Vers les années 1914 1915 1916 1917 1918 1919
« Je viens de transcrire
une petite centaine de lettres écrites par les trois frères SAUER.
Il s’agit d’Henri
(mon grand père), Gaston et René, tous au front, dans des endroits
différents ; lettres écrites à leur maman, leur sœur (Claire), tante ou
fiancée (restées en Algérie), cousin ou entre eux.
Tous trois ont eu
le bonheur de rentrer à la fin de la guerre. »
« À partir de 1917, mon grand-père Henri, déclare son amour à sa
cousine germaine (Claire BROGAT), ma future grand-mère, puis ils se marient à
l’occasion d’une permission, en 1918, et les courriers deviennent plus
amoureux, et plus impatients, l’attente est longue.
Henry a devancé l’appel, les premières lettres sont datées de
1913. »
Mireille, janvier 2010
Lettre de Gaston
à sa mère
Ma chère
maman,
Nous
changeons encore de cantonnement. Je me suis rencontré hier avec Louis qui
appartient à la même division que nous. Nous avons passé la soirée ensemble, tu
peux juger de notre joie de nous revoir.
Je
reverrai sans doute Louis souvent maintenant. Nous allons probablement
manœuvrer ensemble
Bons
baisers à tous, je t’embrasse
Gaston
Alexandre Sauer et Louis Fouque, quelques années plus tard.
Lettre de Gaston
à sa frère Henri
Mon
cher Henri,
J’ai
eu ta carte il y a quelques jours déjà mais comme j’étais en ligne je n’ai
guère eu le temps d’y répondre.
Après
une nuit de veille au petit poste tu dois penser que le jour venu on n’aspire
qu’à une tente pour roupiller.
Nous
sommes en réserve depuis trois jours, comme j’ai dormi ce matin jusqu’à la
soupe, je me sens plus frais et plus dispo pour écrire.
Ta
carte m’a rejoint à la 43è Cie où je suis affecté comme 2ème classe depuis 15
jours et j’ai pensé en lisant tes recommandations à propos des galons de
sous-officier qu’à toi aussi ma cassation allait te peiner et je
t’assure que c’est le seul regret que j’ai d’avoir perdu ces galons.
Maman
m’écrit qu’elle t’envoie ma lettre lui annonçant l’événement.
C’est
bien simple et c’est vrai.
Un
homme de mon petit poste a quitté sa place et celui qui le remplaçait ne s’est
pas mis exactement à l’endroit qu’il fallait, d’où l’officier de ronde a couché
que personne chez moi ne veillait. Je lui en ai montré non pas un mais deux et
lui a répondu en me montrant l’emplacement « Là, il n’y a personne »
Et ce
qu’il y a de plus fou, c’est qu’au moment où la surprise a été faite, j’étais
au petit poste voisin pour y répartir le casse croute entre 4 hommes.
Je ne
pouvais pas être partout.
Mais comme
je me sentais visé je n’ai rien ajouté et ai été cassé et je t’assure que cela
ne me déplait pas. Je ne serai jamais passé sergent ne pouvant pas faire un bon
caporal, il était donc inutile que je continue à faire un mauvais caporal, il
vaut mieux que je fasse un humble 2ème classe qui ne doit rien à personne.
Comme
dit maman, pourvu que nous revenions tous trois, c’est la seule chose à
demander
L’armée de gloire ne m’étouffe pas, je
n’aspire qu’à une seule chose, qu’à sauver ma peau et surtout pas les galons de
sergent qui m’auraient donné plus d’invulnérabilité.
Parlons
de choses plus intéressantes.
Tu as
du quitter ta femme le cœur gros et je comprends que tu as dû pendant quelques
jours posséder un cafard mous.
Heureusement
que tu as quelques avantages matériels et que tu es bien placé pour te
distraire un peu. Peut-être es-tu déjà à Epinal à suivre ces cours de
signalisation. Je me demande à quoi ce changement est dû. Ce n’est pas toi qui
as demandé à quitter ta compagnie, je pense.
C’était
là un bon filon qu’il te sera difficile de retrouver peut être.
Tu me
dis bien que les cours finis tu entreras comme secrétaire chez le trésorier,
mais en es-tu sûr. Je pense que tu ne feras rien pour passer sous lieutenant et
que tu te contenteras des galons de chef qui sont de beaucoup plus avantageux.
Je te
quitte. Je t’embrasse affectueusement
Gaston
Lettre d’Henri à
sa mère
Ma
chère maman,
Toujours
en Meurthe-et-Moselle et en bonne santé, j’ai eu une lettre de René me disant
son entrée à l’ambulance pour intoxication mais plus rien depuis. Donne-moi de
ses nouvelles.
Ne
peux t’écrire longuement faisons beaucoup d’entraînement en vue de la 2ème
partie de la pièce se jouant.
Je ne
demande pas un premier rôle et me contenterai de celui de figurant.
Je
m’en fais moins que jamais et ai bon espoir-
Baisers
à tous à toi les meilleurs de Gaston
Henri
Lettre de René à
sa mère
Nous
n’étions pas loin l’un de l’autre et ne nous sommes pas vus. (complété par
Henri en 1951)
Ma
chère maman,
Nous
avons changé de cantonnement avant-hier.
Heureusement
que notre déplacement a été de courte durée car il faisait une chaleur atroce
et par les grandes chaleurs il ne fait pas bon se promener en tenue de campagne
complète les routes (45kg à transporter)(complété
par Henri en 1951)
Notre
cantonnement n’est pas comparable à celui que nous occupions, de plus nous
n’avons pas trouvé de personnes complaisantes pour nous faire la cuisine.
Avons
crèmes, flancs, gâteaux de riz, etc. Enfin tout cela reviendra peut-être un
jour.
En
attendant de monter en ligne les poilus font des tranchées à l’arrière en cas
d’un nouveau repli anglais.
Mais
je ne crois pas que cela arrive une 2ème fois car ils ont eu des ordres très
sérieux et ceux qui ont reculé lors de la dernière offensive boche doivent
reprendre le terrain perdu.
Pourvu
qu’ils réussissent seuls sans notre intervention, c’est tout ce qu’il faut.
Je te
quitte Maman en t’embrassant bien bien fort
Bons
baisers à tous
Ton
fils René
Lettre d’Henri à
sa mère
Ma
chère maman
Je
suis toujours en excellente santé, un temps splendide rend notre vie moins
pénible et nous fait tout paraître plus beau. Mais je suis toujours loin de toi
et de ma Clairette et il m’est impossible de rien apprécier.
Il
est près de 1h du matin, je vais aller dormir et oublier toutes ces misères.
Bons
baiser à tous, reçois les plus affectueux de ton fils
Henry
Lettre de René à
sa mère
Ma
chère maman,
Toujours
à l’arrière en réserve des anglais. Ils veulent se faire un honneur de
reprendre le terrain perdu mais le commandement trouve quand même prudent de mettre des troupes françaises à l’arrière
en cas de nouvelles attaques boches.
Nous
sommes en ce moment dans un cantonnement à peu près tranquille.
Nous
avons perdu, dernièrement, un chef de bataillon qui était plutôt ennuyeux aussi
maintenant sommes nous à peu près tranquilles. Dans notre bureau j’ai réussi à trouver un lit. Ce n’est pas le «
plumard » rêvé, mais le soir je peux me déshabiller pour me coucher et le repos
est ainsi beaucoup plus profitable.
Dans
quelques jours nous allons changer de village et il va falloir recommencer à
coucher sur la paille.
Hier
j’ai écrit à Tante A, ainsi qu’à Henri et à Gaston. J’espère qu’ils me
répondront.
Je te
quitte, maman.
Embrasse
bien pour moi tout le monde chez Tante et chez Monsieur Jouve.
Les
meilleurs baisers de ton fils
René
Tache
de m’envoyer des cigarettes !
Lettre d’Henri à
sa mère
Ma
chère maman
Je
vais t’écrire aujourd’hui un peu plus longuement que d’habitude, mais j’ai
toujours beaucoup de travail et quelquefois pas le temps de penser à moi.
Il
fait beau depuis plusieurs jours et je rage souvent de ne pouvoir aller me
promener.
Ce
beau temps est très agréable pour nous qui vivons continuellement sous les
bois, C’est une véritable cure d’air que nous faisons, et pourtant je ne
grossis pas. Les fatigues endurées dans
Si
nous restons quelques temps dans ce secteur calme, je me remplumerai
certainement.
J’ai
reçu hier une carte de René toujours dans
J’espère
que tata Victorine se porte bien et qu’elle a de bonnes nouvelles d’Alexandre.
Embrasse la bien pour moi ainsi que mon petit Riquet, Clairette et Albert,
qu’ils m’excusent tous si je les laisse sans nouvelles.
Un
nommé Landelle ira voir les Jouve de ma part, il vous dira où je suis, notre
vie.
Je
t’embrasse affectueusement
Henri
Henri – Saint-Drieux 1918
Gaston à sa mère
Ma
chère maman
Un
petit mot avant que le sergent de jour ne s’en aille au vaguemestre. Toujours
dans le même coin et pas près d’en sortir. Il vaut peut-être encore mieux
y rester puisque d’après ce que l’on
nous a laissé entendre nous ne sommes pas près d’aller au repos. Et jusqu’à ce
que les américains entrent en ligne, il en sera ainsi sans doute.
C’est
une belle perspective. Comme notre secteur reste plutôt calme
il
vaut mieux que nous n’en bougions pas.
Bons
baisers à tous je t’embrasse mille fois
Gaston
Chers
tous
En
quelques mots nous allons bien, toutes ces cartes ou lettres reçus depuis
quelques jours des enfants. Cela vous occupera votre dimanche si vous les
recevez xx.
Clairette
me gardera les principales de Gaston et René, les vues aussi et les apportera
quand elle viendra. Je vais écrire à Henri, chaque jour c’est le tour de l’un
d’eux. Je lis ces combats devant Villers-Cotterêts et je suis effrayée de xx
Ai
reçu lettre de Clo, je trouve qu’elle devrait bien revoir encore Mr Babibé et
se soigner sérieusement.
Mille
baisers de tous ici, de tata V aussi les meilleurs de T
Gaston à sa mère
Ma
chère maman,
Toujours
rien de nouveau quand à moi.
J’ai
eu hier au soir ta lettre et mandat y contenu.
Je
vais faire des économies faciles les occasions de surprises étant plutôt rares.
Baisers
chez tante et Claire, amitiés à la famille Jouve
Je
t’embrasse mille fois
Gaston
René à sa mère
Ma
chère maman,
Toujours
au même endroit, pas pour longtemps sûrement car depuis le début de l’offensive
boche notre regt n’a pas encore donné et il va falloir remplacer les copains.
On se bat chacun à son tour là-haut !
J’ai
reçu aujourd’hui une courte lettre de Gaston, nous étions tout près l’un de
l’autre sans nous en douter, mais maintenant nous sommes loin sans doute.
Bons
baisers à tous, les meilleurs de ton fils
René
René à sa mère
Ma
chère maman,
Je
reçois aujourd’hui ta lettre du 3. Tu as tort de te faire du mauvais sang tu
sais très bien que les courriers ne sont pas réguliers en ce moment.
Toujours
dans le même secteur.
Nous
sommes dans une cave qui nous protège tout juste contre les éclats et les
boches ne se gênent pas pour nous canarder.
Ce
matin ils nous sont sonné un drôle de réveil. Ils ont attaqué mais ils ont été
repoussés immédiatement. L’artillerie les a arrosés copieusement.
Cette
nuit ils vont surement recommencer et ils nous laisseront pas dormir
tranquilles.
J’ai
reçu aujourd’hui des nouvelles d’Ouled Fayet et d’Aim Tedeles.
La
lettre de Simone était datée du 4 juin et elle avait des nouvelles d’Henri du 24.
Tu as du sans doute en avoir toi aussi.
Je
n’ai rien eu de Gaston. Tout ce que je sais c’est que nous ne sommes pas dans
la même région. Il se trouvait il y a une quinzaine de jours en Lorraine. Son
secteur est surement plus tranquille que le notre.
Je te
quitte maman, je voudrais que le vaguemestre emporte ma lettre ce soir.
Embrasse
bien tout le monde pour moi chez tante et chez monsieur Jouve.
Bons
baisers à Riquet
Les
meilleurs de ton fils
René
PS
peux-tu m’envoyer de cigarettes ?
Henri à sa femme
Ma
chérie,
J’ai
enfin pu trouver de l’encre à mettre dans mon stylo et je vais maintenant
t’écrire un peu plus lisiblement peut être.
Je
suis rentré vers 7h de Mayex où je t’ai dit que j’allais faire un match de football.
Pour la première fois depuis mon retour de perm, nous fumes battus, aussi
inutile de te dire si j’étais en rage tout à l’heure.
Enfin
ce n’est qu’un petit malheur que nous tacherons de réparer dimanche prochain,
si toutefois d’ici là les événements importants ne se sont pas produits.
Inutile
de te dire que si les boches ne signaient pas, ils en prendraient plein la vue,
mais il vaudrait mieux ne pas en venir là.
Je
n’ai pas eu de lettre de toi aujourd’hui ; aussi ai un peu le cafard,
maintenant.
Comme
il m’aurait été doux de m’endormir en relisant une lettre toute nouvelle…
J’attends
demain après midi avec impatience pour pouvoir te lire.
Ma
chérie, je suis fatigué, je te quitte et je t’embrasse de tout mon moi.
Mille
caresses de ton Henry
René à sa mère
Ma
chère maman,
Voilà
plusieurs jours que je n’ai pas reçus de tes nouvelles. Pourtant il y a eu
courrier d’Algérie.
Je
suis toujours en ligne.
Heureusement
que nous avons des grottes. Cela nous permet d’être à l’abri du bombardement et
ensuite de pouvoir faire cuire sans
risque lapins et poulets que nous avons eu le bonheur de trouver dans un
village pas loin des lignes.
Je te
prie de croire que depuis 3 jours nous nous nourrissons bien. Tous nos repas
sont arrosés de vin bouché et nous les terminons par des bouteilles de
champagne (Marque Mottier-Chandon).
Si tu
pouvais voir ce linge d’hommes et de femmes qui se gaspille dans ce village, ce
n’est pas croyable. Certains poilus mettent des chemises propres tous les
jours.
S’ils
n’en trouvent pas d’hommes, ils ne se gênent pas pour mettre des chemises de
femmes. De cette façon, les « totos » n’ont pas le temps de moisir.
Il
faut dire aussi que le village où nous prenons toutes ces affaires sera
sûrement rasé dans 3 ou 4 jours et que tout le matériel que nous avons pris
aurait été brisé par les obus.
Aussi
au bureau nous avons pris nos précautions et nous avons monté notre bureau.
Nous avons même pris une machine à écrire, toute neuve, de nombreux encriers en
verre, presse papier etc, etc…
Pauvres
gens lorsqu’ils vont retourner chez eux. Je ne voudrais pas être à leur place.
Je te
quitte ma chère maman, la corvée de soupe va partir.
Bons
baisers à tous. Grosses caresses à Riquet
Les
meilleurs baisers de ton fils
René
René à sa mère
Ma
Chère Maman,
Je
parie que tu es en train de te demander quel est ce village au nom baroque dans
lequel je me trouve !? Eh bien, je t’assure que si le nom est bizarre, le
village et les gens le sont bien aussi.
Un
petit trou de 200 ou 300 habitants.
J’y
suis arrivé aujourd’hui après un voyage de 48 heures. Je ne regrette tout de
même pas l’ambulance où je me trouvais car nous couchions sur des paillasses et
la nourriture n’était pas très satisfaisante. Si ici elle laisse aussi un peu à
désirer on a au moins une consolation, celle de coucher dans des draps et cela
repose beaucoup plus.
Je
suis obligé, maman, de te réclamer de l’argent car dans tous les voyages que
j’ai fait dernièrement j’ai, pas mal dépensé pour me nourrir car je t’assure
qu’étant malade je n’avais pas beaucoup envie de m’amuser. Envoie moi donc un
mandat télégraphique dès réception de ma lettre car je n’ai plus le rond.
J’ai
appris en arrivant ici une bonne nouvelle.
C’est
qu’à ma sortie de l’hôpital, je rejoindrai le dépôt d’Alger. Je n’aurais sans
doute pas de convalescence mais je préfère cela et retourner à Alger.
Là-bas
je réussirai à avoir une permission
Voici
ma nouvelle adresse
Caporal
fourrier, 9e Zouaves Hôpital Complémentaire N°72
Plouguernevel
(Côtes-du-Nord)
Envoie
moi des cigarettes, maman, on en trouve pas ici et notre seule distraction est
dans « griller une » de temps en temps. La postière ne pourra pas te refuser le
paquet puisque je suis dans un hôpital.
Embrasse
bien pour moi tout le monde chez tante et chez Monsieur Jouve.
Reçois
les meilleurs baisers de ton fils
René
À sa sœur Claire
Ma
chère Clairette,
Voici
quelques temps que je ne t’ai pas écrit ; il est vrai que de tels événements se
sont passés depuis plus de deux mois que je n’avais guère de temps à consacrer
à ma correspondance ; tout juste quelques fois le temps d’écrire une carte à ma
femme.
Je
suis même resté, au cours de la dernière retraite 4 jours sans pouvoir faire
partir le moindre mot.
Maintenant
que le front se stabilise de nouveau, nous avons un peu plus de temps à nous ;
mais seul notre esprit peut s’évader et quitter ces lieux plutôt dangereux,
notre corps (*) reste
toujours là, toujours prêt à tout, et pendant combien de temps encore !!
Ma
femme m’a envoyé une longue lettre que tu lui as écrite, j’ai vu que vous aviez
des nouvelles assez récentes (22 mai) de Gaston et de René ; moi, moins veinard
je ne reçois rien d’eux et pourtant je leur écris ; j’étais sûr de l’adresse de
Gaston, je lui ai envoyé
Quant
à René, je ne puis que lui écrire au CID, je ne connais pas le N° de sa Cie
depuis son retour de l’hôpital.
Sois
donc assez gentille pour m’envoyer leur adresse à tous deux.
Maman
a du te dire que nous avions changé de division, ceci nous a valu de rester une
dizaine de jours sans courrier d’aucune sorte ; aussi, inutile de te dire si
j’avais le cafard.
Clairette
passera les vacances près de toi ; conserve là le plus longtemps possible ;
j’aime mieux qu’elle soit à Tlemcen où elle s’ennuiera moins qu’à Of. Je
n’aurai pas la veine d’être à ce moment là au départ de Tlemcen, ce serait
alors trop de chance, et tu sais qu’elle ne m’a pas souvent adressé de beaux sourires,
la chance !!
J’espère
qu’Albert se porte toujours bien de même que mon diable de petit neveu qui, je
l’espère n’oublie pas ses tontons.
Embrasse
les pour moi, ton petit gosse et ton « homme » comme dit une chanson.
Transmets
mes bonnes amitiés à la famille Jouve. Embrasse maman et tante Victorine
Reçois
de ton frère ses meilleurs baisers
Henry
Sauer
Henry, Sergent Major, 6è Tir de Marche, 3è
Cie de Meuse, SP 57
(*)
Il s’agit du 12e Corps d’Armée, tout entier parti en Italie
René à Adèle
Fouque
Bien
chère tante
Excuse-moi
si je ne t’ai pas écrit depuis quelques temps. Depuis 20 jours nous sommes en
ligne constamment sur le qui-vive.
J’ai
reçu aujourd’hui des nouvelles de Gaston qui avait été blessé le 8 juin à la
jambe gauche. On a été obligé de lui couper la jambe. Maman doit le savoir sans
doute mais quand même je n’ose lui en parler.
Bons
baisers à grand-mère, tonton, Marianne, Gaby et Georges
Les
meilleurs de ton neveu
René
Excuse
mon écriture je suis au fond d’un trou
René
Henri à sa mère
Ma
chère maman,
Enfin,
j’ai reçu hier une lettre de ce pauvre Gaston ; tu connais surement maintenant
la terrible nouvelle ; moins terrible toutefois que ce qui aurait pu lui
arriver.
Il a
quelques mois de souffrance à endurer, de mauvais instants encore à passer,
mais je crois qu’il n’y a plus de gros dangers maintenant puisque c’est
seulement pendant les 10 premiers jours qui suivent l’opération que des suites
sont à craindre.
Il
aura une jambe en moins, mais cela ne l’empêchera pas de vivre et de bien
gagner sa vie ; avec son caractère plutôt gai, il ne se frappera pas et il ne
faut pas que toi, tu te frappes !
Il
faut qu’au contraire tu lui remontes un peu le moral par tes si affectueuses
lettres car, malheureusement personne de notre famille ne peut se rendre auprès
de lui.
J’ai
un faible, très faible espoir de pouvoir obtenir 24 heures de permissions dès
que j’aurai reçu un certificat de son docteur, mais ce cas n’est pas prévu par
le règlement, et je crains fort que le colonel ne refuse de me laisser aller le
voir.
Dès
réception de la lettre de Gaston, je lui ai envoyé un mandat télégraphique,
souvent.
Je
pense qu’il sera bien soigné ; comme du reste le sont tous les grands blessés,
tu n’as pas à t’en faire à ce sujet-là ; les dames de France (si souvent prises
à partie par certaines gens…) font bien leur devoir et savent bien s’arranger
pour faire allégrement supporter leurs souffrances aux malheureux blessés.
Je
serais maintenant très heureux de recevoir des nouvelles de René.
Je
lui ai écrit plusieurs fois, mais je n’ai pas exactement son adresse, donc
envoie la-moi le plutôt possible.
A-t-on
de bonnes nouvelles d’Alexandre ? Parle m’en dans ta prochaine lettre.
Ne
t’en fais pas trop ma chère maman, songe que dans 5 à 6 mois tu auras un de tes
fils continuellement auprès de toi, un glorieux blessé et que tu pourras être
fière de lui…
Je te
quitte ma chère maman, embrasse bien pour moi tante V. Riquet Albert et Claire
Reçois
les plus affectueux baisers de ton fils
Henry
Aujourd’hui
un peu mieux comme installation, mais pas pour longtemps.
Quelle
vie ! Vivement que j’en sorte.
Voilà
20 jours que nous sommes en ligne sans avoir pu dormir une nuit tranquille,
sans cesse alerté, attaquant tous les 4 ou 5 jours.
Les
boches qui sont devant nous se sauvent comme des fous ou se rendent lâchement.
Nous sommes contents sur le moment, nous avançons rapidement sans songer à la
fatigue mais lorsque nous arrivons à nos positions présentes, c’est alors que
nous nous en ressentons.
As-tu
des nouvelles de Gaston ?
Bons
baisers à tous les meilleurs de René.
René à tante
Claire, épouse Baudier
Chère
Tante
Je reçois à l’instant ton mandat et je t’en
remercie. Tu m’excuseras si ces jours ci, je n’ai pas écrit plus souvent.
Depuis
le 13 juin je suis en ligne et presque constamment en première ligne. En ce
moment je suis en réserve mais au lieu de recevoir de petits obus, nous
recevons les gros. La musique est moins charmante mais le bruit final est
beaucoup plus assourdissant.
Il me
tarde d’être relevé définitivement pour pouvoir me changer un peu.
Nous
avons attaqué ces jours-ci et nous avons fait du bon boulot, avancé de
J’ai
eu ces jours-ci des nouvelles de Gaston. Tu as du savoir qu’il avait été blessé
et
qu’on avait du lui couper la jambe au dessous du genou, afin de lui sauver la
vie.
Pauvre
Gaston, je ne voudrais pas être à sa place.
Je te
quitte ma chère tante en t’embrassant bien fort et en te chargeant de mille
baisers pour toute la famille.
René
Ps –
As-tu des nouvelles de Cendro ?
Excuse
mon écriture, la corvée de soupe attend que j’ai fini pour partir et emporter
ma lettre.
Le
16-8-18
Mes
chères petites
Je
continue sur la lettre de René reçue hier ainsi que d’autres d’Henri expédiées
de suite. Une du filleul que j’envoie. Je lui envoyé les 10 frs hier et j’ai
mis sur le mandat-carte lettre suit.
Sirroco
épouvantable hier et aujourd’hui.
Vous
avez de la veine d’être partis car je pense qu’au bord de la mer on ne le
ressent pas.
Amusez
vous bien et employez bien votre temps. Cette rechute de Françoise au moment où
elle se réjouissait tant de ce séjour à x avec toutes est bien contrariant.
Espérons
que cela n’aura pas de suite. Vous me donnerez de ses nouvelles sitôt que vous
en aurez.
Ici,
tout va bien, les 3 vieux font très bon ménage,
vous n’en doutez pas, n’est-ce pas ?
Et
Henriette est-elle sage ?
Les
petits canards la réclament à grands cris. Il faut qu’elle revienne d’Alger.
Nous savons par tante Clo que Pierre est à Marseille c’est tout. Mais aucune
nouvelle du panier expédié vendredi.
Que
Claire n’oublie pas d’écrire à Tlemcen. Ecrivez aussi à Marraine, on ne lui a
pas écrit au sujet d’Emile reçu au bac. Gros baisers à tous de notre part et
(1) Certaines
lettres ont été complétées par les destinataires qui les faisaient suivre pour
informer d’autres membres de la famille, ces ajouts sont inscrits en rouge sur
le site, et sont principalement du fait de Thérèse Sauer, et sa fille Claire
Jouve.
René à sa mère
Ma
chère maman
Toujours
en ligne et pas de si tôt au repos.
Nous
sommes tous éreintés. On ne se rend pas compte de la fatigue des hommes.
Fatigue aussi bien morale que physique accompagnée d’un état de surexcitation
extraordinaire, l’esprit constamment tendu, l’oreille au guet ne sont pas faits
pour reposer les hommes.
Enfin
il faut patienter toujours, patienter pour attendre la fin de cette maudite
guerre.
J’ai
reçu il y a quelques jours un mandat de Tante Lucie, sans aucune nouvelle. Je
n’ai pas non plus de nouvelles d’Oran et pourtant chaque fois que je le peux je
leur envoie une carte.
Je
n’ai toujours pas vu Alexandre.
Je te
quitte, maman, en te chargeant de bien des baisers pour tous.
Les
meilleurs de ton fils René
Tlemcen 19 /7
J’ai reçu ta lettre du 14.
Ci-joint quelques unes des
enfants.
Gaston s’impatiente de ne pas
avoir de lettres, cela se comprend, le 25 juin seulement nous recevions son
adresse de Solesmes, nos lettres de ce jour pour peu qu’elles aient attendu
quelques jours un départ, lui parviendront à peine après le 10.
Je comprends qu’il s’impatiente ;
il a x lui, écrire, causer, il a aussi le temps de réfléchir. Je suppose qu’il
le fait par une température moins x que celle que je supporte en ce moment, il
est 8 h du soir j’écris dans la salle à manger de Vict.
Il y a 30° quelque x x qu’à Relizane, mais
j’ai bien chaud. Je viens de trier les lettres de mon sac qui était bourré.
Je fais la répartition.. un peu à
Of puis à mon cousin, les lettres xxx, à toi celles-ci.
J’ai la tête en feu et je vais me
hâter d’aller un peu au balcon en attendant V. elle était sortie avant mon
arrivée, elle va revenir en criant …
Que…j’ai chaud que … je suis
fatiguée …C’est bien fait pour elle et je la dispute sans cesse mais elle reste
impossible, elle ne fait que ce qu’elle veut, ce qui en somme est matériel,
elle est d’âge à savoir se contenir ; et elle veut travailler au lieu de se
reposer.
Je n’y puis rien.
Baisers à tous, à petit Georges
pour qu’il soit bien sage
Claire et Riquet étaient sortis à
6h je ne les ai pas vus, elle a eu le courage de quitter son x elle a bien fait
elle est allée chez Bellot.
Je ne crois pas pourtant qu’elle
soit restée chez x.
Victorine et moi vous embrassons
tous bien fort
Thérèse
René à sa mère
Ma
chère maman,
Je
t’ai envoyé une carte hier t’annonçant que j’avais vu Alexandre et même déjeuné
avec lui. Il n’a pas été très surpris de me voir arriver puisqu’il savait que
notre
régiment avait été relevé la veille. Alexandre n’a pas changé du tout (il est
vrai que je l’ai vu pour la dernière fois le jour où il repartait de
permission). Il est toujours aussi gai et a toujours aussi bon appétit.
Pour
ma part, l’appétit n’est pas ce qu’il était il y a 3 mois. Je ne sais pas si
c’est l’effet des 24 jours passés en ligne, ou bien la joie de revoir
Alexandre. Je n’ai pas pu manger. J’ai été obligé de quitter Alexandre si tôt
le repas terminé car le soir nous nous déplacions et malheureusement je me suis
éloigné d’Alexandre.
Nous
sommes en ce moment dans un petit patelin pas très loin du front.
Les
avions viennent y faire des visites presque tous les soirs : aussi les civils
ont évacué le patelin depuis pas mal de jours. Cela nous permet de nous
installer beaucoup plus commodément dans les maisons abandonnées.
Nous
nous servons aussi bien de la vaisselle et des tables que des plumards, c’est
ce qu’il y a de plus chic surtout lorsque l’on vient de coucher sur la dune.
Notre
prétendu repos ne sera sans doute pas de longue durée.
Mais
tout peut faire croire que nous, ici, ne sommes pas encore au bout. J’ai reçu
aujourd’hui des nouvelles de Gaston.
Tu
sois savoir qu’il a eu la jambe coupée. La dernière fois que je t’ai parlé, je
savais déjà qu’il n’avait plus qu’une jambe. Je me suis un peu remonté depuis
et je comprends maintenant que Gaston a la vie sauve.
Il a
une jambe en moins il est vrai mais il a la vie, c’est le principal. X*(1)
Le
jour où j’apprenais l’accident de Gaston, j’ai eu mon meilleur camarade du
régiment qui a eu le nez et les yeux emportés à côté de moi. Le pauvre
malheureux n’est pas mort.
Cela
serait préférable car quoi de plus triste que de perdre la vue à 29 ans, en
pleine vie, pleine jeunesse et surtout rempli de gaité et d’amabilité pour ses
camarades comme l’était mon copain.
Nous
ne sommes plus que deux au bureau. Nous avons beaucoup de travail mais j’ai
tout « plaqué » et je me suis sauvé à la popote pour pouvoir t’écrire plus
longuement comme je te l’avais promis dans ma carte d’hier.
Il y
a quelques jours que je n’ai pas eu de tes nouvelles. Alexandre m’a dit hier
que Riquet avait été fatigué. J’espère qu’il se porte bien maintenant.
Il
parait que tante Victorine reçoit des nouvelles d’Alexandre beaucoup plus souvent
que tu n’en reçois des miennes. Je ne sais plus comment faire depuis que
je
suis en ligne, tous les jours ou au maximum tous les deux jours et souvent tous
les jours. Une fois au repos une lettre tous les jours n’est pas nécessaire
puisqu’il y a des courriers tous les 3 ou 4 jours. Et de plus que veux-tu que
je te raconte, les bêtises que nous faisons, des amusements que nous avons
(néant).
Alexandre
m’a montré le filon pour envoyer des cigarettes. Tu n’as qu’à demander à Tante.
Embrasse
bien pour moi Tante.
Dis
lui que j’ai embrassé son fils pour elle.
Bien
des choses à la famille Jouve.
Baisers
à Albert Clairette et Riquet.
Les
meilleurs de ton fils René
X* René
son régiment avait participé aux attaques du 28 juin. Ils avaient repris des
villages et fait des prisonniers. C’est Alex qui en a parlé à Victorine, c’est
après le 28 qu’Alex et lui s’étaient rencontrés. –
Voici
la lettre reçue le 23 au moment où j’avais sa dépêche du 21 annonçant qu’il
était blessé.
(1)
(1) Certaines
lettres ont été complétées par les destinataires qui les faisaient suivre pour
informer d’autres membres de la famille, ces ajouts sont inscrits en rouge sur
le site, et sont principalement du fait de Thérèse Sauer, et sa fille Claire
Jouve.
René à sa mère
Ma
chère maman,
Nous
avons changé de région. Nous sommes partis le 11 à 6 heures du soir et jusqu’
au lendemain 2 heures de l’après midi nous nous sommes promenés en auto.
Je ne
te parle pas longuement de la nuit que nous avons passée, sans cesse secoués
dans ces limousines nouveau genre jusqu’au moment où le chauffeur qui s’était
sans doute endormi sur son siège nous a culbuté dans le fossé. Drôle de réveil
que j’ai eu. J’ai été projeté sur mon camarade vis-à-vis. Heureusement il n’y a
pas eu de casse.
Enfin
après 3 heures d’attente, l’auto a quand même pu se dégager et nous sommes
arrivés en même temps que ceux qui étaient partis 4 heures après nous.
Il a
fallu chercher le cantonnement des hommes et officiers et je ne te prie de
croire que, le soir je me suis couché avec plaisir. J’ai dormi 14 heures sans
me réveiller. C’est te dire si j’étais fatigué.
Nous
voilà donc à
Notre
repos étant fini. C’est chacun son tour à se faire casser la figure.
Le
régiment de Buissé n’est plus avec nous. Il nous a quitté hier.
Je
t’ai écrit ce mot à la hâte, excuse mon écriture.
Bons
baisers à tous
Les
meilleurs de ton fils
René
Reçue le 31
juillet
René à sa mère
Ma
chère maman,
C’est
aujourd’hui 14 juillet jour où l’on a l’habitude de faire une prise d’armes et
de poiroter pendant des heures sur un champ de manœuvre.
Eh bien
aujourd’hui nous avons continué la coutume française. Le matin nous avons fait
une prise d’arme mais une petite et discrète pour remettre quelques
croix
de guerre aux Régiments.
J’ai
été parmi ceux qui ont eu l’honneur de recevoir cette distinction et j’en suis
très très heureux. Je t’envoie ma citation.
C’est
moi qui ai écrit à la machine à écrire le libellé de ma citation. Tu vois que
je commence à savoir me servir d’une machine. Il est vrai que j’ai mis du temps
pour le faire. Mais avec du temps et de la pratique on arrive à tout.
J’ai
reçu hier une lettre d’Henri, il était en colère parce qu’il n’avait pas de mes
nouvelles. J’avais égaré sa carte contenant son adresse et il m’était
impossible de lui écrire. Je l’ai fait longuement hier au soir.
J’ai
aussi écrit à Gaston une longue lettre. Si j’avais le temps, je lui écrirais
tous les jours longuement mais j’ai du travail par-dessus la tête, et je
profite de ce jour un peu plus calme pour faire ma correspondance.
Aujourd’hui
ta lettre du 1er juillet. Tu ne me donnes pas des nouvelles de Riquet qui était
fatigué. Tu me fais des recommandations pour que je ne m’avilisse pas à piller
et à détruire ce qui appartient à de pauvres exilés.
Il
est permis, maman, de prendre dans un village en première ligne tout ce que
l’on y trouve, car tout ce que l’on retire du village est à peu près sauvé du
bombardement.
Figure-toi
que la dernière fois que j’étais en ligne, je descends avec mon Lieutenant dans
un village extrêmement bombardé. Nous rentrons dans une villa magnifique, après
avoir fouillé un peu partout nous découvrons une « chambre noire » magnifique
remplie d’appareils photographiques de toutes sortes ainsi que tout le matériel
nécessaire à la photo. Nous nous promettons de revenir le soir et d’emporter le
plus grand nombre d’objets possible.
Nous
descendons donc le soir.
Malheureusement
un obus était, comme un fait exprès, tombé au milieu de cette chambre. Il n’y
avait plus un appareil entier, tout était brisé en mille morceaux. Crois-tu
maman que nous n’aurions pas bien fait de tout ramasser le matin, nous aurions
sauvé, pour des milliers de francs, des appareils qui auraient encore pu nous
servir. Bref, tu vois que si le pillage est odieux à l’arrière, il est utile en
ligne.
J’ai
reçu aujourd’hui des nouvelles de Simone (Brogat) qui me donnent des détails sur tous les poilus de la
famille. Il faut que je la remercie.
J’ai
reçu aussi un colis de cigarettes, seulement j’ignore si c’est le tien ou celui
que Bellot m’a envoyé
Bons
baisers à tous, grosses caresses à Riquet, son papa et sa maman.
Les
meilleurs de ton fils
René
L’envoi
d’ici étant très difficile, j’avais prié Bellot d’en envoyer
René à sa mère
Le 21
juillet 1918
Ma
chère maman,
Je
suis dans un hôpital à Dieppe.
J’ai
été blessé le 19 à 7 heures du soir, au bras droit par une balle. J’ai eu le
triceps traversé et tu peux voir d’après mon écriture que ma blessure ne me
fait pas très souffrir.
Ne te
fais pas de mauvais sang à mon sujet, je n’ai presque rien et je ne resterais
sans doute pas que quelques jours à l’hôpital. Tu continueras à m’écrire à
l’hôpital. Envoie-moi un mandat télégraphique car j’ai perdu le peu d’argent
que j’avais sur moi.
Cette
blessure m’a sauvé d’une passe terrible car nous étions sur une position
presque intenable. Maintenant tout pour le mieux et je me prélasse dans mon
plumard toute la journée en attendant de pouvoir me lever.
Je te
quitte, maman, en te chargeant de bien des baisers pour tous, les plus
affectueux
pour ton petit fils.
René
René à sa mère
Ma
chère maman,
Je ne
t’ai donné aucun détail sur ma blessure.
Le 19
juillet à 6 heures du soir nous partions à l’attaque des positions ennemies que
nous n’avions pu prendre le matin.
De
nombreuses mitrailleuses boches nous arrosaient copieusement. Nous sortions des
tranchées avec l’idée que plusieurs d’entre nous allaient être touchés.
Cela
n’a pas manqué !
Plusieurs
sont tombés dès la sortie. Notre progression continuait quand même, nous avons
avancé pendant une heure environ, il nous restait à franchir une route pour
atteindre les positions qui nous étaient assignées.
C’était
l’endroit le mieux gardé. A
J’attends
un instant toujours allongé. Enfin les boches se calment.
Je me
déséquipe et me sauve vers le poste de secours le plus vite que mes jambes
pouvaient courir. J’arrive au poste de secours situé à
Là
mon premier pansement fut fait. Il me restait encore un passage difficile à
traverser pour arriver aux autos.
Là
enfin, une fois en auto je me suis senti en sécurité.
L’auto
nous a transportés à
Je
suis très bien dans cet hôpital. Les plumards sont excellents, la nourriture
aussi, les infirmières sont charmantes et essaient le plus qu’elles le peuvent
de nous faire oublier nos misères passées ; En un mot, je me sens revivre
depuis 3 jours.
Hier
je suis allé me promener sur la plage de Dieppe, de nombreuses élégantes se
baignaient et j’ai eu le plaisir d’admirer les beaux mollets des dieppoises.
Aujourd’hui
il fait mauvais et je ne sais pas si je sortirais. Tu as sans doute reçu mon
télégramme où je te demandais de l’argent. J’ai pas mal de choses à acheter car
je n’ai plus rien de mes affaires.
Je te
quitte, maman, embrasse bien pour moi Albert, Claire et Riquet.
Bons
baisers chez tante et chez Mr Jouve.
Les
meilleurs baisers de ton fils
René
Henri à sa femme
Ma
chérie,
J’ai
devant les yeux 4 longues lettres de toi reçues hier du 15 au 18 juillet. Je
suis très content de te savoir au milieu de ces personnes si gentilles pour
toi, et je me demande qu’une seule chose c’est que tu t’amuses le plus
possible.
Les
bains ne peuvent que te faire le plus grand bien, car en dehors de la
distraction elle-même, s’ils sont pris modérément, (et j’espère que tu ne
t’attardes pas trop dans l’eau) ils te feront maigrir un peu mais
t’assoupliront beaucoup, surtout si tu arrives à savoir nager.
Oui,
je regrette beaucoup de ne pouvoir te donner des leçons de natation.
Mais
je ne sais si tu aurais fait beaucoup de progrès, car je crois que j’aurai
plutôt passé mon temps à t’embrasser qu’à te faire nager… Pouvoir te serrer
dans mes bras est mon plus cher et plus grand désir, car je t’aime ma chérie
toujours plus, et je souffre du désir de toi, je souffre de ne pouvoir prendre
tes lèvres, baisers tes yeux aimés, t’avoir à moi… !
Et
dire qu’il faut que j’attende peut être encore de longs mois !
Merci
pour nénette et Rintintin, ils sont tous les deux mignons comme tout ; ils
dorment en ce moment, bien tranquillement au fond de ma poche, et je n’ose les
déranger car ils doivent surement s’aimer comme deux fous. Ils ont, dans cette
même poche, comme voisin de nuit, ta petite montre ; tu es bien gentille ma
chérie d’avoir pensé ainsi à moi, et cette montre me sera d’autant plus
précieuses qu’elle vient de toi, qu’elle a longtemps été portée contre ta
poitrine, quand tu étais une petite jeune fille innocente que j’aimais déjà de
tout mon moi.
Je
n’ai eu le temps de t’écrire hier et pour pouvoir le faire aujourd’hui, je suis
obligé de me lever de bonne heure. Ma journée sera encore bien occupé et
jusqu’au 1er août prochain je ne chômerai pas beaucoup.
Nous
sommes au grand repos après avoir supporté 6 journées de durs combats.
La
route de Château-Thierry à Soissons fut plusieurs fois prise et reperdue par
nous au cours de ces pénibles journées. Naturellement beaucoup de pertes chez
nous, mais une proportion de blessés phénoménales qui rassure un peu ceux qui
restent.
Pour
récompenser tous ces combattants de leur effort merveilleux, on nous met au
repos dans un affreux patelin de l’Oise ; les hommes parqués dans toutes les
granges couchent sur une maigre épaisseur de paille ; cela ne leur donne guère
envie de recommencer à se faire abimer la figure, pour tout un tas de gens qui
se foutent de lui.
Nos
chefs directs, ceux qui prennent part directement à l’attaque avec les poilus
souffrent de cet état de chose et se démènent pour essayer d’obtenir mieux,
mais il faut, avant nous, que les automobilistes soient logés, qu’ils aient
leur popote, leur chambre à coucher etc …
Notre
commandant, un très craint et très chic type, était dans une colère effrayante
hier, à notre descente d’auto quand il eut vu le cantonnement. Je t’assure que
l’officier chargé du cantonnement a pris quelque chose pour son rhume.
Je
suis avec beaucoup d’intérêt l‘histoire de ta blonde enfant et de ton bon géant
; il me tarde d’en connaître la fin, de savoir s’ils s’aiment bien et surtout
s’ils s’aimèrent longtemps…
J’envoie
cette lettre à Tlemcen, à l’adresse de Tata Victorine, car je n’ai pas l’adresse
exacte de maman. Embrasse-la bien pour moi ma chère maman, et dis lui qu’elle
ne se fasse pas trop de bile.
J’embrasse
ta bouche de tout moi
Ton
Henry
René à sa mère
Ma
chère maman
J’ai
eu de tes nouvelles un peu indirectement puisque tu as télégraphié à l’hôpital
pour avoir des nouvelles. Je parie que tu t’es encore fait du mauvais sang. Et
tu dois le savoir maintenant, bien inutilement, car je t’assure que lorsque
j’ai été blessé j’étais plus heureux que ceux qui étaient obligé de rester en
lignes.
J’ai
reçu ton mandat télégraphique. Merci maman.
J’ai
totalement oublié l’adresse d’Henri et de Gaston. Pourrais-tu me l’envoyer.
Bons
baisers à tous, les meilleurs de ton fils
René
René à sa mère
Ma
chère maman,
Je me
porte de mieux en mieux et je ne tarderai pas à sortir. Je ne crois pas pouvoir
obtenir de convalescence pour l’Algérie. C’est vraiment dommage et moi qui
comptais diminuer un peu le temps que je devais rester sans te revoir. 1 an
c’est long pour un poilu. Enfin, voilà toujours 6 mois de passés, encore 6 mois
à attendre ! !
J’ai
reçu le mandat télégraphique.
Bons
baisers à tous
Les
meilleurs de ton fils
René
Henri à sa mère
Ma
chère maman,
Vers
le 8 ou 9 novembre je sortirai de l’hôpital, et comme je te l’ai laissé
entendre j’aurais fort probablement 10 j de convalescence que j’irai passer
auprès de Gaston. Je lui ai déjà dit qu’il tâche de me trouver un chambre
meublée pour mes dix jours, cela me reviendra moins cher que dans un hôtel.
Je
tacherai ensuite pour la question nourriture de manger de temps en temps à
l’hôpital. Je réduirai le plus possible mes frais divers, et ainsi j’arriverai
à passer 10j agréablement et économiquement.
Tu
dois t’imaginer ce qui me fait tant souhaiter une convalescence. Ce sera 10
jours de pris et sur l’hiver et sur les fatigues ; comme la paix n’est
peut-être pas bien loin, c’est certainement ma vie d’assurée, ce qui n’est pas
désagréable pour une fois quand depuis 4 ans et quelques mois on a été
continuellement exposé.
J’ai
reçu hier une lettre de René parti en renfort au régiment, mais qui n’avait pas
encore trouvé son corps. Hier, on nous a annoncé de bonnes nouvelles ;
armistice signée avec l’Autriche, démission de Guillaume et troupes allemandes
retirées du front. Nous attendons les journaux qui nous confirmeront ces
novelles avec beaucoup d’impatience.
J’espère
que tante a toujours de bonnes nouvelles d’Alexandre, et que tout le monde se
porte bien.
Bons
baisers à tous les plus affectueux de ton fils
Henri
René à sa mère
Ma
chère maman,
Je
monte au Régiment. Dans deux jours je serais en ligne. Les souffrances vont
recommencer. C’est mon tour, il y a 3 mois que je suis à l’arrière. Tache de
m’envoyer de l’argent et des cigarettes.
Bons
baisers à tous
Les
meilleurs de ton fils
René
J’ai
reçu hier ta lettre du 2 octobre. J’ai eu hier aussi une lettre de Gaston. Il
attend
sa jambe ; dans une dizaine de jours il serait peut être en route pour
Oran.
René à sa mère
Ma chère
maman,
Je
suis toujours à l’ambulance. Je ne peux encore te donner mon adresse car nous
allons pour la 8ème fois déménager. C’est très agréable de voyager par des
temps pareils.
Enfin,
j’espère bien que la prochaine fois sera la dernière et que de là je pourrais
aller passer quelques jours à Tlemcen. Il y a déjà pas mal de jours que je n’ai
pas de lettres et je ne compte pas en avoir avant une dizaine de jours, ne
pouvant donner mon adresse à ma Cie.
Je te
quitte ma chère maman, en t’embrassant bien bien fort
René
Ma
chérie,
J’ai
quitté Gaston hier matin à 5 heures.
J’ai
reçu le 2e télégramme la veille au soir, et encore que d’histoire pour toucher
ces
Enfin
tu as eu tort de ne pas m’écouter cela aurait évité bien des ennuis.
Quand
je serai arrivé à destination, je t’expliquerai pourquoi j’ai tenu à avoir une
convalescence, malgré les frais.
Je ne
t’en veux pas et t’embrasse de tout moi
Henry
Décembre 1918
Beuvrage,
Ma
chère maman,
Voilà
deux jours que je suis occupé au bureau et c’est pour cela que je ne t’ai pas
écrit. La vie me parait ainsi moins triste et les jours sont beaucoup moins
longs que lorsque j’étais obligé de les passer dans mon lit. Enfin maintenant,
tout va pour le mieux.
Il
n’y a que la nourriture qui laisse à désirer car imparablement, tous les jours
matin et soir, nous mangeons du bœuf gros sel et de la purée de pomme de terre.
Au
début cela nous changeait du front car nous ne trouvions pas de patates comme
nous voulions.
Mais
maintenant cela devient vraiment intolérable.
Purée
le matin, purée le soir, à me demander si je ne vais pas devenir « purée »
moi-même.
Heureusement
que nous trouvons du lait excellent, du beurre tout ce qu’il y a de plus frais
et du chocolat. Alors nous prenons notre petit chocolat au lait et tartine de
pain beurré tous les jours à deux heures : cela, je crois, ne peut pas nous
faire de mal.
Je te
quitte ma chère maman.
Je
n’ai pas encore eu de tes nouvelles aujourd’hui.
J’ai
hâte de voir arriver le courrier de demain.
Bons
baisers à tous, les meilleurs de ton fils
René
Un ami d’Henri
Mon
cher Sauer
Te
serait-il possible de me céder un peu de sucre, ainsi que quelques paquets de
tabac ?
Si
oui, je te serait très obligé de vouloir bien me faire un petit paquet fermé
que tu me ferait parvenir par la vaguemestre du bataillon, sans oublie de me
dire ce que je doit.
Avec
mes remerciements
Bien
à Toi
L.
Pollin
Henri à sa mère
Ma
chère maman,
Je
suis inexcusable de ne pas t’avoir écrit depuis plusieurs jours.
J’ai
quitté Gaston le 26 nov. et jusqu’au 30 je ne fis que voyager chemin de fer,
auto, voitures, et très peu de chemin à pieds.
J’ai
retrouvé mon régiment à Couvin, en Belgique, et deux jours après nous
reprenions le chemin de
Nous
sommes bien installés en ce moment, et j’aurai, presque sans impatience attendu
ma permission, mais voilà, il faut reprendre le soir, et dans deux ou trois
jours, nous devons nous rendre vers Valenciennes.
Bel
avantage pour la reconstruction des cités envahies que de nous faire ainsi
arpenter les routes !!
Cela
ne changera pas du reste et, je suis certain que jusqu’à une libération, nous
marcherons, nous marcherons….. !
Comme
si nous n’en avions pas assez parcouru de ces kilomètres depuis le début de la
guerre.
Mais
je ne veux pas m’en faire, mais pas du tout sur ce sujet là, et mon plus grand
bonheur ce sera le jour où j’irai chez un tailleur acheter un complet civil…. !
J’apprends
avec beaucoup de peine la mort de Bellot.(1)
Quel
chagrin à la maison, Alexandre doit maintenant être auprès de sa mère. Je lui
écrirai sans doute demain.
Sais-tu
quelle heure il est 11h1/2 du soir, je viens seulement de terminer mon travail,
tu vois que celui-ci ne manque pas. Aussi il me tarde au plus haut point que ma
permission arrive.
Je
n’ai pas de nouvelles de René et je ne sais dans quel hôpital il se trouve,
j’espère qu’il n’est pas trop gravement atteint et qu’il obtiendra 40 j de permission.
Je ne
sais pas quand j’aurai la mienne, car le tour ne marche pas si vite.
Bons
baisers à Tata Victorine.
Mon
souvenir ému aux Teufel.
A toi
mes plus affectueux baisers
Ton
fils Henri
(Bellot = surnom de Gabrielle Teufel épouse Alexandre Sauer)
René à sa mère
Ma
chère maman,
Pas
de lettres depuis plus de 10 jours . Je ne comprends pas ton silence. Il est
vrai que c’est pendant cette semaine que tu as été à Alger et là-bas on n’a pas
du te laisser le temps de m’écrire.
J’espère
avoir de tes nouvelles demain ou après demain.
Ici
toujours le même travail. La température s’est rafraîchie sensiblement car hier
il y avait 17° en dessous de zéro. Ce n’était pas le moment de mettre le nez
dehors, on aurait eu des glaçons sous les narines.
Certains
tramways étaient arrêtés par suite de l’impossibilité de faire marcher les
aiguilles. Aujourd’hui tout est encore recouvert de neige, mais le temps est
superbe.
Si le
soleil d’Algérie était là, il se chargerait bien de faire fondre toute la glace,
mais celui d’ici semble plutôt les durcir pour pouvoir admirer les gens qui se
fichent par terre.
Les
permissions pour l’Algérie sont toujours suspendues, je ne m’en plains pas
trop, il ne fait pas bon voyager en ce moment.
Bons
baisers à tous, les meilleurs de ton fils
René
Henri à sa femme
Ma
chérie,
Reçois
à l’instant colis et lettre de toi. Je vais bien, ne t’inquiète pas. Le travail
afflue par suite de départ en Orient, où je n’irai du reste pas.
N’oublie
pas d’adresser mes lettres chez Barbier, Saint-Leu-D’esserent, Oise.
Merci
et caresses de ton Henri
Henri à sa femme
C’était
sur cette route qu’un va et vient de gens endimanchés (car on trouva le moyen de
nous faire voyager le 2 juin de pentecôte) qui, pour des vaincus n’avaient pas
du tout l’air de s’en faire beaucoup.
Des
couples s’enlaçaient tendrement, et ce n’était que rire et jeux dans tous les
groupes.
Naturellement
cela me rendait un peu jaloux de voir tous ces jeunes gens en civil alors que
moi qui nous, plutôt, les vainqueurs, avec des 6 et 7 ans de service, sommes
encore là, loin de chez nous, de nos intérêts.
Oui !
Je puis dire que l’on se fiche de nous.
Ah !
Ils me font rire les français quand ils se disent indisciplinés, je suis
certain que si on les tenait encore 5 ou 6 mois, pas un seul ne manquerait.
Je
n’ai pas de lettre de toi depuis plusieurs jours. Je ne m’en étonne pas à cause
de ce déplacement.
Continue
à m’écrire à Saint-Leu-D’esserent, nous sommes de nouveau appelés à changer
d’adresse.
Je
t’envoie mes meilleurs baisers ma chérie, et toutes mes caresses les meilleures
Ton
Henry
1Oh1/2,
souvent je vais me coucher en pensant beaucoup à toi ma belle. H
Henri à sa femme
Ma
petite femme
Ce
soir je vais me coucher de bonne heure, car demain dimanche je vais avoir à
passer une journée assez fatigante. Je vais faire à Mayence un match de
football, une sixte ; c'est-à-dire que notre équipe devra jouer contre les six
meilleures équipes de
Enfin,
cela occupera ma journée, puisque je pars à 5 h du matin et que je ne rentrerais
que vers 11 h du soir.
Que
feras-tu, toi ma chérie, de ton dimanche ?
J’espère
que tu consacreras une petite demi-heure à m’écrire. Je te l’ai déjà dit, j’ai
bien besoin de tes lettes.
Aussi
ne me néglige pas, je t’en prie.
Les
affaires ne marchent pas aussi bien que je l’espérais et j’ai bien peur que le
boche ne relève la tête.
Que
peut-il faire le malheureux ? Cela malgré tout nous coutera encore la vie de
quelques hommes, mais qu’est-ce qu’il va prendre le boche !
La
chaleur ici continue à être étouffante. Je ne sais ce que vous devez supporter
là-bas. Et pourtant, même s’il fait très chaud, n’est-ce-pas, auprès de toi,
que je serai le plus heureux des hommes ?
Qu’il
me tarde de t’avoir dans mes bras et de t’aimer comme tu sais que je t’aime.
Je
t’embrasse tout toi de tout moi
Ton
Henry
Henri à sa femme
Ma
chérie
Voilà
un petit coin agréable de ce pays où je loge. La rivière s’appelle le Main, son
cours est relativement large.
C’est
à ce bac que je termine souvent mes promenades après déjeuner. Tout est calme
pour le moment ; en sera-t-il de même à la fin de la semaine ?
Mille bons baisers et meilleures caresses de ton Henry.
Etats de service de René Sauer
Henri à sa femme
Ma
chérie,
Un
mot en vitesse, sommes toujours au même endroit, et toujours je m’ennuie après
toi.
Les
journaux d’hier ne précisent rien au sujet des choses 10 et 11, et cela n’est
pas fait pour diminuer mon cafard.
Enfin,
j’espère que fin Aout me verra auprès de toi ma chérie, et pour toujours.
Bons
baisers à tous,
Les
meilleurs de ton Henry
Famille Barbier
Monsieur
Sauer,
Excusez-moi
de ne pas avoir encore répondu à votre carte nous annonçant votre retour en
Algérie. Vous devez être bienheureux et votre famille aussi, que ce long
cauchemar soit enfin terminé.
Nous
avons tous regretté que vous ne soyez pas venu à St-Leu avant votre départ car
il est peu probable que nous nous rencontrions à moins que vous ne veniez faire
un voyage en France (pas dans les mêmes conditions que cette fois-ci) et nous
espérons bien que dans ce cas, vous viendriez nous présenter Mme Sauer.
Je ne
sais si vous avez reçu les dernières cartes que Marcelle vous a envoyées en
Allemagne et dans les quelles elle vous remerciait de votre gentil souvenir, si
vous ne les avez pas reçues, je tenais à vous réitérer nos remerciements car ça
nous a fait bien plaisir à tous deux.
Nous
sommes bien contents de savoir que vous avez trouvé une situation.
Lettre
d’ Henry Sauer à ses trois enfants ; remise de la médaille commémorative à «
ceux de Verdun ».
Lettre
dactylographiée à la manière habituelle de mon grand père, avec du papier
carbone et en 3 exemplaires.
Chers
Lucette, René, Gilou et familles
Vous
trouverez ci-joint un article sur « Ceux de Verdun », ainsi qu’une photo qui
vous permettra de me reconnaître.
Ayant
désiré, depuis déjà plusieurs mois, d’adhérer à la section régionale de
l’association des rescapés de cette longue et pénible bataille, j’ai donc du
fournir quelques pièces militaires justificatives de ma présence dans une unité
combattante ayant participé à ces combats un peu particuliers, et extrêmement
dangereux puisque, en six mois, il y a eu 400 000 tués et un nombre
considérable de blessés uniquement dans ce secteur de
Le
président du groupe catalan m’ayant demandé si j’acceptais de recevoir la
médaille commémorative j’ai naturellement accepté et, dimanche dernier, une
réunion importante organisée comme tous les ans du reste, nous rassemblait sur
Un
défilé (auquel je ne pus prendre part) précédait une réunion générale et a
parcouru les rues principales de la ville : la musique municipale participait
et animait ce groupement… Tout le monde se retrouva sur la place prévue ;
maman, tata Lucienne et moi-même attendions à la terrasse d’un café voisin
l’arrivée des participants et des récipiendaires (4) auxquels j’eus vite fait
de me joindre.
Musique,
et voilà le général qui passe…etc signale l’arrivée du Préfet et sa suite,
Marseillaise, puis chants patriotiques exécutés par une chorale importante,
salut aux morts, et les quatre passent sur le podium (voir photo)
J’ai
omis de me rendre à l’abreuvoir et grand mie m’a rappelé cette réunion alors
que nous avions déjà entamé les hors-d’œuvre (nous déjeunions au restaurant de
Vous
remarquerez sur cette photo la magnifique grille en fer forgé ainsi que le
disque de circulation / sens interdit et les médaillés dons la médaille sur
laquelle est inscrit : « on ne passe pas » : tout cela semble indiquer qu’il
n‘est pas facile de voir le maire.
Me
voilà donc titulaire de SIX décorations, mais, malheureusement pas une seule ne
donne droit à pension… Il serait question d’attribuer médaille militaire avec
pension (3FN par an) aux soldats qui ont été blessés et ont séjourné plusieurs
années sur le front dans une unité combattante… je réponds aux conditions
prévues : avec 7 ans et 2 mois de service militaire et une blessure, je devrais
même avoir droit à une retraite de sous officier tout au moins la moitié
puisque je suis resté 1 300 jours et nuits sur le front, soit 3 ans et 5 mois.
Vous
êtes maintenant fixés et même si l’un de vous ou de vos descendants sont
exonérés du service militaire je considère que j’ai fait leur part et pour moi
et pour plusieurs d’entre eux.
Pas
d’autres nouvelles à vous signaler mais seulement vous confirmer que Luisette
Gilou : ils ont du vous écrire ne nous visiteront que le samedi 8 novembre pour
déjeuner.
Maman
et tata Lucienne s’activent pour le repas du matin ; samedi nous aurons les
Chevance à déjeuner, nous aurions aimé les réunir et vous voir lors du passage
de Gilouisette ; nous ne décommandons pas cette invitation, la lettre de
Louisette ne nous étant parvenue qu’hier au soir.
De
l’autre côté de la barricade, les quatre dames canastent sans caqueter ce qui
m’a permis de dormir, ou mieux de siester jusqu’à l’heure du thé.
Que
puis-je vous dire encore alors que tout le long de ces lignes il n’a été
question que de MOI…
Quelques
baisers à vous répartir entre vous de la part des 3 vieux que nous sommes.
Complément
Au
cours de cette journée, j’ai vécu certains moments avec beaucoup d’émotion en pensant
à mes deux jeunes frères, Gaston et René.
Le
premier appelé dès le début de la guerre fut envoyé au front comme zouave,
après 5 mois d’instruction militaire, sérieusement blessé à a fin de la guerre,
blessure qui entraîna l’amputation d’une jambe, et il n’avait que 24 ans…. ;
Quant à René, également appelé en fin 1914, il fut
naturellement incorporé aux zouaves et rapidement envoyé en lignes pour y être
blessé après plusieurs mois de combat, puis gazé à l’ypérite, il ne quitta pas
pour autant la zone de combat où, mal soigné, il en supporta les conséquences
tout le long de sa vie.
Tous
les deux vécurent leurs dernières années de vie en supportant tous les troubles
occasionnés par ces blessures et furent emportés prématurément.
Je
n’oublierai pas naturellement mes cousins germains Louis Fouque et Alexandre
Sauer, l’un artilleur, l’autre Zouaves, mon 2ème beau-frère Brogat,
chasseur d’Afrique et également Lucien Bellvert qui lui alla combattre en
extrême orient ; tous firent la guerre en entier.
Henry Sauer – 1er à droite
Enfin
toutes les familles françaises ou espagnoles ou italiennes d’origine que l’on
insulte en les dénommant « pieds noirs » subirent les mêmes sacrifices que les
familles françaises de notre patrie.
A
noter qu’en 1939 et en 1944-45 les sacrifices des français algériens furent
encore supérieurs à ceux des français (toutes proportions gardées)
Mais
tout cela mes chers parents le savent bien et seuls les français de France
semblent l’ignorer.
Je ne
comprends du reste pas pourquoi les dirigeants des associations des Algériens
chrétiens ne publient pas, dans leurs journaux, les statistiques officielles
détaillées des sacrifices supportés par toutes les familles algériennes
chrétiennes.
Je
souligne ce mot car je considère les tirailleurs musulmans à classer dans une
autre série (à l’exception des cadres français toutefois, puisque j’en étais) à
noter que dans cette série, qui ne fut pas épargnée, il y eu un pourcentage de
morts aussi élevé que dans les régiments d’infanterie française… et leur
souvenir reste présent dans ma mémoire puisque j’étais avec eux pendant 4 ans
au cours de la guerre.
Je
termine donc cet exposé et je désirerais qu’il soit communiqué à mes petits
enfants ; je ne parle pas toutefois de DIDIER, CAROLINE, et LAETITIA
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