Carnet de guerre et poèmes 14/18 d’Eugène LE FORESTIER

Caporal au 81e régiment d’infanterie territoriale

 

« Recueil de vers, poésies et histoires de la tranchée 1914/1915 »

 

 

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Merci à Marie-Ève pour le carnet de son grand-père.

 

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FICHE sur l’AUTEUR

 

Nom et prénom du témoin : LE FORESTIER Eugène

Âge en 1914 : 40 ans.

Sait lire et écrire (Bachelier en lettres)

Situation familiale en 1914 : Marié, 3 enfants

Situation professionnelle avant-guerre : Greffier, juge de paix à Guéménée-Penfao (Loire Inférieure)

 

Nature du témoignage : Carnets écrits au jour le jour à partir de sa mobilisation : Format/17cmx10 au crayon de bois

Période rapportée : novembre 1914/ mai 1915

 

 

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Avertissement

 

Le texte étant dense, j’ai créé volontairement des paragraphes et un sommaire.

Tous les textes de couleur bleue sont des rajouts pour comprendre et expliquer certains mots, certaines expressions, certaines situations.

La lecture du carnet en est donc rendu beaucoup plus « digeste » avec ses ajouts et les possibilités d’internet.

Didier

 

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Sommaire (n’existe pas dans le carnet)

Ø  Début du carnet

Ø  Annexes

ü  Proclamations

§  Décision du 20 7bre

§  Lettre du Colonel Grégoire 30 7bre

§  Décision du 27 9bre

ü  Recueil de vers, poésies et histoires de la tranchée 1914/1915

§  Les poilus de la 3ème escouade

§  Ceux qui restent

§  Hommage aux embusqués

§  Premier rayon de soleil

§  Un cousin de passage

§  Là-bas dans la basse berdouille

 

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Début du carnet

 

9 novembre 1914

Arrivée quartier Gl.

Continuation habillement. Passage au 67ème pour l’équipement. Touché 32 F 00 …reçu…Revenu 10.

Soupe prise joyeusement avec  Peray, Braudel et Carudel.

 

1h, confection du sac distribution de cartouches etc…

 

3h, départ pour revue générale, nous mangeons en plein air rata.

 

A 7h, rassemblement. 4 compagnies, 81e. (*)

Partout tout le monde est joyeux.

Gare Orléans, direction Angers, 1 détachement anglais nous accompagne.

 

Passé minuit, Angers, Le Mans.

 

(*) : Il s’agit du 81e régiment territorial.

En août, le régiment est de suite dirigé vers le Nord, puis en septembre dans l’Oise et la Somme (secteur d’Amiens)

Le régiment a déjà été très éprouvé par de nombreux tués, blessés et disparus : combat de Bourghelles (une cinquantaine de disparus), combat de Péronne (55 pertes), combats de Maricourt, Mautauban, Fricourt (174 pertes)

A la date du 9 novembre le 88e RIT se trouve en tranchées dans le secteur de Beaumetz, près d’Arras (62)

10 novembre

Arrêt 20 minutes à la Ferté-Bernard.

 

2 heures, arrêt de 50 minutes à Rambouillet, train de blessés.

On a pu se laver, du café a été distribué. Un détachement de cuirassiers est prêt à nous suivre.

 

2h 1/2, la gaîté continue. Gare de La Ferrière.

Des dames et jeunes filles nous apportent d’excellent café, des fleurs et cartes postales.

Versailles Chantiers- Choisy-le-Roi, l’Etang-La-Ville, Mareil-Marly, St Germain-en-Laye, Poissy, Achères, Argenteuil.

 

Dans la nuit, on passe Creil.

11 novembre

On se réveille nous sommes en gare d’Amiens. 

 A ---- un pont coupé.

 A ----- Usine et Château superbe. Les boches ne sont pas venus.

 

Midi, débarquement à Saulty-l’Arbret. (la ligne SNCF prend naissance à DOULLENS et se termine à Arras).

Repas.

 

A 1h1/2, départ arrivée à Gouy (en Artois).

La division est là, puis nous partons pour Beaumetz-les-Loges, hôtel de ville vitres cassées.

 

 

Extrait du JMO (Journal de Marches et Opérations) du régiment.

On y lit l’arrivée des renforts dont fait partie Eugène LE FORESTIER

 

2 h à attendre, puis à 6 heures du soir, nous nous rendons au cantonnement à La Rivière (sud-est de Beaumetz).

Sommes en 1ère ligne le 81ème est à l’honneur. Revue à la 12ème Cie, nous nous couchons et toute la nuit.

La canonnade s’entend et tout près, chante sérieusement.

12 novembre

Ce matin, la canonnade a repris, nous sommes à 500 m des Boches notre cantonnement a subi des coups, une petite marmite (mortier de gros calibre) a dégradé le toit et un carreau a été cassé.

Nous sommes à La Rivière à 500 m des Boches. cette nuit la canonnade a marché sérieusement, je vais demain dans les tranchées, les allemands occupent --- .

 

CROQUIS des lignes françaises et allemandes.

Samedi 14 novembre

Réveil à 3 heures, nous devons aller aux avants postes, arrivés sur les lieux nous sommes désignés, Rivière et moi, comme sentinelles avancées, nous avons devant nous les tranchées allemandes, on les voit les Boches, mais la consigne est de ne pas tirer.

Relevés de faction dès le jour.

Nous prenons place dans les tranchées. La terre est humide, nous rend sales, avec cela une petite grêle qui empêche de se réchauffer.

 

Cet après-midi, duel d’artillerie plus de 500 coups de canon ont été tirés de part et d’autre mais la nôtre a réduit les Allemands au silence, 3 aéroplanes repèrent les points, les obus sifflent au-dessus de nous, les marmites (*) allemandes cognent, c’est terrible !

 

(*) : Mortiers de gros calibre

Dimanche 15 novembre

Réveil, sac au dos c’est la relève, nous devons aller à Bailleulval en 3ème ligne pour nous reposer.

 

Arrivée à 6 h du matin au cantonnement, nous repartons pour les tranchées, cela est parfait !

De la pluie toute la journée on grelotte.

 

Enfin à 8 h du soir, on nous relève, je tombe dans la paille absolument éreinté, je n’ai pas faim, nous sommes sales, pleins de terre.

Lundi 16 novembre

Réveil 6 h, repos toute la journée, nous nettoyons nos armes, cousons les boutons.

Ce soir, sans doute départ pour les tranchées.

+ Carte.

Mardi 17 novembre

Partis hier soir, passons la nuit dans les tranchées.

Au jour tous glacés par le froid, reconnaissance d’avions suivie d’un duel d’artillerie par-dessus nous, nos 75 sont plus nombreux que les canons Boches.

Nous rentrons au cantonnement à 6 heures.

Mercredi 18 novembre

Repos. Vin à 1,50-tabac à 0.90

Jeudi 19 novembre

+ Carte.

Service aux tranchées, il fait un froid sérieux, les pieds sont gelés, reconnaissance d’aéroplanes français, les 75 ont rendu muets les canons allemands, la neige vient de commencer, nuit assez mouvementée, les fusils causent.

 

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Eugène assis à droite

 

Vendredi 20 novembre

Repos

Samedi 21 novembre

Toute la journée s’est passée calme dans les tranchées si ce n’était le froid aux pieds cela pourrait aller.

 

Revenus à 6 h1/2  au cantonnement.

Nous y trouvons Caradel qui vient d’arrêter. On nous annonce que les Boches commencent à filer.

Température au-dessous de zéro.

Dimanche 22 novembre

+ Lettre

Aussitôt réveillés, café, puis aussitôt nous allons Roul et moi à la messe dans l’église du hameau de Bailleulval.

100 places à prendre, quelques civils, des militaires, l’un d’eux nous chante l’Ave Maria.

 

Ce soir à 5h1/2, nous repartirons pour les tranchées.

Lundi 23 novembre

Nuit passée aux tranchées, les Boches nous ont salué d’une bordée d’obus.

Je commence à tousser, gare à la grippe.

Mardi 24 novembre

+ Lettre

Repos, revue d’armes

Mercredi 25 novembre

Sommes de service dans les tranchées, le dégel commence, calme partout, les canons se taisent.

Jeudi 26 novembre

+ Lettre

Repos, revue d’armes, on nous parle de succès. Pas de malade à la Cie.

Ration d’eau de vie.

Vendredi 27 novembre

Aux tranchées, temps gris, semble vouloir tomber de l’eau.

Samedi 28 novembre

+ Lettre

J’ai pris la garde de 8h à 9h1/2

Fusillade, canonnade sérieuse, entendue du côté d’Albert reconnaissance d’avions, les Boches nous ont envoyés 12 obus, pas de blessés. 2 bordées d’obus Boches.

On dirait qu’ils nous cherchent.

Dimanche 29 novembre

Aux tranchées. Duel d’artillerie. Vivement 6 h pour la relève.

Le soir tombe et on s’ennuie.

Lettre de Jeanne quelle joie, enfin des nouvelles de ceux que j’aime.

À peine couché on me rappelle et 2 et 3 lettres de Jeanne et un paquet avec tablette de chocolat, c’est du délire !

Vite  une cigarette et quelle bonne nuit je vais passer. Je sais qu’ils se portent bien et qu’ils pensent à moi, je sais qu’ils m’aiment et qu’ils tiennent à moi.

Je ne suis plus fatigué.

Rivière et Raoul ont aussi eu des lettres et des colis. Le tabac et le chocolat circulent à l’escouade, tout le monde reçoit quelque chose, pour moi  je suis comblé.

Lundi 30 novembre

+ Lettre

3 heures de l’après-midi, on m’appelle, c’est un paquet de Jean Coat, encore du chocolat, du tabac.

Quelle veine 1kg de chocolat, 1 livre de tabac, 6 paquets de cigarettes, quelle providence, on va pouvoir  passer gaiement la nuit ce soir aux tranchées.

Vite je réponds à Jeanne 8 pages et une carte à Jean, quelle journée qui m’a semblée courte.

Mardi 1er décembre

Nuit passée aux tranchées, j’ai eu froid, j’ai mal dormi, je pense à eux !

 

Ce matin 9 h, on me remet une lettre de Claude Coat me signalant mon colis, je répondrai demain à sa carte.

 

2h1/2, nous allons casser la croute avec les sardines

Jeudi 2 décembre

Repos, revue d’armes.

J’écris à Jeanne, tout à coup, sifflement, c’est un obus Boche, qui touche près de nous, démolit une maison en partie, tue un cheval, blesse un homme, quelques dégâts à des maisons.

Puis ce sont des obus qui nous arrivent, nous sommes obligés par précaution de mettre le sac au dos et de quitter le cantonnement pour se mettre à l’abri d’un coteau.

 

A 5h1/2, on va aux tranchées.

Nuit calme en partie.

Vendredi 3 décembre

Dans la matinée les obus boches recommencent la chanson, mais nos 75 sont de la partie.

Vendredi 4 décembre

+ Lettre

Repos. J’ai écrit à Jeanne.

 

Le soir, on se rend dans la tranchée.

Samedi 5 décembre

Journée calme, suis parti à 6h1/2 pour rentrer au cantonnement. J’ai reçu une lettre de Jeanne du 28 m’annonçant un colis avec cache-nez.

 

A 1h, je suis allé à Beaumetz-les-Loges pour signer ma délégation.

Beaumetz est abîmé par les obus allemands ; maisons, toitures, c’est horrible à voir.

Dimanche 6 décembre

Repos.

Suis allé à la messe, à 9h un prix de conservatoire nous a chanté 3 morceaux.

Le soir, j’ai reçu toile imperméable pour mon sac. J’avais écrit à Jeanne une lettre.

Lundi 7 décembre

Dans la tranchée tout est calme.

Mardi 8 décembre

Repos.

Reçu colis toile imperméable et lettre de Jeanne.

Le temps est très humide.

 

5h1/2, départ tranchées.

Mercredi 9 décembre

Service tranchée, nuit calme, quelques coups de fusils.

Dans la journée des tirs de 75.

Jeudi 10 décembre

Repos, rapport, exercice.

Il tombe de l’eau, tout semble triste, le pays est sale, il fait froid.

41ème cité à l’ordre. (*)

 

A 5h1/2, départ pour les tranchées.

 

(*) : Le 41e régiment d’infanterie est cité à l’ordre de l’armée pour son combat à Neuville-Vitasse-Mercatel (début octobre 1914)

Dans ces six jours de lutte ininterrompue, le 41ème a perdu 2.000 hommes environ ; il ne lui reste que 15 officiers. On peut dire qu’il s’est sacrifié, mais cela n’a pas été en vain. La poussée allemande sur Arras a été définitivement enrayée.

L’héroïsme du régiment est récompensé par la citation suivante à l’ordre de l’armée :

" S'est comporté très brillamment depuis le début de la campagne, notamment aux combats de Craonne et de Neuville-Vitasse, où il a perdu les deux tiers de son effectif et la plus grande partie de ses officiers ".

Vendredi 11 décembre

Service dans la tranchée, n°13, nuit très calme, à peine quelques coups de fusil, on n’entend pas le canon.

On m’apporte une lettre de Jeanne du 4 décembre, cela me fait très plaisir.

Samedi 12 décembre

Repos.

Dimanche 13 décembre au jeudi 17 décembre

Nous prenons les tranchées de 1ère ligne avec le 41ème de Rennes. Ceci change, c’est près des Boches que nous allons nous trouver.

Nous partons à 2h du matin pour les tranchées de la 1ère ligne : perdus dans les boyaux, véritable labyrinthe de 3 ou 4 Kms, il a gelé, le froid est terrible, pieds gelés, pas d’abri, obligés de monter des tentes !

Saulty-l’Arbret deuxième jour : pluie  tout est trempé, mouillé. Sentinelle en avant l’ennemi tire beaucoup.

Devons rester 4 jours.

Note : Pays de plaine avec vallons, pas d’arbres.

 

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Eugène en tranchée, Arras. 1914

Certainement une tranchée de seconde ligne

 

Jeudi 18/vendredi 19 décembre

Sommes partis de Bailleulval pour Simencourt.

2 jours de repos.

Samedi 20 décembre/mercredi  24 décembre

Départ tranchées, cote 109, 2ème ligne et 4 jours et 1ère ligne.

Vailly, le bourg est abandonné, maisons ouvertes, les habitants ont tous fui.

Rien à signaler pour les 4 premiers jours qu’un bombardement continuel des uns et des autres.

En 1ère ligne les boches ne tirent pas.

La 2ème nuit alerte 2 fois, patrouille boche attaque sentinelles, faisons 2 prisonniers, montons avec les hussards 13ème et 71ème.

Neige.

 

A quelques km de ce secteur, le jour de noël, il s’est produit des fraternisations. Voir sur mon site pour des détails.

Jeudi 25 déc. / lundi 29 décembre

Repartons  repos ….après 4 jours.

Mardi 30/Mercredi 31 décembre

Au bout de 2 jours alerte, on craint une attaque à Berneville,  1 jour, puis retournons à Simencourt.

 

 

1915

Jeudi 1er / ven 2/ sam 3/ Dim 4/ lun 5 / mardi 6 janvier

2 jours après départ pour les tranchées,

6 jours en 2ème ligne. Cote 105. Fabrication de tranchées puis 4 jours en renfort en 1ère ligne.

Pluie, mauvais temps et fatigue

Merc 7 /jeu 8/ven 9/sa 10 janvier

Retour Simencourt  pour 4 jours.

Revenu cote 109 pour séjour en 2ème ligne.

Samedi 6 heures

Départ pour les tranchées cote 109.

4 jours 2ème ligne, garde de nuit et patrouille.

Samedi 10 janvier au soir

Départ pour les tranchées de 1ère ligne à Wailly, garde des boyaux, sentinelles doubles et poste d’écoute, à 200 m de l’ennemi dont on voit les tranchées sur la crête.

Temps passable, gelée, froid, mais aussi soleil, pluie, duel d’artillerie terrible !

Merc 14 janvier/ jeu 15/ven 16/ sa 17

Repos 4 jours, 2ème piqure, typhoïde, fièvre etc…

Dim 18 janvier Départ cote 109.

4 jours, rien à signaler.

Mercredi  21  janvier

Départ pour Wailly, 1ère ligne à notre arrivée l’ennemi nous a bombardé, personne de blessé, chance !

Vendredi 23 janvier

Les Boches continuent le bombardement.

Dumoulin, sergent 12ème, 4ème section reçoit un éclat (dans le ventre), il est mort le soir. (*)

Nous sommes de garde.

 

(*) : Il ne figure pas dans le JMO du régiment.

Samedi 24 janvier/dim 25/lun 26

Tombe malade, angine, évacué sur Berneville.

3 jours d’hôpital, le ….ne rentre que le 26, le nouveau cantonnement sera Berneville.

Jeudi 6 février

Carte de Jy Aubin.

Vend. 7 février

Lettre de Jeanne, Noël, Bertile.

19 février

Lettre de Jeanne.

20 février

Carte Robin.

19 mars

4 jours : cote 109 suis avec le caporal et le B… bien couché, bien reposé.

4 jours : Petit Château près de Wailly, bien logé. Clocher de Wailly démoli.

4 jours : repos.

4 jours : cote 109 comme précédemment.

4 jours : Petit Château.

6 avril

Nommé caporal.

10 avril

4 jours, cote 109 avec Rachard, canonnade et fusils vers Albert.

16 avril

6 jours : Ferme de Loos avec mon escouade et canonnade violente des deux côtés.

Prise d’armes à 3h1/2 le matin, on parle de nous envoyer à Beaumetz.

18 avril

Le 241ème a fait un prisonnier.

19 avril

L’ennemi bombarde les tranchées de 1ères lignes et Wailly.

20 avril

Nos 75 et 90 répondent.

21 avril

6ème jour la relève.

22

A 10 heures du soir, alerte.

23/24/25/26

Repos à Beaumetz.

24

Il pleut dans le cantonnement.

26

Service pour les morts du 3ème bataillon.

27 avril

A 14h, départ pour la cote 109, il fait une chaleur torride, arrivée à 16h tout le monde en nage.

Je loge dans une casemate nouvelle avec 3 hommes Lallier, Dormart et Guillard.

28/29/30 avril/ et mai 1/2/3/4

Travaux de nuit, creusement des boyaux, le matin réveil à 3 h et prise d’armes.

Tranchées de tir tous les jours. Service de garde par escouade.

Nuit travail dans les boyaux.

2 mai

Alerte à 10h1/2, on craint une attaque, le départ pour Wailly est retardé.

Tous les jours reconnaissance d’avions des 2 côtés, l’un Boche nous a mitraillé sans résultat, nos 90 et 75 donnent beaucoup, les Boches ont répondu par des marmites mais pas de blessé.

On nous annonce qu’1 obus a blessé 4 hommes du 82 et tué 1 en 1ère ligne.

 

Hier soir, l’avion français qui a survolé les lignes ennemies a essuyé au moins 60 coups de canons mais a continué quand même.

Le 3

Visite du colonel commandant, 1 officier d’ordonnance, 1 aumônier de la division en prêtre, brassard de la Croix Rouge, avec 2 ou 3 galons.

Le temps est très orageux, il a plu et les boyaux sont tout sales, on les nettoie.

Tout le monde s’ennuie, que c’est long !

On reçoit depuis 3 jours Le Petit Journal  de chaque jour.

On a entendu les premiers jours de mai une canonnade très forte sur Arras et Mont-Saint-Éloi.

Il gronde très fort dans la direction d’Albert à notre droite.

Les habitants rentrés à Rivière sont prévenus d’avancer en face de nous. Bléville et Fleucheuse sont toujours aux Allemands.

Tout le monde se rend compte qu’un grand nombre d’obus allemands n’éclatent pas, sur 16 envoyés ce matin, 7 n’ont pas éclaté.

5 mai

Départ pour Wailly, temps orageux.

7 mai

Nous y arrivons de bonne heure trempés de sueur comme toujours.

Corvées de nuit.

8 mai

Prise d’armes à 3h 15 réveil, 2 heures dans la journée de repos.

Je suis de renfort avec 30 hommes en 1ère ligne, nuit splendide, pas froide.

J’ai pensé à eux, que je voudrai pouvoir les embrasser. Il est 3h30 tout le monde est à son poste.

9 mai

Départ pour rentrer à 4h1/2, on prend son café, puis repos.

50 hommes classes 1891 et 1892 (*) sont arrivés de Savenay. J’en ai un à mon escouade, Lefebvre, comptable à Nantes.

 

Le soir, l’ennemi a tiré des obus vers nous.

 

(*) : C’est-à-dire des soldats âgés de 42/43 ans.

10 mai

Aussitôt le réveil et la prise d’armes, on est avertis de rester en tenue, prêts à partir, l’attaque est commencée d’Arras à la mer du Nord, le bruit de la canonnade s’entend bien, il dure depuis plusieurs heures. (*)

C’est le moment venu pour en finir ; n’était-ce pas bien la fête de la Bienheureuse Jeanne D’Arc ?

A-t-on choisi ce jour ? En tout cas elle doit là-haut guider le haut Commandement et nous conduire à la victoire. Tout le monde est heureux que cela soit ainsi, à la grâce de Dieu, tous nous ferons notre devoir, attendons confiants l’ordre pour nous mettre en route sac au dos.

 

7h1/2, on nous annonce la prise d’Arras, nous avons avancé d’environ 2 Kms sur une assez grande largeur. Fait 1000 prisonniers et pris 4 canons ; Fusillade continue, on l’entend très bien.

On nous annonce que la lutte continue très vive près d’Arras, Notre-Dame-de-Lorette.

Nous sommes toujours en alerte, prêts à partir, sans faille, harnachement au dos, vivres touchées.

Toujours en alerte on nous annonce que l’avantage continue, il y a 3000 prisonniers, 50 officiers, 6 canons.

 

(*) : Il s’agit de la première bataille d’Artois. Visible sur mon site  >>>  ici   <<<

12 mai

Prise d’armes 3h1/2 du matin, je pars à 6h pour faire le cantonnement  DE B.L.L pour le B…

 

Le soir, j’écris à Jeanne, je suis éreinté.

13/14/15/16 mai

Repos à Beaumetz.

Chaque jour un bulletin officiel paraît nous annonçant nos gains vers Arras.

2000 prisonniers, 20 officiers, canons, mitrailleuses, tous les jours nous avançons.

17 mai

A 2h après midi,  décoré 2 sergents du 81ème de la médaille militaire.

 

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Extrait du JMO (Journal de Marches et Opérations) du régiment.

On y lit les citations des 2 soldats.

 

18 mai

A 9 heures, revue de départ.

 

A 1h1/2, départ pour cote 109.

19/20/21/22/23 mai

Séjour cote 109, toujours même emplacement pendant 3 jours.

Canonnade effrayante vers Arras.

Allez !!!

Ablain-St Nazaire, N.D. de Lorette !!!, c’est un bruit infernal, on est sans nouvelles.

2 nouveaux sous-lieutenants, De Sesmaisons et Lecourt GrandMaison (*) sont nommés à la compagnie.

J’ai reçu le 23 lettre de Jeanne et Noël.

J’ai écrit à Jeanne et à Vire.

 

(*) : Le JMO indique leur promotion de sergent à sous-lieutenant : Il s’agit des sergents PETIT DEMAISON et Allard de GRANDMAISON, tout deux affectés à la 12e compagnie.

 

FIN du carnet

 

Eugène sera nommé sergent-fourrier le 5 juin 1915.

Il finira la guerre au 6e régiment d’artillerie, « à l’arrière », au dépôt du parc d’artillerie de Toul.

 

 

 

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ANNEXES

 

PROCLAMATIONS

Recopiées sur le carnet

 

Décision du 20 7bre

« Le colonel commandant la 175 ème brigade territoriale, souhaite  au 81eme  xxx,  le meilleur succès pour ses armes dans le poste d’honneur où il est appelé, il eut aimé ensuite encore comme à  Hébuterne être à la tête de la brigade toute entière mais quel que soit le Chef, ne songeons qu’à la Victoire. 

Haut les Cœurs ! »

 

Aux Armées le 19 7bre

Le Colonel et la 175ème Brigade

Signé VALLANTIN

 

Lettre du Colonel Grégoire au Ct de la 67ème brigade d’infanterie 30 7bre

Le lieutenant est heureux de porter à la connaissance du régiment la lettre suivante écrite par le colonel Ct la 34 ème division en lui transmettant les propositions pour citations. :

 

« J’ai l’honneur de vous adresser ci-joints des propositions pour citations pour des officiers et hommes de troupe du 81 ème. »

« Ces militaires appartiennent en grande partie au bataillon suivant qui a occupé pendant 8 jours consécutifs le centre de résistance de xxxxxxxxx y subissant tous les jours de violents tirs de barrages et des rafales de minenwerfer. »

« Les hommes n’ayant à leur disposition aucun abri de bombardement ont fait preuve d’un calme et d’un sang-froid remarquables supportant sans broncher et sans se plaindre de lourdes pertes et conservant un moral très élevé. »

« Le 81 ème dont les pertes sont : blessés – 3  officiers 166 hommes, tués 43 hommes, était prêt si les circonstances l’aveint demandé, à se porter en avant.

Les récompenses qui seront accordées au C … xxx  et à ses subordonnés ne feront qu’exalter les belles vertus militaires qui animent le 81 ème. »

 

Signé Grégoire

 

Décision du 27 9bre

Le lieutenant-colonel a appris avec satisfaction que les généraux sous les ordres desquels le régiment est placé momentanément constatent et admirent beaucoup, l’endurance, la ténacité, la bravoure et le sang-froid dont font preuve les militaires de la 81 ème xxx au milieu des épreuves et fatigues qu’ils traversent actuellement.

Le Lieutenant -Colonel est heureux de faire part à tous de ce témoignage rendu par nos chefs aux qualités militaires des BRETONS, mais il n’en est pas surpris car il y a longtemps qu’il les connaît et sait de quoi ils sont capables.

Il n’a en ce moment qu’un regret, c’est d’être obligé par les circonstances présentes de rester en permanence à son poste de commandement et de ne pouvoir comme il le fait habituellement circuler au milieu d’eux dans les tranchées.

 

 

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Eugène et sa famille.

 

TEXTE poétique recopié

 

La nuit vient de tomber

L’homme est en sentinelle

Son oreille est aux aguets

Ses yeux vers l’horizon

Sans souci du danger

N’écoutant que son zèle

Qu’il est noble le rôle

De l’homme en faction

 

Tous les amis reposent

Comptant bien sur sa garde

 

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« Recueil de vers, poésies et histoires de la tranchée 1914/1915 »

Suite …. recopiés par Eugène LE FORESTIER

 

 

LES POILUS DE LA 3ème  ESCOUADE

I

On les a vus revenir d’Hébuterne

On les a vus revenir de Fricourt

Le cœur serré, déçus, la mine terne,

Mais pleins d’espoir et de plus heureux jours

Ils ont depuis trouvé des camarades

Venus comme eux prendre part aux combats,

Depuis ce jour dans la 3ème escouade

La gaité règne, malgré les branle-bas

 

REFRAIN

Chantons, chantons Poilus en Avant

La 3ème Escouade, sans fanfaronnade

Buvons, trinquons, chantons tout le temps

Dans la tranchée comme au cantonnement

Pan, Pan le Fritz, les poilus sont par ici,

Les poilus, les territoriaux

Ont toujours marché avec sac au dos

En sabots comme en godillots

Dans les trous et dans les boyaux

Malgré les grenades, les pruneaux

Avec leur ca…

 

II

Ils sont venus de la Loire Inférieure

Ils sont venus du beau pays breton

Portant en eux, avec une foi meilleure

La force que donne le vin de la région

Dans les tranchées de Berle et de Rivière

Malgré les balles, les obus, les canons

Toujours debout et l’œil aux meurtrières

Ils combattaient le cœur plein de chansons

 

III

Entre eux vraiment c’est la grande famille

Ils méconnaissent le riche et le paria

Qu’ils soient venus cossus ou en guenilles

Ils sont égaux au repos comme au combat

Par tous les temps partageant leur misère

Leurs joies, leurs

deuils, en solidarité

A la troisième ils vivent tous en frères

Et leur devise est toujours gaité

 

 

Composé dans les tranchées de WAILLY, Pas de Calais, le 25 mars 1915 Par F, Maillocheau, Caporal de la 3ème.

 

 

 

 

CEUX QUI RESTENT

 

Ceux qui restent

Trouvant l’uniforme incommode

Bien cravatés, roses et gras

Toujours mis à l’ultime mode

Ils vont dans la rue à grand pas

 

Ils ont le chapeau sur l’oreille

Un air satisfait et vainqueur

Qui vraiment complète à merveille

Le Charme de leur bouche en cœur

 

Ils ont des cartes plein les poches

Et pas un soldat sur le front

N’a plus de haine pour les Boches

Et n’est plus sûr que nous vaincrons

 

Une bronchite, un rhumatisme

Leur imposent un long repos

Et malgré leur patriotisme

Ils n’ont pu mettre sac au dos

 

Mais quand la sanglante époque

Qui tient l’univers haletant

Sera pour toujours terminée

Nous aurons spectacle touchant

 

Le discours ou la conférence

Par des réformés de x ans

Qui nous parlerons de France

Et de ses valeureux enfants

 

S’ils se trouvent par aventure

Quelque coin payé grassement

Ou quelque bonne sinécure

Ils l’obtiendront facilement

 

Plus tard à leur progéniture

Toujours gras, toujours joufflus

Ils diront « je suis sans blessure

Mais j’étais parmi les Poilus »

 

S. Rebon d’Algérie

 

 

 

HOMMAGE AUX EMBUSQUÉS

 

A vous Messieurs, je tiens à rendre hommage

Pour votre indomptable ténacité

Depuis 12 mois que le carnage

Dans les dépôts vous avez résisté

Jusqu’à la fin de cette atroce guerre

Rien ne pourra vous déloger

Car vous tenez plus fort que Boche en terre

Permettez-nous de vous féliciter

Quand du dépôt un renfort nous rapplique

Formés souvent de blessés non guéris

Vous prodiguez paroles héroïques

Poignées de mains, larmes, ils sont partis

Vous connaissez mieux que nous nos batailles

Nul mieux que vous ne sait les raconter

A vous plus tard, croix, honneurs et médailles

Car entre nous vous l’avez mérité

Pendant que nous partirons à l’ouvrage

Profitez-en pour jaser et crâner

Nous survivrons quelques-uns au carnage

Qui certains jours « vous la feront fermer»

 

 

 

PREMIER RAYON DE SOLEIL

 

Avec son blanc manteau de neige

Maculé de boue et de sang

Il repart à travers les ans

Suivi de son triste cortège

Composé de tous les malheurs

Qui accablent notre misère

L’hiver ruisselant de pleurs

Poursuit son chemin sur la terre

 

Point de regrets pour ses frimas

Si rigoureux en cette guerre

Elle seule sur nos sombres chaumières

Suffit à semer le trépas

Qu’il emporte au loin l’aigre bise

Avec son sifflement aigu.

Pour que par nous soit entendu

L’ennemi qui caché, nous vise

Déjà les oiseaux sur les toits

Réchauffent leur plumage humide

Et l’humble violette des bois

Apparaît pâlotte et timide

Et voici parmi les ruines

Amoncelées sur le pays

Le soleil d’avril resplendit

Nous encourageant par sa mine

 

Il apporte avec lui l’espoir

En la Paix proche et éternelle

Agitant le cœur de nos belles

Comme le parfum d’un encensoir

Puisse-t-il ce rayon de printemps

Précurseur des belles journées

Faire fondre avec les gelées

Le militarisme allemand

 

F. M. Mars 1915

 

 

 

UN COUSIN DE PASSAGE

 

Non je ne t’aimais pas, si l’amour c’est la fièvre

Si c’est l’âpre désir précipitant nos pas

Si c’est la flamme au front, le mensonge à la lèvre

Et l’égoïsme au cœur, non je ne t’aimais pas.

 

Mais si l’Amour, c’est Dieu qui parle au fond d’une âme

Si c’est le dévouement qui ne finit jamais

Si c’est d’avoir vu l’ange, avant de voir la femme.

Je ne le savais pas Jeanne, mais je t’aimais.

Je t’aimais et je t’aime, et je souffre et je pleure

Je tremble, mais ma voix ne fait que te bénir

Avec toi je pars, ou je demeure,

Prends mon âme, ma vie et tout mon avenir.

 

Mais reste ici, restons dans notre solitude

Aimons-nous dans ces lieux qui connaissent nos pas

Ces bois, ces champs, ces murs ont l’habitude

De nous voir réunis ne nous séparons pas

 

H de B

 

 

 

 

LA-BAS DANS LA BASSE BERDOUILLE

(Pourquoi pas not’fille comme les autres)

 

Comme j’fais là bas dans la Basse-Berdouille

Je filais donc ma quenouille

Et tout ce qui m’y ennuyait

C’est qu’il fallait trop travaouiller

Mon Père y me dit foutue Berdouille

File va donc ma quenouille

Ma mère prit un gros bâton

J’fus chercher l’travouille et l’peignon

 

Le lendemain c’était dimanche

Je pris ma robe, mes belles manches

Et mon corset de Bouraton

Comme ça j’trouvais un beau galant

Y en parlait à mon père

Mon père en parlit à ma mère

Ma mère a dit : - ma  je ne sais pas

J’crois qu’not’ Jeanneton aimera  ben les gars

Mon père dit : - à la mode à l’autre

Pour t pas not’ fille comme les  autres

Moi j’y leur dit si vous voulez me marier

Cherchez un autre pour travouiller

 

Trois semaine après c’était nos noces

J’allions tous deux berli berloque

Il s’appelait Jean Raffina

Qu’était encore  plus bêt’ que moi

quand ce fut de par les  rues

Il avait n’avait  l’air qu’d’une grand’ morue

Il allait en déguignolant

Comme un bonhomme de cent dix ans

 

Quand ce fut dedans l’église

Il s’appelait Jean qui frise

Y n’avait l’air d’un gros bêta

Y n’a point quitté son chapeau

Y avait là notre grand vicaire

Qu’était venu pour li dire la messe

Qui dit Monsieur l’marié

- Voulez-vous ben vous découeffer ?

Comme y été de la Basse Bredouille

Y devint rouge comme une vieille citrouille

Et moi j’y dis : - mon graos bétiat

Pourquoi né té découeffrais -tu pas

 

Et quand ce fut midi à table

y’avait là  tous nos camarades

Toujours l’nez y dégoûtait

Chacun d’l’y passait son mouchoué

 

Y’avait là la grande Perrine

Qui était astiquée comme une vieille bobine

Qui Dit : - j’aimerais mieux jamais me marier

Que d’prendre un homme pour le moucher

 

Chanson du Patrimoine de Basse Bretagne (Région de Redon)

 

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