HISTORIQUE

DU

25 e BATAILLON DE CHASSEURS A PIED

PENDANT LA GRANDE GUERRE

 

 

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SOMMAIRE :

Avant juin 1918

SECTEUR DE LA FILLE MORTE : juillet 1918

LA CONTRE-OFFENSIVE : COURDOUX Août 1918

LA VESLE : août 1918

LA CONTRE-OFFENSIVE AU NORD DE L’AISNE ; TARTIERS : août 1918

REPOS A MONTSOULT

SECTEUR DE LA FERME COLOMBE : septembre 1918

LA MALMAISON—L’AILETTE : septembre 1918

LAON—LA FERME PUISIEUX : octobre 1918

HUNDINGSTELLUNG—LA SOUCHE : octobre 1918

L’ARMISTICE

L’ENTREE EN ALSACE

 

 

 

Merci à Jean Paul pour la longue recopie

 

 

 

Le 25e Bataillon de chasseurs à Pied sous les ordres

du Commandant Flottes

 

 

Le 6 juin 1918, le chef de Bataillon Flottes prenait le commandement du 25e B.C.P. et adressait aux chasseurs l’ordre du jour suivant :

«  En prenant le commandement du 25e Bataillon de chasseurs, je m’incline d’abord devant  ceux dont le sang a été le prix de tant de gloire. Ce ne sera pas trop de tout mon cœur et de  toutes mes forces pour rester digne d’un si beau passé. Ensemble nous travaillerons et nous  mènerons le combat, certains de voir luire bientôt en dépit de toutes les épreuves présentes,  le jour de la victoire totale. »

 

Le secteur occupé par le Bataillon était très vaste, et faisant saillant sur la ligne générale de la division, avait aussi une profondeur inusitée.

D’autre part, entre les lignes françaises et allemandes s’étendait une bande de terrain large par endroits de plus de 800 mètres. Cet éloignement des lignes ne favorisait pas particulièrement le service des renseignements. Depuis un certain temps, le commandement voulait absolument savoir si aucune relève n’avait lieu sur le front adverse, et tenait à identifier les régiments  qui nous faisaient face. Pour cela, des coups de main précédés de violents bombardements avaient été montés dans les secteurs voisins, et de même que les Allemands, le 2 juin nous n’obtinrent aucun résultat.

Au 25e, chaque nuit, les compagnie de 1re ligne tendaient vainement des embuscades aux patrouilles ennemies : le renseignement indispensable ne pouvait toujours pas être obtenu.

 

C’est alors que le 26 juin, le sergent Kauffmann, un brave entre les braves, s’offre pour aller avec quelques volontaires enlever par surprise un petit poste au saillant du bois Brûlé, à 1.200 mètres de nos lignes.

Silencieusement, sans le secours d’un seul obus, le petit groupe arrive au poste ennemi, et, le trouvant abandonné, poursuivi froidement son avance : il arrive jusqu’à la première tranchée, tue un Allemand, en blesse un autre, et ramène un prisonnier qui permet enfin de connaître le corps et la division adverse. Cette petite expédition avait duré presque quatre heures.

 

Vers 6 heures du matin, le 27, Kauffmann arrivait joyeux  au P.C. du Commandant avec son grand diable de prisonnier ; celui-ci, encore hébété de la soudaineté  de la lutte, recommandait son âme à Dieu en reconnaissant nos uniformes sombres de diables bleus.

Et cependant comme elle nous était précieuse sa vie. Elle mettait fin aux notes réitérées de demande de renseignements sur l’ennemi. Cependant, l’exploit de Kauffmann méritait une récompense, qu’allait-on lui donner ? Sa poitrine s’ornait déjà du ruban de la Croix de Guerre, de la Médaille Militaire et la Légion d’Honneur. Le Commandant décida qu’il partirait avec quatre jours de permissions supplémentaires, avec le galon d’adjudant.

Kauffmann, guerrier légendaire, sera tué dans le Riff Marocain.

Le chasseur Julien, de la 3e compagnie, est blessé en revenant vers nos lignes. C’est le seul blessé de cet audacieux coup de main.

 

Le séjour aux Eparges dure jusqu’au 6 juillet, le 25e alternant avec le 29 B.C.P. pour le service aux tranchées et le repos dans les bois de Gillaumont.

En l’absence du commandant Dumont, du 29e, le commandant Flottes garde en permanence le commandement du secteur, le capitaine adjudant-major Ducrocq commandant le Bataillon au repos.

 

Pendant l’occupation du secteur des Eparges, le Bataillon avait subi des pertes légères, pertes subies par le seul bombardement du 2 juin. Les tués se chiffraient par 1 officier, et 14 caporaux  et chasseurs, les blessés , par 1officier, le lieutenant Pailler, grièvement atteint lors du fameux bombardement préparatoire du coup de main, le chasseur Ville, qui l’accompagnait, était également blessé, 23 chasseurs étaient blessés, 3 étaient gazés.

Le caporal Michel, de la 5e compagnie, et le chasseur Frédéric, de la 3e compagnie, étaient le plus grièvement atteints, et recevaient la Médaille Militaire sur leur lit d’hôpital.

C’est pendant ce mois de juin que le général d’Anselme quitta le commandement de la 127e division pour celui d’un corps d’armée, à l’armée d’Orient, devant Salonique, laissant le souvenir d’un chef très aimé par sa légendaire bravoure, son affabilité et sa grande allure. Il avait fait de la division une unité particulièrement brillante. Il était remplacé par le général Pigault. Mais il est des chefs dont la succession est écrasante, et le général Pigault ne fera que passer.

 

 

SECTEUR DE LA FILLE MORTE : juillet 1918

 

Relevée aux Eparges par le 2e division de cuirassier à pied, la 127e division, maintenant bien reposée, est envoyée sur le front de l’Argonne, où le haut commandement aura probablement besoin de l’héroïsme de ses chasseurs et de ses fantassins.

Le 25 B.C.P., est relevé par le 5e régiment de cuirassiers à pied, est transporté en camions-auto. Le train de combat et le train régimentaire se rendent par route à Ippécourt.

Le débarquement des compagnies a lieu à Passavant ; après quelques heures de repos, elles reçoivent l’ordre de se porter au camp Dubiefville, près de Florent, où elles passent la journée du 5 juillet. Elles montent en ligne dans la nuit du 5 au 6 juillet, à la Fille Morte.

Le secteur a une physionomie bien particulière ; on voit en même temps les traces des terribles combats de 1914-15 et aussi le confortable d’un secteur tranquille depuis trois ans ; les tranchées innombrables sont toutes clayonnés et garnies de caillebotis, les postes de commandement soignés comme des villas, cuisines dignes d’une caserne. Mais comme le dispositif d’occupation a changé de principe, qu’on ne s’entasse plus en première ligne, et qu’on est plutôt en formation clairsemée d’avant-postes, c’est un vrai désert que l’on parcourt où de loin surgit un poste de quelques chasseurs ; ailleurs les tranchées et les boyaux sont interdits par des broussailles de fer. Le capitaine de la compagnie d’avant-postes occupe l’ancien P.C d’un Colonel, tandis que le P.C du Bataillon est dans un vague abri d’artillerie, les batteries s’étant elles aussi reportées loin en arrière.

 

L’état-major groupait sur le front de Champagne des réserves fraîches, car les renseignements reçus faisaient prévoir une grosse offensive allemande.

Ludendorff avait conçu un plan immense, le « Friedsensturm. », l’offensive suprême pour la paix, qu’il se proposait de développer sur un front de 110 kilomètres entre Château-Thierry et l’Argonne.

Son objectif était de forcer Reims et Massiges, le front de notre 4e armée, commandée par le général Gouraud, d’atteindre et de dépasser la Marne entre Dormans et Châlons, afin de se rabattre sur Paris par une manœuvre enveloppante. Isolée de nos armées de l’est, Paris devait tomber. Cette opération avait été préparée avec l’abondance de moyens matériels et humains que l’on peut imaginer

.Elle s’engagea dans la nuit du 14 juillet. Et Paris, tenu encore éveillé par les derniers échos de la Fête Nationale, perçut à l’orient le roulement profond de la canonnade.

Notre état-major l’attendait.

Un renseignement sûr, venu d’Alsace, avait fixé ses conjectures.

 

Dès le 7 juillet, le général Gouraud avait pu alerter ses troupes.

 

Le 14 à 8 heures du soir, un coup de main heureux avait été exécuté par le lieutenant Balestier, le sergent Lejeune, les caporaux Hoquet et Goumelon, le soldat Aumasson, du 366e R.I., qui s’engageaient hardiment dans les lignes allemandes et ramenaient 27 prisonniers qui parlèrent. (Officiel)

Ceux-ci révélèrent l’instant précis de l’attaque qui devait se produire dans la nuit même, à l’aube à 4 h.15.

A 21 h. 30, notre tir de contre-préparation, précis et meurtrier, devançait la préparation allemande, jetait dans les lignes ennemies la confusion et la stupeur.

Quand à minuit 10, l’artillerie de l’assaillant se déclencha à son tour, elle martela de ses bourrasques nos premières positions méthodiquement évacuées sur deux kilomètres, mais où l’on avait déposé des nids de mitrailleuses assez denses et servies par des volontaires bien déterminés pour que les Stottstruppen qui s’y heurtèrent eurent l’impression que les lignes étaient normalement occupées.

Déjà affaibli par l’énergie de cette résistance initiale, l’ennemi, dans l’intervalle des premières et des secondes positions, était pris soudain sous un tir de barrage d’une violence terrifiante qui disloquait ses colonnes ; des formations entières, éperdues, cherchaient refuge dans les anciens abris français que nous avions saturés d’ypérite, et d’où elles devaient plus sortir, en même temps ses chars d’assauts sautaient sur des cordons d’explosifs disposés sur leur passage. Plus loin nos deuxièmes lignes intactes offraient à l’agresseur un mur d’acier hérissé de mitrailleuses. Il acheva de s’y briser.

 

Le reflux de ses premières vagues alla se mêler au flot de ses troupes de poursuite, déferlant mécaniquement à leur rang de combat, et cette masse, prise sous une effrayante pluie de mitraille, joncha le sol de cadavres innombrables. Les deux armées allemandes engagées laissèrent 45.000 hommes sur le terrain.

 

Le secteur occupé par le Bataillon fut, dans cette nuit du 14 au 15 juillet, violemment bombardé ; mais le tir fut surtout dirigé sur les arrières et les anciennes positions de batterie. De 3 heures à 3 h. 30, la plupart des obus employés furent des obus à gaz à ypérite. La 4e compagnie qui occupe un ancien emplacement de batterie est particulièrement visée.

Le tir allemand n’affecte pas du tout la première ligne, et il est évident que l’attaque ne se produira pas dans notre secteur.

Cependant, à notre gauche, le bombardement très violent paraît distant d’une dizaine de kilomètres environ. C’était le bombardement de Champagne, préparatoire de l’attaque ; on sait comment l’armée du général Gouraud la repoussa.

Le 19 juillet, la 127e division, inutile sur ce front de l’Argonne, est retirée.

Relevée par le 2e Bataillon du 123e R.I., le 25e B.C.P. se rend à Villers-en-Argonne.

Il avait perdu 56 chasseurs de la 4e compagnie, tous atteints par les gaz.

 

 

LA CONTRE-OFFENSIVE : COURDOUX Août 1918

 

Après quelques jours passés à Villers-en-Argonne, le Bataillon est embarqué en chemin de fer et débarque à Pont-Sainte-Maxence.

Le 18 juillet, la contre-offensive du général Mangin a surpris l’ennemi et l’a rejeté de Château-Thierry jusque devant Sissonne.

Un deuxième effort est prévu pour le 1er août ; les Allemands devront être rejetés au-delà de l’Aisne.

 

Le 29 juillet, le Bataillon part en camions à 8 heures, et par Verberie et Pierrefonds, débarque à Valsery, pour aller bivouaquer dans les bois à 1 kilomètre au sud de Saint-Pierre-Aigle, au milieu d’une division écossaise qui redescend de la bataille.

Notre curiosité est tenue en éveil, tant par leur équipement militaire qui se compose en kilt écossais à rayures rouges et vertes sur fond bleu marine, que part leur musique en majeure partie composée de cornemuses, celles-ci ornées de rubans. Les notes aigrelettes que les cornemusiers tirent de leurs instruments ont un charme bien champêtre au milieu de ces bois, et cependant quand la nuit fut tout à fait tombée, ce chant de cornemuse aurait pu aussi bien être, l’extinction des feux …en haute fantaisie.

Notre trompette Morvais en pâlissait.

 

Ainsi donc, la 127e D.I. se ressemblait en formation articulée dans la forêt de Villers-Cotterets, vers le carrefour du Château-Fée (2.500 mètres nord-ouest de Corcy).

Au jour, le 25e quitte son bivouac, et avance péniblement sous-bois, dans les layons tout obstrués d’arbres hachés par les obus ; ce sont les positions de départ de la contre-offensive Mangin, du 18 juillet, que l’on parcourt.

Le carrefour du Château-Fée est atteint à 9 heures. On repart à 11 heures, par une chaleur accablante, et par Corcy on gagne en formations très ouvertes un petit bois à l’ouest de Saint-Rémy-Blanzy.

 

Le lendemain 31 nous trouve toujours en bivouac dans ce petit bois. La grosse artillerie allemande tire sur toute la région et cause des pertes, en particulier à la 1re compagnie. L’ennemi attend visiblement l’attaque pour le lendemain.

En ce moment, la ligne de front passe devant la division par Fère-en-Tardenois, Grand-Rozoy et la corne sud-ouest du bois du Plessier.

La 25e division actuellement en ligne doit commencer l’attaque, et atteindre la crête marquée par l’orme du Grand-Rozoy à 1.200 mètres au nord du village. Cette crête a été organisée jadis en vue de la défense du camp retranché de Paris. L’objectif une fois atteint par la 25e D.I., la 127e division prenant le combat à son compte doit la dépasser et exploiter le succès ; le 25e B.C.P. a comme objectif Courdoux.

Le Bataillon se met en mouvement à 1 h. 15 et s’installe à 3 heures en position  d’attente dans un petit bois au nord-nord-ouest du signal  de la Baillette (2 kilomètres sud-ouest du Grand-Rozoy), des chars de combat viennent s’installer à proximité, et par le fracas de leur progression, provoquent le tir de l’artillerie ennemie.

A 9 heures, la 25 D.I. annonce qu’elle a atteint ses objectifs. Le Bataillon se met en mouvement et en formation très diluée (petite ligne de tirailleurs très espacés les uns des autres), il exécute le passage des lignes. Malheureusement, toutes les tentatives faites pour progresser davantage sont brisées. Il s’agit de franchir un immense glacis dénudé et s’infléchissant en pente assez forte sur Courdoux ; or ce plateau est balayé par les mitrailleuses et par des pièces de 210, qui font à courte distance du tir direct sur nos positions.

La 4e compagnie, sous l’énergique impulsion de son chef, le capitaine Authier, réalise quelques progrès et cherche à s’infiltrer vers Courdoux.

Les lieutenants Dumonthier et Arnould sont tués, les pertes de cette unité sont sévères. Enfin, à 17 heures, ses premiers éléments , dont l’adjudant-chef Liauté et le sergent Gantzmann ont pris le commandement, sont maîtres de Courdoux, et y font prisonniers un officier et quelques mitrailleurs.

A la nuit, les 1re et 5e compagnies, ainsi que la C.M.1.renforcent la 4e compagnie et la prolongent à droite et à gauche. A 22 heures, après un très violent bombardement, l’ennemi contre-attaque à droite et sur Courdoux ; il est partout repoussé non sans pertes.

 

La fin de la nuit est très calme ; à 3 heures dans la nuit du 1er au 2 août, le groupement Bourchied ( 2e, 3e, C.M.2) dépasse les compagnies en ligne du groupement Quidet (1er ,4e ,5e C.M.1). La 3e compagnie qui est en tête cherche aussitôt à progresser et se rend compte que l’ennemi se dérobe sous la protection de ses mitrailleuses ; de fortes reconnaissances sont lancées, et la marche en avant reprend au jour dans l’allégresse générale. C’est la victoire que l’on respire ; pour la première fois devant le terrain est libre ; il n’y a plus d’ennemis, sauf quelques mitrailleurs qui se replient vivement, après un semblant de résistance.

Les villages de Launoy et de Droizy sont successivement enlevés ; 30 prisonniers sont capturés et conduits vers les P.C divisionnaires de l’arrière. 7 pièces de 77 tombent entre nos mains, plusieurs minenwerfers, des fusils antitanks, des mitrailleuses qui sont autant de trophées de guerre.

On progresse ainsi toute la journée, traversant les villages de Muret, Crouttes et Violaine.

 

Le Bataillon reçoit l’ordre de s’emparer, avant le jour du 3 août, de la Ferme La Siège ( 2 kilomètres sud de Couvrelles), mais il y a un tel encombrement de troupes, d’états-majors, d’artillerie sur les routes, que le grand plateau au sud de la Ferme, ne peut être atteint que vers huit heures, tandis que des hauteurs à l’est de la Vesle, l’ennemi suit tout nos mouvements, qu’il entrave sérieusement par des violents tirs d’artillerie.

La 2e compagnie, le lieutenant Cros en tête, occupe cependant Cerseuil et la 3e compagnie Couvrelles, le capitaine Hinterlang poussant le lieutenant Deleuze et l’adjudant Kauffmann en reconnaissance jusqu’à Vasseny. Il est impossible d’aller plus loin. Le caporal Millet, de la 3e compagnie, ramène des prisonniers et 3 mitrailleuses.

 

 

LA VESLE : août 1918

 

Dans la nuit du 3 au 4 août, la 1re compagnie, sous les ordres du lieutenant Brèche, franchit la Vesle sur des passerelles de fortune ; les sous-lieutenants Dillard et Menu De Mesnil réussissent à lancer leur peloton, une violente contre-attaque les rejette sur la rive gauche. Par contre, la 4e compagnie (Authier) et la C.M.1. (Capitaine Pégard ), se maintiennent sur la rive droite.

A 4 h. 45, après une courte préparation d’artillerie, ces deux compagnies progressent de plus d’un kilomètre, poussant des éléments jusqu'à la chaussée Brunehaut, faisant 20 prisonniers et s’emparant de mitrailleuses. Mais à leur droite, la Ferme du Parc est toujours aux mains de l’ennemi, et dans la région de Braisne la progression est enrayée.

La situation de la 4e et de C.M.1. devient critique, les pertes sont sévères, le capitaine Pégard est tué.

 

Le 4 août, au petit jour, la 5e compagnie les renforce et les prolonge à droite.

La 3e compagnie doit, à son tour passer la Vesle, mais elle trouve les passerelles du génie détruites par l’artillerie ennemie. Le lieutenant Deleuze n’hésite pas, il fait franchir la Vesle à sa compagnie, à gué, par une profondeur d’eau de 1 m. 50, et par une avance très lente et sanglante, s’établit face à la Ferme du Parc, sa droite appuyée à la rivière. Le sergent Chauvet est blessé, néanmoins il encourage ses chasseurs à le suivre et Deleuze est obligé de lui donner l’ordre formel d’aller se faire panser.

La 1re compagnie occupe toujours la voie ferrée, le reste du Bataillon (2e compagnie C.M.2.) tient la croupe 144, sur la rive gauche.

La position du Bataillon est toujours des plus délicates, le flanc droit en l’air, dans un terrain sans abris, coupé en deux par la Vesle, dont les passerelles n’existent plus et que balaient les mitrailleuses.

L’ennemi cherche à profiter de la situation et après avoir tout le jour exécuté un violent tir de destruction sur nos lignes et nos arrières, il contre-attaque à 18 heures.

Vivement repoussé, il reprend son bombardement à 19 heures, puis à 20 heures et à 21 heures. Cette fois deux compagnies débouchent au son du clairon. Les éléments les plus avancés se replient sur le gros des compagnies. Les chasseurs debout sur le parapet de la tranchée tirent posément, ajustant leur ligne de mire ; les grenades atteignent leur but, et font des ravages parmi les assaillants ; la 4e compagnie, menacée de flanc, s’élance à la baïonnette, et rejette l’ennemi en désordre sur la Ferme du Parc en lui causant de lourdes pertes.

Aussi pour venger l’échec de l’infanterie, l’artillerie allemande bombarde notre position sur une partie de la nuit.

 

Dans la nuit du 6 au 7 août, le 29 B.C.P. doit relever le 25e. Mais le passage de la Vesle est difficile et long ; le bombardement incessant ralentit encore l’opération. Le jour se lève avant qu’elle soit terminée, et les compagnies de la rive droite doivent rester en ligne jusqu’au soir.

Avec le lever du jour, l’artillerie reprend son bombardement ; tous les calibres sont de la fête et ce bombardement est tel, que la fumée des éclatements forme par moment un nuage épais, qui nous rend invisibles de l’observatoire du P.C du Commandant.

Ce bombardement dure toute la journée, nous causant peu de pertes, car ce sont surtout les rives de la Vesle qui sont visées, mais les compagnies de la 1re ligne sont abasourdies par ce vacarme incessant.

Enfin, vers 11 heures du soir, la relève arrive, et la Bataillon se regroupe à La Ferme La Siège. La nuit suivante il va cantonner à Violaines, ou le Général de division remet, le 8 août, la Légion d’Honneur au lieutenant Deleuze ainsi que plusieurs Médailles Militaires et Croix de Guerre.

Un camarade a, heureusement, pu conserver les noms des braves qui furent à l’honneur :

Adjudant Kauffmann (3e), Gantzmann (4e), Thiberge ( S.H.R ) Franck (S.H.R.), adjudant-chef Liauté (4e), sergent Lang (3e), sergent Delaune (5e) étaient cités à l’ordre de l’armée ; les sergents Jacquet (4e), Delange (Louis), (2e), caporal Bourgeois (5e), et chasseur Dampfoffer (4e), recevaient la Médaille Militaire.

 

Du 31 juillet au 7 août, les pertes du Bataillon étaient de 74 tués dont 3 officiers, 254 blessés. Citons parmi eux Ducreton, brancardier, qui relève les blessés sans se soucier des obus qui tombent autour de lui, jusqu’au moment où lui-même est atteint d’une grave blessure à la jambe.

Le caporal Turlan (2e  Cie) entraîne son escouade à la poursuite de l’ennemi, il est grièvement blessé et sera amputé de la jambe droite.

Le caporal Paillot (1reCie) a traversé la Vesle, et la position qu’il occupe est violemment bombardée ; il exhorte ses chasseurs à maintenir le terrain conquis jusqu’au moment où il tombe mortellement blessé.

Le chasseur Carpentier (3e Cie) fait fonction de brancardier, il ramène tous les blessés. L’un de ceux-ci est resté au milieu des lignes ennemies. Il n’hésite pas un instant, il ramène son camarade blessé, atteint lui-même d’une blessure, il refuse de se laisser évacuer

Deux officiers étaient blessés (sous-lieutenant Courteille et Soureillat ), 13 chasseurs étaient prisonniers.

 

A ce prix, le Bataillon obtenait à l’ordre du 30e corps d’armée, la citation suivante :

« Superbe Bataillon qui, sous les ordres du commandant Flottes, a fait preuve au « cours de la période du 1er au 6 août 1918, d’un remarquable esprit offensif et du moral le « plus élevé. Le 1er août, malgré des barrages violents et des tirs de mitrailleuses, a enlevé le village de Courdoux, opiniâtrement défendu par l’ennemi, faisant des prisonniers, prenant un nombreux matériel. Le 2 août a talonné l’ennemi, enlevant Droizy et Launoy.

« Jeté, le 3 août, en tête du Pont, au nord de la Vesle, l’a traversé à gué, et a réalisé à la suite d’un combat acharné une progression de 1.200 mètres, maintenant intégralement le « terrain conquis contre plusieurs attaques. »

Le Général commandant le 30e corps d’armée.

Signé : Penet

 

 

LA CONTRE-OFFENSIVE AU NORD DE L’AISNE ; TARTIERS : août 1918

 

Le général Mangin, voyant arrêtée son action sur la Vesle, reporte son effort au nord de l’Aisne. La 127e division doit faire son mouvement par étapes de nuit. Elle est d’abord regroupée dans la forêt de Villers-Cotterets.

Une premier étape de nuit de 30 kilomètres par Corcy et la forêt, amène le Bataillon à Puiseux, le 12 août à Taillefontaine, où il reste quatre jours, se repose et se détend un peu. La fanfare est de nouveau très demandée. Le soir, concert sur la place du village, la journée ayant été occupée par des travaux d’hygiène et d’échange d’effets.

 

Le 18, dans la nuit, on gagne les bords de l’Aisne, et le Bataillon tout entier s’installe dans la vaste grotte du Grand-Chaplin, au sud-est de Courtieux.

Dans la nuit du 19, il franchit l’Aisne à Jaulzy et va bivouaquer dans les bois de Grandes-Vignes, au nord-est de Bitry. En vue de la bataille du lendemain, il est articulé en deux groupements : le 1er (1er, 2e, 5e Cies et C.M.2), sous le commandement du capitaine adjudant-major Ducrocq ; le 2e (3e et 4e C.M.1) sous le commandement du capitaine Hinterlang.

 

Le 20 août, à 7h.10, le Bataillon se porte en avant ; il marche en seconde ligne, derrière la 128e division, jusqu’à Hautebraye, puis à l’ouest de Morsain dans les bois, et enfin à la balise de Morsain, à l’est du village, dans d’anciennes tranchées, jusqu’au village de Tartiers.

A 1 heure du matin, les cuisines roulantes du Bataillon peuvent arriver sur la route, et la soupe peut être mangée. Dans la nuit les avions ennemis nous lancent des bombes et blessent un téléphoniste dans la tranchée même.

 

Le 21 août, le Bataillon, prenant le combat à son compte, doit dépasser le 2e B.C.P., à 8 heures, et pousser vigoureusement vers son premier objectif : la Chaussée de Brunehaut, puis vers le second : Terny-Sorny.

Mais cet ordre d’attaque est arrivé très tard, il est de plus, long à transmettre. Le brouillard, qui jusque-là avait favorisé l’opération, s’est levé, un beau soleil brille.

La chaleur a été telle les jours précédents que la tenue d’attaque suivante a été fixée : en veste, la capote roulée en sautoir. Le groupement Ducrocq marche en tête, et son mouvement s’exécute merveilleusement en une multitude de petites colonnes qui progressent rapidement sous les obus et les rafales de mitrailleuses de plus en plus intenses. Le 2e bataillon de chasseurs est atteint et dépassé à 9 heures.

Notre artillerie qui ignore ce retard d’une heure, arrête justement son barrage roulant à ce moment.

Les allemands déclenchent un feu violent sur la ligne de mouvement, et la cloue sur place.

Au prix de pertes sensibles, le capitaine Ducrocq fait un nouvel effort et gagne quelque peu de terrain. Il se lève pour entraîner ses compagnies, et tombe mortellement blessé. C’était un très brillant officier venu de la cavalerie, d’une bravoure, d’une intelligence, d’une valeur morale, d’une autorité et d’une élégance qui faisaient l’admiration de tous.

Près de lui le lieutenant Menu-Du-Mesnil est frappé d’une balle en plein cœur, pendant que le sourire aux lèvres il précédait sa section ; tout le monde aimait ce chef à la fois si jeune et si charmant, et cependant si brave et si sûr.

Le lieutenant Clauzolles prend le commandement du groupement et persiste vainement dans les tentatives de progression sur un véritable glacis qui s’étend jusqu'à l’objectif et que balayent sans arrêt les rafales de mitrailleuses. Les agents de liaison eux-mêmes circulent difficilement.

A 16 heures, après une préparation d’artillerie, on essaye encore d’avancer, on gagne à peine 50 mètres et l’on est cloué sur place, non sans pertes.

La nuit est employée à rectifier la ligne, à ramener les morts et les blessés, à assurer le contact avec les voisins de droite et de gauche.

 

Le lendemain 22 août, la matinée est calme. Vers midi le groupement Clauzolles parvient à faire un nouveau bond jusqu'à la crête du plateau (cote 162.8, dite le Haricot) d’où l’on domine la chaussée de Brunehaut le long de laquelle l’ennemi est solidement retranché. Le groupement Hinterlang se porte aux emplacements précédents du groupement Clauzolles.

 

Dans la nuit du 22 au 23 août, le 29e B.C.P, relève le groupement Clauzolles en première ligne. Le groupement Hinterlang se porte à droite du 29e B.C.P.

 

Le 24 août l’attaque doit être reprise. A 5 heures, préparation d’artillerie. A 6 heures, les 3e et 4e compagnies s’élancent, dépassent la tranchée Brunehaut de 200 mètres. Le lieutenant Saubolle enlève  à la grenade, avec le sergent Marche (3e Cie), un blockhaus de mitrailleuses, faisant une quarantaine de prisonniers, dont un capitaine et deux lieutenants commandants de compagnie.

Le lieutenant Deleuze est blessé, et ne se laisse évacuer que sur un ordre formel du commandant Flottes, montrant une fois de plus quel admirable officier il était par son cran, son enthousiasme, en même temps que la sûreté de son jugement et de son grand cœur.

Moins heureux que le 25e, ses voisins de droite et de gauche n’ont pu suivre son avance. Il est en flèche, pris de face et de flanc par les feux de l’ennemi, et vers 9 heures se voit obligé de revenir à la chaussée Brunehaut.

A 16 heures, une attaque est encore déclenchée pour permettre à nos voisins de s’aligner sur nous, cette attaque ne donne pas grand résultat.

Enfin, à la nuit, le lieutenant Soureillat avec une forte patrouille essaye de faire la liaison le long de la chaussée elle-même. Après un combat furieux presque au corps à corps et à la grenade, il est obligé de rentrer, légèrement blessé lui-même ainsi que plusieurs de ses gradés et de ses chasseurs, sergent Lafaye, caporal Bourse, chasseurs Delplanque et Hémery. Les contre-attaques ennemies se succèdent dans la nuit, elles sont rejetées par les 3e et 4e compagnies, qui font même quelques prisonniers.

 

La matinée du 25 est un peu agitée, l’ennemi voulant toujours reprendre la partie de la chaussée tenue par le 25e et qui fait un saillant menaçant. Des barrages rapidement déclenchés arrêtent toute tentative ennemie.

L’après-midi est calme. Seule l’aviation continue de nous harceler comme elle le fait depuis quatre jours, par bombes à gaz, chapelets de grenades, mitrailleuses, etc. Le soir même le Bataillon est relevé par le 232e R.I.et se porte en réserve dans un ancien camp allemand dans le bois au sud de Vezaponin (cote 113)

 

Le 26 est une journée de repos.

 

Dans la nuit du 26 au 27, le Bataillon se porte en avant, vers Bieuxy, en réserve dans des tranchées. C’est là que le lieutenant Clauzolles est promu capitaine, et que le Commandant remet la Légion d’Honneur au lieutenant Soureillat, pour sa folle bravoure et son admirable conduite des jours précédents.

 

Dans la nuit du 26 au 27 août, le Bataillon définitivement relevé par un régiment américain, repasse l’Aisne à Vic-sur-Aisne et s’installe dans les bois au sud de la rivière.

Le lendemain 28 août, il part en camions-autos par Compiègne, Senlis et Chantilly et Luzarches et débarque à Montsoult (E.M., S.H.R.1re Cie) à Maffliers (2e, 5e, C.M.1, C.M.2) et à Nervillers (3e, 4e Cie) pour un repos bien gagné de trois semaines à quelques kilomètres de Paris.

Du 20 au 28 août, les pertes étaient de 27 tués, dont 2 officiers et de 58 blessés.

Le Bataillon était cité à l’ordre de la division.

 

 

REPOS A MONTSOULT

 

Ces trois semaines de détente furent d’autant plus appréciées que le Bataillon était en grande partie recruté parmi les Parisiens, tout heureux de se trouver à 25 kilomètres de leurs familles, jusqu'à succomber, parfois, à la tentation de s’échapper du cantonnement sans permission…. Le trajet était si court. Et les trains assez nombreux permettaient d’aller déjeuner en famille et de rentrer à la nuit tombante.

La discipline bien que paternelle, vous interdisait  cependant de se faire prendre.

A cette époque de l’année, le Bataillon jouissait d’un temps idéal ; l’instruction, quelques marches d’entraînement, occupaient les loisirs des compagnies, et le 11 septembre, le lieutenant Dillard, aidé de quelques officiers et chasseurs, organisaient une grande fête artistique au Château de Maffliers, avec le concours d’artistes parisiens ; Mme Dussanne, de la Comédie-Française ; M.Croué, de la Comédie-Française, qui nous firent entendre : « La Paix chez soi. », du répertoire de la Comédie-Française ; Fursy, le chansonnier parisien, nous amusa avec ses mots rimés ; Boursin, notre camarade du Bataillon, nous fit montre une fois de plus de ses talents de chansonnier militaire, et Guigon, fanfariste bien connu de tous, était notre comique irrésistible. Nos camarades officiers du 29e avaient été conviés à cette matinée récréative, qui laissa dans l’esprit de tous un excellent souvenir

 

 

SECTEUR DE LA FERME COLOMBE : septembre 1918

 

Le 16 septembre, le Bataillon était alerté, et embarqué le 17 à 6 heures, en camions. Par Chantilly et Compiègne, il débarquait à Mercin (3 kilomètres ouest de Soissons). Il bivouaque au sud de l’Aisne, et reprend sa place à l’armée Mangin.

Le 18, il se porte à 1.500 mètres ouest de Chivres. Dans la nuit du 19 au 20 septembre, il relève le 42e R.I. à la Ferme Colombe (1500 mètres est de Sancy ), car pendant notre séjour à Montsoult, l’Allemand a été refoulé d’une quinzaine de kilomètres. Ce secteur  est assez agité ; l’ennemi, sous la menace d’une pression continuelle, ne cesse de nous harceler avec son artillerie.

Le 25 septembre, la division doit exécuter une opération locale, et s’installer à la crête du plateau. Après une sérieuse préparation d’artillerie, l’attaque est déclenchée à 18 heures.

Les 4e et 5e compagnies sont en première ligne. A 18 h 30, les compagnies ont atteint leurs objectifs et font une trentaine de prisonniers.

Le sous-lieutenant Gayerie, de la 4e compagnie, est grièvement blessé ; une balle dans la tête le laisse pour mort sur le terrain. Ramené à l’arrière, ce pauvre Gayerie, fait Chevalier de la Légion d’Honneur quelques jours après sa blessure, sera trépané plusieurs fois. Nous le trouverons quelques années plus tard, Commandeur de la Légion d’Honneur, et toujours souffrant de cette grave blessure. Plus heureux, le sous-lieutenant Codant et le sergent Ludet refoulent l’ennemi dans un vif combat à la grenade, qui durera toute la nuit.

 

Le 27 septembre, tout l’après-midi est rempli par un sérieux tir d’artillerie ennemi qui vers 17 h. 30 devient extrêmement violent, spécialement aux abords du P.C. du Commandant. A 18 heures, profitant du bombardement d’artillerie fait en réponse au tir allemand, une attaque est ordonnée pour occuper le bord oriental du plateau et commander ainsi le ravin de Jouy.

 

 

LA MALMAISON—L’AILETTE : septembre 1918

 

Le 28 septembre, un prisonnier allemand révèle que l’ennemi exécute un repli.

Dès 5 h. 30, des patrouilles sont lancées et ne trouvent que le vide ; un avion allemand survole nos tranchées de départ et mitraille nos compagnies de 1re ligne, qui, debout sur le parapet des tranchées, attendent le moment de se porter en avant.

Par vagues successives, le Bataillon se met en mouvement, prenant comme direction le Fort de la Malmaison qu’on aperçoit à l’horizon ; la marche est lente et méthodique, toujours rien.

A 9 h. 30, le chemin des dames est atteint, quelques mitrailleuses tirent des environs du Fort.

A 11 h. 45, le capitaine Clauzolles avec son merveilleux mordant habituel prend lui-même la tête des vagues d’assaut et entre dans le fort, le fanion du Bataillon à la main. Au même instant, la partie centrale de l’ouvrage saute dans une formidable explosion provoquée de loin, électriquement.

Notre avant-garde n’a aucun mal.

Les 1re et 4e compagnies continuent leur progression et à 16 heures parviennent au canal de l’Ailette. L’ennemi est solidement installé sur l’autre rive et toutes les tentatives de franchissement sont infructueuses. Force est donc de s’organiser sur place.

Le P.C. du Bataillon est installé dans une casemate sud-ouest.

C’est là que le 29 septembre, le colonel Passerieux, commandant de l’I.D. de la division, viendra , dans la matinée, remettre la Médaille Militaire au sergent grenadier Ludet, de la 5e compagnie, pour sa brillante conduite le 25 septembre à la Ferme Colombe.

Le lieutenant Codant était cité à l’ordre de l’armée.

 

Les 29 et 30 septembre sont des journées calmes.

Cependant l’artillerie ennemie, sans montrer par trop d’activité, devait réussir un coup malheureux pour les téléphonistes du Bataillon, qui avaient montré ces jours derniers quels efforts dévoués on pouvait attendre d’eux. Un obus de gros calibre explosant devant la porte du P.C. du Commandant tuait l’adjudant Mention, chef du service téléphonique du Bataillon depuis son départ de Saint-Mihiel, le caporal Galbin, encore un ancien du début, était blessé, le chasseur téléphoniste Pfemmert était blessé grièvement, le sergent fourrier Simon, agent de liaison de la 2e compagnie, ainsi que le cycliste Lambert étaient également blessés.

 

Le 30 septembre, au soir, le 25e relevé par le 29e B.C.P. se porte en réserve aux carrières de Bohéry, au sud du Fort.

Le 9 octobre, le Bataillon relève à son tour le 29e.

Journées calmes, sauf quelques tirs d’artillerie et quelques avions.

 

Quinze jours passent ainsi au bord de l’Ailette ; on attend l’effet de la manœuvre que le maréchal Foch a montée en Picardie. Un nouveau repli de l’ennemi est annoncé.

 

Dans la nuit du 11 au 12 une série de patrouilles accompagnées d’officiers (capitaine Bourchied et capitaine Clauzolles, lieutenant Soureillat) essaient de progresser, mais leur plus léger bruit déclenche des rafales de mitrailleuses allemandes. Ce tir se ralentit vers 4 heures.

A 4 h 30, la patrouille du capitaine Bourchied réussi à franchir une passerelle démolie ; une section suit, puis les 2e, 1re et 3e compagnies. On atteint le pied des hauteurs de Monampteuil retardés seulement par quelques mitrailleuses isolées qui se dérobent.

 

 

LAON—LA FERME PUISIEUX : octobre 1918

 

Jusqu’à ce moment, le 25e a mené seul toute l’avance. Enfin à 7 heures, le 13 octobre, les corps de droite et de gauche arrivent à sa hauteur et la progression continue.

A 8 h. 45, le premier objectif est atteint ; c’est un ensemble de tranchées faisant partie de la Siegfriedstellung que l’ennemi n’a pas défendu. Les arrière-gardes ennemies nous retardent de leur mieux  par leurs mitrailleuses que nous manœuvrons adroitement..

Vers 11 heures, nous sommes à hauteur de Laval, et à 15 h. 30 à l’est d’Etrouvelles. A ce moment un barrage serré de 105 et de 150, et de violentes rafales de mitrailleuses nous arrêtent aux lisières des marais. Les compagnies s’installent sous la pluie qui remplit leurs tranchées. La nuit se passe ainsi sous la pluie et les obus.

Le 14 au matin, la 2e compagnie franchit péniblement les marais sans aucune réaction ennemie jusqu’au faubourg d’Ardon où nous retrouvons ses barrages.

A 9 h. 30, la première patrouille française pénétrait dans Laon, sous le commandement du lieutenant Soureillat. Le reste du Bataillon suit et traverse la ville au milieu des larmes de joie des 7.000 habitants qui, depuis quatre ans, y sont les prisonniers de l’ennemi. On atteint la gare qui a sauté dans la nuit et brûle encore.

A 16 h. 30, on atteint le village de Chambry (3 kilomètres nord-est de Laon) où il faut encore manœuvrer une mitrailleuse ennemie qui enfile la Grande-Rue. La progression continue encore un kilomètre, jusqu’à la Ferme Puisieux où l’avant-garde passe la nuit en avant-postes de combat.

A 18 heures, au milieu de l’émotion générale, un Te Deum solennel est chanté à la Cathédrale de Laon, où l’Archiprêtre salue l’arrivée des libérateurs.

 

Le lendemain 15 octobre, la marche en avant est reprise à 8 heures. De suite la progression est arrêtée par les mitrailleuses ennemies. Néanmoins à 9 heures on atteint la Sucrerie, à 1.800 mètres de la Ferme Puisieux, et tout ce jour nous devons rester sur ce point, arrêtés toujours par des barrages de tous calibres et même par obus toxiques.

De plus, les destructions faites par les Allemands (routes et ponts coupés) ont été telles que notre artillerie n’a pu suivre et que depuis l’Ailette nous avançons sans son aide. Enfin au cours de l’après-midi elle nous rejoint et ouvre le feu.

A la nuit, vers 17 heures, la 4e compagnie progresse encore et s’établit le long du chemin de Monceau-Le-Waast à la Maison-Blanche, à 8 kilomètres au nord de Laon. A 21 heures, le 25e est relevé part le 29e B.C.P. En trois jours, il avait refoulé l’ennemi de 20 kilomètres, le talonnant sans répit.

Le Bataillon vient s’installer dans la ville de Laon et y passe quatre jours en réserve, se reposant et travaillant à remettre les routes en état. Le 17 octobre à 10 heures du matin, il rend les honneurs au Président de la République Poincaré, qui vient visiter la ville reconquise.

 

 

HUNDINGSTELLUNG—LA SOUCHE : octobre 1918

 

Cependant la division a monté l’attaque de la Hundingstellung. Le 29e B.C.P. et le 172e R.I. sont en première ligne, le 25e soutient l’attaque, d’abord par le tir indirect de ses compagnies de mitrailleuses, poussées le 18 à leur hauteur, puis en se portant lui-même, le 19 octobre au jour, en soutien dans la région de la Ferme Puisieux.

A 5 h. 30, l’attaque réussit en partie et le soir les 1re, 4e, et 5e compagnies groupées sous le commandement du capitaine Couhé sont poussées jusqu’aux tranchées de départ de l’attaque du matin.

 

Le 21 au soir, le 25e relève le 29e en ligne à la hauteur de la Ferme Chantrud.

La nuit est agitée, de violentes rafales de mitrailleuses dans tout le secteur. Et le 22 à 3 h. 45, nos patrouilles s’aperçoivent que l’ennemi se replie. Tout le Bataillon s’ébranle aussitôt.

A 10 heures, le village de Grandlup-et-Fay est occupé.

Vers 15 heures nous sommes à 300 mètres de la Ferme Favières.

Enfin à la nuit nos patrouilles atteignent le canal de la Buze, large de 10 mètres et profond de 2 à 3 mètres, et la Souche presque à sec mais bordée de marais. Il n’existe qu’une seule passerelle en partie démolie et enfilée par une mitrailleuse. La nuit est calme.

 

Le 23, à 5 h. 45, la 3e compagnie cherche à passer la rivière et réussit à jeter une demie-section sur la rive droite ; à 8 heures, le reste de la compagnie rejoint le petit groupe et gagne 200 mètres, elle est aussitôt clouée sur place. L’aviation et l’artillerie  ennemies sont très actives et, à 14 heures, réussissent à couper les passerelles que le génie est parvenu à lancer. La Schenerstellung semble fortement tenue. Pendant deux jours, la 3e compagnie commandée toujours par ce chef admirable le lieutenant Deleuze, reste seule au nord de la Souche violemment bombardée et mitraillée sans arrêt.

A 21 heures, un parti allemand fort d’une vingtaine d’hommes tente de s’infiltrer entre deux de nos sections qui sont à l’est de la Souche.

Ces éléments qui avaient réussi à s’installer dans un fossé sont contre-attaqués et repoussés, laissant sur le terrain une mitrailleuse légère.

Le chasseur Tunetier, de la 3e compagnie, se distingue particulièrement ; ayant eu son fusil mitrailleur brisé par une grenade, il s’élance sur l’ennemi moment où il se replie, le poursuivant jusque dans sa position ; il est entouré d’assaillants et quoique ayant reçu un coup de crosse en plein figure ; il parvient à regagner nos lignes.

 

Le 25 octobre, l’attaque est reprise, à 5 h. 50, sur tout le front de la 127e division et des divisions de droite et de gauche. Les 1re et 2e compagnies dépassent la 3e compagnie, mais sont arrêtées par des mitrailleuses et un terrible barrage d’artillerie.

Enfin, à 7 h. 45,la Ferme du Petit-Caumont est enlevée par la division de droite. Le reste du Bataillon passe la Souche à son tour. A 16 heures, une contre-attaque ennemie de 2 régiments débouche et reprend le Petit-Caumont, mais elle se brise sur le 25e qui reste inébranlable.

Les jours suivants, la situation reste la même ; plusieurs fois par jour nous essayons de progresser, mais l’ennemi est très vigilant, il se renforce, il pose des fils de fer, les barrages sont instantanés, dans lesquels les obus toxiques entrent pour une large part.

 

Enfin, le 30 octobre, le Bataillon est relevé définitivement.

 

Transporté en camions le 31 à Soissons, il reste quatre jours au repos.

 

Du 18 septembre au 30 octobre, de la Ferme Colombe à la Souche, dans une avance de 35 kilomètres, il avait perdu : 78 tués, dont 1 officier (le sous-lieutenant Delaune) ; 160 blessés, dont 3 officiers (le lieutenant Brèche, les sous-lieutenants Saubolle et Pérotin). Le pharmacien aide-major Hémery, décédait à l’hôpital en septembre 1918.

Le Bataillon était, pour sa belle conduite, cité à l’ordre de l’armée.

 

 

L’ARMISTICE

 

 

Cependant la marche victorieuse concentrique de nos armes à de jour en jour réduit la longueur du front de l’armée Mangin. Celle-ci, coincée entre ses deux voisines, est devenue inutile ; elle est donc retirée du front et envoyée en Lorraine pour la suprême offensive sur Château-Salins et Sarrebruck qui doit couper la retraite de l’ennemi.

 

Le 25e, embarqué le 5 novembre, à 1 h. 30, en chemin de fer à Mercin, débarque le 6, à 9 heures, à Charmes et y cantonne.

 

Le 10, les unités doivent commencer à gagner leurs secteurs d’attaque du 14. Le 25e cantonne d’abord à Saint-Germain et à Villacourt. L’artillerie de la division va occuper dès maintenant ses positions de batterie.

 

Mais le 11 novembre, à 8 heures, le Bataillon reçoit l’avis officiel de l’Armistice.

 

Le feu cessera à 11 heures sur tout le front. A 8 h. 30 la fanfare, alertée, parcourt les rues de Villacourt et joue la Marseillaise au milieu de l’allégresse et de l’émotion de tous.

 

 

L’ENTREE EN ALSACE

 

Le 15 novembre le Bataillon gagne Baccarat, et le lendemain avance à Badonviller et y passe la nuit.

 

Le 17, par Cirey, il franchit la frontière et cantonne à Saint-Quirin, en Lorraine annexée. Toute la population vient à sa rencontre. Le conseil municipal en antiques chapeaux hauts-de-forme, le reçoit, abordant le vieux drapeau tricolore resté caché depuis quarante-huit ans, et dont les couleurs sont toutes pâlies. Vin d’honneur à la Mairie, larmes de joie, l’accueil est profondément émouvant.

Et maintenant, c’est la marche triomphale dans le pays délivré.

 

Le 18, les Vosges sont franchies au milieu des bois couverts de neige et le Bataillon entre en Alsace à Dabo.

Dès lors, ce sont chaque jour les mêmes ovations, le même enthousiasme ; les villages sont pavoisés et les discours de bienvenues répétées chaque fois que l’on en traverse un nouveau.

Le 25e cantonne ainsi à Reinardsmunter, Lupstein, Brumath et Bischwiller, à Drusenheim où l’on arrive enfin le 23 aux bords du Rhin.

 

Le 24 départ pour Selz et le 25 pour Lauterbourg.

Après quelques jours passés dans cette dernière ville, à quelques pas de la frontière du Palatinat, dont les habitants nous regardent d’un œil hostile, le Bataillon revient à Drusenheim et s’y installe chargé de la garde d’un pont de bateaux sur le Rhin.

Chaque jour par ce pont arrivent des prisonniers français, anglais, américains, russes, qui dans le désordre de la révolution allemande se sont libérés eux-mêmes. Le 25e en voit venir des centaines, hâves, déguenillés, mourant de faim et de fatigue.

La 5e compagnie est détachée à Dahlunden en avant-postes sur le Rhin, à quelques centaines de mètres de Sessenheim, lieu de séjour de jeunesse de Goeth, où l’on retrouve encore des souvenirs de son passage, et de ses amours avec Mlle Frédérique Brion.

 

Dix fois cité au cours de la campagne, dont 4 citations à l’ordre de l’armée, le 25e méritait une nouvelle distinction. Le 3 janvier 1919, dans une grande prise d’armes à Bischwiller, le général De Castelnau, commandant le groupe d’armées, venait lui remettre solennellement la Fourragère aux couleurs de la Médaille Militaire.

 

En février 1919, le Bataillon est désigné comme troupe d’occupation et s’installe à Neunkirchen-Ottweiler. En juin, il pousse jusqu’à Boppart, sur les bords du Rhin ; puis l’ennemi ayant accepté les conditions de paix, le Bataillon revient à Neunkirchen, pour se rendre en septembre à Sarrebruck.

Enfin le 20 juillet 1920, il rentre en France, à Menton, sa garnison définitive.

 

Au cours de la campagne, le Bataillon a été cité 4 fois à l’ordre de l’armée, 3 fois à l’ordre du corps d’armée, 2 fois à l’ordre de la division, 1 fois à l’ordre de la brigade.

Son fanion s’orne de la Fourragère aux couleurs de la Médaille Militaire.

 

 

Les citations reçues montrent avec quelle honneurs, les chasseurs du 25e B.C.P ont justifié la devise inscrite à leur fanion : «  En avant ! Toujours en Avant. »

 

Car au 25e B.C.P on se fait tuer, mais on ne rend jamais. 118 prisonniers, seulement, au cours de toute la guerre ! Et dans quelles conditions ! 57 blessés prisonniers du 22 août 1914 à Arrancy, 13 autres prisonniers victimes de leur téméraire audace dans la rupture du front allemand du 1er au 8 août 1918 !

Au cours de notre formidable avance à cette époque, dans la joie de ne trouver que peu de combattants ennemis, nos reconnaissances furent souvent séparées du gros de l’avant-garde par une distance de plus de 3 kilomètres. Peut-on s’étonner de ce que treize des nôtres aient pu être surpris ?

Enfin 48 autres prisonniers le furent au cours de nombreux combats de septembre 1914 à fin juillet 1918.

 

 

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