CORRESPONDANCE 1908 – 1919 de SAUER Claire, Henri, Gaston, René

2ème partie : année 1915

 

Vers les années   1914  1915  1916  1917  1918  1919

 

 

 

 

« Je viens de transcrire une petite centaine de lettres écrites par les trois frères SAUER.

Il s’agit d’Henri (mon grand père), Gaston et René, tous au front, dans des endroits différents ; lettres écrites à leur maman, leur sœur (Claire), tante ou fiancée (restées en Algérie), cousin ou entre eux.

Tous trois ont eu le bonheur de rentrer à la fin de la guerre. »

 

« À partir de 1917, mon grand-père Henri, déclare son amour à sa cousine germaine (Claire BROGAT), ma future grand-mère, puis ils se marient à l’occasion d’une permission, en 1918, et les courriers deviennent plus amoureux, et plus impatients, l’attente est longue.

Henry a devancé l’appel, les premières lettres sont datées de 1913. »

Mireille, janvier 2010

Le 7 janvier 1915

Lettre d’Henri à sa mère

Ma chère maman,

Je n’ai pas aujourd’hui le temps de t’écrire longuement. Nous faisons une nouvelle cahute, et aussi pendant son installation, impossible de séjourner dans le trou. Je me porte toujours bien quoique depuis 5 jours je n’ai pas du tout de nouvelles de la maison.

Je t’embrasse bien fort

Henri

 

Le 15 janvier 1915

 

Ma chère maman

Je t’ai promis sur ma dernière lettre de t’écrire longuement. D’abord, j’ai bien des choses à te raconter.

Nous sommes au repos depuis quelques jours très en arrière de la ligne de feu.

On entend mais de très loin la canonnade. Dans la petite ville où nous sommes il y a beaucoup d’animation et les habitants et les gens n’ont pas trop souffert du passage des allemands. Nous resterons ici 10 jours pour aller ensuite relever un bataillon qui viendra se reposer, et ainsi de suite.

Entre tous les sous off de la compagnie, nous nous sommes arrangés une vie à part et avons formé une espèce de mess où la plus franche cordialité règne. On trouve à acheter presque tout ce que l’on veut dans ce village mais à des prix horriblement chers.

Tu ne peux pas t’imaginer l’émotion que l’on ressent quand après 3 mois de vie souterraine, nous nous sommes revus au milieu de civils, de voitures, d’autos.

Dans quelques jours, il est vrai, cela va cesser, mais enfin nous avons un peu vécu.

Tu n’as toujours pas de nouvelles de Louis (Fouque) ? Fais-moi savoir dès que tu en auras.

Je comprends bien l’angoisse de vous tous mais il ne faut pas s’alarmer outre mesure quand un courrier ne vous apporte pas de nouvelles. Que de choses peuvent retarder l’arrivée des lettres, ou être cause de leur perte !

Dans le dernier écho que tu m’as envoyé, j’ai vu que le fils de Mr Garreau est mort sur le champ de bataille de Louis. J’ai immédiatement écrit à ce monsieur

J’ai reçu ton colis où il y avait la toile cirée ; merci beaucoup ; je vais m’en faire

un couvre nuque assez long et qui me couvrira les épaules !

Je te quitte ma chère maman, je vais à un concert organisé par les territoriaux.

Je t’embrasse bien fort

Ton fils

Henri

Je te donnerai des détails sur cette matinée

Oran jeudi

Ai reçu le 26, le programme et une carte ; Imite, Gaston, l’exemple de ton frère et écris un peu plus souvent. As-tu reçu la lettre carte mais les 5f ??? Je t’ai dit t’écrire à ta tante, l’as-tu fait ?

Hier je sais par Gaby qu’il n’y a pas de lettre, quoique je n’aie pas dit que je t’avais engagé à écrire.

As-tu reçu une lettre de ta sœur ? Je t’embrasse T

Si tu envoies ces lettres à O.F. que l’on me les retourne.

 

(1) Certaines lettres ont été complétées par les destinataires qui les faisaient suivre pour informer d’autres membres de la famille, ces ajouts sont inscrits en rouge sur le site, et sont principalement du fait de Thérèse Sauer, et sa fille Claire Jouve.

 

 

 

Henri – debout 2ème en partant de la droite, 50e R.I.

Photos prises le 23 janvier 1915 à Mourmelon-le-Petit

Premier repos réel du régiment après 1 mois de campagne

Henri

Le 4 février 1915

Lettre d’Henri à sa mère

 

Reçue le 14

Ma chère maman,

Hier je t’ai envoyé une simple carte ce qui fait que depuis 4 jours je ne suis pas resté une seule journée sans t’écrire. J’ai tort, je crois, d’écrire aussi souvent car si pour une raison quelconque je restais seulement 4 ou 5 jours sans t’écrire, tu te ferais beaucoup de mauvais sang, et cela je ne le veux pas.

Aussi je ne t’écrirai dorénavant que 2 : au maximum tous les deux jours et au minimum une fois par semaine.

Donc, pas de tourments quand régulièrement à chaque courrier tu n’auras pas de lettre de moi ; énormément de causes peuvent empêcher l’arrivée de mes lettres ; et il me semble te voir quand tu ne reçois rien de moi.

Reçu hier lettre de tante Victorine et de Chemeau.

Temps printanier depuis 3 jours, pas de froid du tout, et aujourd’hui un soleil d’été. Aussi les aéroplanes se baladent à qui mieux mieux. J’embrasse tout le monde, de gros baisers pour Toi.

Henri

Le 7 février 1915

Lettre d’Henri à sa mère

Reçue le 15 matin

Ma chère maman,

J’ai reçu hier un colis de Mme Gradvohl, j’ai accusé réception immédiatement ; tu vas remercier cette dame pour moi ; comme je dis dans la lettre à Suzanne, le colis est justement arrivé un jour où par suite de circonstances que je ne peux pas dire (1), on n’avait pu toucher de vivres.

Nous avons toujours un temps splendide et à part quelque pluies qui durent une ou 2 heures, le soleil parait toujours ;

Tache de m’envoyer dans un petit colis quelques mouchoirs ; mais surtout n’en achète pas ; envoie m’en des vieux, car le plus souvent on ne peut pas les laver et on est obligé de les jeter ; joins y 2 ou 3 bons cigares que tu feras acheter par René.

Je t’embrasse bien fort ma chère maman et te charge d’embrasser tout le monde pour moi.

Ton fils Henri

A quand une lettre de René qui doit être guéri.

(1) 3 jours auparavant, 11 hommes avaient été tués, ensevelis sous leur abris, c’était des hommes de la section d’Henri (JMO)

Le 9 février 1915

Reçue le 15

Ma chère maman, je te demande dans une lettre d’hier de m’envoyer quelques colis ; joins-y une ou deux paires de chaussettes de coton, que je mets sous les chaussettes de laine

De bons baisers à cousin, à grand-mère et les meilleurs de ton fils

Henri

Le 18 février 1915

Lettre d’Henri à sa mère

Ma chère maman

Nous sommes toujours au repos, et avons reçu la première inoculation contre la fièvre typhoïde ; nous en subirons une 2è et nous serons ensuite complètement à l’abri de cette maladie ; peu ou point de souffrance après la vaccination, quelques hommes sont malades, la fièvre monte même à 40° mais retombe presque tout de suite.

Comme je te l’ai déjà dit, j’ai installé mon bureau dans un camion forge ; où je me réfugie toute la journée, quand mes occupations ne me forcent pas à courir.

Je prends mes repas avec les sous officiers de la 12 è Cie où je retrouve tous mes anciens camarades, plus sociables et qui me sont plus sympathiques que la plupart de ceux de ma compagnie.

Nous faisons des repas épatants, nous nous mettons à table à 11h ½ et n’en sortons qu’à 1h1/2 ; et le soir de 8 à 9h. Nous prolongeons toujours la soirée, soit à causer, soit à chanter ; car quand nous sommes, comme cela au repos, nous tachons d’être le moins triste possible pour ne pas nous croire en guerre ou si près de l’ennemi.

 

Le temps est ici toujours clément, très peu de pluie, mais beaucoup de brouillard.

Le froid n’est guère intense et est très supportable.

On nous donne de nouveaux des ordres très sévères pour nous défendre de communiquer, à nos parents ou amis, ce qui se passe devant nous ou chez nous ; un adjudant a même été cassé pour avoir divulgué des mouvements de troupes, à ses parents.

Ne t’étonne donc pas si je ne te parle pas de ce qui se passe ici. Je puis quand même te dire que c’est à peu près calme.

On a toujours, d’après les journaux, de bonnes nouvelles de ce qui se passe sur le reste du front, et je crois que les russes font du bon travail.

A mon avis, j’estime que la guerre ne durera maintenant pas bien longtemps et espérons que bientôt, nous serons tous réunis !

J’ai écrit, voilà pas mal de temps à Louis, à Albert, mais ces mêmes ne me répondent toujours pas. Qu’attendent –ils donc ?

 

Monsieur Chemeau est parti pour France ; il a du aller te voir avant son départ.

C’est un copain de plus sur la ligne et je pense qu’il s’en tirera lui aussi

Tu porteras, j’espère mes lettres chez Tante ; embrasse les tous pour moi, et dis leur que si je ne l’ai leur pas écrit depuis plusieurs jours, c’est dû à mon travail, et tout le dérangement causé par ce travail.

Embrasse René pour moi et reçois les meilleurs baisers de ton fils

Henri

Une bisette à Marcel (Belivert) et Bichette et mon meilleur souvenir à Mr et Mme Jourda.

Le 26 février 1915

Lettre d’Henri à sa mère

Ma chère maman,

Mes lettres sont comme les communiqués officiels, toujours rien de nouveau ou d’intéressant à te signaler. Je reçois régulièrement de tes nouvelles, ce qui prouve que les boches n’ont pas encore empêché les relations avec la métropole malgré leurs annonces.

Maurice Chemeau s’est embarqué pour la France, il vient lui aussi nous prêter son concours. René culotte dur j’espère et je l’excuse presque de ne pas m’écrire ; pourtant que serai-ce de me sacrifier 10mn ? Gaston non plus ne m’écrit pas.

J’espère que s’il vient sur le front il le fera plus souvent.

Je t’embrasse bien fort ainsi que René, grand mère, cousine et tout le monde

chez tante, ton fils qui pense à toi

Henri

Le 1er mars 1915

Lettre d’Henri à sa mère

Reçue le 8

Ma chère maman,

Voilà 4 ou 5 jours que j‘étais malade, ou plutôt fatigué dans une ambulance, je ne te l’avais pas dit plus tôt pour ne pas d’inquiéter, mais maintenant que ce gros rhume est passé, tu n’as plus à te faire de mauvais sang. Le major, un chic type, m’envoie pour 15 jours au repos à Châlons ; ce qui fait que jusqu’au 15 mars, je vais pouvoir un peu profiter de la vie de garnison.

Ma foi, après, je reprendrai ma place avec les autres, jusqu’au repos final conséquence de notre victoire sur les boches !

Je tousse encore un peu mais les pastilles que Mme Lacretelle m’a envoyées, et que j’ai encore, vont me servir. Je t’écrirai plus longuement demain car je prends à 2h1/2 le train pour Chalons.

Envoie moi toujours mes lettres au même endroit on me les fait parvenir

Je t’embrasse bien fort

Henri

Le 5 mars 1915

Lettre d’Henri à sa mère

Reçue le 8

Ma chère maman,

Me voici arrivé à ma dernière destination. Je suis pour quelques jours dans un hôpital de convalescence à Roanne dans la Loire.

Dorénavant ne m’écris plus, car je peux changer d’un moment à l’autre. Envoies moi si tu le peux un mandat télégraphique mais ne m’envoie pas moins de 10f.

Je pense que j’aurais la bonne fortune d’aller peut-être en permission te voir. Quelle joie si cela se réalise. Mais je n’y passerai sans doute que 8 jours.

Je t’écrirai longuement demain.

Ton fils Henri

Henri, mars 1915

Orléans ville le 6 mars 1915

Lettre de Gaston à sa mère

Ma chère maman,

J’ai fait un très bon voyage.

Le train était bondé et pour pouvoir me reposer, j’ai été obligé de prendre un supplément de 2ème classe à Perrégaux.

J’étais avec Chatroune et nous avons eu un compartiment à nous seuls. J’ai pu dormir 5 heures de suite ce qui m’a grandement reposé et préparé à mon examen de ce matin et à celui de ce soir. Je ne sais si c’est parce que c’était lendemain de fête et de permission mais on nous a fait faire aujourd’hui 9 heures d’exercice et ce qui m’étonne le plus dans tout cela c’est d’être encore dispo ce soir.

Je t’écris de la devanture d’un café et dans la salle il y a un soldat qui joue du piano. Il joue très bien et cela me rappelle le temps où j’écoutais Claire. Comme il s’est passé de choses depuis ce temps –là et comme il s’en passera encore beaucoup avant que cela revienne.

J’ai bon espoir et l’espoir fait vivre.

Je me suis laissé annoncer ce soir une bonne nouvelle qui m’a été donnée sous toutes réserves. Il parait qu’une grande quantité de cadres existant actuellement à Orléans ville seront pris pour instruire la classe 16 à Alger.

Tu penses bien que je serais heureux d’aller faire l’instruction de René ; nous pourrions facilement être dans la même compagnie et tu serais bien plus tranquille de le savoir près de moi.

Mais rien n’est encore fait et c’est peut-être comme nous disons un rapport de « tinette ».

Le temps a été splendide aujourd’hui, le soleil piquait un peu mais une bise assez fraîche adoucissait la chaleur.

Je te quitte.

J’ai reçu aujourd’hui une lettre d’un copain parti au dernier convoi et qui trouve mon silence un peu long, je vais lui répondre.

Embrasse tout le monde pour moi sans oublier Riquet et toi reçois de gros baisers de ton fils

Le 12 mars 1915, 4h du soir

Lettre d’Henri à sa mère

Ma chère maman

Je viens de passer la visite pour les congés de convalescence ; j’ai obtenu 1 mois que j’irai passer auprès de toi !

Tu t’imagines ma joie !

Revoir ceux que l’on ne pensait plus jamais revoir : Je ne pars pas encore car je travaille ici dans le bureau de l’hôpital ; mais ma permission ne sera datée que le jour de mon départ ; j’espère et je pense passer par Alger, j’en profiterai donc pour voir Gaston et toute la famille et même je pousserai jusqu’à OA.

Ne m’attends pas avant 8 ou 10 jours.

Ne m’écris plus dès réception de cette lettre.

Te préviendrai pour mon arrivée.

Je t’embrasse bien fort

Henri

Périgueux le 12 mai 1915

Ma chère maman,

Je fais aujourd’hui ma correspondance, tu es la 6è personne à qui j’écris car j’ai un assez long moment à moi. Je crois que je ne vais pas tarder à quitter Périgueux pour aller dans un camp d’instruction « Sieurac » qui joue le même rôle qu’Orléans ville pour le 1er Zouaves.

Enfin tout ceci n’a rien d’officiel et il pourrait très bien se faire que je reste une quinzaine de jours environ.

J’ai déjeuné dimanche chez Mr Ferrari et j’ai passé une bonne après midi avec eux. J’ai retrouvé ici un colis d’oranges toutes moisies que Monsieur Cabanel m’avait envoyé ; tache de savoir son adresse et de me l’envoyer que je lui écrive au plus tôt.

J’espère que maintenant tu iras voir madame Lacretelle qui a été si gentille pour moi ainsi que Mmes Chesnian et Marie.

Je n’écris pas directement à cousine Maria mais je sais que tu lui montres mes lettres et qu’elle a par suite toujours de mes nouvelles.

Temps ici toujours pluvieux et particulièrement le dimanche où l’on est obligé de

s’enfermer dans les bistrots.

Gaston m’a écrit il y a quelques jours et il a de la veine de ne pas être encore parti ; il ne reste pas ici un seul homme de la classe 14, et très peu de la classe 15.

Il ne serait pas trop tôt que la chance nous favorise.

Je t’embrasse ma chère maman bien affectueusement

Henri

Lettre de Claire à son frère René

 

Mon cher René

Maman m’a envoyé aujourd’hui une lettre de chacun de vous. Je t’envoie celle d’Henri et lui enverrai la tienne et celle de Gaston. Je suis heureuse de savoir que tu écris assez régulièrement à notre chère maman. Ecris-lui le plus souvent possible, René, et dans ta prochaine lettre donne-lui beaucoup de détails du départ de Gaston.

Tu dois penser qu’elle se fait beaucoup de mauvais sang depuis qu’elle sait qu’il s’en va.

Espérons qu’il ne lui arrivera rien, et qu’il reviendra bientôt avec tous nos chers soldats.

Je t’envoie la dernière photo de Riquet avec moi ; Tu me diras ce que tu en penses. Petit Riquet t’embrasse bien fort et moi je t’envoie d’affectueux baisers

Ta soeur Clairette

1915- Gaston – 1er debout à droite

Le 20 mai 1915

Lettre d’Henri à sa mère

Ma chère maman,

Alors, voilà, Gaston est parti !

Ne te désespère pas ma chère maman, tu vois bien que je m’en suis sorti et pendant 7 mois ; ce qu’il faut, c’est avoir la persuasion intense que l’on revient et cela arrivera. Je suis appelé moi aussi, et d’un jour à l’autre dès que mes dents seront soignées, je t’assure que je repartirai sans trop d’appréhension.

J’ai bien envoyé à René un billet de 5f je ne comprends pas pourquoi il ne l’a pas reçu, pour le moment je ne puis lui en envoyer d’autre ; quelques plus ou moins vague vaguemestre a du s’en rendre possesseur. C’est réellement malheureux.

Tu m’enverras dès que tu l’auras l’adresse de Gaston, je lui écrirai immédiatement.

Vas voir souvent tante et grand-mère, ne crains pas de les déranger, ils sont, tu le sais mieux que moi, très gentils pour nous.

As-tu toujours des écritures ? J’espère que oui, et j’en suis content car quand tu écriras tu te feras un peu moins d’idée noire, et pourtant tu ne devrais pas être trop triste, si tu avais comme l’assurance que nous reviendrons tous les trois.

De bons baisers chez tante et cousine, les plus affectueux pour toi de ton fils Henri

10h jeudi 27 mai

Ma chère enfant, j’ai ta lettre – suis très occupée, je sors et laisse un mot à M Duret pour qu’il voir l’Insp.- Je ne puis voir le Proviseur aujourd’hui.-

Je vais bien et commence les préparatifs pour déménager dimanche- J’ai reçu une caisse de x et n’ai pas encore écrit. Ecris pour moi et remercie Albert, je lui écrirai ces jours-ci et t’écrirai longuement. J’avais cette lettre dans le panier avec du beurre tout a été tâché.

Mille baisers T

J’ai reçu lundi aussi ta lettre

Baisers pour mon tout petit chéri.

 

Certaines lettres ont été complétées par les destinataires qui les faisaient suivre pour informer d’autres membres de la famille, ces ajouts sont inscrits en rouge sur le site, et sont principalement du fait de Thérèse Sauer, et sa fille Claire Jouve.

 

Vendredi 9 juillet 1915

Lettre d’Henri à sa mère

Ma chère maman,

J’ai reçu aujourd’hui ta lettre contenant le billet de 5f merci beaucoup ; il est arrivé on ne peut plus à temps, car j’étais ce que l’on appelle vulgairement « fauché ». Comme je te l’ai dit, on dépense beaucoup d’argent à Paris, surtout que j’étais obligé quand j’allais me faire soigner les dents de prendre un express à Paris, et sans faire beaucoup de folies, je dépensais facilement 2f50 pour un repas + les frais de tramway (0,25 jusqu’à porte maillot +0,15 métro + le retour)

Maintenant mes soins son terminés, et, à moins de complication me voilà tranquille pour quelques temps tout au moins de ce côté-là. Nous avons fait mercredi et jeudi un déplacement de 24 km, nous avons cantonné dans une petite ville (Sartrouville) où nous avons été très bien reçus ; la marche ne fut pas trop fatigante malgré la chaleur. Au cantonnement les gens furent très chics et généreux pour les hommes.

Aujourd’hui vendredi, je n’ai encore rien reçu de Mr Duret ; tu peux être sûre que, prenant le service dimanche prochain, justement je vais être invité par eux ce jour-là ; ce sera bien ma guigne.

Je voulais faire ce soir tout un tas de lettres mais sur deux ampoules électriques que j’avais dans ma chambre, aucune ne va plus, elles meurent d’être brûlées par je ne sais quel excès de courant, je profite un peu du jour qui reste, et en m’approchant de la lumière, pour terminer ma lettre.

Je vais passer ces jours-ci mon brevet de chef de section pour essayer d’être nommé sous-lieutenant ; je vais voir si je peux causer à Mr Duret s’il peut intervenir un tout petit peu en ma faveur ; je crois que je l’ai bien mérité.

Embrasse pour moi cousine Maria, et dis lui que si je ne lui écrit pas, c’est parce que je sais que tu lui montres toutes mes lettres. De bons baisers à tante, grandmère, tonton et Gaby (Gabrielle Fouque) et reçois les baisers affectueux de ton fils qui t’aime

Henri

As-tu bonnes nouvelles de Gaston. Comme demain matin nous n’avons rien à faire, je lui écrirai.

Henri

Le 18 -7-1915

Lucien Bellvert à Claire Brogat, la future épouse d’Henri

Chère cousine,

Parlons de choses sérieuses. M’as-tu envoyé un autre colis ?

Lorsque tu le feras, n’oublie pas du coco et de l’alcool de menthe, car l’eau est très malsaine, le thé devient trop ordinaire, et ce que j’avais de coco et de menthe commence à diminuer.

As-tu des nouvelles fraîches de Sandro*. Qu’est devenu Henri dans les zouaves, je ne comprends pas ce qu’il a voulu faire, peut être a-t-il avant l’instruction des x Gaston ou René.

Toujours en bonne santé. Embrasse bien fort toute la maisonnée pour moi

Lucien

Sandro = Alexandre Brogat – beau frère d’Henri, frère de Claire Brogat, sa future épouse – Sandro est enterré à Canet 66.

Le 12 août 1915

Lettre d’Henri à sa mère

Ma chère maman,

Nous voilà pour quelques jours au repos en France. Je te fais parvenir une lettre pour un sergent de ma compagnie parti en permission. Toujours pas de lettres de la maison

 Heureusement que j’ai su par Julot Long que tu étais à OF avec Claire, car j’aurais continué à t’écrire à Oran.

Embrasse tout le monde, beaucoup de caresses à Riquet et reçois les meilleurs de ton fils.

Henri

Le 24 octobre 1915

Lettre d’Henri à sa mère

Ma chère maman,

Cette carte sera remise à la poste d’Oran par mon camarade Potel. Envoie donc dès réception, si tu ne l’as déjà fait, l’appareil photographique avec 2 rouleaux à Oran, chez tante, où il les fera prendre.

Je me porte bien. Régiment toujours au repos. Je ferai parvenir les rouleaux, une fois tirés, dans un petit colis et à chaque réception renvoies moi un autre rouleau neuf.

Quand il y aura des photos pouvant être placées dans les journaux (toutefois quand cela ne pourra pas nuire à notre défense) que monsieur X ou monsieur auguste les envoie, mais sans indiquer leur provenance. En fin de compte, qu’il fasse comme il l’entendra.

Mais je sais qu’il y a des photos qui rapportent facilement 50f et c’est bon à prendre.

Je vous embrasse tous affectueusement

Henri

Dimanche le 14 novembre 1915

Lettre d’Henri à sa mère

Ma chère maman,

Voilà une vie tranquille à peu près terminée ; à partir de demain je commence à suivre les cours de chef de section à l’arrière, cours qui dureront approximativement un mois ; c’est moi qui ai demandé à suivre ces cours, comme la prochaine place vacante de sergent major dans une compagnie était pour moi, je préfère suivre ces cours qui me faciliteront adjudant ou sous lieutenant.

Comme je te l’ai écrit j’ai reçu l’appareil par Potel.

Merci aussi pour les dragées.

Je t’embrasse affectueusement

Henri

 

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