Publication : octobre
2008
Mise à jour : novembre
2022
Lucien TORCHEBOEUF en 1918 au 32ème régiment d’artillerie de
campagne
Merci à Alain, pour le carnet de son grand-père.
Merci à Dominique, Brice et Christophe pour la recopie du
carnet.
Merci aussi à Philippe S. pour la vérification du récit et le temps
passé sur certaines recherches.
A la suite de la publication de ce carnet en 2008,
un internaute, Louis Sylvain (par l’intermédiaire de Michèle T.), s’est
manifesté. Contact très intéressant car son grand-père, Louis LECOMTE, lui
aussi était à la 9ème batterie du 32ème RAC comme chef de pièce. Louis-Sylvain
et Alain se sont téléphonés puis rencontrés fin 2014…
« Cerise sur le
gâteau », Louis Sylvain possède ses 11 carnets
de guerre…qu’il m’a autorisé à les publier sur mon site.
Le 32e RAC mobilise en août 1914 :
3 groupes d’artillerie à 3 batteries (1 batterie = 4 canons) qui
constitue l’artillerie de la 38ème division d’infanterie. Cette
division regroupe aussi 5 régiments d’infanterie de zouaves et de tirailleurs
africains.
Tous les récits d’artilleurs, comme celui de Lucien TORCHEBOEUF,
utilise des termes propres à l’artillerie, comme " batterie ", "
groupe ", " échelon ", " pièce ", " avant-train
" , pour comprendre ses termes, allez voir sur mon site ici.
Nous avons ajouté du texte en bleu pour la
compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du
récit.
Minuit : Alerte et départ aussitôt. Nous
traversons plusieurs petites villes dont nous ne pouvons lire les noms. Il fait
nuit noire. Le grondement sourd et continu du canon semble se rapprocher
sensiblement. Nous traversons Walcourt. Le jour commence à poindre.
4 heures et demie : Nous arrivons à Somzée,
petite ville à 10 ou 12 kilomètres au sud de Charleroi.
Dans la matinée du 22, mise en
batterie des pièces derrière le village à l’abri d’une petite crête. Presque
aussitôt, un avion allemand survole les positions et jette deux bombes qui blessent deux
civils. Il est salué par une vive fusillade et prend la fuite. (*)
11
heures : Un long cortège
de vieillards, de femmes et d’enfants débouche du côté du Chatelet.
Hâves, exténués, couverts de poussière,
ils fuient en pleurant.
Triste et lamentable spectacle
!
La canonnade est plus
distincte. On voit au loin des colonnes de fumée noire qui s’élèvent.
A la tombée de la nuit, nous voyons
passer les débris des 74ème, 36ème, et
129ème d’infanterie. Le canon cesse un peu. Nous couchons sur nos positions.
(*) : L’avion est aussi signalé sur le carnet de guerre de Louis
LECOMTE :
« Vers
9h un monoplan allemand apparait mais il est si élevé que les tirs dirigés
contre lui sont nuls. Quelque temps après c’est un monoplan français qui vient
planer au-dessus de nos têtes pour se diriger vers les lignes ennemies »
5
heures du matin : réveil,
silence complet.
9
heures : la première
section de la batterie reçoit la mission d’appuyer un bataillon de zouaves qui
est en poste avancé.
Extrait du journal des marches et opérations (JMO) du 32ème
régiment d’artillerie
11
heures : je suis envoyé en
reconnaissance, comme éclaireur, au-devant des lignes allemandes. Arrivé à 600
mètres, on envoie un cycliste pour me donner l’ordre de me replier.
Premier coup de canon ennemi
(77 mm).
2
heures de l’après-midi :
Nous anéantissons un groupe d’artillerie allemande qui est à découvert sur la
lisière d’une forêt. Les marmites commencent à pleuvoir.
3
heures : la canonnade
augmente d’intensité. Fusillade sur notre gauche.
4
heures : véritable pluie
de fer, les marmites éclatent avec un bruit assourdissant.
4
heures et demie : Le feu
des batteries ennemies va croissant. Nous recevons l’ordre de nous replier.
Nous marchons une partie de la nuit et faisons une courte halte à Sivry.
Nous partons avant le lever du jour
et marchons une partie de la matinée. Nous commençons à faire usage de vivres
de réserve.
11
heures : Mise en batterie.
On signale les uhlans et nous
devons nous retirer sans tirer un coup de canon. Il y a un petit moment de
panique.
Tout le monde se bouscule en
fuyant. Il y a un peu de tous les régiments mélangés.
La division a ordre d’aller se
reformer à Sautain. C’est peut-être la seule qui ait
des données précises sur son point de ralliement.
Nous nous replions encore.
Nous sommes harassés, ne
comprenant rien à cette surprenante retraite.
Nous continuons à nous replier,
canonnés de près.
11
heures : Nous faisons
halte dans un petit bourg : Larouillies.
Au moment où nous disposons à
manger, on signale encore des uhlans. L’instant est critique. La panique est à
son comble. Nous abandonnons tout : plats, marmites, dîner.
On nous fait mettre revolver au
poing et une pièce est braquée sur le milieu de la route. Nous attendons ainsi
quelque temps et à la faveur de la nuit nous nous replions encore. (*)
(*) : La panique est aussi signalé sur le carnet de guerre de
Louis LECOMTE :
« Grand
branlebas, on court en tous sens et l’on s’affole beaucoup trop. Une pièce est
mise en batterie. Les batteries de tir rompent le parc. Les échelons se
flanquent contre les haies, revolver au point. Les servants en tête et en queue
de la colonne.
Des
détachements de Zouaves s’avancent sur la route. Bientôt nous rompons le parc
cet nous retirons vers La Capelle. Un petit engagement a lieu avec un
détachement de cavalerie allemande.
Nous leur
faisons quelques tués et blessés, mais n’ont-ils pas eu le courage de
s’approcher derrière une colonne d’émigrés. Néanmoins ils se retirent. »
Nous reculons toujours et
entrons dans le département de l’Aisne.
Nous suivons la vallée de l’Oise le long de laquelle
d’importants travaux ont été effectués.
Nous arrivons à Sissy à 12 km de Saint-Quentin.
Nous avons comme mission d’interdire la traversée de l’Oise à
l’ennemi. La bataille est violente et le soir, nous nous replions sous une
pluie d’obus de tous calibres.
Ribemont : L’infanterie défends
l’accès des ponts aux Prussiens.
Vers
le soir, la situation est
la même que la veille. La position est devenue intenable. Nous devons
l’abandonner.
Nous incendions une ferme dans
laquelle on a découvert du ravitaillement de bouche dont pourrait profiter
l’ennemi.
Nous poursuivons notre
mouvement de retraite. Nous cantonnons à Renansart.
Pillage de l’économat. Nous
mourrons de faim et de fatigue.
La division a parait-il l’ordre
d’aller se reformer sous les murs de Laon.
2
heures de l’après-midi :
Nous avançons difficilement sous une chaleur accablante.
Des sections de munitions et de
ravitaillement, des convois de toutes sortes encombrent les routes. Nous
cantonnons à Saint-Marcel-Sous-Laon.
3
heures et demie : Rangés
en colonne sur la banquette de la route, nous attendons ainsi jusqu’à 6 heures.
La division recule encore. Nous
traversons l’Aisne.
Le génie s’apprête à faire
sauter les ponts derrière nous.
L’ennemi nous serre de près. Nous nous
inquiétons de ses progrès constants.
Nous quittons le département de
l’Aisne, nous entrons dans la Marne. Le génie pose des pétards sur les ponts
pour les faire sauter. On fait activer la traversée des convois.
Nous sommes d’arrière-garde et
recevons la mission d’appuyer la retraite de quelques bataillons d’infanterie
qui n’ont pas encore franchi la rivière.
La retraite s’accentue de plus
en plus et prend les proportions d’une déroute effroyable. Les chevaux ne
peuvent plus avancer et tombent comme des mouches. Des fourgonniers
vident sur la route le contenu de leurs voitures pour s’alléger. Des
conducteurs de caissons de 155
abandonnent des projectiles.
Sur la route, il est défendu,
sous peine de mort, de couper une colonne en marche, défendu aussi aux
conducteurs de voitures : caissons, fourgons, chariots de parc de trotter.
La prévôté (maréchaussée)
veille à l’exécution de ces ordres. Je vois un capitaine de gendarmerie
flanquer deux balles de revolver au conducteur d’un fourgon qui a trotté une
dizaine de mètres pour rejoindre sa colonne.
Un de ses chevaux est tué.
Nous sommes attaqués de trois
côtés à la fois.
Montmirail : Les troupes du
camp retranché de paris sont déployées dans la plaine au-dessus de la ville et
creusent hâtivement des tranchées (de simples fossés).
Nous traversons Montmirail. La
ville est déserte, toutes les maisons sont closes.
Nous sommes séparés des
batteries et ignorons totalement la direction qu’elles ont prise.
Le régiment est sectionné en
plusieurs morceaux. Nous marchons une
partie de la nuit et faisons une halte de quelques heures à l’orée d’un petit
bois.
A
la pointe du jour, nous
rencontrons une patrouille de cuirassiers qui nous donne des renseignements sur
la direction à prendre.
Départ. On ne sait plus
l’heure.
Dans
la matinée, nous
retrouvons les batteries par hasard et nous reprenons notre place dans la
colonne. Nous marchons une partie de la journée. Chaleur épouvantable et pas
d’eau.
Nous allons camper tout près de
Saint-Brice, à 3 km de Provins. Il est 5 heures du soir.
Au matin, la division se groupe
dans la plaine. Nos officiers nous font prendre connaissance du fameux ordre du
jour du général Joffre. (*)
10
heures : La bataille bat
son plein.
Nous entendons distinctement le
crépitement de la fusillade et le grondement sourd et ininterrompu du canon.
Nous sommes aujourd’hui troupe
de réserve.
4
heures du soir : Une
estafette vient annoncer que l’ennemi faiblit, que la 6ème de ligne a pris
quatorze canons et une automitrailleuse et que les Anglais ont réoccupé
Montmirail.
La nouvelle est accueillie avec
joie. Nous oublions toutes nos fatigues et nos malheurs des jours précédents.
A la faveur de la nuit, nous
avançons de quelques kilomètres pour nous tenir à portée des régiments de 1ère
ligne. Canonnade à Saint-Martin-des-Champs près de La Ferté-Gaucher.
(*) : «Au moment où
s'engage une bataille dont dépend le sort du pays, il importe de rappeler à
tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être
employés à attaquer et à refouler l'ennemi. Une troupe qui ne peut plus avancer
devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place
plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne
peut être tolérée.»
Nous attendons la nuit pour
progresser de quelques kilomètres.
Nous sommes toujours en
réserve.
Nous poursuivons notre
mouvement en avant et nous allons bivouaquer près d’une ferme dont nous
ignorons le nom.
5
heures du soir : un orage
d’une violence inouïe éclate au-dessus de nos têtes. Les éclairs se succèdent
sans interruption. On dirait que les éléments du ciel se sont déchaînés pour
s’ajouter à l’infernale bataille qui se poursuit avec une rage croissante.
Pendant quelques instants, on
ne distingue plus le bruit du canon parmi le grondement du tonnerre.
(*) : Selon le JMO, la ferme dont il ignore le nom était soit le
Bois Roulois, soit, à côté, Les Grandes Brosses. Voir
la carte.
Nous reprenons au matin notre
marche en avant.
Nous traversons le petit bourg
de Fontenelle à la sortie duquel on peut voir les traces d’un sérieux
engagement.
De nombreux cadavres qui gisent
encore pêle-mêle dans les poses diverses où la mort les a surpris en attestent
la violence. Nous quittons un instant le chemin pour éviter les morts qui
l’obstruent et on nous fait présenter les armes au passage. Les terres sont
détrempées par la pluie.
Midi
: nous faisons halte dans
un petit village : La Malmaison.
2
heures : nous repartons de
nouveau. 6 heures : nous arrivons à Château-Thierry sur les hauteurs qui
dominent la vallée de la Marne. Panorama
splendide.
Nous apercevons la ville de
Château-Thierry blottie au fond de la vallée, à demi cachée par les bosquets
d’arbres. Nous allons camper à Nesle-en-Brie. Il fait nuit.
Nous n’avons plus de pain. Nous
consommons notre dernière provision de vivres de réserve et de pain de guerre.
(*) : Cette scène est aussi signalé sur le carnet de guerre de
Louis LECOMTE :
« Nous
traversons les dernières lignes occupées par l’ennemi. Triste spectacle.
Pillage affreux. Maisons incendiées et bombardées. Région de Fontenel, pour la 1ère fois nous voyons par ci par là
quelques morts français et aussi des Allemands. La batterie présente les armes.
(Toute literie dehors). Halte à la Malmaison-Haute. »
5 heures du matin : Nous
traversons la Marne et entrons dans Château-Thierry.
Nous faisons halte sur la place
du palais de justice. La population ne cache pas sa joie de revoir les
Français.
Nous pouvons encore acheter des
conserves (sardines), des biscuits et du vin. Les Allemands n’ont pas tout bu.
Nous passons non loin de la
demeure du grand fabuliste La Fontaine et traversons la ville par l’avenue de
Soissons.
Nous poursuivons notre avance
et faisons route avec les goumiers et les spahis marocains.
10
heures : Nous faisons
halte à Mareuil. (*)
2
heures de l’après-midi :
Nous repartons de nouveau.
5
heures : Nous arrivons à Chéry-Chartreuve où nous cantonnons.
L’action doit s’engager pour le
lendemain. Nous avons devant nous, paraît-il, des éléments de la garde
prussienne. Nous regardons avec curiosité passer un convoi de prisonniers
allemands au nombre d’une centaine.
(*) : Mareuil-en-Dôle (02)
4
heures du matin : Alerte.
Nous traversons le village. Le
canon tonne déjà. Mise en batterie à l’abri d’un petit bois de sapins.
8
heures : L’artillerie
allemande répond mollement.
9
heures : Une section des
batteries volantes occupe Saint-Gilles.
Midi
: Nous avançons et allons
mettre en batterie à Saint-Gilles derrière une petite ligne de chemin de fer.
2
heures : L’artillerie
allemande s’est tue.
3
heures : Nous cessons le
feu. L’infanterie vient de faire un bond en avant.
4
heures : Nous quittons la
position.
4
heures et demie : Nous
entrons dans Fismes occupée depuis 12 jours par les Allemands qui y ont
abandonné plusieurs voitures automobiles et quelques pièces de canons qu’ils
n’ont pu enlever. La population accueille ses libérateurs avec un enthousiasme
indescriptible. La pluie tombe froide et serrée.
Nous traversons la Vesles sur un pont de fortune construit par les Allemands
et qu’ils n’ont pu faire sauter dans leur fuite précipitée.
Arrivée sur le plateau de Merval, la colonne doit se ranger sur la banquette de la
route pour laisser passer une division de cavalerie. Il pleut et nous attendons
ainsi jusqu’à la nuit.
10
heures : On rassemble le
régiment dans un champ.
Il pleut toujours. L’eau
clapote dans nos chaussures, nous grelottons de froid et de faim.
11
heures : Toujours sous la
pluie, nous recevons enfin l’ordre de partir et rentrons dans Fismes. Mise à
sac d’une distillerie.
Minuit
: cantonnement.
4
heures : départ.
Nous marchons parallèlement à
l’Aisne en nous dirigeant sur Reims.
4
heures du soir : nous
arrivons sur la rive de l’Aisne à Maizy-Beaurieux où
nous cantonnons. Violente canonnade sur les hauteurs de la rive opposée.
La pluie a cessé.
Dans la matinée, nous repartons
à nouveau et suivons le canal de l’Aisne jusqu’à Concevreux.
4
heures : nous arrivons à Hermonville à 12 kilomètres de Reims.
Mise en batterie. Nous couchons
sur nos positions.
La bataille s’engage dès l’aube
avec une violence inouïe.
Nous tirons dans la direction
du fort de Brimont que les Allemands occupent et d’où
ils nous arrosent copieusement de marmites.
Dépense effroyable de munitions
: 6 à 700 obus par batterie. Nous couchons sur nos positions.
La canonnade reprend de plus
belle.
10
heures : Nous sommes
relevés par le 10ème corps qui vient de Reims. Nous reprenons la route par
laquelle nous sommes venus et nous nous dirigeons sur Roucy.
11
heures : Nous faisons
halte au coin d’un petit bois.
2
heures : Départ. Nous
allons cantonner à Guyancourt.
Le canon gronde toute la nuit.
Départ avant le lever du jour.
9
heures : Nous arrivons à Roucy où nous sommes en réserve.
Le temps est brumeux, il tombe
une petite pluie fine sans discontinuer. Mise en batterie. Il est midi. Nous
pataugeons dans la boue jusqu’aux genoux.
Les routes sont devenues
impraticables. Rangés en colonne sur la lisière d’un petit bois, silencieux
sous nos lourds manteaux mouillés, nous attendons jusqu’au soir pour quitter la
position de batterie. La pluie redouble.
Nous allons cantonner à Révillon.
Nous passons la journée à Révillon.
Il pleut encore. Nous
grelottons de froid. Nous avons mille difficultés pour allumer du feu.
La pluie a cessé un peu.
Nous quittons Révillon (*) dans la soirée.
Nous traversons le canal de
l’Aisne à Maisy-Beaurieux et allons
nous poster en surveillance tout près des positions anglaises.
(*) : 18-19-20 septembre
: le cantonnement à Révillon n’est pas mentionné au
JMO qui indique que c’est dès le 18 septembre que le 3e groupe est sur Paissy.
Nous devons être en position
avant le lever du jour sur le plateau de Paissy.
2
heures du matin : Départ.
Il fait nuit noire.
Pour grimper la côte, nous
doublons les attelages des caissons et des canons avec ceux des voitures
lourdes et de quelques caissons qui restent en bas. Les roues disparaissent
totalement dans la boue gluante.
Il faut faire vite, le temps
presse.
Nous arrivons enfin sur la
crête mais le jour commence à poindre. Une violente fusillade éclate : attaque
allemande. Mise en batterie précipitée. L’infanterie recule.
Il fait presque jour, nous
sommes vus. On distingue nettement les coups partir des pièces allemandes qui
nous tirent dessus. Une voix crie dans le tumulte :
«
Gare à la décharge ! Couchez-vous ! »
Nous nous couchons à plat
ventre dans la boue. La rafale est passée.
Nous tirons une dizaine de
coups par pièces sur l’infanterie allemande que l’on distingue à l’horizon puis
nous nous replions en vitesse. Les Anglais abandonnent 18 pièces de canons en
emportant les appareils de pointage et la culasse de chacune d’elles.
Nous reprenons une seconde
position de batterie. La situation est critique. Nous recevons l’ordre de tenir
la coûte que coûte. Une véritable pluie de fer s’abat sur nous. Devant
l’impossibilité d’approcher des pièces les caissons de ravitaillement, les
conducteurs approvisionnent à bras.
4
heures : Nous avons tenu
bon. Les Anglais reprennent leurs pièces. Par rafales, la mitraille allemande
s’abat sur nous, fauchant tout.
10
heures : Le feu de
l’ennemi diminue un peu d’intensité.
Nous quittons la position où
nous sommes remplacés par le 24ème d’artillerie, car nous sommes sérieusement
éprouvés.
Nous ne retournons pas au feu.
Nous employons la journée à nous restaurer un peu. On reconstitue des attelages
et on remplace les absents.
6
heures : Le lieutenant
rassemble ce qui reste d’hommes valides à la batterie et adresse un dernier
adieu à nos malheureux camarades (*) tombés la veille :
«
Enfants, la journée a été rude pour nous. Plusieurs de vos camarades ont dû
payer de leur vie la dette sacrée envers la Patrie. J’aurais voulu assister à
leurs derniers moments et leur rendre les devoirs de circonstance. Je le
regrette, un autre plus impérieux me retenait à mon poste. »
« Je
veux, aujourd’hui, dans la mesure du possible, essayer de réparer ce que je
n’ai pu faire hier. Au nom de la France, au nom du 32ème d’artillerie, je salue
leur dépouille ».
Tête nue, nous écoutions la voix grave du
lieutenant et douloureusement émus, nous saluons comme lui :
«
Et maintenant, reprend-il, nous voici à peu près reconstitués. Nous pouvons nous battre
demain. J’espère que vous ferez vaillamment votre devoir comme vous l’avez
toujours fait jusqu’ici, que vous aurez à cœur de venger la mort de vos
malheureux camarades et que leur souvenir, toujours présent dans vos mémoires,
décuplera votre ardeur à combattre. Vive la France quand même ! »
Sur ces mots, le lieutenant
fait rompre les rangs et nous allons cantonner à la ferme de Jumigny.
(*) : Louis LECOMTE parle de 2 hommes :
2 canonniers-conducteurs de la 9e batterie ont été tués le 20
septembre ; Il s’agit de GAUTHE Auguste et de SILARD Marcel Pierre :
GAUTHE Auguste, 2e canonnier-conducteur, mort pour la France à Paissy (Aisne), tué à l’ennemi, le 20 septembre 1914. Il
était né à Essonnes (78), le 28 janvier 1892. Pas de
sépulture militaire connue.
SILARD Marcel Pierre, 2e canonnier-conducteur, mort pour la
France à Paissy (Aisne), tué à l’ennemi, le 20
septembre 1914. Il était né à Paris, le 16 juin 1894. Pas de sépulture
militaire connue.
Nous repartons au feu.
C’est une jolie contrée,
remplie d’attraits que cette province du Laonnais,
avec ses vallonnements boisés, aux pentes escarpées, parsemées de rochers aux
formes bizarres, ses routes tortueuses qui, par endroits, surplombent à pic les
gorges et les vallons, ses petits villages dont les vieilles maisons sont accrochées en amphithéâtre sur le flanc des coteaux. Tout
cela forme un ensemble des plus pittoresques.
Nous traversons Pargnan et tentons de prendre position au-dessus du village
sur le plateau de Jumigny.
Nous sommes facilement repérés
par les positions allemandes et déjà les marmites nous encadrent. Nous nous
retirons immédiatement pour ne pas nous exposer comme dans la journée du 20.
Nous suivons la vallée encaissée où nous sommes admirablement bien défilés.
Mais le tir de l’ennemi nous
suit dans notre mouvement de repli. Les fusants éclatent au-dessus de nos
têtes, mais beaucoup trop haut pour nous atteindre et les éclats retombent
inertes autour de nous.
Nous passons à Bourg-et-Comin et traversons le petit village de Moulins à la sortie
duquel nous prenons position à mi-côte.
3
heures du soir : Un avion
allemand survole aussitôt les positions de batteries et lâche deux fusées.
A 7 ou 800 mètres en arrière des
pièces, derrière une éminence, habilement dissimulées dans les broussailles,
sont braquées les pièces lourdes anglaises. Nous cantonnons à Moulins.
Nous reprenons nos positions de
la veille.
Le résultat des démonstrations
de l’avion allemand ne se fait pas attendre : un bombardement systématique du
coin de terrain repéré la veille, à égale distance des batteries lourdes
anglaises et des nôtres, 150 projectiles sur une longueur de 4 à 500 mètres.
Résultat du tir : néant.
Nous conservons nos positions.
Les Allemands bombardent
Moulins et Beaurieux.
Quelques incendies sont allumés
par des projectiles. Nous dissimulons les pièces avec des branchages et nous
creusons à côté de chacune d’elles une tranchée abri pour les servants.
Nous conservons la position.
Cinq ou six percutants viennent
éclater à nos pieds, tuant deux chevaux et nous causant une frayeur bien
légitime. Mais il n’y a aucune perte d’hommes.
Nous quittons la position à la
tombée de la nuit, traversons Moulins, Bourg-et-Comin,
croisons de nouveaux régiments d’infanterie anglaise, passons à Oeuilly et franchissons l’Aisne à Haute-Rive sur un pont de
bateaux construit par le génie.
Nous allons cantonner à Merval.
Nous sommes campés sur le plateau d’où nous
dominons toutes les hauteurs qui s’élèvent sur la rive opposée de l’Aisne.
Journée de repos.
Repos.
Un soleil brillant nous permet
de faire une toilette un peu plus soignée.
1
heure du matin : Départ.
Même itinéraire qu’à l’aller.
Nous retraversons l’Aisne à Oeuilly et prenons position à Beaurieux.
Journée calme.
Dans la nuit, violent
bombardement et simulacre d’attaque. Journée assez calme.
Les Allemands essaient
d’atteindre avec des obus de gros calibre les différents ponts de bateaux jetés
sur l’Aisne.
Les batteries restent en
position.
Je suis désigné pour aller
porter la situation en munitions du groupe à la brigade. (général
commandant Marchand).
Je suis reçu par un officier d’état-major
qui me transmet l’ordre de ménager les munitions.
3 heures du matin : Nous quittons la position, il fait un
froid vif. Nous retournons prendre à Moulins les positions que nous tenions
précédemment.
De bon matin, je suis détaché
avec un brigadier pour retourner essayer d’obtenir des munitions. Nous allons à
Maisy d’où l’on nous renvoie à Glennes
voir un commandant de parc (*) qui nous donne comme réponse que nous
serons ravitaillés quand l’autorité compétente le jugera nécessaire.
Nous allons jusqu’à Fismes et
retournons aux batteries en passant par Longueval.
A Bourg-et-Comin,
nous devons traverser l’Aisne sur un pont de bateaux mais nous sommes arrêtés
par un factionnaire britannique qui nous conduit à l’état-major anglais.
Nous sommes reçus par un
officier interprète qui nous délivre enfin le permis de passer.
(*) : Parc d’artillerie
Journée calme. Les nuits sont
humides et froides.
Nous avons particulièrement à
souffrir des premières intempéries.
3 heures et demie du matin :
Départ. Le froid est excessivement piquant.
Nous sommes relevés par le
premier groupe. Nous retournons à Merval.
Journée de repos.
Astiquage des brides et
nettoyage du harnachement.
2
heures du soir : Revue de
détail du paquetage de campagne par le capitaine et manœuvre à pieds pendant
dix minutes. Quelques projectiles de gros calibre viennent tomber à proximité
du parc.
8
heures du matin : Revue
des chevaux par le capitaine.
Par mesure de prudence, en
raison du bombardement de la veille, on recule le bivouac de 150 mètres
environ.
Dernier jour de repos.
2
heures et demie : Départ.
Même itinéraire que
précédemment. Nous retournons à Moulins.
Les batteries reprennent les mêmes
positions. L’échelon reste la journée sur les bords de l’Aisne entre Oeuilly et Bourg et se rapproche des batteries de la nuit.
L’échelon (*) s’installe
dans la forêt de sapin entre Bourg et Moulins.
Hommes, chevaux et caissons
sont parfaitement dissimulés.
(*) : Tous les récits
d’artilleurs, comme celui de Lucien TORCHEBOEUF, utilise des termes propres à
l’artillerie, comme " batterie ", " groupe ", "
échelon ", " pièce ", " avant-train " ,
" caisson " pour comprendre ses termes, allez voir sur mon site ici.
Journée splendide.
Le soleil brille avec éclat.
Nous confectionnons des huttes
profondes de 40 à 50 centimètres avec des branchages et de la terre. Pendant la
soupe du soir, quelques fusants éclatent au-dessus de nos têtes.
Dans la nuit du 11 au 12, vers
minuit, un caisson part ravitailler la batterie. (*)
Attaque nocturne.
On entend distinctement le
crépitement de la fusillade. Le bruit du canon devient assourdissant.
A l’approche du jour, l’attaque
diminue d’intensité.
Midi
: Un 105 percutant vient
tomber aux pieds d’un caisson qu’on est en train d’atteler. Deux conducteurs
sont grièvement blessés ainsi qu’un servant. L’adjudant est tué sur le coup. (**)
Le corps du malheureux est
littéralement réduit en bouillie.
Les Allemands arrosent
copieusement le petit bois dans lequel nous sommes abrités.
Un second projectile tombe sur
un caisson plein d’explosifs. Le caisson vole en éclat mais les obus
n’explosent pas. Seule la poudre des gargousses prend feu. Le bombardement
redouble.
On reçoit l’ordre de partir
immédiatement.
Il faut attendre pour cela un
petit moment d’accalmie. Nous allons alors camper sur le bord de l’Aisne, émus
par la mort de notre pauvre adjudant.
(*) : Il voit un caisson partir ravitailler la batterie de tir.
Les caissons d’approvisionnement sont toujours à l’arrière d’une batterie. On
comprend donc que Lucien TORCHEBOEUF n’est pas directement affecté à une pièce
(un canon). Selon la mémoire familiale, il était agent de liaison.
(**) : L’adjudant tué est Paul Louis MOREAU. Voir
sa fiche.
Nous sommes encore sous le coup de
l’émotion de la veille quand une rafale de fusants vient éclater juste
au-dessus du bivouac. Seul un cheval est blessé. Nous sommes dans un terrain
marécageux et humide sous le brouillard qui monte de la rivière.
4
heures du matin : Alerte.
Départ immédiat.
La nuit est fort noire et nous
éprouvons de grandes difficultés pour seller et garnir les chevaux. Une petite
pluie fine commence à tomber.
Je suis détaché pour escorter
un convoi de chevaux blessés et malades. Nous traversons l’Aisne à Oeuilly et allons cantonner à Merval.
La pluie persiste toute la matinée et cesse
un peu dans l’après-midi. Nettoyage des chevaux et du harnachement.
7
heures du matin :
Promenade des chevaux. Nous allons à Fismes où nous faisons l’abreuvoir des
chevaux dans la Vesles.
2
heures : Revue des chevaux
et des hommes par le chef d’escadron. On donne l’ordre de seller et de garnir
en vue du départ proche.
1
heure du matin : Alerte.
2
heures et demie : Départ.
Nous allons à Beaurieux en suivant le même itinéraire
que précédemment. Nous devons quitter la position sous peu.
3 heures du matin : Nous
quittons Beaurieux.
Les batteries vont prendre
position à Moulins. L’échelon s’installe un peu en arrière dans une ferme entre
Bourg et Moulins.
Tous les matins, promenade des chevaux. Nous
quittons avec regret le cantonnement dans la nuit du 23.
Nous sommes installés à Révillon dans une grande ferme dont le corps principal sert
d’hôpital.
11
heures : Revue de chevaux
par le capitaine. Nous apprenons que la division doit prochainement partir pour
le nord de la France.
Les bruits de départ se
confirment. Nous faisons des préparatifs.
Première distribution d’effets
d’hiver : chaussettes, flanelles, lainages.
3
heures du matin : Alerte.
Je suis désigné pour
accompagner les fourriers du groupe au logement. Nous passons à Merval, Fismes, Saint-Gilles, Chécy, Chartreuve
où les batteries rejoignent à 10 heures.
Nous cantonnons dans une ferme
que nous avons déjà occupée lors de la marche en avant.
Je suis détaché avec un
brigadier pour essayer de réquisitionner des chevaux dans la région. Nous
devons rejoindre à Fère-en-Tardenois. Nous visitons toutes les fermes et nous
ne trouvons qu’un seul cheval abandonné par les uhlans pendant leur retraite.
4
heures et demie du soir :
Nous passons à Cohan où nous nous enquerrons du mot
de passe à la prévôté. Nous arrivons à Fère-en-Tardenois à 7 heures.
Sur l’ordre formel du
capitaine, nous devons poursuivre nos recherches dans les pays avoisinants.
Nous réquisitionnons deux chevaux à Villemoyenne.
L’un des deux a également été abandonné par les uhlans. Nous regagnons La Fère
à midi.
3
heures : Embarquement pour
une destination inconnue.
Nous roulons sur Paris.
Minuit
: Nous arrivons dans la
Plaine Saint-Denis et prenons la ligne du Nord. Nous passons à Amiens et
Boulogne. Le train s’arrête à Calais et prend un embranchement sur Hazebrouck
en passant par Saint-Omer. Hazebrouck : Le train fait marche arrière jusqu’à
Cassel où l’on débarque. Il est 9 heures du soir.
La pluie tombe sans arrêt.
Le débarquement du matériel
s’opère promptement et sans bruit. Dans la nuit noire, sous la pluie glaciale
qui cingle le visage, la colonne se met en marche. Nous cantonnons dans une
ferme à Oxelaëre. (*)
(*) :
« Ferme à Oxelaëre » : Le JMO indique
le cantonnement (du 3e groupe) à Winnezeele,
10km plus au nord-est. Ce qui nous conforte dans l’idée que Lucien TOURCHEBOEUF
était dans une entité toujours un peu en retrait du 3ème groupe
d’artillerie du 32ème régiment d’artillerie, comme la colonne légère
de ce même régiment.
On me renvoie requérir des
chevaux dans les environs de Cassel. Le brigadier est muni d’un ordre de réquisition
signé du commandant.
9
heures : Nous nous rendons
d’abord chez le bourgmestre de Zuytpeene qui nous
donne la liste des chevaux valides de sa commune. Il n’y a rien de bon.
Nous allons ensuite à Noordpeene et de là à Zermezeele
où nous déjeunons chez le bourgmestre qui nous a invité à sa table. Nous
faisons un repas de prince.
Nous repartons avec les
musettes bourrées de fruits et de friandises en remerciant chaleureusement nos
hôtes qui nous ont si bien accueillis.
1
heure : Un cycliste que nous
rencontrons en route nous apprend que les batteries sont parties dans la
direction de Furnes (Flandres belge) et que nous devons nous mettre en devoir
de rejoindre immédiatement.
Nous avons l’ordre de faire
manger les chevaux en route.
Nous faisons halte à Winnezeele où nous nous faisons délivrer chacun un billet
de logement par le bourgmestre.
Nous couchons dans un bon lit.
7
heures : Départ de Winnezeele.
Nous traversons Hondschoote où
nous faisons une courte halte pour faire manger les chevaux.
3
heures : Nous arrivons à
Furnes.
Nous avons encore 8 kilomètres
à parcourir pour rejoindre les batteries qui sont en position à Ramskapelle.
Nous croisons les débris de
l’armée belge que la division est venue relever. Les malheureux paraissent
exténués et semblent démoralisés.
L’échelon est cantonné à Wulpen.
La plaine qui s’étend aux
alentours de Ramskapelle est couverte d’eau provenant
des écluses de Nieuport qui ont été ouvertes.
3
heures 30 : Alerte.
Nous repassons à Furnes dont
toutes les cloches des églises sonnent à toute volée à l’occasion de la
Toussaint.
Journée splendide.
Nous traversons la grande route
d’Ypres sur laquelle nous roulons. Nous passons à Westvleteren
et allons bivouaquer tout près de Poperinge en nous attendant à partir dans la
nuit.
Nous restons toute la journée à
Poperinge. Un soleil magnifique nous ragaillardit et nous égaye un peu.
Près du cantonnement se trouve
un parc d’aéroplanes où sont rangés douze biplans anglais.
Du matin au soir ce n’est
qu’une suite d’atterrissages et de départs des appareils qui vont survoler les
lignes ennemies.
Journée de repos. Le grondement du canon
nous parvient distinctement.
On attend l’ordre de partir.
Le groupe seul est en réserve,
à la disposition de l’état-major du 32ème corps.
Dans la soirée, un avion
allemand survole le bivouac et lâche une bombe au-dessus du parc d’aéroplanes :
l’effet est nul.
A cet instant, un monoplan
piloté par un officier français et un Belge tente de s’élever pour partir à la
chasse de l’intrus. Mais l’appareil heurte un arbre en quittant le sol et
capote.
Les deux malheureux sont
violemment projetés à terre et grièvement blessés.
L’officier français mourra le
lendemain. (*)
(*) : L’officier aviateur tué dans un accident au décollage est
Victor Marie Joseph RADISSON. Voir
sa fiche.
Le canon a grondé fort toute la
nuit. La journée est un peu plus calme. Le temps est excessivement doux.
Va et vient continu de convois
de toutes sortes.
La canonnade diminue
d’intensité. La vie de quartier réapparaît.
Revue en tenue de départ à 2
heures par le capitaine.
Brouillard. Promenade de
chevaux.
Manœuvre à pieds dans
l’après-midi.
Canonnade nocturne.
Le calme revient un peu dans la
journée. Repos.
Le canon tonne aujourd’hui avec
une ardeur inaccoutumée. Nous recevons l’ordre de nous tenir prêts à partir et
de faire nos préparatifs.
9
heures du soir : Le
bivouac est consigné, les sentinelles ont reçu l’ordre de ne laisser sortir
personne.
Nous devons partir dans la
nuit.
1
heure ½ : Alerte.
2
heures 45 : Départ.
Au lever du jour, il y a
contre-ordre. Les batteries ne prennent pas encore position. Nous cantonnons
dans une ferme près d’Oostvleteren.
Les batteries prennent position
à Noordschote. Elles sont en poste avancé.
Le vent souffle avec violence.
De larges flaques d’eau rendent difficiles les évolutions de l’artillerie.
Terres froides dans lesquelles l’eau ne s’infiltre plus, sillonnées de canaux
et de fossés.
Les troupes d’infanterie, en particulier
les tirailleurs africains, quoique pourvus de chauds vêtements, souffrent
beaucoup de la rigueur du climat.
L’échelon est installé dans une
ferme sur la droite de Reninge. Les avants-trains des pièces sont dans un petit bois qui se
trouve en face.
Dans la matinée, les Allemands
bombardent la ferme dans laquelle sont installés les avant-trains.
Un 105 percutant vient tomber
juste sur la ferme. Un conducteur est tué sur le coup (*), un autre
est grièvement blessé et une demi-douzaine de chevaux sont touchés.
L’explosion du projectile
allume un incendie qui trouve un aliment facile dans le toit de chaume et la
paille des greniers. En quelques minutes tout est en flamme.
On sauve à grand peine le
blessé et on est obligé d’abandonner dans la fournaise le corps du mort que
l’on retire le soir à moitié carbonisé.
Une partie du paquetage des
hommes et du harnachement des chevaux a été la proie des flammes.
Pendant la nuit, les avants
trains s’installent dans un nouvel emplacement.
(*) : REDELSPERGER Eugène, 21 ans, 2e canonnier-conducteur de la 9e
batterie, mort pour la France à Noordschote, le 14
novembre 1914. Il était né à Charenton-le-Pont le 9 février 1893.
Extrait du journal du
régiment
Les premières notes de Lucien
s'arrêtent en nov. 1914.
Son régiment relevé le 25
décembre, part au repos jusqu'au 16 janvier 1915 à Montdidier (Somme) et
revient sur la côte belge dans la région de Nieuport où il reste de janvier
1915 à avril 1916.
Les notes reprennent le 21
avril 1916 :
"Adieu
Belgique, la 38ème division quitte le secteur des dunes où notre régiment est
en batterie sur le bord de mer entre Nieuport et Groenendick
depuis le début de 1915. Il est remplacé par le 55ème d'artillerie."
« En
mai 1916 séjour au camp de Crèvecoeur le Grand dans
l'Oise pour une période intensive d'instruction car la 38ème division doit
devenir une division de choc. »
« Après
3 semaines au camp de Crèvecoeur, le régiment est
transporté par voie ferrée à Revigny (Meuse) et
arrive sur le front de Verdun. »
Je désire
contacter le propriétaire du carnet de Lucien TORCHEBOEUF
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des photos du 32ème régiment d’artillerie de campagne
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