Mise à jour :
février 2020
Me
contacter pour une erreur sur cette page
Ils ont vu, photographié, participé
directement à des fraternisations, des trêves, des ententes tacites...
Ils les ont racontés avec leurs mots,
leur langage, loin des communiqués officiels...
Extrait
du carnet d’Henri VIDEAU
Extrait
de la correspondance d’Henri VIDEAU
Extrait
du carnet d’Edouard MATTLINGER
Extrait
de la correspondance de Nicolas THEUREAUD
Extrait
du carnet de Jules BARBE
Extrait
de l’album photos de Georges TARDY
Extrait
du carnet de Frédéric BRANCHE
Extrait
du carnet de Laurent COUAPEL
Extrait
des lettres d’Ernest BENOIST
Extrait des lettres de
Kléber POULEAU
Extrait du carnet d’Arsène
LERIDON
Il appartenait au 5e
cuirassiers dont un escadron était rattaché au 269e RI depuis le 18
décembre 1914
A cette période il se trouvait dans
l’Artois, à Carency (nord d’Arras)
Voir
l’intégralité de son carnet >>> ici <<<
21 déc. 1914
« Le 21, échange sur le terrain de
blessés. Journée tranquille, nous mangeons quelques biscuits et singe, car
pas de cuisine.
22 déc. 1914
« Le 22, les Boches ne tirent plus, que quelques
coups de fusils. »
23 déc. 1914
« Le 23, journée qui ressemble à la
précédente. »
24 déc. 1914
« Le 24, l’on apprend que c’est les Bavarois qui
sont devant nous et que les Prussiens sont sur notre gauche en face les
chasseurs à pied, sur la côte (125) et qui nous prennent d’enfilade. »
25 déc. 1914
« Le 25, jour de Noël, les Boches et les nôtres
vont boire le café ensemble, et vont dans les tranchées de chacun, sans armes,
s’échangent des journaux, des cigares, cigarettes, tout le monde fraternisent
et nous disent de se méfier des Prussiens sur notre gauche et disent que si,
ils se rendaient, que leurs camarades seraient fusillés. La journée se
passe sans incident sauf que chaque côté, l’on a profité de cette accalmie pour
fortifier le devant de nos tranchées par des fils de fer. »
26 déc. 1914
« Le 26, les Prussiens sont devant nous, les
Bavarois nous ayant avertis, en ayant mis des guenilles blanches aux fils de
fer devant leurs tranchées.
La fusillade recommence, 2 fantassins sont traversés
par des balles à côté de moi, je causais avec eux.
Je les traîne jusque dans le fond de la
tranchée. »
Voir l’intégralité de son carnet >>> ici <<<
Voir les nombreux
autres cas de fraternisations (5e, 28e, 52e, 53e, 70e divisions d’infanterie)
Le 24 décembre 1914
« Chers Parents,
Nous sommes encore de retour des tranchées, nous allons
faire réveillon au cantonnement, ce qui sera plus chouette.
Pour notre Noël, nous avons reçu chacun un paquet. Dans
chaque paquet, il y avait : une savonnette, une orange, du fil, aiguille,
une petite fiole de cognac, 2 bâtons de chocolat, un petit peigne, une brosse à
moustache, où une glace, (et comme surprise, des calepins, des couteaux, une
pipe, etc.) et 10 cigarettes chacun.
C’était envoyé par les écoles de Tours, avec un petit
mot dedans, de joyeux noël et bonne année, et quelques mots d’encouragement.
C’était très bien, et ça fait plaisir à tout le monde
J’ai reçu aussi le petit paquet, contenant cache-nez, et chaussettes, la lettre aussi
me l’annonçant, et je m’empresse de vous répondre de suite. Quand au briquet,
c’est ça qui est utile
Peut être que mon oncle Ernest m’en enverra un.
J’ai reçu une lettre de lui qui m’annonce aussi
qu’Angeline et Henry sont avec lui. Et que Florence a laissé son mari.
Pour le vin, l’on en touche tous les jours, de
l’eau-de-vie, du chocolat, du fromage. Ce qui fait toujours défaut, c’est le
tabac. Car pour se chauffer dans la tranchée l’on fume une cigarette, et les
allumettes pas.
Enfin, bref.
Hier, dans la tranchée, il s’est passé quelque chose
qu’il faut vous dire.
En face de nous, à
Les Bavarois sont très chics, car ils ont venu nous
voir dans la tranchée ; ils nous ont dit : « Vous Françouss, tirez pas, nous non
plus »
Pendant 2 jours et 2 nuits, pas un coup de fusil.
Puis moi avec le Lieutenant, nous avons été chercher un journal Bavarois ; ils nous ont offert des
cigares, des cigarettes ; le Lieutenant leur a donné un paquet de Maryland
et moi 2 bâtons de chocolat que j’avais touché la veille ; il a fallu leur
serrer la main à tout prix, puis on a retourné dans notre local.
Le lendemain matin, des fantassins des avant postes ont
pris le café ensemble avec l’avant poste Boche. Et ils disaient :
« Se méfier, Prussiens dans le bois à gauche, tiré dessus avec
mitrailleuses » Je crois qu’ils vont faire réveillon ensemble.
Ca, j’en suis sûr, car je l’ai vu de mes propres
yeux ; mais ça n’a pas été partout pareil et pas toujours.
Le paquet de flanelle et ceinture, je ne l’ai pas vu
mais j’en ai touché d’autres et 10 francs avec. Mes souliers, je ne sais pas
quand ils seront payés car l’on est éloigné du régiment et il faut que la liste
parte au ministère et retourne ; ce n’est pas tout de suite.
Enfin voilà 2 mois que où nous sommes rendus que les
Boches sont las.
Si vous m’envoyé de l’argent, envoyer moi des billets
dans la lettre, c’est plus commode ; car pour toucher de l’argent c’est la
scie.
Maintenant je remercie bien ma grande Cécile aimée du
beau cache-nez qu’elle m’a fait, car je ne le crois encore pas que c’est elle,
car c’est bien fait et épais et chaud.
Que je voudrais être auprès de vous et vous embrasser
bien fort, vous serrez dans mes bras tous. J’espère
que ça viendra bientôt, j’espère.
Il appartenait au 372e régiment d’infanterie
A cette période il se trouvait dans le
secteur de Friesen (Alsace)
Voir
l’intégralité de son carnet >>> ici <<<
16 décembre
« Départ pour les avant-postes à 11 heures.
Nuit très froide.
Etant de garde, j’ai souffert du froid des pieds comme
jamais. Très calme sur notre front.
17 décembre 1914
« Nous guettons la relève de l’ennemi qui se fit à
7 heures du matin, comme depuis plusieurs jours nous ne nous tirions plus
dessus. L’ennemi passa sans se cacher et nous dit bonjour en passant.
Nous étions à
Temps superbe. »
18 décembre
« Toujours aux tranchées. Pendant mes heures de
garde, je grimpe sur un petit arbre et je cause avec une sentinelle boche.
On s’en fait une miette. »
19 décembre
« Nous travaillons avec le génie à la construction
d’abris et de ligne de défense.
20 décembre
« Temps pluvieux. Journée d’ennui.
Je vais d’une grange à une autre pour tuer le temps.
Après-midi, je vais aux vêpres où j’éprouve un profond chagrin
en entendant les chants d’église et au loin, le bruit des canons.
21 décembre
« Nous allons aux tranchées. Nous passons dans des
chemins impraticables. Nous enfonçons dans la boue de
Nous restons en réserve d’avant-postes.
La nuit, je prends 6 heures de garde en première ligne
(nuit très froide).
22 décembre
« Tranchées, rien de nouveau.
Temps superbe.
Le soir, nous sommes relevés, et nous passons une
agréable soirée chez les habitants.
Nous jouons aux cartes en dégustant quelques litres de
bon vin.
« Réveil à 6 heures, pour aller travailler aux
tranchées.
Je passe une journée à planter des piquets avec une
masse.
Je me suis bien fatigué, si bien que l’éprouve des
troubles par suite de mon accident que j’ai eu dans le civil.
A un certain moment de la journée, 2 parlementaires
ennemis s’avancent à nous avec le fanion de la Croix-Rouge pour nous demander
l’autorisation de ramasser des blessés. Cela nous parut très louche, vu qu’il
ne s’était livré aucun combat.
Les ordres furent transmis au commandant qui donna
l’ordre à une fraction d’hommes de se tenir prêts à faire feu sur l’ennemi si
toutefois la nouvelle était fausse.
Mais, les ordres avaient été mal transmis, il ne s’agissait
pas de blessés, mais de patrouilleurs ayant été tués.
Tout se passa sans incident L’ennemi ramassa deux des
leurs et un des nôtres. Nous continuons nos travaux jusqu’à 3h1/2 et nous
retournons à notre cantonnement où je me couche de suite, car je souffre de ma
tête.
24 décembre
« Je vais à la visite où je suis examiné
sérieusement.
Le major constate que j’ai de sérieux troubles
cérébraux et me donne une feuille d’évacuation. J’attends les voitures de
ravitaillement qui me conduisent à la gare de Chepuis
où nous restons 4 heures à attendre le chemin de fer départemental.
Je suis très heureux.
(...)
Voir
l’intégralité de son carnet >>> ici <<<
Voir les nombreux
autres cas de fraternisations (5e, 28e, 52e, 53e, 70e divisions d’infanterie)
Il appartenait au
167e régiment d’infanterie
A cette période
il se trouvait dans le secteur de Reillon (Lorraine)
Voir l’intégralité
de sa correspondance >>>
ici
<<<
Cette lettre
mérite d’être reproduite dans son intégralité pour les précieuses indications
qu’elle donne concernant la vie des militaires sur le front des
hostilités. :
« Mes biens chers parents,
Je m’empresse de répondre à votre gentille lettre que
j’ai reçue avec un vif plaisir en apprenant que la santé est bonne pour vous et
toute la famille. Pour moi tout va bien pour le moment. Excusez-moi si je suis
resté quatre jours sans vous écrire ; comme je vous l’ai dit j’étais aux
tranchées, cela m’était presque impossible d’écrire ; tantôt nous étions aux
créneaux, tantôt on était employés à enlever la boue et l’eau qui, parfois, nous
arrivait jusqu’au-dessus des genoux. Malgré tout je conserve bon courage et bon
espoir. En ce moment il faut savoir être patient et avoir conservé son courage.
Sachez être comme moi et tout ira pour le mieux, je le souhaite de tout mon
coeur.
Nous n’avons presque pas eu de pertes, deux tués et une
dizaine de blessés par les obus.
Entre nous, il n’y a pas grand chose, d’ailleurs, c’est
presque impossible avec le temps que nous avons, juste quelques coups de fusils
de temps en temps ; les boches sont très raisonnables ; ils ont été jusqu’à
fraterniser avec les nôtres au petit poste ; ils ont échangé une boule de pain
pour des cigares que les nôtres leur ont donné, cela prouve que les boches en
ont marre et je serais porté à croire que la guerre sera bientôt finie, je le
souhaite bien vivement.
Je suis de repos pour une huitaine de jours aussi je
vous ai demandé un colis, c’est à dire des limes fines et des bagues que mon
père me coulera car il ne m’est guère facile de trouver de l’aluminium, deux ou
trois pierres à briquet si le colis n’est pas parti, et une paire de
chaussettes ; il faudra m’en couler le plus possible et d’environ
J’ai reçu la lettre de grand-mère ainsi que le billet ;
je la remercie du plus profond de mon coeur et vous l’embrasserez une bonne
fois pour moi.
Je termine en vous souhaitant bonne santé et bon
courage ; je vous écrirai ces jours.
Votre fils pour la vie et qui vous aime tous du plus
profond du coeur.
Nicolas »
En même temps qu’elle nous montre la dureté de la guerre,
cette lettre laisse transparaître les différents états d’âme du jeune soldat :
lassitude puis tristesse à compter ses camarades de combat tués ou blessés,
espoir de voir la guerre se terminer ; et ensuite, alors qu’il est au repos, le
goût pour des activités matérielles plus agréables et enfin, la prévenance pour
tranquilliser ses parents et leur dire son amour.
Il appartenait au
42e régiment d’infanterie
A cette période il
se trouvait dans à la côte du Poivre (nord de Verdun)
Voir
l’intégralité de son carnet >>> ici
<<<
Octobre 1917
Le 18 :
au matin, notre artillerie tire trop court, un 75 tombe dans un trou d’obus à
Une minute après un autre obus tombe encore plus près,
encore pas touché, mais toute la fumée de la poudre, je l’ai eu dans la bouche
et j’ai failli être asphyxié mais j’ai pu me sauver et je suis revenu quand
l’artillerie a eu allongé son tir.
Un de mes copains a été tué d’une balle en pleine tête
en voulant porter un des blessés. Les boches ont cru qu’on faisait un coup de
main, ils étaient tous sur le parapet.
Le reste de la journée a été calme, d’ailleurs il a plu
toute la journée et toute la nuit sans arrêter. Nous sommes trempés comme des
canards, nous ne tenons plus debout.
A minuit, on nous apporté à bouffer mais rien de chaud,
pas même du jus.
Le 19 au matin,
les boches nous font signe avec leur béret, mais nous nous méfions. Ils nous
montrent des paquets de cigarettes.
Pour nous passer la soif, nous buvons de l’eau qui se
trouve dans les trous d’obus, de l’eau toute jaune par la poudre et les gaz et
qui a passé sur les macchabées.
Le 19 à 17 h : feu de barrage violent par notre
artillerie qui a commencé comme toujours par tirer trop court : les obus
nous tombaient dessus, avons dû quitter nos poste, encore un de tué par les 75.
Le feu de barrage a duré jusqu’à 18 h00. Le reste de la nuit calme
Le 20 au matin :
très calme sauf un avion boche qui est venu nous mitrailler.
Le 20 au soir : froid terrible, nous ne savons pas
comment nous réchauffer. Marcel vient d’aller à la visite et il est évacué pour
les pieds gelés, que je voudrais être à sa place.
Le 21 au matin :
les boches nous disent bonjour et nous donnent des cigarettes et des cigares.
On leur donne du pain en échange.
Le reste de la journée a été calme.
Le soir, mes pieds me faisaient mal, j’étais déjà
content, je croyais que ça allait empirer dans la nuit mais tout le contraire,
ça a passé.
Il appartenait au
4ème génie, compagnie 14/63
A cette période il se trouvait en Artois,
dans secteur cote 140, Cabaret Rouge (nord d’Arras)
Voir 300 de ses
photos sur mon site >>> ici <<<
C’est une partie des photos qui est présentée sur
mon site, vous pouvez retrouver TOUTES ses photos et toutes ses lettres, dans
un ouvrage présenté sur le site de Bruno TARDY : Lettres et photos de Georges TARDY
Il appartenait au
99e régiment d’infanterie
A cette période
il se trouvait dans la Somme, au bois Touffu, secteur Fay
Voir
l’intégralité de son carnet >>> ici
<<<
Merci à Bertrand
Dimanche 20
décembre 1914
(…)
Devant nous et à gauche, sur le coteau, je vois le bois
Carré qui est encore à l’ennemi, puis, plus sur la droite, le village de Fay
et, plus loin encore, le Bois Etoilé et Foucaucourt.
Nous sommes environ à cent cinquante mètres de
l’ennemi ; en d’autres points, les deux tranchées sont à soixante mètres
de distance. Des réseaux communs de fils de fer les séparent.
(…)
Jeudi 24 décembre 1914
La nuit a été froide, le soleil long à se lever ;
à peine daigne-t-il briller à midi. Il souffle une bise assez forte qui pince.
Depuis ce matin, violente canonnade vers Arras.
Quelque opération se prépare. Au rapport, paraît une
proclamation du Général Joffre : « l’heure des attaques a
sonné : depuis trois mois, nous nous tenons sur une défensive agressive,
nous avons usé l’ennemi ; nous sommes prêts en hommes et en canons. Haut
les Cœurs ! Il faut délivrer le pays ! Avancer ou
mourir ! »
Le rapport ajoute d’autre part, que le Régiment doit
s’attendre à quitter le pays d’un instant à l’autre : il faut se tenir
prêt à charger les sacs sur des voitures, les vivres de réserve seront mis dans
la musette, la couverture et la toile de tente portées
en sautoir.
… Histoire singulière et qui me donne à
réfléchir : STEFANAGGI m’avait raconté que, dans sa reconnaissance d’hier,
les bleus, ses compagnons, l’avaient abandonné. Voilà que Leroux vient de me
certifier le contraire, au témoignage d’un caporal parti la nuit passée en
patrouille, dans la même direction, pour refaire celle de la veille, mal
conduite : succès complet, puisque quatre sentinelles ennemies ont été
surprises et tuées à coup de baïonnette… Ces pauvres, je les plains
sincèrement ; … mais j’ai pris la résolution d’ouvrir l’œil lorsque je
serai de faction la nuit.
J’ai écrit hier ma lettre de nouvel an pour maman. Cela
m’a donné le cafard pour une partie de la journée. Pour tous, les fêtes de fin
d’année auront de la tristesse : amis et ennemis, tous souffrent de la
séparation d’avec la famille et, même il semble que les hommes aient voulu
faire trêve à leur tueries, comme semble le prouver le fait suivant.
Vers quinze heures, à la 1e compagnie, sur notre
gauche, à la hauteur du Bois Carré occupé par l’ennemi, en un point où les
tranchées ne sont distantes que d’une centaine de mètres, un dialogue s’est
engagé entre Français et Allemands. De part et d’autre, l’on fait des signes d’amitié ;
voici qu’un de nos caporaux mitrailleurs quitte notre tranchée ; un gradé
ennemi fait de même ; ils se rejoignent, se serrent la main, échangent des
cigarettes et descendent l’un et l’autre dans la tranchée adverse. Bientôt, c’est
un défilé de soldats ennemis dans nos tranchées : il en vient huit, des
Bavarois qui, une fois chez nous, ne veulent plus retourner là-bas. Quand à
notre caporal, il est renvoyé chez nous avec force cigares et cigarettes.
Questionnés, nos prisonniers volontaires avouent une
grande lassitude de la guerre et nous préviennent, en outre, que les Prussiens,
nos vis-à-vis, ont décidé de nous attaquer cette nuit !
Nous comptions passer une veillée de Noël bien
tranquille : ah oui ! Nous avons été des dupes !
En suite des déclarations faites par les prisonniers,
le Bataillon reçoit l’ordre de passer la nuit aux créneaux, prêt à toute
éventualité. Dès dix-sept heures, chacun est à son poste.
Clair de lune superbe ! Du côté de l’ennemi, la
fusillade a complètement cessé. Un silence impressionnant règne, seul troublé
par les coups de feu de nos sentinelles. Dans le lointain, l’on entend les
Allemands chanter, jouer du fifre et du tambourin.
Derrière mon créneau, l’oreille aux aguets, fiévreux,
j’attends les événements.
Dix-huit heures : quatre coups de 75.
Dix-huit heures quinze : les ennemis nous envoient
une marmite qui éclate avec fracas, assez loin de la tranchée… par moments des
fusées éclairantes.
Je suis las ; j’ai froid. Je me couche. Soudain,
l’on crie : « aux créneaux ! » minute inoubliable ! Je
bondis sur mon fusil, le doigt sur la détente, tremblant sur mes pauvres
jambes.
C’est une fausse alerte… minuit… deux heures… tout le
monde s’est couché, éreinté… On nous fait lever… Encore cinq heures avant le
jour ! Et toujours le même silence en face de nous. Les chants ont cessés.
Cinq heures du matin… le brouillard tombe. On redouble
d’attention.
Six heures : le silence toujours… nous seuls
tirons… l’ennemi est peut-être là, prêt à bondir ; pourtant il envoie de
nombreuses fusées éclairantes, comme s’il craignait d’être attaqué… Non, il
n’attaquera pas et sottement nous avons veillé tandis qu’en face de nous
l’Allemand s’amusait.
Eh bien ! Malgré les réflexes physiques provoqués
par l’attente, j’étais tranquille et prêt à sacrifier ma vie. Tout de même j’ai
vu poindre le jour avec satisfaction.
Et quel sommeil le matin !
A l’ordinaire, un cigare, un quart de gniole.
Cet après-midi, les causeries ont recommencé de
tranchés à tranchés. Les Allemands nous ont tenu un petit discours amical et un
de leurs officiers s’est avancé au-devant de l’adjudant Faure, de la 1e, pour
lui serrer la main.
Voilà donc comment s’est écoulé Noël 1914, dans la
tranchée, par un temps froid et triste. Jamais je n’ai autant ressenti
l’horreur de cette guerre qu’aujourd’hui, en ce jour de fête, si doux à vivre
de coutume et si triste cette année.
Samedi 26 décembre 1914
Quelle nuit j’ai passé !
L’ennemi n’a pas tiré un seul coup de fusil, lui qui,
d’ordinaire, tiraillait sans cesse. J’étais de garde en petit poste
avancé ; j’ai pris trois fois une heure et demie, et, chaque fois, je
poussais un « ouf ! » de satisfaction quand j’avais fini. Aucun
incident… Pourtant, à partir de trois heures du matin, l’on entendit du côté de
Fay des bruits de cavalerie ?… Que se prépare-t-il donc ? Voilà deux
nuits que règne le même silence impressionnant.
Ce matin, un soldat ennemi s’est avancé vers nos
tranchées au cri de « Kamarad ! Nicht kaput ! » On lui fait signe de venir ;
il s’approche ; parlant un peu l’allemand, je vais au devant de lui. Nous
nous serrons la main ; il m’offre un verre de Kummel, un cigare. Il
m’apprend qu’il était artiste peintre, étudiant à Munich ; il a vingt-six
ans. Après quelques minutes d’entretien, chacun rentre dans sa tranchée, en se
souhaitant au revoir.
Que penser de ces manifestations d’amitié ?
Je souhaite qu’elles soient sincères : ce serait
preuve que tous sentent le besoin d’imposer une trêve à cette horrible guerre et
qu’elle peut s’établir un instant par accord tacite.
Nuit pénible par suite du froid : je n’ai pu
dormir. Reçu une lettre d’Antoine, de maman, qui
m’ont réconforté un peu.
Il fait froid. Il pleut.
Ce soir, LEROUX sort comme volontaire pour une
reconnaissance conduite par STEFANAGGI. Cela me peine de voir partir ce
« copain ». Je lui serre la main, il me remet ses papiers pour sa
famille, en cas de malheur.
… Ce n’était qu’une fausse nouvelle… LEROUX est
descendu à Fontaine faire des expériences de lancement de bombes. Son retour,
ce soir, m’a donné du plaisir.
Temps pluvieux et morose. Une lettre de la maison me
donne de bonnes nouvelles de tous. J’ai encore le cafard. Cantonné dans mon
gourbi, je songe… comme on songe en un gîte.
Cette après-midi, en face de notre troisième section,
des soldats Bavarois sont montés sur leurs tranchées en disant : « Pas
kaput ! Kamarad ! » et
nous ont demandé des journaux que l’on s’est empressé de leur donner.
Le 77 allemand bombarde
nos tranchées sur la droite, sans résultat ; des 105 lancent des dizaines
d’obus sur Fontaine-lès-Cappy. Par instant, des bombes tombent vers un petit
poste occupé par la 1e Compagnie, dans un boqueteau à gauche de la vallée
Fontaine - Fay… Nous ne tardons pas à répondre d’ailleurs… Somme toute, journée
calme…
Depuis le 25, la fusillade a cessé complètement. C’est
à oublier que nous sommes en guerre.
Dix-sept heures : un vent violent du sud-ouest
s’est levé, chassant d’épais nuages. La lune paraît, se cache à tout instant…
Impossible aux sentinelles de rien entendre. C’est un véritable ouragan. Du
côté d’Arras, les éclairs d’une canonnade qui dure depuis quatre ou cinq jours,
mais dont on n’entend point le roulement.
Dix-neuf heures : le silence était complet ;
soudain, des coups de fusil éclatent de notre côté. Je suis veilleur : par
ordre je réveille tout le monde… Simple alerte.
Seize heures : notre section descend au repos à
Fontaine-lès-Cappy, en attendant que la compagnie et le bataillon la rejoignent
le 31
Il appartenait au
155e régiment d’infanterie
À cette période
il se trouvait dans la Meuse, dans la forêt d’Apremont, secteur de la Tête à
Vache
Voir l’intégralité de son carnet >>> ici <<<
Merci à Bertrand
(...) Nous avons quitté ce secteur (*) pour
prendre les lignes au RAVIN DE LA SOURCE et puis à la TETE A VACHE où nous
étions, la vallée était profonde et nous étions d'un côté et les Allemands de
l'autre.
Cependant, il y avait un endroit où les lignes étaient
très rapprochées, si bien que des français qui parlaient allemand, ou le
contraire, ont engagé une conversation. Puis, il y a eu des échanges de
chocolat, de cigares, de biscuits, c'était la bonne vie.
Mais un jour, (c'était des Bavarois), ils nous ont
prévenus :
«Demain,
nous sommes relevés par un régime de Prussiens, vous échangerez autre chose que
des cigares ».
(*)
L’historique du régiment indique que :
Nous
pouvons donc situé la date de cette fraternisation avec exactitude, en juin
1916, et le lieu «
Mais comme ce petit jeu durait toute la journée, ça
devenait démoralisant.
Il était
brancardier au 81ème régiment d’infanterie territorial
A cette période
il se trouvait en Artois, quelques Km au sud d’Arras
Voir
l’intégralité de son carnet >>> ici
<<<
Merci à
Jean-Louis
« ...J'ai fêté,
tu penses de quelle manière !! La Noël, là-haut près des Boches ; Comme
réveillon, j'ai failli être tué par une balle qui m'a rasé la figure, et j'ai
eu à ramasser un mort et quatre blessés. En ce moment, je suis au repos ;
mais absolument éreinté et fourbu.
Ce qu'il y a eu de
curieux, c'est la nuit du réveillon ; les Boches et nous même avons
chanté ; les Boches ont même joué de l'accordéon et je crois bien de
l’harmonium ; et chanté des chœurs le tout fort bien et très intéressant.
Ensuite un
lieutenant de chez nous est monté sur la tranchée et a entonné un " Minuit
Chrétien " admirablement réussi et écouté religieusement aussi bien par
les Boches que par nous.Puis les Boches ont chanté
" la Marseillaise " ça paraît étrange ; (C'est vrai cependant)
et nous ont adressé quelques compliments et aussi quelques sottises ;
Quant à nous, nous leur avons adressé seulement des sottises. Inutile de dire
que les balles ont continué à s'échanger avec une parfaite régularité. Mais
ceux à qui en veulent les Boches, ce sont surtout les Anglais. Ils nous
criaient fréquemment " Français, bons camarades, pas capout,
Anglais tous capout, tous, tous capout
!"
Somme toute, cette
nuit de Noël a été très curieuse et comptera dans mon existence, à condition
que je revienne ce qui est loin d'être prouvé.... » (...)
Lettre du 8
janvier 1915
Comme nourriture c'est
aussi assez copieux, mais horriblement mauvais, à mon goût ; aussi je n'y
touche jamais ; tu penses, on fait la cuisine au cantonnement et on
l'apporte dans les tranchées ; tu vois d'ici. Forcément tout se mange à la
glace, et la soupe, 60 centimètres de graisse sur le dessus et glacée –
Quelle fête ! Et quelle horreur !
La nuit de Noël et
celle du premier de l'an, les Boches et nous avons rivalisé d'ardeur pour les
chansons patriotiques, l'un de nos
lieutenants est monté debout sur la tranchée et a entonné (à Noël) un "
Minuit Chrétien " très bien chanté du reste, et écouté
religieusement par nos aimables ennemis.
De leur côté, ils jouaient de
l’accordéon ; ils ont même chanté " la Marseillaise " et
nous ont offert leurs vœux, c'était très curieux ; quelques instants avant
on s'était du reste bombardé et fusillé avec acharnement.
Pour notre compte,
nous avons eu un tué et 4 blessés ; ils ont même failli faire de moi un
mort, une balle m'a éraflé la joue, manque d'un point !
Ils me trouaient la
bobine de part en part... »
Il était soldat
au 89ème régiment d’infanterie territorial
À cette période
il se trouvait dans la Meuse, forêt d’Argonne, secteur de la Haute-Chevauchée.
Voir l’intégralité de son carnet >>> ici <<<
Merci à Evelyne
Secteur de la
Haute-Chevauchée, Argonne, 25 décembre 1914
« Je pense que vous allez vous faire des cheveux comme
beaucoup en ce moment cela n'a rien de bien agréable j'ai pris la garde au
poste avancé 48 heures c'est très moche on attend parler les boches car on est
à 40 m comme vous voyez on n'est pas loin.
Ils chantent, ils sifflent, ils n'ont pas l'air de
s'ennuyer, mais je crois bien qu'ils sont comme les autres qu'ils voudraient
bien que cela soit fini. Ils ont du toupet, car voilà
2 jours il y en un qui est venu à 10m de notre tranchée avec un saucisson et
une boite de cigares et les autres se sont découverts par-dessus la tranchée et
nous aussi il n'y a pas eu un coup de feu de tiré. »
Il était soldat
au 71ème régiment d’infanterie territorial
À cette période
il se trouvait dans la Somme, secteur de Tilloloy
Voir l’intégralité de son carnet >>> ici <<<
Merci à Christian
Secteur de Tilloly, Somme, décembre 1915
Le 18 décembre 1915, même travail.
« Voilà un rapport
qui court dans toutes les compagnies, »
« Un homme de la 10ème compagnie se hasarde à aller chercher
un cadavre français au-devant des fils de fer allemands. Il monte sur la
tranchée et va droit au cadavre. Pas un soldat allemand ne tire. Arrivé au
cadavre, les Allemands remontent par-dessus la tranchée, puis il leur fait
signe de venir. Plusieurs viennent près de lui, puis dans l’espace de cinq
minutes, il se trouve une vingtaine d’Allemands et de français sur la tranchée,
à se parler ou plutôt se faire des signes pour se comprendre.
Ils échangent du tabac même ils essayent
leurs casques. Un capitaine du 71 leur parle en allemand mais ne sort pas de la
tranchée. Le temps s’écoule puis le 75 envoie 4 obus dans les lignes
allemandes. Vite tous rentrent dans leurs tranchées, ce n’est plus le moment de
tenir conversation. Les Allemands envoient juste 4 coups d’obus aussi. »
Extrait du carnet : fraternisation
du 16 décembre 1915.
Extrait du JMO du 71e
régiment d’infanterie territoriale qui confirme la fraternisation du 16
décembre 1915.
Cote 106 de Tilloloy : Zone probable de la fraternisation
Des prémices de fraternisation débutent côté allemand, mais
sans suite…
Le 13 janvier, même
secteur :
« Le 13, du petit poste
ennemi, ils nous envoient des torpilles qui tombent autour de la tranchée.
Vers 10 heures du soir,
on entend les allemands chanter, siffler. Ils font du tapage. Dans la nuit, ils
viennent mettre plusieurs journaux avec un petit paquet contenant 5 cigares
près de nos réseaux de fil de fer. »
Vers d’autres témoignages
de guerre 14/18
Chercher un soldat de 14/18 parmi les dizaines de milliers de
photos du site Chtimiste.com
Suivre sur Twitter la publication en
instantané de photos de soldats 14/18