne-le-Château (*)
Le 2 – repos au cantonnement
Le 3 – je suis un peu fatigué
– douleur dans un côté – je me fais mettre un sinapisme et prends du salicylate
– repos
Le 4 – dimanche de Pâques –
le matin je vais à l’église pour accomplir mon devoir – je ne peux y arriver,
je souffre d’un pied et le froid me force à sortir – repos
Le 5 – lundi de Pâques – dans
la nuit je suis éveillé par la douleur d’un pied – vu que j’avais pris du
salicylate, je me lève de bonne heure et vais à confesse et à la communion, à
ma grande satisfaction mon devoir est accompli – ensuite je vais à la gare
envoyer un colis d’effets d’hiver – remarque sur le château de Brienne :
très belle propriété comme bois – Heypréau ou Blanc
de Hollande, bois très cher
Le 6 – exercice de tir – le
midi je cause longtemps avec un Ardennais qui me parle longuement de
l’exploitation de son pays : drainage pour les terres, grande culture
Le 7 – exercice de tir (**)
Le 8 – exercice et marche
d’une douzaine de kilomètres
Le 9 – exercice – je suis un
peu souffrant de rhumatismes – l’après-midi service en campagne
Le 10 – même manœuvre –
exercice
Le 11 – dimanche – jour de
repos
Le 12 – exercice – service
d’avant-garde et avant-postes
Le 13 – tir – école de
compagnie
Le 14 – exercice – de garde
aux éclopés – je me fais attraper par le commandant du dépôt d’éclopés pour
avoir été chercher du papier à lettre pour écrire à ma femme, environ 50 mètres
du poste – cela est triste en ces durs moments
Le 15 – relevé de garde –
l’après-midi marche ou plutôt exercice école de compagnie
Le 16 – j’ai mal aux pieds –
exercice et marche
Le 17 – mal aux pieds – le
matin on nous dit que nous devons quitter Brienne – à notre grand
regret, préparatifs de départ – j’ai grand peine à pouvoir faire une lettre
Le 18 – à 3 heures, debout –
départ de la Compagnie à 5 heures – départ de la gare à 7 heures ¼ - bons
souvenirs des émigrés Ardennais – départ plutôt triste – les femmes venues voir
leur mari font pitié – passé à Jessains
– entre ce pays et Bar-sur-Aube très belle culture, beaux coteaux
de vignes, prés et terres très bien travaillés – vallée de l’Aube – après avoir
passé Bar-sur-Aube le terrain est moins bon jusqu’à Juvancourt – à Clairvaux,
usines, assez belle culture de blé, beaux bois – Maranville,
très beau pays – Bricon, pays plutôt
aride – Chaumont, très belle vallée, rivière Marne, bois Foulain – un peu après très beaux tunnels – Vesaignes, bois et belles coulées – vu la
grande tuilerie mécanique de Rolampont
– Langres, ville très bien située sur un mamelon – après avoir
passé Langres, tunnel remarquable – Culmont
– Chalindrey, meules – de cet endroit à Charmoy,
Amance, La Ferté, beaucoup de pruniers, Vitrey, très accidenté – Barges
– Aisey, belle prairie – Corré idem – Demangevelle
– Vauvillers, usines, bois, carrières
de meules – Passavant – près des Vosges limite grand bois – Regnévelle, bois – Monthureux
– Darney, toujours des bois et surtout de belles meules – Lerrain, un peu moins boisé, beaucoup de
pruniers – Harol, meules, terrain plus
découvert – Girancourt, découvert – Epinal,
papeteries – nous y passons le soir, on ne voit rien de ce qu’est la ville – Thaon
– Châtel-sur-Moselle – Charmes le soir 8 heures – Blainville
– Lunéville – gare d’Azerailles
– Hablainville, notre cantonnement
Le 19 – dans ce dernier
endroit, on nous parle de changer d’endroit
Le 20 – parti à 4 heures pour
cantonner à Ogéviller (Meurthe-et-Moselle) – passé à Pettonville et Réclonville
– Apprends que le 17 nous avons repoussé une attaque allemande vers le bois
de Hutalg – les soldats allemands étaient
restés accrochés dans les fils que nous avions tendus – nous devons retourner à
Hablainville – retourné à 2 heures
Le 21 – cantonné à Hablainville
– fabrication de fils de fer pour entraver la marche de l’ennemi (***)
Le 22 – même travail
Le 23 – même travail toute la
journée sous une pluie battante – dans la soirée et toute la nuit une de nos
Compagnies qui était à porter tout le matériel pour les tranchées est sous le
feu, elle est obligée de se défendre avec les mauvais fusils que nous avons en
ce moment (****)– une section est très
menacée et ne se sauve que dans la matinée du 24 – souffre de névralgies
Le 24 – l’eau continue à
tomber – nous devons changer d’endroit – les hommes sont inquiets – repos le matin
– le soir à 6 heures quitté Hablainville pour aller cantonner à Herbéviller
– le soir à 10 heures nous allons pour couvrir une tranchée – les obus tombent
à quelques mètres de nous – nous faisons cette route à peine de rien – nous ne
trouvons pas le bois nécessaire – je suis éreinté et souffre de névralgies –
baptême du feu – zone dangereuse – faire une tranchée de 1ère ligne.
Le 25 – dimanche – repos –
poste nº1 – cantonné à Herbéviller – l’après-midi de garde dans
des endroits dangereux – nous devons nous cacher dans les caves en cas de trop
fort bombardement – je fais un poste dans les tranchées que le Bataillon
n’aurait pas dû occuper – l’ennemi est à 2 kilomètres
Le 26 – le canon gronde plus
fort que la veille – relevé de garde au soir
Le 27 – repos – le pays où
nous sommes est bombardé – il faut nous cacher dans les caves – les obus y
mettent le feu
Le 28 – porter et fabriquer
des engins pour préserver les tranchée – toute la nuit nous sommes sous le feu
des obus, cela est terrible et il est bien triste de voir des hommes des
classes 92 (*****) à faire le travail qu’ils
font, aller porter des pieds d’arbres pesant chacun 250 kgs
et des rouleaux de fils ronces quant à l’intérieur il y a des jeunes gens de 20
à 25 ans qui ne font rien depuis 3 mois et plus – nous portons ces matériaux
100 mètres en avant de nos premières lignes de feu – attaque – résultats à
notre avantage
Le 29 – jour où nous devions
avoir repos – dans la journée les obus bombardent et incendient pour la 2ème
fois le pays où nous sommes – nous avons ordre de laisser le cantonnement – les
hommes se dispersent et le soir nous sommes obligés de les retrouver – je vais
à l’église – les fonts baptismaux ont une couverture représentant le casque à
Guillaume – mauvaise impression de nos troupes
Le 30 – même travail –
journée plus calme – la nuit nous sommes à placer des fils de fer devant les
tranchées
(*) : 90 km à pied, sur 3 jours
(**) : C'est exact
(***) : C'est exact
(****) : C'est exact, les
territoriaux étaient équipés du fusil GRAS de 1874. Elles équiperont les
troupes de seconde ligne (territoriaux et garde-voies) durant toute la guerre.
Ces armes, dépassés à l'époque, n'équipaient pas les autres unités
combattantes, équipées de LEBEL.
Dans le journal du 81e RIT, il
est clairement indiqué que : "les fusils de 74 décèle la présence et
détermine la tranchée d'où vient le tir"
(*****) : 43 ans
Le 1er – repos
Le 2 – dimanche – le matin
bombardement du pays où nous sommes – incendie dans notre cantonnement – nous
sommes obligés de laisser ce pays – journée qui restera gravée dans la mémoire
des hommes jusqu’à leur dernier jour – impressions tristes – la nuit nous
allons porter des engins aux tranchées – grande fatigue pour tous – nous
reprenons nos cantonnements – nos batteries détruisent une pièce ennemie
Le 3 – repos le matin – le
soir vers 8 heures ½ attaque ennemie – nous sommes évacués du pays où nous nous
trouvons
Le 4 – travail aux fils de
fer – la nuit transport des matériaux de défense pour les tranchées – nuit très
dure
Le 5 – sergent à cette date –
repos – je change de Compagnie
Le 6 – 1er jour de travail à
la 22ème Compagnie – nous abattons des pieds d’arbre pour couvrir les tranchées
– abri à canon – combats d’artillerie
Le 7 – même travail
Le 8 – idem
Le 9 – dimanche – première
fois que je prends le jour comme sergent – dans le nord bons résultats
Le 10 – abattage de bois de 4
mètres
Le 11 – idem
Le 12 – idem – attaque
repoussée – combats d’artillerie
Le 13 – toujours aux rondins
de 4 mètres
Le 14 – idem – 4 mètres et 4
mètres 50
Le 15 – idem
Le 16 – dimanche – idem – 3
mètres 50 – remarque : bois des Railleux
– fruits de ce bois – brimbelles ou myrtilles – combats d’artillerie
Le 17 – travail aux rondins
de 4 mètres – le matin il tombe de l’eau – il ne fait pas bon abattre le bois
Le 18 – même travail –
première fois que j’aperçois une biche dans le bois où je travaille
Le 19 – même travail –
remarque : le travail des hommes des pays Ogeviller,
Réclonville, Hablainville,
Pettonville est à cette époque
d’éplucher l’osier – les femmes font de très belles brodures,
tour de cou à raison de 3 pièces
Le 20 – même travail –
journée de tristesse, vu le cas de cette journée du 20, 1ère communion de ma
filleule et nièce – petite attaque
Le 21 – de jour –
rassemblement de la Compagnie, visite, corvée de lavage, distribution des
lettres – journée calme
Le 22 – 4 mètres 50 –
l’Italie se met en guerre
Le 23 – dimanche – repos le
matin – l’après-midi je suis avec une auto à conduire les pieds d’arbre
Le 24 – aux 4 mètres 50
Le 25 – même travail
Le 26 – Ogéviller
est bombardé – il y a incendie dans le bois où nous sommes à travailler – nous
entendons les obus qui nous passent par-dessus la tête – le soir à notre
arrivée les gens d’Ogéviller déménagent – il y a 2 morts, un
caporal de notre compagnie un bras cassé (*) et 2 soldats artilleurs blessés
Le 27 – travail au bois – 4
mètres 50
Le 28 – idem
Le 29 – idem
Le 30 – dimanche – même
travail – jour où les enfants de ma commune font leur 1ère communion – il
devrait être pour moi plein de bonheur et de joie – si je n’assiste pas à cette
belle fête, j’assiste néanmoins à notre repas à la dégustation de vin mousseux
offert par un caporal du 10ème génie, Mr Marchal,
avec lequel nous travaillons depuis longtemps dans le bois des Railleux, qui par un acte de bravoure étant en
patrouille à trouver le moyen de tuer deux allemands après avoir été blessé et
rejoint son régiment en se défilant par les bois et fait un long parcours – tous
nous étions émus en voyant ce brave garçon qui la veille avait été décoré de la
Croix de Guerre et qui avait été voir sa famille pour nous offrir aussi
simplement ce bon verre de vin dont je garderai le souvenir le reste de mes
jours – combats d’artillerie
Le 31 – même travail – 4
mètres 50
(*) : Il s'agit du caporal ROBARD
Le 1er – mardi – même travail
Le 2 – de jour
Le 3 – au bois – rondins de 3
mètres – combats d’artillerie
Le 4 – même travail
Le 5 – idem
Le 6 – dimanche – même
travail – journée de chaleur et de fatigue
Le 7 – même travail
Le 8 – idem – la
correspondance se fait très mal – assez calme
Le 9 – même travail – 4
mètres – 4 mètres 50
Le 10 – idem
Le 11 – idem
Le 12 – idem avec la 24ème
Compagnie
Le 13 – dimanche – même
travail
Le 14 – idem
Le 15 – de jour
Le 16 – au bois – rondins –
le pays où nous cantonnons est à nouveau bombardé – une femme de 28 ans est
tuée laissant son mari à la guerre avec 2 enfants en bas âge
Le 17 – même travail – assez
calme dans notre secteur – violents combats dans le nord – terribles combats en
Lorraine, nous nous emparons de plusieurs tranchées ennemies
Le 18 – toujours aux rondins
Le 19 – idem – des compagnies
de notre bataillon changent d’endroit
Le 20 – même travail – la
nuit nos troupes font une attaque – notre Compagnie qui est à porter les
réseaux est très éprouvée – nous avons 3 morts dont l’un est de nos pays, Béchu de Frossay
(*), et 10 blessés – cela nous rend tous bien tristes.
Le 21 – travail au bois –
dans la nuit du 21 au 22, une partie de la Compagnie a enterré les morts de
l’attaque de la veille – notre cantonnement est bombardé – 16 obus – un Dragon
mort – 6 chevaux sont tués – combats acharnés – infanterie et artillerie (**)
Le 22 – travail au bois –
notre travail de nuit est arrêté – les hommes respirent un peu
Le 23 – nous continuons notre
travail au bois – plus calme
Le 24 – fête de la St-Jean –
nos camarades nous souhaitent notre fête – nous n’avons pas une grande gaieté
de cœur mais nous cherchons tous les moyens pour nous distraire un peu –
contre-attaques allemandes
Le 25 – travail aux bois des Railleux
Le 26 – idem
Le 27 – dimanche – de jour –
le matin, à ma grande satisfaction, je peux aller à l’église qui malgré les
bombardements est encore très belle et bien ornée – là, je suis bien pensif, et
malgré cela je suis heureux de pouvoir pour une fois encore accomplir mon
devoir – la journée est assez calme
Le 28 – relevé du travail du
bois des Railleux pour faire le service de nuit qui
consiste à faire les tranchées, porter les réseaux de fils de fer, les poser,
et enterrer les morts
Le 29 – travail de nuit –
poser les réseaux de fils de fer
Le 30 – porter les réseaux
(*) : il s'agit de BECHU
François
(**) : C'est la première fois
que le bataillon participe directement à une attaque (avec la 223e RI). Le 223e
RI comptera plus de 100 hommes hors de combat. Beaucoup d'hommes de ce régiment
ont été tués dans les réseaux de fils barbelés allemands restés intacts.
Le 1er – idem
Le 2 – travail de nuit – dans
cette nuit du 2 au 3 le Bon Dieu m’a sûrement protégé – 2 obus tombent à
quelques mètres de moi – au premier, je me suis couché je ne sais comment – le
second j’étais à terre je ne m’en suis pas occupé – cette nuit-là, marchant
avec le Génie, les ordres nous avaient été mal donnés – notre Compagnie était
en retard pour prendre le travail – le capitaine du Génie commandant le travail
et demandant un gradé me tombe sur le dos et me donne un ordre formel de
diriger tous les hommes de la compagnie à faire le travail sous peine de 8
jours de prison – cette nuit-là sera pour moi un bon et mauvais souvenir –
mauvais parce que les ordres avaient été mal donnés, au moment où ce capitaine
du Génie demandait notre capitaine il n’y avait aucun supérieur pour commander
la compagnie autre que des sous-officiers, donc j’ai eu la charge – ce qui est
pour moi une grande satisfaction, c’est que tous les hommes de la compagnie se
sont prêtés à mon commandement et que le capitaine commandant a su reconnaître
la valeur des hommes – après avoir été sous les obus auxquels je ne faisais pas
attention, je me suis retiré avec tous les hommes de la compagnie sans blessé
et le travail fait 20 minutes plus tôt que de coutume, à ma grande satisfaction
– cette nuit-là, j’ai traversé la ligne de sentinelles, je suis allé 2 fois au
nez des Boches
Le 3 – repos – je revois des
camarades de la 24ème Compagnie – bonne journée
Le 4 – dimanche – nous
reprenons le travail de nuit
Le 5 – dans la nuit du 4 au 5
nous avons 3 blessés – je m’en tire je ne sais trop comment – la vue de ces
blessés qui étaient à travailler auprès de moi m’émotionne – nous sommes
bombardés dans nos cantonnements
Le 6 – dans la nuit du 5 au 6
le travail est de porter des paquets de rames pour faire des réseaux de fils de
fer – les dépôts sont repérés – nous recevons des salves shrapnell et quelques
marmites – nous nous retirons avec un blessé – l’après-midi du 6 nous reprenons
le travail au Bois des Railleux – on
cause beaucoup des mœurs de nos pays, c’est écœurant
Le 7 – travail au bois – nous
sommes tranquilles
Le 8 – idem – je suis très
fatigué, les nerfs tombent à la suite des émotions des nuits précédentes
Le 9 – idem – dans la nuit
duel d’artillerie
Le 10 – nous quittons le Bois
des Railleux
Le 11 – dimanche – le matin
quelques bombes sur l’endroit où nous sommes
Le 12 – lundi – nous
changeons de cantonnement – nous allons à Bénaménil (*) – nous allons travailler la nuit au nez des Boches – Manonviller, un des principaux
forts de France livré aux Allemands par le commandant Rocolle – si ce fort avait bien donné, les Allemands ne
seraient jamais venus aussi loin en France
Le 13 – le matin vers 8
heures on nous apprend que nous allons cantonner à Domjevin –
quelle triste existence – la nuit il fait un temps épouvantable, pluie et vent
– les camarades arrivent avec l’eau à la peau – cette nuit-là je suis au repos
Le 14 – Fête Nationale – la
journée est assez calme du côté où nous sommes – travail de nuit très
tranquille
Le 15 – attaque toute la nuit
– le canon gronde – on ne peut travailler
Le 16 – travail difficile –
on est sous le feu des fusils ennemis
Le 17 – travail de nuit assez
calme
Le 18 – dimanche – le pays où
nous sommes est bombardé – toujours au travail de nuit – très calme
Le 19 – nous sommes assez
tranquilles au travail – au retour nous sommes repérés – on nous envoie
quelques shrapnells qui n’atteignent personne
Le 20 – au matin, nous sommes
bombardés – un homme est blessé à la 24ème Compagnie, le nommé Jean Bougit – au sujet de mœurs, nous
apprenons des choses indignes
Le 21 – repos – travail de
nuit – assez calme – le soir violente attaque de notre côté sans résultat
Le 22 – toujours travail de
nuit
Le 23 – idem – attaque
Le 24 – assez calme dans nos
contrées
Le 25 – dimanche – je suis de
garde – travail de nuit pour la Compagnie
Le 26 – la première journée
de garde comme sergent – ce n’est pas très dur
Le 27 – la nuit est très
mauvaise – il tombe de l’eau – vu les mauvaises terres que nous traversons, la
marche est difficile – nous rentrons l’eau à la peau
Le 28 – idem
Le 29 – nuit du 28 au 29 –
nuit très calme – nous sommes en pleine vue de l’ennemi – cette nuit-là un obus
tombe à quelques mètres de moi – les éclats me passent par-dessus la tête et
tombent auprès de moi – je ne suis pas du tout émotionné et m’attends de
recevoir un éclat assez calme
Le 30 – je suis de jour – les
permissionnaires rentrent – ce qu’ils nous racontent au sujet des mœurs de
l’intérieur est vraiment écœurant pour nous, accomplissant notre devoir,
exposés jour et nuit, le jour sous le bombardement des obus qui pleuvent sur le
pays où nous sommes cantonnés, et la nuit sous les balles, et les obus qui
éclatent à chaque instant auprès de nous, pour défendre ceux qui par derrière se
moquent de nous
Le 31 – continuation de jour
– repos pour la compagnie
(*) : C'est exact.
Le 1er – Compagnie de repos –
la nuit transport de matériaux en auto – visité une scierie et minoterie
détruites par les Allemands – c’est écœurant et épouvantable de voir ces ruines
Le 2 – départ de la 24ème
Compagnie – travail de nuit – transport de matériaux pour les tranchées –
journées assez calmes dans nos contrées
Le 3 – départ de Domjevin
pour aller à Bénaménil à 4 heures ½ du matin – travail à la forêt
de Mondon – le reste de la journée nous
sommes heureux d’avoir un peu de repos
Le 4 – nous continuons le
travail à la forêt – piquets 1 mètre 60
Le 5 – au chargement des
autos
Le 6 – repos dans la nuit du
6 au 7 – attaque des Boches
Le 7 – départ de Bénaménil
pour aller en permission à 8 heures 15 – Bénaménil, près de Manonviller,
fort livré par le commandant Rocolle
qui avait renfermé ses officiers
Le 8 – départ d’Aillevillers à 4 heures 6
Adresses :
Mr Louis Cartron
à St Legé de Rostes par Bernay (Eure)
Mr Louis Laviron
35 bis rue du Roi de Sicile, 4ème arr. Paris
Grollier Alfred 2ème
Compagnie D.M.A.P. 12ème section cantonnement de Billancourt,
Boulogne-sur-Seine (Seine)
1ère escouade :
Mariot, Fricaud, Morantin, Gauvin, Redor,
Fournet, Coicardin, Chauvet,
Beziau, David, Bourriaud,
Doucet, Leray
2ème escouade :
Boursin, Leroy, Fleury, Lerat, Letort, Mahé Jh, Joly
à
remettre à ma fille aînée Simone Gilaizeau
au Porteau, commune de Ste Marie par Pornic
(Loire-Inférieure)
Cartes postales
envoyées par Jean-Marie Gilaizeau
à sa fille Célina,
mère de Thérèse
Dugast qui les a conservées.
24
août 1914
15
mai 1916
16
mai 1916
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le propriétaire du carnet
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