Mémoires de François Marie Raoul SOMME

Soldat 1ère classe

Aux 406e et 24e Régiments d’infanterie

 

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 « …Les Mémoires de François SOMME.. », présentées par son petit fils Dominique

 

 

 


En juin 1914 nous entendions parler des évènements politiques, mais nous ne nous doutions quand même pas qu’ils allaient prendre une tournure si tragique. Un autre évènement plus intime et douloureux allait auparavant se produire dans ma famille. Mon petit frère qui à la suite d’une rougeole en 1908 avait eu la méningite et était resté en partie paralysé, s’envolait vers le ciel.

C’était le 19 juillet, nous étions en plein examen de passage, et je fus autorisé de partir avec mon frère Augustin qui était venu me chercher, car comme il était au grand séminaire il se trouvait alors en vacances.

 

Ce douloureux évènement nous absorba tellement que la déclaration de guerre nous surprit, mon frère Augustin partit le 3è jour de la mobilisation, mon père dut partir de suite rejoindre son poste à l’octroi, les journaux ne paraissaient plus et comme la TSF n’existait pas pour le public nous étions sevrés de nouvelles, celui qui avait la chance de trouver un journal le lisait au milieu de groupes, mais cela n’empêchait pas les événements de se précipiter.

La Belgique neutre après le fier refus du roi Albert 1er de laisser passer les allemands était envahie la France sans armes, sans munitions fut vite dans une situation très grave, ce fut la première victoire de la Marne qui permit à la France de se reprendre, il était temps les allemands étaient aux portes de Paris.

 

Alors, l’exode que vous deviez revoir en plus grand 25 ans plus tard, l’exode des habitants des régions envahies était en fait triste. Alors que les hommes partaient pour la guerre, ces pauvres gens passaient avec leurs mobiliers dans des voitures c’était triste.

Cependant notre famille de Marle dans l’Aisne la famille Toucher était arrivée apportant en auto ce qu’ils avaient pu sauver de chez eux, ils furent hébergés aussitôt chez nous à la Ferté en attendant de trouver de l’occupation et un logement, les autos étaient garés chez l’oncle Georges.

 

Cependant le mois d’octobre était arrivé et les voyages par chemin de fer étaient assez compliqués, je rejoignis Paris avec ma malle en auto en profitant d’un voyage que l’oncle Toucher y faisait et je retournai au séminaire où je reçus en décembre l’ordre de passer la visite militaire à la mairie du IVème arrondissement à Paris, j’étais alors patriote et je voulais aller à la guerre, les médecins hésitaient car j’étais gringalet, devant mon désir je fus admis bon pour le service et je rentrai joyeux à la maison, je ne retournai au séminaire que pour y suivre ma retraite de départ et ramener mes affaires, ma feuille d’affectation fut adressée à Versailles le supérieur me la renvoya et j’étais affecté au 119ème régiment d’infanterie à Lisieux, je ne connaissais pas alors la petite Ste Thérèse qui n’était pas encore béatifiée, mais j’allais faire sa connaissance.

 

 

Je ne vous conterai pas l’histoire de la guerre que vous apprendrez sur vos livres et ne vous conterait que les événements marquants que j'ai vécus.

 

Tout d'abord, instruisez vos enfants, éclairez les sur les mystères de la vie, car si je ne me suis pas perdu, c'est que le bon Dieu veillait sur moi, je ne savais de ni comment naissaient les enfants à 19 ans, ni les dangers que pouvaient menacer un jeune homme au régiment. Quelle responsabilité pour des parents et des éducateurs de nous envoyer ainsi dans la vie.

 

Je partis donc le 12 avril à 1915 j'avais 19 ans à la Gare St Lazare dans un train spécial de jeunes recrues, dès que j'ai vu avec toute cette jeunesse dont les 9/10eme au moins étaient pervertis, je ne savais ce qui m'arrivait et ce fut un voyage de 8H du matin à environ 17H.

Chants obscènes que je ne comprenais pas heureusement, gestes semblables etc... En arrivant nous étions attendus et aussitôt embrigader pas une minute pour respirer en route pour les casernes vous pour la caserne Delanoy qui se trouve à l'autre bout de la ville cela fait environ 2 km. Là je devais passer trois grands mois.

La vie de casernes n'est pas drôle, mais enfin je m'y habituais assez vite grâce au cercle militaire catholiques où je fis connaissance de séminaristes et surtout du refuge situé 25 rue Bon Ange. Ce fut bien pour moi un refuge où je reçu hospitalité chez ces hommes religieux dans un oasis de paix la je rencontrais un prêtre soldat avec qui je restais longtemps en relation l'abbé Cathernie curée de...[illisible]. Lisieux était une belle petite ville qui aurait été assez calme sans la caserne des environs c'est la Normandie donc des champs de pommiers, des fermes, nous n'avons guère fait de marches, c'était l'exercice, le tir, la théorie simplement.

 

Un déplacement jusqu'à Trouville où je vis la mer pour la première fois ce qui ce qui ne me fit aucune impression. Nous logeâmes chez l'habitant mais j'étais très fatigué et le lendemain un peu souffrant pour le retour, les habitants de la Normandie sont assez accueillants pour le soldat en marche il vous apporte des que eaux de cidre celui dénommé le gros Bère (boire) mais quand on a chaud on le trouve bon. À ma première permission je vins à Paris tout fier dans des vêtements de toute forme nous étions déguisés plutôt que habillés en soldat pas un n'était semblable à l'autre pour sortir en ville.

Je fis plusieurs visites au carmel et au cimetière où était encore la petite Thérèse et je lisais sa vie le soir quand j'arrivais au refuge.

Cet établissement servait de maison de redressement pour jeunes filles, j'y avais eu accès parce qu'un de mes professeurs de Versailles y étaient venus, j'étais arrivé quelques jours après son départ le croyant encore là, il devait trouver une mort glorieuse peu après, j'étais bien reçu et y mangeait souvent le soir avec l'abbé Cathernie et l'aumônier, mais ce que j'écoutais c'était le calme et la paix et le sourire désir.

Ce fut un des meilleurs souvenirs de mon service militaire.

 

Un jour vers la fin de juillet le régiment parti pour le Neubourg et nous y séjournâmes, quelques-uns parmi les cultivateurs partirent en permission agricole. Je m'ennuyais, sans doute d'être trop heureux, car des volontaires pour le départ au front ayant été demandés je me présentais.

J'avais toujours peur de ne pas y aller assez tôt. le contr [bordure de page] quit (?) de volontaires revint donc à Lisieux et je fis mes adieux religieuses du refuge. Après quelques jours passés à nous habiller en soldat bleu horizon et avec tout le matériel nécessaire et tout neuf notre petit groupe fut conduit au petit Quevilly près de Rouen pour y former les 406e régiments d'infanterie après peu de jours nous prenions de nouveau le train pensant aller au front.

Dans quel milieu j'étais tombé mes camarades de Lisieux étaient des anges à côté, ce n'était que "risques tout" beaucoup étaient passés en conseil de guerre un vrai bataillon de discipline.

Enfin j'y étais il fallait y rester et j'y trouvais quand même des prêtres et quelques gradés assez bien. Après un long voyage nous débarquâmes à Bengy-sur-Craon dans le Cher nous venions soit disant former la division, nous devions y passer l'hiver pas malheureux, d'abord automne dans une ferme isolée entre Bengy et Saligny.

Le pauvre fermier se fit voler son vin, ses poules, ses oeufs, il en vit de toutes les couleurs, mais le dimanche j'allais à Saligny où le bon curé l'abbé Verdrier nous recevait à sa table après la messe, après quelques temps on changea de cantonnement et on partit à quelques kilomètres à Baugy ou mon escouade était cantonnée dans une grange fermée c'est là que je passais l'hiver. J'avais souvent le dimanche à Saligny cela ne faisait un bon bout de chemin, mais j'y retrouvais le bon curé et l'abbé Moisseron prêtre de Bourg la Reine.

Le samedi soir les gares environnantes était assiégée de permissionnaires pour la plupart en fausse permission j'y allais pour ma part plusieurs fois soit trafiquant une ancienne permission soit en en faisant une après avoir reproduit le cachet à l'aide d'un savon de Marseille bien gras, les gendarmes me laissèrent toujours passer mais je fis quelquefois du chemin n'allant pas toujours à la même gare, je fis même un détour par Nevers une fois, il fallait bien se débrouiller, aussi par la suite étant au front, je ne pus aller en fausse permission mais j'arrivais à la prolonger de plusieurs jours par divers systèmes, c'était pardonnable en temps de guerre d'autant que c'était courant et ne nuisait en rien ni personne, le seul inconvénient c'était qu'étant pris c'était le conseil de guerre et le régiment de discipline donc bon à tous les mauvais endroits du front.

Le Bon Dieu eut pitié de moi, quand j'eus des difficultés, ça s'est arrangé.

 

Après l’hiver le 15 février 1916, nous voilà de nouveau embarqué toujours soit disant pour le front à vrai dire nous nous en approchions mais c'est à Magny en Vexin que nous arrivions en avril nous repartons en direction du front et arrivons à Fay-st-Quentin dans l'Oise.

Chaque jour nous allions à quelques kilomètres creuser des tranchées et des abris et le dimanche je me retrouvais en compagnie des prêtres soldats ces qui maintenait non moral, nous approchant encore nous arrivions en juin à Saponay dans l'Aisne où nous reprenions notre travail de tranchées et d'abris mais le bon temps allait se terminer et après une un embarquement à Fère-en-Tardenois notre bataillon était débarqué à Souilly et dirigé vers le petit village meusien de Ambly nous échangerons notre écusson de 406e contre celui de 24e régiment d'infanterie que nous venions renforcer car il était bien diminué.

 

C'est dans ce régiment que je fis vraiment la guerre et je n'ai pas voulu aborder ce récit par des petits faits sans importance préférant vous faire vivre autant que cela est possible quelques épisodes de ma vie au front, ce n'est donc pas au jour le jour et tous les endroits du front depuis St Mihiel jusqu'à la Somme en passant par Verdun et le Chemin des dames que je vous raconterai mais seulement des faits les plus marquants.

 

C'est à Ambly que suivant un conseil reçu de chiquer pour passer le mal aux dents, je fus tellement malade, vomissait sans arrêt et comme saoul, en effet ce fut radical et mon mal au dent ne reparut plus mais quel remède.

 

Donc après quelques temps faisant partie du 3eme bataillon (je ne suis pas sûr du numéro : Capitaine LENNUYEUX) auquel je restais affecté par la suite, un soir on partit pour prendre position, jusque là je n’avais entendu que deux ou trois obus tomber au delà du village qui était habité par la population, pour mon début j’eus la chance de prendre un secteur calme, et le volontaire n’était pas très fier, fini de rire, c’était le vrai front que j’allais abordé encore je n’avais pas à me plaindre pour débuter, arrivé la nuit en première ligne après départ de nos prédécesseurs, je descendis dans l’abris j’écoutais le canon, de temps en temps des obus passaient, puis des balles de mitrailleuses et des fusées éclairaient la plaine.

Cependant je m’endormis, jusqu’au moment ou on vint me réveiller pour aller au petit poste en avant des lignes, nos devanciers avaient eu peur et s’étaient reculés cela n’était pas pour m’encourager.

Heureusement j’étais avec un vieux pépère.

On me fit toucher les grenades et mon fusil chargé j’attendais que le temps passe. Le vieux pépère fumait tranquillement sa pipe essayant de cacher la lueur de chaque tirée faisait dans ce secteur. Je fis aussi ma première patrouille de nuit près d’un petit bois situé en milieu de la plaine entre les lignes elles étaient assez éloignées l’une de l’autre nos lignes et celles des boches.

Cependant ils nous entendaient car ils envoyaient des fusées éclairantes alors nous étions aussitôt couchés à terre. Vers le même secteur je fis plus tard partie de patrouille de couverture pendant que les camarades travaillaient aux fils de fer barbelés qui protégeaient toujours les premières lignes, c’était moins amusant, couchés dans l’herbe à au moins 300 mètres des premières lignes nous restions couchés attendant la fin du travail et surveillant l’horizon, mais je ne devais pas participé par la suite à d’autres patrouilles et je ne fus pas volontaire pour cela.

Après être passé à La Croix-sur-Meuse, Rufat (?) devant Saint Mihiel () et un court repos à Lignières, nous prenions un chemin moins gai, c’était celui de Verdun ou nous allions rester un mois et évacuer la plus grande partie de l’effectif à cause du froid et des pieds gelés.

 

Après un court arrêt à Sommedieu et à Belleray nous arrivions à Audainville (Haudainville) dans les péniches amarrées sur le canal et le soir nous partions.

 

En soutient d’attaque, après plusieurs Kilomètres sur la route après être passé près des grosses pièces qui crachaient et vous assourdissaient, nous arrivions dans des semblants de boyaux alors pendant plusieurs kilomètres ce fut une rude gymnastique chargés du sac avec le linge de rechange, la couverture la toile de tente la pelle la marmite la gamelle le fusil les munitions le bidon de 2 litres plein notre ravitaillement de réserve conserve, biscuits etc. et avec la pluie qui commençait à tomber il fallait suivre sous peine de se perdre et quand on faisait attention au fil alors qu’on se méfiait en l’air on s’attrapait les pieds dedans et vlan par terre la culbute relevé en vitesse on faisait attention à terre le fusil ou le casque s’attrapait dans un fil encore un coup d’attraper et cela tout au long du chemin enfin après un long temps de marche on nous arrête en face le ravin surnommé ravin de la mort entres les forts de Souville de Douaumont et de Vaux de l’autre côté était l’emplacement du bois de la Caillette car du bois il n’en restait pas, on s’accroupit et passâmes la nuit là abasourdis par le bruit de la canonnade ne sachant si c’était le bruit de nos pièces ou celui des obus allemands qui éclataient et aveuglés par les lueurs de toute cette canonnade.

 

Enfin au matin on nous fit traverser le ravin au pas de course pour aller occuper les minuscules tranchées dans le bois de la Caillette, il nous fallu enjamber le corps de notre agent de liaison rentré de la veille de permission, sa cervelle était à quelques pas.

Pour vous représenter le terrain de bataille en avant de Verdun regardez les paysages lunaires ou une éponge, c’est à peu près cela, après quelques jours passés ainsi le temps s’était mis à la gelée nos vêtements trempés étaient raides comme du bois sur nous, pour monter sur le parapet de la tranchée minuscule il me fallait prendre mes jambes à deux mains tellement elles étaient raides, enfin on descendit quelques jours en arrière dans des carrières près des anciennes casernes Marceau démolies pour remonter bientôt en toute première ligne après quelques jours en seconde ligne où nous avons dégagé les morts et les avons ensevelis.

 

C’était les chasseurs ayant fait l’attaque et après avoir passé la fête de Noël couché dans l’eau car les tranchées étaient plutôt des petits ruisseaux, nous passions en première ligne composée de trous isolés les uns des autres dans lesquels nous étions tous en quatre, nous ne pouvions bouger et quand nous levions le nez pour inspecter ce qui se passait en avant ce qui était indispensable pour ne pas être surpris par l’ennemi nous ne pouvions tenir que quelques minutes tellement il faisait froid, nous ne pouvions aller au ravitaillement tellement c’était dangereux et nous vivions de quelques biscuits de soldat que nous grignotions lorsque nous avions faim, le temps était interminable, et le froid nous gelait les pieds et les jambes cela gagnait petit à petit nos jambes devenaient insensibles on pouvait taper dessus à coups redoublés et une grande partie du régiment fut évacué pour pieds gelés.

 

Heureusement pour moi dans les quelques jours passés en réserve je fis un petit stage de colombophile à Verdun et après 2 ou 3 jours de première ligne je fus mandé pour aller chercher des pigeons voyageurs à Verdun en Ville, je partis de nuit et traversai l’étang de Vaux sur une étroite passerelle en compagnie du vaguemestre cela me sauva les pieds car le sang se mit à circuler j’eux pourtant un bon moment un doigt à moitié pourri mais à force de soins il finit par se remettre, arrivé à Verdun je commençais par me restaurer à la cuisine et après une nuit tranquille et sèche ayant fait ma provision de pigeons et absorbé un bon coup de gnole mélange d’alcool et d’anesthésiants donné aux soldats principalement pour les attaques je repartis remonté et rejoignis non les toutes premières lignes mais le poste du commandant quand selon les instructions j’eus lâché mes pigeons, on voulut me renvoyer rejoindre mes camarades mais je m’incrustai dans l’abri hospitalier et n’en sortis que pour aller à l’arrière en réserve au fort de Souville.

 

Il faut vous dire que la neige s’était mise de la partie et si c’est joli quand on est près du feu ou qu’on sait bientôt y rentrer ce n’est pas de même lorsque la neige vous sert de couverture et de matelas.

A Souville nous étions à l’entrée du fort et pas trop mal, le jour nous allions nettoyer les boyaux de communication et il paraît que Clémenceau est venu visiter le secteur, mais comme il fut invisible pour nous qui à ce moment étions en réserve, il dut l’être encore plus pour ceux des lignes ; je ne sais pas si c’est aux environs de Paris qu’étaient les tranchées de Verdun pour lui, mais je le pense, comme on chantait pour Poincaré.

On voit Poincaré sur le front quant on vient en permission car ce n’est qu’au cinéma qu’on le voyait sur le front mais les soldats combattants ne les y ont jamais vus.

 

A Verdun le ravitaillement se faisait par mulets les pauvres bêtes étaient affolées par les bombardements et beaucoup périrent il y avait un poste de ravitaillement nommé Chambouillat c’est là que les 1ère et 2e lignes devaient se ravitailler la nuit, mais c’était dangereux.

Ca y bombardait la seule fois que j’y allai il venait de tomber des pruneaux et un pauvre artilleur était et(?) sans vie.

Nous avions pour boisson de l’eau des trous d’obus ou d’étangs ou séjournaient des cadavres. Comment n’avons nous pas attrapé plus de mal ? Enfin il est vrai qu’en descendant de 1ère lignes la nuit que nous étions étendus et que quelqu’un se dérangeait n’ent(?) que attention à mes pieds car tous ceux qui n’avaient pas été évacués comme moi avions plus ou moins les pieds au(?).

 

Enfin après Souville nous voila descendant par le faubourg pavé quel mal j’eus pour faire tout ce chemin car les lieu connu je vous l’ai dit étaient à une dizaine de Km de le ville de Verdun (note illisible entre lignes).

Je me souviens qu’il gelait et il fallait traverser un petit pont en bois nous ne pouvions tous tenir debout sur du bois gelé il faisait à peine jour car les relèves se faisaient de nuit nous voyions des soldats couchés appuyés le long de sacs ils avaient du faire la pause à cet endroit alors l’un de nous dit allons les gars on se repose pas de réponse on regarde de plus près ils étaient morts et voila que des (?) commencent à arriver on s’est mis à courir à quatre pattes car impossible de tenir sur ce « maudit … » enfin nous arrivons dans les casernes Miribelles à Verdun où j’avais couché lors de mon voyage pour chercher les pigeons il faisait si froid qu’on défonçait les parquets pour (?) du feu par terre à même le plancher enfin de nuit on embarquait à Verdun dans un train et nous quittions sans regret le secteur y laissant des camarades y dormir leur dernier sommeil et arrivions à Marats la Grande.

 

Nous étions en janvier 1917 par étapes et par un froid extrême nous passions à Neuville les St Jouarre  puis Treveray le vin des bidons n’était qu’un glaçon et le pain était gelé et rempli de petits morceau de glace aussi à Treveray nous faisions chauffer le pain et le vin chez l’habitant pour pouvoir manger.

 

C’est dans ce pays que je fis connaissance d’un bon prêtre de l’Aveyron l’abbé Vézière et d’un étudiant Breton Le Quer dont nous reparlerons, car le régiment avait été tellement décimé surtout par le froid qu’il lui arrivait du renfort.

L’abbé Moisseron était resté solide à son poste.

Enfin après quelques jours nous partions par étape d’abord à Rozières, puis à Maixe où nous restions jusqu’en mars puis départ par étapes jusqu’à Pont St Vincent et puis par le train jusqu’à La Ferté-Gaucher à La Celle (?) en enfin à Blesme et en avril nous étions à Villers-sur-Fère là nous devions rester quelques temps, entre temps j’avais été nommé signaleur de compagnie ainsi que l’abbé Vézière et Le Quer et nous inventions des commandes d’exercices de signalisation pour ne pas aller faire l’exercice, nous passions notre temps dans les bois y emportant nos lanternes de signalisation et nous cachant de notre mieux jusqu’à l’heure de la soupe, il fut question de me nommer caporal bien que notre caporal d’escouade essaya de me persuader que ce serait un honneur de revenir chez soi avec des galons, j’avais assez de ceux de soldat de 1ère classe.

 

Le pauvre caporal n’est pas revenu de la guerre, moi je préférais ma tranquillité, l’abbé Vézière fut vers le même temps dans le même cas lui comme prêtre demanda à être brancardier-infirmier et le devint, nous serions bien resté là car le volontaire que j’étais se refroidissait, mais une forte attaque de grande envergure ayant lieu nous avancions jusqu’à Beaulieu le Fismes.

Après l’échec de cette attaque nous revînmes à Villers sur Fère sans avoir combattu, alors par étapes on revint jusqu’à Champigny puis la Ferté-sous-Jouarre.

Nous y passâmes du bon temps avec l’abbé Vézière et Le Quer employant le même système qui avait réussi à Villers-sur-Fère nous nous prélassions sur les bords de la Marne pendant que les camarades faisaient l’exercice ou les corvées Il n’y a qu’au marches que nous ne pouvions nous soustraire.

Enfin le temps étant arrivé de repartir en ligne cette fois ce fut en camions et arrivions à Mont Notre Dame pour monter en ligne près d’Ostel au lieu dénommé ferme de Rochefort nous étions alors en mai 1917 nous étions alors au fameux chemin des Dames et quand il pleuvait dans ces secteurs ce n’était pas drôle c’était plein de boue on y enfonçait jusqu’aux genoux vers cette époque.

 

Et après une journée passée dans les grottes nommés Grottes de L’Yser, nous montions en ligne dans une tranchée appelée tranchée Gothas c’était une tranchée creusée par les allemands les abris avaient donc leurs ouvertures faisant face aux lignes ennemis.

La veille, un guetteur avait été tiré dans sa guérite. Le Quer était d’humeur sombre il avait dormi toute la journée dans la grotte de l’Yser il était d’ordinaire toujours gai.

 

Une nuit après mon heure de guet je vint le réveiller et prendre sa place pour dormir il partit en ronchonnant, je dormais bien quand je fus réveillé par manque d’air un abus venait de s’abattre sur l’entrée de l’abri et il y avait un mort.

C’était le pauvre Le Quer depuis un moment il paraît qu’il ne faisait que venir s’arrêter à l’entrée de l’abri  comme s’il avait attendu ce coup, les hommes de corvée de soupe venaient d’entrer dans la sape et les aliments étaient emplis de terre cela ne me gêna point car je ne pus manger et n’eus pas le courage de revoir mon pauvre camarade que j’avais éveillé pour l’envoyer à la mort, l’abbé Vézière le revit et put envoyer ses papiers à sa famille.

Le temps se mit à la pluie et lorsque mon tour de (?) corvée de soupe arriva en revenant enfonçant dans la boue je fus obligé de prendre mes souliers à la main pour ne pas les perdre et de revenir pieds nus jusqu’à l’abri, je fus plusieurs jours sans pouvoir beaucoup manger, mais enfin je finis par reprendre le dessus quittant le chemin des dames, nous prenions des camions qui nous emportaient en direction de la Somme nous les quittions à Beuvardes puis après être passés à Fère en Tardenois où nous embarquons nous descendons à Montdidier, puis restons quelques jours dans un camp à Remaugies, là nous nous reposons en attendant d’autres épisodes. Passant par Ham (80) nous gagions des lignes étant signaleur de bataillon, je suis quand même moins exposé et plus abrité, notre poste se trouve soit près du PC du commandant soit plus souvent entre les lignes et le PC du commandant, nous occupons d’abord un poste près d’Ollezy (02) nommé poste 1 évidemment c’était un poste de signalisation, puis un autre poste nommé poste Fouquart il se trouvait près du Grand Séraucourt, où nous étions au début de septembre.

 

De là je partis en permission ; on vint me réveiller à minuit malgré la nuit et le chemin près de 20 km par un chemin parcouru une fois et de jour de partir à l’instant même ce n’était pas à remettre quelques heures suffisaient pour un contrordre ou un obus sur la tête.

 

J’arrivais à Ham juste pour prendre le train vers les 8h du matin. Ce qui nous faisait souffrir le plus au front c’était les poux car on ne pouvait s’en défaire, chaque fois qu’on descendait en réserve on passait aux douches et les vêtements à l’étuve nous étions tranquilles pour une heure après cela on en rattrapait aussi lorsqu’on venait en permission à paris, dans le métro ou le tramway on n’avait qu’à se gratter un peu pour avoir de la place tout le monde s’écartait d’ailleurs nous étions tout sale descendant le plus souvent directement des lignes, je me souviens être venu, une fois principalement en permission sur toute la surface de mes vêtements j’avais un centimètre de boue liquide, c’était en hiver et durant tout le trajet toujours long je n’avais pas trop chaud il est vrai que nous y étions habitués.

 

Quand j’arrivais en permission, aussitôt qu’on arrivait à la maison j’entrais de suite à la cuisine située à gauche en entrant là je me nettoyais et maman faisait bouillir mes vêtements et mon linge, c’était quelques jours de répit que me laissaient les poux.

Après cette permission je revins au même endroit car nous devions passer là en ligne Noël et le 1er Janvier (1918), je me souviens même que cette année là nous eûmes de l’oie et du riz au gras d’oie ce fut un régal.

 

Vous devez vous demander pourquoi je ne parle pas de la guerre en elle-même, c’est que je n’étais plus en première ligne étant signaleur et bien qu’étant souvent assez près, je ne participais plus directement aux attaques, cela n’empêchait pas de recevoir des pruneaux puisque nous avons eu deux fois notre phare pulvérisé, que nous avons eu deux tués et un blessé sur une dizaine à peine que nous étions lorsque nous fumes réunis aux observateurs. Patientez les derniers temps de la guerre qui devint plus mouvante nous avancions à quelques mètres des attaquants et cela n’était pas toujours drôle.

 

L’hiver fut froid cette année 1917-1918, il y avait de la neige et il gelait, le pays où nous étions était rempli d’arbres fruitiers les allemands avant de l’abandonner coupèrent tout ce qu’ils purent en fait d’arbres, nous nous en servîmes pour faire du feu.

 

Même étant allé en chercher j’eus bien froid aux mains et je vous assure que lorsque le sang se met à recirculer ça fait mal.

Enfin au début de janvier nous fumes relevés par les anglais (12eme brigade) qui furent bousculés (?) quelques jours après par les allemands et nous sommes allés au camp de Ste-Tanche près de lhuitre (10) c’est une partie du camp de Chalons dans la Marne (très au sud tout de même).

 

On s’y reposa environ un mois, là je retrouvai un de mes condisciple du séminaire Paul Labergere qui devait être tué quelques temps avant la paix ; Nous nous réunissions toujours, chaque fois que cela était possible l’abbé Vezière, Labergere moi et parfois l’abbé Moisseron.

Enfin au début de mars nous remontions prendre position dans la Marne après être passé à Somme-Suippes dans un camp de baraque nous allions en ligne en avant de Perthes les Hurlus dans un poste appelé poste de la Pie, c’était une sape abri qui ensuite se prolongeait pendant au moins deux cent mètres de couloirs sous-terrain au bout duquel il y avait un poste d’observation.

Là on subit des bombardements à gaz et beaucoup de soldats furent intoxiqués, puis les allemands nous enlevèrent un petit poste en plein jour, on eu beau réclamer l’artillerie, le feu se déclencha trop tard. Les signaleurs nous avions appris l’alphabet mors et installé un poste récepteur nous prenions les diverses communiqués, car il n’y avait pas encore de téléphone sans fil mais seulement la télégraphie sans fil, de cette façon nous connaissions ce qui se passait dans les autres points du front et nous portions le communiqué au commandant ; dans le même secteur nous avons aussi occupé un poste situé sur le haut d’un immense entonnoir résultat d’une explosion de mines il avait bien 15 mètres de profondeur et le double de diamètre nous logions au fond dans la galerie souterraine qui avait servie à préparer cette mine, combien elle a du faire sauter d’hommes ?

Dans ce secteur il y avait plusieurs trous de mines.

Perthes les Hurlus n’existait plus, ni Tahure (51), de Perthes il restait les fondations de l’Eglise.

 

Le 17 juillet nous étions relevés en arrivant à Pont Ste Maxence, je fus pris d’une grippe et évacué d’abord à Catenoy puis Clermont dans l’Oise, nous étions alors dan la succursale de l’asile de fous. Je m’ennuyai les 15 jours que je passai à Clermont.

 

N’étant pas bien malade, mais cela me valut une permission de convalescence de 20 jours, quand je revins je fus d’abord affecté à un centre formé de convalescents je ne me souviens plus où ensuite je rejoignis mes camarades quelques jours avant une attaque.

C’était le commencement de la fin de la guerre.

Arrivé au poste d’observation de Charogne près de Neufvy et Gournay sur Aronde le 10 août au matin à 4h ½ l’attaque se déclencha et nous arrivons à Ressons sur Matz le 11 nous étions à Riquebourg, Laberlière et le 12 nous étions à Canny sur Matz.

 

Dans cette avancé de vingt Km environ nous avons pu constater que le ravitaillement allemand était piteux nous avons trouvé du pain marqué KK noir comme de la suie, et dur et sur (?) puis du café de gland, alors que nous étions si bien alimenté nous, cependant dans ces avances nous étions près des troupes d’attaques et des obus descendaient drus je me souviens entre autre d’un certain chemin creux près de Canny sur Matz où les rafales d’obus nous laissaient à peine le temps de faire un bond d’avance pour en sortir et c’était des « gros noirs » comme on les appelait mais il fallait suivre et nous suivions mais là les allemands nous attendaient et à l’attaque du bois Verbeau, tout le premier bataillon fut arrêté net et une grande partie fut tué dont mon camarade Labergere, il était caporal, c’était un grade ingrat.

 

Nous étions dans un trou d’obus attendant la fin du bombardement, comme il faisait chaud les nombreux cadavres empestèrent bientôt car il était impossible de les relever, enfin après une nouvelle attaque les allemands furent repoussés mais l’odeur de la poudre m’avait essoufflé et j’étais de corvée de soupe, je partis dans la nuit seul ne connaissant pas le chemin sur ce terrain nouvellement conquis et parcouru en courant sous les obus aussi j’invoquai la Ste Vierge et je ne sais comment j’arrivais à la cuisine roulante là je bus au moins 2 litres d’eau et ayant rapporté la soupe je n’y goûtai point j’étais à bout et m’endormis, là sur un talus.

 

Nous étions fin août relevé de ligne, nous remontions dans l’Aisne le 15 septembre, nous étions de nouveau à Mont Notre Dame et après diverses opérations nous arrivions à Meurival le 1er Octobre sur les bords de l’Aisne c’était en somme notre dernier secteur après quelques attaque qui allaient nous amenés au camp de Sissonne ce serait l’armistice après diverses tentatives pour passer l’Aisne nous arrivions à un résultat mais ce fut sur des portes des planches de toutes sortes attachés les unes au bout des autres et posées à même la rivière, une méchante ficelle pour parapet je vous assure qu’il y avait du tangage et il ne fallait pas avoir le vertige, le canal de l’Aisne fut passé sur un pont plus solide et nous arrivions sans trop de péripéties au bois de Cuiry les Chaudardes.

 

Là c’était une autre histoire les allemands postés au sortir du bois tiraient à la mitrailleuse dans le bois et c’est une drôle de musique, déjà celle des balles qui vous chante de tzi tzi aux oreilles mais toutes les branches qui se cassent et tombent autour de vous, j’étais encore de soupe et je n’étais pas réjouis d’être obligé de me faufiler au travers des balles, heureusement la chanson s’arrêta assez tôt et ce fut dans le calme que je fis ma corvée.

Le lendemain après une bonne attaque, nous arrivions aux abords du camp de Sissonne et à l’entrée de la ville elle même là je n’eus pas à aller à la soupe, c’eut été moins loin les cuisine venant presque jusqu’à nous, mais cette avance coûta la vie à bien des camarades dont le caporal Bellefontaine qui avait été mon caporal déjà dans le Cher au 406e.

 

Nous restions la à quelques mètres des allemands sans pouvoir les délogés et c’est la que notre 2e phare fut pulvérisé, notre dernier soir de ligne et peu s’en fallut que je le fus avec, ce devait être la relève de nuit et les allemands bombardaient sans arrêt, nous étions anxieux, quand le moment de la relève vint tout était calme, nous partions en vitesse et arrivions à Ste Herme, après avoir dormi on se préparait à se nettoyer lorsqu’on nous fit remettre le sac à dos, les allemands avaient délogés sans tambour ni trompette et nos remplaçants avaient trouvés la place libre devant eux, nous eûmes beau courir, nous ne sommes pas arrivé à les rattraper et l’armistice nous surprit à Renneville le 11 novembre, ensuite j’eus une permission le 30 novembre ma famille avait été inquiète car les derniers jours avec ces déplacements c’était difficile d’écrire et les lettres s’acheminaient mal, aussi comme ils étaient restés quelques temps sans nouvelles contre l’habitude, ils avaient peur que de ne fusse tué les derniers jours, ce qui gâtait leur joie d’armistice.

 

Je retrouvais mon bataillon à Château Salins canton natal de ma grand-mère paternelle.

Je n’y restai pas longtemps et fut nommé infirmier d’hôpital de St Avold, arrivé le 5 janvier je fus installé aux écritures d’entrée et de sortie des malades, des permissions de convalescences, etc…

Je me fis à cette petite vie et je rencontrai de bons camarades dont Soudrie qui fut le parrain de ma petite Marie-Odile, nous faisions de bonnes promenades aux alentours de Bening, à Ober-Ambourg etc…et nous faisions quelques bons repas enfin malgré tout j’avais hâte de quitter l’habit militaire et fut tout heureux de quitter la gentille petite cité de St Avold à la fin de septembre 1919.

 

Ici avant de poursuivre je vais vous donner encore quelques impressions sur ces années terribles que je venais de traverser.

Les bombardements par obus ne sont pas si démoralisants que les bombes d’avions d’abord on les entend partir quand ce sont des gros et on peut s’en garer ou les autres s’ils doivent vous tuer vous ne les entendez pas.

Les torpilles ou minenwerfer (lance-mine) sont très démoralisant d’ailleurs on les voit partir mais ils descendent en zig zag et pulvérisant avec un bruit terrible on dirait que la terre se fend en deux les tirs des mitrailleuses qui vous font dzi-dzi et qui fauchent tout autour de vous hommes branches etc sont impressionnant et très meurtriers les tanks qui étaient en service les derniers temps de la guerre, je ne puis vous en parler n’ayant jamais eu à subir d’attaques par tanks allemands mais ayant pu voir les nôtres dans les dernières attaques à Canny s/Matz.

Je pense que ce devait être affolant surtout que rien n’était prévu pour les combattre.

Les avions ne gênaient pas beaucoup, ils étaient surtout fait pour l’arrière, j’ai été seulement mitraillé une fois par l’un d’eux, c’était plutôt des hommes de l’arrière mais vous connaissez un peu ça, à part ces ustensiles de guerre, ce qui était le plus pénible c’était les poux, le froid et la fatigue, heureusement nous avions le bon air sauf lorsqu’il était empoisonné par les gaz aussi.

 

C’était le refrain stupide en allant en permission « vous avez bonne mine » au front nous étions bien nourris le pain de ferme de blé et riz était blanc et bon la cuisine était faite de pommes de terre de haricots ou de riz et de viande de bœuf bouilli, nous avions le café et du vin le pinard comme on dirait le soutien du soldat.

 

Je servis bien des messes dans des abris et dans des baraques chapelles quand nous étions au repos.

 

Notre premier souci à l’arrière quand il faisait froid c’était de faire du vin chaud.

 

 

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