Les Fraternisations durant 1914-18, photos, trêves de noël 1914

Par les carnets des combattants.

 

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Mise à jour : février 2020

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Ils ont vu, photographié, participé directement à des fraternisations, des trêves, des ententes tacites...

Ils les ont racontés avec leurs mots, leur langage, loin des communiqués officiels...

 

Toute recopie de texte doit être demandée à leur propriétaire

 

Extrait du carnet d’Henri VIDEAU

Extrait de la correspondance d’Henri VIDEAU

Extrait du carnet d’Edouard MATTLINGER

Extrait de la correspondance de Nicolas THEUREAU

Extrait du carnet de Jules BARBE

Extrait de l’album photos de Georges TARDY

Extrait du carnet de Frédéric BRANCHE

Extrait du carnet de Laurent COUAPEL

Extrait des lettres d’Ernest BENOIST

Extrait des lettres de Kléber POULEAU

Extrait du carnet d’Arsène LERIDON

 

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Extrait du carnet d’Henri VIDEAU

Il appartenait au 5e cuirassiers dont un escadron était rattaché au 269e RI depuis le 18 décembre 1914

A cette période il se trouvait dans l’Artois, à Carency (nord d’Arras)

Voir l’intégralité de son carnet >>> ici <<<

 

21 déc. 1914

« Le 21, échange sur le terrain de blessés. Journée tranquille, nous mangeons quelques biscuits et singe, car pas de cuisine. »

22 déc. 1914

« Le 22, les Boches ne tirent plus, que quelques coups de fusils. »

23 déc. 1914

« Le 23, journée qui ressemble à la précédente. »

24 déc. 1914

« Le 24, l’on apprend que c’est les Bavarois qui sont devant nous et que les Prussiens sont sur notre gauche en face les chasseurs à pied, sur la côte (125) et qui nous prennent d’enfilade. »

25 déc. 1914

« Le 25, jour de Noël, les Boches et les nôtres vont boire le café ensemble, et vont dans les tranchées de chacun, sans armes, s’échangent des journaux, des cigares, cigarettes, tout le monde fraternisent et nous disent de se méfier des Prussiens sur notre gauche et disent que si, ils se rendaient, que leurs camarades seraient fusillés.  La journée se passe sans incident sauf que chaque côté, l’on a profité de cette accalmie pour fortifier le devant de nos tranchées par des fils de fer. »

 

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26 déc. 1914

« Le 26, les Prussiens sont devant nous, les Bavarois nous ayant avertis, en ayant mis des guenilles blanches aux fils de fer devant leurs tranchées.

La fusillade recommence, 2 fantassins sont traversés par des balles à côté de moi, je causais avec eux.

Je les traîne jusque dans le fond de la tranchée. »

 

Voir l’intégralité de son carnet >>> ici <<<

Voir les nombreux autres cas de fraternisations (5e, 28e, 52e, 53e, 70e divisions d’infanterie)

 

 

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Extrait de la correspondance d’Henri VIDEAU

 

Le 24 décembre 1914

« Chers Parents,

Nous sommes encore de retour des tranchées, nous allons faire réveillon au cantonnement, ce qui sera plus chouette.

Pour notre Noël, nous avons reçu chacun un paquet. Dans chaque paquet, il y avait : une savonnette, une orange, du fil, aiguille, une petite fiole de cognac, 2 bâtons de chocolat, un petit peigne, une brosse à moustache, où une glace, (et comme surprise, des calepins, des couteaux, une pipe, etc.) et 10 cigarettes chacun.

 

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C’était envoyé par les écoles de Tours, avec un petit mot dedans, de joyeux noël et bonne année, et quelques mots d’encouragement.

C’était très bien, et ça fait plaisir à tout le monde

J’ai reçu aussi le petit paquet, contenant cache-nez, et chaussettes, la lettre aussi me l’annonçant, et je m’empresse de vous répondre de suite. Quand au briquet, c’est ça qui est utile

Peut être que mon oncle Ernest m’en enverra un.

J’ai reçu une lettre de lui qui m’annonce aussi qu’Angeline et Henry sont avec lui. Et que Florence a laissé son mari.

Pour le vin, l’on en touche tous les jours, de l’eau-de-vie, du chocolat, du fromage. Ce qui fait toujours défaut, c’est le tabac. Car pour se chauffer dans la tranchée l’on fume une cigarette, et les allumettes pas.

Enfin, bref.

 

Hier, dans la tranchée, il s’est passé quelque chose qu’il faut vous dire.

En face de nous, à 30 mètres, il y avait des Bavarois, à notre gauche les Prussiens, et à droite les Saxons.

Les Bavarois sont très chics, car ils ont venu nous voir dans la tranchée ; ils nous ont dit : « Vous Françouss, tirez pas, nous non plus »

Pendant 2 jours et 2 nuits, pas un coup de fusil.

Puis moi avec le Lieutenant, nous avons été chercher un journal Bavarois ; ils nous ont offert des cigares, des cigarettes ; le Lieutenant leur a donné un paquet de Maryland et moi 2 bâtons de chocolat que j’avais touché la veille ; il a fallu leur serrer la main à tout prix, puis on a retourné dans notre local.

Le lendemain matin, des fantassins des avant postes ont pris le café ensemble avec l’avant poste Boche. Et ils disaient : « Se méfier, Prussiens dans le bois à gauche, tiré dessus avec mitrailleuses » Je crois qu’ils vont faire réveillon ensemble.

Ca, j’en suis sûr, car je l’ai vu de mes propres yeux ; mais ça n’a pas été partout pareil et pas toujours.

Le paquet de flanelle et ceinture, je ne l’ai pas vu mais j’en ai touché d’autres et 10 francs avec. Mes souliers, je ne sais pas quand ils seront payés car l’on est éloigné du régiment et il faut que la liste parte au ministère et retourne ; ce n’est pas tout de suite.

 

Enfin voilà 2 mois que où nous sommes rendus que les Boches sont las.

Si vous m’envoyé de l’argent, envoyer moi des billets dans la lettre, c’est plus commode ; car pour toucher de l’argent c’est la scie.

Maintenant je remercie bien ma grande Cécile aimée du beau cache-nez qu’elle m’a fait, car je ne le crois encore pas que c’est elle, car c’est bien fait et épais et chaud.

Que je voudrais être auprès de vous et vous embrasser bien fort, vous serrez dans mes bras tous. J’espère que ça viendra bientôt, j’espère.

 

 

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 Extrait du carnet d’Edouard MATTLINGER

 

Il appartenait au 372e régiment d’infanterie

A cette période il se trouvait dans le secteur de Friesen (Alsace)

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16 décembre

« Départ pour les avant-postes à 11 heures.

Nuit très froide.

Etant de garde, j’ai souffert du froid des pieds comme jamais. Très calme sur notre front. »

17 décembre 1914

« Nous guettons la relève de l’ennemi qui se fit à 7 heures du matin, comme depuis plusieurs jours nous ne nous tirions plus dessus. L’ennemi passa sans se cacher et nous dit bonjour en passant.

Nous étions à 25 mètres les uns des autres. Il n’y avait plus de gêne entre nous. Nous exécutions nos travaux de part et d’autre sans nous dissimuler.

Temps superbe. »

18 décembre 

« Toujours aux tranchées. Pendant mes heures de garde, je grimpe sur un petit arbre et je cause avec une sentinelle boche.

On s’en fait une miette. »

19 décembre

« Nous travaillons avec le génie à la construction d’abris et de ligne de défense. Travail très bien fait. »

20 décembre

« Temps pluvieux. Journée d’ennui.

Je vais d’une grange à une autre pour tuer le temps.

Après-midi, je vais aux vêpres où j’éprouve un profond chagrin en entendant les chants d’église et au loin, le bruit des canons. »

21 décembre

« Nous allons aux tranchées. Nous passons dans des chemins impraticables. Nous enfonçons dans la boue de 15 centimètres. C’est très pénible.

Nous restons en réserve d’avant-postes.

La nuit, je prends 6 heures de garde en première ligne (nuit très froide). »

22 décembre

« Tranchées, rien de nouveau.

Temps superbe.

Le soir, nous sommes relevés, et nous passons une agréable soirée chez les habitants.

Nous jouons aux cartes en dégustant quelques litres de bon vin. »

23 décembre 

« Réveil à 6 heures, pour aller travailler aux tranchées.

Je passe une journée à planter des piquets avec une masse.

Je me suis bien fatigué, si bien que l’éprouve des troubles par suite de mon accident que j’ai eu dans le civil.

A un certain moment de la journée, 2 parlementaires ennemis s’avancent à nous avec le fanion de la Croix-Rouge pour nous demander l’autorisation de ramasser des blessés. Cela nous parut très louche, vu qu’il ne s’était livré aucun combat.

Les ordres furent transmis au commandant qui donna l’ordre à une fraction d’hommes de se tenir prêts à faire feu sur l’ennemi si toutefois la nouvelle était fausse.

Mais, les ordres avaient été mal transmis, il ne s’agissait pas de blessés, mais de patrouilleurs ayant été tués.

Tout se passa sans incident L’ennemi ramassa deux des leurs et un des nôtres. Nous continuons nos travaux jusqu’à 3h1/2 et nous retournons à notre cantonnement où je me couche de suite, car je souffre de ma tête. »

24 décembre 

« Je vais à la visite où je suis examiné sérieusement.

Le major constate que j’ai de sérieux troubles cérébraux et me donne une feuille d’évacuation. J’attends les voitures de ravitaillement qui me conduisent à la gare de Chepuis où nous restons 4 heures à attendre le chemin de fer départemental.

Je suis très heureux. Je n’ose pas décrire ma joie. »

(...)

Voir l’intégralité de son carnet >>> ici <<<

Voir les nombreux autres cas de fraternisations (5e, 28e, 52e, 53e, 70e divisions d’infanterie)

 

 

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Extrait de la correspondance de Nicolas THEUREAU

Il appartenait au 167e régiment d’infanterie

A cette période il se trouvait dans le secteur de Reillon (Lorraine)

Voir l’intégralité de sa correspondance >>> ici <<<

5 janvier 1916 :

Cette lettre mérite d’être reproduite dans son intégralité pour les précieuses indications qu’elle donne concernant la vie des militaires sur le front des hostilités. :

 

« Mes biens chers parents,

Je m’empresse de répondre à votre gentille lettre que j’ai reçue avec un vif plaisir en apprenant que la santé est bonne pour vous et toute la famille. Pour moi tout va bien pour le moment. Excusez-moi si je suis resté quatre jours sans vous écrire ; comme je vous l’ai dit j’étais aux tranchées, cela m’était presque impossible d’écrire ; tantôt nous étions aux créneaux, tantôt on était employés à enlever la boue et l’eau qui, parfois, nous arrivait jusqu’au-dessus des genoux. Malgré tout je conserve bon courage et bon espoir. En ce moment il faut savoir être patient et avoir conservé son courage. Sachez être comme moi et tout ira pour le mieux, je le souhaite de tout mon coeur.

Nous n’avons presque pas eu de pertes, deux tués et une dizaine de blessés par les obus.

Entre nous, il n’y a pas grand chose, d’ailleurs, c’est presque impossible avec le temps que nous avons, juste quelques coups de fusils de temps en temps ; les boches sont très raisonnables ; ils ont été jusqu’à fraterniser avec les nôtres au petit poste ; ils ont échangé une boule de pain pour des cigares que les nôtres leur ont donné, cela prouve que les boches en ont marre et je serais porté à croire que la guerre sera bientôt finie, je le souhaite bien vivement.

Je suis de repos pour une huitaine de jours aussi je vous ai demandé un colis, c’est à dire des limes fines et des bagues que mon père me coulera car il ne m’est guère facile de trouver de l’aluminium, deux ou trois pierres à briquet si le colis n’est pas parti, et une paire de chaussettes ; il faudra m’en couler le plus possible et d’environ 12 mm d’intérieur, cela me fera rudement plaisir.

J’ai reçu la lettre de grand-mère ainsi que le billet ; je la remercie du plus profond de mon coeur et vous l’embrasserez une bonne fois pour moi.

Je termine en vous souhaitant bonne santé et bon courage ; je vous écrirai ces jours.

Votre fils pour la vie et qui vous aime tous du plus profond du coeur.

Nicolas »

 

En même temps qu’elle nous montre la dureté de la guerre, cette lettre laisse transparaître les différents états d’âme du jeune soldat : lassitude puis tristesse à compter ses camarades de combat tués ou blessés, espoir de voir la guerre se terminer ; et ensuite, alors qu’il est au repos, le goût pour des activités matérielles plus agréables et enfin, la prévenance pour tranquilliser ses parents et leur dire son amour.

 

 

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Extrait du carnet de Jules BARBE

Il appartenait au 42e régiment d’infanterie

A cette période il se trouvait dans à la côte du Poivre (nord de Verdun)

Voir l’intégralité de son carnet >>> ici <<<

 

Octobre 1917

Le 18 : au matin, notre artillerie tire trop court, un 75 tombe dans un trou d’obus à 1 m de moi où il y avait une section, 4 d’amochés, moi ça m’a tout recouvert de terre, mais point de mal.

Une minute après un autre obus tombe encore plus près, encore pas touché, mais toute la fumée de la poudre, je l’ai eu dans la bouche et j’ai failli être asphyxié mais j’ai pu me sauver et je suis revenu quand l’artillerie a eu allongé son tir.

Un de mes copains a été tué d’une balle en pleine tête en voulant porter un des blessés. Les boches ont cru qu’on faisait un coup de main, ils étaient tous sur le parapet.

Le reste de la journée a été calme, d’ailleurs il a plu toute la journée et toute la nuit sans arrêter. Nous sommes trempés comme des canards, nous ne tenons plus debout.

A minuit, on nous apporté à bouffer mais rien de chaud, pas même du jus.

 

Le 19 au matin, les boches nous font signe avec leur béret, mais nous nous méfions. Ils nous montrent des paquets de cigarettes.

Pour nous passer la soif, nous buvons de l’eau qui se trouve dans les trous d’obus, de l’eau toute jaune par la poudre et les gaz et qui a passé sur les macchabées.

Le 19 à 17 h : feu de barrage violent par notre artillerie qui a commencé comme toujours par tirer trop court : les obus nous tombaient dessus, avons dû quitter nos poste, encore un de tué par les 75. Le feu de barrage a duré jusqu’à 18 h00. Le reste de la nuit calme.

 

Le 20 au matin : très calme sauf un avion boche qui est venu nous mitrailler.

Le 20 au soir : froid terrible, nous ne savons pas comment nous réchauffer. Marcel vient d’aller à la visite et il est évacué pour les pieds gelés, que je voudrais être à sa place.

 

Le 21 au matin : les boches nous disent bonjour et nous donnent des cigarettes et des cigares. On leur donne du pain en échange.

Le reste de la journée a été calme.

Le soir, mes pieds me faisaient mal, j’étais déjà content, je croyais que ça allait empirer dans la nuit mais tout le contraire, ça a passé.

 

 

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Extrait de l’album photos de Georges TARDY

Il appartenait au 4ème génie, compagnie 14/63

A cette période il se trouvait en Artois, dans secteur cote 140, Cabaret Rouge (nord d’Arras)

Voir 300 de ses photos sur mon site >>> ici <<<

 

 

C’est une partie des photos qui est présentée sur mon site, vous pouvez retrouver TOUTES ses photos et toutes ses lettres, dans un ouvrage présenté sur le site de Bruno TARDY : Lettres et photos de Georges TARDY

 

Photos de fraternisations, janvier 1916, Artois

 

        

 

 

 

 

 

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Extrait du carnet de Frédéric BRANCHE

Il appartenait au 99e régiment d’infanterie

A cette période il se trouvait dans la Somme, au bois Touffu, secteur Fay

Voir l’intégralité de son carnet >>> ici <<<

Merci à Bertrand

Dimanche 20 décembre 1914

(…). Je commence à me former à cette vie de tranchées et à m’orienter. Derrière nous se trouve Fontaine-lès-Cappy, et, sur notre gauche, le Bois Commun. Nous sommes dans le Bois Touffu.

Devant nous et à gauche, sur le coteau, je vois le bois Carré qui est encore à l’ennemi, puis, plus sur la droite, le village de Fay et, plus loin encore, le Bois Etoilé et Foucaucourt.

Nous sommes environ à cent cinquante mètres de l’ennemi ; en d’autres points, les deux tranchées sont à soixante mètres de distance. Des réseaux communs de fils de fer les séparent.

(…)

Jeudi 24 décembre 1914

La nuit a été froide, le soleil long à se lever ; à peine daigne-t-il briller à midi. Il souffle une bise assez forte qui pince.

Depuis ce matin, violente canonnade vers Arras.

Quelque opération se prépare. Au rapport, paraît une proclamation du Général Joffre : « l’heure des attaques a sonné : depuis trois mois, nous nous tenons sur une défensive agressive, nous avons usé l’ennemi ; nous sommes prêts en hommes et en canons. Haut les Cœurs ! Il faut délivrer le pays ! Avancer ou mourir ! »

Le rapport ajoute d’autre part, que le Régiment doit s’attendre à quitter le pays d’un instant à l’autre : il faut se tenir prêt à charger les sacs sur des voitures, les vivres de réserve seront mis dans la musette, la couverture et la toile de tente portées en sautoir.

… Histoire singulière et qui me donne à réfléchir : STEFANAGGI m’avait raconté que, dans sa reconnaissance d’hier, les bleus, ses compagnons, l’avaient abandonné. Voilà que Leroux vient de me certifier le contraire, au témoignage d’un caporal parti la nuit passée en patrouille, dans la même direction, pour refaire celle de la veille, mal conduite : succès complet, puisque quatre sentinelles ennemies ont été surprises et tuées à coup de baïonnette… Ces pauvres, je les plains sincèrement ; … mais j’ai pris la résolution d’ouvrir l’œil lorsque je serai de faction la nuit.

J’ai écrit hier ma lettre de nouvel an pour maman. Cela m’a donné le cafard pour une partie de la journée. Pour tous, les fêtes de fin d’année auront de la tristesse : amis et ennemis, tous souffrent de la séparation d’avec la famille et, même il semble que les hommes aient voulu faire trêve à leur tueries, comme semble le prouver le fait suivant.

Vers quinze heures, à la 1e compagnie, sur notre gauche, à la hauteur du Bois Carré occupé par l’ennemi, en un point où les tranchées ne sont distantes que d’une centaine de mètres, un dialogue s’est engagé entre Français et Allemands. De part et d’autre, l’on fait des signes d’amitié ; voici qu’un de nos caporaux mitrailleurs quitte notre tranchée ; un gradé ennemi fait de même ; ils se rejoignent, se serrent la main, échangent des cigarettes et descendent l’un et l’autre dans la tranchée adverse. Bientôt, c’est un défilé de soldats ennemis dans nos tranchées : il en vient huit, des Bavarois qui, une fois chez nous, ne veulent plus retourner là-bas. Quand à notre caporal, il est renvoyé chez nous avec force cigares et cigarettes.

Questionnés, nos prisonniers volontaires avouent une grande lassitude de la guerre et nous préviennent, en outre, que les Prussiens, nos vis-à-vis, ont décidé de nous attaquer cette nuit !

 

Vendredi 25 décembre 1914

Nous comptions passer une veillée de Noël bien tranquille : ah oui ! Nous avons été des dupes !

En suite des déclarations faites par les prisonniers, le Bataillon reçoit l’ordre de passer la nuit aux créneaux, prêt à toute éventualité. Dès dix-sept heures, chacun est à son poste.

Clair de lune superbe ! Du côté de l’ennemi, la fusillade a complètement cessé. Un silence impressionnant règne, seul troublé par les coups de feu de nos sentinelles. Dans le lointain, l’on entend les Allemands chanter, jouer du fifre et du tambourin.

Derrière mon créneau, l’oreille aux aguets, fiévreux, j’attends les événements.

Dix-huit heures : quatre coups de 75.

Dix-huit heures quinze : les ennemis nous envoient une marmite qui éclate avec fracas, assez loin de la tranchée… par moments des fusées éclairantes.

Je suis las ; j’ai froid. Je me couche. Soudain, l’on crie : « aux créneaux ! » minute inoubliable ! Je bondis sur mon fusil, le doigt sur la détente, tremblant sur mes pauvres jambes.

C’est une fausse alerte… minuit… deux heures… tout le monde s’est couché, éreinté… On nous fait lever… Encore cinq heures avant le jour ! Et toujours le même silence en face de nous. Les chants ont cessés.

Cinq heures du matin… le brouillard tombe. On redouble d’attention.

Six heures : le silence toujours… nous seuls tirons… l’ennemi est peut-être là, prêt à bondir ; pourtant il envoie de nombreuses fusées éclairantes, comme s’il craignait d’être attaqué… Non, il n’attaquera pas et sottement nous avons veillé tandis qu’en face de nous l’Allemand s’amusait.

Eh bien ! Malgré les réflexes physiques provoqués par l’attente, j’étais tranquille et prêt à sacrifier ma vie. Tout de même j’ai vu poindre le jour avec satisfaction.

Et quel sommeil le matin !

A l’ordinaire, un cigare, un quart de gniole.

Cet après-midi, les causeries ont recommencé de tranchés à tranchés. Les Allemands nous ont tenu un petit discours amical et un de leurs officiers s’est avancé au-devant de l’adjudant Faure, de la 1e, pour lui serrer la main.

Voilà donc comment s’est écoulé Noël 1914, dans la tranchée, par un temps froid et triste. Jamais je n’ai autant ressenti l’horreur de cette guerre qu’aujourd’hui, en ce jour de fête, si doux à vivre de coutume et si triste cette année.

 

Samedi 26 décembre 1914

Quelle nuit j’ai passé !

L’ennemi n’a pas tiré un seul coup de fusil, lui qui, d’ordinaire, tiraillait sans cesse. J’étais de garde en petit poste avancé ; j’ai pris trois fois une heure et demie, et, chaque fois, je poussais un « ouf ! » de satisfaction quand j’avais fini. Aucun incident… Pourtant, à partir de trois heures du matin, l’on entendit du côté de Fay des bruits de cavalerie ?… Que se prépare-t-il donc ? Voilà deux nuits que règne le même silence impressionnant.

Ce matin, un soldat ennemi s’est avancé vers nos tranchées au cri de « Kamarad ! Nicht kaput ! » On lui fait signe de venir ; il s’approche ; parlant un peu l’allemand, je vais au devant de lui. Nous nous serrons la main ; il m’offre un verre de Kummel, un cigare. Il m’apprend qu’il était artiste peintre, étudiant à Munich ; il a vingt-six ans. Après quelques minutes d’entretien, chacun rentre dans sa tranchée, en se souhaitant au revoir.

Que penser de ces manifestations d’amitié ?

Je souhaite qu’elles soient sincères : ce serait preuve que tous sentent le besoin d’imposer une trêve à cette horrible guerre et qu’elle peut s’établir un instant par accord tacite.

 

Dimanche 27 décembre 1914

Nuit pénible par suite du froid : je n’ai pu dormir. Reçu une lettre d’Antoine, de maman, qui m’ont réconforté un peu.

Il fait froid. Il pleut.

Ce soir, LEROUX sort comme volontaire pour une reconnaissance conduite par STEFANAGGI. Cela me peine de voir partir ce « copain ». Je lui serre la main, il me remet ses papiers pour sa famille, en cas de malheur.

… Ce n’était qu’une fausse nouvelle… LEROUX est descendu à Fontaine faire des expériences de lancement de bombes. Son retour, ce soir, m’a donné du plaisir.

 

 Lundi 28 décembre 1914

Temps pluvieux et morose. Une lettre de la maison me donne de bonnes nouvelles de tous. J’ai encore le cafard. Cantonné dans mon gourbi, je songe… comme on songe en un gîte.

Cette après-midi, en face de notre troisième section, des soldats Bavarois sont montés sur leurs tranchées en disant : « Pas kaput ! Kamarad ! » et nous ont demandé des journaux que l’on s’est empressé de leur donner.

Le 77 allemand bombarde nos tranchées sur la droite, sans résultat ; des 105 lancent des dizaines d’obus sur Fontaine-lès-Cappy. Par instant, des bombes tombent vers un petit poste occupé par la 1e Compagnie, dans un boqueteau à gauche de la vallée Fontaine - Fay… Nous ne tardons pas à répondre d’ailleurs… Somme toute, journée calme…

Depuis le 25, la fusillade a cessé complètement. C’est à oublier que nous sommes en guerre.

Dix-sept heures : un vent violent du sud-ouest s’est levé, chassant d’épais nuages. La lune paraît, se cache à tout instant… Impossible aux sentinelles de rien entendre. C’est un véritable ouragan. Du côté d’Arras, les éclairs d’une canonnade qui dure depuis quatre ou cinq jours, mais dont on n’entend point le roulement.

Dix-neuf heures : le silence était complet ; soudain, des coups de fusil éclatent de notre côté. Je suis veilleur : par ordre je réveille tout le monde… Simple alerte.

 

Mardi 29 décembre 1914

Seize heures : notre section descend au repos à Fontaine-lès-Cappy, en attendant que la compagnie et le bataillon la rejoignent le 31 (…)

 

 

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 Extrait du carnet de Laurent COUAPEL

Il appartenait au 155e régiment d’infanterie

À cette période il se trouvait dans la Meuse, dans la forêt d’Apremont, secteur de la Tête à Vache

Voir l’intégralité de son carnet >>> ici <<<

Merci à Bertrand

 

(...) Nous avons quitté ce secteur (*) pour prendre les lignes au RAVIN DE LA SOURCE et puis à la TETE A VACHE où nous étions, la vallée était profonde et nous étions d'un côté et les Allemands de l'autre.

Cependant, il y avait un endroit où les lignes étaient très rapprochées, si bien que des français qui parlaient allemand, ou le contraire, ont engagé une conversation. Puis, il y a eu des échanges de chocolat, de cigares, de biscuits, c'était la bonne vie.

Mais un jour, (c'était des Bavarois), ils nous ont prévenus :

«Demain, nous sommes relevés par un régime de Prussiens, vous échangerez autre chose que des cigares ».

 

(*) L’historique du régiment indique que :

« Du 1er au 12 juin, le régiment est au repos à Rupt-aux-Nonnains ; de là, par Sorcy (Sorcy-Saint-Martin, Meuse), il monte en secteur à la Tête-à-Vache, le 19 juin; secteur assez calme, sauf quelques bombardements de première ligne par engins de tranchées. »

Nous pouvons donc situé la date de cette fraternisation avec exactitude, en juin 1916, et le lieu « la Tête-à-Vache », en forêt d’Apremont, secteur de Saint-Mihiel (Meuse)

 

En effet, ils ont commencé par nous envoyer des obus de canons des tranchées, des tuyaux de poêles, des mines à retardement qui s'enfonçaient tellement profond qu'elles défonçaient les abris. C’était des engins qui avaient énormément de trajectoire. Nous les voyons en l'air et en se déplaçant rapidement, comme la tranchée était très sinueuse, nous réussissions à mettre un pare-éclats entre nous et l'éclatement.

Mais comme ce petit jeu durait toute la journée, ça devenait démoralisant. (...)

 

 

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Extrait des lettres d’Ernest BENOIST

Il était brancardier au 81ème régiment d’infanterie territorial

A cette période il se trouvait en Artois, quelques Km au sud d’Arras

Voir l’intégralité de son carnet >>> ici <<<

Merci à Jean-Louis

 

Lettre du 27 décembre 1914

« ...J'ai fêté, tu penses de quelle manière !! La Noël, là-haut près des Boches ; Comme réveillon, j'ai failli être tué par une balle qui m'a rasé la figure, et j'ai eu à ramasser un mort et quatre blessés. En ce moment, je suis au repos ; mais absolument éreinté et fourbu.

Ce qu'il y a eu de curieux, c'est la nuit du réveillon ; les Boches et nous même avons chanté ; les Boches ont même joué de l'accordéon et je crois bien de l’harmonium ; et chanté des chœurs le tout fort bien et très intéressant.

Ensuite un lieutenant de chez nous est monté sur la tranchée et a entonné un " Minuit Chrétien " admirablement réussi et écouté religieusement aussi bien par les Boches que par nous.Puis les Boches ont chanté " la Marseillaise " ça paraît étrange ; (C'est vrai cependant) et nous ont adressé quelques compliments et aussi quelques sottises ; Quant à nous, nous leur avons adressé seulement des sottises. Inutile de dire que les balles ont continué à s'échanger avec une parfaite régularité. Mais ceux à qui en veulent les Boches, ce sont surtout les Anglais. Ils nous criaient fréquemment " Français, bons camarades, pas capout, Anglais tous capout, tous, tous capout !"

Somme toute, cette nuit de Noël a été très curieuse et comptera dans mon existence, à condition que je revienne ce qui est loin d'être prouvé.... » (...)

 

Lettre du 8 janvier 1915

Comme nourriture c'est aussi assez copieux, mais horriblement mauvais, à mon goût ; aussi je n'y touche jamais ; tu penses, on fait la cuisine au cantonnement et on l'apporte dans les tranchées ; tu vois d'ici. Forcément tout se mange à la glace, et la soupe, 60 centimètres de graisse sur le dessus et glacée –

Quelle fête !  Et quelle horreur !

La nuit de Noël et celle du premier de l'an, les Boches et nous avons rivalisé d'ardeur pour les chansons patriotiques, l'un de nos lieutenants est monté debout sur la tranchée et a entonné (à Noël) un " Minuit Chrétien " très bien chanté du reste, et écouté religieusement par nos aimables ennemis.

De leur côté, ils jouaient de l’accordéon ; ils ont même chanté " la Marseillaise " et nous ont offert leurs vœux, c'était très curieux ; quelques instants avant on s'était du reste bombardé et fusillé avec acharnement.

Pour notre compte, nous avons eu un tué et 4 blessés ; ils ont même failli faire de moi un mort, une balle m'a éraflé la joue, manque d'un point !

Ils me trouaient la bobine de part en part... »

 

 

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Extrait des lettres de Kléber POULEAU

Il était soldat au 89ème régiment d’infanterie territorial

À cette période il se trouvait dans la Meuse, forêt d’Argonne, secteur de la Haute-Chevauchée.

Voir l’intégralité de son carnet >>> ici <<<

Merci à Evelyne

Secteur de la Haute-Chevauchée, Argonne, 25 décembre 1914

« Je pense que vous allez vous faire des cheveux comme beaucoup en ce moment cela n'a rien de bien agréable j'ai pris la garde au poste avancé 48 heures c'est très moche on attend parler les boches car on est à 40 m comme vous voyez on n'est pas loin.

Ils chantent, ils sifflent, ils n'ont pas l'air de s'ennuyer, mais je crois bien qu'ils sont comme les autres qu'ils voudraient bien que cela soit fini. Ils ont du toupet, car voilà 2 jours il y en un qui est venu à 10m de notre tranchée avec un saucisson et une boite de cigares et les autres se sont découverts par-dessus la tranchée et nous aussi il n'y a pas eu un coup de feu de tiré. »

 

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Extrait de l’un des 3 carnets de guerre d’Arsène LERIDON

Il était soldat au 71ème régiment d’infanterie territorial

À cette période il se trouvait dans la Somme, secteur de  Tilloloy

Voir l’intégralité de son carnet >>> ici <<<

Merci à Christian

Secteur de Tilloly, Somme, décembre 1915

Le 18 décembre 1915, même travail.

« Voilà un rapport qui court dans toutes les compagnies, »

« Un homme de la 10ème compagnie se hasarde à aller chercher un cadavre français au-devant des fils de fer allemands. Il monte sur la tranchée et va droit au cadavre. Pas un soldat allemand ne tire. Arrivé au cadavre, les Allemands remontent par-dessus la tranchée, puis il leur fait signe de venir. Plusieurs viennent près de lui, puis dans l’espace de cinq minutes, il se trouve une vingtaine d’Allemands et de français sur la tranchée, à se parler ou plutôt se faire des signes pour se comprendre.

Ils échangent du tabac même ils essayent leurs casques. Un capitaine du 71 leur parle en allemand mais ne sort pas de la tranchée. Le temps s’écoule puis le 75 envoie 4 obus dans les lignes allemandes. Vite tous rentrent dans leurs tranchées, ce n’est plus le moment de tenir conversation. Les Allemands envoient juste 4 coups d’obus aussi. »

 

 

 

Extrait du carnet : fraternisation du 16 décembre 1915.

 

 

           

 

 

Extrait du JMO du 71e régiment d’infanterie territoriale qui confirme la fraternisation du 16 décembre 1915.

 

 

 

 

Cote 106 de Tilloloy : Zone probable de la fraternisation

 

 

Des prémices de fraternisation débutent côté allemand, mais sans suite…

 

Le 13 janvier, même secteur :

« Le 13, du petit poste ennemi, ils nous envoient des torpilles qui tombent autour de la tranchée.

Vers 10 heures du soir, on entend les allemands chanter, siffler. Ils font du tapage. Dans la nuit, ils viennent mettre plusieurs journaux avec un petit paquet contenant 5 cigares près de nos réseaux de fil de fer. »

 

 

 

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 Voir les nombreux autres cas de fraternisations (5e, 24e, 28e, 52e, 53e, 58e, 70e, 77e divisions d’infanterie, et les écrits des soldats)

 

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