Vers les années 1914 1915 1916 1917 1918 1919
« Je viens de
transcrire une petite centaine de lettres écrites par les trois frères SAUER.
Il s’agit d’Henri
(mon grand père), Gaston et René, tous au front, dans des endroits
différents ; lettres écrites à leur maman, leur sœur (Claire), tante ou
fiancée (restées en Algérie), cousin ou entre eux.
Tous trois ont eu
le bonheur de rentrer à la fin de la guerre. »
« À partir de 1917, mon grand-père Henri, déclare son amour à sa
cousine germaine (Claire BROGAT), ma future grand-mère, puis ils se marient à
l’occasion d’une permission, en 1918, et les courriers deviennent plus
amoureux, et plus impatients, l’attente est longue.
Henry a devancé l’appel, les premières lettres sont datées de
1913. »
Mireille, janvier 2010
Destinataire Henri
Monsieur
Sauer
Que
d’événements depuis votre départ. D’abord nous avons eu la grande joie de voir
le retour de notre famille de Lille et tous en bonne santé, c’est le principal.
Puis
nous avons vu notre département complètement déboché encore une grande joie.
Pourvu
que tous ces succès continuent.
Nous
verrions bientôt la fin de la guerre et vous auriez enfin la grande permission.
Voyez-vous que le tsar est toujours comme au temps de Raissa.
Les
affaires de cœur avant tout. Tant pis pour lui.
Mes
parents me chargent de vous envoyer leurs meilleurs souvenirs et moi je vous
prie de recevoir mes amitiés les plus sincères.
Marcelle
Lettre de René à
son oncle
Mon
cher Tonton,
IL y a
quelques jours que je suis descendu des lignes. La température n’avait encore
pas changé et, je te prie de croire qu’il faisait froid et que j’aurais bien
voulu avoir un peu de soleil d’Algérie pour me réchauffer. Enfin, les mauvais
jours sont passés pour quelques temps et nous voilà au repos.
Quel
calme, quel silence à côté de l’enfer d’où nous sortons.
Tu as
dû voir sur les journaux le début de l’offensive française. Nous étions les
premiers dans l’attaque et après un bombardement de plusieurs heures, nous
sommes sortis de la tranchée. Si tu avais vu les boches lever les mains. Des
compagnies entières se rendaient.
Nous
avons avancé ainsi sans aucune résistance pendant près de
Que
de trouvailles il y avait dans les « cagibis », que de boissons ! Si les
soldats sont mal nourris, les officiers par contre ne se privent pas. Ils
avaient laissé toutes leurs affaires en désordre et s’étaient sauvés précipitamment.
Il y en avait des souvenirs à rapporter !
Malheureusement
je ne suis pas prêt de retourner en permission aussi n’ai-je rien pris, que
quelques bricoles.
En
route nous avons aussi abattu un aéroplane boche avec une mitraillette. Tu vois
que nous n’avons pas trop mal travaillé.
J’espère
que Grand-mère, Tante et Louis sont en bonne santé. Tu les embrasseras bien
fort pour moi
Les
meilleurs baisers de ton neveu
René
Ma
chère tante,
Me
voilà enfin arrivé après 5 jours d’un long et pénible voyage à une destination
dernière. Je suis un peu fatigué et pas trop bien logé, puisque je couche dans
une grange, sur la paille, mais … pour moi la guerre recommence et je ne veux
plus me plaindre.
Comme
je l’avais promis à Clairette, je vais te faire une confidence très grave
puisque c’est de mon bonheur futur et celui de clairette que je vais te causer.
J’aime
Claire passionnément depuis plusieurs années, tu t’en es peut être douté et
Clairette te l’a sans doute dit. C’est d’accord avec elle que je t’écris et
c’est toi qui la première sera la confidente de notre secret.
Oui,
j’aime Clairette et mon plus cher désir est de m’unir à elle pour la vie.
Pendant
mon trop court séjour à Alger nous nous sommes avoués notre amour et jurés
d’être l’un à l’autre pour toujours.
Comme
tu as été pour moi une très gentille tante et que Claire te confie tous ses
secrets, d’autre part ayant une confiance absolue dans tes conseils, je viens
te demander ton aide et te prier de m’indiquer ce qu’il faut que je fasse.
Dois-je
écrire directement à Tante Claire ou bien charger maman (pas encore prévenue)
de faire une demande officielle ?
Conseille-moi.
Dans tous les cas j’écrirai à Clairette pendant quelques temps chez toi. Cela
n’est peut être pas très régulier, mais du moins que mes intentions sont bonnes
je pense que tu n’y verras pas d’inconvénients. J’attends avec beaucoup,
beaucoup d’impatience ta réponse et tes conseils qui seront ma ligne de
conduite ; causes de cela avec Clairette et dis moi franchement tes objections,
je n’en vois aucune car j’aime trop Clairette et je serai trop malheureux si
notre union ne pouvait se faire.
Ecris-moi
vite
Je
t’embrasse bien fort et te charge d’embrasser pour moi ma future petite femme.
Henri
Lettre d’Henri à
Claire Brogat
Ma
chère aimée,
Je
ferai comme tu le désires et je numéroterai mes lettres : naturellement les
cartes postales ne comptent pas et je ne les numéroterai pas.
Je ne
puis t’écrire une longue carte j’irai en visite ce matin et comme il faut
pratiquement attendre son tour, j’ai perdu toute ma matinée.
Je
vais t’écrire cet après midi un peu plus longuement.
Je
t’aime ma chérie et attends avec beaucoup d’impatience le jour qui nous
réunira.
Je
vais beaucoup mieux, mais le major me fait suivre toujours le même traitement
que je me garde bien de prendre car il compliquerait ma maladie. Je me soigne
moi-même et m’en porte mieux.
Je
t’embrasse
Henri
Garde
moi ces deux cartes postales, avec du reste toutes celles que je t’envoie ; je
serai très heureux de les revoir plus tard. Je t’envoie une lettre par le même
courrier.
Bons
baisers à tous
A
toi, les plus affectueux de ton
Henry
Lettre d’Henri à
Claire Brogat
Ma
Chérie,
Me
voilà dans un dépôt d’éclopés et cette fois aussi heureux qu’il est possible de
l’être quand on dépend de l’autorité militaire.
Je
suis libre toute la journée et je passe mon temps à lire et à songer à toi ma
bien aimée, à notre vie future, à notre bonheur !
Réussirais-je
?
C’est
peu probable ; mais je vis un tout petit peu dans cet espoir.
Je
n’ai toujours pas de lettre de toi et vais être encore plusieurs jours sans avoir
de tes nouvelles.
Je
pense malgré tout que tu te portes toujours bien.
Je
t’aime et je t’embrasse
Henri
Lettre d’Henri à
sa mère
Ma
chère maman,
Ma
lettre dans laquelle je t’annonçais mes fiançailles avec Clairette a du te
suggérer pas mal de réflexions que je n’ai pas encore reçues.
J’espère
que tu as accepté cette affirmative et que tu ne me feras pas trop de reproche.
Pendant
mes trois ans de pérégrinations à travers
Par
contre j’aime Clairette depuis la première fois que je l’ai vue, par l’absence
son image avait paru s’effacer de mon cœur. Dès que j’ai revu celle qui sera ma
femme, j’ai compris qu’avec elle, et avec elle seule je pourrai être heureux et
tranquille.
Claire
par son caractère, par son cœur, m’a pris tout entier, et je ne voudrai qu’elle
comme femme.
Tu
verras que je serai heureux avec elle et qu’elle sera pour moi un bon guide,
presqu’une seconde maman.
J’attends
ta lettre avec impatience, je t’embrasse affectueusement
Ton
fils
Henri
Le 3 août 1917
lettre à sa sœur, Claire
Ma
chère clairette
Je
suis au Bourget depuis hier au soir.
Inutile
de te décrire le dépôt où l’on nous a conduits pour prendre notre train, c’est
dégouttant. J’ai pu aller diner et coucher en ville, mais je n’ai point essayé
de pousser jusqu’à Paris, il est trop difficile d’y entrer ou d’en sortir.
Je
rejoins mon corps dans la journée.
Bons baisers
à tous, les meilleurs pour toi D’Henri
Mon
cher Albert,
Ma
lettre te trouvera sûrement à Tlemcen où tu dois être à présent depuis quelques
jours, et où tu pourras te reposer des fatigues endurées pendant ton séjour à
Alger.
Un
seul a je crois de la valeur, le possèdes-tu, et pourras-tu me dire, son prix
au catalogue ! (à titre de curiosité, mon camarade tiendrait à le savoir)
Comment
as-tu trouvé ma fiancée.
Tu
l’as parait-il photographiée, ne m’oublies pas et envoies moi de chaque genre
d’épreuve.
Bons
baisers à Clairette, à Riquet et à toi de Henri
Lettre de Gaston
à sa mère
Ma
chère maman,
Toujours
rien de nouveau. Continuons nos exercices d’entrainement. Sommes par le fait
pas trop malheureux pour le moment. Je voudrais bien avoir de tes nouvelles
aujourd’hui ; voilà cinq jours que je n’ai rien de toi. Cette carte militaire a
été drôlement coupée.
Ca n’a
pas grande importance. Je n’ai pas non plus de nouvelles de René ni d’Henri,
mais les lettres entre militaires sont si longues à parvenir à leur adresse que
je ne m’étonne pas.
Peut-être
aurais-je un peu de courrier ce soir. Je te quitte, embrasse tout le monde chez
tante et Claire.
Amitiés
à la famille Jouve.
A toi
mes meilleurs baisers
Gaston
Lettre d’Henri à
sa mère
Ma
chère maman,
Je
suis toujours en bonne santé, et cela me permet d’accomplir facilement mon
lourd travail. Après avoir passé un mois au repos nous voilà de nouveau dans la
zone dévastée, cela ne nous change guère, et nous trouvons plus facilement à
nous caser dans les villages à moitié abandonnés que dans les grandes villes.
J’ai
reçu des nouvelles de Gaston et de René.
Je
fixe mon départ en permission et par suite mon mariage pour la 2ème quinzaine
de décembre. Je pense avoir fait d’ici là suffisamment d’économie pour pouvoir
subvenir aux frais que cela entraînera.
Clairette
Albert et Riquet.
Dis-moi
ce que doit coûter une bague de fiançailles ; je pense disposer de 150frs ;
est-ce suffisant ? Il me semble que oui. Si tu es de mon avis charge ma sœur de
faire le choix, j’enverrai l’argent immédiatement.
Si ce
n’est pas suffisant, j’attendrai encore un peu. J’ai du reste décidé de ne pas
m’endetter et tiens à payer de suite.
Si,
Albert venait pour mon mariage, je serais heureux de l’avoir comme témoin, mais
voilà, voudra-t-il venir ?
Je t’embrasse
ma chère maman, bien fort
Bises
à tous
Henri
J’écrirai
à Albert et lui causerai de ses timbres
Lettre d’Henri à
sa mère
Ma
chère maman,
J’ai
reçu aujourd’hui ta longue lettre où tu me donnes tant de conseils, qui tous
seront suivis.
J’ai
écrit à Claire Sauer au sujet de la bague et j’attends sa réponse pour lui
envoyer les
Comme
je te l’ai du reste dit je ne pense partir en permission qu’en fin
Décembre,
j’aurai alors la somme nécessaire pour subvenir à tous mes frais de séjour
là-bas, et mes frais de mariage qui ne seront pas très élevés n’est-ce pas
puisque nous nous marierons simplement et que nous n’irons pas à l’église,
comme c’est convenu du reste avec Clairette
Je
continue toujours à bûcher pendant les quelques instants que j’ai de libre la
nuit.
J’ai
toujours beaucoup d’occupations pour la compagnie, et peu de temps pour moi.
Je n’ai
pas encore choisi le genre de représentation dans laquelle je me lancerai ; je
crois bien que ce sera les machines agricoles ; nous en recauserons du reste à
ma prochaine permission, puisque tu penses pouvoir venir à mon mariage.
Marcel
Cloître n’est plus ordonnance du commandant, celui-ci ayant été appelé au
ministère. Naturellement tous ses copains sont ennuyés pour lui car il reprend
sa place de combattant, ce qui est moins rigolo que d’être cavalier. J’en suis
peiné pour Marcel car c’était un bon camarade.
Il va
partir en permission, nous aurons peut être le temps de lui trouver un filon.
Je te quitte maman pour faire un tour à cheval, je t’embrasse Henri
Voilà
une ballade terminée, il faisait dehors, par extraordinaire un temps magnifique
j’ai donc bien profité de mon après midi ; mais le travail que je n’ai pas fait
pendant ce temps-là, il faudra que je le fasse cette nuit.
Je
t’embrasse ainsi que Claire et Albert et tante Victorine
Ton
fils Henri
Lettre d’Henri à
sa mère
Ma
chère maman
J’ai
envoyé ce soir par Paris le mandat en question que tu auras peut être reçu
avant cette carte.
Ne
t’étonne pas si tu restes quelques jours sans nouvelles, mais je ferai mon
possible pour t’envoyer une carte.
Embrasse
Tante Victoria pour moi, reçois mes meilleurs baisers
Henri
Lettre d’Henri à
sa mère
Ma
chère maman,
As-tu
reçu le mandat de 2OO f que par un camarade je t’ai fait envoyer de Paris.
Ici,
nous avons pas mal de difficultés pour les expédier et j’ai préféré le faire
partir par un ami. Clairette me dit que je tache de me marier vers le 20. C’est
bien la date que nous avons à peu près fixée mais elle ne peut être certaine,
mon départ en permission pouvant être, pour bien des raisons, retardé. (*)
Au
moment de mon arrivée à Marseille, j’enverrai du reste aux intéressés un
télégramme.
J’ai
écrit à René en traitement à Toul, et lui ai donné pas mal de conseils. Je
voudrais bien qu’il ait la chance d’être évacué dans l’intérieur pendant la
période d’hiver, cela lui éviterait bien des souffrances et bien des fatigues.
Embrasse
bien pour moi tante Victorine, dis lui qu’elle ne m’en veuille pas de mon
silence, et plaide ma cause qui en vaut la peine, pour qu’elle m’excuse.
Alexandre
doit être maintenant parmi vous ; embrasse-le pour moi ainsi que Bellot bien
heureuse sûrement du retour de son mari.
Reçois,
ma chère maman, mes plus affectueux baisers
Henri
(*) Le 50e
régiment d’infanterie est embarqué pour l’Italie. Il y restera jusqu’à
l’armistice.
Lettre d’Henri à
sa mère
Ma
chère maman
Peu
de temps à moi aujourd’hui pour t’écrire longuement et posément. Rien de bien
particulier aussi si ce n’est qu’après plus de 10 jours de pluie, nous avons
enfin aperçu le soleil, mais un soleil bien pâle et peu vif. Malgré cela tout
le monde paraissait plus heureux, plus allègre.
J’ai
bien reçu des nouvelles de René sur le point de reprendre son corps. Il passera
peut-être par le dépôt divisionnaire où il sera toujours plus en sécurité que
dans une compagnie de ligne.
J’ai
écrit à Tante Adèle, il y a déjà quelques jours ; naturellement je lui parle de
mon mariage et lui demande d’y assister si possible. En un mot je suis tous les
conseils que tu me donnes, ils sont toujours bons à suivre et t’en remercie.
Embrasse
pour moi tout le monde chez Jouve, tante Victorine, Alex et Bellot (Alexandre
et sa première épouse Gabrielle), reçois mes plus affectueux baisers
Henri.
Lettre d’Henri à
sa soeur
Je
t’envoie ma chère Clairette mes meilleurs vœux de bonheur et de bonne santé et
mes plus affectueux baisers de ton Henry
Vers les années 1914 1915 1916 1917 1918 1919
Contacter
le propriétaire de ce carnet
Retour accueil Retour page précédente Vers d’autres carnets ou
témoignages de guerre 14/18