Souvenir de la campagne 1914–1915 de Joseph CAILLAT

du 54e régiment d’artillerie

 

Mise à jour : Janvier 2014

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Joseph CAILLAT était artilleur au sein du 54e régiment d’artillerie, 11e batterie.

Son carnet de route nous relate son parcours depuis la mobilisation jusque fin octobre 1915.

 

Le 4e groupe du 54e régiment d’artillerie comprend les 10e, 11e et 12e batterie de canons de 75. Ce groupe est affecté à la 6e division de cavalerie, cela durant toute la guerre.

La 6e division de cavalerie est en garnison à Lyon.

 

Merci à Jacques pour le carnet de l’oncle de son épouse et à François pour le déchiffrage et la longue saisie de ces mémoires.

 

 

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Sommaire (n’existe pas dans le carnet)

 

Ø  Août 1914 :

ü  La mobilisation, Lorraine, le combat d’Ygney, les pillages, le massacre de Rozelieures, on achève les blessés, la retraite

Ø  Septembre 1914 :

ü  Lorraine, La Marne, la poursuite,

Ø  Octobre 1914 :

ü  Flandres, combat de Vieux-Berquin, de Roulers, de la ferme des Gros Pétards, on tire sur des français, Ypres, Roulers

Ø  Novembre-décembre 1914 :

ü  Flandres belges, puis Oise

Ø  Janvier 1915 :

ü  Aisne, Belfort

Ø  Février 1915 :

ü  Territoire de Belfort

Ø  Mars-juin 1915 :

ü  Belfort

Ø  Juillet-septembre 1915 :

ü  Vosges, puis La Champagne

Ø  Octobre 1915 :

ü  Marne puis Meuse

 

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Août 1914 : La mobilisation, Lorraine, le combat d’Ygney, les pillages, le massacre de Rozelieures, on achève les blessés, la retraite

Départ de Lyon 31 juillet débarqué à Laon après 24 heures de train, débarqué à 2h de l’après-midi on fait l’étape on va cantonner à la caserne de Baquevat.

2 août

On part à 6h on vient à la frontière, le soir venu on va cantonner à Maxinville.

3 août

On part, on vient se mettre en batterie à la côte de Saint-Martin derrière Herbéviller, le soir on vient cantonner à Mesnil flein.

4 août

On revient se mettre en batterie au même endroit.

Les chasseurs et les hussards partent en avant comme éclaireurs, ils ont aperçu que quelques patrouilles d’uhlans. On ne tire pas on attend des ordres, la nuit vient on rentre au bivouac à Ogéviller.

5 août

Réveil à 3h ½, départ 4h ½,  même position, on ne tire pas, la nuit venue on rentre à Ogéviller.

6 août

Départ 4h on revient même position on attend le moment qui sera propice pour saluer nos copains, les chasseurs à cheval reviennent de patrouille il y en a qui sont à pieds d’autres sur des chevaux allemands, d’autres ont des prisonniers.

C’est le coup fatal qui va commencer, la nuit vient on rentre au cantonnement à Ogéviller.

7 août

Réveil 3h

Départ 4h on revient prendre les mêmes positions.

Les chasseurs et les hussards vont toujours en patrouille il y en a quelques-uns qui se font tuer, d’autres blessés mais ils reviennent chargés d’effets et d’armes allemands.

Pendant que nous et nos beaux cuirassiers sont au repos autour des buissons, tous couchés.

La nuit vient on n’a pas tiré on rentre au cantonnement à Ogéviller.

8 août

Réveil 3 ½

Départ 4 ½ toujours la même position même travail on ne tire toujours pas, la nuit vient on rentre au cantonnement à Ogéviller.

À 10h du soir alerte l’ennemi avance on se porte en arrière, on passe une grande partie de la nuit couchés sous les pruniers puis on se dirige sur Azerailles.

9 août

Par un beau dimanche, on se met en batterie derrière un petit coteau.

La cavalerie légère toujours en patrouille nous annonce une masse ennemie qui s’avance à 3h de l’après-midi.

On commence le feu, 3 batteries tirent contre tout un corps d’armée.

Ils nous ont répondu pendant un instant puis ils se sont arrêtés en nous croyant surement plus nombreux que nous (sommes), la nuit vient, pas trop de dégâts, on rentre au bivouac St Clément.

10 août

Réveil 3h

Départ 4h on revient se mettre en batterie derrière un petit coteau, on a tiré quelques coups de canon sans même une réponse.

 

La nuit venue on rentre au cantonnement St Clément.

11 août

Réveil 3h

Départ 4h on se porte en avant, on arrive derrière une crête, on se met en batterie.

On tire quelques coups de canons. Ils nous ont répondu sans aucun mal.

Voilà la nuit on rentre au cantonnement à St Clément.

12 août

Réveil 3 ½

Départ 4 ½ on se porte toujours en avant on vient prendre les positions derrière une côte, on ne tire pas, voici la nuit on rentre au cantonnement.

13 août

Départ 4 ½, on vient toujours en avant, on reprend une nouvelle position où s’approcher de l’ennemi.

On est près de la frontière, les boches reculent, on ne les voit pas, on ne peut pas tirer.

On rentre au bivouac à Rimilly. (?)

14 août

Réveil 3 ½

Départ 4 ½, on vient en avant, on rejoint les boches à 2h, on se met en batterie, on commence à tirer.

Pendant 2h la lutte continue, tout à coup les boches cessent le feu.

On se porte en avant à une nouvelle position. La nuit nous prend, on ne peut plus tirer on rentre au bivouac à Réclonville.

15 août

Réveil 3 ½

Départ 4 ½ on se porte aux mêmes positions.

On passe la journée sans tirer, on rentre à Réclonville.

16 août

Réveil 3  ½

Départ 4 ½ on revient prendre une nouvelle position à 10h commence le feu quelques salves seulement.

Ils nous répondent pas on se porte en avant, on franchit une côte devant nous et on revient au bivouac à Réclonville.

17 août

Réveil 3h

Départ 4h on part en avant on marche toute la journée, là on voit des trous où sans doute sont enterrés des chevaux ou des hommes de l’ennemi, on marche toujours, la nuit vient il fait noir.

On bivouaque au milieu d’une terre labourée, il fait froid les officiers nous envoient chercher du bois pour faire du feu, on se couche tous autour du feu.

Les chevaux sont tous attelés depuis 2 jours on les a pas dé bricolés, on est prêts à partir au premier signal, on fait un peu de soupe, les officiers sont très contents d’en boire chacun un quart.

 

Voici 3h du matin il commence à faire clair.

On monte à cheval et on part à la poursuite des boches à 8 ½.

18 août

On passe le poteau frontière, on y voit le nôtre encore debout et celui des boches arraché on le casse encore.

On rentre en Lorraine on marche toujours sans rien voir.

Voici la nuit on bivouaque à Himming où on a trouvé des gens plus ou moins convenables, ils nous donnent bien ce que l’on veut mais d’une volonté plus ou moins bonne.

19 août

Réveil 3h

Départ 4h on part toujours à la poursuite, on passe dans un village à la sortie voilà la mitraille allemande qui nous tombe dessus cependant on voit personne, c’est des civils qui signalent notre passage par des drapeaux de la croix rouge et les curés par des carillonnements de cloches, on ramasse ces derniers on les fait prisonniers et on avance toujours.

 

A 1h de l’après-midi on commence le feu.

On ne peut pas lutter car ils ont des grosses pièces sur la ligne de Metz à Strasbourg elles sont enterrées dans la terre puis cimentées.

On ne veut pas se faire tuer mal à propos, on revient au même cantonnement.

20 août

Réveil 3h

Départ 3 ½. On revient  à la ligne où on reçoit des obus à 100 mètres, là commence un duel d’artillerie, on ne peut pas tenir, vers midi on a dû abandonner les pièces un moment jusqu’à ce que ça se soit calmé un peu.

On revient les chercher pièce par pièce, on fait un mouvement de retraite, on marche en arrière.

 

À tombée de la nuit commence un terrible duel d’artillerie ; ça dure jusqu’à 10h, on ne peut pas dormir.

Depuis 3 jours on ne dort pas on ne peut presque rien manger.

On n’est pas ravitaillés, on attend des ordres, on se couche par terre, vers 11h on nous apprend que nous avons eu 300 morts infanterie ou cavalerie, on est donc beaucoup hors de combat, on se couche.

21 août

Réveillés en sursaut à 2h du matin par une fusillade tout près de nous, on monte à cheval et on part toujours en arrière. On vient s’abriter dans un village, 10 minutes après on reçoit la mitraille de l’artillerie du 20e corps qui nous tire dessus.

Un convoi du 8e corps en avant de nous reçoit tout.

 

 

Trois salves seulement ont été tirées, un trompette sonne de cesser le feu, il s’arrête on a eu tout de même 20 morts ou blessés laissant des fourgons jetés par les obus dans les fossés et les chevaux sont atteints par les balles ils baignent dans des mares de sang ; voici les résultats de 12 coups de canons de 75.

 

Une heure après on va mettre en batterie sur la lisière d’un bois.

On n’a pas fini la mise en batterie que voici une batterie allemande qui nous prend par le flanc gauche et pas moyen de tirer dessus, on tourne la pièce de gauche.

On tire jusqu’à la dernière cartouche sous une pluie d’obus on est dans le feu criblés de balles.

 

Le lieutenant Giacobi, à l’annonce d’une dérive, un obus vient le frapper en pleine poitrine et le rendit en miettes. (*)

 

On du abandonner tout le matériel puis on reprend son sang-froid.

On retourne chercher les pièces sous la mitraille, les uns ont deux chevaux et d’autres quatre car il y a une bonne partie qui se sont sauvés et on a dû abandonner les caissons dont ? .

 

Un instant après voici les uhlans qui débouchent du bois pour nous charger dessus mais grâce à nos chasseurs cyclistes qui sont là et bien cachés, ils se mettent à tirer et toute notre cavalerie ayant sabre à la main prête à charger, on a dû les apercevoir si bien qu’ils se sont arrêtés.

Nous on va s’abriter dans le village d’Avricourt pendant que l’on recherche les chevaux perdus ou égarés, pendant que les blessés nous rejoignent petit à petit.

 

Une heure après on ramène le corps du lieutenant, on lui rend les honneurs et on part pour venir cantonner à Réclonville.

Le résultat de cette journée pour nous était triste et mémorable, on avait 1 lieut. mort et 17 blessés, 20 chevaux tués ou perdus dont les autres en partie tous blessés et 11 caissons abandonnés aux boches.

 

(*) : Giacobi (ou giacobbi) Michel Mathieu, lieutenant au 54e d’artillerie, 34 ans, né à Venaco (Corse) le 27 mars 1882, tué à l’ennemi, mort pour la France le 21 août 1914 à Igney (Meurthe-et-Moselle)

22 août

Il pleut, alerte à 2h du matin, on attelle puis vient un ordre on ne part pas, on dételle on retourne se coucher jusqu’à 8h, on se lève, on fait un peu de pansage, on amène les blessés à l’hôpital, l’ennemi avance toujours.

 

À midi vient l’ordre de partir, on attelle et on part par une pluie torrentielle.

Les civils ont reçu l’ordre d’évacuer les villages, les voilà qui partent emportant des paquets de linge, les femmes emportent leurs enfants qui pleurent, et ils abandonnent tous leur bétail, leur mobilier, ainsi que leurs habitations.

Les Allemands avancent.

Ils pillent tous, incendient les maisons, c’est affreux de voir un pareil désastre.

 

Ce matin, deux chars attelés de deux chevaux chacun sont venus chercher des blessés que l’on a installés sur de la paille, la plus part sont encore dans leur linge tout inondé de sang.

Notre capitaine lui fait chacun une cigarette et les deux chargements s’en vont.

 

Voici la nuit, il fait froid toujours, on bivouac, on se couche sous les buissons. Il pleut, il languit de voir le jour.

23 août

Alerte, à minuit on attelle, on attend l’ordre de partir.

On attend là couché sur la terre en tenant les chevaux par la bride.

On reste là jusqu’à 7h du matin sous un brouillard épais, il fait très froid.

 

À 7h, on part, on vient se mettre en position.

Le brouillard est tellement épais que l’on ne voit rien, toujours rien la nuit vient, on se rassemble on bivouac à St Pierre font ?

24 août

Réveil à 7h, en se déshabillant jamais on est toujours près on fait un peu de toilette.

 

A 6h, vient l’ordre de partir.

 

A midi, on se met en batterie mais on ne peut pas tirer, on se porte sur l’aile gauche.

 

A 5h du soir, Côte D’Essey commence le feu, les avant trains placés derrière la côte ont tout reçu, pendant plus de 2h la mitraille n’a cessé de nous arroser. Le plus loin des obus tombaient à 100m, on pouvait plus tenir les chevaux ils ont tous reçu des éclats plus ou moins graves.

Cette journée nous a couté la perte de quelques chevaux. Grace à un coteau à pic qui se trouvait devant nous, sans cela il y (en) aurait surement eu des victimes.

 

Voici la nuit, on ne peut pas résister car nous sommes que 3 batteries contre une masse énorme et il nous manque 2 pièces de la 12e batterie depuis Avricourt.

On est obligé d’aller chercher nos pièces sur la crête de leurs obusiers et battre en retraite à minuit, on bivouac toujours sur la terre sans rien manger, depuis hier on a rien touché, aujourd’hui il faut se coucher le ventre vide.

 

Journée pour nous assez bonne, notre batterie a détruit une batterie allemande mais il y a un escadron de cuirassiers qui a subi des assez grosses pertes, on bivouac à St Rémy.

25 août

Réveil 3h, on se lève toujours sans rien manger, on va chercher dans le village mais on trouve rien, on part quand même, mais je trouve une maison inhabitée alors je vais voir ce qu’il y a, je trouve du vin et je commence

 

A en prendre deux bouteilles de vin blanc bouché et je remplis encore mon bidon mais on part et l’on va mettre en batterie, on commence le feu à 6h.

Jusque aujourd’hui les Allemands faisaient 50 km par jour ils se croyaient aller comme ça bien plus loin mais on les a arrêtés on avait reçu du renfort sur un front de 20km.

On tire toujours sans s’arrêter.

 

À midi on a tiré 200 coups par pièce, les boches sont obligés de reculer, ils laissent des masses de morts sur le terrain des hommes et des chevaux.

 

On cesse le feu et l’on va 15 kilomètres en arrière et on bivouaque toujours couchés sur la terre fraiche, on a touché un peu de pain et du singe.

On le mange de bon appétit.

Le 26 août

Réveil 3h

Départ 3 ½, on marche en avant, les Allemands ont reculé, on traverse le terrain que nous avons battu hier, c’était criblé d’obus, triste coup d’œil à voir, des morts à tous les pas on peut à peine passer sans leur passer dessus, les uns sont couchés, les autres à genoux, d’autres assis et d’autres qui étaient en train de manger le pain leur restait à la bouche, des blessés tant que l’on veut, quand on voyait qu’ils étaient presque morts, on les achevait à coups de révolvers.

On ne peut pas voir un massacre aussi terrible.

 

 

On arrive sous les bois de Rozelieures, voilà des obus qui nous tombent dessus à côté de la 5e pièce, ils tuent 2 chevaux et nous font 4 hommes blessés, on vient vite mettre en batterie et on commence le feu, une heure après on accroche les pièces et on les emmène à l’abri du bois pendant qu’ils bombardaient les endroits où nous étions postés.

 

L’artillerie allemande qui veut nous prendre par le flanc gauche et pas moyen de leur tirer dessus, il y a eu un capitaine du 54 d’art de la vitriolerie de tué.

 

A 2h, on monte à cheval, on descend la côte au galop, on vient se mettre en batterie dans un creux sous les pruniers.

 

À 5h, on remet en batterie à la cime d’une côte et on commence le feu, il fait nuit mais on voit très bien les lueurs des bouches à feu des Allemands.

On a détruit une batterie moins une pièce qui a tiré jusqu’à la fin, un instant après voilà les obusiers qui rappliquent et qui nous couvrent de terre et d’éclats. On va chercher les pièces sous un feu sans relâche, la mitraille nous tombait dessus comme la grêle.

Ce jour-là nous avons eu le maréchal des logis Pirronnet blessé et 3 chevaux de tués.

On rentre au cantonnement à St Rémy-au-Bois.

Le 27 août

Réveil 3h.

Départ 4 ½ on vient se mettre à l’abri derrière un coteau avec toute la division.

 

A 10h, on part pour franchir un coteau, à la cime du coteau on découvre une plaine d’au moins 20kilom de long, voilà les obus qui se mettent à pleuvoir sur la route, voilà les dragons et les cuirassiers qui partent au galop et nous aussi, ça fait un mélange formidable, les obus nous tombaient à 15 mètres au plus, moi je me suis sauvé avec mon cheval.

J’ai sauté une haie de 3 mètres de hauteur, comme je descendais le talus un obus tombe sur un caisson de la 12e batterie qui a pris feu, les chevaux s’emballèrent avec cette gerbe de feu.

 

On traverse un bois, on va se cacher dans un pré.

Tout près de ce bois pour rentrer au bivouac précédent, on a fait un grand tour pour ne pas être vu, on traverse les champs rempli de cadavres, on voit un chargement de soldats français trainé par 3 chevaux.

Il y a de quoi faire frémir, quelle terrible journée sans avoir fait aucun travail, sans tirer un coup de canon nous avons eu la perte de 10 chevaux au moins.

Le 28 août

Réveil 3h, on selle et on attelle, on attend les ordres, on ne part que juste avant midi.

On va au repos à St Rémy-au-Bois.

Le 29

Réveil 4h, on attelle et on part se mettre à l’abri d’un bois avec toute la division. On attend des ordres.

 

À 2h le général donne l’ordre de rentrer au cantonnement.

 

À 5h pansage et nettoyage des effets, à 8h on se couche.

Le 30 août

Réveil à 4h, on se lève, on boit le café, on attend l’ordre de partir.

A 6h pansage, à 10h soupe, elle est prête à manger vient l’ordre de partir rapidement, on balance la soupe par terre et on part, à 2h on commence le feu, un aéroplane allemand vient voler sur nous.

 

A 6h, ils commencent à nous tirer dessus personne n’est touché, ils ont au moins tiré 100 obus sans pouvoir nous toucher ni les uns ni les autres.

Enfin voilà 2 ou 3 jours que ce n’est pas trop mauvais.

31 août

Réveil 4h.

Départ 4 ½.

On va sur la ligne de tir, on met en batterie contre les aéroplanes, on traverse un champ rempli de cadavres, ils sont tout noir, ça pu le vrai boche.

Ils sont là depuis peut être 5 jours.

Enfin la nuit vient on retourne au cantonnement à 15 kilom par une nuit très belle, le temps est clair et merveilleux, on ne peut pas se figurer en guerre mais tout de même on y est bien.

Septembre 1914 : Lorraine, La Marne, la poursuite,

Le 1er septembre

Réveil à 4h.

 

Départ à 7 ½. On vient à la ligne de tir. On est en formation de parc on attend des ordres.

 

La nuit et pas d’ordre on rentre au cantonnement à St Rémy-au-Bois.

Le 2 septembre

Réveil à 6h.

 

Départ 7 ½, on vient se poser dans un champ toute la journée et ensuite on rentre au cantonnement.

Le 3 septembre

Nettoyage des chevaux, du harnachement et des effets.

Le 4 septembre

Inspection de la batterie par un nouveau général de division.

Le 5 septembre

Réveil 3h.

 

Départ 3 ½, on va faire boire les chevaux à la Moselle à 13 kilom de là, on revient, on rentre à midi, on dételle, on rentre les chevaux, on va à la soupe et ensuite on va se mettre sur le flanc puis arrive le soir l’heure de manger la soupe.

 

Voilà une alerte et il faut partir sans manger.

On monte à cheval et nous voilà parti au grand trot dans un nuage de poussière, on arrive sur la ligne de feu, on met en batterie mais on ne tire pas, il y a un front d’artillerie assez bien garni pour les tenir à distance, cela a été la cause d’un aéroplane allemand qui nous survolait du temps que nous faisions l’abreuvoir ce matin à la Moselle.

Les boches se sont pensés que l’on battait en retraite alors ils ont vite fait une attaque mais ils ont été repoussés avec de lourdes pertes.

Le 6 septembre

Réveil à 4h. Nettoyage des effets.

 

À 11h, la soupe, à 2h nettoyage des armes, de 3 à 4 pansages.

 

À 8h, revue d’armes et d’habillement par le capitaine.

Le 7 septembre

Réveil à 5h.

De 7 à 8, pansage, à midi on va faire boire les chevaux sur la route de charmes et ensuite on fait demi-tour et on rentre au cantonnement.

Le 8 septembre

Réveil à 5.

On part à 6h, on fait une bonne étape on arrive à Mirecourt, on bivouaque sur les bords de la Meurthe on va faire quelques provisions dans la ville.

C’était la première fois qu’on pouvait avoir quelques choses pour changer un peu de l’ordinaire.

Le 9 septembre

Réveil à 5h, pansage, repos jusqu’au soir, à 8h on embarque par une pluie terrible, départ du train à 10h.

Le 10 septembre

On arrive à Brienne-le-Château à 8h du matin, on fait l’étape jusqu’à Les Mons dans le département de l’Aube on arrive à midi.

 

On rentre au cantonnement, on dételle et le soir à 7h au moment de manger la soupe voici une alerte.

Il faut atteler et partir de suite, c’était 8h il fait noir.

 

On arrive à Chaudray à 11h on bivouaque.

Le 11 septembre

Réveil 7h, départ 8h, on marche en avant on arrive dans le camp de Mailly.

 

À 10h, les boches sont en déroute on prend la poursuite, il pleut averse on est tout trempé, le soir venu il faut se coucher sur la terre mouillée il fait froid et on a rien mangé.

Il faut passer la nuit à coté des chevaux sans pouvoir les dételer.

On n’a pas vu le ravitaillement de hier.

Le 12 septembre

On monte à cheval toujours à la poursuite, à 8h on passe sur la Marne, on fait de nombreux prisonniers qui par une retraite aussi précipitée tombent sur la route.

On marche toujours à la tombée de la nuit, on les attrape à 2kilom on met en batterie et on commence le feu, ils nous ont répondu un petit moment mais la nuit arrive, il pleut, on se porte en arrière afin d’être à l’abri des balles pour bivouaquer.

 

À 11h du soir, on arrive dans le village destiné au cantonnement, à 3h de l’après-midi les Allemands y étaient, les maisons sont toutes pillées, brulées c’est abominable et nous qui depuis trois jours on marche à la moyenne de 80 kilom par jour par la pluie et rien à manger.

Voilà que l’on trouve des moutons, le chef en a acheté un et on le tue, on se le partage et on le mange sans pain car il y a 3 jours que l’on n’a pas été ravitaillés.

Le 13 septembre

Réveil 3h.

Départ 4h, et comme il y a 3 jours que l’on a rien touché ni pour nous ni pour les chevaux, on ne peut plus marcher, on dételle et on attend le ravitaillement, on mange un bon morceau de pain et de la viande qu’ils ont fait cuire en route.

On attelle et on repart à midi toujours à la poursuite, on traverse un grand village tout incendié, jusqu’à des bêtes que l’on voit attachées et brulées d’autres dépouillées par des bêtes fauves.

 

A 5h du soir, on les attrape, le duel d’artillerie commence, à minuit le canon tonne toujours accompagnés des mitrailleuses et de la fusillade qui ne cesse pas à diner.

Il fait froid et pendant que d’autres artilleries restent en position toute la nuit, on vient se mettre à l’abri des balles pour prendre 2 ou 3h de repos dans un village presque tout en feu qui a été mis par les Allemands 2h avant notre arrivée.

On amène nos chevaux dans une écurie qu’est ce qu’on y trouve ?

8 chevaux abandonnés par les boches, on prend les meilleurs et on laisse les autres, surement qu’ils n’ont pas eu le temps de payer leur location car ils sont partis vivement.

 

Ce jour-là, c’est le jour où j’ai commencé à faire la cuisine, j’avais commencé dans une maison inhabitée, alors il y avait un lieu qui était allé voir ce qu’il y avait à la cave, qu’est ce qu’il y trouve ?

Du vin vieux et du champagne, on n’avait pas touché de vin alors c’était le moment d’en profiter, on commence à en boire chacun sa part ensuite je rempli tous les bidons des officiers et le mien, ensuite on va se coucher.

Lundi le 14 septembre

Réveil 4h

départ 5h, je me lève pour faire le café, du temps que mon café se faisait je descends à la cave, je commence à remplir mes sacoches de bouteilles et puis une dans chaque poche, enfin on monte à cheval et puis je dis à notre chef qui était là à côté de moi, je lui propose de retourner en chercher une ou deux.

Je vide mes sacoche en les donnant à mes camarades ensuite j’y retourne avec un homme, on en apporte encore chacun 4 bouteilles, ce jour-là on avait bien bu.

 

On rattrape la batterie à 1 km en avant par une pluie froide et par un brouillard, on s’arrête près d’un bois, on attend des ordres, nous avons un front d’artillerie qui ne cesse pas de tirer mais pour avancer c’est très dur nous trouvons de la résistance.

 

A midi, on essaie de se porter en avant, pas moyen d’avancer leurs obusiers nous barrent le passage.

 

À 5h du soir on se met en batterie contre de la cavalerie on tire à 7000 mètres, on peut pas les atteindre on cesse le feu et rentre au cantonnement à Suippes.

 

Le soir que nous sommes rentrés à Suippes, j’ai trouvé dans le four du fourneau où je voulais faire ma cuisine, une poule toute cuite, c’était des fantassins qui l’avaient laissée et qui s’étaient sauvés.

15 sept

Réveil à 4h départ à 4 ½ on se porte en avant on s’arrête derrière une autre artillerie comme réserve, à midi voilà les obusiers qui fouillent les bois devant nous, un obus tombe tout près de la 12e batterie, on a eu 1 homme et 3 lieutenants de blessés.

 

La nuit vient on rentre au cantonnement pendant que la canonnade continue toute la nuit.

Le 16 sept

Réveil 4h, on selle et on attend l’ordre de partir.

La nuit vient, pas d’ordre. On desselle.

Le 17 sept

On a repos mais je commence à faire ma cuisine.

 

À 10h vient l’ordre de partir, il faut partir par une pluie, il en tombe à verse, on traverse Chalons on fait une étape de 5 kilom on vient cantonner à Moncetz.

Le 18 sept, à partir du 18 jusqu’au 27 :

 Repos

Le 27

On part à 3h du matin, l’ennemi a pris l’offensive, on nous donne l’ordre de seller et de partir.

 

On part à 8h on fait 40 kilom, on arrive à la ligne de feu puis il y a un front assez pour les tenir on nous donne l’ordre de rentrer au cantonnement, ce qui nous fait une étape de 80 kilom.

Le 28 sept, à partir du 28

Repos jusqu’au 2 octobre.

Octobre 1914 : Flandres, combat de Vieux-Berquin, de Roulers, de la ferme des Gros Pétards, on tire sur des français, Ypres, Roulers

Le 2 octobre

On part à 6h du matin pour aller cantonner à Villeneuve, on arrive au cantonnement à 8h du soir.

Le 3octobre.

Nettoyage des effets, départ pour embarquer à 6h on embarque à 9h du soir, départ du train à 11h, nous avons embarqué à la Fère-Champenoise.

Le 4 octobre

Nous sommes dans le train, on passe à Troyes, à Nogent-sur-Seine, Fontainebleau, Melun, Corbeil, Versailles, Mantes, Neufchâtel, Amiens, Abbeville, on arrive à la mer du Nord, on suit la rive, on passe à Boulogne-sur-Mer, à Marquise et puis on arrive à Calais, on change de ligne on prend la direction d’ Hazebrouck.

 

À 10h du soir on débarque, on bivouaque dans un pré.

Le 6 octobre

Réveil 6h, je cherche une maison pour faire la popote, je m’installe chez une brave dame qui a voulu faire ma cuisine, moi j’avais rien à faire.

 

À midi, on part pour faire une étape, on arrive à 8h du soir au même cantonnement.

Le 7 octobre

Réveil 5h, départ 5 ½ on part en avant on arrive à la ligne de feu, on met en batterie derrière un buisson.

 

La nuit venue on rentre au cantonnement à Bolecque ( ?) dans le Pas-de-Calais, on est bien logés, j’avais juste commencé mon souper qu’il nous faut partir.

 

 

On va bivouaquer à 2 kilom d’ici, le pré où nous couchons est rempli d’eau, il y fait pas chaud, cependant il nous faut coucher là, c’est dur tout de même.

Le 8 octobre.

Alerte à 3h.

Départ à 4h, les chevaux n’ont pas été dessellés depuis 4 jours, on avance on va se mettre en batterie à l’abri des obus derrière un bois.

La 10e et la 12e batterie sont allées se mettre en batterie de première ligne et nous la 11e on attend des ordres à 800m d’ Hazebrouck.

 

A 10h du soir, on entend une fusillade qui a mis toute la population en déroute, ce n’était tout simplement qu’un détachement de hulans, 40 à peu près qui sont venus dans la gare dans l’intention de faire sauter les voies.

Ils ont tiré sur les employés, ils en ont tués deux mais au bout d’un instant on les arrêtât et la plus grande partie ont été tués et les autres faits prisonniers.

On se met en batterie en pleine ville au débouché d’une rue avec une pièce seulement, on a rien vu.

 

Il est 1h du matin, la fusillade a cessé on va se mettre en formation de bivouac dans un pré.

On laisse les chevaux attelés et nous défendu de se déséquiper on reste harnachés ainsi près à partir au premier signal.

 

(*) : On apprend ici que Joseph CAILLAT est à la 11e batterie du 5’e régiment d’artillerie.

Le 9 octobre.

On part à 5h.

On va se mettre derrière un buisson, cachés à la vue des aviateurs ennemis, les autres batteries sont en position depuis 2jours.

Ils font du bon travail, elles ne doivent pas partir pour aucun motif. Coûte que coûte, elles doivent garder leur position.

 

À 3h, vient l’ordre de se nous mettre en batterie à 7h commence le feu, on tire 150 coups.

 

À 8h, vient l’ordre de partir pour bivouaquer à 12 kilom de la ligne de feu, les chevaux sont toujours sellés et attelés, les hommes défendus de se déshabiller.

On arrive à 2h du matin. En arrivant on va se coucher, on ne fait pas de la soupe ce n’est pas la peine, on va se coucher dans une raffinerie.

Le 10 octobre.

Alerte à 4h.

On fait boire les chevaux, moi je fais un peu de café.

On va le boire et nous voilà partis, la 10e batterie est restés aux avant-postes, les officiers partent en reconnaissance.

Les 2 autres batteries se rangent dans un pré autours d’un buisson attendant les ordres.

 

A 9h, on nous met en batterie dans un pré à côté d’une ferme et on commence le feu.

Les habitants de la ferme prennent leur mobilier et leurs deux chevaux et ils se sauvent de dessous le feu de l’ennemi.

 

A 4h de l’après-midi, l’ennemi a changé de position, on ne peut plus les atteindre, on part pour aller cantonner à Airs dans le quartier de l’artillerie.

Le 11 octobre.

Réveil 4h.

Départ 5h, on vient se mettre en batterie derrière un village.

L’ennemie recule, on ne peut pas tirer, on accroche les arrière-trains.

On fait 2h en avant et on attend des ordres, la nuit vient. Pas d’ordre on rentre au cantonnement à Vieux-Berquin. C’était la misère pour moi, je ne trouvais rien pour faire ma soupe.

 

Tous les soirs j’allais chercher des pommes de terre à travers les champs pour faire ma soupe.

Le 12 octobre

Réveil 4h.

Départ 5h, on part au grand trot.

On nous a signalé l’ennemi à quelques kilom d’ici, on se met vite en batterie et aussitôt le feu commence.

À la nuit on a tiré dans les 800 par batterie, on a bombardé le village de Neuf-Berquin et pas moyen de les sortir.

On a été obligés de l’incendier.

 

À la tombée de la nuit, la cavalerie a chargé et a laissé assez de cavaliers sur le terrain, et chez nous pas trop de mal. On reste en position.

Le 13 octobre.

À la pointe du jour, on recommence le feu. On tire sur le clocher de Vieux-Berquin et sur le moulin à vent où sont placées des mitrailleuses ennemies.

Au bout de quelques minutes, ces dernières sont en feu.

 

À midi, on a tiré 160 coups par pièce.

 

L’après-midi, on continue le feu et à la tombée de la nuit l’ennemi repère nos lueur de nos bouches à feu et nous tirent dessus la maison, elle n’a pas eu grand mal.

Voici la nuit. On n’y voit plus à pointer mais on continue à tirer tout de même.

 

À la pointe du jour, on voit passer la cavalerie qui va au combat à pieds. On commence le feu pour les protéger.

 

À 10h, on a trouvé 6 hulans qui se rendaient en agitant leurs mouchoirs blancs. On part pour leur tirer dessus, on les approche révolvers aux poings et on les fait prisonniers en leur demandant des renseignements.

Ils ne veulent pas en donner beaucoup, on les emmène.

 

Les cavaliers vont reconnaitre les positions, on règle le tir et au moment où on allait tirer une salve on voit venir un chasseur au galop en criant :

« Ne tirez pas, vous nous tirez dessus ».

 

On cesse le feu, on part au grand trot pour se porter en avant, on arrive au moulin que l’on avait bombardé hier puis vient les ordres, il faut mettre en batterie à 600 mètres de là.

Le capitaine trouve la position mauvaise, il n’y a qu’une section c’est-à-dire deux pièces qui vont tirer.

On traverse le champ où la cavalerie a chargé avant-hier, on y trouve deux hommes étendus dont un adjudant mort et l’autre blessé, on lui appelle du secours.

 

On met en batterie à 200 mètres plus loin, on tire sur la cavalerie qui s’avance.

On commence le feu à 900 mètres pour les faucher, au bout d’un instant le capitaine fait demander un escadron de cavalerie comme soutien.

On tire 10 minutes on ne les voit plus, ils se sont réfugiés dans la ferme des Princes.

Les cuirassiers leur chargent dessus. On tire sur la ferme pour les déloger, un instant après un hussard vint nous dire de ne plus tirer la ferme est occupée par les cuirassiers, on cesse le feu.

On part en avant au bivouac, en plein champ, Vieux-Berquin.

Le 15 octobre.

Réveil à 4h en plein champ, départ à 5h on part en avant, on vient se mettre dans un pré en attendant des ordres avec la 10e et  le 7 ème cuirassier.

 

À 8h on nous signale un bataillon de cycliste ennemis à 800m.

 

Les dragons et les hussards partent en tirailleurs pour un combat à pieds.

Notre capitaine part en reconnaissance, à 2h on met en batterie, on commence le feu à 700m et malheureusement on tirait sur nos chasseurs cyclistes qui étaient en train de prendre le village à l’assaut, il y a eu quelques morts et assez de blessés et fort heureusement qu’on nous a arrêté le feu assez tôt.

 

Tout ça c’est à cause de la cavalerie qui nous a mal éclairés.

Ensuite on tire à 2000m pour protéger le génie qui reconstruit un pont détruit par la retraite de l’ennemi.

 

La nuit venue, on va bivouaquer à 3 kilom en arrière dans un pré, il fait froid.

Le 16 octobre.

Réveil à 4h, départ 5h.

On attelle on fait à peine 600 mètres on nous fait desseller et moi je me dis après faire ma cuisine.

 

À 11h on mange la soupe, à 2h l’ordre vient  de partir, à 2h ½ on part pour franchir la frontière car ils ont reculé, la nuit vient un brouillard épais nous trouble les yeux, on y voit rien.

 

A 10h du soir, on franchi la frontière au grand trot sans savoir où l’on va on y voit rien.

On arrive dans un village à 1h du matin. On bivouaque les chevaux dans un pré et nous dans l’église, moi je n’ai pas couché dans l’église j’ai couché dans un bon lit, mais malgré ça il y fait pas chaud.

Le 17 octobre.

Réveil à 5h, départ 5h ½.

On part pour faire une étape car l’ennemi est à 20 kilom d’ici, on s’approche du canon, on se met dans un champ, on attend les ordres.

 

A midi, des ordres arrivent on part en avant, la 10e batterie est en avant-garde.

On va à la ligne on arrive à la tombée de la nuit, on entend le craquement de leurs obus on reconnait leurs positions.

On part en arrière pour aller cantonner à Ypres dans la caserne de l’infanterie, on arrive à 10h du soir.

Le 18 octobre.

Réveil 4h, départ 5h.

On retourne se mettre en action on arrive on attend des ordres, nous sommes ici un mélange de troupes, il y en a de toutes les couleurs, des Belges, des Anglais, des Français.

 

À midi on part en avant, on met une section en batterie.

Le capitaine est en observation, il ne voit rien du tout, on ne tire pas.

 

La nuit vient, on se replie en arrière pour bivouaquer, nos chasseurs à cheval et cyclistes sont aux avant-postes.

Les chasseurs à cheval ont tiré des trainards qui incendiaient les maisons et les cyclistes ont pris 50 cyclistes ennemis, ils en ont tués et fait prisonniers, ils ont pris toutes les bicyclettes.

Le 19 octobre.

Réveil à 4h, départ 4 ½.

On arrive à 200m de Roulers, on retourne se mettre en ligne de combat. On voit les morts que nos chasseurs ont tués.

Combat tout près de Roulers. Les civils sont en train de les enterrer sous la surveillance d’un sous-off de cuirassiers.

 

La 12e batterie est en avant-garde, elle se met en batterie derrière la ville, elle commence le feu pendant que les cavaliers font le combat à pieds pour les sortir de la ville.

On attend des ordres cachés derrière un buisson.

Nos aéroplanes partent en reconnaissance au-dessus des lignes ennemies 1h après on les voit revenir d’une grande vitesse et nous signalent une masse d’hommes qui s’avancent à 4 kilom de là. On se met vite en batterie et on commence le feu à l’endroit désigné par le capitaine, on tire pendant un bon moment mais étant trop peu nombreux on ne peut arrêter cette foule enragée.

On se porte à quelque cent mètres en arrière et on recommence le feu.

 

Voici 4h du soir, on tire toujours on voit se défiler à travers les éclatements de leurs obus toute la population de la ville qui a gardé espoir jusqu’au dernier moment, mais à l’arrivée des avant-gardes allemandes ils s’effraient et se sauvent en pleurant.

Les femmes emportent leurs petits enfants, les hommes un peu de linge et jusqu’à des vieillards que l’on voit emmener sur des brouettes afin de les sauver de dessous ce peuple qui est enragé.

 

Voilà la nuit, il pleut, commence la retraite de Roulers.

On voit tous ces pauvres Belges qui sont là sans abri avec leurs petits enfants qui pleurent, il y a de quoi faire frémir.

Voilà la nuit on est obligés de cesser le feu et on part au grand trot car il est bien temps pour aller se mettre un peu en arrière pour passer la nuit pendant que l’infanterie et la cavalerie anglaise gardent les avant-postes.

Le 20 octobre

Le jour venu, il faut aller prendre position, mais là ce n’est pas amusant, ils avancent malgré tout et il nous faut tenir coute que coute jusqu’à midi.

On doit recevoir du renfort alors on retourne se mettre en batterie au sud de Roulers, nous recommençons le feu nos trois batterie et une batterie anglaise.

On tire sans relâche pendant une heure puis ils nous couvrent d’obus, ils se rapprochent de plus en plus, on se replie un peu en arrière, mais la batterie anglaise reste toujours, on remet en batterie pour soutenir la batterie anglaise et qui a tiré jusqu’à une distance de 300 mètres des boches.

On entend les balles et on voit notre capitaine qui crie :

« Amenez les avants au galop ».

 

Voilà l’infanterie qui se replie aussi, un officier les arrête et fait placer leur mitrailleuse afin d’assurer les batteries pour leur donner le temps de se sauver.

On se remet en batterie et on tire.

Voilà nos cyclistes qui se retraitent de Roulers également, ils arrivent vers une autre batterie anglaise qui était à peine à 300m des boches comme l’autre et cachée derrière un buisson.

On ne l’avait pas vue, un officier leur crie :

« Sauvez-vous, il est temps »

 

Mais eux pour permettre aux Anglais de sauver leur pièce, ils mettent leurs vélos en faisceaux et se mettent en tirailleurs et se lancent en avant baïonnettes aux canons, puis les anglais attellent vite et ont tiré leur dernier coup de canon en marchant et partent ensuite au galop.

 

Nos cyclistes ¼ d’heure après, reviennent pour chercher leurs vélos mais ils étaient restés aux mains des Allemands ainsi que ceux qui étaient allé les chercher sauf une dizaine qui avait pu échapper à ce terrible carnage.

 

Enfin à 5h, arrivent les renforts que l’on attendait, on se replie encore en arrière pour se reposer un instant, la nuit vient on fait 4 kilom en arrière pour bivouaquer.

 

Aujourd’hui 1 mort DutROUT (*), 2 blessés M-logis Tranois et le lieutenant Piguet.

Ce jour-là, jamais j’ai passé aussi près de la mort pour installer un poste téléphonique.

Journée à souvenirs.

 

(*) : Je n’ai pas trouvé sa fiche. L’avez-vous trouvé ?

 

Le 21 octobre

Réveil à 4h, départ 4 ½.

On vient se mettre en position à 2 kilom en arrière de celle d’hier.

Il y est passé des troupes de renfort toute la nuit qui s’en vont en avant de nous et nous sommes ici pour protéger en cas de retraite.

Au moment où j’écris, les obusiers et leurs 77 éclatent à 130 mètres de là. On attend le moment où l’on pourra leur répondre

 

1H après, voici un ordre qui arrive, il nous faut partir pour aller renforcer la 4e division du côté de Dixmude et la dégager car l’ennemi a avancé en fer à cheval et il est prêt  à les cerner.

On part au trot, on traverse Ypres.

 

À 4h, on se met en batterie.

 

À 4 ½, on commence le feu, pendant un moment les  obusiers nous tiraient à bout portant à 1200 mètres

La journée se passe sans trop de mal

La 10e batterie reste en position et les deux autres bivouaquent à 10 du soir.

Le 22 octobre

Réveil 3h, départ 3 ½

On vient prendre la même position qu’hier (retraite de Roulers) à 1200 mètres de l’ennemi.

 

À 5h l’infanterie allemande attaque pour traverser le canal qui va à Ypres, une fusillade commence et nous on commence le feu avec énergie sous la pluie des balles et des obus.

Ils sont à 800 mètres de nous, à 10h on vient nous dire d’allonger notre tir, il nous faut tirer plus loin on empêche les Anglais d’avancer, alors l’attaque des allemands est échouée.

 

À midi, on a tiré 125 coups par pièce. On a allongé le tir, on tire à présent à 2000m sur des maisons qui leurs servent d’abris.

 

À la tombée de la nuit les maisons sont en feu, la fusillade continue, on nous fait rester en batterie toute la nuit. Il fait froid là couché sur la terre, je vais tirer du lait à des vaches abandonnées, je le bois et je fais une petite soupe avec le reste pour mes officiers et puis il faut passer la nuit.

Les résultats de cette journée sont le capitaine Demange blessé et quelques chevaux de tués et d’autres blessés.

Le 23 octobre

Réveil à côté des pièces, moi je vais faire un peu de café pour nous réchauffer un peu de la nuit que nous avons eu aussi froid.

Un ordre arrive, les Allemands, qui hier voulaient traverser le canal, ont dû reculer par la force de nos canons et la 4e division est à leur poursuite et nous il nous faut repartir pour aller reprendre notre ancienne position entre Ypres et Roulers.

 

On arrive à midi, on met en batterie et on commence le feu, nous sommes au milieu des incendies, n’importe quel coté on se tourne on voit du feu, en ce moment il y a une église qui brûle et nous sommes en train de tirer sur une autre dans un autre village devant nous.

Car sur les clochers et les moulins à vent il y a des mitrailleuses dedans, les premiers temps ils nous ont fait beaucoup de mal comme ça, mais leur manière de faire est reconnue.

 

A 5h on fait l’attaque d’un village on tire des obus explosifs par 6 fauchées.

On tire à la moyenne 24 coups par minute pendant 10 minutes.

Terminée, on tire une salve très haute pour montrer à l’infanterie qu’ils peuvent avancer, notre tir est fini. On tire après à 700 mètres plus loin à obus à balles mais voici la nuit qui vient.

Les obusiers tombent par rangées de 6 à 200 mètres de nous et font un fracas formidable.

Voilà la nuit, on va au bivouac.

Le 24 octobre

Réveil 4h.

Départ 5h, on revient prendre la position d’hier et on commence le feu à 2000m, ils reculent, à la tombée de la nuit on tire à 6000 mètres

À 8h on cesse le feu, on part pour aller au bivouac à 18 kilom en arrière.

 

On arrive à 11h du soir, on est tellement fatigués que je ne fais pas de soupe on va se coucher comme ça.

Le 25 octobre

Frezenberg, ferme des gros pétards.

Réveil 4h.

départ 5h, on marche en avant, on vient se placer dans un pré le long d’un buisson, pendant que d’autres artilleries ont pris notre place on fait sa toilette tant bien que mal on n’a pas seulement d’eau pour se laver.

La 10e et la 12e batteries sont en position et nous on attend des ordres.

 

Vers 3h de l’après-midi, étant sur une hauteur à côté de la ferme que l’on appelle ferme des gros pétards, l’ennemi nous avait aperçus et voilà les obusiers qui rappliquent.

Le 1er est tombé sur les Dragons à côté de la voie ferrée, le 2ème à côté de l’auto de la division, le 3ème sur la première pièce, nous tue un homme en blesse 4 et tue 2 chevaux ; et les autres sur toute la batterie.

Il n’est plus qu’une pluie d’acier qui tombe on est obligé de se sauver comme je venais de donner à manger à mes officiers.

Ils venaient juste de finir de manger, ils se levaient pour voir ce qui se passait, ils n’avaient pas fait 20 mètres qu’un obus d’un calibre de plus de 150 venait de tomber où ils étaient, la chaise qu’ils étaient assis dessus  a été réduite en miette, il y avait un litre de vin à côté il n’a pas eu de mal mais le reste était tout en compote.

 

On s’est sauvés, en me sauvant j’ai eu mon cheval blessé d’un éclat d’obus et j’ai été obligé de l’achever d’un coup de révolver. Sans lui c’est peut être moi qui aurais reçu les éclats, alors qu’est ce que j’aurais pris pour mon rhum.

Ce jour-là j’en ai abattu 3 chevaux tous blessés, il y en a un je lui ai tiré 6 coups de révolver pour le tomber, toujours la pauvre bête nous suivait.

 

La nuit venue, on rentre au bivouac par une pluie battante, on arrive à 11h on se couche. Les résultats de la journée sont un mort, 6 blessés et 12 chevaux tués sur place ou achevé par le révolver de cette façon sans avoir la satisfaction de tirer un coup de canon.

Le 26 octobre

Réveil 4h, départ 5h.

On vient à la ligne de feu, on se met à l’abri d’un buisson, on attend des ordres, le capitaine part en reconnaissance, il y a des grosses pièces qui tirent sans relâche mais l’ennemi tient toujours sa position.

 

À midi, on part pour aller à la cime de la crête à la droite de Zonnebecke, là on avait fait du bon travail, mais à 200 mètres avant d’y arriver voilà les obusiers qui rappliquent dur et pas moyen d’avancer ou bien se faire anéantir complètement.

On fait demi-tour, la nuit vient, on rentre au bivouac sans trop de mal, on part à 8h on arrive à 11h.

Je vais faire un peu de soupe pour nous réchauffer car il ne fait pas chaud et on se couche à minuit ½.

Le 27 octobre

Réveil 4h, départ 4 ½.

On revient au même endroit qu’hier le commandant et les éclaireurs partent en reconnaissance à la cime de la crête, un obus vient tomber au milieu d’eux tua le planton du commandant.

Le maréchal des Logis CARUS, le lieutenant ROSE et le commandant sont blessés ainsi que 4 chevaux de tués.

Les 2 autres batteries tirent et nous on attend des ordres.

 

À 5h de l’après-midi, on voit un aéroplane anglais monté par des Allemands qui lançaient des fusées. Les Anglais tirent dessus, il prend feu par la fusillade et tombe sur le sol.

La nuit vient on rentre au bivouac à Frezenberg.

Le 28 octobre

Réveil 4h, départ 5h.

On vient toujours à la même place que la veille, à 10h on voit un train blindé chargé de deux gros canons et trainé par deux locomotives une à l’avant et l’autre à l’arrière.

 

À midi, ils commencent le feu et au même on part se mettre en batterie, on commence le feu et ça dure toute l’après-midi.

La nuit venue pendant que la grosse artillerie reste de garde.

Le 29 octobre

Réveil 4h, départ 4h ½.

On revient dans notre position, à 8h commence le feu, on tire toute la journée, la nuit vient on rejoint le bivouac Frezenberg.

Le 30 octobre

Réveil 4h, départ 4h ½.

On commence le feu vers 7h, la journée n’a pas été bien terrible, le soir on revient au même cantonnement.

Le 31 octobre

Réveil 4h, départ 5h.

On rejoint la même position qu’hier.

En arrivant la 12e batterie commence le feu et nous ensuite.

 

À 2h, on voit l’infanterie qui s’avance, on nous fait changer de position la 11e et 12e batterie pendant que la 10e reste en face en avant.

On commence le feu, on tire pendant 1 heure puis on vient s’abriter dans nos anciennes tranchées, les obusiers font ravage, journée terminée on rentre au bivouac Frezenberg.

Le capitaine GASAGNES de la 12e batterie blessé à l’œil au poste avancé.

Novembre-décembre 1914 : Flandres belges, puis Oise

Dimanche 1er novembre

On revient prendre les mêmes positions qu’hier, on commence le feu toujours sous les obusiers.

 

À 3h de l’après-midi, on nous fait changer de position pour faire l’attaque d’un village, on tire une salve très haute pour que l’infanterie se prépare à l’attaque puis ensuite on tire sur le village à obus explosifs.

On tire au moins 1500 coups en 3h de temps, ensuite l’infanterie attaque, elle a très bien réussi.

Le 2 novembre

On vient toujours à la même position, on tire toujours pour que les boches ne puissent pas amener des renforts, journée assez bonne.

Le 3 novembre

Toujours la même position, on commence le feu, les obusiers nous couvrent de terre et d’éclats ; un est tombé sur une pièce de la 10e batterie, met la pièce en morceaux, tue 2 hommes et en blesse 3 autres.

On enterre les morts sur le bord du bois.

 

La nuit venue on rentre au cantonnement.

La 10e et la 12e batterie restent de garde en position.

Le 4 novembre

Réveil 3h, départ à 4h.

On revient même position, je vais toujours m’installer au même endroit pour faire ma cuisine.

Les obus y pleuvent toute la journée mais tant pis il faut faire à manger, la nuit vient on reste de garde.

On couche dans la maison où je fais la cuisine, tout près d’un bon feu mais malgré ça il n’y fait pas chaud.

Le 5 novembre

On a passé la nuit, rien de nouveau, on commence le feu, moi dans cet intervalle du temps que je n’ai rien à faire je me mets à faire une partie de carte avec mes camarades.

 

Le soir vient on rejoint le cantonnement, la 10e prend la garde.

Le 6 novembre

On revient en position, à 9h on commence le feu, on ne tire pas beaucoup faute de munitions car il y a des jours où on en brulait plus qu’il n’en fallait.

 

À 5h du soir, le bruit du canon s’est un peu calmé, mais tout à coup voilà les obusiers qui rappliquent, on se met vite dans la tranchée

Les anglais qui sont à côté de nous y ont eu 5 hommes tués ou blessés et quelques chevaux.

Le 7 novembre

On retourne aux mêmes positions, on commence le feu.

 

À 3h de l’après-midi, le général donne ordre de se rendre immédiatement auprès d’un village, que les Allemands préparaient une attaque.

On part, on se porte en avant au grand trot, on se porte à l’endroit voulu mais je crois que l’attaque n’a pas bien réussi.

Le soir venu on rentre au bivouac habituel.

Le 8 novembre

On vient se mettre autour d’un buisson au même endroit qu’hier en attendant des ordres.

La nuit vient, pas d’ordre on rejoint le bivouac Frezenberg.

Le 9 novembre

Réveil 4h, départ 4 ½

On revient à la même position, on s’arrête dans un pré pour attendre des ordres mais il n’y a pas 5 minutes qu’on est arrêtés.

Voilà les obusiers qui rappliquent, un obus éclate à 3 mètres de moi, vient tuer un soldat du génie qui passait sur la route et en blesse 2 autres, on va se mettre à l’abri un peu plus loin.

 

À 10h, on va mettre en batterie, on commence le feu pendant que des obusiers énormes vont bombarder la ville d’Ypres, on part à 5h pour rentrer au bivouac, on a 5 kilom à faire.

 

On arrive à 10h du soir, les routes sont encombrées par les anglais, il y fait noir, on ne voit pas seulement à se conduire.

Le 10 novembre

Même position, rien de nouveau, la journée est très calme, la nuit vient on rentre au cantonnement.

Le 11 novembre

On vient se mettre en réserve sur l’aile gauche car elle a fléchi un petit peu hier.

 

À 2h on se met en batterie, on ne peut pas tirer la distance est trop longue et on ne peut pas bien se montrer car on est vu en passant sur une crête.

Enfin la nuit vient, on part pour bivouaquer à Frezenberg.

Jeudi le 12 novembre

Réveil 4h départ 4 ½ toujours les mêmes positions.

 

À 9h un ordre arrive, il faut partir immédiatement pour aller prendre une position nouvelle pour sauver une batterie du 33 d’art. qui a cessé de tirer à 500 mètres faute de munition.

Un caisson en allant les ravitailler a été anéanti par les obusiers.

 

L’ennemi avance, leur batterie se sauve et nous on va prendre leur position mais on ne peut pas tenir alors on se sauve.

On va mettre en batterie un peu en arrière, alors là on peut tirer, mais à un moment donné les obusiers nous tirent dessus et nous blessent le M des logis VINCENT et le M des logis FÉLIX, la nuit vient on reste en batterie.

Le 13 novembre

Réveil sur place, il y a un brouillard très épais et un torrent d’eau car il y a 4 jours qu’il fait que pleuvoir. De la boue ce n’est pas ce qui manque.

On tire quelques salves seulement, la nuit vient on rentre au cantonnement.

Le 14 novembre

Départ 5h.

On va en position, la 12e batterie fait un tir de 110 coups.

La nuit vient la 10e batterie reste en position et nous on rentre au bivouac.

Le 15 novembre

Réveil 4h départ 4 ½, on vient prendre nos positions on tire quelques coups de canons.

La nuit venue on reste de garde, journée calme, rien à signaler.

Le 16 novembre

Réveil sur place, la 10e batterie vient en position à côté de nous et la 12e reste au repos, on fait quelques tirs de barrage.

La nuit vient on rentre au bivouac et la 10e reste de garde.

Le 17 novembre

La 12e batterie va prendre notre place et nous nous restons au repos.

 

À 10h, voici un ordre on part au repos à 50 kilom. d’ici on est remplacé par le 10e d’artillerie.

On part à 1h avec les deux autres batteries, on passe par un chemin effondré par les obusiers, on passe dans un trou sur des fagots de bois.

 

La nuit vient il fait noir, on arrive au lieu désigné tous les cantonnements sont pris par les Belges qui sont au repos.

On bivouaque au milieu d’un pré, il y a du bon vin à 1F le litre.

Moi je fais un peu de soupe et on va se coucher.

Le 18 novembre

On part à midi pour un autre cantonnement, il y a des Belges partout.

Finalement on arrive dans un petit pays, on s’arrête dans un grand pré. La 10e et la 12e batterie restent dans le pays et nous la 11e on va 3 kilomètres plus loin à Pidgam, Nord.

Jeudi le 19

Réveil 7h on nettoie les effets.

On a repos le 20 et le 21 idem.

Le 22

Départ à 4h du soir on va embarquer à Coudekerque à 11h du soir.

Le 23

On se trouve dans le train.

Le 24 novembre

On débarque à 1h du matin à la gare de Ribécourt.

On vient au cantonnement à Compiègne dans l’Oise, on arrive à 4h du matin, en arrivant j’ai encore fait le café et on est allé se coucher.

Le 25 novembre

On se lève, je vais chercher une petite maison pour faire ma popote.

Je trouve un petit chalet non habité, alors je m’installe là comme chez moi puisque c’était moi le patron.

À partir du 25 nov. jusqu’au 13 janvier

J’ai fait la cuisine sans bouger de place.

Janvier 1915 : Aisne, Belfort

Le 13 janvier

Alerte à 6h du matin départ à 8h

Les Allemands ont essayé de faire une attaque et nous ont causé de terribles pertes d’hommes et de matériel on nous fait aller à la ligne de feu.

On marche toute la journée, on va du côté de Soissons, on bivouac à Montgobert, on couche dans une grange il n’y a pas seulement de la paille pour se coucher, il fait froid à dieu le petit lit.

Le 14 janvier

Réveil à 6h, on attend des ordres, le coup que l’on devait faire a échoué.

 

On part on nous mène cantonner à Saint-Rémy-Blanzy dans un château à 6 kilom de Soissons.

Le 15 janvier

À 5 ½, arrive un ordre.

C’est moi qui le reçois le premier alors je le porte au capitaine qui couchait dans la même maison que moi.

L’ordre était de partir à 7 ½ pour reprendre le même cantonnement à Rojallieu, à ce moment on est content on va pouvoir artourner dans ma petite villa d’où j’étais aussi bien et puis retrouver mon petit lit dans une chambre.

 

Enfin on part pour rentrer, on traverse la grande forêt de Compiègne en arrivant devant la forêt on voit un troupeau de cerfs alors le lieutenant nous dit :

« Allez vite quelqu’un au galop vous pourriez des fois en attraper »

 

Et nous voilà partir mais nous arrivons tout près ils étaient déjà loin et nous arrivons à Royallieu à 4 heures du soir et je m’installe toujours au même endroit, j’ai tout retrouvé comme j’y avais laissé.

Le 16 j.

On recommence toujours le même travail je fais ma cuisine comme d’habitude.

Le 17 j.

On passe une revue d’un général Russe, moi j’ai assisté mais j’ai vu de loin, ils ont fait 2 mise en batterie.

Nous avons eu un homme qui était tombé de cheval il a été expédié à l’hôpital de Compiègne, il se nommait GARPET.

Du 17 au 24 janvier.

Toujours le même travail.

Le 25 janvier

On reçoit l’ordre de partir on ne sait pas où.

On part à 2h de l’après-midi, on va embarquer au Meux à 10h du soir, le train part à 11h.

Le 26

Dans le train

Le 27 janvier

On débarque à 1h du matin à Belfort il tombe de la neige il y en a déjà 10 centimètres il fait froid.

On débarque les chevaux une fois à terre c’est tellement gelé ils ne peuvent pas se tenir debout, il faut tous les cramponner.

Pour la première fois on a les doigts gelés et on y voit rien c’est le commencement de la guerre.

 

À 9h on part de la gare on va former le bivouac juste au dehors de la ville dans le champ d’aviation des dirigeables.

On arrive à 4h on laisse les chevaux attelés dans la neige et il en tomba à gros flocons, on va se coucher sur les dallages des fameux hangars des dirigeables pour attendre le jour.

On ne peut pas dormir on gèle de froid. On se lève et l’on fait du pas de gymnastique pour se réchauffer.

 

Le jour se lève je vais faire du café bien chaud pour pouvoir me réchauffer ainsi que mes officiers.

 

On part à 8h, on fait la sortie de la ville à pieds, il fait une bise glaciale.

Une fois sorti, on monte à cheval, on vient cantonner à la gare de Petit-Croix-Grande-Garou qui n’a plus sa circulation habituelle.

Je vais chercher un endroit pour faire ma popote, je trouve une petite maison pas trop mal mais j’y reste que deux jours.

Les officiers trouvaient que c’était un peu loin de leur bureau, alors je change je vais m’installer au buffet de la gare.

Là, j’étais très bien et pour coucher j’avais un bon lit que la bonne dame m’avait donné où je m’étais installé la première fois. Tous les soirs quand j’allais me coucher je trouvais une brique dans le four du poêle qui était chaude, c’est pour dire qu’il y a des braves gens partout.

Février 1915 : Territoire de Belfort

Le 28 janvier, le 29, 30, 31 et 1er février

On reste au repos, seule la 10e batterie part pour mettre en batterie à 25 kilom de là pour 48h.

Le 3 février

On part pour aller relever la 10, on part à 8h du matin on fait la relève à midi, on met en batterie.

La nuit venue on vient coucher à Haquevillers mais moi je fais ma cuisine 2 kilom plus près de la ligne de feu dans un petit village que l’on appelle Nuberquemen.

Là, j’étais à 2 kilom des boches, enfin j’étais pas mal pour ça, de temps en temps les marmites des boches venaient nous rendre visite on n’avait pas peur pour ça.

Le 4 février

Réveil à 6h.

Je commence mon café ensuite mon déjeuner.

Il fait très froid, encore heureusement que je ne suis pas trop mal.

Je suis bien au chaud tandis que mes camarades endurent beaucoup de froid, moi je me chauffe.

Le 5 février

Réveil pas trop matin, le même travail qu’hier sauf le tantôt où ai remplacé par la 12e batterie et nous on retourne à notre cantonnement à la gare de Petit croix le 6, le 7, 8, le 9.

Le 10 février

On part à 11h pour relever la 10e batterie, il pleut.

On fait la relève à 2h de l’après-midi, on vient cantonner au même endroit toujours à 2 kilom des boches.

Le 11 février

Réveil à 6h. Départ 6 ½.

On revient à la position de batterie à 8h de l’après-midi, on commence le feu, la nuit vient.

 

À 7h les boches commencent avec leurs projecteurs, on leur tire dessus jusqu’à 10h, du temps que les servants passent la nuit à côté des pièces, moi je dors tranquille dans un bon lit.

Le 12 février

Comme les jours précédents rien de nouveau.

À 11h la 12e vient nous remplacer et nous on retourne au cantonnement à petit croix à la gare.

Le 13 et le 14

Repos.

Le 15 février

On part à 11h pour venir remplacer la 10e batterie, on fait la relève et on va rejoindre son cantonnement à Ueberkumen.

Le 16 février

Toujours comme d’habitude les servants sont aux pièces et moi je fais ma cuisine, comme d’habitude.

Le 17 février

À 11h on est relevé par la 12e batterie et on rentre au cantonnement à petit croix à la gare le 18, le 19 et le 20 février.

Le 21 février

On part à 11h il pleut, on vient relever la 10e batterie, on fait la relève à 2h de l’après-midi.

Une journée comme d’habitude au même cantonnement Ueberkumen.

Le 22 février

On reste en batterie.

Le 23

On part à 11h on est relevé par la 12e batterie.

On rejoint le cantonnement à Montreux-Château.

Le 24, le 25 et le 26

Repos.

Le 27

On part relever la 10e batterie toujours Ueberkumen.

Le 28 février

On reste en batterie.

Mars-mai 1915 : Belfort

Le 1er mars

Réveil comme d’habitude.

À midi on rentre au cantonnement à Montreux-Château, il tombe de la neige.

Le 2, le 3, le 4 et le 5 mars

On revient à Ueberkumen relever la 10e batterie

Le 6 mars

Toujours à la même position, le tantôt on ne sait pas quoi faire.

On se met après à pêcher des poissons, on en pêche plus de 2kilos avec les pétards.

Le 7 mars

On est relevés par la 12e batterie et nous on rentre au cantonnement à Montreux-Château.

On n’est pas arrivés à Montreux que l’on repart pour un autre cantonnement à Novillard. Un petit pays où on n’est pas des mieux, on n’y trouve rien du tout.

Les 8, le 9, le 10 et le 11 mars

On vient relever la 10e batterie, on va toujours à Ueberkumen.

Le 12 mars

Même travail que d’habitude.

Le 13 mars

On part à midi pour rentrer au cantonnement à Novillard.

Le 14 mars

Préparation des paquetages pour partir le lendemain à 8h du matin.

Le 15 mars

Réveil à 6h.

On part à 8h pour venir sur la ligne de feu. Je vais au logement pour trouver un endroit pour faire ma popote. Je prends la place de l’artillerie que nous remplaçons, je me trouve dans une mairie à Hindlingen.

 

Je suis chez des boches parce que c’est en Alsace mais ils sont très gentils, parmi les alsaciens il y en a de très gentils. On était trois batteries pour se relever et bien toutes les fois que je quittais pour être remplacé, la patronne me donnait un paquet de cigares et  2 ou 3 paquets de cigarettes.

Le 16, le 17, le 18, le 19, le 20, le 21, le 22, le 23, le 24, le 25, le 26, le 27, le 28 et le 29

On est relevés par la 12e batterie, on va prendre 8 jours de repos à Montreux-le-Château.

Le 1er avril

On est au repos mais pour moi ce n’est pas plus du repos que quand je suis sous la ligne de feu.

Le 2 avril

L’ennemi a fait 3 attaques ils ont été repoussés chaque fois avec de grosses pertes, mais malgré ces pertes énormes on craignait encore à une autre attaque, on était au repos à midi il nous donne l’ordre de partir tout de suite pour aller prendre position à Ueberkumen.

On arrive à 5h du soir.

On passe la nuitée et le lendemain retourne à Montreux-le-Château, les boches n’ont plus bougé.

Le 6 avril

On part pour aller relever la 12e batterie qui va revenir au repos à Montreux et nous on va rester 13 jours en batterie du 6 au 19 avril

Nous restons en batterie,

Le 20 avril

On est relevé par la 10e batterie et on repart pour Montreux.

Du 20 au 29

On reste au repos

Le 29 avril

On repart pour aller relever la 12e batterie à St Léger.

On a 2 pièces placées sur les arrières et les deux autres en batterie tous les jours il y a un officier qui va coucher à l’observatoire.

Il me faut lui faire monter le panier pour manger, ils sont tout à fait sur la ligne de feu dans les tranchées d’infanterie.

Du 29 avril au 11 mai

On reste en batterie au même endroit, le 11 mai à midi on part pour aller cantonner à Valetière.

Le 12 mai

On part à 4h du soir pour embarquer à Belfort, on embarque à 9h le train part à 11h du soir.

Le 13 mai

On se trouve dans le train, on passe par Versailles, Etampes et on débarque à Hesdin au nord d’Arras, on fait étape pour venir cantonner à St Martin dans le Pas-de-Calais.

On est ici comme division de réserve, on a service en campagne tous les deux jours tandis que moi je n’ai qu’a faire ma cuisine.

Du 13 mai jusqu’au 6 jui

On reste sans bouger.

Le 7 juin

On a une grande revue par le général JOFFRE, on était 9 divisions de cavalerie rassemblées ensembles, on était allé à 25 kilom et on était revenus le soir.

Du 8 juin jusqu’au 27 juin

On est toujours au repos, le 27 juin au matin on a alerte.

Il faut partir à 6h du matin pour aller du coté d’Arras, on nous mène dans un bois pour ne pas être vus des avions boches.

On passe la journée ainsi que la nuit. On couche en plein bois.

On place les tentes et on couche dessous, moi j’ai couché avec mes officiers.

On s’était fait mettre un peu de foin que l’on avait trouvé en venant dans une grange.

Le 28

On attend des ordres pour mettre en batterie car on ne peut pas mettre en batterie en plein jour on est vu par l’ennemi.

À midi arrive un ordre de partir à 4h pour aller embarquer à la gare de St Pol.

On embarque à 9h on part à 11h du soir

Le 29

On se trouve dans le train, on passe à Abbeville, Amiens, on fait la grande ceinture de Paris, c’est en passant tout près de Paris que j’ai vu la tour Eiffel, à Nogent-sur-Seine, Troyes, Chaumont, Mirecourt, Épinal.

On débarque ensuite le 30 à la gare de Laveline tout près de Bruyères

Le 31 juin

Départ à 6h du matin pour aller à la ligne de feu, on va cantonner à St Rémy un village à peu près tout détruit par les obus allemands.

Juillet-septembre 1915 : Vosges, puis La Champagne

Le 1er juillet

On reste à St Rémy on attend des ordres, le capitaine va reconnaitre une position de batterie à 1500 mètres des boches.

Le 22 juillet

On va occuper la position on part à 8h du soir pour aller prendre position à la chapelle, à partir de ce jour nous sommes en première ligne.

Du 2 j au 8 j

Rien de nouveau, le 8 au soir on attaque à la Fontenelle, la 12e batterie a eu 2 morts et 4 blessés, le 9 l’attaque continue.

Le 10, le 11, le 12, le 13, le 14, le 15

Rien de nouveau

le 16

Les boches essayent de réattaquer mais ils sont repoussés avec d’énormes pertes.

Du 17 j. au 31 j. rien de nouveau que de temps en temps des petites attaques.

Le 1er août

Rien de nouveau, à partir du 1er août rien de nouveau jusqu’au 23.

Le 24

Au soir, les boches ont essayé d’attaquer mais ont été repoussés avec d’énormes pertes.

Le 25

Nous partons au repos pour dix jours à Nompatelize.

Du 31 août au 17 septembre

Nous embarquons pour changer de direction, nous embarquons à Laveline le 31 au soir et nous débarquons le 1er sept à Ligny à 11h du matin.

Nous allons cantonner à 20 kilo de la gare à Rupt, nous sommes ici troupes de réserve, nous sommes prêts à partir d’un moment à l’autre.

L’ordre arrive de partir pour aller sur la ligne de feu.

Le 18 sept

On part à 5h1/2 du matin pour faire une étape. Nous faisons 40kilom et nous allons cantonner à Vernoncourt.

Pendant notre étape nous passons dans un pays tout brûlé par les boches l’année passée c’était Sermaize, enfin nous restons la journée.

Le 19

Départ à 6h nous allons à la ligne de feu, nous arrivons le lendemain à 8h du matin.

Nous avons voyagé toute la nuit.

Nous allons mettre en batterie et nous attendons l’attaque. (*)

Le 25 sept

À 5 ½ du matin l’attaque commence on tire des obus asphyxiants.

L’attaque d’infanterie commence à 7h, on avance de 3 kilom, l’attaque n’a pas très bien réussi, on essaye 3 jours après mais il n’y a rien à faire les boches ne veulent pas reculer.

On reste 6 jours comme ça et on essaye encore un coup mais c’est la même chose, on leur prend quelques cannons et des munitions et c’est tout.

 

(*) : Il s’agit de la bataille de Champagne.

Le 25

Nous avons eu un maréchal des logis de tué, moi je me trouvais à 10 mètres j’ai eu aucun mal.

 

Le soir même on nous fait partir, on passe presque la nuit dehors on est sur la route. Arrive un ordre, demi-tour et on retourne à nos positions actuelles.

Octobre 1915 : Marne puis Meuse

À partir du 26 jusqu’au 9 octobre

Nous n’avons pas bougé

le 10

Au matin, nous changeons de position pour aller à 4 ou 5 kilom plus loin un peu en avant, on prend position, moi je m’installe pour faire ma cuisine dans un bois on y reste un jour et une nuit. On part le lendemain pour aller mettre en batterie, je m’installe une deuxième fois, je fais ma cuisine au poste d’observation à 2 kilom des boches.

Nous avons bâti une espèce de de petite maison derrière un talus on n’est pas des mieux mais on est au moins à l’abri de la pluie.

Les obus passent de temps en temps sur notre tête mais on y fait pas attention, c’est au contraire on les regarde où ils vont tomber malgré qu’ils ne tombent pas très loin.

 

Il y a un mois que je n’ai vu aucun civil, nous sommes à 15 kilom des plus proches maisons, ce qui nous fait le plus défaut c’est l’eau.

Il est bien plus difficile à avoir de l’eau que du vin, on ne peut pas seulement laver son linge.

On nous dit que nous sommes ici pour passer l’hiver ; mais il ne le faudrait pas.

A partir du 10 jusqu’au 22

Nous restons en position toujours au même endroit.

Le 23

Nous partons à la tombée de la nuit pour aller en arrière nous allons cantonner dans un bois à 5 kilom de la ligne de feu.

Le 24

Nous partons à 6h du matin pour aller cantonner dans un village à 35 kilom d’ici, on était très bien cantonnés mais je me trouvais dans un petit château chez des braves gens.

Nous y restons toute la journée et nous allons repartir le lendemain, le village se nommait Possesse.

Le 26

Nous partons toujours à 6h nous allons toujours en arrière nous faisons une étape de 30 kilom et nous allons cantonner dans un pays nommé Beurcy nous y restons encore toute la journée.

Moi je suis encore logé dans un petit château non abrité.

Le 27

Nous partons à 7h du matin nous faisons toujours une étape au moins de 25 à 30 kilom.

Nous allons cantonner dans un pays encore assez grand mais on y trouve l’état-major de la division.

Alors nous, c’est très difficile à trouver des logements, enfin je m’installe dans une petite maison, je ne suis pas des mieux mais enfin pour une journée ça peut faire.

Le pays se nomme Ancerville.

Le 27

Nous partons toujours à 7h on fait une petite étape de 15 kilom, nous allons cantonner dans un petit pays nommé Paroy on y reste la moitié de la journée et le tantôt nous repartons à 3h de l’après-midi nous allons cantonner à Ecurey, je suis très bien logé je me trouve à la mairie et surtout chez des braves gens.

Je couche dans un bon lit, nous y restons deux jours.

Le 28

Nous avons repos on ne part pas jusqu’à nouvel ordre.

Le 29

Départ à 7h, on fait une étape au moins de 40 kilom nous allons cantonner à Sauvigny nous y restons toute la journée et nous repartons le lendemain.

Le 30

On fait 20 kilom on va cantonner à Torcy on y reste toute la journée.

Le 31

Départ à 7 ½ on va cantonner à Bayon.

 

Le soir je pars en permission.

 

Fin

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