Carnet de route de Lucien TORCHEBOEUF

9ème batterie du 32ème régiment d’artillerie de campagne

(d’août 1914 à novembre 1914)

 

 

Publication : octobre 2008

Mise à jour : novembre 2022

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1

 

Lucien TORCHEBOEUF en 1918 au 32ème régiment d’artillerie de campagne

 

 

Merci à Alain, pour le carnet de son grand-père.

Merci à Dominique, Brice et Christophe pour la recopie du carnet.

Merci aussi à Philippe S. pour la vérification du récit et le temps passé sur certaines recherches.

 

A la suite de la publication de ce carnet en 2008, un internaute, Louis Sylvain (par l’intermédiaire de Michèle T.), s’est manifesté. Contact très intéressant car son grand-père, Louis LECOMTE, lui aussi était à la 9ème batterie du 32ème RAC comme chef de pièce. Louis-Sylvain et Alain se sont téléphonés puis rencontrés fin 2014…

« Cerise sur le gâteau », Louis Sylvain possède ses 11 carnets de guerre…qu’il m’a autorisé à les publier sur mon site.

 

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Le 32e RAC mobilise en août 1914 :

3 groupes d’artillerie à 3 batteries (1 batterie = 4 canons) qui constitue l’artillerie de la 38ème division d’infanterie. Cette division regroupe aussi 5 régiments d’infanterie de zouaves et de tirailleurs africains.

 

Tous les récits d’artilleurs, comme celui de Lucien TORCHEBOEUF, utilise des termes propres à l’artillerie, comme " batterie ", " groupe ", " échelon ", " pièce ", " avant-train " , pour comprendre ses termes, allez voir sur mon site ici.

 

Nous avons ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit.

 

 

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Début des écrits

 

BATAILLE DE CHARLEROI

22 août 1914

Minuit : Alerte et départ aussitôt. Nous traversons plusieurs petites villes dont nous ne pouvons lire les noms. Il fait nuit noire. Le grondement sourd et continu du canon semble se rapprocher sensiblement. Nous traversons Walcourt. Le jour commence à poindre.

 

4 heures et demie : Nous arrivons à Somzée, petite ville à 10 ou 12 kilomètres au sud de Charleroi.

Dans la matinée du 22, mise en batterie des pièces derrière le village à l’abri d’une petite crête. Presque aussitôt, un avion allemand survole les positions  et jette deux bombes qui blessent deux civils. Il est salué par une vive fusillade et prend la fuite. (*)

 

11 heures : Un long cortège de vieillards, de femmes et d’enfants débouche du côté du Chatelet.

Hâves, exténués, couverts de poussière, ils fuient en pleurant.

Triste et lamentable spectacle !

La canonnade est plus distincte. On voit au loin des colonnes de fumée noire qui s’élèvent.

A la tombée de la nuit, nous voyons passer  les débris des 74ème, 36ème, et 129ème d’infanterie. Le canon cesse un peu. Nous couchons sur nos positions.

 

(*) : L’avion est aussi signalé sur le carnet de guerre de Louis LECOMTE :

« Vers 9h un monoplan allemand apparait mais il est si élevé que les tirs dirigés contre lui sont nuls. Quelque temps après c’est un monoplan français qui vient planer au-dessus de nos têtes pour se diriger vers les lignes ennemies »

23 août.

5 heures du matin : réveil, silence complet.

 

9 heures : la première section de la batterie reçoit la mission d’appuyer un bataillon de zouaves qui est en poste avancé.

 

 

Extrait du journal des marches et opérations (JMO) du 32ème régiment d’artillerie

 

 

11 heures : je suis envoyé en reconnaissance, comme éclaireur, au-devant des lignes allemandes. Arrivé à 600 mètres, on envoie un cycliste pour me donner l’ordre de me replier.

Premier coup de canon ennemi (77 mm).

 

2 heures de l’après-midi : Nous anéantissons un groupe d’artillerie allemande qui est à découvert sur la lisière d’une forêt. Les marmites commencent à pleuvoir.

 

3 heures : la canonnade augmente d’intensité. Fusillade sur notre gauche.

 

4 heures : véritable pluie de fer, les marmites éclatent avec un bruit assourdissant.

 

4 heures et demie : Le feu des batteries ennemies va croissant. Nous recevons l’ordre de nous replier. Nous marchons une partie de la nuit et faisons une courte halte à Sivry.

Retraite

24 août.

Nous partons avant le lever du jour et marchons une partie de la matinée. Nous commençons à faire usage de vivres de réserve.

11 heures : Mise en batterie.

On signale les uhlans et nous devons nous retirer sans tirer un coup de canon. Il y a un petit moment de panique.

Tout le monde se bouscule en fuyant. Il y a un peu de tous les régiments mélangés.

La division a ordre d’aller se reformer à Sautain. C’est peut-être la seule qui ait des données précises sur son point de ralliement.

25 août.

Nous nous replions encore.

Nous sommes harassés, ne comprenant rien à cette surprenante retraite.

26 août.

Nous continuons à nous replier, canonnés de près.

 

11 heures : Nous faisons halte dans un petit bourg : Larouillies.

Au moment où nous disposons à manger, on signale encore des uhlans. L’instant est critique. La panique est à son comble. Nous abandonnons tout : plats, marmites, dîner.

On nous fait mettre revolver au poing et une pièce est braquée sur le milieu de la route. Nous attendons ainsi quelque temps et à la faveur de la nuit nous nous replions encore. (*)

 

(*) : La panique est aussi signalé sur le carnet de guerre de Louis LECOMTE :

« Grand branlebas, on court en tous sens et l’on s’affole beaucoup trop. Une pièce est mise en batterie. Les batteries de tir rompent le parc. Les échelons se flanquent contre les haies, revolver au point. Les servants en tête et en queue de la colonne.

Des détachements de Zouaves s’avancent sur la route. Bientôt nous rompons le parc cet nous retirons vers La Capelle. Un petit engagement a lieu avec un détachement de cavalerie allemande.

Nous leur faisons quelques tués et blessés, mais n’ont-ils pas eu le courage de s’approcher derrière une colonne d’émigrés. Néanmoins ils se retirent. »

27 août.

Nous reculons toujours et entrons dans le département de l’Aisne.

Nous suivons  la vallée de l’Oise le long de laquelle d’importants travaux ont été effectués.

28 août.

Nous arrivons à Sissy à 12 km de Saint-Quentin.

Nous avons comme mission  d’interdire la traversée de l’Oise à l’ennemi. La bataille est violente et le soir, nous nous replions sous une pluie d’obus de tous calibres.

29 août.

Ribemont : L’infanterie défends l’accès des ponts aux Prussiens.

 

Vers le soir, la situation est la même que la veille. La position est devenue intenable. Nous devons l’abandonner.

Nous incendions une ferme dans laquelle on a découvert du ravitaillement de bouche dont pourrait profiter l’ennemi.

30 août

Nous poursuivons notre mouvement de retraite. Nous cantonnons à Renansart.

Pillage de l’économat. Nous mourrons de faim et de fatigue.

31 août

La division a parait-il l’ordre d’aller se reformer sous les murs de Laon.

2 heures de l’après-midi : Nous avançons difficilement sous une chaleur accablante.

Des sections de munitions et de ravitaillement, des convois de toutes sortes encombrent les routes. Nous cantonnons à Saint-Marcel-Sous-Laon.

1er septembre

3 heures et demie : Rangés en colonne sur la banquette de la route, nous attendons ainsi jusqu’à 6 heures.

La division recule encore. Nous traversons l’Aisne.

Le génie s’apprête à faire sauter les ponts derrière nous.

2 septembre

L’ennemi nous serre de près. Nous nous inquiétons de ses progrès constants.

3 septembre

Nous quittons le département de l’Aisne, nous entrons dans la Marne. Le génie pose des pétards sur les ponts pour les faire sauter. On fait activer la traversée des convois.

Nous sommes d’arrière-garde et recevons la mission d’appuyer la retraite de quelques bataillons d’infanterie qui n’ont pas encore franchi la rivière.

4 septembre.

La retraite s’accentue de plus en plus et prend les proportions d’une déroute effroyable. Les chevaux ne peuvent plus avancer et tombent comme des mouches. Des fourgonniers vident sur la route le contenu de leurs voitures pour s’alléger. Des conducteurs  de caissons de 155 abandonnent des projectiles.

Sur la route, il est défendu, sous peine de mort, de couper une colonne en marche, défendu aussi aux conducteurs de voitures : caissons, fourgons, chariots de parc de trotter.

La prévôté (maréchaussée) veille à l’exécution de ces ordres. Je vois un capitaine de gendarmerie flanquer deux balles de revolver au conducteur d’un fourgon qui a trotté une dizaine de mètres pour rejoindre sa colonne.

Un de ses chevaux est tué.

 

Nous sommes attaqués de trois côtés à la fois.

Montmirail : Les troupes du camp retranché de paris sont déployées dans la plaine au-dessus de la ville et creusent hâtivement des tranchées (de simples fossés).

Nous traversons Montmirail. La ville est déserte, toutes les maisons sont closes.

Nous sommes séparés des batteries et ignorons totalement la direction qu’elles ont prise.

5 septembre

Le régiment est sectionné en plusieurs morceaux. Nous marchons  une partie de la nuit et faisons une halte de quelques heures à l’orée d’un petit bois.

 

A la pointe du jour, nous rencontrons une patrouille de cuirassiers qui nous donne des renseignements sur la direction à prendre.

Départ. On ne sait plus l’heure.

 

Dans la matinée, nous retrouvons les batteries par hasard et nous reprenons notre place dans la colonne. Nous marchons une partie de la journée. Chaleur épouvantable et pas d’eau.

Nous allons camper tout près de Saint-Brice, à 3 km de Provins. Il est 5 heures du soir.

Bataille de la Marne

6 septembre.

Au matin, la division se groupe dans la plaine. Nos officiers nous font prendre connaissance du fameux ordre du jour du général Joffre. (*)

 

10 heures : La bataille bat son plein.

Nous entendons distinctement le crépitement de la fusillade et le grondement sourd et ininterrompu du canon.

Nous sommes aujourd’hui troupe de réserve.

 

4 heures du soir : Une estafette vient annoncer que l’ennemi faiblit, que la 6ème de ligne a pris quatorze canons et une automitrailleuse et que les Anglais ont réoccupé Montmirail.

La nouvelle est accueillie avec joie. Nous oublions toutes nos fatigues et nos malheurs des jours précédents.

A la faveur de la nuit, nous avançons de quelques kilomètres pour nous tenir à portée des régiments de 1ère ligne. Canonnade à Saint-Martin-des-Champs près de La Ferté-Gaucher.

 

(*) : «Au moment où s'engage une bataille dont dépend le sort du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n'est plus de regarder en arrière. Tous les efforts doivent être employés à attaquer et à refouler l'ennemi. Une troupe qui ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée.»

7 septembre.

Nous attendons la nuit pour progresser de quelques kilomètres.

Nous sommes toujours en réserve.

8 septembre

Nous poursuivons notre mouvement en avant et nous allons bivouaquer près d’une ferme dont nous ignorons le nom.

5 heures du soir : un orage d’une violence inouïe éclate au-dessus de nos têtes. Les éclairs se succèdent sans interruption. On dirait que les éléments du ciel se sont déchaînés pour s’ajouter à l’infernale bataille qui se poursuit  avec une rage croissante.

Pendant quelques instants, on ne distingue plus le bruit du canon parmi le grondement du tonnerre.

 

(*) : Selon le JMO, la ferme dont il ignore le nom était soit le Bois Roulois, soit, à côté, Les Grandes Brosses. Voir la carte.

9 septembre.

Nous reprenons au matin notre marche en avant.

Nous traversons le petit bourg de Fontenelle à la sortie duquel on peut voir les traces d’un sérieux engagement.

De nombreux cadavres qui gisent encore pêle-mêle dans les poses diverses où la mort les a surpris en attestent la violence. Nous quittons un instant le chemin pour éviter les morts qui l’obstruent et on nous fait présenter les armes au passage. Les terres sont détrempées par la pluie.

 

Midi : nous faisons halte dans un petit village : La Malmaison.

 

2 heures : nous repartons de nouveau. 6 heures : nous arrivons à Château-Thierry sur les hauteurs qui dominent  la vallée de la Marne. Panorama splendide.

Nous apercevons la ville de Château-Thierry blottie au fond de la vallée, à demi cachée par les bosquets d’arbres. Nous allons camper à Nesle-en-Brie. Il fait nuit.

Nous n’avons plus de pain. Nous consommons notre dernière provision de vivres de réserve et de pain de guerre.

 

(*) : Cette scène est aussi signalé sur le carnet de guerre de Louis LECOMTE :

« Nous traversons les dernières lignes occupées par l’ennemi. Triste spectacle. Pillage affreux. Maisons incendiées et bombardées. Région de Fontenel, pour la 1ère fois nous voyons par ci par là quelques morts français et aussi des Allemands. La batterie présente les armes. (Toute literie dehors). Halte à la Malmaison-Haute. »

10 septembre.

5 heures du matin : Nous traversons la Marne et entrons dans Château-Thierry.

Nous faisons halte sur la place du palais de justice. La population ne cache pas sa joie de revoir les Français.

Nous pouvons encore acheter des conserves (sardines), des biscuits et du vin. Les Allemands n’ont pas tout bu.

Nous passons non loin de la demeure du grand fabuliste La Fontaine et traversons la ville par l’avenue de Soissons.

11 septembre.

Nous poursuivons notre avance et faisons route avec les goumiers et les spahis marocains.

 

10 heures : Nous faisons halte à Mareuil. (*)

 

2 heures de l’après-midi : Nous repartons de nouveau.

 

5 heures : Nous arrivons à Chéry-Chartreuve où nous cantonnons.

L’action doit s’engager pour le lendemain. Nous avons devant nous, paraît-il, des éléments de la garde prussienne. Nous regardons avec curiosité passer un convoi de prisonniers allemands au nombre d’une centaine.

 

(*) : Mareuil-en-Dôle (02)

12 septembre.

4 heures du matin : Alerte.

Nous traversons le village. Le canon tonne déjà. Mise en batterie à l’abri d’un petit bois de sapins.

 

8 heures : L’artillerie allemande répond mollement.

 

9 heures : Une section des batteries volantes occupe Saint-Gilles.

 

Midi : Nous avançons et allons mettre en batterie à Saint-Gilles derrière une petite ligne de chemin de fer.

 

2 heures : L’artillerie allemande s’est tue.

 

3 heures : Nous cessons le feu. L’infanterie vient de faire un bond en avant.

 

4 heures : Nous quittons la position.

 

4 heures et demie : Nous entrons dans Fismes occupée depuis 12 jours par les Allemands qui y ont abandonné plusieurs voitures automobiles et quelques pièces de canons qu’ils n’ont pu enlever. La population accueille ses libérateurs avec un enthousiasme indescriptible. La pluie tombe froide et serrée.

Nous traversons la Vesles sur un pont de fortune construit par les Allemands et qu’ils n’ont pu faire sauter dans leur fuite précipitée.

Arrivée sur le plateau de Merval, la colonne doit se ranger sur la banquette de la route pour laisser passer une division de cavalerie. Il pleut et nous attendons ainsi jusqu’à la nuit.

 

10 heures : On rassemble le régiment dans un champ.

Il pleut toujours. L’eau clapote dans nos chaussures, nous grelottons de froid et de faim.

 

11 heures : Toujours sous la pluie, nous recevons enfin l’ordre de partir et rentrons dans Fismes. Mise à sac d’une distillerie.

 

Minuit : cantonnement.

REIMS, FORT DE BRIMONT

13 septembre.

4 heures : départ.

Nous marchons parallèlement à l’Aisne en nous dirigeant sur Reims.

 

4 heures du soir : nous arrivons sur la rive de l’Aisne à Maizy-Beaurieux où nous cantonnons. Violente canonnade sur les hauteurs de la rive opposée.

14 septembre.

La pluie a cessé.

Dans la matinée, nous repartons à nouveau et suivons le canal de l’Aisne jusqu’à Concevreux.

4 heures : nous arrivons à Hermonville à 12 kilomètres de Reims.

Mise en batterie. Nous couchons sur nos positions.

15 septembre.

La bataille s’engage dès l’aube avec une violence inouïe.

Nous tirons dans la direction du fort de Brimont que les Allemands occupent et d’où ils nous arrosent copieusement de marmites.

Dépense effroyable de munitions : 6 à 700 obus par batterie. Nous couchons sur nos positions.

16 septembre.

La canonnade reprend de plus belle.

 

10 heures : Nous sommes relevés par le 10ème corps qui vient de Reims. Nous reprenons la route par laquelle nous sommes venus et nous nous dirigeons sur Roucy.

 

11 heures : Nous faisons halte au coin d’un petit bois.

 

2 heures : Départ. Nous allons cantonner à Guyancourt.

17 septembre.

Le canon gronde toute la nuit. Départ avant le lever du jour.

 

9 heures : Nous arrivons à Roucy où nous sommes en réserve.

Le temps est brumeux, il tombe une petite pluie fine sans discontinuer. Mise en batterie. Il est midi. Nous pataugeons dans la boue jusqu’aux genoux.

Les routes sont devenues impraticables. Rangés en colonne sur la lisière d’un petit bois, silencieux sous nos lourds manteaux mouillés, nous attendons jusqu’au soir pour quitter la position de batterie. La pluie redouble.

Nous allons cantonner à Révillon.

18 septembre.

Nous passons la journée à Révillon.

Il pleut encore. Nous grelottons de froid. Nous avons mille difficultés pour allumer du feu.

SUR L’AISNE : BEAURIEUX, PARGNAN, JUMIGNY, FISMES

19 septembre.

La pluie a cessé un peu.

Nous quittons Révillon (*) dans la soirée.

Nous traversons le canal de l’Aisne à Maisy-Beaurieux et allons nous poster en surveillance tout près des positions anglaises.

 

(*) : 18-19-20  septembre : le cantonnement à Révillon n’est pas mentionné au JMO qui indique que c’est dès le 18 septembre que le 3e groupe est sur Paissy.

20 septembre.

Nous devons être en position avant le lever du jour sur le plateau de Paissy.

 

2 heures du matin : Départ. Il fait nuit noire.

Pour grimper la côte, nous doublons les attelages des caissons et des canons avec ceux des voitures lourdes et de quelques caissons qui restent en bas. Les roues disparaissent totalement dans la boue gluante.

Il faut faire vite, le temps presse.

Nous arrivons enfin sur la crête mais le jour commence à poindre. Une violente fusillade éclate : attaque allemande. Mise en batterie précipitée. L’infanterie recule.

Il fait presque jour, nous sommes vus. On distingue nettement les coups partir des pièces allemandes qui nous tirent dessus. Une voix crie dans le tumulte :

« Gare à la décharge ! Couchez-vous ! »

 

Nous nous couchons à plat ventre dans la boue. La rafale est passée.

Nous tirons une dizaine de coups par pièces sur l’infanterie allemande que l’on distingue à l’horizon puis nous nous replions en vitesse. Les Anglais abandonnent 18 pièces de canons en emportant les appareils de pointage et la culasse de chacune d’elles.

 

Nous reprenons une seconde position de batterie. La situation est critique. Nous recevons l’ordre de tenir la coûte que coûte. Une véritable pluie de fer s’abat sur nous. Devant l’impossibilité d’approcher des pièces les caissons de ravitaillement, les conducteurs approvisionnent à bras.

 

4 heures : Nous avons tenu bon. Les Anglais reprennent leurs pièces. Par rafales, la mitraille allemande s’abat sur nous, fauchant tout.

 

10 heures : Le feu de l’ennemi diminue un peu d’intensité.

Nous quittons la position où nous sommes remplacés par le 24ème d’artillerie, car nous sommes sérieusement éprouvés.

21 septembre.

Nous ne retournons pas au feu. Nous employons la journée à nous restaurer un peu. On reconstitue des attelages et on remplace les absents.

 

6 heures : Le lieutenant rassemble ce qui reste d’hommes valides à la batterie et adresse un dernier adieu à nos malheureux camarades (*) tombés la veille :

« Enfants, la journée a été rude pour nous. Plusieurs de vos camarades ont dû payer de leur vie la dette sacrée envers la Patrie. J’aurais voulu assister à leurs derniers moments et leur rendre les devoirs de circonstance. Je le regrette, un autre plus impérieux me retenait à mon poste. »

« Je veux, aujourd’hui, dans la mesure du possible, essayer de réparer ce que je n’ai pu faire hier. Au nom de la France, au nom du 32ème d’artillerie, je salue leur dépouille ».

 

Tête nue, nous écoutions la voix grave du lieutenant et douloureusement émus, nous saluons comme lui :

« Et maintenant, reprend-il, nous voici à peu près reconstitués. Nous pouvons nous battre demain. J’espère que vous ferez vaillamment votre devoir comme vous l’avez toujours fait jusqu’ici, que vous aurez à cœur de venger la mort de vos malheureux camarades et que leur souvenir, toujours présent dans vos mémoires, décuplera votre ardeur à combattre. Vive la France quand même ! »

 

Sur ces mots, le lieutenant fait rompre les rangs et nous allons cantonner à la ferme de Jumigny.

 

(*) : Louis LECOMTE parle de 2 hommes :

2 canonniers-conducteurs de la 9e batterie ont été tués le 20 septembre ; Il s’agit de GAUTHE Auguste et de SILARD Marcel Pierre :

GAUTHE Auguste, 2e canonnier-conducteur, mort pour la France à Paissy (Aisne), tué à l’ennemi, le 20 septembre 1914. Il était né à Essonnes (78), le 28 janvier 1892. Pas de sépulture militaire connue.

SILARD Marcel Pierre, 2e canonnier-conducteur, mort pour la France à Paissy (Aisne), tué à l’ennemi, le 20 septembre 1914. Il était né à Paris, le 16 juin 1894. Pas de sépulture militaire connue.

22 septembre.

Nous repartons au feu.

C’est une jolie contrée, remplie d’attraits que cette province du Laonnais, avec ses vallonnements boisés, aux pentes escarpées, parsemées de rochers aux formes bizarres, ses routes tortueuses qui, par endroits, surplombent à pic les gorges et les vallons, ses petits villages dont les vieilles maisons sont accrochées en amphithéâtre sur le flanc des coteaux. Tout cela forme un ensemble des plus pittoresques.

 

Nous traversons Pargnan et tentons de prendre position au-dessus du village sur le plateau de Jumigny.

Nous sommes facilement repérés par les positions allemandes et déjà les marmites nous encadrent. Nous nous retirons immédiatement pour ne pas nous exposer comme dans la journée du 20. Nous suivons la vallée encaissée où nous sommes admirablement bien défilés.

Mais le tir de l’ennemi nous suit dans notre mouvement de repli. Les fusants éclatent au-dessus de nos têtes, mais beaucoup trop haut pour nous atteindre et les éclats retombent inertes autour de nous.

Nous passons à Bourg-et-Comin et traversons le petit village de Moulins à la sortie duquel nous prenons position à mi-côte.

 

3 heures du soir : Un avion allemand survole aussitôt les positions de batteries et lâche deux fusées.

A 7 ou 800 mètres en arrière des pièces, derrière une éminence, habilement dissimulées dans les broussailles, sont braquées les pièces lourdes anglaises. Nous cantonnons à Moulins.

23 septembre.

Nous reprenons nos positions de la veille.

Le résultat des démonstrations de l’avion allemand ne se fait pas attendre : un bombardement systématique du coin de terrain repéré la veille, à égale distance des batteries lourdes anglaises et des nôtres, 150 projectiles sur une longueur de 4 à 500 mètres.

Résultat du tir : néant.

Nous conservons nos positions.

24 septembre.

Les Allemands bombardent Moulins et Beaurieux.

Quelques incendies sont allumés par des projectiles. Nous dissimulons les pièces avec des branchages et nous creusons à côté de chacune d’elles une tranchée abri pour les servants.

Nous conservons la position.

25 septembre.

Cinq ou six percutants viennent éclater à nos pieds, tuant deux chevaux et nous causant une frayeur bien légitime. Mais il n’y a aucune perte d’hommes.

Nous quittons la position à la tombée de la nuit, traversons Moulins, Bourg-et-Comin, croisons de nouveaux régiments d’infanterie anglaise, passons à Oeuilly et franchissons l’Aisne à Haute-Rive sur un pont de bateaux construit par le génie.

Nous allons cantonner à Merval.

26 septembre.

Nous sommes campés sur le plateau d’où nous dominons toutes les hauteurs qui s’élèvent sur la rive opposée de l’Aisne. Journée de repos.

27 septembre.

Repos.

Un soleil brillant nous permet de faire une toilette un peu plus soignée.

28 septembre.

1 heure du matin : Départ. Même itinéraire qu’à l’aller.

Nous retraversons l’Aisne à Oeuilly et prenons position à Beaurieux.

Journée calme.

29 septembre.

Dans la nuit, violent bombardement et simulacre d’attaque. Journée assez calme.

Les Allemands essaient d’atteindre avec des obus de gros calibre les différents ponts de bateaux jetés sur l’Aisne.

30 septembre.

Les batteries restent en position.

Je suis désigné pour aller porter la situation en munitions du groupe à la brigade. (général commandant Marchand).

Je suis reçu par un officier d’état-major qui me transmet l’ordre de ménager les munitions.

1er octobre.

3 heures du matin : Nous quittons la position, il fait un froid vif. Nous retournons prendre à Moulins les positions que nous tenions précédemment.

2 octobre.

De bon matin, je suis détaché avec un brigadier pour retourner essayer d’obtenir des munitions. Nous allons à Maisy d’où l’on nous renvoie à Glennes voir un commandant de parc (*) qui nous donne comme réponse que nous serons ravitaillés quand l’autorité compétente le jugera nécessaire.

Nous allons jusqu’à Fismes et retournons aux batteries en passant par Longueval.

 

A Bourg-et-Comin, nous devons traverser l’Aisne sur un pont de bateaux mais nous sommes arrêtés par un factionnaire britannique qui nous conduit à l’état-major anglais.

Nous sommes reçus par un officier interprète qui nous délivre enfin le permis de passer.

 

(*) : Parc d’artillerie

4 octobre.

Journée calme. Les nuits sont humides et froides.

Nous avons particulièrement à souffrir des premières intempéries.

5 octobre.

3 heures et demie du matin : Départ. Le froid est excessivement piquant.

Nous sommes relevés par le premier groupe. Nous retournons à Merval.

6 octobre.

Journée de repos.

Astiquage des brides et nettoyage du harnachement.

7 octobre.

2 heures du soir : Revue de détail du paquetage de campagne par le capitaine et manœuvre à pieds pendant dix minutes. Quelques projectiles de gros calibre viennent tomber à proximité du parc.

8 octobre.

8 heures du matin : Revue des chevaux par le capitaine.

Par mesure de prudence, en raison du bombardement de la veille, on recule le bivouac de 150 mètres environ.

Dernier jour de repos.

9 octobre.

2 heures et demie : Départ.

Même itinéraire que précédemment. Nous retournons à Moulins.

Les batteries reprennent les mêmes positions. L’échelon reste la journée sur les bords de l’Aisne entre Oeuilly et Bourg et se rapproche des batteries de la nuit.

10 octobre.

L’échelon (*) s’installe dans la forêt de sapin entre Bourg et Moulins.

Hommes, chevaux et caissons sont parfaitement dissimulés.

 

(*) : Tous les récits d’artilleurs, comme celui de Lucien TORCHEBOEUF, utilise des termes propres à l’artillerie, comme " batterie ", " groupe ", " échelon ", " pièce ", " avant-train " , " caisson "  pour comprendre ses termes, allez voir sur mon site ici.

11 octobre.

Journée splendide.

Le soleil brille avec éclat.

Nous confectionnons des huttes profondes de 40 à 50 centimètres avec des branchages et de la terre. Pendant la soupe du soir, quelques fusants éclatent au-dessus de nos têtes.

12 octobre.

Dans la nuit du 11 au 12, vers minuit, un caisson part ravitailler la batterie. (*)

Attaque nocturne.

On entend distinctement le crépitement de la fusillade. Le bruit du canon devient assourdissant.

A l’approche du jour, l’attaque diminue d’intensité.

 

Midi : Un 105 percutant vient tomber aux pieds d’un caisson qu’on est en train d’atteler. Deux conducteurs sont grièvement blessés ainsi qu’un servant. L’adjudant est tué sur le coup. (**)

Le corps du malheureux est littéralement réduit en bouillie.

 

Les Allemands arrosent copieusement le petit bois dans lequel nous sommes abrités.

Un second projectile tombe sur un caisson plein d’explosifs. Le caisson vole en éclat mais les obus n’explosent pas. Seule la poudre des gargousses prend feu. Le bombardement redouble.

 

On reçoit l’ordre de partir immédiatement.

Il faut attendre pour cela un petit moment d’accalmie. Nous allons alors camper sur le bord de l’Aisne, émus par la mort de notre pauvre adjudant.

 

(*) : Il voit un caisson partir ravitailler la batterie de tir. Les caissons d’approvisionnement sont toujours à l’arrière d’une batterie. On comprend donc que Lucien TORCHEBOEUF n’est pas directement affecté à une pièce (un canon). Selon la mémoire familiale, il était agent de liaison.

 

(**) : L’adjudant tué est Paul Louis MOREAU. Voir sa fiche.

13 octobre.

Nous sommes encore sous le coup de l’émotion de la veille quand une rafale de fusants vient éclater juste au-dessus du bivouac. Seul un cheval est blessé. Nous sommes dans un terrain marécageux et humide sous le brouillard qui monte de la rivière.

14 octobre.

4 heures du matin : Alerte. Départ immédiat.

La nuit est fort noire et nous éprouvons de grandes difficultés pour seller et garnir les chevaux. Une petite pluie fine commence à tomber.

Je suis détaché pour escorter un convoi de chevaux blessés et malades. Nous traversons l’Aisne à Oeuilly et allons cantonner à Merval.

15 octobre.

La pluie persiste toute la matinée et cesse un peu dans l’après-midi. Nettoyage des chevaux et du harnachement.

16 octobre.

7 heures du matin : Promenade des chevaux. Nous allons à Fismes où nous faisons l’abreuvoir des chevaux dans la Vesles.

 

2 heures : Revue des chevaux et des hommes par le chef d’escadron. On donne l’ordre de seller et de garnir en vue du départ proche.

17 octobre.

1 heure du matin : Alerte.

 

2 heures et demie : Départ. Nous allons à Beaurieux en suivant le même itinéraire que précédemment. Nous devons quitter la position sous peu.

18 octobre.

3 heures du matin : Nous quittons Beaurieux.

Les batteries vont prendre position à Moulins. L’échelon s’installe un peu en arrière dans une ferme entre Bourg et Moulins.

19 au 23 octobre.

Tous les matins, promenade des chevaux. Nous quittons avec regret le cantonnement dans la nuit du 23.

24 octobre.

Nous sommes installés à Révillon dans une grande ferme dont le corps principal sert d’hôpital.

 

11 heures : Revue de chevaux par le capitaine. Nous apprenons que la division doit prochainement partir pour le nord de la France.

25 octobre.

Les bruits de départ se confirment. Nous faisons des préparatifs.

Première distribution d’effets d’hiver : chaussettes, flanelles, lainages.

DEPART POUR LA FLANDRE

26 octobre.

3 heures du matin : Alerte.

Je suis désigné pour accompagner les fourriers du groupe au logement. Nous passons à Merval, Fismes, Saint-Gilles, Chécy, Chartreuve où les batteries rejoignent à 10 heures.

Nous cantonnons dans une ferme que nous avons déjà occupée lors de la marche en avant.

27 octobre.

Je suis détaché avec un brigadier pour essayer de réquisitionner des chevaux dans la région. Nous devons rejoindre à Fère-en-Tardenois. Nous visitons toutes les fermes et nous ne trouvons qu’un seul cheval abandonné par les uhlans pendant leur retraite.

 

4 heures et demie du soir : Nous passons à Cohan où nous nous enquerrons du mot de passe à la prévôté. Nous arrivons à Fère-en-Tardenois  à 7 heures.

28 octobre.

Sur l’ordre formel du capitaine, nous devons poursuivre nos recherches dans les pays avoisinants. Nous réquisitionnons deux chevaux à Villemoyenne. L’un des deux a également été abandonné par les uhlans. Nous regagnons La Fère à midi.

 

3 heures : Embarquement pour une destination inconnue.

29 octobre.

Nous roulons sur Paris.

 

Minuit : Nous arrivons dans la Plaine Saint-Denis et prenons la ligne du Nord. Nous passons à Amiens et Boulogne. Le train s’arrête à Calais et prend un embranchement sur Hazebrouck en passant par Saint-Omer. Hazebrouck : Le train fait marche arrière jusqu’à Cassel où l’on débarque. Il est 9 heures du soir.

 

La pluie tombe sans arrêt.

Le débarquement du matériel s’opère promptement et sans bruit. Dans la nuit noire, sous la pluie glaciale qui cingle le visage, la colonne se met en marche. Nous cantonnons dans une ferme à Oxelaëre. (*)

 

(*) : « Ferme à Oxelaëre » : Le JMO indique le cantonnement (du 3e groupe) à Winnezeele, 10km plus au nord-est. Ce qui nous conforte dans l’idée que Lucien TOURCHEBOEUF était dans une entité toujours un peu en retrait du 3ème groupe d’artillerie du 32ème régiment d’artillerie, comme la colonne légère de ce même régiment.

 

EN FLANDRE FRANÇAISE

30 octobre. 

On me renvoie requérir des chevaux dans les environs de Cassel. Le brigadier est muni d’un ordre de réquisition signé du commandant.

 

9 heures : Nous nous rendons d’abord chez le bourgmestre de Zuytpeene qui nous donne la liste des chevaux valides de sa commune. Il n’y a rien de bon.

Nous allons ensuite à Noordpeene et de là à Zermezeele où nous déjeunons chez le bourgmestre qui nous a invité à sa table. Nous faisons un repas de prince.

Nous repartons avec les musettes bourrées de fruits et de friandises en remerciant chaleureusement nos hôtes qui nous ont si bien accueillis.

 

1 heure : Un cycliste que nous rencontrons en route nous apprend que les batteries sont parties dans la direction de Furnes (Flandres belge) et que nous devons nous mettre en devoir de rejoindre immédiatement.

Nous avons l’ordre de faire manger les chevaux en route.

Nous faisons halte à Winnezeele où nous nous faisons délivrer chacun un billet de logement par le bourgmestre.

Nous couchons dans un bon lit.

EN BELGIQUE SUR L’YSER, SECTEUR DE NIEUPORT

31 octobre.

7 heures : Départ de Winnezeele.

Nous traversons Hondschoote où nous faisons une courte halte pour faire manger les chevaux.

 

3 heures : Nous arrivons à Furnes.

Nous avons encore 8 kilomètres à parcourir pour rejoindre les batteries qui sont en position à Ramskapelle.

Nous croisons les débris de l’armée belge que la division est venue relever. Les malheureux paraissent exténués et semblent démoralisés.

L’échelon est cantonné à Wulpen.

La plaine qui s’étend aux alentours de Ramskapelle est couverte d’eau provenant des écluses de Nieuport qui ont été ouvertes.

1er novembre.

3 heures 30 : Alerte.

Nous repassons à Furnes dont toutes les cloches des églises sonnent à toute volée à l’occasion de la Toussaint.

Journée splendide.

Nous traversons la grande route d’Ypres sur laquelle nous roulons. Nous passons à Westvleteren et allons bivouaquer tout près de Poperinge en nous attendant à partir dans la nuit.

2 novembre.

Nous restons toute la journée à Poperinge. Un soleil magnifique nous ragaillardit et nous égaye un peu.

Près du cantonnement se trouve un parc d’aéroplanes où sont rangés douze biplans anglais.

Du matin au soir ce n’est qu’une suite d’atterrissages et de départs des appareils qui vont survoler les lignes ennemies.

3 novembre.

Journée de repos. Le grondement du canon nous parvient distinctement.

4 novembre.    

On attend l’ordre de partir.

Le groupe seul est en réserve, à la disposition de l’état-major du 32ème corps.

5 novembre.

Dans la soirée, un avion allemand survole le bivouac et lâche une bombe au-dessus du parc d’aéroplanes : l’effet est nul.

A cet instant, un monoplan piloté par un officier français et un Belge tente de s’élever pour partir à la chasse de l’intrus. Mais l’appareil heurte un arbre en quittant le sol et capote.

Les deux malheureux sont violemment projetés à terre et grièvement blessés.

L’officier français mourra le lendemain. (*)

 

(*) : L’officier aviateur tué dans un accident au décollage est Victor Marie Joseph RADISSON. Voir sa fiche.

6 novembre.

Le canon a grondé fort toute la nuit. La journée est un peu plus calme. Le temps est excessivement doux.

Va et vient continu de convois de toutes sortes.

7 novembre.

La canonnade diminue d’intensité. La vie de quartier réapparaît.

Revue en tenue de départ à 2 heures par le capitaine.

8 novembre.

Brouillard. Promenade de chevaux.

Manœuvre à pieds dans l’après-midi.

9 novembre.

Canonnade nocturne.

Le calme revient un peu dans la journée. Repos.

10 novembre.

Le canon tonne aujourd’hui avec une ardeur inaccoutumée. Nous recevons l’ordre de nous tenir prêts à partir et de faire nos préparatifs.

 

9 heures du soir : Le bivouac est consigné, les sentinelles ont reçu l’ordre de ne laisser sortir personne.

Nous devons partir dans la nuit.

11 novembre.

1 heure ½ : Alerte.

 

2 heures 45 : Départ.

Au lever du jour, il y a contre-ordre. Les batteries ne prennent pas encore position. Nous cantonnons dans une ferme près d’Oostvleteren.

12 novembre.

Les batteries prennent position à Noordschote. Elles sont en poste avancé.

Le vent souffle avec violence. De larges flaques d’eau rendent difficiles les évolutions de l’artillerie. Terres froides dans lesquelles l’eau ne s’infiltre plus, sillonnées de canaux et de fossés.

Les troupes d’infanterie, en particulier les tirailleurs africains, quoique pourvus de chauds vêtements, souffrent beaucoup de la rigueur du climat.

L’échelon est installé dans une ferme sur la droite de Reninge. Les avants-trains des pièces sont dans un petit bois qui se trouve en face.

13 novembre.

Dans la matinée, les Allemands bombardent la ferme dans laquelle sont installés les avant-trains.

Un 105 percutant vient tomber juste sur la ferme. Un conducteur est tué sur le coup (*), un autre est grièvement blessé et une demi-douzaine de chevaux sont touchés.

L’explosion du projectile allume un incendie qui trouve un aliment facile dans le toit de chaume et la paille des greniers. En quelques minutes tout est en flamme.

On sauve à grand peine le blessé et on est obligé d’abandonner dans la fournaise le corps du mort que l’on retire le soir à moitié carbonisé.

Une partie du paquetage des hommes et du harnachement des chevaux a été la proie des flammes.

 

Pendant la nuit, les avants trains s’installent dans un nouvel emplacement.

 

(*) : REDELSPERGER Eugène, 21 ans, 2e canonnier-conducteur de la 9e batterie, mort pour la France à Noordschote, le 14 novembre 1914. Il était né à Charenton-le-Pont le 9 février 1893.

 

 

 

 

Extrait du journal du régiment

 

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Les premières notes de Lucien s'arrêtent en nov. 1914.

Son régiment relevé le 25 décembre, part au repos jusqu'au 16 janvier 1915 à Montdidier (Somme) et revient sur la côte belge dans la région de Nieuport où il reste de janvier 1915 à avril 1916.

 

Les notes reprennent le 21 avril 1916 :

"Adieu Belgique, la 38ème division quitte le secteur des dunes où notre régiment est en batterie sur le bord de mer entre Nieuport et Groenendick depuis le début de 1915. Il est remplacé par le 55ème d'artillerie."

« En mai 1916 séjour au camp de Crèvecoeur le Grand dans l'Oise pour une période intensive d'instruction car la 38ème division doit devenir une division de choc. »

« Après 3 semaines au camp de Crèvecoeur, le régiment est transporté par voie ferrée à Revigny (Meuse) et arrive sur le front de Verdun. »

 

Fin des écrits

 

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