UN JEUNE MONTCELLIEN DANS LA GRANDE GUERRE

par André PIERRE

Correspondance de Nicolas Theureau, soldat aux 10e, 167e et 56e régiment d’infanterie

 

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Auteur : André PIERRE, article publié dans la revue La Physiophile, n° 148 de juin 2008".

Site de la revue   http://la.physiophile.free.fr/

 

 

Il y a quelques années, à la suite de circonstances trop longues à expliquer ici, je suis entré en possession d’une partie de la correspondance échangée par un jeune militaire montcellien avec ses parents entre les années 1913 et 1919. La publication de ces lettres va permettre de juger de l’âpreté de ce conflit meurtrier et des « misères » endurées par ce soldat.

Du moins eut-il le bonheur de rentrer à la maison à la fin des hostilités, ce qui ne fut, hélas, pas le cas de nombre de ses camarades de combat.

 

 

Tout d’abord, laissez-moi vous présenter ce jeune homme plein de courage et de bonne volonté : il s’agit d’un personnage dont nombre de Montcelliens gardent le souvenir puisqu’il a fait une longue carrière aux Mines de Blanzy, aux houillères à Montceau-les-Mines et qu’il a été pendant des années président de l’Association des Chasseurs du Bassin Minier : il s’agit de Nicolas Theureau, né à Montceau-les-Mines le 28 juillet 1893, comme l’indique son bulletin de naissance.

 

 

A remarquer que sur un autre document, le nom du père, Jean, est orthographié Theureau, sans le d final.

 

Un autre acte de naissance nous apprend que son grand-père était mineur de fond et que son père, quant à lui, exerçait le métier d’artisan-forgeron, rue de Bellevue, dans le quartier du même nom à Montceau-les-Mines.

 

Dans ses lettres les plus anciennes (1913), Nicolas, qui va avoir vingt ans, nous apprend qu’il travaille à Chalon-sur-Saône. Suivent quelques extraits de plusieurs lettres postées dans cette ville :

 

28 avril 1913 :

« Lors d’une journée de travail à Mazenay, ... le temps ne m’a pas duré... Si toutefois je ne m’en allais pas à Montceau jeudi, envoyez-moi donc mon violon sans oublier la colophane et ma méthode.... » 

Il pense ainsi à se détendre en pratiquant son violon d’Ingres.

 

14 mai 1913 :

«  ... pour comble, mercredi, j’ai travaillé comme un nègre ; j’ai brasé toute la journée... »

 

8 juillet 1913 :

On apprend dans cette lettre qu’il travaille comme mécanicien et qu’il fabrique et répare des bicyclettes :

« ... j’espère que mon père a essayé sa bécane... surtout que ce n’est pas un tacot comme la première que nous avions... Dimanche je lui mettrai encore un frein, ce sera plus prudent et nous irons faire un tour ensemble. »

 

Apparemment, le jeune homme se rendait à Montceau chaque semaine pour rendre visite à ses parents.

Malgré cela, il écrivait très souvent et il fera de même tout au long des événements qu’il affrontera plus tard et qui sont relatés dans cet article.

 

Dans cette même lettre il continue ainsi :

« ... J’ai des bécanes à vendre, au moins une si ce n’est pas deux... Dis à mon père qu’il tâche de vendre quelques bécanes maintenant qu’il a la sienne. »

1er août 1913 :

Nicolas vient d’avoir vingt ans :

«  ... Je vais être obligé de me faire inscrire avant le 20 août à ce que disent les affiches. C’est bien vrai quand même que l’on va nous faire partir avant l’année prochaine, moi qui voulait encore m’amuser... nous ferons bien le conseil de révision quand même ! »

Comme on l’a compris, il s’agit là de l’inscription sur la liste des appelés sous les drapeaux au service militaire obligatoire.

21 août 1913 :

Dans une autre lettre du 21 août 1913, il est question à nouveau de bécanes à monter et équiper pour deux Montcelliens. Nicolas indique l’adresse de sa pension à Chalon, 11 avenue Boucicaut.

 

Voici donc commentée brièvement la partie heureuse de la jeunesse de Nicolas Theureau. A ce stade de la reconstitution, il nous manque de nombreuses lettres, si bien que nous ne pouvons indiquer le lieu où il a effectué son service militaire, probablement à Dijon.

 

En l’absence de lettres permettant de retracer l’année 1914, nous arrivons au début de 1915 : les hostilités ont débuté depuis plus de six mois et le jeune soldat va bientôt partir pour le front. Voici quelques extraits de sa lettre du 15 février 1915 qui montrent son inquiétude :

 

Dijon le 15 février 1915 :

«  ... Je vous l’ai dit je suis sur le pied de guerre ; encore ce matin j’ai reçu mon fusil et ma baïonnette ainsi que douze paquets de cartouches. Je m’attends à partir d’un jour à l’autre et même à chaque instant...

Maintenant tout ce que je vous recommande mes bons parents c’est de ne pas vous en faire ça ne sert toujours à rien, tout simplement qu’à vous faire malades. Comme je vous l’ai dit il faut toujours être très confiant ; j’ai eu de la veine jusqu’à maintenant, j’en aurai peut-être toujours.

... Bonjour à tous et mille baisers à mes grand-mères et parrain et bon courage pour vous et mille baisers. »

Recevez de votre fils qui vous aime mille caresses.

Nicolas Theureau 8e section

COA Cantonnement 57 à DIJON

 

 

 

 

Si l’écriture du début de la lettre est assez régulière, celle des dernières lignes est devenue hachée témoignant peut-être de l’anxiété et de l’émotion du jeune homme.

Nicolas et ses camarades n’ont pas été dirigés directement sur le front, mais à Auxonne pour y être équipés avant d’être conduits dans l’Est de la France.

30 avril 1915 (carte-lettre écrite au crayon) :

Le jeune soldat est maintenant stationné à

Pompey (Meurthe-et-Moselle) et est incorporé au 10e Régiment d’Infanterie, 9e Bataillon,

35e Compagnie.

Il redit à ses parents de ne pas se tourmenter et leur répète : Bon courage et bonne confiance.

 

En ce qui concerne la période comprise entre début mai et octobre 1915, nous ne disposons pas de correspondance de sa part. Il a probablement continué d’écrire régulièrement à ses parents.

Mais la lettre suivante nous indique ce qui a pu se passer.

2 octobre 1915 :

Il est certain que de durs combats se déroulent pendant cette période. En effet, Nicolas écrit que son régiment se trouve endommagé.

Il appartient désormais au 167e Régiment d’Infanterie, 32e Compagnie, caserne Thouvenot à Toul (Meurthe-et-Moselle). Les termes de sa courte lettre sont plutôt énigmatiques. Il parle cependant de passer une visite ; aurait-il été blessé ? La suite de la correspondance nous l’apprendra.

17 novembre 1915 :

Le régiment du soldat Theureau a été déplacé sur le front et les soldats ont probablement reçu la consigne de ne pas indiquer dans leur courrier le lieu où ils se trouvent. Cette lettre indique également que Nicolas a changé de Compagnie et le cachet postal sur l’enveloppe porte un nouveau numéro de secteur postal (48 au lieu de 94)

 

30 novembre 1915 :

Nicolas a bel et bien été blessé. Dans cette lettre, il écrit :

« ... Je vous dirai que je m’attends à recevoir la Croix de Guerre ; on m’a appelé pour me donner des témoins quand je suis été blessé et l’on m’a dit que j’allais la recevoir ainsi qu’une citation... »

Il a dû subir une sérieuse blessure car il n’est plus en premières lignes, mais au train de combat ; il conduit un cheval.

 

21 décembre 1915 (sans nom de lieu), Nicolas précise cependant :

 « ... Nous sommes toujours dans les Vosges ; il y a beaucoup de neige et il fait froid. Nous devons monter aux tranchées la veille de Noël mais je ne sais pas encore si j’y monterai ; je vous avertirai. »

5 janvier 1916 :

Cette lettre mérite d’être reproduite dans son intégralité pour les précieuses indications qu’elle donne concernant la vie des militaires sur le front des hostilités. :

« Mes biens chers parents,

Je m’empresse de répondre à votre gentille lettre que j’ai reçue avec un vif plaisir en apprenant que la santé est bonne pour vous et toute la famille. Pour moi tout va bien pour le moment. Excusez-moi si je suis resté quatre jours sans vous écrire ; comme je vous l’ai dit j’étais aux tranchées, cela m’était presque impossible d’écrire ; tantôt nous étions aux créneaux, tantôt on était employés à enlever la boue et l’eau qui, parfois, nous arrivait jusqu’au-dessus des genoux. Malgré tout je conserve bon courage et bon espoir. En ce moment il faut savoir être patient et avoir conservé son courage. Sachez être comme moi et tout ira pour le mieux, je le souhaite de tout mon coeur.

Nous n’avons presque pas eu de pertes, deux tués et une dizaine de blessés par les obus.

Entre nous, il n’y a pas grand chose, d’ailleurs, c’est presque impossible avec le temps que nous avons, juste quelques coups de fusils de temps en temps ; les boches sont très raisonnables ; ils ont été jusqu’à fraterniser avec les nôtres au petit poste ; ils ont échangé une boule de pain pour des cigares que les nôtres leur ont donné, cela prouve que les boches en ont marre et je serais porté à croire que la guerre sera bientôt finie, je le souhaite bien vivement.

Je suis de repos pour une huitaine de jours aussi je vous ai demandé un colis, c’est à dire des limes fines et des bagues que mon père me coulera car il ne m’est guère facile de trouver de l’aluminium, deux ou trois pierres à briquet si le colis n’est pas parti, et une paire de chaussettes ; il faudra m’en couler le plus possible et d’environ 12 mm d’intérieur, cela me fera rudement plaisir.

J’ai reçu la lettre de grand-mère ainsi que le billet ; je la remercie du plus profond de mon coeur et vous l’embrasserez une bonne fois pour moi.

Je termine en vous souhaitant bonne santé et bon courage ; je vous écrirai ces jours.

Votre fils pour la vie et qui vous aime tous du plus profond du coeur.

Nicolas »

 

En même temps qu’elle nous montre la dureté de la guerre, cette lettre laisse transparaître les différents états d’âme du jeune soldat : lassitude puis tristesse à compter ses camarades de combat tués ou blessés, espoir de voir la guerre se terminer ; et ensuite, alors qu’il est au repos, le goût pour des activités matérielles plus agréables et enfin, la prévenance pour tranquilliser ses parents et leur dire son amour.

1er février 1916 :

Cette missive nous fournit des indications supplémentaires sur la cruauté de cette guerre.

En voici un extrait :

« ... Maintenant je vous dirai qu’un bruit court à la Compagnie, que les copains qui ont fait l’attaque du 25 septembre partiraient avant ceux qui ont été blessés. Donc s’il en est ainsi mon tour sera retardé de quelque temps pour partir en permission car ils ne sont que 17 survivants ; ils seront vite passés, il en partira davantage à la fois, mon tour sera vite venu, au plus tard à la fin du mois. »

Le jeune homme calcule ses chances d’obtenir une permission car bon nombre de ses camarades sont morts lors d’une attaque précédente.

7 février 1916 :

Quelques extraits de cette lettre nous donnent des renseignements sur la vie des soldats au front. La Compagnie de Nicolas Theureau vient de descendre au repos.

« ... Je vous assure que cela fait rudement plaisir ; nous pourrons nous reposer et faire notre toilette pendant ces huit jours... »

On apprend aussi qu’il a été cité à l’ordre du jour mais aussi que, le 28 janvier, une explosion d’obus l’a rendu sourd pendant quelques jours.

19 février 1916 :

Toujours pas de permission pour le soldat Theureau ; au contraire, il se trouve à nouveau sur le front. :

« ..Je suis toujours aux tranchées, à vingt mètres environ des boches ; en ce moment c’est très dur, le mauvais temps tous les jours et les tranchées sont pleines d’eau ; par endroits nous en avons jusqu’au ventre, c’est dur mais malgré tout il ne faut pas nous décourager, les beaux jours viendront peut-être bientôt »

2 mars 1916 :

Une nouvelle fois, Nicolas se trouve en première ligne et griffonne une courte lettre presque illisible :

« En ce moment je suis aux tranchées depuis deux jours. Les boches commencent à redevenir tranquilles ces jours-ci ; ils reçoivent la piquette et subissent de lourdes pertes ; à souhaiter qu’ils soient tous exterminés et que nous puissions rentrer chacun chez soi et être heureux après avoir enduré toutes sortes de souffrances. Pour moi ce sera bientôt fini cette guerre car ils tentent un peu partout et n’arriveront pas à percer, au contraire »

 

Ces lignes reflètent-elles l’état du moral des troupes à ce moment de la guerre ou ce qu’il veut donner comme impression à ses parents... ? De furieuses batailles sont encore à venir.

5 mars 1916 :

Le soldat Theureau est en première ligne depuis plusieurs jours ; il confie à ses parents de nouvelles perspectives sur la durée de la guerre :

« Il est vrai qu’en ce moment de fortes batailles se déroulent sur notre droite ; nous avons eu de la veine, espérons que nous l’aurons jusqu’au bout. Les boches mènent une certaine activité mais ils ne perceront pas, j’en suis sûr.

Ne vous tourmentez pas, je ne m’exposerai que lorsqu’il sera extrêmement nécessaire »

Ces dernières lignes montrent les tentatives du jeune soldat pour apaiser un peu l’angoisse de ses parents. Il le fait dans chacune de ses lettres.

10 mars 1916 :

Cette lettre contient le texte de la citation que doit recevoir le jeune homme :

« A toujours fait preuve de courage et de mépris du danger depuis son arrivée au front, notamment au cours d’une attaque à laquelle il a participé. »

16 mars 1916 :

Au moment de remonter à nouveau en première ligne, Nicolas remercie ses parents :

« ... Je les reçois juste au moment de partir, ces dix francs me serviront si j’ai le bonheur de redescendre au repos, espérons-le, dans huit jours ; en ce moment il se mène une certaine activité »

 

A la fin de la lettre, il essaie d’être ironique :

« ... Bon courage et pas de tourments surtout. Hein ! Moi je ne m’en fais pas, toujours le même poilu !... »

21 mars 1916 :

« ... En ce moment je suis aux tranchées, en première ligne ; nous sommes sérieusement bombardés. Malgré tout, je continue de ne pas m’en faire, d’ailleurs vous le savez bien cela ne sert à rien du tout.

Nous venons d’avoir notre fourrier tué d’une balle au ventre.

Je vous remercie pour les dix francs ; j’ai employé cinq francs pour acheter deux tablettes de chocolat, un camembert et un pot de confiture pour manger pendant mon séjour aux tranchées car nous ne mangeons que la nuit ; le jour les cuisiniers ne peuvent pas monter sans être bombardés et nos boyaux sont en partie démolis. Nous mangeons à 3 heures du matin et à 8 heures du soir. Que voulez-vous ? A la guerre comme à la guerre, nous sommes bien obligés d’y prendre. Ne vous tourmentez pas, j’en serais heureux »

27 mars 1916 :

L’unité dans laquelle Nicolas combat change de secteur :

« ... Nous devons partir d’un moment à l’autre sûrement pour une chose sérieuse. Je vous le répète, ne vous en faites pas, je viens d’être épargné par les balles, elles m’épargneront bien encore.

... Mon père doit être heureux de travailler le jardin. Moi je serais heureux de pouvoir le faire, vous pouvez me croire ! J’aurais encore moins de peine que j’en ai actuellement ! »

31 mars 1916 :

Dans cette lettre, on apprend que le 167e Régiment d’Infanterie dans lequel il est incorporé s’est déplacé dans les environs de Lunéville.

29 mai 1916 :

Il semble que le régiment soit au repos.

En effet la missive nous indique que Nicolas Theureau a reçu la Croix de Guerre et que les copains lui ont demandé d’arroser l’événement. Evidemment, le moral est un peu meilleur...

Il a également obtenu, enfin, une permission et en profitera pour se faire photographier à Montceau.

2 juillet 1916 :

Lettre poignante... La voici dans sa presque intégralité :

« Mes biens Chers Parents,

Deux mots pour vous donner de mes nouvelles qui sont toujours très bonnes mais aussi fatigué d’une longue marche que nous venons d’effectuer sous un soleil ardent ; enfin tout s’est bien passé pour moi, je n’ai pas calé ; sachez d’abord que votre fils est un as pour la marche...

En ce moment, comme je vous l’ai dit hier nous entrons dans une nouvelle phase de la guerre qui, je crois, ne sera pas des plus douces pour nous. Nous sommes tout près de Verdun et quand vous recevrez ma lettre je serai aux tranchées ; je ne m’en fais pas une miette malgré que je pense très souvent à vous et, croyez-le, je vous aime plus que jamais vous ne l’avez cru ; j’ai été quelque peu volage mais j’espère que vous m’en pardonnerez et si jamais il m’arrivait un malheur votre consolation sera celle-ci que votre fils aura fait son devoir, oui, tout son devoir et non un lâche comme d’autres, et ce que je vous demande surtout c’est d’ouvrir l’oeil quant à mon violon.

Je l’ai promis à ma Victorine, vous lui laisserez et l’avertirez surtout. J’espère que je passerai au travers comme par le passé ou bien, ce qui serait à souhaiter c’est que j’attrape une blessure comme il y a un an.

Ne soyez pas surpris si vous êtes quelques jours sans recevoir de mes nouvelles ; quant à moi voici six jours que je n’en ai pas ; écrivez-moi souvent, très souvent.

Vous embrasserez la grand’mère Bernard et la grand’mère Theureau ainsi que le parrain pour moi, et toute la famille.

Ne vous tourmentez pas et bon courage.

Votre fils qui vous aime et vous embrasse de ses meilleurs baisers.

Nicolas »

Si Nicolas Theureau a obtenu la Croix de Guerre, si cette permission si longtemps espérée est arrivée pour lui et probablement pour ses camarades engagés sur le front, c’est vraisemblablement que les autorités militaires avaient désigné le 167e Régiment d’Infanterie pour être engagé avec d’autres dans la défense de la place forte de Verdun ; il fallait donc gonfler le moral des troupes avant la terrible épreuve.

 

En écrivant cette lettre le 2 juillet, le jeune homme sait où il va ; il passe en revue tous les instants de sa jeune vie et en lisant ces lignes nous pouvons clairement nous rendre compte qu’il fait son testament. Et il n’a pas encore vingt-trois ans !

 

 

4 et 5 juillet 1916 :

Deux nouveaux courriers parviendront à ses parents, datés des 4 et 5 juillet 1916 : le jeune homme répète à ses parents qu’il monte en première ligne.

Voici donc Nicolas engagé dans l’enfer de Verdun. Le courage des troupes françaises fera que les Allemands ne réussiront pas à enlever la place forte ; mais au prix de quels sacrifices de part et d’autre.

Au cours de ces jours sanglants, Aucune nouvelle de Nicolas ne parvient aux siens.

 

Que s’est-il donc passé en ce début de juillet 1916 ?

 

A Montceau, sans nouvelles de leur fils depuis un mois, les parents de Nicolas sont morts d’inquiétude. Le 2 août 1916, ils écrivent au Comité International de la Croix Rouge à Genève, organisme chargé de rechercher les soldats dont on a perdu la trace au cours des combats.

 

Un peu avant le 15 août, la famille reçoit une carte partie le 10 de Genève : le texte est pré-imprimé et indique que le Comité de la Croix Rouge communiquera les renseignements demandés concernant le soldat Theureau aussitôt que possible.

 

 

 

 

 

Le 23 août 1916 :

Ce même Comité confirme qu’à la date de ce jour le nom du disparu ne figure pas sur les listes des prisonniers, des blessés ou des décédés qui sont envoyées régulièrement par les gouvernements allemand, autrichien, bulgare et ottoman. Les recherches continuent.

 

 

Enfin arrive une carte ! C’est une carte postale militaire allemande sur laquelle Nicolas indique ce qui suit : Deux mots pour vous dire que je suis prisonnier de guerre, non blessé, en bonne santé ? Ne vous tourmentez pas. Dites-le à Victorine. Je vous embrasse tous du plus profond de mon coeur.

Nicolas

 

Cette carte, est datée du 16 juillet 1916 mais est partie du camp de prisonniers de Wahn le 27 du même mois, puis a subi la censure et les contraintes du trajet compliqué entre l’Allemagne et la France. Elle porte également un cachet violet qui semble indiquer son passage auprès de l’autorité militaire française.

 

Pour les parents, la joie immense de savoir leur fils vivant est à peine atténuée par un second cachet rouge qui ordonne en français : Ne pas répondre à Wahn, attendre des indications ultérieures.

 

Le prisonnier écrira de nombreuses cartes au départ de ce camp, sans toutefois donner d’adresse précise. En outre, ces cartes réservées à la correspondance des prisonniers de guerre en Allemagne subissaient toujours d’énormes retards ; par exemple l’une d’elles, écrite le 28 août (date indiquée en en-tête), a été oblitérée au camp de Wahn le 5 octobre.

10 septembre :

Enfin, sur une nouvelle carte écrite le 10 septembre, le jeune homme transmet son adresse.

Après les habituels ralentissements subis en cours de route, elle n’arrivera probablement à Montceau qu’à la fin d’octobre. Sur cette carte Nicolas écrit :

« .. En ce moment je ne suis toujours pas malheureux et travaille aux champs. Ecrivez-moi mais ne m’envoyez rien, je n’ai besoin de rien… »

2 octobre 1916 :

Une nouvelle carte postale datée du 2 octobre 1916 indique :

« ... Je vous dirai que j’ai reçu votre carte du 19 août ; elle m’a produit une joie profonde de savoir que vous étiez renseignés sur mon sort car vous avez dû être inquiets. Ne vous inquiétez plus, tout va pour le mieux... »

 

Cette correspondance montre la lenteur qui affecte également le courrier au départ de France et adressé aux prisonniers en Allemagne ; la carte des parents Theureau a mis environ quarante jours pour lui parvenir.

On dispose donc de nombreuses cartes du prisonnier dans lesquelles il affirme qu’il n’est pas malheureux et recommande à ses parents de ne pas se faire de soucis pour lui.

 

Evidemment, malgré ses recommandations, ses parents lui envoient de nombreux colis qui ne parviennent jamais à destination.

Il faut dire que Nicolas vient d’être déplacé et se trouve depuis peu dans un autre camp de prisonniers, à Giessen, ville de Hesse, à soixante kilomètres au nord de Francfort-sur-le-Main.

Il n’y restera que peu de temps et sera dirigé à nouveau vers un autre camp à Stralkowo, près de Posen, ville de Poznanie, qui deviendra polonaise à la fin du conflit sous le nom de Poznan.

Le 10 décembre :

Il indique son adresse : Nicolas Theureau, matricule 457, 1er Bataillon, Camp de Stralkowo près de Posen.

Le régime militaire des camps de prisonniers semble s’assouplir un peu ; ainsi lettres et colis arrivent un peu plus régulièrement et les correspondances par lettres sous enveloppes sont tolérées.

Nicolas semble travailler à l’extérieur du camp mais réclame assez fréquemment l’envoi de vêtements chauds pour se protéger des rigueurs du climat de la région.

 

Les fêtes de fin d’année approchent et la perspective de les passer loin de chez lui provoque une baisse sensible du moral. Les lettres suivantes des 16 et 31 décembre en sont le témoignage : celle du 16 décembre n’a été traitée à la Poste de Stralkowo que le 9 janvier 1917 ; celle du 31 décembre ne l’est que le 17 janvier.

La lenteur de transmission de ces correspondances, probablement voulue par les services allemands, contribuait à saper le moral des prisonniers.

 

Voici des extraits de ces deux lettres :

« ... Envoyez-moi régulièrement des colis et mettez-y ce que vous jugerez qui me sera le plus utile et le plus nourrissant, chaussettes, chocolat, lait, fromage, sucre, pâtes, pâtisserie, sel et poivre. Je vous en serai reconnaissant. ... Ecrivez-moi souvent. Je termine en vous souhaitant bonne année et bonne santé et, surtout, pas de tourments, ça ira jusqu’au bout… »

 

« ...Puisse l’année 1917 nous apporter des jours meilleurs, c’est ce que nous espérons tous ; oui, nous serions tous bien enchantés de la disparition de toutes ces plaintes, de tous ces tourments et inquiétudes ; oui, nous espérons que cette année, enfin, nous amènera la paix et la liberté... Je demande à Dieu qu’il vous garde tous en bonne santé ; quant au reste, tout ira pour le mieux... Ecrivez-moi aussi souvent que vous pourrez cela me ferait tant plaisir... »

 

 

C’est le premier Nouvel An que Nicolas passe en captivité et ces lettres nous indiquent que son moral est vraiment atteint. Heureusement les colis vont arriver...

 

5 janvier 1917 :

Nicolas a reçu trois colis dont deux de Mâcon ; en effet, avec l’aide de la Chambre de Commerce, l’Oeuvre des Prisonniers de Guerre de Saône-et-Loire seconde les familles afin d’adoucir les conditions de vie des militaires prisonniers.

3 février 1917 :

Carte postale de la Croix Rouge de Genève adressée à Monsieur Theureau père :

 

 

 

 

Ainsi, après de longs mois de recherches, dues au nombre très important de soldats tués, disparus, blessés ou prisonniers, la Croix Rouge a retrouvé sur les listes qui lui sont adressées le nom de Nicolas Theureau et en informe son père. Cette carte nous apprend que le soldat a été fait prisonnier à Fleury, village disparu de la carte de France après avoir été le théâtre de terribles affrontements à plusieurs reprises.

C’était le 11 juillet 1916 : Nicolas fut donc l’un de ces héroïques défenseurs du petit village meusien situé devant Douaumont et qui, dit-on, changea dix-sept fois de mains entre le 20 juillet et le 18 août 1916.

 

A ce sujet, laissons quelques instants les tribulations de notre jeune Montcellien pour citer un texte de M. Limoges, dans le Courrier de Saône-et-Loire du dimanche 13 juillet 1986, commémorant le 70e anniversaire de cette terrible bataille.

L’histoire de France a conservé en mémoire l’âpreté de ces heures tragiques : Lorsque dans les derniers jours de juillet 1916, trois régiments français reçurent l’ordre de reprendre le village sis à quatre kilomètres au nord de Verdun, les deux artilleries française et allemande évitèrent de bombarder Fleury, non par souci d’humanité, mais parce que les lignes des combattants et adversaires étaient trop proches les unes des autres et, en certains endroits, entremêlées.

Lorsque le village fut définitivement reconquis par les Français, il ne restait debout à Fleury qu’un surgeon de noisetier ou d’ormeau et, d’intact, que la cloche de l’église... au sol !

22 mars 1917 :

Carte de l’Oeuvre des Prisonniers de Guerre de Saône-et-Loire. Cette association dispose dans tout le département de nombreux membres qui se chargent de préparer les colis destinés aux prisonniers. L’Oeuvre annonce qu’elle a adressé à Theureau

Nicolas un pantalon, une capote et un képi.

Cette carte est adressée au maire de Montceau avec prière d’en avertir la famille.

 

20 avril 1917 :

Nicolas exprime son bonheur : il vient de recevoir une photo de ses parents qu’il n’a pas vus depuis sa dernière permission, près d’un an auparavant :

« Mes biens chers Parents aimés,

Oh ! Grande est ma joie en ce moment. J’ai reçu votre photo, cela m’a fait beaucoup plaisir ; je vous félicite de la bonne posture que vous avez tous les deux et vous remercie infiniment d’avoir pensé à cela. Je pourrai donc vous admirer, ainsi que Victorine, dans mes jours de cafard, cela me distraira et me soulagera beaucoup... »

Victorine est la fiancée de Nicolas. Nous savons par des lettres précédentes qu’elle rend de fréquentes visites à ses parents. Il possède aussi une photo d’elle...

10 mars 1917 :

Cette missive nous apprend la blessure du frère de Victorine : il a reçu un éclat d’obus et est hospitalisé ; une nouvelle famille est touchée par cette guerre. A la fin des hostilités la presque totalité des familles de France seront meurtries par ce conflit.

31 mai 1917 :

Le jeune prisonnier ne reçoit plus de conserves. Il pense qu’elles sont ouvertes et détruites par les autorités de censure ; par contre il réclame des vêtements, des chaussures et un képi rouge (?). Il écrit également : Ici il commence à faire chaud ; je travaille chez un prêtre et, en travaillant, on n’est pas trop malheureux...

15 août 1917 :

Nicolas s’est blessé au pied avec sa fourche et devra observer quelques jours d’arrêt de travail. Il s’intéresse à la langue allemande :

« ... Maintenant je me débrouille assez bien ; je parle assez bien l’allemand et un peu le polonais, rien n’était plus désagréable pour moi d’entendre parler et de ne pas comprendre. Ici on apprend très vite... »

 

A partir de cette date il y a une lacune de près d’une année dans la correspondance du prisonnier.

Nous sommes maintenant le 7 juin 1918 :

Monsieur J.-M. Theureau adresse une lettre à son fils. Entre autres nouvelles, l’envoi du 82ème colis (!), dont le père énumère le contenu. Tous ces envois représentent évidemment de grands sacrifices pour la famille. Dans ce cas particulier, trois ou quatre colis par mois pendant une période de deux ans. Il est certain que beaucoup de prisonniers français n’ont pas été aidés de cette façon dans leur malheur.

Cette lettre a été minutieusement inspectée par la censure allemande : elle porte les marques d’un produit violacé et l’intérieur de l’enveloppe lui-même a été badigeonné par endroits de ce produit, sans doute pour révéler un éventuel texte clandestin invisible à l’oeil nu.

19 novembre 1918 :

Lettre de Victorine à son fiancé toujours prisonnier. La jeune fille est toute à sa joie et à son bonheur de lui annoncer la signature de l’Armistice.

Cependant cette lettre n’ira pas bien loin : l’enveloppe porte le cachet postal du 19.11.1918 au départ de Montceau-les-Mines mais également la griffe « Retour à l’envoyeur », les échanges de courrier entre la France et l’Allemagne étant suspendus dans l’attente d’une situation normalisée.

 

22 décembre 1918 :

Carte postale de Nicolas expédiée de Mutzig en Alsace reconquise et portant un cachet postal français du 24 décembre. La voici dans son intégralité (sans quelques mots illisibles) :

« Mes biens chers Parents,

Me voici revenu français maintenant. Je suis rapatrié du 20. Nous sommes arrivés à Strasbourg en bonne santé. Vous parlez d’une joie que j’ai ressentie en passant le Rhin. Quand j’ai ..... les zouzous (?)...... ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai compris la réalité.

Soyez persuadés mes chers parents que je suis réellement heureux. Je suis à Mutzig, à 20 kilomètres de Strasbourg ; je j’y resterai pas longtemps et me dirigerai sur Chalon-sur-Saône, de là en permission pour un mois et demi.

Je pense qu’au jour de l’an je serai près de vous ; ne vous en faites pas, je suis en bonne santé et espère que vous aussi ainsi que Victorine. Bonjour à tous et à bientôt.

Votre fils pour la vie.

Nicolas »

 

Enfin à la fin de décembre, le jeune homme va revoir sa famille et sa bonne ville de Montceau où il séjournera effectivement un mois et demi en permission avant d’être convoqué vers le 12 février 1919 à Chalon-sur-Saône pour y être incorporé au 56e Régiment d’Infanterie cantonné à la caserne Carnot.

 

13 février 1919 :

Dans cette carte postale, Nicolas parle d’un exercice (?) : ... un exercice qui ne devrait pas être très dur, mais enfin il ne faut plus qu’un peu de patience.

 

Il ne restera pas longtemps à Chalon-sur-Saône... En effet :

27 février 1919

« Mes biens chers Parents,

Me voici encore une fois dans un autre truc à Dijon depuis mardi soir dans une compagnie d’autos du 8ème Train des Equipages. Nous ne resterons pas ici ; j’irai à Orléans, probablement ; mais avant de partir j’irai certainement en permission de dix jours à laquelle j’ai droit.... Quant à moi tout va très bien.

A bientôt..... »

 

Dijon 31 mars 1919 :

Nicolas vient d’effectuer la permission de dix jours qu’il prévoyait et il est rentré à Dijon. Il a touché sa ration de tabac mais, comme il ne fume pas, il informe ses parents de l’envoi de deux colis de cinq paquets de tabac. ....cela aurait fait un colis trop gros.

Cette correspondance est oblitérée d’un cachet violet du 8ème Escadron du Train des Equipages - Dépôt.

 

24 avril 1919 :

Encore un changement d’affectation pour Nicolas : Je m’attends à partir tous les jours, ma Compagnie étant dissoute le 29 ; il en part tous les jours un peu partout, tous des professionnels aux armées ; sûrement je serai du nombre et j’en suis très affligé car je me trouvais bien ici.

Que voulez-vous ?

Dans ce métier-là on est obligé d’écouter. Espérons vivement dans la libération prochaine.

On en vient à penser que le jeune homme doit effectuer maintenant son service militaire en tant qu’appelé sous les drapeaux.

Parmi cette correspondance entre le soldat Nicolas Theureau et ses parents, nous avons trouvé une enveloppe sans correspondance datée du 7 mai 1919, sur laquelle l’expéditeur a indiqué son adresse : Theureau Nicolas, automobiliste, TM 175, Schlestadt, Alsace. Schlestadt est l’indication allemande de la ville de Sélestat dans le département du Bas-Rhin. Nicolas, après Dijon, se trouve en Alsace.

8 mai 1919 :

A Sélestat le moral est bien meilleur et les mauvais moments de la guerre et de la captivité sont oubliés. Dans cette lettre plaisante le soldat fait la relation de deux incidents qui l’ont perturbé :

« ... Pour moi tout va bien à part un abcès qui m’est venu à la moustache ; j’en souffre énormément mais j’espère que d’ici deux ou trois jours ça ira mieux. N’empêche que j’ai une tête comme une citrouille et peut-être serai-je obligé de me raser les moustaches, chose qui me contrarierait beaucoup car j’aime beaucoup mes bacchantes... J’ai été quelquetemps privé de nouvelles de Victorine et j’ai écrit deux lettres quelque peu nonchalantes ; j’ai eu peur de l’avoir un peu fâchée. Non ce n’est qu’un manque de ma part puisque maintenant je reçois journellement ses lettres.

.... Que voulez-vous ? Je l’aime et j’étais trop malheureux d’être privé de ses nouvelles... »

 

21 mai 1919 :

L’épisode des moustaches n’est pas terminé :

« ... Tout va bien pour moi ou à peu près ; mon abcès est à peu près guéri ; on voulait me raser les moustaches mais je n’ai pas voulu et ça guérit tout de même ; je préfère souffrir un jour de plus et conserver mes moustaches. Je recommence mon service et vais partir dans un moment avec le Général Jacquemond pour Strasbourg, peut-être plus loin je ne sais pas... Envoyez-moi de l’argent ; ce n’est pas que j’en manque, non, mais je veux avoir un pécule nécessaire dans le fourbi que je fais, il peut arriver que j’en aie besoin. »

En quoi consiste le fourbi que fait Nicolas Theureau ? Dans le langage militaire, Nicolas était tringlot, c’est-à-dire soldat du Train des Equipages et l’armée faisait piloter aux soldats toutes sortes de véhicules : des voitures automobiles transportant généraux et officiers, des camions convoyant du matériel pour les troupes d’occupation de la Rhénanie après les hostilités.

 

Nicolas ne s’était pas trompé en disant qu’il irait peut-être plus loin que Strasbourg puisque la lettre suivante vient d’Allemagne.

9 juin 1919, Speier (Spire) :

Le soldat Theureau étant mécanicien - rappelons-nous ses débuts dans cette profession, à Chalon, avant son départ au service militaire -, on lui demande de changer de qualification :

« ... Comme je vous le dis je suis passé dépanneur après avoir passé un essai ; je suis parti lundi matin et n’est rentré que ce soir ; j’ai dépanné trois voitures à 140 kilomètres d’ici dans la région de Metz. Je ne suis plus sur une belle voiture comme autrefois, j’ai un gros tracteur pour pouvoir arracher les voitures quand elles sont dans les ravins ; c’est un bon filon, je me fais quarante sous de prime plus mon prêt ; je n’ai pas beaucoup de bénéfice mais je vis bien et ne m’en fais pas...... D’ici quinze jours je serai parmi vous peut-être ; je vous avertirai dès que possible..... »

5 août 1919 :

Nicolas est toujours à Spire et il se débrouille bien en allemand. Mais le métier de militaire commence à lui peser et c’est bien normal après plus de cinq ans de carrière militaire !

« Je vous dirai aussi que pour ce milieu militaire ça commence à se tirer ; si je ne me trompe pas, d’ici 27 jours je serai civil ; je m’en réjouis et Victorine aussi.... »

13 août 1919 :

La démobilisation est proche et cela se manifeste encore dans cette lettre dont voici un passage :

« ... Quant à moi tout va bien ; j’ai roulé hier et ce matin et cet après-midi je veux aller pêcher dans le Rhin ayant une dernière journée de repos ; je vous tiendrai au courant de ma pêche ! Ne vous tourmentez pas pour moi... Je termine pour aujourd’hui ; à bientôt et c’est du 17 demain !

Bonjour à tous.

Votre fils qui vous aime.

Nicolas »

Cette lettre est la dernière en notre possession.

 

 

 

 

 

Nicolas Theureau a retrouvé la vie civile aux alentours du 31 août 1919, comme il l’espérait dans ses dernières lettres. Lui-même, ses parents et sa fiancée ont pu enfin profiter de leur bonheur après les douloureux évènements vécus par le soldat et les terribles inquiétudes ressenties par ceux qui étaient restés à l’arrière.

 

Si l’on se réfère aux lettres du jeune homme lorsqu’il travaille à Chalon-sur-Saône, son départ pour le service militaire obligatoire peut être situé à la fin de 1913 ou au début de 1914 au plus tard. Sa carrière aux armées s’est donc déroulée de la façon suivante :

1. Service militaire : début 1914 à juillet 1914 7 mois

2. Guerre 1914-1918 : 1-8-1914 à 11-7-1916 1 an 11 mois 11 jours

3. Captivité : 12-7-1916 à 31-12-1918 2 ans 5 mois 20 jours

4. Service militaire : 1.1.1919 à 31-5-1919 5 mois

5. Troupes d’occupat. : 1-6-1919 à 31-8-1919 3 mois

 

Ce qui représente une durée totale de 5 ans 8 mois et peut-être quelques semaines de plus si son départ au service militaire se situe à la fin de 1913.

 

Nicolas Theureau a donc été absent de « ses foyers », comme disent les militaires, durant près de six années pendant lesquelles il a été gravement blessé en tant que soldat, il a subi des vexations de toutes sortes en tant que prisonnier de guerre. Il n’a bénéficié que de quelques rares permissions et a obtenu une décoration méritée avec citation pour sa bravoure au combat.

Un petit peu de baume au coeur au milieu de tant de « misères ».

Il est rentré chez lui à vingt-six ans gardant au coeur le triste souvenir de près de six années de sa vie gâchées et la légitime fierté d’avoir défendu sa patrie. Il a eu beaucoup de chance si l’on considère le nombre effroyable d’hommes de toutes nations qui ont perdu la vie lors de cette terrible confrontation appelée la « Grande Guerre »

 

Je remercie chaleureusement mon ami Roger Triboulin pour sa collaboration.

André PIERRE

 

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