Mutineries de 1917 : La 47e division d’infanterie, Les documents officiels

 

Mise à jour : août 2012

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Les mutineries de 1917 sont une série de mutineries qui ont eu lieu pendant la première guerre mondiale, en 1917.

Parmi elles, le 70e bataillon de Chasseurs est connu pour la mutinerie de la 7e compagnie qui l’a affecté.

Ont-elles touché les autres unités de la division ? Ont-elles été retranscrites sur les JMO ? Comment sont-elles décrites ?

J’ai donc « fouillé » dans tous ces JMO (Journaux de Marches et Opérations) de ces unités ; Voici ce que j’y ai déniché :

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Préambule 

En avril 1917, la 47e division d’infanterie était au repos dans l’Aisne, secteur de Beuvardes-Jaulgonne (nord de Château-Thierry), puis a reçu l’ordre, le 1e juin, de faire mouvement au front, région de Chevreux.

Le 3 juin, elle est embarquée pour Romain, où 21 chasseurs seront arrêtes, et 3 condamnés à mort.

Elle n’était pas rattachée à un corps d’armée

La 47e DI, en mai 1917, comprenait :

Ø  3 groupes de Chasseurs :

·         Le 4e groupe qui comprenait les 11e, 12e et 51e bataillons de Chasseurs Alpins

·         Le 5e groupe qui comprenait les 14e, 52e et 54e bataillons de Chasseurs Alpins

·         Le 6e groupe qui comprenait les 30e, 70e et 115e bataillons de Chasseurs Alpins

Ø  1 escadron du 3e Chasseurs à cheval,

Ø  3 groupes d’artillerie des 9e, 21e et 56e régiments d’artillerie,

Ø  2 compagnies du 11e régiment de génie : compagnies 27/3 et 27/53

Ø  1 compagnie du 7e régiment de génie  compagnie 15/22

 

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JMO = Journal des Marches et Opérations

Extrait du JMO de la 47e division d’infanterie :

Rien d’indiqué sur les mutineries entre le 15 mai et 15 juin

Extrait du JMO de la prévôté de la 47e division d’infanterie :

Rien d’indiqué sur les mutineries entre le 15 mai et 15 juin

Pourtant la prévôté de la 47e DI a fourni un service d’ordre à l’occasion de l’exécution de  2 Chasseurs, c’est indiqué sur le journal de la prévôté du 9e corps d’armée, voir >>> ici <<<

Extrait du JMO du 4e groupe de Chasseurs (11e, 12e et 51e BCA) :

Les faits ne sont pas relatés dans le journal de marche

Extrait du JMO du 11e BCA :

Les faits ne sont pas relatés dans le journal de marche

Extrait du JMO du 12e BCA :

Les faits ne sont pas relatés dans le journal de marche

Extrait du JMO du 51e BCA :

Les faits ne sont pas relatés dans le journal de marche

Extrait du JMO du 5e groupe de Chasseurs (14e, 52e et 54e BCA) :

Les faits ne sont pas relatés dans le journal de marche

Extrait du JMO du 14e BCA :

Les faits ne sont pas relatés dans le journal de marche

Extrait du JMO du 52e BCA :

Les faits ne sont pas relatés dans le journal de marche

Extrait du JMO du 54e BCA :

Le Journal de marche de cette unité n’existe pas.

Extrait du JMO du 6e groupe de Chasseurs (30e, 70e et 115e BCA) :

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2 juin :

« Dans la nuit du 2 au 3, une émeute éclate au 70e bataillon.

La 7e compagnie qui s’est mutinée essaye d’entrainer le reste du bataillon sans y parvenir. A 2 heures les émeutiers se dispersent d’eux-mêmes et rentrent se coucher dans leur cantonnement.

Au matin, on compte trois blessés dont 2 par balle.

Prés de 400 coups de feu ont été tirés par les émeutiers. »

 

3 juin :

« Le division de division vient dans la matinée et rassemble les chasseurs de chaque compagnie du 70e auxquels il adresse quelques paroles sur les événements de la nuit.

Le lieutenant-colonel commandant le groupe vient également au Charmel à Beuvardes voir le commandant du 70e bataillon. »

 

 

 

 

 

 

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« Par ordre spécial de la division, le bataillon est embarqué en train militaire à 15 heures et débarqué aux carrières de Romain où il cantonne.

Les chasseurs particulièrement remarqués au cours des manifestations sont arrêtés et conduits au nombre de 21 à la prévôté du 9e corps d’armée.

 

Dans la soirée quelques incidents se produisent au 30e et 115e bataillon. Quelques arrestations sont opérées au 30e bataillon. »

 

 

 

 

 

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« Le caporal DAUPHIN et les Chasseurs RENAULT et LIEBERT du 7Oe bataillon sont condamnés à mort par le conseil de guerre de la 47e division.

Le chef de bataillon BRUN commandant le 70e bataillon passe au 413e régiment d’infanterie, il est remplacé par le chef de bataillon MASSON, venu du 18e RI. »

Il est curieux de signaler que le 18e RI venait de se mutiner

 

 

 

 

1

(…)

«  Le 12 juin à 3 heures, a lieu l’exécution du caporal DAUPHIN et du chasseur RENAULT condamnés à mort.

Le recours en grâce de LIEBERT est accepté et sa peine commuée en travaux forcés à perpétuité.

L’exécution se passe sans incident. »

 

 

 

 

 

 

 

Le 29 juin, le Lieutenant colonel COQUET, commandant le 6e groupe de chasseurs est placé en réserve et remplacé provisoirement par le Lt-colonel BEL.

A cause des mutineries ?

Extrait du JMO du 30e BCA :

Curieusement, il n’y a rien d’indiqué sur les mutineries entre le 15 mai et 15 juin dans le journal de cette unité.

Pourtant le journal du 4e groupe de Chasseurs indique :

« Dans la soirée quelques incidents se produisent au 30e et 115e bataillon. Quelques arrestations sont opérées au 30e bataillon. »

Pourquoi le JMO est-il muet sur ces événements ?

Extrait du JMO du 70e BCA :

 

2 juin :

« Le soir du 2 juin au moment de l’appel, il est remarqué dans un certain nombre de cantonnements une effervescence inaccoutumée qui se traduit par des discutions à voix forte et des chansons. Cette agitation semble d’abord être due à la boisson.

La solde, plus élevée qu’habituellement grâce aux nouvelles allocations de combat et de boue, a en effet été payée ce soir et beaucoup sont remarqués en état plus ou moins avancé d’ivresse

Pourtant le calme se rétablit un peu. »

 

« Vers 21h30, le commandant, le capitaine adjudant major, le médecin-chef, l’officier adjoint se promenant dans le cantonnement s’arrête devant un local à l’intérieur duquel s’entend une discussion très agitée ayant un sens révolutionnaire.

Le commandant fait appeler le capitaine commandant la 7e compagnie à laquelle appartient ce local. Peu après des clameurs plus fortes s’entendent un peu plus loin dans la même rue.

Le commandant s’y porte aussitôt en compagnie du capitaine commandant la 7e compagnie qui vient d’arriver.

Les chasseurs de ce nouveau local appartenant à la même compagnie.

Le capitaine y rentre et les exhorte au calme.

Ces hommes paraissent ivres et l’intervention du capitaine est sans effet.

Sitôt celui-ci sorti, cinq ou six des plus agités s’arment de bâtons, cassent les vitres du local et hurlent : 1A bas la guerre ! A bas la guerre ! »

 

« Le commandant et le capitaine s’éloignent de quelques pas dans la rue et au bout d’un instant, il leur est lancé des bâtons et des cailloux provenant sans nul doute de ces émeutiers.

Le sergent de cette demi-section essaie aussi, mais sans succès, d’intervenir. Ces officiers jugeant leur présence néfaste à ce moment s’éloignent encore et remontent la rue, les mêmes émeutiers aussitôt se répandent dehors en hurlant sans arrêt ces cris :

A bas la guerre, vive la révolution, vive la Russie ! »

 

« Au bout de 10 minutes de ces cris, un coup de pistolet est tiré partant du lieu du tumulte, il est bientôt suivi de coups de fusil isolés d’abord, puis plus nombreux.

L’agitation prend le caractère d’une véritable émeute.

Il est 10H30 environ.

Le commandant alerte tous les officiers qui pour la plupart sont déjà avec leur unité. Les cris et les coups de feu continuent à la même place. Le commandant et le capitaine adjudant-major partent au quartier-général de la division située au bas du village et rendent compte. »

 

« A leur retour l’agitation quoique toujours cantonnée dans les éléments de la 7e compagnie a gagné en intensité, les coups de feu sont de plus en plus nombreux.

Tout à coup, ils se mettent en marche dans la direction où sont situé le logement du commandant le bureau du bataillon et le poste de police et qui conduit au centre du village.

Arrivés devant le logement, ils tirent de nombreux coup de feu sur la façade puis pénètrent dans le poste, dont ils entrainent quelques prisonniers et se répandent dans les rues en cherchant surtout, mais sans succès, à débaucher leurs camarades des autres compagnies.

Devant le refus d’une des ces compagnies, la 8e, ils mettent le feu à la baraque dans laquelle étaient logés trois sections.

L’intensité de l’émeute atteint à ce moment son maximum.

Elle continue toujours par des coups de feu et des cris qui vont diminuant peu à peu, pour cesser à peu près complètement vers 2 heures.

A cette heure, les émeutiers se dispersent d’eux-mêmes et rentrent se coucher dans leur cantonnement.

Au matin on compte trois blessés dont deux par balle et un par coup de crosse. »

 

« De l’enquête faite, il résulte que les causes de cette émeute sont :

1… Et principalement, des influences extérieures révolutionnaires

2… L’interprétation erronée par les chasseurs de la 7e compagnie d’une mesure qui envoyait à tour de rôle une compagnie au dépôt divisionnaire sur laquelle devait être pris en entier le taux des permissionnaires, le hasard d’un tirage avait placé la 7e compagnie la dernière du tour.

3…L’ivresse manifeste, due elle à la somme d’argent assez importante versée ce soir du 2.

4…Des bruits tendancieux et faux racontés par les habitants de Beuvardes sur des événements semblables survenus au corps qui nous précédait dans la localité et d’après lesquels ce corps aurait gagnés d’être renvoyés à l’arrière au lieu de monter aux tranchées.

Pourtant l’émeute est demeurée cantonnée dans 2 sections de la 7e compagnie. Et quelques éléments du peloton de pionniers.

Il est d’ailleurs su ensuite que des commencements d’émeute ont eu lieu ce même soir dans les corps voisins de la division ce qui confirme l’idée d’un mot d’ordre donné. »

 

 

Le 3 juin 1917

« Le général de division vient dans la matinée et rassemble individuellement chaque compagnie auxquelles il adresse quelques paroles sur les événements de la nuit. Le lieutenant-colonel commandant la troupe vient également s’entretenir avec le commandant.

Par ordre spécial de la division, le bataillon est embarqué à 15 heures en T.M. (train militaire) et débarqué aux carrières de Romain où il cantonne.

Les chasseurs particulièrement remarqués hier soir sont arrêtes et conduits au nombre de 21 à la prévôté du 9e C.A. (corps d’armée)

Embarquement et voyage effectués sans incident sauf au départ du peloton de 37, rébellion d’ailleurs vite réprimée. »

(…)

 

Le 4 juin, le général NIESEL, commandant le 9e C.A. fait une visite inopinée, rassemble le bataillon auquel il adresse une « vibrante exhortation au devoir patriotique contre les menées étrangères et néfastes »……….

Le 6 juin, le commandant BRUN, qui commande le 70e chasseurs, est muté. Il part au 413e RI, au 1e bataillon

Le 7 juin, le capitaine DE THAMBERG prend provisoirement le commandement du bataillon.

 

 

12 juin :

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« A 3 heures, dés l’aube, aux environ de Romain a lieu l’exécution du caporal DAUPHIN et du Chasseur RENAULT, condamnés à mort. Le recours en grâce de LIEBERT a été accepté et sa peine transformée en travaux forcés à perpétuité.

 

Le peloton composé par des gradés et chasseurs des 30e, 70e, et 115e était commandé par le sous-lieutenant ROMULUS. Un détachement de la valeur d’une compagnie, formé de fractions des différentes unités, y assistait commandé par le lieutenant FARRA.

Le capitaine DE THARMBERG représentait le bataillon.

L’exécution se passa sans incident. »

François BRUGIERE (qui devait être dans le peloton) pour sa part aurait refusé de tirer sur son camarade Joseph et se vit alors condamné aux travaux forcés. Il est mort en Algérie de privations le 12 février 1918.

Voir ce site : http://parbelle.free.fr/Tauves/

 

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Autre témoignage

Les propos suivant sont de la main de l’arrière-grand-père de Serge AIGLIN, adjudant Chef de Bataillon du 115e BCA, Louis Aiglin :

 

"...J'appartenais au 115e Bataillon de Chasseurs, "frère jumeau" dans la même brigade du 70e bataillon où se sont déroulés les évènements insurrectionnels et finalement "tragiques" puisqu'une dizaine de poilus ont été condamnés à mort et fusillés.

J'ai siégé à deux séances du conseil de guerre, comme sous-officier juge, je me suis fait limoger à la 3eme séance à laquelle on m'avait fait remplacer par un adjudant d'un autre bataillon. On m'avait trouvé trop indépendant et non conformiste et cela n'a pas été admis.

Le matin avant de siéger, le Colonel Bel, Président du Conseil de Guerre, après nous avoir serré la main dit :

« Vous savez on va marcher "rondo" et on va faire des exemples, ça sera vite fait ! »

Et en effet ça à marcher "rondo", trois accusés et trois condamnations à mort, dont le caporal Dauphin

A la deuxième séance je m'étais permis de discuter mon point de vue qui n'avait pas eu l'air de plaire au Colonel.

Le résultat est que, ayant été un peu éconduit, j'ai été emmené à déclarer "non coupable" l'accusé qui avait cependant reconnu avoir giflé un sous-officier et que la condamnation à mort prononcée ne l'avait pas été à l'unanimité.

La défense m'a fait adresser un télégramme au Président de la République demandant sa grâce. Ce qui a suspendu l'exécution. L'avocat m'avait affirmé qu'il ne serait pas exécuté puisqu'il était poursuivi pour violences envers un sous-officier et que c'est précisément le juge sous-officier "qui pardonnait".

 

Le résultat avait répondu à nos espérances et la peine appliquée a été les travaux forcés. 

Par la suite, pendant la guerre qui dura encore longtemps, j'avais reçu de la justice communication d'une proposition de remise de peine soumise à mon appréciation et j'ai su depuis (bien plus tard) qu'il avait été gracié totalement..... .

 

Visiblement il s'agit là de Liebert.

Merci à Serge, contacté par internet, pour ce témoignage.

Extrait du JMO du 115e BCA :

Curieusement, il n’y a rien d’indiqué sur les mutineries entre le 15 mai et 15 juin dans le journal de cette unité.

Pourtant le journal du 4e groupe de chasseurs indique :

« Dans la soirée quelques incidents se produisent au 30e et 115e bataillon. Quelques arrestations sont opérées au 30e bataillon. »

Pourquoi le JMO est-il muet sur ces événements ?

Extrait du JMO de la prévôté du 9e corps d’armée:

12 juin :

« A 4 heures, la prévôté de la 47e DI a fourni un service d’ordre à l’occasion de l’exécution militaire de  2 chasseurs du 70e bataillon alpin »

 

 

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Vers les mutineries d’autres unités

Vers les fraternisations de Noël 1914

 

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