L’offensive allemande sur la Lys :

Les Allemands visent Calais ; avril 1918

Et la contre attaque dans la Somme

 

 

Pourquoi les Allemands sont passés à l’offensive en 1918 ?

Cette offensive fait suite à la bataille de L’empereur  du 21 au 31 mars

 

 

La période du 31 mars au 9 avril marque un arrêt dans la bataille (offensive allemande Somme et Oise de mars). Sans doute, on lutte encore, l'ennemi cherchant à élargir les parois de la poche où il est engagé et fort mal à l'aise ; mais les travaux d'organisation dépassent de beaucoup en importance et en résultats les opérations militaires.

Aussi bien, les armées allemandes ont besoin de se reconstituer après les combats sanglants de ces derniers jours (la bataille de l’Empereur); le mélange des unités a été complet; le front a pris de l'extension.

 

Gens méthodiques, nos adversaires sentent l'impérieux besoin de remettre chaque chose à sa place.

 

Donc, le nouveau front est ainsi divisé :

La IVe Armée (Sixt Von Arnim) dont le Quartier Général est toujours à Thielt, garde son secteur de Nieuport à Ypres;

La VIe Armée (Von  Quast), toujours a Tournai, s'étend d'Ypres à Arras;

La XVIIe Armée (Otto Von Below), dont le Quartier Général est établi à Valenciennes, tient d'Arras à Bapaume;

La Ile Armée (Von der Marwitz), dont le quartier Général est au Cateau, tient de Bapaume à Moreuil;

La XVIIIeArmée (Von Hutier), dont le Quartier Général s'installe au Nouvion, combat de Moreuil à Noyon;

La VIIe Armée (Von Bohm), dont le Quartier Général est à Marles, s'étend largement au sud de l'Oise.

 

Les quatre premières Armées appartiennent au groupe du Kronprinz de Bavière, les deux dernières à celui du Kronprinz Impérial; mais c'est Ludendorff qui s'est réservé la conduite effective de ces masses, et en réalité chacun des commandants d'Armée paraît agir un peu à sa guise, dans le sens général des instructions reçues du Grand État Major.

Les plus gros effectifs sont toujours à l'Armée Von Quast, à l'Armée Von der Marwitz et à l'Armée Von Hutier, qui, à elles trois, présentent un ensemble de 80 divisions en première ligne et d'au moins 25 divisions en soutien.

 

 

En présence de ces masses, notre front désormais réorganisé est tenu depuis la mer jusqu'à Ypres par l'Armée belge ; au sud d'Ypres par les Armées britanniques.

De celles-ci, la Armée (Plumer) a son Quartier Général à Cassel; la 1e Armée (Horne) a transporté son Quartier Général à Houdin; la 3e Armée (Byng) a reculé le sien jusqu'à Doullens; la .1e Armée (Rawlinson) a installé le sien à Flixecourt.

 

Au sud de la Somme, le Groupe d'Armées de Réserve français, dont le général Fayolle achève laborieusement l'organisation, va disposer de quatre Armées

La 1e Armée (Debeney), dont le Quartier Général est Conty ;

La 3e Armée (Humbert) dont le Quartier Général est demeuré rivé à Clermont ;

La 5e Armée (Micheler) qui arrive de Champagne et s'installe dans la région de Beauvais;

La 10e Armée (Maistre), qui, venue d'Italie, commence ses débarquements à partir du 3 avril a Gournay.

 

Les quatre divisions de Micheler et les quatre divisions de Maistre constituent une masse de manoeuvre à la disposition de Foch; celles de Maistre sont prêtes à étayer le front britannique, afin que l'amalgame des deux Armées soit complet.

Du reste, le 3 avril, une importante conférence s'est tenue à Beauvais, au cours de laquelle le général Foch a vu ses pouvoirs précisés et augmentés. Il ne sera plus désormais un simple , « coordinateur des efforts » ; il sera le « Directeur stratégique des opérations militaires », prenant ses décisions et en ordonnant sans appel l'exécution.

Toutefois, les Commandants en chef des Armées alliées ont encore le droit d'en référer à leur gouvernement s'ils jugent que la mesure ordonnée par le Directeur est susceptible de compromettre la sûreté de leur Armée.

Restriction de pure forme, dont la loyauté des exécutants et leur magnifique désintéressement en faveur de la cause commune détruira complètement les effets. Foch est réellement, dès ce jour, le Généralissime de l'Entente.

C'est aussi au cours de cette mémorable conférence que le gouvernement américain a pris l'engagement de hâter l'envoi de ses troupes ; il a formellement promis le transport en France de 120000 hommes par mois, en attendant mieux.

La Somme d’abord

Le 31 mars, dimanche de Pâques, a encore vu se produire quelques attaques locales, derniers soubresauts de la bataille finie.

L'ennemi a essayé de pousser dans le fond de la poche, depuis la Somme jusqu'à Lassigny. Il l'a fait d'une manière assez incohérente ; et de ses efforts sont résultés une série de combats confus dont quelques-uns n'ont pas laissé d'être très violents. Entrés dans Grivesnes, les Allemands en ont été chassés. Entrés dans Hangard, ils n'ont pas pu s'y maintenir davantage.

Le front est élastique maintenant; toute attaque entraîne une réaction, et cette réaction coûte toujours à l'ennemi des pertes graves ; il laisse entre nos mains des prisonniers et du matériel.

 

Le 1 avril, c'est vers Rollot, au sud-est de Montdidier, qu'il tenté un coup demain; le résultat est négatif.

 

Le 2 avril, démonstration sur un front de 20 kilomètres, dans la région d'Albert.

 

Le 4 avril, violents assauts, sur un front de 15 kilomètres, depuis Cantigny jusqu'à Hangard.

Il s'agit encore d'atteindre la voie ferrée Paris Amiens, et l'ennemi lance dans cette opération 15 divisions, dont 7 divisions fraîches. Ce sont là des troupes d'élite, et le choc est rude sur cette dernière partie, le plus récemment soudée de notre ligne.

Mailly-Raineval, Morisel, Castel, le bois de l'Arrière Cour sont  enlevés par les Allemands, tandis que dans la région de Villers-Bretonneux, entre l'Avre et la Somme, 10 divisions refoulent Rawlinson de Marcelcave et de Hamel.

carte

Dès le 5 avril, ce gros effort est enrayé après une lutte très vive, notamment à Bucquoy, Hangard et au bois de Sénécat (68e, 90e, 335e RI). L'ennemi n'a atteint aucun des objectifs qu'il s'était assignés, et vingt-cinq de ses meilleures divisions ont été sérieusement éprouvées.

 

Le 6 avril, les Allemands s'acharnent contre la partie dé notre front qui, le long de l'Oise, de Manicamp à Tergnier, et à travers la forêt de Saint-Gobain jusqu'à Anizy-le-Château, forme un saillant très prononcé et fort difficile à défendre.

Le terrain y est tellement couvert et marécageux que l'intervention des renforts est impossible.

Nos troupes évacuent donc ces positions sous la pression de l'ennemi; et en quatre jours, les 6, 7, 8, 9, elles reculeront volontairement d'une dizaine de kilomètres, pour venir s'établir derrière l'Ailette, sur d'excellentes positions préparées d'avance. Notre front ainsi rectifié est désormais en ligne droite de ce côté ; il pourra braver les plus terribles assauts.

 

Le 7 avril, Foch installe son quartier général à Sarcus, petit village perdu de la Picardie.

 

Devant l'essoufflement visible de l'ennemi, et en raison de l'arrivée, lente peut-être, mais, régulière de nos renforts, Foch, dès le 3 avril, a envisagé la possibilité d'une offensive; et à cette offensive il voudrait donner comme objectif le dégagement de la voie ferrée de Paris à Amiens.

Fayolle doit attaquer dans la région de Montdidier, et Rawlinson à cheval sur la Somme, entre la Luce et l'Ancre. On sait bien que l'ennemi envoie ses réserves dans le Nord, ce qui semblerait indiquer de sa part des velléités d'offensive dé ce côté; mais une attaque sur la Somme n'est-elle pas encore la meilleure parade à un choc dans le Nord, choc qu'il est d'ailleurs impossible d'éviter et pour lequel l'ennemi sera toujours en situation d'obtenir une supériorité décisive ?

 

Malheureusement, Ludendorff jouit encore de l'avantage que lui donnent à la fois l'écrasante supériorité de ses moyens et sa position centrale.

Il est prêt avant les Alliés.

Ne pouvant atteindre ni Paris ni Amiens, il s'est résigné à des buts plus modestes : c'est Calais qu'il va prendre maintenant comme objectif. Est-il aujourd'hui mieux en mesure d'atteindre Calais qu'il l'était d'atteindre Amiens le mois précédent ?

Les événements vont répondre à cette question et remettre en lumière la même faute qui va se renouveler ; l'esprit du Quartier rmaître Général allemand évolue avec la situation, mais décidément il évolue toujours plus lentement qu'elle.

 

L’attaque allemande dans le Nord-Pas de Calais – La Lys

Le 9 avril, au petit jour, l'artillerie allemande couvre de projectiles et ensevelit sous une épaisse nappe de gaz toxiques le front de la 1e Armée britannique, entre la Lys et le canal de la Bassée.

A 6 heures du matin, à la faveur du brouillard, les neuf divisions de l'Armée Von Quast se ruent en masses profondes sur ce front de 15 kilomètres, suivant la méthode du 21 mars.

Le maréchal Haig avait beaucoup compté pour la défense de cette partie de sa ligne, sur la nature marécageuse du sol; et là se trouvaient, avec deux divisions portugaises fatiguées, qui devaient êtres relevées le lendemain, deux divisions britanniques (la 4e et la 55e) éprouvées sur la Somme et mises au repos dans ce secteur calme. Les circonstances favorisaient donc l'ennemi.

Dès le premier choc, les Portugais sont bousculés; et, sans arrêt, les Allemands font irruption dans les deuxièmes lignes où les troupes de la défense n'ont même pas eu le temps de s'installer.

Neuve-Chapelle, Fauquiscart, la ferme de la Cordonnerie sont enlevés, et le front est balayé.

Richebourg-l'Avoué, Bois-Grenier, Laventie tombent.

Malgré une résistance sérieuse aux HuitMaisons et à Vieille-Chapelle, résistance qui donne le temps à deux divisions fraîches de venir prendre position derrière la Lawe, les Alliés sont rejetés au delà de cette rivière. Même au sud d'Armentières le passage de la Lys est forcé au Bac Saint-Maur, et les progrès de l'ennemi qui paraissent déjà nettement enrayés au sud, dans la région de Givenchy, pouvaient dès lors se développer vers le Nord.

Haig prend peur. Il s'empresse d'avertir Foch qu'il renonce à toute participation à l'offensive projetée sur la Somme, ses disponibilités devant être absorbées, et au-delà, par la défense de son propre front.

 

Le 10 avril, l'ennemi franchit largement la Lys et entre à Estaires, ce qui nécessite, d'une part l'évacuation d'Armentières et le recul d'une partie du front de l'Armée Plumer, d'autre part l'abandon d'une position de la rive gauche de la Lawe.

Le soir, le nouveau front est au delà de Messines, de Ploegstaert, de Nieppe, d'Estaires ; il s'accroche encore aux ruines de Vieille-Chapelle. Le saillant d'Ypres est sérieusement menacé.

Malgré. l'incontestable gravité de cette situation, malgré les appels de Haig qui voudrait voir l'Armée française prendre à son compte une partie du front britannique, Foch ne s'émeut pas.

Pour lui, une offensive sur la Somme demeure le meilleur moyen d'enrayer tout progrès allemand vers Calais, de même qu'à une autre époque une opération toute semblable fut le dérivatif qui sauva Verdun.

Il prescrit donc à Pétain de pousser de son mieux la préparation de cette offensive, il refuse à Haig l'extension du front demandée, extension qui n'aboutirait qu'au gaspillage des réservés françaises et à la perte d'un temps précieux; mais, pour parer à toute éventualité, il place l'Armée Maistre dans la région de Picquigny et il fait remonter l'Armée Micheler vers Breteuil.

 

Le 11 avril est encore une mauvaise journée. La lutte fait rage sur tout le front d'Ypres à La Bassée; et, malgré la ténacité des Anglais, l'ennemi gagne du terrain.

Un vide inquiétant se creuse, surtout au sud du saillant d'Ypres, et le sort du dernier lambeau de territoire belge, demeuré inviolé jusque-là, est mis en question.

Depuis Festubert jusqu'à Messines, les assauts les plus violents se multiplient.

Sentant la résistance faiblir, Ludendorff paraît disposé à transformer cette offensive modeste en une opération de grande envergure, et il lance toute ses divisions disponibles dans la fournaise.

Merville est enlevé et, un moment, on peut craindre que, vers Steenwerk, la route d'Armentières à Cassel par Bailleul ne soit forcée ; l'arrivée d'un détachement de fortune, constitué en grande hâte, arrête les colonnes ennemies et rétablit la situation compromise.

Cependant Foch, qui suit avec attention les péripéties de la lutte, se rend bien compte qu'il ne peut déclencher sans danger une offensive sur la Somme que lorsque le front anglais sera définitivement fixé. Haig continuant à demander du secours, il se décide à lui en envoyer.

 

Le 12 avril, tandis que les Allemands, essoufflés par les combats de la veille, sont maintenus devant Bailleul par la 1e Armée britannique, le 2 Corps de cavalerie français du général Robillot arrive dans la région de Hazebrouck.

La 28e et la 133e divisions se portent aussi au secours de l'Armée Plumer, en faveur de laquelle Foch sollicite du roi Albert l'appui des réserves belges; et, comme au temps de l'Yser, le général Peauffin de Saint-More gouverneur de Dunkerque, reçoit l'ordre d'inonder le pays.

Cette journée du 12 se termine par un joli succès, une contre-attaque britannique ayant enlevé la redoute de Route, près de Festubert.

 

Le 13 avril, l'ennemi fournit encore de furieux assauts en direction de Bailleul et menace la ligne des monts : mont Kemmel, mont Noir, mont des Cats, splendides observatoires qui dominent toute cette région plate, et dont la possession assure un avantage considérable à celui des deux adversaires qui les occupe.

Mais les divisions de Maistre se sont déjà infiltrées jusqu'à Doullens, malgré le faible rendement de l'unique voie de rocade dont on dispose.

Ces forces n'ont pas pour mission de s'engager en première ligne, car il faut économiser les réserves ; elles doivent s'installer sur l'Authie, et contre-attaquer l'ennemi si celui-ci réussissait à forcer les positions britanniques.

Cependant, si les Anglais reculent, ils font, sous l'énergique impulsion du vieux Plumer, payer fort cher à l'ennemi le terrain qu'ils lui abandonnent.

Le soir, après l'évacuation de Steenwerk et de Vieux-Berquin, la lutte paraît se stabiliser devant Bailleul, où nos Alliés repoussent les plus furieux assauts.

La progression de Von Quast pourtant été assez sensible pour que les défenseurs d'Ypres soient en danger.

Bailleul est presque sur leurs derrières, et le bruit du combat qui s'y livre peut affecter leur moral.

En outre, si Hazebrouck tombait, et cette ville est déjà sous le canon de l'ennemi, leur retraite serait irrémédiablement compromise.

Une rectification du front s'impose donc de ce côté, et la ligne anglaise va se rapprocher d'Ypres pour venir s'installer progressivement sur les solides positions de Gheluwelt, Paschendaele, Langhemarck.

Ce mouvement sera terminé le 16 avril. Recul qui, aux yeux de Foch, ne présente aucun inconvénient, bien que le général soit en principe adversaire résolu de toute évacuation volontaire de terrain.

Car, sur ce théâtre, il n'a en vue que deux nécessités : conserver à tout prix la ligne des monts et couvrir la région des mines dont la conservation est de toute première importance pour la continuation de la guerre.

 

Le 14 avril, la bataille continue, très violente.

Les Allemands s'acharnent; les Anglais, avec leur ténacité proverbiale, résistent à un contre deux ou trois. Ils ne perdent qu'un peu de terrain Neuve-Église et Méteren, qui coûtent cher à l'ennemi, et ils reculent jusqu'aux lisières de Locon.

Mais devant la continuité de ces efforts, Haig qui voit ses dernières réserves fondre dans la fournaise, est mortellement inquiet.

Encore une fois, il demande à Foch de réduire le front britannique par une extension du front français. Il déclare que si cette solution ne pouvait être adoptée, il serait décidé à obtenir la réduction nécessaire en abandonnant tout le saillant d'Ypres.

Il demande tout au moins un renfort puissant de divisions françaises, qui lui permette de retirer du feu quelques divisions britanniques par trop épuisées.

Foch à qui, ce jour-là, la confiance des Gouvernements de l'Entente, vient de confier le Commandement en chef des Armées alliées, ne croit devoir accepter aucune de ces propositions.

L'abandon du saillant d'Ypres?

Non. Aucun abandon volontaire de terrain ne peut plus être consenti. On peut, on doit tout garder

La réduction du front britannique?

Non. Pour lui, l'affaire de la Lys n'est qu'une puissante diversion, et il faut s'attendre à un formidable effort ennemi sur un autre point du front français.

Ce front, déjà trop étendu pour nos effectifs, doit être en mesure de résister à toute surprise, et il ne le serait plus si la densité moyenne des combattants y devenait inférieure à un homme par mètre courant.

Donc, puisque des réserves françaises doivent être envoyées au secours du front britannique, ces réserves demeureront disponibles derrière le front, pour pouvoir être immédiatement retirées si le besoin s'en faisait sentir ailleurs, et elles ne seront englobées dans les combats qu'en cas de nécessité absolue.

 

Le 15 avril, la poussée allemande continue, et Bailleul tombe. Haig réclame l'appui immédiat de quatre divisions françaises.

 

Le 16 avril est encore une dure journée.

De Wytschaete à Merville, sur un front de 15 kilomètres, l'ennemi attaque avec acharnement, et la lutte se poursuit, ardente, dans le brouillard, avec des alternatives diverses. Méteren, Zillebeke, Wytschaete sont perdus, repris et reperdus par nos Alliés, qui ne reculent que lentement devant le flot.

Cependant, si le maréchal Haig est impressionné par l'extrême violence du combat, Foch, qui erre de quartier général en quartier général, affecte une parfaite sérénité d'âme.

Certes, il n'a garde de méconnaître le sérieux des événements; mais l'ennemi s'est maintenant enfoncé dans une poche d'une vingtaine de kilomètres de largeur, où il est à l'étroit et d'où il aura grand mal à sortir. Il y est dominé de partout par les nouvelles positions britanniques : le mont Kemmel, le mont Rouge, le mont Noir, le mont des Cats, le massif de la forêt de Nieppe; et sur le terrain plat oh il se trouve, pas un de ses mouvements n'échappe aux observateurs et aux obus de nos

Alliés. La lutte s'arrêtera donc ici, tôt ou tard ; il faut seulement que Haig résiste le plus longtemps possible avec ses seules forces, car le danger sera ailleurs demain, et l'on doit être prêt à y faire face.

En attendant, Foch crée un Détachement d'Armée, dont le commandement sera confié au général de Mitry qui groupera, sous le haut commandement du général Plumer, commandant la 2 Armée britannique, toutes les forces françaises déjà transportées au nord de la Lys : le Corps de cavalerie Robillot et quatre divisions d'infanterie. Le général Maistre, commandant la 10e Armée française, appuiera en cas de besoin le Détachement de Mitry et le renforcera même, jusqu'à le porter à un effectif de dix divisions.

Le roi des Belges, sollicité par Foch, consent de son côté à étendre son front; et, de ce fait, Haig va pouvoir récupérer sept divisions britanniques.

 

Le 17 avril, l'ennemi attaque le mont Kemmel et est repoussé avec de lourdes pertes.

La 129e division française, transportée en automobile, est à pied d'oeuvre, prête à contre-attaquer si la ligne cédait...

 

Le 18 avril, Ludendorff ne peut enregistrer pour tout succès que le dernier recul volontaire de la ligne britannique, qui s'installe de Gheluwelt à Langhemark, à l'est du saillant d'Ypres.

Un violent effort, tenté entre Givenchy et la Lys avec deux divisions contre le front de la 1e Armée britannique, est demeuré infructueux; au prix de sacrifices énormes, les Allemands n'ont réussi qu'à refouler les avant-postes britanniques derrière le canal de la Bassée, entre Locon et le bois Pacaud.

Puis, la bataille s'éteint de ce côté, parce que les assaillants sont à bout de souffle.

 

 

Inquiétude allemande et contre attaque Française dans la Somme

En réalité, Ludendorff commence à être fort inquiet. Voici qu'après s'être stabilisé vers Amiens, le front se stabilise aussi sur la Lys. Bien mieux, l'Armée Debeney a déjà attaqué à son tour...

A l'ouest de Moreuil, du bois Sénécat et du bois de l'Arrière-Cour, les lignes allemandes sont à moins de 3 kilomètres de la voie ferrée Paris Amiens; et Foch, dont les circonstances ont voulu que les réserves affluent de ce côté, ne songe nullement à s'accommoder d'un voisinage aussi immédiat qui gêne ses communications avec l'Armée britannique.

 

Donc, le 18 avril, a 4h30 du matin, sans qu'aucun indice eût pu faire prévoir à l'ennemi ce brusque réveil d'activité. Debeney a déclenché une vigoureuse offensive (cinq régiments de cavalerie) depuis Thennes jusqu'à Rouvrel, sur un front de 8 kilomètres, à cheval sur l'Avre.

D'un magnifique élan, la cote 63 et le bois Sénécat ont été enlevés, et nos troupes sont parvenues jusqu'aux lisières de Castel et de Mailly-Raineval. Près de 700 prisonniers sont tombés entre nos mains.

La presse allemande, a l'affût de victoires sur le front occidental, se garda bien d'enregistrer ce désagréable événement. En vérité, elle commençait à douter du résultat définitif de la brillante affaire de la Lys, sur lequel elle avait compté pour rallumer les espérances de l'opinion publique fatiguée.

A l'entendre, le 31 mars, ce n'était pas le dernier assaut allemand qui était venu se briser, encore loin d'Amiens, devant un front désormais inviolable ; c'étaient les braves soldats de Ludendorff qui avalent résisté victorieusement à tous les efforts de la mystérieuse « Armée de Foch ».

Enfin, l'arrêt demeurant décidément trop long et paraissant devoir se prolonger plus que de raison, certains organes finissent par reconnaître que si vingt-cinq divisions n'ont pu percer malgré l'indiscutable habileté du Haut-Commandement et l'incomparable valeur des troupes, si même les progrès réalisés ont été médiocres, c'est que les circonstances atmosphériques se sont coalisées contre les assaillants.

 

Le temps a été constamment mauvais; la boue empêchait tout déplacement de l'artillerie et enlisait les voitures, rendant même la marche de l'infanterie extraordinairement pénible ; l'ennemi se défendait vaillamment, même par endroits... Il convenait donc d'attendre a fin des opérations avant de porter un jugement quelconque, et même de chercher à se faire une opinion sur les événements.

Malgré tout, l'esprit public devenait exagérément nerveux en Allemagne. Il y eut une grosse émotion, presque une panique, aux premiers jours d'avril, dans les pays rhénans.

On y parlait d'un recul de l'Armée du Kronprinz, de la perte de tous les gains réalisés depuis le 21 mars, de celle de plus de 40000 prisonniers allemands. Il fallut « réconforter » tous ces pusillanimes par des nouvelles fantaisistes dont le thème principal, aux variations infinies, était la démoralisation complète et la définitive impuissance de la France. Comme ces nouvelles laissaient encore sceptiques quelques esprits forts, Hindenburg daigna même descendre de sa tour d'ivoire et prononcer quelques paroles d'encouragement

La victoire sera d'autant plus complète, proclamait-il dans un télégramme à qui fut fait la plus grande publicité, que tout notre pays se serrera avec plus de résolution et de confiance derrière nos soldats, et se montrera plus prêt à supporter les grandes et les petites épreuves qu'entraînera -pour une courte période de temps, espérons-le la poursuite de la guerre.

 

Réconfort certes, mais réconfort bien monacal pour des gens qu'éblouissait le mirage de Paris et qui se savaient depuis si longtemps aux portes de Compiègne l

Il fallait mieux.

A partir du 15 avril, on commença à expliquer en Allemagne que toute inquiétude pour la suite des opérations devait maintenant disparaître l'Armée Foch réduite tout au plus, par les récents combats, à une dizaine de divisions, était complètement épuisée et incapable d'un nouvel effort; Foch n'avait plus d'autre ressource, s'il voulait couvrir Paris, que d'abandonner Amiens..

 

Attaque allemande vers Amiens

Mais tout cela, ce sont des paroles. Or, l'opinion allemande, qui sait le prix du temps, et qui voit avec désespoir les opérations s'enliser et stagner de nouveau, demande des victoires éclatantes et rapides.

Il y a encore 42 divisions en réserve : on va tenter un effort. Ce sera une suite aux efforts précédents, puissante mais un peu incohérente, sans idée nouvelle, dont le but semble être de tâter encore une fois la solidité du mur qui achève de s'édifier en travers des routes d'Ypres et d'Amiens. Peut-être ce mur cédera-t-il quelque part, procurant au moins un succès qui permettra de jeter en aliment à la presse quelque nom retentissant.

 

Dans la nuit du 19 au 20 avril, un coup de main est tenté sur Hangard. Mais les nôtres veillent; c'est une tuerie qui n'aboutit à aucun résultat.

 

Dans la nuit du 23 au 24 avril, un bombardement de six heures prépare l'attaque d'une vingtaine de divisions, qui se déclenche le 24, à 5 heures du matin, entre Villers-Bretonneux et le bois Sénécat, encore à la soudure franco-britannique.

Rawlinson perd Villers-Bretonneux et est refoulé du bois de Hangard jusqu'aux lisières de Cachy.

Au sud de la Luce, Debeney est refoulé de quelques centaines de mètres jusqu'aux abords d'Hailles, mais il conserve ses positions du bois Sénécat. C'est surtout sur Hangard que l'ennemi a concentré ses efforts.

A midi, il s'emparait du cimetière ; à 15 heures, il entourait la localité, mais il ne réussissait à en chasser nos troupes (3e, 14e, 41e régiment d’infanterie) qu'à 18 heures, après de multiples assauts et au prix d'effroyables pertes. Une contre-attaque y ramenait encore nos soldats dans la nuit; et seule, l'intervention de divisions fraîches obligea enfin le général Debeney à replier sa ligne à 150 mètres à l'ouest de ces ruines.

Cependant Foch a renforcé cette partie du front et donné l'ordre de reprendre Villers-Bretonneux, (50e et 55e régiment d’artillerie) magnifique observatoire qui marque le point culminant du plateau descendant entre Somme et Avre en pente douce vers Amiens.

 

Donc, le 25 avril, les Australiens chassent l'ennemi de Villers-Bretonneux, lui enlevant 600 prisonniers.

 

Le 26 avril, à 5 heures du matin, la Division marocaine prend pour objectif le Monument, au sud de Villers-Bretonneux, et la corne nord du bois de Hangard ; d'autres éléments attaquent le bois de Hangard; la 131e division française marche contre le village de Hangard et contre la coté 99.

Ni les formidables barrages d'artillerie lourde et de mitrailleuses, ni l'âpre résistance d'un ennemi très nombreux n'arrêtent l'élan de nos troupes.

Le soir, le Monument est enlevé ainsi que le village de Hangard dans lequel la ligne, se fixe, et la moitié du bois.

A 19 heures, une violente attaque allemande était encore brisée à Thennes.

 

En somme, le plus clair des avantages réalisés par la grande offensive allemande du 24 était annihilé.

A peine une centaine de mètres carrés d'un terrain bouleversé, qui ne contenait aucune position intéressante, étaient le seul gain d'un ennemi qui avait fatigué et fortement endommagé dans cette affaire 15 nouvelles divisions.

 

Attaque allemande vers Ypres. Le Mont Kemmel

En même temps, les Allemands avaient poussé vers le nord, entre Bailleul et Ypres ; mais cette manoeuvre qui, dirigée contre le point de soudure anglo-belge, eût pu avoir des conséquences funestes, était déjà parée.

Foch, inquiet à juste titre pour ce point sensible, avait prescrit au maréchal Haig et au général Gillain de combiner étroitement leurs opérations; et il avait même autorisé la mise en ligne de ce côté du Détachement d'Armée du Nord du général de Mitry. Les 28e, 154e, 34e et 133e divisions françaises vinrent se ranger au pied de la ligne des monts, du Kemmel à Bailleul.

 

le 25 avril

Ce puissant renfort suffit à peine à contenir la poussée furieuse de 9 divisions allemandes qui se ruèrent le 25 avril, à 7 heures du matin, contre le front Wytschmte-Dranoutre.

Von Arnim mène cette action avec une division par 2 kilomètres de front environ.

Ce sont, en première ligne, la 56e division renforcée par un régiment de la 233e; le Corps alpin ; la 4° division bavaroise et une brigade de la 22° division. En soutien immédiat : une brigade de la 233e division et la 10e division d'Ersatz.

Les objectifs sont : le mont Kemmel pour le Corps alpin et Dranoutre pour la 4e division bavaroise.

Après un violent combat, Dranoutre est arraché aux régiments de notre 34e division épuisée (83e, 59e, 88e régiments d'infanterie, 23e régiment d'artillerie de campagne), et, dès le matin, le mont Kemmel était entouré.

Ce mamelon est enseveli sous un déluge d'obus toxiques; et cependant, le soir encore, nos avions signalaient, étroitement.bloqué par la mort, un petit îlot de capotes bleues...

Aucun secours ne pouvait lui parvenir; il devenait de plus en plus petit; il finit par disparaître.

Les régiments de la division Madelin, la glorieuse 28e (22e, 30e, 99e régiments d'infanterie, 54e régiment d'artillerie de campagne) avaient payé du sang de 5400 hommes l'honneur d'inscrire le nom du Kemmel sur leurs drapeaux.

 

le 26 avril

Maître du mont Kemmel, Arnim infléchit son attaque du nord vers l'ouest, le 26 avril, pour prendre à revers la ligne des monts.

Ses premiers objectifs sont le Scherpenberg et le village de Locre .

Les Allemands progressent, malgré des pertes effroyables.

Le Corps alpin qui, au début de l'action mettait en ligne 140 fusils par compagnie, n'en a plus que 70 ou 80. Les opérations du Kemmel resteront, dans l'esprit des soldats allemands tombés entre nos mains, le souvenir d'une atroce boucherie.

 

Le 27 avril, Locre tombait; mais de furieuses contre-attaques franco-britanniques bloquaient l'ennemi dans sa conquête, et à gauche les Anglais reprenaient Vormezeele.

 

Le 28 avril, nouvelle attaque allemande dans la région de Locre . L'objectif est le mont Rouge.

Mais le Détachement des Armées du Nord veille. Non seulement l'ennemi est arrêté cette fois, mais il est refoulé et chassé du Scherpenberg qu'il avait réussi à atteindre.

 

Le 29 avril, une dernière et puissante attaque ennemie contre les Monts échoue.

Les Allemands, épuisés, renoncent à prendre Ypres.

Cette attaque, menée par 10.000 hommes, fut un échec sanglant pour les Allemands.

Aux deux extrémités du front, les Britanniques à gauche entre la Clytte et Zillebeke, les Français à droite au château et au parc de Locre, demeurent inébranlables. Tous les assauts sont brisés et les Allemands ne peuvent même pas aborder les lignes alliées.

Au centre, ils sont plus heureux. Ils réussissent à s'emparer du village de Locre  et à progresser au delà jusqu'au carrefour de la route de Westoutre à 1 kilomètre au nord de Locre, mais leur succès est de courte durée.

Une contre-attaque vigoureuse menée par les dragons français (4e, 5e, 8e, 12e   régiments de Dragons), les repousse et ne leur laisse en lin de journée qu'un léger saillant formé vers le cabaret de Brulooze.

Epuisés, ils ne renouvelleront plus leurs attaques.

 

 

L'offensive sur les Monts est terminée. Les Allemands auront pu détruire Ypres, mais ils ne pénétreront pas dans ses ruines.

 

Puis, la bataille s'éteint ici comme à Villers Bretonneux, comme à Givenchy; elle se fond dans la lutte sournoise, tenace et sans issue des tranchées. Son résultat n'a pas été nul cependant pour Ludendorff.

Si 160 divisions allemandes ont été engagées depuis le 21 mars, si elles ont été tellement maltraitées qu'il a fallu consacrer plus de la moitié de la classe 1919 et une partie de la classe 1920 à combler les vides qui y ont été creusés, il n'en demeure pas moins que la plus grande partie des réserves françaises ont été enfournées dans l'étroit couloir qui constitue la seule communication entre les Armées françaises et britanniques.

 

Le Détachement d'Armée du Nord du général de Mitry, dont le quartier général est à Esquelbecq, a déjà 5 divisions engagées en première ligne et tient en deuxième ligne 7 divisions d'infanterie et 3 divisions de cavalerie. Micheler à 5 divisions dans la région de Pecquigny. Maistre en a 4 dans la région de Doullens.

Ce sont 21 divisions d'infanterie et 3 divisions de cavalerie enlevées aux réserves françaises et sacrifiées pour étayer le front britannique.

 

La plus grande partie de ces forces demeurent disponibles, il est vrai ; mais étant donné la difficulté des communications avec la région du Nord, leur éloignement de la région de Paris n'en constitue pas moins un fort grave inconvénient.

En réalité, pour parer à toute surprise, depuis Compiègne jusqu'à l'Alsace, Foch ne dispose plus que de 20 divisions françaises et de 3 divisions britanniques, ces dernières retirées du feu parce que trop éprouvées et ne pouvant fournir de longtemps un nouvel effort.

Encore, pour réaliser ces disponibilités, a-t-il fallu accepter largement l'offre du général Pershing et placer en première ligne des divisions américaines.

Trois de ces divisions sont venues dans les secteurs des 2e et 8e Armées; l'une d'elles, la 1e a déjà vaillamment pris part aux combats dans la région de Villers-Bretonneux.

 

Or, à la date du 1 mai, l'ennemi recevant sans cesse des renforts de Russie, reconstitue ses disponibilités : il dispose d'une réserve de 62 divisions.

 

Mais le Généralissime n'est pas homme à attendre passivement les coups de la fortune : « Quand on est faible, on attaque », disait-il à ses élèves de l'École de Guerre. Et puisque, par la force des circonstances, ses réserves se trouvent massées vers Amiens, c'est du côté d'Amiens qu'il songe déjà à préparer une attaque.

Aussi bien, c'est ici pour les Alliés un point vital; s'ils réussissent à dégager la voie ferrée de Paris, les opérations ultérieures seront grandement facilitées.

Elles ne le seront pas moins si les mines de charbon de Bruay, mises à l'abri du canon allemand, peuvent fournir un rendement plus important.

Donc, ayant solidement étayé le front britannique, Foch, désormais tranquille pour le Nord, donne aux Généraux en chef sa directive N° 3.

 

Aux termes de ce document, il s'agit de se tenir prêt à prendre l'offensive, quoi que fasse l'ennemi : une offensive à fond, sans objectifs limités, n'ayant d'autre limite que la défaite et la désorganisation totale de l'ennemi, par l'exploitation à outrance du succès obtenu.

Le Général en chef indique les régions où les résultats les plus importants peuvent être escomptés

Le secteur entre Oise et Somme, où les 1e et 3e Armées françaises et la 4e Armée britannique sont en mesure de dégager la voie ferrée d'Amiens; le secteur de la Lys où les 1e et 2 Armées britanniques et le D. A. N. doivent dégager les mines de Béthune et le saillant d'Ypres.

 

Puis, tout en jetant un dernier coup d’œil sur cette région du Nord où l'invasion paraît définitivement arrêtée, Foch actionne nos alliés italiens. Il a le droit de le faire, car le 2 mai une conférence, tenue à Abbeville, a étendu ses pouvoirs au delà des Alpes. Cette conférence a supprimé le Comité exécutif du Conseil supérieur de la Guerre de Versailles, et le général a désormais seul la charge de coordonner l'action des Alliés sur tout le front occidental, depuis la Mer du Nord jusqu'à l'Adriatique.

 

Le 24 mai, il adresse donc au général Diaz un télégramme pressant, lui rappelant que la situation exige une attaque très prochaine de son Armée pour décongestionner le front de France.

 

 

Bataille de Locre : (29 avril -15 mai)

 

   

Haut page         Page préc.      Page d’accueil      Suite des opérations  : le Chemin des Dames ; mai-juin 1918