« Recueil de vers,
poésies et histoires de la tranchée 1914/1915 »
Merci à Marie-Ève pour le carnet de son grand-père.
FICHE sur l’AUTEUR
Nom et prénom du témoin : LE FORESTIER Eugène
Âge en 1914 : 40 ans.
Sait lire et écrire (Bachelier en lettres)
Situation familiale en 1914 : Marié, 3 enfants
Situation professionnelle avant-guerre : Greffier, juge de paix à Guéménée-Penfao (Loire Inférieure)
Nature du témoignage : Carnets écrits au jour le jour à partir de sa mobilisation : Format/17cmx10 au crayon de bois
Période rapportée : novembre 1914/ mai 1915
Avertissement
Le texte étant dense, j’ai créé volontairement des paragraphes et un sommaire.
Tous les textes de couleur bleue sont des rajouts pour comprendre et expliquer certains mots, certaines expressions, certaines situations.
La lecture du carnet en est donc rendu beaucoup plus « digeste » avec ses ajouts et les possibilités d’internet.
Didier
Sommaire (n’existe pas dans le carnet)
Ø Annexes
§ Lettre du
Colonel Grégoire 30 7bre
ü Recueil de vers, poésies et histoires de la tranchée 1914/1915
§ Les poilus de la 3ème escouade
§ Là-bas dans la basse berdouille
Arrivée quartier Gl.
Continuation habillement. Passage au 67ème pour l’équipement. Touché 32 F 00 …reçu…Revenu 10.
Soupe prise joyeusement
avec Peray,
Braudel et Carudel.
1h, confection du sac distribution de cartouches etc…
3h, départ pour revue générale, nous mangeons en plein air rata.
A 7h, rassemblement. 4 compagnies, 81e. (*)
Partout tout le monde est joyeux.
Gare Orléans, direction Angers, 1 détachement anglais nous accompagne.
Passé minuit, Angers, Le Mans.
(*) : Il s’agit du 81e régiment territorial.
En août, le régiment est de suite dirigé vers le Nord,
puis en septembre dans l’Oise et la Somme (secteur d’Amiens)
Le régiment a déjà été très éprouvé par de nombreux tués,
blessés et disparus : combat de Bourghelles (une cinquantaine de
disparus), combat de Péronne (55 pertes), combats de Maricourt, Mautauban,
Fricourt (174 pertes)
A la date du 9 novembre le 88e RIT se trouve
en tranchées dans le secteur de Beaumetz, près d’Arras (62)
Arrêt 20 minutes à la Ferté-Bernard.
2 heures, arrêt de 50 minutes à Rambouillet, train de blessés.
On a pu se laver, du café a été distribué. Un détachement de cuirassiers est prêt à nous suivre.
2h 1/2, la gaîté continue. Gare de La Ferrière.
Des dames et jeunes filles nous apportent d’excellent café, des fleurs et cartes postales.
Versailles Chantiers- Choisy-le-Roi, l’Etang-La-Ville, Mareil-Marly, St Germain-en-Laye, Poissy, Achères, Argenteuil.
Dans la nuit, on passe Creil.
On se réveille nous sommes en gare d’Amiens.
A ---- un pont coupé.
A ----- Usine et Château superbe. Les boches ne sont pas venus.
Midi, débarquement à Saulty-l’Arbret. (la ligne SNCF prend naissance à DOULLENS et se termine à Arras).
Repas.
A 1h1/2, départ arrivée à Gouy (en Artois).
La division est là, puis nous partons pour Beaumetz-les-Loges, hôtel de ville vitres cassées.
Extrait du JMO (Journal de Marches et
Opérations) du régiment.
On y lit l’arrivée des renforts dont
fait partie Eugène LE FORESTIER
2 h à attendre, puis à 6 heures du soir, nous nous rendons au cantonnement à La Rivière (sud-est de Beaumetz).
Sommes en 1ère ligne le 81ème est à l’honneur. Revue à la 12ème Cie, nous nous couchons et toute la nuit.
La canonnade s’entend et tout près, chante sérieusement.
Ce matin, la canonnade a repris, nous sommes à 500 m des Boches notre cantonnement a subi des coups, une petite marmite (mortier de gros calibre) a dégradé le toit et un carreau a été cassé.
Nous sommes à La Rivière à 500 m des Boches. cette nuit la canonnade a marché sérieusement, je vais demain dans les tranchées, les allemands occupent --- .
CROQUIS des lignes françaises et allemandes.
Réveil à 3 heures, nous devons aller aux avants postes, arrivés sur les lieux nous sommes désignés, Rivière et moi, comme sentinelles avancées, nous avons devant nous les tranchées allemandes, on les voit les Boches, mais la consigne est de ne pas tirer.
Relevés de faction dès le jour.
Nous prenons place dans les tranchées. La terre est humide, nous rend sales, avec cela une petite grêle qui empêche de se réchauffer.
Cet après-midi, duel d’artillerie plus de 500 coups de canon ont été tirés de part et d’autre mais la nôtre a réduit les Allemands au silence, 3 aéroplanes repèrent les points, les obus sifflent au-dessus de nous, les marmites (*) allemandes cognent, c’est terrible !
(*) : Mortiers de gros calibre
Réveil, sac au dos c’est la relève, nous devons aller à Bailleulval en 3ème ligne pour nous reposer.
Arrivée à 6 h du matin au cantonnement, nous repartons pour les tranchées, cela est parfait !
De la pluie toute la journée on grelotte.
Enfin à 8 h du soir, on nous relève, je tombe dans la paille absolument éreinté, je n’ai pas faim, nous sommes sales, pleins de terre.
Réveil 6 h, repos toute la journée, nous nettoyons nos armes, cousons les boutons.
Ce soir, sans doute départ pour les tranchées.
+ Carte.
Partis hier soir, passons la nuit dans les tranchées.
Au jour tous glacés par le froid, reconnaissance d’avions suivie d’un duel d’artillerie par-dessus nous, nos 75 sont plus nombreux que les canons Boches.
Nous rentrons au cantonnement à 6 heures.
Repos. Vin à 1,50-tabac à 0.90
+ Carte.
Service aux tranchées, il fait un froid sérieux, les pieds sont gelés, reconnaissance d’aéroplanes français, les 75 ont rendu muets les canons allemands, la neige vient de commencer, nuit assez mouvementée, les fusils causent.
Repos
Toute la journée s’est passée calme dans les tranchées si ce n’était le froid aux pieds cela pourrait aller.
Revenus à 6 h1/2 au cantonnement.
Nous y trouvons Caradel qui vient d’arrêter. On nous annonce que les Boches commencent à filer.
Température au-dessous de zéro.
+ Lettre
Aussitôt réveillés, café, puis aussitôt nous allons Roul et moi à la messe dans l’église du hameau de Bailleulval.
100 places à prendre, quelques civils, des militaires, l’un d’eux nous chante l’Ave Maria.
Ce soir à 5h1/2, nous repartirons pour les tranchées.
Nuit passée aux tranchées, les Boches nous ont salué d’une bordée d’obus.
Je commence à tousser, gare à la grippe.
+ Lettre
Repos, revue d’armes
Sommes de service dans les tranchées, le dégel commence, calme partout, les canons se taisent.
+ Lettre
Repos, revue d’armes, on nous parle de succès. Pas de malade à la Cie.
Ration d’eau de vie.
Aux tranchées, temps gris, semble vouloir tomber de l’eau.
+ Lettre
J’ai pris la garde de 8h à 9h1/2
Fusillade, canonnade sérieuse, entendue du côté d’Albert reconnaissance d’avions, les Boches nous ont envoyés 12 obus, pas de blessés. 2 bordées d’obus Boches.
On dirait qu’ils nous cherchent.
Aux tranchées. Duel d’artillerie. Vivement 6 h pour la relève.
Le soir tombe et on s’ennuie.
Lettre de Jeanne quelle joie, enfin des nouvelles de ceux que j’aime.
À peine couché on me rappelle et 2 et 3 lettres de Jeanne et un paquet avec tablette de chocolat, c’est du délire !
Vite une cigarette et quelle bonne nuit je vais passer. Je sais qu’ils se portent bien et qu’ils pensent à moi, je sais qu’ils m’aiment et qu’ils tiennent à moi.
Je ne suis plus fatigué.
Rivière et Raoul ont aussi eu des lettres et des colis. Le tabac et le chocolat circulent à l’escouade, tout le monde reçoit quelque chose, pour moi je suis comblé.
+ Lettre
3 heures de l’après-midi, on m’appelle, c’est un paquet de Jean Coat, encore du chocolat, du tabac.
Quelle veine 1kg de chocolat, 1 livre de tabac, 6 paquets de cigarettes, quelle providence, on va pouvoir passer gaiement la nuit ce soir aux tranchées.
Vite je réponds à Jeanne 8 pages et une carte à Jean, quelle journée qui m’a semblée courte.
Nuit passée aux tranchées, j’ai eu froid, j’ai mal dormi, je pense à eux !
Ce matin 9 h, on me remet une lettre de Claude Coat me signalant mon colis, je répondrai demain à sa carte.
2h1/2, nous allons casser la croute avec les sardines
Repos, revue d’armes.
J’écris à Jeanne, tout à coup, sifflement, c’est un obus Boche, qui touche près de nous, démolit une maison en partie, tue un cheval, blesse un homme, quelques dégâts à des maisons.
Puis ce sont des obus qui nous arrivent, nous sommes obligés par précaution de mettre le sac au dos et de quitter le cantonnement pour se mettre à l’abri d’un coteau.
A 5h1/2, on va aux tranchées.
Nuit calme en partie.
Dans la matinée les obus boches recommencent la chanson, mais nos 75 sont de la partie.
+ Lettre
Repos. J’ai écrit à Jeanne.
Le soir, on se rend dans la tranchée.
Journée calme, suis parti à 6h1/2 pour rentrer au cantonnement. J’ai reçu une lettre de Jeanne du 28 m’annonçant un colis avec cache-nez.
A 1h, je suis allé à Beaumetz-les-Loges pour signer ma délégation.
Beaumetz est abîmé par les obus allemands ; maisons, toitures, c’est horrible à voir.
Repos.
Suis allé à la messe, à 9h un prix de conservatoire nous a chanté 3 morceaux.
Le soir, j’ai reçu toile imperméable pour mon sac. J’avais écrit à Jeanne une lettre.
Dans la tranchée tout est calme.
Repos.
Reçu colis toile imperméable et lettre de Jeanne.
Le temps est très humide.
5h1/2, départ tranchées.
Service tranchée, nuit calme, quelques coups de fusils.
Dans la journée des tirs de 75.
Repos, rapport, exercice.
Il tombe de l’eau, tout semble triste, le pays est sale, il fait froid.
41ème cité à l’ordre. (*)
A 5h1/2, départ pour les tranchées.
(*) : Le 41e régiment d’infanterie est cité à l’ordre de
l’armée pour son combat à Neuville-Vitasse-Mercatel (début octobre 1914)
Dans ces six jours de lutte ininterrompue, le 41ème a
perdu 2.000 hommes environ ; il ne lui reste que 15 officiers. On peut dire
qu’il s’est sacrifié, mais cela n’a pas été en vain. La poussée allemande sur
Arras a été définitivement enrayée.
L’héroïsme du régiment est récompensé par la citation
suivante à l’ordre de l’armée :
" S'est comporté très
brillamment depuis le début de la campagne, notamment aux combats de Craonne et
de Neuville-Vitasse, où il a perdu les deux tiers de son effectif et la plus
grande partie de ses officiers ".
Service dans la tranchée, n°13, nuit très calme, à peine quelques coups de fusil, on n’entend pas le canon.
On m’apporte une lettre de Jeanne du 4 décembre, cela me fait très plaisir.
Repos.
Nous prenons les tranchées de 1ère ligne avec le 41ème de Rennes. Ceci change, c’est près des Boches que nous allons nous trouver.
Nous partons à 2h du matin pour les tranchées de la 1ère ligne : perdus dans les boyaux, véritable labyrinthe de 3 ou 4 Kms, il a gelé, le froid est terrible, pieds gelés, pas d’abri, obligés de monter des tentes !
Saulty-l’Arbret deuxième jour : pluie tout est trempé, mouillé. Sentinelle en avant l’ennemi tire beaucoup.
Devons rester 4 jours.
Note : Pays de plaine avec vallons, pas d’arbres.
Eugène en tranchée, Arras. 1914
Certainement une tranchée de seconde
ligne
Sommes partis de Bailleulval pour Simencourt.
2 jours de repos.
Départ tranchées, cote 109, 2ème ligne et 4 jours et 1ère ligne.
Vailly, le bourg est abandonné, maisons ouvertes, les habitants ont tous fui.
Rien à signaler pour les 4 premiers jours qu’un bombardement continuel des uns et des autres.
En 1ère ligne les boches ne tirent pas.
La 2ème nuit alerte 2 fois, patrouille boche attaque sentinelles, faisons 2 prisonniers, montons avec les hussards 13ème et 71ème.
Neige.
A quelques km de ce secteur, le jour de noël, il s’est produit
des fraternisations. Voir sur mon site pour des détails.
Repartons repos ….après 4 jours.
Au bout de 2 jours alerte, on craint une attaque à Berneville, 1 jour, puis retournons à Simencourt.
2 jours après départ pour les tranchées,
6 jours en 2ème ligne. Cote 105. Fabrication de tranchées puis 4 jours en renfort en 1ère ligne.
Pluie, mauvais temps et fatigue
Retour Simencourt pour 4 jours.
Revenu cote 109 pour séjour en 2ème ligne.
Départ pour les tranchées cote 109.
4 jours 2ème ligne, garde de nuit et patrouille.
Départ pour les tranchées de 1ère ligne à Wailly, garde des boyaux, sentinelles doubles et poste d’écoute, à 200 m de l’ennemi dont on voit les tranchées sur la crête.
Temps passable, gelée, froid, mais aussi soleil, pluie, duel d’artillerie terrible !
Repos 4 jours, 2ème piqure, typhoïde, fièvre etc…
Dim 18 janvier Départ cote 109.
4 jours, rien à signaler.
Départ pour Wailly, 1ère ligne à notre arrivée l’ennemi nous a bombardé, personne de blessé, chance !
Les Boches continuent le bombardement.
Dumoulin, sergent 12ème, 4ème section reçoit un éclat (dans le ventre), il est mort le soir. (*)
Nous sommes de garde.
(*) : Il ne figure pas dans le JMO du régiment.
Tombe malade, angine, évacué sur Berneville.
3 jours d’hôpital, le ….ne rentre que le 26, le nouveau cantonnement sera Berneville.
Carte de Jy Aubin.
Lettre de Jeanne, Noël, Bertile.
Lettre de Jeanne.
Carte Robin.
4 jours : cote 109 suis avec le caporal et le B… bien couché, bien reposé.
4 jours : Petit Château près de Wailly, bien logé. Clocher de Wailly démoli.
4 jours : repos.
4 jours : cote 109 comme précédemment.
4 jours : Petit Château.
Nommé caporal.
4 jours, cote 109 avec Rachard, canonnade et fusils vers Albert.
6 jours : Ferme de Loos avec mon escouade et canonnade violente des deux côtés.
Prise d’armes à 3h1/2 le matin, on parle de nous envoyer à Beaumetz.
Le 241ème a fait un prisonnier.
L’ennemi bombarde les tranchées de 1ères lignes et Wailly.
Nos 75 et 90 répondent.
6ème jour la relève.
A 10 heures du soir, alerte.
Repos à Beaumetz.
Il pleut dans le cantonnement.
Service pour les morts du 3ème bataillon.
A 14h, départ pour la cote 109, il fait une chaleur torride, arrivée à 16h tout le monde en nage.
Je loge dans une casemate nouvelle avec 3 hommes Lallier, Dormart et Guillard.
Travaux de nuit, creusement des boyaux, le matin réveil à 3 h et prise d’armes.
Tranchées de tir tous les jours. Service de garde par escouade.
Nuit travail dans les boyaux.
Alerte à 10h1/2, on craint une attaque, le départ pour Wailly est retardé.
Tous les jours reconnaissance d’avions des 2 côtés, l’un Boche nous a mitraillé sans résultat, nos 90 et 75 donnent beaucoup, les Boches ont répondu par des marmites mais pas de blessé.
On nous annonce qu’1 obus a blessé 4 hommes du 82 et tué 1 en 1ère ligne.
Hier soir, l’avion français qui a survolé les lignes ennemies a essuyé au moins 60 coups de canons mais a continué quand même.
Visite du colonel commandant, 1 officier d’ordonnance, 1 aumônier de la division en prêtre, brassard de la Croix Rouge, avec 2 ou 3 galons.
Le temps est très orageux, il a plu et les boyaux sont tout sales, on les nettoie.
Tout le monde s’ennuie, que c’est long !
On reçoit depuis 3 jours Le Petit Journal de chaque jour.
On a entendu les premiers jours de mai une canonnade très forte sur Arras et Mont-Saint-Éloi.
Il gronde très fort dans la direction d’Albert à notre droite.
Les habitants rentrés à Rivière sont prévenus d’avancer en face de nous. Bléville et Fleucheuse sont toujours aux Allemands.
Tout le monde se rend compte qu’un grand nombre d’obus allemands n’éclatent pas, sur 16 envoyés ce matin, 7 n’ont pas éclaté.
Départ pour Wailly, temps orageux.
Nous y arrivons de bonne heure trempés de sueur comme toujours.
Corvées de nuit.
Prise d’armes à 3h 15 réveil, 2 heures dans la journée de repos.
Je suis de renfort avec 30 hommes en 1ère ligne, nuit splendide, pas froide.
J’ai pensé à eux, que je voudrai pouvoir les embrasser. Il est 3h30 tout le monde est à son poste.
Départ pour rentrer à 4h1/2, on prend son café, puis repos.
50 hommes classes 1891 et 1892 (*) sont arrivés de Savenay. J’en ai un à mon escouade, Lefebvre, comptable à Nantes.
Le soir, l’ennemi a tiré des obus vers nous.
(*) : C’est-à-dire des soldats âgés de 42/43 ans.
Aussitôt le réveil et la prise d’armes, on est avertis de rester en tenue, prêts à partir, l’attaque est commencée d’Arras à la mer du Nord, le bruit de la canonnade s’entend bien, il dure depuis plusieurs heures. (*)
C’est le moment venu pour en finir ; n’était-ce pas bien la fête de la Bienheureuse Jeanne D’Arc ?
A-t-on choisi ce jour ? En tout cas elle doit là-haut guider le haut Commandement et nous conduire à la victoire. Tout le monde est heureux que cela soit ainsi, à la grâce de Dieu, tous nous ferons notre devoir, attendons confiants l’ordre pour nous mettre en route sac au dos.
7h1/2, on nous annonce la prise d’Arras, nous avons avancé d’environ 2 Kms sur une assez grande largeur. Fait 1000 prisonniers et pris 4 canons ; Fusillade continue, on l’entend très bien.
On nous annonce que la lutte continue très vive près d’Arras, Notre-Dame-de-Lorette.
Nous sommes toujours en alerte, prêts à partir, sans faille, harnachement au dos, vivres touchées.
Toujours en alerte on nous annonce que l’avantage continue, il y a 3000 prisonniers, 50 officiers, 6 canons.
(*) : Il s’agit de la première bataille d’Artois. Visible
sur mon site >>> ici
<<<
Prise d’armes 3h1/2 du matin, je pars à 6h pour faire le cantonnement DE B.L.L pour le B…
Le soir, j’écris à Jeanne, je suis éreinté.
Repos à Beaumetz.
Chaque jour un bulletin officiel paraît nous annonçant nos gains vers Arras.
2000 prisonniers, 20 officiers, canons, mitrailleuses, tous les jours nous avançons.
A 2h après midi, décoré 2 sergents du 81ème de la médaille militaire.
Extrait du JMO (Journal de Marches et
Opérations) du régiment.
On y lit les citations des 2 soldats.
A 9 heures, revue de départ.
A 1h1/2, départ pour cote 109.
Séjour cote 109, toujours même emplacement pendant 3 jours.
Canonnade effrayante vers Arras.
Allez !!!
Ablain-St Nazaire, N.D. de Lorette !!!, c’est un bruit infernal, on est sans nouvelles.
2 nouveaux sous-lieutenants, De Sesmaisons et Lecourt GrandMaison (*) sont nommés à la compagnie.
J’ai reçu le 23 lettre de Jeanne et Noël.
J’ai écrit à Jeanne et à Vire.
(*) : Le JMO indique leur promotion de sergent à
sous-lieutenant : Il s’agit des sergents PETIT DEMAISON et Allard de GRANDMAISON, tout deux affectés
à la 12e compagnie.
FIN du carnet
Eugène sera nommé sergent-fourrier le 5 juin 1915.
Il finira la guerre au 6e régiment d’artillerie, « à l’arrière », au dépôt du parc d’artillerie de Toul.
Recopiées sur le carnet
« Le colonel commandant la 175 ème brigade territoriale,
souhaite au 81eme xxx,
le meilleur succès pour ses armes dans le poste d’honneur où il est
appelé, il eut aimé ensuite encore comme à
Hébuterne être à la tête de la brigade toute entière mais quel que soit
le Chef, ne songeons qu’à la Victoire.
Haut les Cœurs ! »
Aux Armées le 19 7bre
Le Colonel et la 175ème Brigade
Signé VALLANTIN
Le lieutenant est heureux de porter à la connaissance du régiment la lettre suivante écrite par le colonel Ct la 34 ème division en lui transmettant les propositions pour citations. :
« J’ai l’honneur de vous adresser ci-joints des propositions pour
citations pour des officiers et hommes de troupe du 81 ème. »
« Ces militaires appartiennent en grande partie au bataillon
suivant qui a occupé pendant 8 jours consécutifs le centre de résistance de
xxxxxxxxx y subissant tous les jours de violents tirs de barrages et des
rafales de minenwerfer. »
« Les hommes n’ayant à leur disposition aucun abri de bombardement
ont fait preuve d’un calme et d’un sang-froid remarquables supportant sans
broncher et sans se plaindre de lourdes pertes et conservant un moral très
élevé. »
« Le 81 ème dont les pertes sont : blessés – 3 officiers 166 hommes, tués 43 hommes, était
prêt si les circonstances l’aveint demandé, à se porter en avant.
Les récompenses qui seront accordées au C … xxx et à ses subordonnés ne feront qu’exalter les
belles vertus militaires qui animent le 81 ème. »
Signé Grégoire
Le lieutenant-colonel a appris avec satisfaction que les généraux sous les ordres desquels le régiment est placé momentanément constatent et admirent beaucoup, l’endurance, la ténacité, la bravoure et le sang-froid dont font preuve les militaires de la 81 ème xxx au milieu des épreuves et fatigues qu’ils traversent actuellement.
Le Lieutenant -Colonel est heureux de faire part à tous de ce témoignage rendu par nos chefs aux qualités militaires des BRETONS, mais il n’en est pas surpris car il y a longtemps qu’il les connaît et sait de quoi ils sont capables.
Il n’a en ce moment qu’un regret, c’est d’être obligé par les circonstances présentes de rester en permanence à son poste de commandement et de ne pouvoir comme il le fait habituellement circuler au milieu d’eux dans les tranchées.
Eugène et sa famille.
La nuit vient de tomber
L’homme est en sentinelle
Son oreille est aux aguets
Ses yeux vers l’horizon
Sans souci du danger
N’écoutant que son zèle
Qu’il est noble le rôle
De l’homme en faction
Tous les amis reposent
Comptant bien sur sa garde
Suite …. recopiés par
Eugène LE FORESTIER
I
On les a vus revenir d’Hébuterne
On les a vus revenir de Fricourt
Le cœur serré, déçus, la mine terne,
Mais pleins d’espoir et de plus heureux jours
Ils ont depuis trouvé des camarades
Venus comme eux prendre part aux combats,
Depuis ce jour dans la 3ème escouade
La gaité règne, malgré les branle-bas
REFRAIN
Chantons, chantons Poilus en Avant
La 3ème Escouade, sans fanfaronnade
Buvons, trinquons, chantons tout le temps
Dans la tranchée comme au cantonnement
Pan, Pan le Fritz, les poilus sont par ici,
Les poilus, les territoriaux
Ont toujours marché avec sac au dos
En sabots comme en godillots
Dans les trous et dans les boyaux
Malgré les grenades, les pruneaux
Avec leur ca…
II
Ils sont venus de la Loire Inférieure
Ils sont venus du beau pays breton
Portant en eux, avec une foi meilleure
La force que donne le vin de la région
Dans les tranchées de Berle et de Rivière
Malgré les balles, les obus, les canons
Toujours debout et l’œil aux meurtrières
Ils combattaient le cœur plein de chansons
III
Entre eux vraiment c’est la grande famille
Ils méconnaissent le riche et le paria
Qu’ils soient venus cossus ou en guenilles
Ils sont égaux au repos comme au combat
Par tous les temps partageant leur misère
Leurs joies, leurs
deuils, en solidarité
A la troisième ils vivent tous en frères
Et leur devise est toujours gaité
Composé dans les tranchées de WAILLY, Pas de Calais, le 25 mars 1915 Par F, Maillocheau, Caporal de la 3ème.
Ceux qui restent
Trouvant l’uniforme incommode
Bien cravatés, roses et gras
Toujours mis à l’ultime mode
Ils vont dans la rue à grand pas
Ils ont le chapeau sur l’oreille
Un air satisfait et vainqueur
Qui vraiment complète à merveille
Le Charme de leur bouche en cœur
Ils ont des cartes plein les poches
Et pas un soldat sur le front
N’a plus de haine pour les Boches
Et n’est plus sûr que nous vaincrons
Une bronchite, un rhumatisme
Leur imposent un long repos
Et malgré leur patriotisme
Ils n’ont pu mettre sac au dos
Mais quand la sanglante époque
Qui tient l’univers haletant
Sera pour toujours terminée
Nous aurons spectacle touchant
Le discours ou la conférence
Par des réformés de x ans
Qui nous parlerons de France
Et de ses valeureux enfants
S’ils se trouvent par aventure
Quelque coin payé grassement
Ou quelque bonne sinécure
Ils l’obtiendront facilement
Plus tard à leur progéniture
Toujours gras, toujours joufflus
Ils diront « je suis sans blessure
Mais j’étais parmi les Poilus »
S. Rebon d’Algérie
A vous Messieurs, je tiens à rendre hommage
Pour votre indomptable ténacité
Depuis 12 mois que le carnage
Dans les dépôts vous avez résisté
Jusqu’à la fin de cette atroce guerre
Rien ne pourra vous déloger
Car vous tenez plus fort que Boche en terre
Permettez-nous de vous féliciter
Quand du dépôt un renfort nous rapplique
Formés souvent de blessés non guéris
Vous prodiguez paroles héroïques
Poignées de mains, larmes, ils sont partis
Vous connaissez mieux que nous nos batailles
Nul mieux que vous ne sait les raconter
A vous plus tard, croix, honneurs et médailles
Car entre nous vous l’avez mérité
Pendant que nous partirons à l’ouvrage
Profitez-en pour jaser et crâner
Nous survivrons quelques-uns au carnage
Qui certains jours « vous la feront fermer»
Avec son blanc manteau de neige
Maculé de boue et de sang
Il repart à travers les ans
Suivi de son triste cortège
Composé de tous les malheurs
Qui accablent notre misère
L’hiver ruisselant de pleurs
Poursuit son chemin sur la terre
Point de regrets pour ses frimas
Si rigoureux en cette guerre
Elle seule sur nos sombres chaumières
Suffit à semer le trépas
Qu’il emporte au loin l’aigre bise
Avec son sifflement aigu.
Pour que par nous soit entendu
L’ennemi qui caché, nous vise
Déjà les oiseaux sur les toits
Réchauffent leur plumage humide
Et l’humble violette des bois
Apparaît pâlotte et timide
Et voici parmi les ruines
Amoncelées sur le pays
Le soleil d’avril resplendit
Nous encourageant par sa mine
Il apporte avec lui l’espoir
En la Paix proche et éternelle
Agitant le cœur de nos belles
Comme le parfum d’un encensoir
Puisse-t-il ce rayon de printemps
Précurseur des belles journées
Faire fondre avec les gelées
Le militarisme allemand
F. M. Mars 1915
Non je ne t’aimais pas, si l’amour c’est la fièvre
Si c’est l’âpre désir précipitant nos pas
Si c’est la flamme au front, le mensonge à la lèvre
Et l’égoïsme au cœur, non je ne t’aimais pas.
Mais si l’Amour, c’est Dieu qui parle au fond d’une âme
Si c’est le dévouement qui ne finit jamais
Si c’est d’avoir vu l’ange, avant de voir la femme.
Je ne le savais pas Jeanne, mais je t’aimais.
Je t’aimais et je t’aime, et je souffre et je pleure
Je tremble, mais ma voix ne fait que te bénir
Avec toi je pars, ou je demeure,
Prends mon âme, ma vie et tout mon avenir.
Mais reste ici, restons dans notre solitude
Aimons-nous dans ces lieux qui connaissent nos pas
Ces bois, ces champs, ces murs ont l’habitude
De nous voir réunis ne nous séparons pas
H de B
(Pourquoi pas
not’fille comme les autres)
Comme j’fais là bas dans la Basse-Berdouille
Je filais donc ma quenouille
Et tout ce qui m’y ennuyait
C’est qu’il fallait trop travaouiller
Mon Père y me dit foutue Berdouille
File va donc ma quenouille
Ma mère prit un gros bâton
J’fus chercher l’travouille et l’peignon
Le lendemain c’était dimanche
Je pris ma robe, mes belles manches
Et mon corset de Bouraton
Comme ça j’trouvais un beau galant
Y en parlait à mon père
Mon père en parlit à ma mère
Ma mère a dit : - ma je ne sais pas
J’crois qu’not’ Jeanneton aimera ben les gars
Mon père dit : - à la mode à l’autre
Pour t pas not’ fille comme les autres
Moi j’y leur dit si vous voulez me marier
Cherchez un autre pour travouiller
Trois semaine après c’était nos noces
J’allions tous deux berli berloque
Il s’appelait Jean Raffina
Qu’était encore plus bêt’ que moi
quand ce fut de par les rues
Il avait n’avait l’air qu’d’une grand’ morue
Il allait en déguignolant
Comme un bonhomme de cent dix ans
Quand ce fut dedans l’église
Il s’appelait Jean qui frise
Y n’avait l’air d’un gros bêta
Y n’a point quitté son chapeau
Y avait là notre grand vicaire
Qu’était venu pour li dire la messe
Qui dit Monsieur l’marié
- Voulez-vous ben vous découeffer ?
Comme y été de la Basse Bredouille
Y devint rouge comme une vieille citrouille
Et moi j’y dis : - mon graos bétiat
Pourquoi né té découeffrais -tu pas
Et quand ce fut midi à table
y’avait là tous nos camarades
Toujours l’nez y dégoûtait
Chacun d’l’y passait son mouchoué
Y’avait là la grande Perrine
Qui était astiquée comme une vieille bobine
Qui Dit : - j’aimerais mieux jamais me marier
Que d’prendre un homme pour le moucher
Chanson du Patrimoine de Basse Bretagne (Région de Redon)
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