Carnets de guerre 1914–1918 du sergent Edouard Mattlinger

du 49e territorial, puis 372e RI, puis re-49e RIT, enfin au 132e RI

Année 1916

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SOMMAIRE (n’existe pas dans le carnet)

 

Champagne : secteur d’Aubérive

Refus des galons de sergent, mars 1916

La permission, avril 1916

Départ pour Verdun, tunnel de Tavannes, fort de Vaux juin 1916

Période de repos : Meuse, Baudonvilliers, Sommelonne, juin 1916

Aisne : est de Château-Thierry, Mont-Saint-Père, Chartèves ; juillet 1916

La Somme : secteur Cléry-sur-Somme, Bouchavesnes, sept. 1916

Départ à l’arrière. Somme. Période de repos et exercices oct. 1916

 

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1er janvier :

Réveil à 5h du matin.

Départ de Mourmelon à 7h pour aller en réserve dans des baraquements à 6 Km, désignés sous le nom de Camp Berthelot.

Nous sommes très bien installés.

Le soir, nous faisons le repas du Nouvel An.

La soirée se passe gaiement. Chants et plaisanteries jusqu’à 11 heures. Alerte au gaz à 2h30. Nous sommes furieux de voir que l’on profite d’un jour comme cela pour nous embêter.

2 janvier :

Repos toute la journée.

3 janvier :

Je suis de garde. Je passe ma nuit blanche. Je me mets à lire et écrire toute la nuit.

4 janvier :

Nous sommes relevés de garde à 7h30.

Le reste de la journée, nous restons au repos. Temps maussade.

5 janvier :

Matin, exercice.

Après-midi, travail. Journée d’ennui.

6 janvier :

Corvée de lavage et revue en tenue de campagne.

7 janvier :

Matin, jeux de barre et exercice.

Après-midi, exercice. Beau temps, journée d’ennui.

 

Champagne : secteur d’Aubérive

8 janvier :

Je suis de garde jusqu’à 11h du soir.

A 11h30, départ pour les tranchées où nous arrivons à 7h du matin, très fatigués, vu la longueur du chemin et les difficultés que l’on rencontre dans les boyaux.

9 janvier :

Je suis désigné avec mon escouade pour prendre la garde dans les tranchées jusqu’à 7h.

Le lendemain, le front est calme pour l’infanterie, mais l’artillerie engage souvent des tirs de surprise.

10 janvier :

Je vais me coucher dans l’abri où nous sommes serrés comme des harengs. Malgré cela, je dors bien car je suis très fatigué.

11 janvier :

Je reprends la garde dans les tranchées.

Il fait bien froid. Rien de nouveau pour nous, mais à notre gauche, un violent combat d’artillerie est engagé. Nous apprenons que l’ennemi avait attaqué sur la droite de notre compagnie le 56. Envois de torpilles sur les lignes ennemies qui se trouvent en face de nous.

L’artillerie de notre secteur en profite pour bombarder les tranchées qui se trouvent devant nous. L’artillerie répond.

Nuit assez calme. 

12 janvier :

Je vais me coucher de 7h jusqu’à 11h. L’après-midi, on nous rassemble pour nous indiquer que nous devons construire un petit poste d’observation en avant des fils de fer qui furent commencé par le caporal de la 14ème et achevé par moi.

De minuit à 6h du matin, travail très pénible, vu le peu de place qu’il y a dans ce trou.

13 janvier :

Je suis de repos le matin. Après-midi, je suis chargé de faire une corvée de rondins pour consolider nos abris qui sont très mal faits.

14 janvier :

Je prends la garde dans la tranchée.

Le soir, à 7h, je vais dans mon poste d’observation jusqu’à minuit. Mais j’attends la relève avec impatience. Je souffre du froid des pieds.

15 janvier :

Je suis de repos toute la journée, aussi, je reste tranquille dans mon abri. A minuit, je vais au poste d’observation où je reste jusqu’à 6h du matin, mais je souffre du froid.

16 janvier :

Nous attendons la relève qui arrive à 11h et qui s’effectue très facilement, mais, nous sommes très fatigués, vu la longueur du chemin.

17 janvier :

Repos, nettoyage des armes et équipements.

18 janvier :

Exercice de grenade, après-midi repos. Temps pluvieux.

19 janvier :

Exercice toute la journée. Nos hommes sont furieux tellement ils nous font barder.

20 janvier :

Jeux de barre, exercice.

Après-midi, revue du colonel.

21 janvier :

Réveil à 6h30.

Temps pluvieux. La compagnie est de garde. Moi je suis désigné pour aller porter la soupe à quatre hommes à Biny qui se trouve à 4km de notre cantonnement.

Le service consiste à garder et charger des matériaux utiles aux abris des tranchées.

Journée agréable.

22 janvier :

Réveil à 5h du matin pour partir aux tranchées.

Parcours pénible, vu la longueur du chemin et la difficulté de circuler dans les boyaux. Je suis exténué de fatigue.

Arrivée aux endroits désignés, notre demi section doit occuper la 2ème ligne et ligne de résistance en cas d’attaque.

La nuit, nous nous occupons à faire des abris et tous les travaux utiles à la défense d’une ligne. Ces travaux sont exécutés d nuit, pour éviter le bombardement.

23 janvier :

Tranchées.

J’ai passé une nuit tranquille. Temps superbe.

Notre première ligne n’occupe que quelques sentinelles, par suite du terrain miné. J’occupe mon après-midi à visiter les boyaux qui sont nombreux.

Il y a de quoi se perdre. Aussi, pour faciliter le service, ces boyaux portent différents noms : « Wagram, Dumouriez, Fleurus, Jemmapes, Davouste, Federle, Friedland, Delaury, Joffre, Place d’Arme, Rose. »

Le soir, je m’occupe avec mon sergent à compléter les réseaux de fils de fer en avant de nos lignes.

J’assiste à un combat d’aéros où je constate que l’ennemi est très audacieux. Résultat : chaque avion reprend sa direction.

24 janvier :

Tranchées.

Journées de travail dans les boyaux.

La nuit, je suis de garde en 1ère ligne de 9h à 12h. Il y a quelques tirs d’artillerie par surprise. Je passe une bonne nuit.

25 janvier :

Tranchées. Brouillard très épais. Nous en profitons pour aller au-dessus des tranchées arranger les réseaux de fils de fer et refaire les buttes de tir.

Par la même occasion, nous ramassons l’aluminium que l’on trouve en grande quantité. Des hommes sont allés jusque dans les tranchées ennemies pendant les attaques du 26, 27, 28 septembre et 10 octobre.

Une prime de deux francs est offerte par fusil rapporté.

L’après-midi, le brouillard se lève. L’ennemi s’aperçoit de notre manège et nous gratifie de quelques obus, qui heureusement, ne font pas de victimes.

26 janvier :

Tranchées.

Je me lève de bonne heure car j’ai froid. Je vais travailler dans le boyau mais le temps s’éclaire et il faut suspendre les travaux.

L’ennemi tire un obus aussitôt qu’il remarque quelque chose.

27 janvier :

Tranchées.

Jour de relève.

Nous attendons le 106e qui vient nous relever à 11h. Nous parcourons ces interminables boyaux avec peine. L’ennemi tire sans arrêt à l’arrière. Sans doute qu’il s’est aperçu de la relève.

Nous arrivons à notre cantonnement furieux après notre commandant de compagnie qui nous fit passer dans un endroit très boueux.

Nuit agréable, car nous sommes fatigués.

28 janvier :

Réveil à 6h30.

Revue des hommes en tenue de campagne à 10h.

Je suis de jour et j’en profite pour aller chercher du vin à Mourmelon-le-Grand, où je trouve tout mon nécessaire. Pays très agréable où les officiers trouvent de quoi s’amuser car les femmes ne manquent pas.

29 janvier :

Exercice le matin et jeu l’après-midi.

Temps superbe.

30 janvier :

Repos toute la journée. Après-midi, j’assiste à un match de football où mon bataillon gagne de 7 à 0 contre la musique.

Après-midi agréable, mais un peu froide.

Soirée, concert jusqu’à 8h.

Lorsque nous sommes couchés, alerte.

Les hommes sont furieux surtout que notre colonel fait cela pour punir le 3ème bataillon qui faisait beaucoup de bruit.

31 janvier :

Je suis de garde toute la journée.

Je m’ennuie. Il fait un temps maussade.

Je me repose jusqu’à 2h du matin, ensuite, j’assure le service de garde. Pour me distraire, je lis et j’écris.

1er février :

Repos. Après-midi, douche et repos. Temps brumeux, soirée agréable.

2 février

Nettoyage des armes et équipement. Revue des hommes en effet de drap.

Après-midi, exercice en attendant la revue qui eut lieu à 2 heures. Après le défilé, le commandant de compagnie reçut tous les éloges du colonel pour la bonne tenue de notre compagnie au défilé.

Notre lieutenant était tout heureux.

3 février

Je vais avec une corvée de travailleurs faire des travaux autour des baraquements où nous assistons depuis là au défilé de notre régiment. C’est très bien réussi.

Belle journée, mais je m’ennuie.

5 février

Nous nous installons dans nos abris. Je suis chargé de me tenir au poste d’observation 2h½  par jour, pour nous rendre compte de ce que fait l’ennemi et, pour prendre note des résultats de tir de notre artillerie.

La nuit, je suis de garde de 7h à 11heures pour assurer le service des sentinelles. Il fait nuit noire.

C’est assez calme, sauf quelque bombardement par surprise.

6 février

Je me lève à 9 heures. J’ai assez bien dormi. Je m’occupe de mes sentinelles. Quelques bombardements de part et d’autre.

A midi, je prends la garde à l’observatoire. Je m’occupe à découvrir les emplacements principaux de l’ennemi, mais je ne fais aucune remarque nouvelle.

Le reste de l’après-midi, je vais rendre visite aux amis.

Le soir, je travaille à couvrir l’observatoire d’une toile ondulée et je suis de garde de 11 heures à 4 h.

Rien d’anormal, très calme  chez nous.

7 février

J’ai passé une mauvaise nuit. Il fait très froid dans nos abris. Nous n’avons rien pour les faire sécher, car ils sont très humides. Dans la journée, je m’occupe de mes sentinelles et je prends mon service à l’observatoire. Pendant ce temps, j’assiste à un violent bombardement des tranchées ennemies.

Par contre, le soir, l’ennemi, profitant de la nuit, envoya 18 torpilles accompagnées de fusées sur la 7ème compagnie qui se trouve à notre gauche.

Je rends mon service de nuit à 4 heures. J’ai passé une mauvaise nuit, toujours à cause du froid. Nous avons à nous plaindre de la nourriture qui est insuffisante.

8 février

Je me lève à 9 heures. J’étais très fatigué.

Je m’occupe des sentinelles et, comme toujours, je vais à mon observatoire de midi à 2h½. On n’y est pas tranquille aujourd’hui. L’ennemi ne cesse de bombarder nos lignes. Plus de trois cents obus sont envoyés dans la journée.

Notre artillerie répond bien, mais cela ne diminue pas l’ardeur de l’ennemi. Aussi, en dehors des heures de garde, l’on est obligé de se tenir dans nos abris. Aujourd’hui, je trouve la journée  longue.

Je m’ennuie beaucoup.

Je suis de service de nuit de 11 heures à 3h. Il fait très mauvais. La pluie est de la partie. Aussi, lorsque mon service fut achevé, j’ai été me coucher dans l’abri de mon lieutenant qui se trouve libre.

9, 10 février

Je me lève à l’heure de la soupe : 11 heures.

Ma surprise fut grande car la neige avait fait son apparition. Je mange ma soupe, ensuite, je vais au poste d’observation mais on ne voit rien. Le brouillard est de la partie.

Le reste de la journée, je reste dans mon abri car il fait très froid.

Le soir, je joue aux cartes jusqu’à 9 heures, heure à laquelle je relève les sentinelles.

A 11 heures, je suis libre.

Je vais me coucher. Journée calme sur tout le front, quelques feux d’artillerie de part et d’autre.

11 février

Pluie toute la journée. Matinée calme.

De midi à 2h½, je suis à l’observatoire. Quelques torpilles lancées, sur le 67ème par l’ennemi, amènent un violent bombardement de notre artillerie sur les ouvrages qui font face à notre ligne, qui dura deux heures.

Tir d’une extrême violence. La soirée fut assez calme.

Quelques obus ennemis par surprise à 8h½.

Je suis de patrouille, mais, comme le temps est trop clair, je ne peux visiter qu’une partie de nos lignes. Je rends compte de ma patrouille au commandant de compagnie et, à minuit, je vais me coucher très fatigué.

12 février

On vient nous relever à 8h½. Nous ne sommes pas fâchés. Nous avons beaucoup souffert du froid

Nous quittons nos lignes à 9 heures ½ pendant que l’ennemi bombarde nos boyaux.

Enfin, nous arrivons au Camp Berthelot très fatigués par suite de la longueur du chemin et du mauvais état des boyaux.

Le soir, nous avons alerté.

Nous sommes furieux ; surtout que ce n’est qu’un exercice et que nous sommes très fatigués.

13 février

Nous sommes au repos le matin.

Après-midi, revue en tenue de campagne.

Journée d’ennui.

Il nous est interdit d’aller à Mourmelon. Nous sommes en alerte. L’ennemi a attaqué sur notre front. Nous assistons de notre cantonnement à un violent bombardement de notre artillerie.

14 février

Repos au cantonnement par suite du mauvais temps.

Après-midi, exercice et théorie au cantonnement.

Journée d’ennui.

15 février

Je suis de garde à Bouy  où je passe une journée agréable où nous faisons des frites, bifteck, café, vin chaud.

La nuit, je fais des correspondances. Il m’est impossible de dormir à cause des poux dans notre abri.

Temps épouvantable.

Les arbres sont déracinés et les toitures de nos abris sont enlevées par le vent.

16 février

Je quitte Bouy  pour rejoindre mon cantonnement à 9 heures du matin où j’arrive à 10h½ pour la soupe.

Après-midi, je me repose car je suis très fatigué.

La compagnie fait l’exercice dans les baraquements.

Temps de pluie.

17 février

Toujours la pluie.

Eclaircissement du temps. Après-midi, nous faisons de l’exercice.

Journée d’ennui.

18 février

Réveil à 6h½. Départ du cant. à 7h pour assister à une dégradation d’un homme du 106e qui s’était sauvé pendant les attaques des Eparges : 5 ans de réclusion et 20 ans d’interdiction de séjour.

Après-midi, repos. Revue en tenue de campagne à 4h.

Aujourd’hui, préparatifs de départ pour les tranchées.

Temps affreux, pluie toute la journée.

19 février

Réveil à 4 heures.

Départ pour les tranchées à 6 heures par un temps brumeux. Grande fatigue pour aller aux tranchées. Nous arrivons sans difficulté. Je suis en ligne de réserve où nous trouvons un joli abri bien fait.

Notre service consiste à faire des travaux de nuit qui sont, quelquefois, interrompus par des tirs surprises.

Nuit bonne car j’étais très fatigué.

20 février

Matinée calme. Après-midi, violents bombardements de notre artillerie qui nous oblige à rester dans nos abris.

Le soir, nous travaillons sur les parapets où nous fûmes salués par une rafale d’obus, ce qui oblige à sauter dans la tranchée. Après un quart d’heure de répit, nous avons continué nos travaux. Nous avons été nous coucher à 11h.

Nuit assez calme.

21 février

Rien de nouveau le matin. Après-midi, violent bombardement de notre artillerie sur les ouvrages qui se trouvent devant nous. Lorsque nous travaillons, le soir, nous assistons à une surprise de Zeppelins qui survolent nos lignes.

Nos projecteurs fouillent le ciel, ainsi qu’un grand nombre de fusées qui permettent de découvrir ce monstre de l’air. Immédiatement, l’artillerie et les mitrailleuses se mettent en action.

Mais l’ennemi se met à bombarder nos lignes, ce qui nous fit rentrer dans nos abris. Nous apprîmes qu’un dirigeable a été touché par une auto canon.

22 février

Tranchées, matinée calme.

Je me lève à 19 heures pour manger la soupe.

Après-midi, je m’occupe d’arranger les banquettes de tir.

A 3 heures, un violent bombardement de notre artillerie se fait sur les lignes qui se trouvent devant nous.

Le soir, nous travaillons dessus nos parapets pour préparer notre champ de tir. Je passe une bonne nuit.

Temps froid.

23 février

Tranchées, matinée froide. Je reste dans mon abri à faire des correspondances.

Après-midi, j’assiste à un combat d’avions où je constate la hardiesse de nos aviateurs.

Mais le combat est nul.

Le soir, je travaille à restaurer les réseaux de fils de fer.

Nuit assez bonne.

Nous avons à nous plaindre de la nourriture, nous mourrons de faim.

24 février

Matinée très froide. Rien de nouveau le matin.

Après-midi, violent bombardement des lignes ennemies qui dura 2 heures.

Le soir, nous posons des réseaux de fils de fer jusqu’à 10h½. Nous sommes très gênés dans notre travail par les fusées ennemies.

Nous allons nous coucher assez fatigués.

25 février

Je me lève à 8h assez mal luné à cause du mauvais café.

A 11 heures, on nous apporte la soupe qui finit de nous surexciter ce matin.

Il y a un bombardement terrible sur notre droite qui dura toute la journée. Nous apprîmes également qu’un violent combat était engagé à Verdun.

Je passe mon après-midi à jouer aux cartes.

Je me couche à 10 heures, assez gai.

26 février

J’ai passé une mauvaise nuit.

Le matin, je me lève à 6h1/2. Nous avons la relève à 8h par le 106. Nous allons en réserve le long de la Suippes. Notre surprise fut grande en voyant les abris que nous avons pour nous coucher. Ils sont très mal faits. L’eau passe par la couverture qui est faite avec des rondins recouverts de terre.

Le soir, nous allons travailler en 1ère ligne, mais, comme il n’y a personne pour nous distribuer le travail, nous revenons assez fatigués vu la longueur du chemin

27 février

Journée de repos dans nos abris.

Le soir, nous partons au travail dans un secteur complètement bouleversé par notre artillerie. Nous faisons la pose du réseau de fils de fer, mais nous pataugeons dans une boue épouvantable.

Je profite de l’occasion pour visiter les ouvrages ennemis qui sont admirables.

Mais, fatalité, je me suis perdu, ce qui me fit rentrer au cantonnement 3h après les autres, exténué de fatigue.

28 février

Journée de repos.

Temps pluvieux.

Je reste couché jusqu’à 10 heures. Je passe mon après-midi à écrire.

Le soir, je lis jusqu’à minuit.

Les communiqués de Verdun me font plaisir, de voir que l’ennemi n’a pas réussi dans son entreprise.

29 février

Nuit assez bonne.

Temps de pluie.

Je fais un tour dans le cantonnement.

L’après-midi, je passe mon temps à écrire en attendant que j’aille aux travaux de nuit.

A 8 heures (du soir), départ pour le travail. Nous parcourons des boyaux pleins d’eau. Nous sommes occupés à reboucher des trous d’obus et boyaux pour poser un réseau de fils de fer.

Je visite les travaux de l’ennemi et je tombe sur un cimetière ennemi où je reste un instant à lire les noms. Je m’entretiens un instant avec les hommes du 54e.

Lorsque je reviens, ma compagnie était partie. Je la rejoins au poste du génie.

Nous sommes de retour à 1 heure du matin.

1er mars

Réveil à 7 heures.

A 8 heure ½, exercice d’une heure. Le reste de la journée, l’on se distrait avec des plaisanteries.

Le soir, à 7h½, départ pour le travail. Nous parcourons des chemins boueux et pleins d’eau. Nous arrivons au poste du génie où nous nous trouvons en face des cadavres d’hommes du 54e tués par une torpille. Nous restons à attendre un moment.

Il y a un violent bombardement de part et d’autre. Nous allons reboucher les trous d’obus pour permettre aux mitrailleurs de balayer le terrain. Il pleut.

Nous rentrons à 1 heure, trempés, mouillés.

2 mars

J’ai passé une bonne nuit jusqu’à 8h du matin.

Je passe ma journée à lire et écrire. Je passe ma soirée très gaie. On chante toute la soirée devant un bon feu.

Je me couche à 9h où je continue à lire.

3 mars

Je me lève à 9h pour prendre le café. Je passe mon temps à lire et écrire.

Le soir, nous nous installons au coin du feu.

On chante et raconte des histoires.

Soirée très gaie. Je me couche à 9h où je continue à lire. Je lis jusqu’à 10 heures. Je n’ai jamais tant vu de rats que dans ces abris.

4 mars

Réveil à 6h½. Préparatifs de départ aux tranchées à 9 heures.

Nous arrivons à notre ancienne place. Nous sommes en ligne de réserve, ou plutôt, en ligne de résistance. Nous restons au repos toute la journée.

Le service de garde se fait par escouade.

Je prends ma garde de 7h à 12 heure ½. Je vais ensuite me coucher dans mon abri où je passe une bonne nuit.

5 mars

Je m’occupe toute la journée à restaurer les ouvrages qui se trouvent détériorés par la gelée.

La nuit, je m’occupe de la relève des sentinelles de 12h à 17h.

Il fait très froid.

Je m’occupe toute la matinée à courir d’une section à l’autre pour avoir du pain qui nous manque.

L’après-midi, nous travaillons à la réfection des ouvrages.

6 mars

Quelques bombardements par surprise de part et d’autre.

Le soir, je m’occupe avec mes hommes de faire un poste de guetteur jusqu’à 12h½. Pendant que mes hommes font le terrassement, je dégage les réseaux de fils de fer des piquets cassés. Je suis souvent surpris par les fusées ennemies qui m’obligent à me coucher très souvent.

Il fait très froid ; aussi, je suis heureux d’aller me coucher. Mais, je passe une mauvaise nuit. Les poux me dévorent. J’ai aussi assisté à des combats d’avions qui n’ont donné aucun résultat.

7 mars

Je me lève à 7h pour aller travailler au poste d’observation. Je m’occupe toute la journée à préparer les matériaux nécessaires à notre poste. Le soir, à 9 heures, exercice d’alerte. Il fait très froid.

A 11 heures, je suis avec cinq hommes à faire le redressage d’un boyau pour pouvoir tirer dedans en cas d’attaque. C’est un travail assez important. Il fait très froid.

Je me couche à 4h, fatigué, faute d’avoir dormi.

8 mars

Je me lève à 8h. A 10h du matin, je fus très surpris de voir la neige recouvrir le sol d’une épaisseur de 6 cm. Je passe le reste de la journée à lire et écrire. Le soir, je continue à travailler à mon poste de guetteur, mais je suis contrarié par la neige qui tombe et par le tir de l’ennemi à 11 heures du matin.

Je vais me coucher très fatigué.

9 mars

Je me lève à 10 heures et je m’occupe de différents travaux. Nous avons le dégel qui fait beaucoup de dégâts dans nos tranchées qui se trouvent transformées en ruisseaux de pluie.

Mauvaise journée. Bombardement des lignes ennemies.

Le soir, je m’occupe à ramasser les piquets en avant de nos lignes, qui se trouvent brisées par le bombardement. Travail très embêtant à cause des fils de fer barbelé qui sont après les piquets.

Je vais me coucher à 1h du matin, fatigué.

10 mars

Je me lève à 8 heures pour écrire. Je m’ennuie beaucoup à cause du mauvais temps.

Le soir, il fait un temps très clair. Je me permets de travailler au poste d’observation, mais je fus gêné par la fusillade de l’ennemi et surtout par les fusées.

Je vais me coucher à 12h½. Nous avons aussi eu une rafale de 77 qui nous obligea à suspendre nos travaux, mais aucune victime.

11 mars

Je me prépare pour la relève qui se fait à 12h. Nous parcourons les boyaux avec difficulté.

Nous recevons un obus qui nous fit deux victimes dont 1 mort.

Nous arrivons au Camp Berthelot très fatigués, mais par un temps superbe. Mon premier travail fut de chercher mes poux et changer de linge.

J’ai passé une bonne nuit.

12 mars

Grand nettoyage des effets et équipements. Après-midi, je vais au concert à Mourmelon-le-Grand où je passe une après-midi très agréable. Les artistes sont très comiques. Nous éprouvons quelques difficultés à circuler dans les rues tellement il y a de la troupe.

J’éprouve un vif chagrin en voyant les femmes et les enfants, en pensant aux miens. Je passe une soirée très agréable avec mes camarades où il règne une grande gaieté par les excès de boisson.

Je me couche très gai.

13 mars

Revue des hommes en tenue de campagne. Exercice après-midi. Journée assez tranquille.

Le soir, je me couche de bonne heure pour pouvoir lire tranquillement.

14 mars

Je vais travailler au nettoyage des boyaux qui se trouvent à 6 kilomètres de notre cantonnement. J’en profite pour raccommoder mon linge qui se trouve en mauvais état.

Belle journée, nuit assez bonne.

15 mars

Je me lève à 7 heures pour aller aux douches. Pendant que nous étions en train de nous laver, on vient nous prévenir de rentrer immédiatement, que nous étions en alerte, que nous devions monter nos sacs pour partir au premier signal. Lorsque nous fûmes prêts, nous formons les faisceaux devant nos baraquements et nous restons dans l’attente jusqu’à la nuit.

Nous quittons notre cantonnement à 7 heures pour nous rendre à Saint-Hilaire dans de pauvres abris qui avaient été quittés en hâte par le 1er bataillon qui avait été renforcé les troupes d’attaque. nous apprenons que l’attaque n’avait pas réussi et que notre artillerie nous avait fait beaucoup de victimes en tirant trop court. Nous fîmes un bon café avant de nous coucher.

J’ai passé une bonne nuit car j’étais très fatigué.

16 mars

Réveil à 3 heures pour retourner au Camp Berthelot où nous arrivons à 11 heures. Nous sommes obligés de manger froid. Nos cuisines ne peuvent revenir qu’à la nuit.

Aussitôt arrivée au cantonnement, la compagnie prend la garde. J’en profite pour faire ma toilette et faire mes correspondances.

Soirée d’ennui.

17 mars

Je vais travailler au nettoyage des boyaux. Il fait un temps superbe. Nous nous dépêchons de faire notre travail le matin pour nous reposer l’après midi. Je retourne à Berthelot à 5 heures très ennuyé.

J’ai un cafard terrible.

18 mars

Matin, exercice. Après midi, nous nous préparons pour partir aux tranchées. Il y a contrordre. Nous restons. Aussi, j’en profite pour laver mon linge. Je suis très contrarié.

Je souffre de voir que je n’obtiens aucune faveur. Je fais une lettre pour ma réclamation au colonel.

Nuit très agitée.

Refus des galons de sergent, mars 1916

19 mars

Repos. Je me lève à 7 heures pour être présenté au colonel au sujet de mon maintien dans un régiment d’active. pendant 20 minutes d’entretien avec le colonel, il me propose les galons de sergent ou une place de caporal pionnier. J’accepte la 2ème.

Mais, j’ai une vive discussion avec mon commandant de compagnie qui me reproche d’avoir accepté le poste de caporal pionnier. Toute ma journée fut de tristesse et pour comble de malheur, j’apprends la mort de mon beau-frère qui finit de me bouleverser. Je suis d’une tristesse profonde.

Le soir, nous arrivons très fatigués, à 10 heures, et pour comble de bonheur, je suis de garde avec mon escouade. Je me couche à 3 heures du matin. Je m’endors d’un sommeil de plomb.

20 mars

Je me lève à 10 heures pour me rendre compte des travaux exécutés depuis notre départ. Il y avait quelques petits changements faits par le 106.

Après midi, je me couche jusqu’à la soupe.

Le soir, je m’occupe de la pose de piquets en avant de nos lignes. Nous sommes contrariés par des fusées qui sont accompagnées de quelques coups de feux nous obligeant à sauter (dans) les boyaux.

Je vais me coucher à minuit, très ennuyé, en pensant à la mort de mon beau-frère. J’ai devant les yeux le secteur où ce malheureux gosse trouva la mort. Cafard terrible.

21 mars

Je me lève à 8 heures. Je m’occupe des travaux à faire dans la nuit, car il nous est impossible de travailler de jour.

Le soir, je fais creuser les boyaux et je vais me coucher à minuit. Il fait un temps très clair qui contrarie les travailleurs de la 6ème compagnie qui sont venus pour poser les réseaux de fils de fer. Ils sont souvent surpris par la fusillade. Je suis toujours inquiet de mon beau-frère.

22 mars

Je m’occupe de la distribution de la soupe et café. L’après midi, je fais mes correspondances et le soir, je m’occupe avec 4 hommes à reboucher les boyaux jugés inutiles.

Nuit sombre et froide. Je vais me coucher à 3 heures.

A 8 heures, je me lève toujours bien triste.

23 mars

On vient me prévenir que je dois aller à la compagnie des pionniers pour remplacer un autre caporal. J’éprouve un chagrin profond de quitter mes camarades.

Le soir, je suis désigné pour aller poser un chapeau de guérite en ciment armé qui pèse les 600 kilos. Il faut déplacer cette pièce de 50 m qui nous donne beaucoup de mal. Travail qui dura 3 heures. Je reviens me coucher à 10 heures où je trouve un bon feu dans mon abri. J’y passe une bonne nuit.

24 mars

Je me lève à 7 heures. Je reste au repos le matin.

Après midi, nous allons à 22 km poser une guérite en ciment armé.

Travail qui s’effectua rapidement. Je reviens à mon cantonnement à 4 heures où je passe une bonne soirée auprès d’un bon feu, pendant que les jeunes camarades qui se trouvent avec moi dans l’abri me distraient par leurs chants très amusants. Je n’éprouve plus les mêmes joies depuis la mort de mon beau-frère.

25 mars

Je reste toute la journée au repos où j’en profite pour faire mes correspondances. Journée d’ennui. matinée très froide. Calme sur tout le front.

26 mars

Je m’occupe de faire construire des abris de première ligne. Nous sommes encore assez tranquilles. Le temps est superbe.

9 avril au 21

Je prends la direction des travaux de l’abri du commandant et de sa liaison.

L’ennemi ayant remarqué que d’importants travaux se faisaient dans ce coin, nous envoie par surprise des fréquentes rafles de 77 et 105 fusants, ce qui nous gêne beaucoup. L’abri mesure 18 m de long sur 2,4 m de large, profondeur 4 mètres. Les chambres du commandant, des téléphonistes et de la liaison sont séparées par des cloisons d’1 mètre.

On accède d’une chambre à l’autre par des sapes. Trois escaliers donnent accès aux abris.

La permission, avril 1916

22 avril

Je pars en permission.

Rassemblement à 5 heures du soir devant le poste du colonel. Nous arrivons à Berthelot à 8 heures par un temps affreux. Il fait nuit noire. Nous quittons Berthelot à 9h. L’on ne voit pas devant soi tellement il fait nuit. Nous marchons à travers les terres où nous nous perdons. Nous arrivons enfin à Bouy  à 11h1/2, trempés mouillés.

Nous attendons le départ du train dans un local. On nous sert (un) bon thé au rhum.

Nous quittons Bouy  à 5h. En passant par Vitry-le-François, nous faisons un arrêt assez long à la gare régulatrice.

Nous partons de Jessains à 10h46. je passe par Langres, Chalindrey et j’arrive à Besançon à 8h1/2 du soir où je couche au local des permissionnaires.

Je repars à 4h1/2 du matin.

J’arrive à Belfort à 8h1/2, tout heureux de retrouver ma petite famille en bonne santé.

Pendant ma permission, le temps était assez superbe et j’en ai profité assez agréablement.

1er mai

Je quitte Belfort à 9h1/2 du soir, le cœur bien serré, mais je fais tout mon possible pour cacher mon émotion. Après quelques baisers affectueux avec mon épouse, je pars prendre mon train.

A ce moment j’éprouve un profond chagrin. J’y trouve quelques amis, ce qui me distrait un peu.

Arrivé à Dijon, je me distrais en visitant la ville. Je reprends mon train où je m’endors et ne me réveille que quelques instants avant d’arriver à Jessains.

J’ai le cœur bien gros de me revoir au milieu de tous ces hommes qui eux aussi, retournent sur le front.

J’arrive à Berthelot à 3h du matin, bien triste.

3 mai au 11 mai

Je suis d’une tristesse profonde. Mes camarades sont tous surpris de me voir si triste. Je continue mon service de caporal d’ordinaire, ce qui me distrait un peu.

12 mai

Temps superbe.

On nous annonce qu’à La Cheppe, un dépôt de munitions avait sauté avec beaucoup de victimes, 20 morts et beaucoup de blessés.

12 au 14 mai

Rien de nouveau. Assez calme. Je me lève.

En dehors de mes heures de service, je vais à la pêche à la truite qui me réussit assez bien.

15 mai

Pluie toute la journée. Je suis trempé mouillé en m’occupant de distributions. Je suis furieux.

16 mai

 Belle journée. Je m’occupe le matin, à faire nettoyer le cantonnement et je passe mon après midi à la pêche.

Mais je n’ai pas beaucoup de chance, ma pêche est très pénible. Je m’engage dans des réseaux de fils de fer où j’ai toutes les peines du monde à me dégager.

17 mai

Temps superbe.

Chaleur torride. Je suis furieux toute la journée. On m’a pris mon quart bâche auquel je tenais beaucoup.

18 et 19 mai

Temps superbe.

Je m’occupe de la distribution et passe mes après midi à la pêche, mais la chaleur est tellement forte que je me couche sous les arbres.

20 mai

Je fais nettoyer le cantonnement et je m’occupe des distributions.

Le soir, je vais à la pêche où je prends une superbe truite de trois livres que je fais cadeau à mon capitaine qui la mangeait des yeux en me voyant revenir.

21 mai

Réveil à 5h. je m’occupe des distributions et de nettoyage du cantonnement. Revue d’armes.

Après midi, pêche, mais il fait tellement chaud que je n’ai pas de succès. Pour terminer la journée, nous faisons une noce carabinée avec des marchandises que les copains ont cherchées à Mourmelon.

Je couche à 11h, passablement ému.

22 mai

Je me lève très fatigué, ayant eu une nuit très agitée.

Aussi, après la soupe, à 10 heures, j’ai été me coucher.

Je n’ai fait qu’un sommeil jusqu’à 4h. Le reste de la journée, je m’amuse à lire. Quelques tirs par surprise arrivent sur notre droite qui n’occasionnent que quelques dégâts.

23 mai

Je me lève à 5 heures très gai. Je passe ma matinée à faire des correspondances.

Le soir, je reçois une carte qui ne me fait pas plaisir. Malgré cela, je passe une après midi assez agréable avec les amis

 Lorsque le soir, vers 5 heures, nous sommes violemment bombardés avec accompagnement de gaz. C’est l’alerte car le bombardement indique une attaque. La sonnerie du garde à vous se fait entendre. Tous les hommes quittent leurs abris.

Les gaz sont suffocants.

Notre artillerie répond par un tir de barrage, ce qui empêche l’ennemi de nous attaquer.

Vers 11 heures du soir règne la calme le plus complet.

24 mai

Je me lève à 5 heures pour assurer la distribution. Le calme est complet, quand, vers 10 heures, s’engage un combat d’avions au-dessus de nos lignes.

La lutte est sérieuse et reste à l’avantage de l’ennemi. Un de nos avions est coupé en deux et tombe en flammes dans les lignes ennemies. J’éprouve une émotion sérieuse.

Ma soirée est employée à lire un roman jusqu’à 1 heure du matin, ce qui fait que je fais un bon sommeil.

25 mai

Je m’occupe toute la matinée de l’entretien du cantonnement. Après midi, je me couche, car je suis très fatigué.

Le soir, à 8 heures une violente attaque au gaz est déclenchée. Nous sautons sur nos masques et quittons les abris. Ma mission est de faire allumer les feux et de faire arroser les tranchées avec les appareils Vermorelle.

Il y a un peu de panique chez les Poilus que je calme vite en donnant à chaque homme son poste de combat. Notre artillerie et nos mitrailleuses mettent les choses au point.

Un barrage des plus violents empêche l’ennemi d’attaquer.

A 1 heure du matin, le calme le plus complet règne dans notre secteur.

26 mai

Matinée calme. Après midi, l’ennemi nous bombarde par surprise à intervalles assez réguliers.

A 9 heures, une nouvelle attaque avec gaz accompagné d’un violent bombardement et d’une vive fusillade. Nous apprenons qu’une patrouille est sortie pour un coup de main et que l’ennemi croyait à une attaque par surprise de notre part. le coup fut manqué et le calme fut rétabli à 11 heures du soir.

27 mai

Violent bombardement toute la journée de la part de l’ennemi, ce qui fait supposer à une grande attaque.

Mais, nous constatons qu’il y a très peu de grosse artillerie, ce qui nous indique que l’ennemi cherche à nous tromper afin de nous faire amasser des troupes dans notre secteur et de pouvoir opérer plus à l’aise dans la Meuse.

Notre artillerie répond énergiquement.

A minuit, nous allons nous reposer par factions.

28 mai

Journée calme. Revue des hommes en tenue de campagne. Préparatifs de départ pour

 Verdun. Après-midi, je vais à la pêche, mais je ne fais rien. Je passe ma soirée dans l’ennui.

Je me couche à 9 heures. A minuit, nous sommes réveillés par une alerte au gaz qui se produit à notre droite dans le secteur de Navarin. Comme nous ne courrons aucun danger, nous retournons nous coucher.

29 mai

Nous ramassons tous nos outils et nous mettons tout en ordre afin que le secteur soit irréprochable. Le temps est à la pluie, et je m’ennuie beaucoup. Je suis sans nouvelle de ma femme depuis quelques jours. Je passe ma soirée à lire et écrire. La gaieté règne dans le cantonnement.30 mai

Temps assez beau.

Nous restons dans l’attente toute la journée. Nos passons encore en revue de tenue de départ. C’est la barbe. Le reste de la journée, nous flânons.

31 mai

Réveil à 4h1/2. Nous partons à 6 heures pour le camp Berthelot où nous mangeons la soupe à 11 heures. Départ pour Bouy  où des autos viennent nous prendre pour nous conduire à Vraux (Marne).

Les hommes, qui ont été privés de bien des choses pendant notre séjour, se trouvent en état d’ivresse.

1er au 9 juin

Nous restons à Vraux où les hommes font l’exercice. Le temps est désagréable.

Le pays n’est pas joli. Je m’ennuie beaucoup.

Nous passons en revue par le général de division.

Départ pour Verdun, tunnel de Tavannes, fort de Vaux juin 1916

10 juin

Préparatifs de départ. Revue en tenue de campagne. Temps de pluie. Ma journée est employée aux distributions de vivres.

11 juin

Pentecôte. Réveil à 1 heure ½ du matin.

Départ de Vraux à 3 heures passées pour St-Hilaire par un temps de pluie.

Nous y arrivons à 6 heures et nous prenons trois journées de vivres avant d’embarquer.

Nous débarquons le même jour à Neuville-sur-Orne.

Sur notre parcours, les hommes de la 6ème volent une caisse de camembert qui fut partagée entre tous les hommes du même wagon.

En passant à Revigny, nous voyons un important matériel d’artillerie, qui revient de Verdun.

Il est dans un état lamentable, ce qui indique que la lutte a été chaude.

Nous arrivons à Neuville-sur-Orne à 2 h de l’après-midi. Les gens sont très sympathiques à la troupe.

12 Juin

Nous restons en repos à Neuville-sur-Orne (Meuse).

On en profite pour se nettoyer. Journée de pluie.

Le soir, retraite par la musique de notre régiment. La gaieté règne chez nos poilus. Lorsque la musique fut arrêtée devant le colonel, les hommes se mirent à danser.

La soirée fut très gaie. 

13 juin

Réveil à 5 h.

Départ de Neuville à 6h ½ pour Pretz qui se trouve à 18 km de Neuville. Il fait un temps affreux. Pluie pendant tout notre parcours. Nous y arrivons très fatigués.

Le pays est à moitié détruit par le bombardement lors de la retraite des ‘Boches’ en 1914. Il ne reste que 12 maisons entières.

14 juin

Réveil 5 heures. Je m’occupe des distributions de vivres de réserves, ce qui me donne beaucoup de travail.

Nous quittons le pays par une pluie battante. Nous allons jusqu’à Bonzée qui se trouve à 4 klm. De Pretz où nous embarquons en autos. Nous passons par Ancemont et Dugny où nous débarquons de là.

Nous apercevons les casernes de Verdun qui sont encore en bon état. Pendant notre trajet, nous remarquons d’importants travaux de défense, surtout des réseaux de fils de fer. Le pays est complètement évacué par les civils. Nous nous trouvons avec les troupes coloniales et des troupes noires. Je passe toute ma nuit aux distributions de vivre.

Je suis exténué de fatigue. Je me couche à 1h1/2 du matin dans un local infecte où ça sent très mauvais et toute sorte de saletés.

15 juin

Je me lève à 7 heures encore bien fatigué. Je m’occupe de distribuer les vivres que j’ai touchés la nuit.

Après-midi, je vais rejoindre mes pionniers qui sont affectés au 3ème Bat.

Et qui sont logés dans les bateaux sur le canal. Je pars avec un chargement de mulets.

J’ai les vivres de 20 hommes, aussi, j’en ai plein le dos. J’apprends en arrivant que nous ne montions pas en ligne le soir même, ce qui me fait grand plaisir. Notre installation est une des mieux dans notre bateau qui porte comme inscription « Paul Paulhon », Décarpentier, Thon Nord ». Nous sommes à l’effectif d’une compagnie par bateau.

C’est incroyable la concentration de troupes autour de Verdun, surtout beaucoup d’artillerie et les trains de munitions ne cessent d’arriver. Le soir, nous assistons à un bombardement des plus violents de part et d’autre. Sur le canal, plus de deux cents bateaux sont occupés par la troupe, dont plusieurs sont coulés par les obus.

16 juin

Je me lève à 6h pour m’occuper du déjeuner des poilus. Je cours d’une compagnie à l’autre pour avoir du café. Après, nous préparons nos sacs pour partir en ligne.

Le départ a lieu à 3h.

Après-midi, nous passons par Mondinville, puis nous commençons à grimper les montagnes des hautes Meuse.

Il fait une chaleur accablante, ce qui rend l’occupation très pénible car, c’est à pic, et les chemins impraticables. Aussi, nous faisons plusieurs pauses. Nous trouvons sur notre passage beaucoup de pièces de grosse artillerie et nous constatons qu’une lutte d’artillerie a été des plus sérieuses dans ses passages par les bouleversements des abris et des ouvrages des lignes de réserve. Avec beaucoup de peine, nous arrivons au champ de tir du Cabaret Rouge.

Nous y restons plusieurs heures pour manger la soupe et attendre la nuit avant de nous engager dans la zone dangereuse. Pendant notre halte, nous assistons à un bombardement des plus violents.

A 9h du soir, nous nous dirigeons sous le tunnel. Après une heure et ½ de marche par un boyau très mauvais. Pendant notre parcours, nous sommes salués par des obus fusants, mais nous arrivons au tunnel sans perte. Nous voyageons 1 km sous ce tunnel qui est d’une saleté et d’une odeur repoussante.

On y trouve des détritus de toute sorte et les Water Closets y sont installés tous les quatre cents mètres et débordent de tout côté. C’est une infection à ne pas y tenir et malgré tout, nous sommes obligés de nous y installés. Je m’avance le plus possible vers la sortie pour avoir de l’air, sans quoi je ne pourrais pas y rester. Je m’installe tant bien que mal avec mes pionniers et j’y dors quand même car je suis très fatigué. Le tunnel mesure 1 klm 800m.

Il est occupé par environ 5. 000 hommes qui forment les troupes de réserve.

17 juin

Nous restons toute la journée sous le tunnel.

Dans l’attente je fais quelques correspondances, mais je suis malade dans cette infection, et il nous est interdit de sortir pour éviter les pertes inutiles.

Pendant notre séjour sous le tunnel, l’artillerie fait rage au  dehors, ce qui nous donne une idée de ce qui se passe dans notre nouveau secteur. A toute minute, il nous arrive des blessés et en grand nombre. Ils restent sous le tunnel au poste de secours aménagé à l’entrée en attendant les ambulances qui font la navette continuellement.

Nous admirons surtout les Anglais, qui, malgré le bombardement, viennent chercher nos blessés. Dans la journée, je suis sorti pour aller chercher de l’eau à une source qui se trouve à 500 mètres du tunnel. Je constate les effets terribles causés par le bombardement des premiers jours. La voie ferrée est complètement hachée. On voit les munitions traîner de toute part. Je remarque des trous d’obus de plus de trois mètres de diamètre et d’une profondeur de 2 m 50.

Toute la soirée, il passe et repasse des troupes dans ce tunnel ce qui nous empêche de dormir.

18 juin

Toujours une grande activité sur notre front. Nous restons encore en réserve sous notre tunnel.

Pour m distraire, je fais la soupe et du café avec de l’alcool solidifié. Pendant ce temps, mon sergent est allé au ravitaillement et revient avec un bon bidon d’eau de vie, ce qui fait notre affaire.

Pendant que nous mangions la soupe, un obus vient tomber en plein au milieu d’une section qui se rassemblait pour aller porter de l’eau à nos poilus en lignes.

Ce fut un moment de panique.

A l’entrée du tunnel, moi qui n’avais rien entendu, je me demandais ce qui arrivait. Je croyais que les Boches avaient réussi à arriver jusqu’à nous, et, je me voyais déjà prisonnier. Après cette surprise, je suis allé me rendre compte et, malheureusement, je ne vis que des blessés et des cadavres. Tous les poilus donnèrent la main aux blessés pour faire les pansements. Et, je retourne à ma place prendre mon café, car dans cette vie, il faut être dur, sans quoi l’on mourrait de peur.

Le soir, j’ai écris à mon épouse et lu des journaux. Mais les journaux ne m’intéressent plus. Il y a trop longtemps qu’ils nous bourrent le crâne.

19 juin

Je me lève à 9 heures. Je me mets à faire la soupe et le café que nous mangeons de bon cœur.

Et ensuite, nous buvons une bonne goutte qui nous rend gais.

Puis, nous préparons notre fourbi pour monter en ligne, ce qu n’a rien de gai. Nous quittons le tunnel à 8h ½ en marchant en file indienne. Nous grimpons les hauteurs de l’ouvrage de Damloup. Vu sa pente rapide, nous sommes vite fatigués car il ne faut pas s’amuser. Lorsque tout le monde fut en haut, nous nous blottissons du mieux que nous pouvons dans le boyau en attendant que la nuit fut venue.

Mais, ce fut angoissant car les marmites nous arrivaient de toute part. Plusieurs hommes jetaient des cris de douleur. Ils étaient atteints par des obus.

Nous nous portons en avant à 9 h ½ sous une pluie d’obus. Les Boches aveint aperçu un mouvement de troupes, aussi, ce fut avec des grandes difficultés que nous arrivons à l’ouvrage du fort de Vaux.

Sur mon parcours, je trouvais déjà beaucoup de mes camarades blessés ou déchiquetés pas les obus, mais il n’y avait pas de temps à perdre. Il fallait arriver à la redoute du fort de Vaux. Enfin, vers 10h ½, nous étions arrivés, tout bouleversés, et tout essoufflés. Nous faisons une petite pause, en attendant que les occupants de l’ouvrage fussent sortis, mais les marmites n’arrêtaient pas de tomber.

L’évacuation des blessés qui encombraient l’abri, ne put se faire tellement le bombardement était violent. Après une heure et demie d’attente, nous pénétrons dans l’abri. Il y avait très peu de places pour loger près de  200 hommes. Il faisait une chaleur étouffante et l’odeur des médicaments finissait de nous incommoder. C’était un supplice de rester là dedans. Aussitôt que mon sac et mes musettes furent placés, je fus à l’entrée pour avoir de l’air, sans quoi, je serais tombé malade.

Lorsque le bombardement diminua un peu, l’on évacua les blessés ce qui nous fit un peu plus de place.

20 juin

Un bombardement des plus violents de part et d’autre. Il nous arrive beaucoup de blessés.

Nous apprenons par eux que notre artillerie tire trop court ce qui augmente nos pertes.

L’entrée de notre abri se trouve dans la ligne de tir de l’ennemi, aussi, tout homme qui n’est pas au courant est victime d’une mitrailleuse qui observe attentivement cette entrée.

Dans la journée du 20, nous avons eu 10 hommes de tués à cette entrée.

21 juin

Le bombardement redouble d’intensité. Nous sommes complètement bouleversés pas les obus de gros calibre. Notre artillerie reçoit des torpilles qui nous anéantissent une compagnie entière.

Vers 4 heures du soir, nous sortons tous de la redoute. Une attaque ennemie a lieu. Nous occupons tous les trous d’obus qui se trouvent autour de l’ouvrage et nous répondons à l’attaque. Malgré cela, notre gauche cède sous le nombre et l’ennemi nous fait environ 150 prisonniers.

Nous continuons de lutter avec la rage au cœur se qui occasionne de grosses pertes à l’ennemi.

Mais le plus triste est que notre artillerie reçut l’ordre de raccourcir son tir, croyant que toutes nos postions étaient à l’ennemi, ce qui obligea les quelques survivants à se replier à l’arrière. Pendant ce temps, il nous arrive de tout côté des blessés affolés fous, ne sachant plus ce qu’ils faisaient.

C’était bien triste. En moins d’une heure, la redoute était complètement encombrée de blessés ce qui nous obligea à passer une partie de la nuit en dehors. Nous entendions de tout côté des appels et des cris de douleur des hommes restés sur le terrain et ne pouvant venir au poste de secours par leurs propres moyens.

C’était une nuit terrible pour ceux qui restaient comme combattants, car nous ne pouvions porter secours à ces blessés, sans quoi, l’ennemi en aurait profité pour nous attaquer à nouveau. La position que nous occupons était difficile à tenir. De toute part nous recevons des coups de feu.

Notre plus terrible souffrance était la soif. La fièvre s’était emparée de nous.

22 juin

Nous sommes réveillés en hâte par des cris aux armes. Nous apprenons que l’ennemi se prépare à une attaque. De toute part des lignes ennemies, on voit apparaître des fusées rouges ou vertes, ce qui signifie qu’ils demandent un barrage d’artillerie, qui, d’ailleurs, ne tarde pas à arriver.

Nos lignes sont littéralement bouleversées par ce bombardement, des plus terribles, de quoi rendre les hommes fous.

Cela dura environ 2 heures. Lorsque l’artillerie ennemie eut fini son grand barrage des premières lignes, elle continua à harceler nos lignes de réserve pour éviter l’envoi de renfort. Notre artillerie ne ménagea pas ses obus, qui, malheureusement, pour la plupart, tombèrent  dans nos lignes, ce qui démoralisa nos troupes au moment de l’attaque.

Certaines factions de notre bataillon se laissèrent faire prisonnières devant le flot important de l’ennemi. Malgré tout, certaines positions résistèrent. Mais nous apprenons que nos pertes étaient nombreuses.

Nous restons toute la nuit dans nos tranchées au poste de commandement par crainte d’une surprise. Nous restons dans l’abri jusqu’à 3 heures pour nous reposer. Mais ordre est donné de rester équipé, prêt à sortir au premier signal.

Je rentre à l’abri à 3 h, bien fatigué. Je dors sur mon sac.

Nous n’avons presque pas de place, tellement nous avons des blessés. C’est un supplice de se tenir dans cet abri. Enfin, le sommeil s’empare de moi, et pendant ce temps, l’ennemi prépare une nouvelle attaque dans le secteur de Damloup qui nous fait face. Un tir de barrage des plus violents arrose nos lignes d’obus de tout calibre. Il y a quoi devenir fou.

 

Vers les 9 heures, nous sortons de nos abris, ce qui nous permet de voir les mouvements tournants de l’ennemi pour envelopper le 106 qui fait brigade avec nous. Notre position nous permet d’ouvrir un feu très nourri sur les hommes sortant des tranchées. Pendant un certain temps, l’avantage reste à l’ennemi qui avance avec précaution, mais le 106 se ressaisit et envoie ses grenadiers en avant de l’ennemi. Ils leur font un tir de barrage à la grenade.

Se trouvant ainsi reçu, l’ennemi prend la fuite. Pendant que de notre position, nous les fusillons. C’était la panique dans les rangs ennemis et qui leur font un barrage à coups de grenades. L’ennemi se trouvant ainsi reçu prend la fuite pendant que dans notre position, nous les fusillons. C’était la panique dans les rangs de l’ennemi. Mais un instant après, le bombardement recommença, mais moins ardent. Pendant ce temps, notre artillerie faisait rage sur les réserves qui se trouvaient à l’arrière.

Cette journée fut très dure pour nous.

Le soir, à la tombée de la nuit, nous transportons nos blessés au poste de secours du 106e. Ils sont nombreux et nous avons toutes les peines du monde pour les évacuer car le bombardement est toujours terrible et les difficultés du terrain nous causent beaucoup de peine.

En revenant du 106e, nous rencontrons une forte patrouille ennemie que nous menaçons. Voyant que nous étions plus nombreux qu’eux, ils se rendirent.

Ils étaient 18 que l’on conduisit à la brigade.

Toute la nuit, le bombardement fut violent et nous montions la garde dans notre tranchée.

24 juin

Journée sans attaque, mais toujours bombardement et fusillade de toute part.

Temps superbe, mais notre artillerie ayant reçu l’ordre de raccourcir son tir de 300 mètres, tira dans nos lignes et nous fit beaucoup de tort. Notre compagnie de mitrailleurs fut complètement détruite par ces feux. Nous avions beau envoyer des fusées pour faire allonger le tir, mais rien n’y fit.

On nous croyait complètement anéanti ou prisonnier, ce qui nous fit beaucoup de tort. Nous étions furieux. Nous ne pouvions bouger sans recevoir des obus. Notre situation devenait très critique.

Le  soir, nous recevons l’ordre d’un lieutenant du 106e qui venait de la brigade, que nous devions tenir coûte que coûte. Mais comme nos effectifs étaient très réduits, le commandement fit savoir qu’il lui était impossible de tenir sans renfort ou nous serions faits prisonniers.

Alors l’on reçoit encore un ordre de tenir 24 h, ce que nous trouvions très long et grâce à notre surveillance, et notre ténacité, nous ne fûmes pas prisonniers.

Nuit très mouvementée.

Le tir de l’artillerie bouleverse les amoncellements de cadavres qui se trouvent aux abords du poste de commandement, ce qui dégage une odeur insupportable qui nous écœure. Il nous arrive de recevoir des débris de cadavre déchiqueté par les obus. On ne peut dépeindre l’horreur de ce champ de bataille.

De tout côté, l’on marche sur les cadavres et si l’on creuse des boyaux, l’on retire des membres de toute sorte. Notre compagnie de gauche se trouve presque entière enterrée par les torpilles. C’est incroyable les ravages que nous fait ce bombardement.

 

Période de repos : Meuse, Baudonvilliers, Sommelonne, juin 1916

25 juin

Nous avons passé la nuit dans la tranchée.

Nous n’avons pas eu à souffrir des bombardements.

Le transport des blessés continue avec difficulté, mais nous sommes heureux de pouvoir les évacuer, vu l’encombrement du poste de commandement et l’odeur que dégagent ses blessures, faute de soin.

Le lendemain, la journée fut assez calme, sauf qu’il nous était impossible de nous tenir dehors, vu le bombardement de notre artillerie. Il fait un temps superbe qui nous contrarie beaucoup avec l’odeur des cadavres qui se trouvent à proximité de notre poste. Ils sont nombreux.

Nous trouvons la journée longue et, surtout la soirée, quand vers 11 heures, nous recevons l’ordre de nous replier. J’avais pour mission de faire sauter les munitions qui restaient dans notre abri, mais comme l’on craignait d’être surpris, on évacue les lieux sans rien faire.

Pendant notre attente, des Boches sont venus se faire prisonniers et sont partis avec nous pour partir à la redoute du fort de Vaux, en passant par l’ouvrage de Damloup, nous avons eu toutes les peines du monde.

Il faisait nuit noire et les trous d’obus me firent culbuter plus de 30 fois. J’arrive au sommet de l’ouvrage, exténué de fatigue. La respiration ma fait défaut. Je suis à bout de force Nous nous reposons un instant pendant que les obus nous arrivent de toute part. Après une pause de quelques  minutes, nous continuons notre marche dans la direction du tunnel qui est encore plus pénible, vu le nombre d’arbres et d’arbustes couchés par la mitraille.

Enfin, nous arrivons au tunnel, exténués de fatigue. Ma première demande fut de l’eau car je mourrais de soif. Nous nous reposons deux heures, puis nous partons pour Belrupt en parcourant un boyau de plus de 4 kilomètres, où nous trouvons des cadavres.

Plus loin, en nous approchant de la route, nous trouvons une voiture et 8 hommes tués par un obus. Dans notre parcours, nous sommes surpris par la pluie. Nous nous dirigeons du côté du poste de commandement du Général Girondon où nous faisons une longue pause en attendant que nos officiers aient fini de s’entretenir avec lui.

Pendant ce temps, nous mangeons du pain que les artilleurs nous ont donné.

Ensuite, nous sommes rassemblés par le général qui nous félicite d’avoir tenu si longtemps avec si peu d’hommes. Ensuite, il nous fit conduire à l’entrée de Verdun où on nous fit du bon café avec du Rhum et on nous donna une demi-livre de chocolat à chaque homme.

Pendant que se prépare le café, nous nous entretenons avec d’autres troupes qui, comme nous, ont pris part à ces combats terribles. Vers 8 heures, nous repartons pour la direction de Belrupt.

En passant devant le fort, on nous fait faire une pause assez longue, en buvant un bon demi-quart de rhum offert par le général. Ensuite, nous repartons pour Belrupt où les copains sont heureux de nous revoir. Ils nous croyaient tous morts ou prisonniers.

Après notre repas, on me remit mes correspondances, qui étaient au nombre de 12, ce qui me fit grand plaisir.

26 juin

Je passe toute la journée à m’entretenir avec la copains afin d’avoir des nouvelles de ceux qu’il nous manque. Pour certains, j’apprends de mauvaises nouvelles. Je me couche l’après midi, car je suis exténué de fatigue, mais je ne peux pas dormir.

J’ai toujours devant les yeux ce champ de carnage. C’est une horreur un champ de bataille pareil.

Le soir, je me couche à 8 heures lorsqu’on reçoit  l’ordre d’aller toucher des vivres de route, ce qui m’occupe toute la nuit par une pluie battante. J’étais exténué de fatigue.

A 1h1/2, réveil et départ pour Belrupt  à 2h1/2 par la pluie. Nous allons à pied jusqu’à …… où nous restons plusieurs heures à attendre les autos sous une pluie battante.

Vers 9h, les autos arrivent. On occupe les voitures par groupe de 20. Elles nous mènent à Baudonvilliers (Meuse), en passant par Bar-le-Duc. Je trouve le voyage assez pénible. Je suis très fatigué et les cahotements de la voiture nous empêchent de dormir. Nous arrivons à 3 heures. Nous sommes assez bien logés, mais le pays est très petit.

Il n’y a pas plus de 100 habitants.

Le soir, je me couche de très bonne heure. Je passe une bonne nuit.

27 juin

Je me lève à 4 heures et je vais à la pêche avec des camarades dans un étang qui se trouve derrière notre cantonnement où nous faisons une superbe friture.

Dans deux heures, nous avons une vingtaine de carpillons et tanches. Le reste de la journée se passe au nettoyage des armes, ainsi que des effets. Je m’ennuie beaucoup de me voir dans un si petit pays comme celui-ci.

Le soir, je prends une bonne tasse de lait chaud pour me remettre d’un rhume que j’ai attrapé aux tranchées.

28 juin

Toujours à Baudonvilliers. Revue des hommes en tenue de campagne et on fait l’état des objets manquants aux hommes.

Je m’occupe de mes correspondances.

Grands ennuis chez moi.

29 juin

Rien de nouveau. Revue de détail. J’emploie mon temps à écrire.

Je m’ennuie à mourir, j’ai le cafard.

30 juin

Le matin, exercice pour tout le monde. Je n’y vais pas. Je m’occupe de l’ordinaire des hommes.

L’après midi, je suis distrait par quelques hommes en état d’ivresse. je m’amuse beaucoup.

Le soir, je me couche à 10 heures pour lire mon journal. Je fais de mauvais rêves. J’ai des cauchemars toute le nuit.

1er juillet

Réveil à 6h1/2. Départ pour l’exercice à 7h1/2. Je n’y vais pas.

A 9h1/2, revue des tampons contre les gaz.

Après midi, marche très courte, mais assez pénible par la chaleur. De retour à 4h1/2.

Soirée d’ennui.

2 juillet

Repos toute la journée.

Le matin, je m’occupe des distributions.

L’après midi, je vais au bois seul pour chercher des fraises. Je rentre le soir à 6h avec deux livres de fraises, mais je suis très fatigué. Je cherche du vin et du sucre pour arranger mes fraises. Je fais un bon souper. Je vais me coucher le cœur content de ma journée.

3 juillet

La compagnie de pionniers part au travail à 6 heures.

Je leur donne le nécessaire, mais je reste au cantonnement. Je suis très paresseux. Je passe presque toute ma journée à dormir et ma soirée à écrire. Journée de pluie.

4 juillet

Je me lève pour aller à la pêche. Je fais une bonne friture dans un étang derrière notre maison.

Bon dîner. Le reste de la journée, je la passe à voir les copains. Temps affreux le soir.

5 juillet

Marche pour tout le 1er Bataillon et la CHR. Il fait une chaleur étouffante.

Nous rentrons au cantonnement à 5 heures, exténués de fatigue.

6 juillet

Repos toute la journée pour les pionniers.

Décorations des gradés et des hommes des bataillons. Nous quittons Baudonvilliers pour nous rendre à Sommelonne qui se trouve à 3 kilomètres. Petit pays de 300 habitants.

Nous logeons dans une ferme où nous sommes très bien, éloignés des chefs.

7 juillet

Repos. Revue d’armes et d’effets.

Le soir, nous allons faire un tour au pays où on trouve de quoi se rafraîchir. Les copains ont été aux cerises. Il y en a en abondance, mais la pluie se met de la partie.

8 juillet

Exercice. Moi, je reste au cantonnement.

Journée d’ennui.

9 juillet

Repos toute la journée. Après midi, concert organisé par le 132e, très amusant, mais j’ai le noir.

Je m’ennuie beaucoup.

10 juillet

Les hommes vont travailler en forêt pour faire des abris d’instruction. Je pars à 10 heures avec la cuisine roulante pour leur porter à dîner.

Journée encore agréable.

11 juillet

Travail aux abris.

Journée de mauvais temps.

12 juillet

Exercice pour les pionniers. Je reste au cantonnement et j’en profite pour aller à la pêche où je fais une bonne friture pour mon lieutenant. Les camarades vont aux chanterelles. Ils en apportent beaucoup. Je m’en réjouis.

Toujours des cerises en abondance.

13 juillet

Beau temps.

Journée agréable.

Je passe mon temps à la pêche. Bonne friture. En rentrant, je trouve un bob plat de chanterelles préparé par les copains ainsi qu’une grosse musette de cerises. Je ne perds pas une minute pour bien dîner.

Je passe ma soirée à me promener dans le pays. Temps superbe.

14 juillet

Je me lève à 4 heures pour me préparer à aller à Saint-Dizier qui se trouve à 8 kilomètres de Sommelonne. J’y vais en me promenant. J’y arrive à 9h. Le pays est très gentil. Il y a beaucoup de troupes. C’est un centre d’éclopés. je tombe chez de bonnes gens pour manger et coucher. Je passe une bonne journée.

15 juillet

Je me lève à 6 heures.

Je déjeune chez les gens où j’ai couché et je quitte Saint-Dizier à 7 heures pour retourner au cantonnement où je me repose tout l’après midi. Je suis très fatigué de ma promenade de la veille.

16 juillet

Je retourne à Saint-Dizier, chez les gens où j’ai  passé le 14 juillet et je me renseigne de l’heure des trains venant de Belfort.

Je reste des heures entières à attendre les trains car j’attends ma femme, mais personne ne vient.

Je quitte Saint-Dizier le soir à 5 heures.

Je n’ai pas de permission.

17 juillet

Réveil à 5 heures. Préparatifs de départ.

Je m’ennuie profondément.

 

Aisne : est de Château-Thierry, Mont-Saint-Père, Chartèves ; juillet 1916

18 juillet

Départ de Sommelonne à 6 heures pour prendre le train à 8 kilomètres de Saint-Dizier ce qui nous faisait 16 kilomètres.

Marche pénible par une chaleur torride, aussi, j’éprouve beaucoup de fatigue, vu le changement, le découragement je prends. Je reste en route en arrivant dans un village où je mange des 4 œufs ce qui apporte un retard à la colonne.

Arrivés au quai d’embarquement, nous restons deux heures avant de prendre le train.

En cours de route, ce n’est que plaisanteries, le parcours est long.

Nous arrivons à Mézy à 8h1/2 du soir.

Nous partons pour Mont-Saint-Père.

Nous restons une heure à l’entrée du village en attendant que notre cantonnement fut fait.

19 juillet

Réveil à 6h.

Marche supplémentaire pour ceux qui sont restés en route la veille.

On nous fait faire une marche de montagne très fatigante.

20 juillet

Je reste au cantonnement.

Je vais à la pêche pour le colonel. Chaleur torride.

21 juillet et 22

Pêche superbe dans un étang

23 juillet

Dimanche, repos, chaleur.

24, 25 juillet

Tir. Départ à 1h1/2 par une chaleur torride.

27, 28, 29 juillet

Toujours la pêche.

30 juillet

Repos. Toujours grande chaleur.

31 juillet

Rien à faire. Je reste au cantonnement

1er août

Je me repose au cantonnement et je raconte quelques histoires sur les combats que nous avons livrés, lorsqu’un camarade vient me prévenir que ma femme me faisait demander.

Je ne me sens plus de joie.

Du 4 au 9 août

Je reste avec ma femme. Elle repart le 9 à 4h du soir.

10 août

Réveil à 2h1/2 pour changer de cantonnement.

Départ à 3h1/2 par une petite pluie. La route est longue et nous fatiguons beaucoup. Après 24 kilomètres de marche, nous nous arrêtons dans des baraquements où nous sommes heureux d’arriver.

Nous mangeons une bonne soupe que notre cuisine roulante avait faite en cours de route.

Repos jusqu’à 2h, ensuite, on reprend la route pour aller à Romigny où nous arrivons à 9h1/2, très fatigués. Le parcours a été de 34 kilomètres. Je suis dans une petite chambre où je passe une bonne nuit.

11 août

Réveil à 5 heures. On nettoie les armes qui ont souffert de la pluie.

Je visite le pays qui est bien petit. Il y a une gare de tramways.

Le même jour, le soldat Helstroffer est fusillé devant 3 compagnies (une par bataillon) du 132e RI, pour « abandon de poste devant l’ennemi » (JMO)

12 août

Je conduis les hommes à la visite.

Après midi, je fais nettoyer les tas d’ordures dans le pays.

13 août

Dimanche, repos toute la journée. Je passe mon temps à écrire.

Du 14 au 24 août

Je suis à Romigny.

J’emploie mon temps à écrire et à lire.

 

Permission, fin août 1916

24 août

Réveil à 5 heures. Je pars en permission.

Je passe par Paris quelques heures agréables qui diffèrent beaucoup de celles passées dans les tranchées. Je quitte Paris à 8h1/2 pour Belfort où j’arrive le lendemain à 2h1/2 après m’être bien ennuyé dans le train qui marche très lentement.

J’ai passé 2h1/2 à Vesoul en me promenant.

25 août

Arrivé à Belfort à 2h1/2 où je constate que beaucoup de monde à quitter la ville. Je vais à Rougemont voir ma famille qui est très heureuse de me voir arriver.

J’y trouve ma belle-maman très malade ce qui me tourmente un peu.

27 au 31 août

Je passe ma permission chez mes beaux parents et j’emploie mon temps à piocher les pommes de terre et à chercher du bois en forêt. Je reste avec ma femme à me distraire de mon mieux.

Le 27 au soir, je pars pour Belfort.

1er septembre

Je vais au marché faire des achats avec ma femme. Je passe ma journée assez agréablement.

Je quitte Belfort le soir à 9 heures, assez peiné de quitter ma famille.

2 septembre

Je suis en route. Je passe une partie de ma matinée à Dijon, ensuite, je me dirige sur Jessains, gare régulatrice, où je reste jusqu’à 20h14. Je m’ennuie à mourir.

J’arrive aux environs de Paris, à Noisy-le-Sec à 4h du matin.

3 septembre

Je visite Noisy-le-Sec et je me dirige au départ des isolés où je reste jusqu’à 11h et demi.

Je reprends le train à 2h après midi pour Dormans où j’arrive à 4 heures. Je me promène jusqu’à 7h en attendant le départ du tramway qui doit me mener à Romigny où j’arrive à 10h1/2 du soir.

4 septembre

Je passe ma journée avec les copains.

Je prépare mon équipement pour partir le lendemain.

Je m’ennuie beaucoup.

La Somme : secteur Cléry-sur-Somme, Bouchavesnes, sept. 1916

5 septembre

Je reste au repos toute la journée. Je fais mes préparatifs de départ pour la Somme.

Le soir, à 11 heures, nous quittons Romigny en automobile pour Epernay où nous arrivons à 2h du matin. Je suis fatigué. Je dors par terre en attendant le jour, ensuite, je m’occupe des distributions et nous nous embarquons dans le train qui part à 9 heures et passe par Paris.

Nous arrivons à Marseille dans l’Oise à 8h du soir.

Nous restons sur le quai jusqu’à 10h1/2, ensuite, nous allons cantonner à Fontaine, petit village de 310 habitants.

7 septembre

Je m’occupe de mes correspondances et je cherche une rivière pour aller à la pêche.

Revue d’armes.

8 septembre

Travaux de restauration des tranchées de grenadiers.

Après midi, je cherche une rivière. J’en profite pour visiter Marseille qui est un pays très agréable. Le soir, je me distrais à lire

9 septembre

Je reste toute la journée au cantonnement où je m’ennuie.

10 septembre

Rien de nouveau. L’après-midi, je vais au concert organisé par le 132. C’est très gai, moi, j’ai le noir.

11 septembre

Exercice pour la compagnie. Je reste au cantonnement.

Belle journée.

12 septembre

Repos. Préparatifs de départ.

Journée très gaie.

13 septembre

Réveil à 4 heures. Départ à 5h.

Marche de 22 kilm. Nous passons dans un joli pays qui s’appelle Grandvilliers.

Nous sommes furieux de voir que nous n’avons jamais de chance d’être cantonnés dans ces pays. On y trouve le 162e et le 11ème d’artillerie. Nous arrivons à Famechon à midi, très fatigués. C’est un pauvre petit pays dont les habitations sont en chaume et à moitié démolies. La population est de 90 habitants.

J’ai eu bien froid la nuit, tout est ouvert.

14 septembre

Nous quittons Famechon à 9h pour nous rendre à Namps-au-Val, distante de 8 km. Je suis heureux que la distance est courte. Je suis très fatigué de la veille.

En première vue, le pays nous fait bon effet, mais, c’est pauvre. Population de 300 habitants. Les maisons toutes en chaume. Le pays manque d’eau.

On a creusé des citernes pour y recevoir l’eau de pluie.

15 septembre

Journée d’ennui. Je passe mon temps à lire et écrire. Je visite le pays qui n’a rien de beau.

16 septembre

La compagnie s’occupe de faire des abris pour chevaux, moi, je m’ennuie beaucoup.

17 septembre

Réveil à 6h.

Je passe ma matinée à écrire et faire ma toilette.

Après-midi, je vais à un match de football, organisé par le 132e et le 106e, qui reste à l’avantage du 132e à 3 buts à 1. Une course à pieds a lieu également.

Le soir, nous apprenons que nous devons partir. Je suis chargé de m’occuper du ravitaillement des hommes, ce qui me donne du travail jusqu’à minuit.

18 septembre

Il y a contre ordre pour notre départ, ce qui me fait plaisir.

Ma distribution n’était pas achevée, par suite de la soûlographie des hommes. Je reste toute la journée en repos. Il fait un temps affreux.

19 septembre

Réveil à 4h. J’ai un travail fou avec mes distributions et la pluie est de la partie, ce qui me gêne beaucoup.

Nous partons à 7 heures en automobile.

Nous passons par Conty, très joli pays, Ailly-sur-Noye, Rouvrel, Castel, qui est également un beau pays, Thennes et Bertaucourt où nous sommes cantonnés.

Nous attendons 3  heures avant que notre cantonnement soit prêt.

Pendant une demi-heure nous recevons une pluie battante, ensuite, nous rentrons au pays, musique en tête. Nous sommes logés dans un local très agréable. Nous faisons notre popote, ce qui nous distraie beaucoup.

Le soir, je fais un tour au pays qui est très grand. J’y rencontre du 35e et 42e, où je trouve des amis.

A 6h de soir, je me trouve vers un moulin où je vois arriver 210 prisonniers boches de différents régiments. Il y en a plusieurs qui ont le sourire en nous voyant.

Je me dirige ensuite près du ravitaillement du 35ème où je retrouve d’autres amis avec qui je passe le reste de la soirée. Nous buvons quelques verres et je les quitte à 9 heures, la tête lourde.

20 septembre

Nous restons au repos toute la journée. Je m’ennuie beaucoup.

Le soir, je vais faire un tour au pays pour me distraire. Je vais voir des prisonniers qui rentrent du travail à 6h.

Ensuite, je vais, avec mes amis, boire quelques bonnes bouteilles qui m’ont fortement ému. Aussi, je ne puis me coucher. Je m’en vais faire un tour au pays où je me fais arrêter par un officier qui me conseille d’aller me coucher.

Bonne nuit.

Pluie.

21 septembre

Repos toute la matinée. Après-midi, je m’occupe des distributions et nous préparons nos sacs pour partir le lendemain matin.

22 septembre

Réveil à 5h.

Je m’occupe des repas froids à emporter pour la route.

A 8 heures, nous embarquons en autos à destination de Bray, dernière station avant les lignes. Nous passons par Tonart-la-Juze, Clurge, Démuin, Marcelcave, Lamotte , Froyard, Cappy et Bray.

Nous débarquons, c’est fantastique le mouvement de troupes que nous rencontrons et les voitures font queue toute la journée.

Automobiles, voitures de ravitaillement, caissons de munitions ne font que passe. J’estime à 10.000 voitures allant et venant toute la journée et la nuit. Nous assistons de loin à un bombardement qui fait rage. D’après renseignements, le bombardement doit durer trois jours, ensuite, notre corps attaque.

 

Nous faisons un tour au pays où nous voyons les premières lignes enlevées à l’ennemi. Je constate que nos saucisses sont nombreuses, surtout sur le front anglais.

Nous couchons sous nos toiles de tente où j’ai eu bien froid.

23 septembre

Nous restons toute la journée au repos.

Notre 2ème Bat est parti en ligne. Je viens d’apprendre que le général de notre division vient de se faire tuer en allant reconnaître le secteur *. C’est une grande perte pour nous. C’était un homme courageux et bon.

Dans Suzanne, le pays est complètement abandonné et les maisons sont toutes atteintes du bombardement. Il y a des troupes cantonnées de tout côté. J’estime à 10.000 aux alentours de Suzanne.

Il y a un superbe château avec une propriété immense.

J’ai remarqué de belles peintures, un magnifique escalier de marbre, mais le château a fortement souffert du bombardement. Le pays devait être assez agréable avant la guerre. Il y a encore un château plus petit et de belles grandes fermes.

Le soir, je vais me promener le long des étangs où les hommes pêchent à la grenade, mais un accident arrive. Une grenade éclate dans la main d’un homme, qui fait trois victimes, dont un grièvement.

Le soir, je me couche sous ma tente, mais les nuits sont froides et nous en souffrons.

* C’est exact : il s’agit du général GIRODON

24 septembre

Repos toute la journée. Temps superbe.

J’en profite pour bien visiter le pays et le cimetière. Je remarque quelques tombes des hommes du 35 et 42ème. Le soir, nous quittons Suzanne pour nous rendre en réserve à 3 kilm des 1ères lignes.

Nous partons tranquillement, mais, nous éprouvons de grandes difficultés de marcher sur la route, vu l’encombrement des voitures de ravitaillement. Nus faisons de fréquentes pauses.

Où nous passons, les villages sont complètement détruits. Enfin, nous arrivons dans un boyau où nous passons le reste de la nuit.

25 septembre

En me réveillant, ma première préoccupation fut de me rendre compte de la situation du secteur que j’ai trouvé joliment bouleversé. Notre curiosité nous valut une réception d’obus qui ne fit aucune victime.

Toute la matinée, un violent bombardement fut déclenché par notre artillerie qui fut suivi d’une attaque. Nous avons l’ordre de partir en avant. Pendant notre parcours de 1 km, nous rencontrons des prisonniers, ce qui nous faisait prévoir une avancée des nôtres.

Nous nous arrêtons au versant d’un coteau où nous y passons la nuit.

Nous voyons venir un grand nombre de blessés du 25ème chasseurs et du 172ème, ce qui nous fit voir que la partie s’est disputée, ce que j’ai trouvé de beau, c’est le concours de prisonniers ennemis qui portaient nos blessés ou les nôtres soutenant des blessés allemands pour arriver jusqu’au poste de secours.

J’ai passé une nuit assez bonne, mais le bombardement fait rage.

26 septembre

Je me réveille à 6h00 et je prépare mon sac.

Le temps est beau, ce qui nous rend grand service.

Vers 9 heures, un combat aérien s’engage où j’ai eu la triste occasion de voir un de nos avions tomber en flammes.

Toute la journée, le bombardement fut terrible.

Vers 4h du soir, l’ennemi nous envoie un violent barrage d’artillerie avec des obus à crémaillère qui me firent terriblement souffrir. Je croyais que j’allais mourir tellement j’étais suffoqué.

Le soir, nous quittons pour nous porter plus en avant, où nous construisons des abris à flanc des coteaux, ce qui nous donna du travail jusqu’à 2h du matin.

Nous apercevons des obus incendiaires qui ont mis le feu aux ruines de Bouchavesnes. Nous nous couchons vers deux heures, très fatigués et nous nous réveillons le lendemain à 7 heures.

27 septembre

A 7h ½, nous recevons l’ordre de partir en avant.

Nous avançons progressivement près des lignes. Nous nous installons sur le flanc du coteau droit de Bouchavesnes où nous sommes vus par les saucisses ennemies qui signalent notre présence à leur artillerie qui nous bombarde violemment, mais, comme nous sommes en contre-pente, opposée à l’ennemi, nous n’en souffrons pas beaucoup.

Les quelques maisons restant debout à Bouchavesnes sont détruites. A un certain moment de la journée, nous avons des avions ennemis qui nous tirent dessus avec leurs mitrailleuses, sans grand résultat.

Vers 4h, nous fûmes surpris par les gaz, mais de suit, je mis mon masque, ce qui me protégea. Je passe une bonne partie de la nuit dans mon trou, mais, le matin, j’ai la désagréable surprise de voir que la compagnie avait quitté.

Journée très chaude.

28 septembre

Je remonte mon sac et me remets à la recherche de ma compagnie que je ne retrouve pas. Je retrouve des hommes qui me conduisent au poste du commandement où je me mis à sa disposition.

Pendant notre trajet, nous fûmes salués par les obus où j’ai deux de mes hommes blessés. Je me trouvais 8m à l’arrière, sans quoi, je me trouvais en plein sous les éclats d’obus.

Nous recevons des obus toute la journée, mais nos petits abris, faits à tout hasard, nous protègent assez. Nous trouvons passablement de tués allemands et aussi de blessés avec lesquels je m’entretiens un instant et leur prodigue mes soins. L’après-midi, je prépare un coin pour dormir où je me trouve très bien, mais vers minuit, nous sommes réveillés en hâte pour assurer la liaison avec les compagnies qui sont en ligne.

Une attaque par surprise ayant eu lieu par nos troupes, mais l’ennemi s’en aperçut ce qui fut raté. Je vais me recoucher et je m’endormis d’un profond sommeil. (Nous avons eu la visite de 15 avions ennemis dans la journée).

29 septembre

Temps pluvieux.

Tir continu de l’artillerie ennemie.

Vers onze heures, j’apprends la mort de notre adjudant et d’un sergent de ma compagnie, ce qui fait que mon chef de section est obligé d’aller le remplacer et moi, je prends le commandement de mon groupe, mais la journée est très calme à cause du mauvais temps.

 

Carte tirée du JMO du 132e RI, ajoutée volontairement

30 septembre

Temps assez beau. Nuit agitée. Bombardement très violent.

J’apprends que je suis définitivement nommé sergent.

J’ai aussi pour mission de ramasser tous les cadavres qui, pour la plupart, sont en mauvais état. Nous avons aussi pendant la nuit, la visite de trois prisonniers russes qui ont quitté les lignes allemandes. Ils nous fournissent des renseignements très importants sur les dépôts de munitions ennemies. La soirée a été très mauvaise. Bombardement de part et d’autre.

1er octobre

Journée très agitée. Bombardement très violent. Nous avons beaucoup de pertes. Nous travaillons à la construction d’abris.

2 octobre

Toujours de violents bombardements. Le temps est beau et les avions ennemis font de grandes explorations au-dessus de nos lignes.

Nous apprenons que nos prisonniers ont beaucoup à souffrir de ces bombardements.

Nous comptons en ce jour, 26 blessés et 8 tués. Le soir, une batterie de 75 fait une erreur de tir.

Où nous sommes, nous avons bien du mal de tenir dans nos abris.

A minuit, mes camarades me quittent pour aller coucher vers d’autres, croyant être en sécurité.

Mais hélas les pauvres étaient ensevelis dans leurs abris.

On se met de suite à les dégager, ce qui demande 1h½ car il faut prendre des précautions pour ne pas leur faire de mal.

Malheureusement, nous ne pûmes les ramener à la vie. Leurs corps étaient encore tout chauds, mais l’étouffement avait fait son œuvre.

J’appris également que notre nouvel adjudant ainsi que notre lieutenant avaient été blessés, ce qui nous fit 28 blessés et 10 tués.

En réalité, le régiment, pour la journée du 2 octobre a eu 26 tués et 70 blessés (JMO)

3 octobre

Journée de pluie et de brouillard.

Je vais rendre compte à notre adjudant des évènements de la nuit, et j’ai l’occasion de voir des camarades qui sont très heureux de voir que je suis encore des leurs. Journée assez calme, à cause du mauvais temps.

La soirée fut très mauvaise. Bombardement très violent.

J’ai travaillé avec quelques hommes car il me reste à consolider notre abri. Les pertes du régiment s’élèvent à plus de 850 hommes.

En réalité, le régiment, pour la journée du  3 octobre a eu 11 tués, 34 blessés et 3 disparus (JMO). Parle-t-il des pertes depuis le début du séjour dans la Somme ?

4 octobre

Temps de pluie.

Tir de surprise par l’ennemi, ce qui nous gêne beaucoup pour travailler.

Le terrain est complètement labouré par les obus et la boue épaisse. Tous les soirs, l’ennemi nous fait un tir de barrage des plus violents pour gêner le ravitaillement et empêcher les renforts d’arriver.

J’ai passé une nuit assez bonne.

5 octobre

Je me lève à 4 heures.

Pendant que c’est calme, je profite pour enterrer les morts qui restent sur le terrain depuis les combats de Bouchavesnes.

Ces hommes sont des compagnies de mitrailleurs des chasseurs et du 171ème. Ils sont tous dans un état de décomposition qui me soulève le cœur.

Je m’occupe à restaurer un abri pour notre commandant. Bombardement toujours très violent.

Je passe une mauvaise nuit très agitée.

6 octobre

Je me lève le matin de bonne heure pour continuer d’enterrer les cadavres qui restent en avant du poste de commandement. Ensuite, nous travaillons après l’abri du commandant.

L’après-midi, nous recevons l’ordre de rester dans nos abris. Un bombardement à 6 heures nous est signalé, en prévision d’une attaque pour le lendemain, aussi, l’artillerie fait rage de part et d’autre.

Nous avons des hommes qui ont reçu un obus, au-dessus de nous. Il n’y eut pas de mort mais deux blessés sérieux. Le bombardement fait également rage chez les Anglais. Nous entendons leur artillerie qui ne cesse de tirer.

Nuit très agitée.

7 octobre

Matinée assez calme, mais l’après-midi ne fut pas de même. L’artillerie fait rage. A 5 heures, une attaque de nos troupes qui obtient quelque succès. Le résultat ne fut pas aussi grand qu’on le comptait. Le tir de barrage de l’ennemi empêcha nos bataillons de déboucher. Nos pertes furent sérieuses. L’artillerie continue à bombarder d’une violence exceptionnelle. Nuit très agitée.

8 octobre

Journée assez calme, vu la grande consommation de munitions de la veille.

Après-midi, les avions ennemis, au nombre de 14, se livrent à l’exploration de nos positions. Nos mitrailleurs font rage, mais n’inquiètent nullement les avions.

9 octobre

Je m’occupe de faire construire des abris de commandement, mais nous éprouvons de grandes difficultés, faute de matériel.

Le soir, l’artillerie fait rage de part et d’autre. On se demande comment il est possible de tenir sous d’aussi violents bombardements. Le soir, une batterie de notre artillerie tire trop court, ce qui nous met en danger.

Deux de nos camarades sont ensevelis. Nous essayons de les dégager, mais, hélas, l’amoncellement de terre est trop épais, ce qui fait que nos pauvres camarades trouvèrent la mort.

Pendant que nous les dégagions, nous fûmes presque aussi victimes de notre artillerie.

10 octobre 1916

Je suis demandé par le colonel par le colonel pour prendre la direction des travaux au poste de commandement du 132éme. Je suis très content. Je me trouve en sécurité.

Les travaux sont importants.

Nous construisons un abri très grand et très profond sous une crête de 7m de hauteur. Je suis surpris de voir le gaspillage de toute nature : armes, fusées, équipement et matériaux de toute sorte.

11, 12, 13 octobre

Toujours occupé aux travaux d’abris. Nous nous trouvons plusieurs heures dans l’impossibilité de sortir tellement le bombardement fait rage. Beaucoup d’hommes viennent se mettre à l’abri et sont complètement affolés.

Ils sont très déprimés, les yeux hagards comme des fauves.

14 octobre

Nous continuons nos travaux jusqu’à 2 heures et la relève ayant lieu, nous sommes obligés de suspendre nos travaux. Nous recevons la visite de notre colonel qui nous félicite pour la rapidité avec laquelle nous avons activé nos travaux. Nous quittons le secteur à 8h du soir. Une demi-heure avant notre départ, nous recevions un bombardement des plus violents.

Aussi, nous étions inquiets pour partir.

Contrairement aux autres jours, nous parcourrons 2 kms sans recevoir un obus, ce qui nous étonna beaucoup. Mais, nous ne perdions pas une minute pour activer notre départ car le secteur à parcourir était dangereux.

Notre parcours était très long 24 kms.

Nous avons eu à voyager toute la nuit. C’est là que je me suis rendu compte que j’étais très faible d’avoir passé 20 jours avec une nourriture sèche. Lorsque nous sommes arrivés à Bray-sur-Somme, il était 3 heures du matin, Je me suis couché dans des baraques aménagées spécialement pour les troupes qui reviennent des lignes. Je me trouvais heureux.

Le matin, vers 6h, nous sommes réveillés par des Poilus qui apportent des colis. J’en reçu un venant de mon épouse, ce qui me fit grand plaisir car j’avais envie de douceurs.

15 octobre

       Nous quittons notre cantonnement à 7 h pour aller 800 m plus bas à Bray où nous couchons également dans des baraques. Mais la place fait défaut. Nous sommes trop nombreux pour le peu de baraquements, mais nous sommes heureux de retrouver des amis que nous n’avions pas vus depuis 20 jours.

Aussi, c’était la fête. Le vin ne manquait pas mais je ne pouvais pas boire beaucoup car l’on était trop faible.

La journée fut très agréable ainsi que la soirée, mais la fatigue était grande et j’avais besoin de repos.

Aussi, à 7 heures, j’étais couché. Je ne fis qu’un somme. Pendant la nuit, des avions ennemis sont venus survoler le pays et jeter des bombes. Tous les hommes étaient sur les pieds mais, la fatigue chez moi était trop grande. Je n’ai rien entendu. Aussi, j’étais très surpris le matin au réveil lorsqu’on me raconta ce qui s’était passé la nuit.

Il y avait des victimes et une vingtaine de chevaux tués. Nous nous préparons à partir.

16 octobre

       Nous quittons Bray à 8h½ pour Méricourt qui se trouve à 8 km de Bray. Nous parcourons 4 km et nous nous arrêtons dans un champ pendant une demi-heure.

Ensuite, nous repartons pour Méricourt mais nous sommes obligés de rester 2 heures dans un terrain vague en attendant que le cantonnement soit fait. Nous nous sommes logés à la maison commune où l’on passe une bonne nuit. Il n’y a plus de civils, sauf quelques commerçants qui vendent très cher.

Départ à l’arrière. Somme. Période de repos et exercices oct. 1916

17 octobre

       Prise d’armes où nous avons l’occasion de voir notre nouveau général de division qui se présente à nous comme un vrai gaulois. Il passe sur tout le front des troupes, en s’arrêtant devant chaque compagnie et nous saluant d’un air martial. On voit que c’est un homme            énergique.

Après sa revue il nous rassemble en bataillon carré où il félicita  le 132ème et sa bonne conduite, et de son dévouement au feu. Il nous fit faire quelques maniements d’armes.

Le premier laisse à désirer et nous le fit recommencer deux fois.

Après, il trouve que c’était bien et commença son discours en ces termes :

«Le général commandant la 12ème division     exprime au 132ème régiment d’infanterie sa très vive satisfaction pour le remarquable dévouement avec lequel il a procédé à l’assainissement du champ de bataille et à l’évacuation du matériel utilisable traînant dans son secteur. Malgré un bombardement incessant, malgré de cruellespertes, le 132ème d’Infanterie, tout en fournissant un travail de sape exceptionnel a su trouver le temps d’ensevelir précieusement, après identification, le corps des camarades d’autres régiments et bataillons tombés pour la France.

       Le commandant de la division est persuadé que les autres régiments dont le travail et la conduite sous le feu ne méritent que des éloges, auront à cœur d’imiter le 132ème et de laisser à leurs successeurs un champ de bataille irréprochablement propre et assaini.»

Signé BRESSAUD

C’est exact, ce texte est cité dans le JMO

      

       En portant à la connaissance du régiment cet ordre si flatteur du général commandant la 12ème division, le lieutenant colonel exprime une fois de plus sa profonde satisfaction pour le magnifique effort fourni pendant la dure période du 25 septembre au 15 octobre. Il adresse en particulier tous ses remerciements au médecin major pour la façon admirable dont il a en dirigé le service de santé et pour le dévouement dont lui et son personnel ont fait preuve.

La   revue se termine par la remise des décorations.

Le soir, à 5 h, nous quittons Méricourt en auto.

Nous passons par Amiens où j’ai remarqué un nombre considérable d’autos que j’estime à 8.000. Nous avons eu fort à souffrir d’être secoués dans ces maudites voitures. J’avais le corps complètement délabré. J’avais le cœur qui me faisait mal tellement nous étions mal.

Enfin, nous arrivons à Bouvresse à minuit.

Il faisait un temps désagréable. Nous nous dirigeons sur Formerie qui se trouve à 2 km de Bouvresse où nous restons plus d’une heure sous les halles aux cochons en attendant que notre cantonnement fût fait. Nous étions heureux  en voyant l’aspect du pays qui paraissait très agréable. Nous allons nous loger dans une maison inhabitée où nous étions très bien.

J’ai bien dormi, j’étais très fatigué.

C’est exact, c’est bien en « auto » que le régiment s’embarque

18 octobre

       Je me lève à 6 h pour visiter le pays que je trouve très agréable.

On peut voir des locaux de magasins. Le pays a l’aspect d’une petite ville. Beaucoup de cafés où nous allons déjeuner.

Je prends un bon chocolat au lait.

Ensuite, je retourne à mon cantonnement pour m’occuper des effets à distribuer aux permissionnaires qui sont nombreux.

Le soir, je travaille jusqu’à 11 heures et je vais me coucher tranquillement, mais fatigué d’avoir eu à faire à un grand nombre d’hommes ivres. Je passe une bonne nuit.

19 octobre

       Je me lève de bonne heure pour m’occuper du départ des permissionnaires qui sont au nombre de quarante.

Ces Poilus sont vraiment joyeux, j’éprouve moi-même un plaisir à les voir si gais. Je retourne à mon cantonnement avec les quelques hommes qu’il me reste et nous en profitons pour bien vivre.

Rien ne manquât.

Le soir, nous sommes allés visiter les cafés du pays et je rentré très gais.

20 octobre

       Le matin, déjeuner au café.

Nous consommons beaucoup de petits verres. Ensuite, à 10 h½ nous faisons un bon dîner. Nous passons notre temps, l’après midi, à jouer aux cartes dans un café où il y avait une gentille brunette.

21 octobre

       Temps de pluie. Journée passée au cantonnement. Après-midi, je vais avec mon lieutenant reconnaître un terrain pour faire trois champs de tir. Je pars en bicyclette mais je mouille ma chemise tellement mon lieutenant fait galoper son cheval.

Le soir, parties de cartes où nous exagérons un peu avec les consommations.

Après l’appel, je passe ma soirée avec mon sergent major où je me distrais beaucoup.

22 octobre

       Je pars au champ de tir avec 30 hommes par un temps désagréable.

Je passe une mauvaise journée à la pluie. Je reviens tout mouillé, aussi, je suis heureux de rentrer pour me changer. Le soir, je vais faire ma petite partie.

Nuit très agréable.

Du 23 au 30 octobre

       Je m’occupe de petits travaux qui se présentent. Je passe des journées très agréables et surtout, de bonnes soirées avec mon sergent major chez des amis.

1er novembre

       Les permissionnaires rentrent, aussi, le service reprend.

Nous avons une prise d’armes pour fêter les morts. Nous défilons devant le monument élevé à la mémoire des morts de 1870. Le temps était à la pluie.

C’était un vrai jour de Toussaint.

2 novembre

       Repos mais pluie toute la journée.

3 et 4 novembre

       Nous faisons un terrain de grenadiers à 5 km de Formerie.

Je fais le voyage deux fois dans la journée. Le soir, je suis très fatigué. Le soir, grande retraite aux flambeaux. Je suis chargé des illuminations.

J’ai à faire la distribution des lanternes vénitiennes et d’allumer les feux d’artifice où je me brûle le bras devant le monument de 1870.         

5 novembre

       Préparation à Formerie de la salle des fêtes pour un concert organisé par le 132e..

Nous nous occupons de l’installation des chaises, bancs, et piano.

Le soir, nous sommes chargés de placer les dames et officiers. Le concert est très amusant, mais je n’éprouve pas le plaisir que je désire, faute de famille.

A 9 h, je vais me coucher, très content de ma soirée.

6 novembre

       Je vais à la visite. J’ai mal au cœur. Il fait un temps affreux. Je reste toute la journée au cantonnement. Journée d’ennui.

7 novembre

       Exercice des cadres de caporaux.

Il fait un temps de chien. Pluie abondante.

8 novembre

       Exercice le matin.

Après-midi, prise d’armes pour la présentation du drapeau aux jeunes soldats de la classe 1917. Je suis désigné pour la garde du drapeau avec quatre hommes ayant eu la croix de guerre.

Le temps est toujours à la pluie. La cérémonie fut courte mais imposante. En rentrant au cantonnement, on nous informe que nous partons le lendemain matin.

9 novembre

       Réveil à 5 h.

Départ de Formerie à 6 h½. Nous sommes chargés comme des mulets.

Nous sommes la curiosité des gens du pays.

En partant, nous avons laissé une bonne impression. Nous prenons les autos entre Formerie et Bouvresse, mais nous sommes tés mal dans ces voitures rondes.

Nous apprenons qu’un important dépôt de munitions a sauté à Cerisy.

On estime les pertes à 6 millions et plus de 600 victimes. Nous arrivons à Suzanne à 5 h du soir, très fatigués de ces maudites voitures. Nous allons loger dans le camp 18 et 19, mais la boue ne manquait pas.

Le soir, les avions ennemis viennent nous jeter des bombes, mais dans notre camp, aucune victime.

10 novembre

       Nous restons toute la journée au cantonnement et les 2e et 3e  bataillon vont en ligne. Nous             passons encore la nuit dans nos baraques et on entend les obus passer au-dessus de nos baraques. Le sommeil me domine, ce qui fait que n’entends plus ces sifflements d’obus. Je             passe une bonne nuit.

11 novembre

       Nous restons au camp 18 et 19 jusqu‘à 2 h½. Ensuite, nous partons en ligne. Le parcours est très pénible. La boue nous fatigue et nous enlise par endroit. Après 3 h½ de marche, nous arrivons à Bouchavesnes où nous sommes logés dans de jolis abris. Aussi, nous y passons

 

 

Il manque 1 page ….

 

 

 

       baraque d’artillerie où je suis très bien reçu. Les amis qui s’y trouvent me préparent une couchette où je dors d’un profond sommeil, car j’étais exténué de fatigue.

21 novembre

       Je me lève à 6 h pour aller rejoindre mes camarades aux camps 18 et 19, mais avant de partir, les camarades me font prendre un bon café et un bon rhum, ce qui me réchauffe.

Ensuite, je me dirige vers le camp 18 où je retrouve mes camarades qui sont heureux de me revoir, croyant qu’il m’était arrivé quelque chose. Nous nous préparons pour partir en auto à Méricourt où nous restons 9 jours, logés dans des baraquements. Je vais chaque jour manger à la popote des sous-officiers qui se trouve à Méricourt chez une femme qui a six enfants.

Nous nous trouvons bien en comparaison des souffrances endurées en ligne.

Du 22 au 28 novembre

       Je m’occupe de la restauration des baraquements et l’installation des poêles et nous faisons des travaux de tranchée.

Comme instruction, nous faisons des combats à la grenade et des mines que nous faisons sauter pour instruire les jeunes nouveaux pionniers.

Le 29 au soir, nous nous préparons pour retourne aux tranchées lorsqu’on vient me prévenir que je devais me mettre à la disposition du ravitaillement ce qui me fit grand plaisir car j’appréhendais de retourner en ligne à cause de la boue et des privations de toute sorte.

29 novembre

       Je prends possession de mon nouveau poste à La Neuville-les-Bray, pays qui n’a rien d’agréable.

Nous sommes logés dans une pauvre maisonnette où on y est très mal et la boue dans notre parc atteint jusqu’à 25 cm. Aussi, nous avons toutes les peines du monde pour assurer notre service. Je passe une journée à m’installer et je trouve bien avec mes nouveaux amis.

La popote est bonne.

30 novembre

       Je vais au ravitaillement avec mes camarades pour me mettre au courant du service mais le temps est la pluie et je trouve le service un peu dur pour débuter.

Nous partons l’après-midi ravitailler aux camps 18 et 19. Nous avons fort à souffrir de la boue et je rentre le soir à 6 h fatigué.

Du 1er au 15 décembre

       Je suis occupé à construire des bris pour les Anglais qui doivent occuper notre secteur. J’au eu surtout à souffrir de la pluie et du froid. Aussi, le soir, j’étais exténué de fatigue.

16 décembre

       Départ de La Neuville-les-Bray. Notre première de 35 km se termine à Dommartin, dans la             Somme où j’arrive à 8 h du soir, très fatigué. Le pays n’a rien d’agréable mais nous sommes     chez des personnes qui sont très gentilles avec nous.

17 décembre

       Nous quittons Dommartin à 4 h½  pour nous diriger sur Nourard-le-Franc où nous sommes bien reçus. Je suis chargé d’aller aux ateliers d’Ailly-sur-Noye pour faire remplacer des roues à nos voitures.

Les ateliers sont occupés des Allemands au nombre de 600. Journée assez belle mais froide. Nous quittons les ateliers à midi pour nous rendre à Nourard-le-Franc.

Nous restons 4 jours.

21 décembre

       Nous quittons Nourard-le-Franc. À 6 h du matin pour nous diriger sur Valgenseuil en passant par Pont-Sainte-Maxence où je vais me ravitailler en vin et en pain. Je visite un peu Pont-Saint-Maxence  qui est une jolie ville d’environ 20.000 habitants.

Le pont avait été détruit pendant la retraite de la Marne.

Vers les 2 h, nous nous arrêtons à l’extrémité du pays pour casser la croûte lorsqu’une dame nous aperçut et nous donna quatre bouteilles de bon vin. Ensuite, nous nous dirigeons vers Valgenseuil où nous arrivons à 9 h du soir, très fatigués.

Le matin, il fallait un temps épouvantable. Pluie ininterrompue.

22 décembre

       Je quitte Valgenseuil (Oise) à 6 h du matin pour nous diriger sur Nanteuil-le-Haudouin où nous arrivons à 10 h du matin. Ce pays est très gentil et nous sommes dans une bonne pension chez des gens très gentils.

Après, je suis profondément chagriné. Mon sac m’a été volé où j’avais mon linge que je venais de recevoir de la maison. Aussi, je n’ai éprouvé aucun plaisir au souper qui était pourtant excellent.

24 décembre

       Je passe toute ma journée à Nanteuil-le-Haudouin. Je visite le pays pour me distraire un peu, mais je suis très chagriné d’avoir eu mon sac pris. Je n’ai plus de linge propre et je suis plein de vermines.

25 décembre

       Départ de Nanteuil à 4 h du matin pour May-en-Multien, petite commune de 600 habitants où nous partons le lendemain.

26 décembre

       Brumetz (Aisne)

27 décembre

       Départ à 6 h½ pour nous diriger sur Rancourt-Saint-Martin.

Nous sommes arrivés à 7 h du soir et nous nous occupons des distributions qui me font rentrer à 12 h en rentrant à la ferme où nous avions notre pension, je trouve tous les sous-officiers de ravitaillement en train de faire la noce avec quatre filles des pays envahis.

Ca dansait au son d’un phonographe.

Cette fête dura jusqu’à 5 heures du matin, heure à laquelle nous sommes partis.

28 décembre

       Rancher (Aisne)

29 décembre

       Nous arrivons à Sergy (Aisne) à midi. Je reste consterné de nous voir dans un pays moche.

Je m’occupe de mes distributions mais ce qu’il y a de désagréable, c’est que les bataillons se trouvent dispersés et les routes très mauvaises. Aussi, je maudis le pays.

Comme popote, c’est très bien. Les gens sont très aimables.

Il y a une jeune fille qui fait l’admiration de nous tous. Nous avons une superbe salle à manger.

30 et 31 décembre

       Rien de nouveau. Pluie de temps en temps.

Nous pataugeons.

Le soir, je me prépare pour partir en perme.

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