Mise à
jour : janvier 2025
Dans cette rubrique vous y trouverez 311 carnets de guerre, de route, de campagne, lettres et poèmes de soldats de 14/18, qui m’ont été offerts par des descendants (que je remercie encore) pour les publier sur mon site avec leur accord et sans aucun but lucratif.
Sont-ils des carnets de guerre ?
Ou des carnets « d’anti-guerre » ? Plusieurs internautes ont
retrouvés un ancêtre au travers de ces écrits. Plusieurs carnets (ou passage de
carnets) ont été étudiés ou lus par des élèves d’école primaire, secondaires et
2 en classe d'hypokhâgne au lycée du Parc, à Lyon. Certains ont été présentés
au public sur tableaux lors de commémorations du 11 novembre…
Quelques internautes y ont
retrouvé le nom de leur ancêtre !
Je rappelle que ces carnets, ne
peuvent être reproduits sans le consentement de leur propriétaire ou
dépositaire.
Vous y trouverez aussi des liens
vers d’autres sites consacrés à ce
genre de témoignages.
Si vous voulez y ajouter celui que vous possédez, je peux le mettre en ligne pour vous, contactez moi
« Il apparaît entre les lignes de ces carnets, la souffrance
journalière, l'attachement familial et l'espoir du retour, hélas très
hypothétique… »
Didier, le
« Chtimiste », juin 2009
LISTE DES TÉMOIGNAGES
314… Correspondance de guerre d’Olivier MAZEL, général d’armée
Prochainement, prévu 2025
23/01/15 – Amiens -
Lettre à sa femme
Ma chère amie,
« Vous verrez par le
timbre et envoi de la présente où je suis allé déjeuner, avec mon brave RupPied, qui est mon fidèle homme de
confiance.
Je suis très peiné de
pouvoir vous encourager à venir me voir, mais c'est interdit, et les chefs
doivent donner l'exemple de la discipline.
Si vous allez à Paris et
quand vous y serez. Je m'arrangerai pour demander 48 heures si les
circonstances le permettent.
Quand on veut venir dans
les zones armées (Paris et Dijon n'en font pas partie), une femme demande un
laissez-passer à son point de départ. Mais dès qu’on est sous la surveillance
de la gendarmerie. Toutes les grues encombrent les hôtels des villes telles
qu’Abbeville et Amiens, mais les femmes honnêtes sont surveillées ou
écartées !! Elles sont obligées de ruser pour
voir leurs petits maris et ceux-ci voient les cocottes avec facilité !
Il y a de quoi en faire un vaudeville. »
313… Carnet de guerre
d’Édouard BRISSARD du 70ème régiment d’infanterie territoriale
Prochainement, prévu 2025
312… Carnet de campagne de
Raoul PINAT
du
54e, puis 2ème régiment d’artillerie de campagne
Prochainement, prévu 2025
311… Carnet de guerre du
sergent Paul AVELINE
du
101ème régiment d’infanterie
puis
compagnie 4/1 bis du 1er régiment du génie (février 1915)
puis
compagnie 4/51 du 1er régiment du génie
1er janvier 1915,
Saint-Hilaire-au-Temple (Marne) :
« Avec GEFFROY, DABLIN, MABEAU, PLISSON, HÉBERT et moi,
on mange avec une boite de sardines et une boite de pâté. On touche 10 cigares,
10 mandarines pour 14 hommes, 1 bouteille de champagne pour 7 hommes et
quelques noix, un demi litre de vin par homme et une patte de porc au lieu de
jambon.
Tout le monde est triste et on ressent doublement
l’éloignement de la famille, surtout que nous ne recevons aucune lettre depuis
8 jours. Le temps est triste, le pays sans ressources, avec de l’argent on
crève de faim. Tristes débuts pour 1915.»
1er février 1915, Bazoches sur-Vesle (Marne) :
« Le capitaine donne des consignes
très sévères aux hommes de garde au point de vue du service, les hommes ne sont
pas sérieux et se saoulent comme des cochons. Il est déplorable que dans la situation
où nous nous trouvons, on ait de pareilles remarques à faire.
Je fais comme à l’ordinaire mes distributions sont augmentées d’une
orange par homme. Je touche du vin pour deux repas par jour.»
Le sergent-fourrier Paul AVELINE nous décrit la bataille de la Marne (secteur Margny-aux-Cerises, Champien), la poursuite des Allemands vers l’Aisne, la Champagne…
310… Carnet de campagne de Joannès Émile FEY
du
216ème régiment d’infanterie, puis 16e bataillon de marche, puis 201ème
régiment d’infanterie
7 septembre 1914,
ferme de Nogéon (Oise)
« On décide de se mettre sous la protection de la Croix
Rouge. Nous arrachons une chemise à un mort, la trempons dans le sang d’un
blessé et la hissons péniblement au sommet du gerbier. Mais alors les blessés
ne veulent plus voir les valides qui attireraient la bataille vers le gerbier.
Il faut donc partir. Mais de quel côté ? Les balles sifflent de partout.
Peut-être même des Français. »
Mars 1915, La
Fère-en-Tardenois (Aisne) :
« Après la Marne, dans ces régions, on s’était contenté
de jeter quelques pelletés de terres sur les corps. Les cranes roulaient dans
les environs, les pieds sortaient. Nous avons surtout vu ces tristes spectacles
aux approches de La Fère-en-Tardenois. Pas de croix, pas de noms, rien pour
identifier.
Les Français avaient des tombes, croix et inscriptions. On
avait, à l’époque, du manquer de personnel. Les cadavres des chevaux nombreux
empestaient. Nous avons eu l’occasion de voir des positions de tir de l’artillerie
allemande bien camouflées dans les bois. À côté une montagne de culots d’obus.
Une montagne de bouteille de champagne. Les tournées nous intéressaient
beaucoup dans ces petits bois pleins de gibier, lièvre et lapins. Si nous
trouvions une auberge nous y prenions un repas qui nous changeait de
l’ordinaire.. »
Joannès Émile FEY nous raconte en détail sa bataille de la Marne…
309… Souvenirs
de guerre de Charles FONSÉCA Lieutenant au 240ème régiment d’infanterie,
puis 32ème bataillon de Chasseurs
Bois de Malinbois, Menonville (Meuse), 25
août 1914 :
« Pour ma part, me trouvant bientôt devant une haie
haute et épaisse, barrant notre route, je m’enquis d’un moyen de la franchir.
Un peu sur ma droite, je finis par distinguer une brèche capable de donner
passage à un homme. M’étant dirigé sur ce point j’allais passer lorsqu’un
soldat, tout à fait inconnu de moi, venant de la droite me bouscula pour passer
avant moi. Ce geste, totalement inattendu, me fit chanceler. L’homme passa,
mais j’étais sur ses talons. J’entendis alors un bruit sec et vis le malheureux
s’affaissant avec au cou, une plaie béante d’où jaillissait le sang. Il était
frappé à mort.
Ayant enjambé son corps, je bondis jusqu’à une construction
qui se dessinait à quelques mètres. Là, abrités par les murs de cette bâtisse,
se trouvaient le lieutenant GAUSSORGUES (*) et 7 ou 8 hommes de sa compagnie.
Il me dit tout ignorer de la distance à laquelle nous pouvions nous trouver de
la ligne allemande et aussi, que son unité, décimée par les projectiles, avait
littéralement fondu au cours de sa marche en avant… »
Charles FONSÉCA relate ses souvenirs de la bataille de la Marne, de Verdun, de l’Oise…et nous laisse un album photos.
308… Carnet de guerre
de Jules RENAUDET, mitrailleur au 67ème régiment d’infanterie territoriale
Lagny-sur-Marne, 13
septembre 1914
« Quelques habitants de Lagny vont visiter les champs de
bataille d’Étrépilly et de Varreddes ; on les réquisitionne pour enterrer les morts,
ce qui leur ôte l’envie d’y retourner. Ils rapportent des souvenirs pris sur
les cadavres boches, tels que sacs recouverts de poils, baïonnettes,
cartouches, casques…
Les compagnies qui couchaient dehors reviennent à
Alembert. »
Son régiment reste défendre la place forte de Paris jusque fin 1914, puis part près de Soissons en tranchées sur les rives de l’Aisne..
307… Souvenirs de
guerre de Claude RENAUDIER, sergent au 75e régiment d’infanterie
prisonnier de guerre, puis évadé
Avril 1915, camp de
Ludwigsburg-Eglosheim Allemagne :
« Malgré leur surveillance, nous faisons passer en moins
de 6 mois plus de 100 boussoles ou cartes à nos camarades en corvée,
malheureusement sur 100 équipes d’évadés, 5 à 6 réussissent à gagner la Suisse.
Certains vont jusqu’en Suisse et dans le pays accidenté au nord de Schaffouse, reviennent en Allemagne sans s’en rendre compte
et se font prendre par les sentinelles.
Ils reviennent au camp sous bonne escorte, le cachet noir les
attend ; pendant 30 à 40 jours ils coucheront sur le plancher et ne recevront
comme nourriture que du pain et de l’eau pendant 4 jours, la soupe du camp le
5ème jour et ainsi de suite. La punition terminée ce sont des loques humaines
qui vous reviennent et vont continuer leur calvaire dans des mines de sel où la
vie est intenable.»
Claude RENAUDIER nous raconte en détails son évasion rocambolesque d’un camp de prisonniers en Allemagne pour rejoindre la France et repartir au combat…
306… Carnet de Campagne
d’Émile Désiré LEBRAT
Du 261ème régiment
d’infanterie
7 septembre 1914, Heippes (Meuse)
« Pendant ce temps-là, les obus tombent à droite et à
gauche de partout ce qui nous fait avancer que plus vite. Une fois à la
lisière, il s’agit maintenant de traverser une centaine de mètres découverts
pour s’installer derrière un petit talus qui n’est pas suffisant pour nous
garantir des balles mais tant pis, une section s’y installe, les moulins à café
commencent leur opération. Ils sont tellement près que nos officiers croient
que ce sont les nôtres, alors nous avançons hardiment mais à notre surprise,
des camarades tombent : les uns sont blessés, les autres morts, nous avançons
toujours au milieu d’une grêle de mitraille car l’artillerie ennemie joue son
rôle.
Arrivés en position, on nous canarde de partout, il y a deux
mitrailleuses en face, on tire de droite de gauche, c’est lamentable car nous
ne sommes pas assez abrités. Il s’agit de sortir de là le plus tôt possible
mais comment faire ? Les mitrailleuses nous fauchent, tant pis il y en a qui
commencent la retraite. Les uns se tirent de pattes, les autres restent en
route…tout le bataillon suit le mouvement et nous nous rassemblons dans le
bois.
Il en manque pas mal, nous n’avons presque plus d’officiers,
le capitaine manque aussi, il faut aller voir où qu’il est, peut-être qu’il est
resté blessé quelque part. Personne ne veut aller voir, alors je pars. (…)
J’arrive de nouveau à l’emplacement où était la compagnie
mais elle n’y est plus. Je finis pourtant par les rattraper en sortant d’un
bois, et trouvons le capitaine impatient, il avait battu en retraite le
premier… »
Émile LEBRAT nous raconte sa bataille de la Marne et son ‘’ séjour ‘’ à Verdun
305… Carnet de guerre de
l’aspirant Norbert AVIZOU,
du 159ème régiment d’infanterie
17 mars 1916,
secteur de Verdun.
« Quelle guerre et quelle attitude pour des soldats
français ! Couchés à plat ventre dans le fond de la tranchée nous sommes là
grelottant de froid, attendant d’un moment à l’autre l’obus qui va tomber en
plein sur nous et nous délivrer définitivement de ce cauchemar. Car il en pleut
tellement et puis c’est si facile à repérer qu’il nous faudra beaucoup de
chance pour en sortie.
Contraste pendant que les obus décrivent en sifflant leur trajectoire
et éclatent avec un bruit de tonnerre perpétuel, les oiseaux chantent et plus
rien. Une jolie mésange veut se poser sur le rebord même de la tranchée, me
montrant sa tête noire et lançant ses chants joyaux, précurseurs du printemps
qui va venir dans quatre jours.
Petit oiseau, ta visite m’a réconforté et je me reprends à
espérer.
22 mars 1916,
secteur de Verdun.
« A la 1ère section, ma voisine de gauche, on a
recueilli hier soir des brancardiers du 97 qui depuis quatre jours étaient
entre deux lignes. C’était quatre brancardiers et un aide-major qui voulaient
rejoindre la première ligne où était leur régiment, à notre gauche.
Malheureusement ils se trompèrent et allèrent à la tranchée Bouche d’air.
Ils furent accueillis par une fusillade. L’aide-major et un brancardier sont tués. Les trois autres se jettent dans des trous d’obus ne comprenant rien à ce qui leur arrive. Ils restent là quatre jours : Rien à manger, rien à boire. Les malheureux en furent réduits à boire leur urine ! N’y pouvant plus tenir ! L’un court vers la tranchée (heureusement vers la nôtre) en criant “camarades”…
Norbert Eugène Louis AVIZOU est né à Roumégoux (Tarn). À son incorporation en septembre 1914, il déclare être ‘’élève-maître’’ et est incorporé au 3ème Zouaves, car il habite à cette date à Alger. Après ses classes, il rentre en France, devient élève-aspirant et intègre le 159ème régiment d’infanterie comme aspirant le 1er janvier 1916. Il part de suit epour l’enfer de Verdun
304… Souvenirs de la
grande guerre du caporal Charles BILLON
Garde des voies de communications puis au 44ème régiment d’infanterie territoriale
Août 1914 – Lerouville, Meuse
« En ce qui concerne la garde de la voie ferrée, notre
rôle était entièrement passif »
Juin 1915 – Fort de Souville, Meuse
« La privation de la cantine à notre endroit cause parmi
les copains (moi compris) un vif mécontentement en présence d'une pareille
dureté exercée par ceux qui ont plein le ventre, des lits et des matelas.»
Septembre 1915,
Meuse
« Façonnage de gabions à poser sur la tranchée en
élévation. Un officier de l'état-major, en tournée, estimant leur inutilité,
bidonne de les faire enlever. Ainsi se réduit à zéro le travail exécuté souvent
sous une pluie battante, sur l'ordre d'idiots, d'incapables en tout sauf passer
à la caisse.»
21 février 1916 –
Verdun, Meuse
« Au plus fort de la canonnade, donc du danger, je nous
recommande à la Sainte Vierge par une série d'Avé
Maria. Et on aurait pu voir ce fait (inconnu du temps de paix), un homme, ignorant
tout de la chose, boire mes paroles et placer quelques mots (rappel de
jeunesse), et cet homme (quoi que à un degré moindre) faisait partie de la
coterie qui nous tournait en dérision lorsque avec Le Père nous assistions à la
messe. Juste retour des choses d'ici-bas. Quand l'homme est prive de tout
secours humain, il ne lui reste plus qu'une chance : tomber à genoux.»
GVC, puis travaux en
secondes lignes, Charles BILLON a vécu l’attaque de Verdun, puis…..
303… Souvenirs et
réflexions de guerre d’Alcide BRAZIER
Soldat au 154ème
régiment d’infanterie
Août 1917 – Louvemont, nord de Verdun
« La suite : j’ai reçu les premiers soins, je dois
ajouter que de passer dans les bureaux avant d’être soigner c’était normal.
La salle d’opérations aurait pu être considérée comme une
boucherie où 10 ou 12 chirurgiens peut-être plus, opéraient ensembles sur
chacun sa table. Les opérés étaient posés sur des lits et surveillés par des
infirmières, en attendant le nombre suffisant pour former un train sanitaire. À
la suite du bombardement, le médecin-chef en représailles a déclaré en présence
de tous ceux qui ont bien voulu l’entendre que les prisonniers seraient soignés
quand tous les soldats français auraient reçu tous les soins nécessaires.
Évacué couché, on nous embarque dans le train sanitaire le 23
août. »
302… Souvenirs de guerre
de Maurice LUCAS
1917 – Aisne
« Il est grand temps de vider le bidon de pinard que
j’ai rapporté de permission, un éclat pourrait le percer. Je ne me souviens pas
si nous l’avons vidé, ce que je sais, c’est qu’un éclatement se fit sentir, un
210 fouilleur venait d’éclater. Eloigné d’1,50 m je
me retrouvais complètement séparé de mes 2 frères artilleurs par un éboulement
de terre, de poutres, de traverses…tout l’étayage gisait, broyé à mes pieds.
Mon casque gisait par terre lui aussi la matelassure interne
arrachée et une bosse interne sur le dessus du casque due sans doute à un
madrier. Ma lampe de poche, le papier, le crayon, tout était par terre. Je
restais seul devant avec un mur de planches, de terre, d’étais qui me séparait
de mes camarades. Plus atroce encore étaient les cris de douleur que
j’entendais derrière cet écran qui m’empêchait de leur porter secours. Je ne
m’attardais pas à réfléchir ; ma décision fut vite prise, je repris mon carnet
de notes, mon, crayon, mon casque et remontais vivement l’escalier qui lui
était libre..»
301… Carnet de guerre de
Charles CAPPON
musicien au 284ème régiment d’infanterie, puis 1er régiment d’infanterie en 1915
Avril 1915 – Woëvre
« 06.4.1915 : Logeons dans un village démoli en avant
des bois où nous avons couché. 10.4.1915 : Dans la nuit départ pour tranchées-
2 jours et 3 nuits ; repos à Ville-en-Woëvre. 15.4.1915 : Tranchées à 7 kms en
avant de Ville. »
Charles CAPPON est
blessé au bras gauche par balle le 15 août 1914 à Fosse en Belgique. Puis de
retour dans son unité, il est de nouveau blessé aux coudes droit et gauche, le
6 septembre 1914 durant la bataille de la Marne à Montmirail (02).
Il est soigné, semble-t-il, à l’hôpital de Quiberon. C’est à cette date que ses écrits commencent.
300… Carnet de souvenirs
de guerre d’Alphonse SCHARRE
au 8ème régiment d’infanterie territoriale
Octobre 1914 –
Seclin (Nord)
« Reçu à bras ouvert, tabac, vin, charcuterie, pain,
bière, etc. Le maire nous donne de la viande pour faire la soupe. Nouvelle
alerte, soupe en panne, partons sans manger. En route l’on voit une patrouille
de dragons allemands tués par des dragons français, on est en train de les
mettre en terre. Nous continuons notre route et nous arrivons à Thumesnils. Bien reçu, nous couchons chez l’habitant.
Le lendemain allons à Loos. Nous couchons dans la brasserie Tartara, bière à volonté, j’attrape une cuite et je me fou
de la république. »
Le parcours d’un ‘’pépère ‘’ du Nord qui combat dans sa région pendant l’invasion allemande.
299… Carnet de
guerre de Lucien CHARPEINE
Sous-officier
puis officier au 18ème régiment d’infanterie territoriale en 1914
25 novembre 1914 –
Secteur d’Hébuterne (Pas-de-Calais)
« Mêmes positions, mêmes travaux que la veille. La 2ème
compagnie poursuit activement la construction du boyau assigné ; 40 mètres ont
été creusés dans la nuit. Le soldat (Jules) CARTIER, blessé hier est mort
pendant le trajet d'Hébuterne à Sailly. Le soldat LAUSADE a été évacué sur
l’hôpital.
Aujourd'hui, séance du conseil de guerre au presbytère. Le
soldat NAST ayant tué dans la nuit, malgré la consigne, son caporal d'escouade,
a été acquitté.
Le carnet de guerre et
près de 180 photos du sergent-major Lucien CHARPEINE en Artois et en Champagne..
298… Carnet de guerre de
Joseph DUJOLS du 142ème régiment d’infanterie
25 octobre 1914 –
Secteur de Montdidier
« Petite étape de 12 ou 15 k pour s’embarquer à
Montdidier ; passage à Amiens, à Abbeville, belle ville, beaux faubourgs, pays
de plaine et marécageux. Calais à la tombée de la nuit.
Vue de la Manche et des côtes à la même heure. Spectacle
magnifique.
Tout le long de la voie magnifiques stations, belles petites
villes industrielles. Bien vus des populations sur notre parcours, qui agitent
mouchoirs, nous donnent poires, cigarettes, etc. »
Le carnet de guerre
très court de Joseph DUJOLS..
297… Carnet de
campagne d’Henri BOURGUIGNON du 163ème régiment d’infanterie
30 août 1914 – Bru
(Vosges)
« Poilu, l'étais-je vraiment, moi, si jeune, presque imberbe
il y a quelques jours encore, dans les balbutiements de ma vie d'homme ?
J'étais costaud, certes, et travailleur mais, tous les soirs, à l'issue d'une
journée de labeur, aussi rude fût-elle, je retrouvais la table familiale, la
soupe chaude et l'affection des miens.
Je préfère ne plus penser, oblitérer les souvenirs qui me
font encore plus mal que la faim et la peur qui me creusent le ventre. J'écris,
je note, je m'accroche au moindre fait, au moindre nom et je le note, même si
je l'ai mal compris. À présent mon objectif est de rester en vie pour tout
consigner afin de pouvoir le transmettre à ceux qui ne savent pas, à qui on ne
dira pas tout, à qui on cachera peut-être les vilaines choses de cette vie
absurde.
Même si je meurs, on trouvera au fond de mon paquetage, la
trace écrite de ma volonté féroce de raconter aux enfants de ceux qui ont
survécu, ce que nous avons subi, tous ces jours, toutes ces années peut-être,
car nous ne savons pas encore où nous allons et ce qu'il adviendra de nous.
Avec un peu de chance, je reviendrai vers les miens. Il
incombera alors à ma descendance de faire revivre le passé à travers le dédale
de mes notes maladroites. »
296… Carnet de route de
Norbert FRENOIS de la 2ème brigade cavalerie légère, puis
18ème chasseurs à cheval, puis 10ème chasseurs à cheval
Mercredi 8 septembre
1914 – Provins (77)
« Grande offensive nous traversons à la poursuite. Courtacon
brûlé, dévasté rempli de cadavres, tout est pillé, saccagé. Abreuvoir sur le
Grand Morin.
Mouvement en avant sur St-Barthelemy. Bivouac sur la rive
droite du Grand Morin. Tout le monde nous raconte les atrocités que les boches
avaient faites.
Nous marchons sur Civry où les shrapnels nous arrosent à
midi. Combat d'artillerie pour déblayer deux batteries boches et une colonne.
Orage terrible ou nous sommes mouillés jusqu'aux os. Combat acharné auquel nous
assistons à la poursuite des Allemands sur la route de Château-Thierry.
À cause de la nuit arrêt dans un champ proche de
Viels-Maisons dévasté par les Allemands. Horrible à voir.»
Le carnet de route d’un
cavalier.
295… Carnet et lettres de guerre de Louis-MICHEL-VILLAZ conducteur
à
la 296ème section de transport militaire
Prochainement, prévu décembre 2024
Mercredi 30 décembre
1914 - Amiens
« Nous partons à
3 heures du matin direction Albert avec 200 camions autobus et divers…Nous
allons prendre le 1er colonial pour le transporter à Mortemer. Le matin tempête
affreuse, pluie, vent et surtout pas de lanternes. C’est à perdre la vue pour
conduire. Nous repartons des environs d’Albert avec les 1800 hommes restant du
1er Colonial sur 3000 ; pauvres diables ! Nous sommes des princes à côté d’eux.
Enfin, nous les débarquons à la nuit à Mortemer par un temps affreux. »
Le carnet et la
correspondance d’un conducteur d’un camion Berliet …
294… Carnet de guerre
d’André LESTY, Sous-officier puis officier aux
Et 104ème régiment d’artillerie lourde (28ème batterie)
Février 1915 – Front de Champagne
«Je suis allé avec le lieutenant à l’observatoire de la côte
147. On a un joli point de vue sur les Boches. Le bois boche que nous
bombardons tant, est à 500 m de nous.
On voit très bien Notre-Dame-des-Champs qui est à 9 km de là, mais on ne voit pas nos objectifs. Dans la
tranchée qui nous y conduit, il y a beaucoup de boue. Comme nous regardions
l’horizon, une balle est venue frapper la terre près de nous. En revenant,
comme nous étions au bord de l’Aisne, un soufflement de marmite nous fit
dresser les oreilles et instinctivement se baisser et se cacher derrière un
gros arbre.
Les carnets de guerre
d’un artilleur, sous-officier puis officier. Artillerie à pied, de campagne et
artillerie lourde…
293… Lettre de Pierre
POTHELET
Sergent-fourrier et sous-officier de liaison au 3ème régiment de marche de Zouaves
1916,
Lituanie :
« Envoyé en camp de représailles sur le front russe, au camp
de Janisky, en Lituanie, non loin de Kowno, je m'en suis évadé sans grande
difficulté, étant donné la surveillance assez relâchée à proximité relative du
front, et la garde déjà très clairsemée en 1916. J’espérais toucher la côte, et
traverser la baie de Riga, pour aboutir dans les lignes russes (certains y ont
réussi) mais j’ai été repris à Crans, non loin de Königsberg, et renvoyé, après
les 14 jours de cachot règlementaires, au terrible camp de Cottbus.»
Une lettre expliquant
le parcours précis du zouave Pierre POTHELET à une autorité militaire ou civile
pour espérer avoir une décoration.
292… Carnets de guerre
complétés par les souvenirs de Paul Marie VIRIOT
soldat
au 37e régiment d’infanterie
Mai 1915 – attaque
en Neuville-Saint-Vaast, Artois
« Notre capitaine (Auguste Raymond) JOLYOT leur ordonne de
s’arrêter en les traitant de lâches, mais ils sont si paniqués qu'ils
continuent à se replier.
Il donne alors cet
ordre incroyable...
« Tirer leur dessus »
Nous croyons avoir mal
entendu. Mais il insiste :
« Soldats, tirez sur ces lâches. »
Plusieurs ont tirés,
moi j'ai fait le geste sans appuyer sur la gâchette.
Mais je maintiens, et
affirme, que le caporal-fourrier en a tué un devant moi à bout portant. Nous
sommes devenus des chiens, tuer ses propres camarades ! »
Les assauts suicidaires
du 9 mai 1915 sur le village de Neuville-Saint-Vaast et le moulin de Topart.
Loin, très loin des textes officiels…
291… Journal de guerre du
caporal Auguste JADAUD du 137e régiment d’infanterie
27 août 1914 –
Chaumont et ferme de Saint-Quentin au sud de Sedan
«Alors s’engage une action terrible : Pendant deux heures, on
s’est tiré à trente mètres. Les balles passaient en sifflant, semant la mort
des deux côtés. Mon camarade Clément FAUCHARD est tué raide à mon côté frappé par
une balle en plein front. Moi, une balle traverse mon képi et m’emporte les
cheveux. Une autre coupe ma bretelle de fusil dans ma main. Mais je dois m’en
tirer indemne. »
8 septembre 1914 –
Normée (51)
«Tout à coup, ils font un "à gauche" et nous tirent
par le flanc (ce sont des boches déguisés en soldats français), pendant qu’en
avant de nous une nuée de fantassins ennemis nous chargent à la baïonnette.
Partout où l’on regarde en avant de nous, ce ne sont que cavaliers et
fantassins boches se ruant sur nous. »
Il raconte ses
souvenirs pendant sa convalescence en avril 1915 après sa blessure pendant la
bataille de la Marne avec ses attaques et contre-attaques folles, sanguinaires
et finalement victorieuses.
290… Cahier de 55
chansons de Léon MAUPREZ tambour au 133ème régiment d’infanterie
1er Couplet
Près de la nouvelle frontière
Un officier s’est arrêté
À la porte d’une chaumière
Et frappe avec anxiété
Une femme dont la mamelle
Allaitait un blanc chérubin
Ouvre et demande qui appelle
Et voit l’uniforme prussien
---Refrain ---
Femme dit l’officier
Écoute ma prière
Pour lui donner ton lait
Je t’apporte un enfant
Dis-moi si tu consens
À lui servir de mère
Moi je suis soldat
Du pays Allemand
Etc…
Léon MAUPREZ écrit ces
chansons vers 1890, certaines sont très prémonitoires !
289… Près de 2000 cartes,
lettres de guerre de Joseph PHILIPPE
des
24e, 119e, 129e, 359e régiments d’infanterie et 24e colonial
Prochainement, prévu décembre 2024
17 octobre 1918.
Front
franco-allemand
Bien chers parents,
« Une
petite réponse à vos deux belles cartes datées du 13 que j'ai reçues toujours
avec un bien grand plaisir. Vous me dites que la grippe est chez vous. Il y a
de grandes chances que ça va être consigné et que l'on ne pourra pas y aller en
permission. Mais comme je compte encore au moins deux mois et demi avant d'y
aller, alors d'ici là peut-être que ça se sera dissipé. Ici de la pluie et de
la boue. Quant à la fin de la guerre dont vous me parlez, moi je n'y compte pas
avant l'année prochaine. Ce serait à souhaiter avant ça, mais je n'y vois
aucune possibilité. Vous ne devez plus entendre le canon à Rouen et il est fort
probable que les avions n'iront plus de sitôt. C'est que le front s'est éloigné
de beaucoup. Bien le bonjour pour moi à tous les amis et vous bien chers
parents je vous laisse en vous embrassant bien fort tous deux de tout cœur.
Votre
fils qui pense à vous. “
288… Carnet
de guerre du maréchal-des-logis-chef Vulgan BOUTRY
du 1er escadron du train des équipages militaires,
conducteur à la 1ère section du CVAD
puis 15e ETEM (ambulance alpine N°3) puis 3e ETEM (mars 1918), 5e ETEM, puis 103e RAL (avril 1918)
Salonique
(Grèce), 4 janvier 1916
« A
9 h. je passe à la frotte, opération qui consiste au fait suivant : on vous
enduit de savon noir et on vous frotte à la brosse de chiendent. Puis lorsque
les boutons causés par la gale sont percés et en sang, on prend un bain pour
faire partir le savon noir. Une fois ce bain pris, on s’enduit d’une couche
d’une graisse à base de souffre.
Pour
ceux qui sont atteints du mal, ils souffrent même beaucoup. Pour moi qui y suis
plutôt par mesure préventive ces différentes actions ne me font aucun effet.
Enfin
il faut vraiment être en guerre pour avoir toutes ces maladies. »
La campagne de France puis d’Orient de Vulgan
BOUTRY.
287… Carnet
de guerre d’un inconnu du 81ème régiment d’infanterie territoriale – Qui
retrouvera son nom ??
Arras,
Artois, septembre 1915
« Arrivés
à Arras le 24 au soir, quelques jours après nous fûmes occupés les lignes de
soutien, au nord de la ville ; et pendant le combat nous fûmes occupés au
ravitaillement de nos frères des premières lignes. Peu après nous fûmes appelés
à les remplacer ; et là j'ai pu voir et entendre, tout ce qui a trait aux plus
grands maux.
Rien
de si horrible n'est jamais paru sur la terre, du moins en fait de guerre, et
sur ces lieux que j'ai foulés de mes pieds, et que je pourrais nommer le champ
des martyrs de la patrie. J’ai vu de mes yeux, enfouis vivants dans la terre,
sous les décombres d'une chambre de repos, seize hommes, qui bientôt devenait
seize cadavres. J’ai vu des pieds séparés du corps, dans leurs chaussures, des
mains qui elles aussi n'avaient plus de mouvements, des crânes défoncés, des
poitrines ouvertes, des corps sans membres, enfin des agonies terribles.
Étendus
pendant des heures entières sur des brancards, ces pauvres malheureux, endurent
toutes les souffrances, et aucune main amie, n'est là pour secourir leurs
ignobles souffrances. Rien même pas une goutte d'eau, ne vient leur rafraîchir,
leurs lèvres brûlés de fièvre, pour la bonne raison que ceux-là même qui les
transporte, n'ont rien à leur offrir, autre que le secours de leurs bras.
Terrible
fléau, qui en quelques heures, jette dans la tombe des milliers de
victimes. »
Qui arrivera à identifier cet homme qui nous a
laissé son carnet de guerre ??
286… Dernière lettre du sous-lieutenant Marcel MICHEL du 216ème
régiment d’infanterie
Sur
le champ de bataille de la Marne, 5 septembre 1914
« Nous
étions à 200m à peine des Allemands et l’un d’eux, heureusement charitable, me
mit mon paquet de pansement au lieu de m’achever comme ils en ont l’habitude.
Je suis resté 24 heures sur le champ de bataille, tout seul au milieu des
balles et des obus …
Marcel MICHEL écrivait sa dernière lettre, mais il
ne le savait pas…
Épinal, 31 juillet 1914
« Distribution
par la gendarmerie à tous les habitants de feuilles indiquant l’âge, la
profession. Elles sont de différentes couleurs, les rouges autorisent à rester
dans la place. Elles sont données aux jeunes gens au-dessus de 16 ans et aux
hommes au-dessous de 60 ans, ainsi qu’à toutes personnes indispensables à
différents labeurs.
Ma
mère en a une bleue, par conséquent c’est un ordre d’évacuer la place à une
date fixée.
Moi
c’est une rouge. Le 149ème quitte Épinal, pour la
frontière. Nos troupes sont pleines d’entrain ; c’est admirable.»
René MOREL, 17 ans en 191,4 est employé au bureau
de poste n° 3 d’Épinal. début 1916, il part au 170ème régiment d’infanterie..
284… Carnet de
guerre d’Antoine POUZAT
Musicien et
brancardier du 92e régiment d’infanterie.
Mort-Homme, 10 mars
1916.
« Nous chargeons
les blessés sur nos brancards et les uns à la file des autres, nous repartons.
A peine avions nous fait 100 mètres qu’une fusée éclairante
est lancée. Quelques secondes après, deux obus tombent en plein sur nous.
Résultat : 6 brancardiers divisionnaires blessés, 3 tués, 4
musiciens blessés (GODIN, MOREL, FRACHON, PRULHIÈRE). Le blessé que je
transportais avec FRACHON, PRULHIÈRE et FULCHIRON, est tué. Seuls de notre
équipe avec FULCHIRON, nous sommes indemnes.
Nous passons sur les cadavres dont les tranchées sont
pleines, sur la crête du Mort-Homme. Nous déposons les blessés au poste de
secours. Notre camarade musicien (GODIN Robert Pierre) succombe à la suite de
ses blessures. Nous le sortons dehors, dans l’intention de le descendre au
village de Chattancourt. Hélas ! Nous l’avions à peine sorti qu’un obus tombe
en plein dessus et il nous fut impossible de le retrouver.
Après notre arrivée au poste de secours, nous recevons les
félicitations de notre Médecin-chef ainsi que celles de l’aumônier. Eux autres
aussi, se sont dévoués sans compter.
Nous nous reposons pendant deux heures, ensuite, nous
transportons les blessés du poste de secours du Mort-Homme à celui de
Chattancourt. Nous faisons le trajet plusieurs fois dans la journée malgré les
feux d’artillerie d’une violence inouïe. Les champs, les routes sont
complètement bouleversés par l’éclatement des obus de gros calibres. Les
cadavres jonchent le sol tout autour d’où nous sommes. Les pertes sont énormes.
Il neige à plein temps. »
Souvenirs et carnet de
route d’Antony POUZAT de 1910 à 1919 : Musicien-brancardier. Toutes
les horreurs de la guerre, mais aussi les camarades, l’espoir, les
fraternisations…
283… Lettres de
guerre de Joseph POURRICHOU des 107ème, puis 302ème régiments d’infanterie
Lettre
du 11 avril 1915
« Là
c’est la première ligne nous y séjournons au moins 48 heures pour ainsi dire
toujours sur pieds, l’œil attentif, privé de sommeil, un pluie froide ou glacée
sur le corps ; en avant une double rangée de fil de fer barbelé, à 30 m de
laquelle la nuit on fait des patrouilles, dont volontairement je suis toujours.
On dit que c’est des promenades périlleuses, mais je préfère courir ce risque
puisqu’il m’exempte de certaines corvées, comme celle où la nuit pendant 3
heures, pioche ou pelle en main, il faut creuser des tranchées.
La
première fois, en sortant du boyau (synonyme de tranchée) nous fûmes salués par
une vive fusillade, à 30 ou 40 m un petit poste d’un autre régiment nous
prenait pour des boches ; nous l’échappâmes belle. Demain matin à 3 heures nous
serons relevés et regagnerons pour 2 jours la tranchée de 2° ligne, la tranchée
abri. Là, sur une maigre couche de paille qui souvent voudrait être renouvelée,
nous goûtons de bonnes heures de repos réparateur quoique la moitié de la nuit
nous montons la garde et que d’invisibles fissures forment de désagréables
gouttières. Et toute la journée corvées sur corvées.
282… Correspondance
et carnet de
guerre de Louis GRÈS
de
la 24ème section de munitions d’artillerie (SMA) du 9ème régiment d’artillerie,
Puis
maitre-pointeur à la 4ème batterie du 3ème groupe d’artillerie d’Afrique
Son carnet ici
--- Ses
lettres ici
Lettre n°6 le 28 août 1914, Vervins, Aisne
«
(..) Sur 9 bataillons, il en est resté à peu près un tiers. Pour les autres
régiments nous ne sommes pas au courant. En lisant les journaux vous en savez
plus que nous. Nous ne voyons aucun journal. Il nous faut passer dans une
grande ville pour en voir et encore ils sont vite enlevés.
Ce
que nous disent les soldats qui viennent du combat c’est que les Allemands
auraient beaucoup de pertes car notre artillerie fait beaucoup plus d’effets
que la leur. Les obus allemands parfois tombent à 1 mètre d’une personne et ne
la tue pas. Il y en a un qui nous a dit que l’obus lui avait enlevé le sac de
son dos sans qu’il ait de mal. Alors qu’avec les nôtres on le voyait tomber
comme des mouches.
C’est
parce qu’ils sont si nombreux qu’ils avancent.
Tu
donneras bien le bonjour à l’oncle Paul et tante Elise »
281… Édouard
MEUNIER (classe 1912) 1er régiment d’artillerie de campagne
canonnier-servant,
puis agent de liaison, puis radio-téléphoniste……
Extrait de son carnet
Bois de la Grille, Marne, 2 mai 1917
« Mon
pauvre camarade, François CHATILLON, est tué net d’un éclat de 88 qui lui ouvre
le crâne (un trou à y mettre le poing et par où est sortie la cervelle. Je me
trouvais à côté de lui et suis couvert de terre et de sang. Cette mort si
prompte d’un de mes meilleurs compagnons de misère m’a fort ému et découragé.
Le
soir venu, comme l’ennemi se calme, j’emporte à l’arrière, avec le secours d’un
fantassin, le corps de mon camarade. (La nouvelle se savait déjà à la 6ème
batterie, mais il y avait erreur de personne, car on croyait que c’était moi
qui étais tué). Le capitaine BROCHAND refuse une citation au pauvre malheureux,
qui était presque aussi mal vu que moi.
Mais,
par contre, il fait citer ses cuisiniers et son ordonnance. »
280… Enquête pour
retrouver les descendants d’ÉTienne
Ernest
du 4ème puis 3ème régiment de Zouaves et prisonnier au camp
de Senne
Jean-Jacques le propriétaire du carnet me dit en
2023 :
« Je vous autorise à publier le carnet sur
votre site « Chtimiste » du Zouave Ernest ÉTIENNE qui combat en Belgique,
puis prisonnier. Je ne retrouve pas ce soldat, né où ?
Je n’ai pas retrouvé non plus sa fiche de
prisonnier sur le site, ne sachant où chercher. Il ne semble pas mort à la
guerre. Mon objectif étant de retrouver
la famille... »
« Ce carnet je l'ai eu en 1964, à la fin de la
traditionnelle fête de la Saint Pansard de Trélon (59) que mon parrain Gaston
PETIT me tendit inopinément pour que je poursuive ses recherches.
Je veux respecter la charte que mon parrain m'avait
enseignée : " la mémoire se partage et celui qui trouve, transmet
" (c'est de Bertrand Bouret).
Ce fut ma motivation pour créer un site espérant le
miracle d'internet...qui n'est jamais arrivé à ce jour.
Je cherche à trouver les liens familiaux, car si
mon parrain (et parents) avait ce carnet, il y a certainement une raison. Cela depuis plus de cinquante ans. »
Extrait de son carnet
Belgique, août 1914, secteur sud de
Charleroi :
« On
était au soir, ma demi-section qui était tout à fait derrière dut faire face à
une patrouille allemande de 30 à 40 hommes.
A
4 pas en tirailleurs, on avançait en tirant. A deux reprises différentes,
j'entendis les balles siffler bien près de moi. On avança malgré la riposte et
l’apparente résistance de l’ennemi. Celui-ci se replia dans une maisonnette située
sur une petite colline que nous résolûmes de cerner.
C’est
ce que nous fîmes, et nous voilà à son assaut, baïonnette au canon. Pris de
peur, les Allemands s’étaient réfugiés dedans, et demandaient à se rendre, mais
il n’en fut rien, car ils faisaient feu en même temps sur nous. On enfonça la
porte, et partie dehors, partie dedans, il ne resta plus de cette patrouille
que morts et blessés grièvement. De notre côté, nous avions quatre ou cinq
blessés aux jambes, et notre sergent qui ne donnait plus signe de vie.
279… Carnets
de guerre d’Alphonse COUROUBLE dans une commune du Nord occupé
22 novembre 1915,
« La
semaine dernière, grande alerte chez les Pruscos. Pendant la nuit tous les
cochons (je parle de ceux à 4 pattes) furent embarqués précipitamment ; ceux à
6 pattes (les cavaliers) suivirent au petit jour et ne revinrent plus. Quant à
ceux à 2 pattes ils partirent vers les 11 heures avec armes et bagages, mais
nous ne fumes pas peu surpris de les voir revenir 2 jours après clopin-clopant.
Ils avaient poussé une pointe jusque Le Cateau mais, craignant de voir
l’ennemi, étaient rentrés de suite au chaud.
Si
ma femme était ici, je lui demanderais de porter une chandelle au duc de
Bavière qui ne retrouve plus paraît-il ses armées là-bas en Russie. Paraît que
les Boches sont bien inquiets sur leur sort. Tant mieux pour nous. Parait aussi
que réellement ils commencent à claquer la faim chez eux, du moins leurs
journaux ont l’air de le dire et les soldats le disent tout carrément :
«
Oh, malheur la guerre ! Femme, enfants, beaucoup fort faim ! »
Alphonse COUROUBLE (1880-1955) est brasseur dans la
ville du Quesnoy (Nord). Le document se présente sous la forme de notes
journalières de quelques lignes, écrites entre le 21 août 1914 et le 2 août
1916. Le ton du récit, très hostile aux Allemands, en fait pour son rédacteur
une possession dangereuse.
Le journal de guerre d’Alphonse COUROUBLE est un
récit fait par un civil de l’occupation d’un gros bourg du Nord par les troupes
allemandes, avec la description du comportement des occupants, des événements
quotidiens et des diverses misères, pénuries et humiliations endurées par les
civils. L’auteur est à la fois brasseur, infirmier civil et organiste à
l’église, c’est une petite notabilité locale.
Si son sort paraît au départ moins pénible que
celui d’autres habitants, et surtout que celui des réfugiés et déplacés, la
réquisition des cuivres de sa brasserie finit par le ruiner comme les autres.
278… Correspondance de
guerre de Joseph GOUZOU des 121ème et 43ème régiments d’infanterie
1 février 1916, mes chers parents
« Je
vais vous donner de mes nouvelles toujours bonnes ; j’espère que vous êtes
de même en très bonne santé.
Il
est 5h du soir. Voilà une journée en plus de passée. Combien en avons-nous
passé déjà de ces journées tristes, et encore si l’on voyait une paix
prochaine.
Enfin
espérons que ce sera bientôt. Peut-être si les zeppelins revenaient de temps en
temps faire leur visite, nos embusqués de Paris, au lieu de se ficher de nous,
comprendraient ce que c’est la guerre. Malheureusement, c’est toujours de
pauvres innocents qui vont attraper.
Je
termine en vous désirant une bonne santé. Votre fils qui vous embrasse. »
Toute la correspondance de Joseph GOUZOU vers ses
parents. De nombreux noms de soldats sont cités…
277… Les derniers
jours de Georges SCHOUBERT, blessé du 114ème régiment d’infanterie
Avranches,
hôpital n° 17, salle Jeanne d’Arc, hôpital temporaire n° 1, 17 novembre 1916
« C’est
lundi soir 13 que votre fils arrivait à Avranches et qu’on nous l’amenait à la
salle Jeanne d’Arc. A première vue il nous semble à tous le plus courageux de
ceux qui arrivaient et celui le moins gravement atteint. Il était heureux le
pauvre enfant d’être enfin arrivé au port ; il souriait en voyant le beau lit
bien propre qui l’attendaient, il se voyait déjà guéri…»
La lettre poignante écrite par un sergent qui
décrit les 3 derniers jours de Georges SCHOUBERT, brulé très gravement à la
jambe gauche par de l’eau bouillante…
Lettre envoyée à sa mère.
276… Les derniers
jours de Désiré TAVERNIER, blessé du 87ème régiment d’infanterie
Verdun,
hôpital temporaire n° 1, 20 juillet 1915
« Le
lendemain matin 20 juillet, comme j'allais voir les blessés dans cette salle
qui s'était préparé la veille. Il m'a demandé de se confesser pour communier
aussi avec ses camarades. Je lui apporter en effet la communion vers 6h du
matin en même temps que onze de ses camarades dans la salle Saint-Nicolas.
Ce
cher ami ne se doute guère que…. »
275… Souvenirs de guerre de Gaston CHEVILLARD du 44ème régiment d’infanterie
Wesserling
(Alsace), 21 mai 1916
« Dans
les lacets qui suivent, le fameux colonel GERST nous entasse tout le régiment,
il y faisait très chaud à 10 heures, serrés comme des harengs, sac au dos et au
‘présentez armes’. Il nous fit un petit discours et, de temps en temps, le
bruit d’une gamelle qui tombait (mais avec le bonhomme)...
En
passant à Wesserling, je le vois encore foncer en avant de ma section avec son
gros cheval rouge et d’un coup de son plat de sabre taper sur le fusil d’un
gars qui, pour lui, ne le tenait pas assez droit.
Le
salaud, il nous en fit bien d’autres. »
Des
souvenirs avec nombreux dialogues qui rendent le récit très vivant. Récit des
moments tragiques et des moments cocasses d’une triplette de camarades de 20
ans originaires du même village et affectés de la même escouade. Quelques
passages savoureux ! Incorporés début 1916, nous les suivons à Verdun, en
Alsace et dans la Somme. Vont-ils survivre à la guerre ?
274… Carnet de route d’Eugène CASIER du 33ème régiment d’infanterie
Colonfay
le 30 août 1914
« Sans
attendre quand la fusillade a ralentir un peu, j’ai porté secours à des
camarades blessés qui m’appelaient de tout côté soit pour donner à boire ou
couper les équipements ou mettre une bonne de paille sous la tête et je
conservais mon sang-froid malgré les balles qui arrivaient de tous côtés.
Je
regarde un peu en avant de moi et je voyais les Allemands avancer alors je
voulais continuer de tirer mais mes camarades mon nom empêche peur d'être
achevé alors ne voulant pas être fait prisonnier je me sauve après avoir dit au
revoir aux camarades. »
Après
une sanglante attaque à la baïonnette pendant la bataille de Guise, Eugène
CASIER, blessé au pied, réussit à s’enfuir des lignes allemandes. Mais pour
combien de temps ?
273… Lettres de
guerre Jean Joseph Marie FARBOS de LUZAN
Caporal à la
18ème section des infirmiers militaires
Bordeaux
le 24 août 1914
« A
Dijon on a formé un train sanitaire c'est-à-dire que l'on a disposé des
brancards dans des wagons de marchandises et ils étaient un peu moins mal. Nous
en avons trois de très malades dont un est presque à l'agonie. Le pauvre garçon
a reçu 7 ou 8 balles au bras et à l'épaule et un éclat d'obus dans le ventre.
Un
autre que j'ai pensé a reçu une balle qui lui a déchiré l'oreille et lui a
cassé un os de la tête. On parle de le trépaner. Si tu avais vu cette plaie
c'est abominable. Son oreille était en putréfaction et son pansement était
tellement séché qu'il m'a fallu plus de 3/4 d'heure pour l'enlever. Quand j'ai
eu fini il m'a dit un merci qui partait du fond du cœur et m'a touché.
Vision
d’horreur d’un infirmier : Description de l’arrivée des premiers trains de
blessés après 1 ou 2 jours de voyage du front vers un hôpital de Bordeaux…
272… Carnet
de guerre de Jean BORDOZ du 31ème régiment d'artillerie de campagne
Érize
la-Grande, 12 septembre 1914.
« La
batterie part entre Érize la-Grande et la Petite. On passe sous la pluie d’obus
et dans les flammes du pays. Nous avons des blessés.
Le
capitaine compte que des colonnes allemandes battent en retraite sur
Amblaincourt. Il donne l’ordre de tirer à volonté. Les Allemands se sauvent en
colonne par 4. On fait du tir fauché. La route est pleine de cadavres
allemands, ceux qui n’avaient rien se reformaient plus loin et se sauvaient.
Nous étions tous joyeux malgré l’extrême fatigue, les officiers aussi.
La
nuit vient. On couche sur le terrain par un orage qui ne cesse de 8 jours. On
est traversé mais on dort quand même sur la terre trempée.
Le
parcours d’un artilleur au début de la guerre : La Marne, Les Éparges, Les
Vosges
271… Carnet
de guerre d’Henri ROCHEREAU, sapeur au 135e régiment d’infanterie
Belgique, 19 février
1915.
« Ce matin, le réveil a été à 5 heures, mais
nous avons eu une triste sortie. Nous avons été assister à la dégradation de 3
hommes du régiment qui ont eu 10 ans de détention et un autre qui a été fusillé
devant tout le régiment.
C'est épouvantable : Tué par une balle ennemie,
oui ; mais jamais par ses frères d'armes. »
Trois carnets qui couvrent la période 1914 à 1919.
De très nombreux noms de poilus sont cités et retrouvés…
270… Carnet de guerre de
Marcel JAILLET, sergent au 135e régiment d’infanterie
Belgique, février 1915.
Mercredi
18 février
« Sommes
relevés par le 66 à 9h du matin, nous n’étions pas prévenus, ce qui fais
quelques chicanels. Nous partons pour Ypres et après de nombreux détours, nous
arrivons sans incidents. Sommes aux casemates. Dans la journée Ypres est
bombardé. Un obus tombe sur la place près de l’église mais ne fait pas de
dégât. »
Jeudi 19 février :
« Réveil à 5h du matin, allons à Potyze assister à la
dégradation de 3 soldats et à l’exécution d’un autre, spectacle pénible que
j’aurai préféré ne pas voir. »
Le seul carnet de guerre retrouvé de ce sergent du
135e régiment d’infanterie. Les combats en Belgique, Ypres, en Flandres et en
Artois.
269… Carnet
de guerre de Victor DURAND soldat au 124e régiment d’infanterie
26 décembre 1916.
« Le 26, passage au Mans, Versailles,
Achères, arrivé à St-Just le 26 vers 15 heures.
Départ
de St-Just vers 17 heures. Arrivé à Beauvais vers 22h30.
Départ
de Beauvais le 27 à 6heures 40, arrivé à Gournay à 8 heures 10. Arrivé à la Cie
à 11 heures 30 à Beaulévrier.»
La succession des villes et villages traversés
jusqu’à sa mort par éclats d’obus à la tête dans la Marne, au Mont-Blond le 1e
janvier 1917.
268… Carnets
de guerre de Charles DEVANT,
officier d’approvisionnement du 2e régiment d’artillerie de campagne
17 septembre 1914
« Suis à Xermaménil. Passé à Gerbéviller.
Spectacle inoubliable dans son horreur. Pas une maison ne reste debout. Tout
est brûlé, saccagé. Des civils restent dans les décombres ou dans leurs caves.
D’autres ont été fusillés. La rue Gambetta n’est plus qu’un amas de ruines.
Plus d’habitants, plus d’église, plus rien. Quelle tristesse. Ponts coupés.
Voie ferrée coupée etc…
J’ai
attrapé 8 jours d’arrêt parce que le 3ième groupe qui suivait le mien était en
pagaille sans mousquetons ni bidons. J’ai réclamé au capitaine adjudant major
qui fera lever ma punition.
Plus
de vin. Plus de vivres hors ceux du train régimentaire. Plus de conserves, plus
rien. »
Officier d’approvisionnement au 2e régiment d’artillerie
de campagne, Charles DEVANT à fait toute la guerre un peu en arrière des
première lignes. Néanmoins son récit, dans cette affectation (parfois
aberrante) de « comptable » de l’armée française, nous plonge dans la
vie d’un « petit état-major », celui d’un régiment d’artillerie. Il a
aussi pris plus de 200 photos, dont beaucoup sont annotées du nom de ses
camarades de misère…
267… Carnet de guerre Joseph JUPIN, lieutenant au 1er puis 106e régiment d’artillerie lourde
Ludes, sud de Reims, Marne, 2 janvier 1915
« Et
alors, une lune brillante éclaire la campagne triste et désolée. Le vent siffle
dans les arbres dénudés.
A
part cela, silence morne. Pas de bruit du canon. C’est à peine si l’on se
croirait en guerre. Et cependant que de personnes souffrent qui chassées
brutalement de chez elles n’ont plus de chez soi aimé et plein de souvenirs !
Nous autres soldats, nous sommes heureux, nous souffrons aussi beaucoup ;
mais au moins nous avons la douce consolation de savoir que si nous souffrons,
au moins nous faisons notre devoir.
Toutes
nos souffrances n’ont qu’un but : la vie de notre chère et belle
France ! Gloire à elle et maudits soient ses sauvages
agresseurs ! »
Nous découvrons la vie durant de début la guerre
d’une colonne légère d’approvisionnement d’artillerie, toujours un peu à
l’arrière du feu, jusqu’à son transfert comme chef d’une batterie de tir.
266… Carnet
de guerre d’Henri GUIBERT
Soldat, puis
musicien-brancardier, signaleur, téléphoniste
aux 354, puis 355e régiments d’infanterie
Sillery, Champagne,
juillet 1916.
« Je m’approche de la porte et reconnais
le malheureux. C’est un copain de la classe 16 – Gilbert Alfred LEMAIRE - ayant
été à mon escouade à Pontrieux ; il est de Hautvillers. Le brancard est maculé
de sang.
Enfin
le médecin qui achevait de lui faire son pansement nous fait signe de venir.
J’entre vivement et soulève le brancard sans trembler. La vue de ce camarade
sanglant, décoloré, haletant, ne m’impressionne pas du tout. Nous le déposons à
terre dehors et le changeons de brancard, nous le suspendons à la voiture et
nous voilà parti pour Sillery.
Notre
blessé ne parle pas, ne bouge pas. Sa respiration entre coupée fait claquer ses
lèvres noires et mousser la salive. Au fur et à mesure que nous avançons, son
visage devient de plus en plus jaune, ses yeux se retournent et ses mains se
refroidissent.
Enfin
nous arrivons à l’infirmerie. Nous le déposons dans la salle de visite. Le
médecin-chef le regarde et s’en va en hochant la tête. Nous avons compris que le
malheureux n’en a plus pour longtemps….
265… Journal
de guerre de Désiré SIC - Officier du génie
Compagnie 19/2 M, puis 7/63
(7e bataillon du génie)
Billet de tranchée du
24-2-1916 – Tilloloy (Somme)
Mon
capitaine,
«
Malgré qu’il ne me soit guère possible de vous donner le nombre de travailleurs
auxiliaires qui travaillent dans le secteur, attendu qu’il y en a sur une
dizaine de points, je vais tâcher de vous fournir ce renseignement.
Ce
matin nous avons eu une conférence à 7 h entre chefs de secteurs pour les
travaux à exécuter. Le colonel m’a envoyé un rapport au sujet de ces travaux.
Pour
les brèches à laisser dans les réseaux de fil de fer, le rapport en mentionne
une de 10 mètres tous les 100 mètres.
Je
tiens à vous informer que si le nombre de voitures ou le mode de transport de
matériel n’augmente pas, je vais être obligé d’interrompre certains travaux. En
ce moment je manque de pas mal de choses, mais sous peu je vais manquer de tout
; en procédant par ordre, je vous demande :
1
– un plan détaillé des 2 secteurs ; ensuite comme matériel :
des bois de fascinage, des piquets, des
rondins, des madriers, des schillitages, des rails, des tôles, des cadres de
G.M et de GG, des planches de ciel et de coffrage, etc… Ce qui me presse le
plus, c’est pour les bris, des cadres et des planches. Pour les tranchées, des
gaulettes pour revêtements.
De
tous les côtés, on me demande du matériel ; ce soir je dois voir pour la
construction de deux abris de mitrailleuses assez élevés- contre le gaz- pour
la construction d’un poste d’observation d’artillerie en 1ère ligne ; pour des
postes de guetteurs, etc… Avec cela piquetage de la ligne de contre-attaque,
visite des secteurs et des travaux en cours. C’est à en perdre la tête ! Et les
paperasses ! Le colonel vient de remodifier un peu tout au sujet de la direction
des travaux, en ce qui concerne l’entretien des boyaux, de la ligne de soutien,
etc… J’espère que cela va marcher ; du reste je joins son rapport à ma lettre.
Vous voudrez bien me le retourner le plus tôt possible ;
Pour
les tampons masques, il vaut mieux que vous m’en envoyez quelque uns que d’en
demander ici. Je les prendrai au magasin et en cas de besoin, serai certain de
les avoir. »
Signé
D. SIC.
Colin, son petit-fils, nous dit fin 2020 :
Vous pouvez publier ce carnet et ses notes sur
votre site, car je pense qu’ils méritent d’être communiqués à un public plus
large.
En plus de ce carnet, mon grand-père Désiré SIC a
réalisé plus d’un millier de photos durant la grande guerre, essentiellement
sur plaques de verre, et a accumulé une masse importante de documents, vous en
trouverez une petite sélection.
L’essentiel a été mis en dépôt aux archives
départementales de Haute-Provence, son département de naissance.
264… Carnet de guerre d’Émile SIVIARD, sergent au du 327e régiment
d’infanterie
Pendant la retraite,
Aisne, 30 août 1914.
« L’espion
(car s’en est un) est interrogé par un commandant d’artillerie. Habillement
cuisiné, il finit enfin par avouer. Il nous suit depuis notre arrivée dans
l’Aisne ; en Belgique faisait partie d’une bande qui indiquait nos positions la
nuit à l’aide de signaux lumineux :
«
Je vous l’abandonne » dit le commandant. :
Au
même instant, d’un coup à revers, un artilleur ouvre la gorge du bandit d’un
seul coup de couteau. Il tombe inondé de sang ; ceci ne fait qu’exaspérer les
hommes au souvenir de ce que nous avons enduré à cause de ce bandit.
La
scène est atroce ; un fantassin lui envoie un coup de baïonnette. Les paysans
avertis arrivent bientôt ; ils sont plus acharnés encore. Vite ils prennent une
botte de paille ; le feu est mis et l’espion grille vif. Ils le retournent à
l’aide de grands crochets en lui lançant les pires injures. La scène est
affreuse ; on voit les membres qui se recroquevillent. Tout à coup une
détonation. Le monstre avait caché des balles de révolver dans ses bottines ;
elles éclatent sous l’action de la chaleur. Quoique scène sauvage, chacun la
regarde, impassible..»
Des combats meurtriers de la ferme de Lenne en
Belgique, de la bataille de Guise, des combats autour de Sézanne (51), les
fusillés de Verdey, la bataille pour Reims fin 1914…
263… Carnet de guerre de Roger LACOSTE du 52e régiment d’artillerie de campagne.
Châtelraould, 8
septembre 1914.
« Le maître-pointeur de la 2ème pièce,
sans aucun commandement, pointe sa pièce, tire au milieu d'eux environ à 600
mètres et fait plus de 100 victimes en une dizaine de coups de canon. Il est
ensuite aidé par la 1ère pièce, et grâce à leur sang-froid, on réussit à faire
reculer peut-être un bataillon ennemi, qui pouvait nous faire tous
prisonniers.»
Un artilleur au cœur la bataille de la Marne …
262… Carnet de guerre de Lucien BORIES du 59e régiment d’infanterie
Resson, Meuse, 24
décembre 1917.
« Repos, la neige tombe en abondance. Le soir,
nous faisons un petit réveillon. Omelette, saucisses, pâté, huitres 7
douzaines, poulet, gâteaux. Vin fins (2 graves et 3 bordeaux) et vin ordinaire
(8 litres). Le tout à 7 convives. Vin chaud.»
Mitrailleur, puis sapeur, puis artilleur de
tranchée à la compagnie hors-rang du 59e régiment d’infanterie…
261… Carnet d’Armand POULAIN du groupe territorial du 1er régiment d’artillerie à pied.
Route de Menin,
Belgique, novembre 1914.
« Vers neuf heures, nous sommes partis
sur la route de Menin pour mettre en batterie. Les obus éclate continuellement
à droite et à gauche de nous.
C’est
là que j’ai vu pour la première fois, à la ligne de chemin de fer, sept
français tués et autant de chevaux.
Toujours
le 3, un obus a éclaté à six mètres de moi, heureusement que j’étais couché.»
Très court carnet, mais avec une liste de noms
d’artilleurs qui peut être intéressantes pour des recherches…
260… Carnet de guerre de Jean LUPIS, 57e et 18e régiments d’artillerie de campagne.
Arras, Artois, 7 août
1915.
« À 20h, quittons Berneville pour aller prendre
position à Arras, 27 rue de Cambrai.
Très
mauvaise position. Mais bien retranchés, à 600m des 1ères lignes. Cantonnons
dans des caves, lits de milieu, pendules, salons, pianos, salle à manger,
services de table, fauteuils, canapés, soirées dansantes, BUADOUILLE déguisé et
photographié en préfet de police. »
Champagne, Artois, Verdun, Belgique : la vie et la mort au
front d’artilleurs d’une batterie du 18e régiment d’artillerie de campagne…
Mont Kemmel, Belgique,
mai 1918.
« Duel d’artillerie. Beaucoup de brûlures
par les gaz, poumons ou parties sexuelles. Les 2/3 au moins sont hors de combat
et quelques-uns évacués. Je suis moi-même brûlé dans le dos et aux parties
sexuelles, mais je ne vais pas à la visite. On n’a pas encore trouvé de remède
efficace à ces brûlures. (…) Très peu de servants sont capables de servir les
pièces. On refuse de les évacuer et on comprend qu’il faut tenir ici malgré la
pénurie de personnel. »
Champagne, Italie, Belgique voilà les combats
racontés dans son journal.
Journal et album-photos qui ont été vendus par le
petit-fils sur Ebay….L’acheteur a au moins permis de sauver ces écrits. Merci à
lui.
258… Carnet apocryphe du soldat Louis DUCHESNE du 1e régiment d’infanterie coloniale
Thonnelle, le 19 août
1914.
Mes chers parents,
« Je
profite d’un instant où l’on est au couvert pour vous envoyer de mes nouvelles.
Il
y a 3 ou 4 jours que je vous ai envoyé une lettre. Je
pense que vous l’avez reçue. Je vous assure que la guerre ça n’est pas gai.
L’on cantine un peu partout, plus souvent dehors que sous le couvert. Nous
arrivons encore de coucher dans une forêt. Les nuits ne sont pas bien chaudes.
Nous voyons beaucoup d’aéroplanes allemands qui passent au-dessus de nous. La
mitrailleuse tire dessus mais ne peut pas les atteindre, car ils sont trop
élevés. J’ai envie que tout ça soit terminé je vous l’assure, car c’est très
fatiguant. Que si je m’en reviens, je me rappellerai de l’année 1914.
Je
termine en vous embrassant tous bien fort ainsi que ma marraine.
SVP…
Ne vous faites pas trop de chagrin. Votre fils qui vous aime.
Louis »
12 octobre 1917, secteur d’Okrida, Serbie
« Marche sous une pluie
battante. Oh ! La sale journée. Nous faisons 30 km rincés jusqu’aux os.
J’arrive exténué. Un de mes camarades est malade.
Il reste un peu en
arrière. Je reste avec lui avec le troisième copain habituel. Le
lieutenant-colonel vient à passer. Il nous demande pourquoi nous restons
derrière, puis se met à nous « habiller » en termes peu choisis. Vraiment, il y
a des moments où le métier militaire est écœurant. Un homme est moins regardé
qu’un chien. Ce colonel n’a donc pas d’enfants pour causer de la sorte.
Arrivons sur le soir
complètement trempés. Couchons dans une maison. »
Carnets
de 1916 – 1919 : France – Grèce – Serbie - Albanie – Roumanie – Les
mutineries en Russie. Quel périple !
256… Carnet de guerre de Gaston BÉCARD aux 31e, 342e et 81e régiments d’infanterie
Fin janvier 1915, secteur d’Ypres, Belgique
« Travaux de
propreté. On a de la boue jusqu'aux épaules, on la gratte au couteau et passons
ainsi la journée à se faire sécher. (…)
Revue par le colonel et
présentation du drapeau dans la cour de la caserne d’Ypres.
Les aéroplanes allemands
évoluent au-dessus de nous. Les bombes leur tombent derrière mais jamais
dessus.
Nous rentrons au
cantonnement après le discours du colon qui n'est pas émouvant. Il nous dit
juste ‘’ qu'il faut mourir pour le drapeau parce qu'il a fait le tour du monde
‘’. Quelle bêtise au 20ème siècle ! Vaudrait mieux qu'il n'aille pas plus
loin.
Nous rentrons au
cantonnement alors défense de sortir. »
255… Carnet de guerre de Joseph CROUSILLAT du 7e régiment de génie, compagnie 15/12
6 septembre 1914, secteur de St Mihiel, Meuse
« Là, çà été une
débandade. Les obus nous pleuvent comme de la neige et dans ce moment nous
avons perdu un sergent et 3 hommes morts et crois-moi que c’est dur de voir
mourir ses camarades et vous disent des paroles à vous crever le cœur ; ce
pauvre sergent (Paul DON) qui disait :
« Non, je ne veux pas
mourir ; que vont devenir ma femme et ma fille ? »
C’est terrible. »
Joseph CROUSILLAT, clairon-sapeur-mineur, raconte
ses 3 premiers mois de guerre avant sa blessure : la joie, la retraite,
les désillusions…
254… Lettres de guerre du lieutenant-colonel GRAUX commandants les 125e et 60e régiments d’infanterie
30 décembre 1915, Aisne, près de Soissons
Ma chère petite Marcelle,
« Je viens te
rappeler que je compte sur toi, sur ton bon petit cœur, pour mettre un peu de
fête dans la maison. Égaie ta sœur, distrais ta maman ; tu peux être sûre
que de loin j’entendrai votre rire et que j’en serai réconforté : rien ne
me fera plus de plaisir ; la jeunesse doit être gaie et quand tu te
sentiras triste, prends sur toi…
La maison où j’habite a
été occupée pendant 2 jours par les Allemands : ils ont volé toutes les
couvertures, les édredons, conserves, confitures, vin. Puis les Anglais sont
restés 3 semaines ici : le général FRENCH a habité la chambre où je suis.
On ne se plaint pas trop des Prussiens, qui n’ont rien brûlé, ni brisé (sauf
les portes des armoires) – Quant aux Anglais, on les a trouvés un peu
sans-gêne. Je t’embrasse, ma petite fille chérie, de tout mon cœur et bien
tendrement. »
Georges GRAUX est né à Rennes le 6 juin 1860. Il a
la vocation militaire, entre à St Cyr (1881 – 1883), promotion « Égypte » et
sort dans l’infanterie. En 1889 il est détaché au service géographique de
l’armée pour établir des levers topographiques en Algérie et réalise en
parallèle un album de photographies.
Puis Amiens, St Nazaire au 65e d’infanterie,
capitaine au 41e à Reims, Major à Sedan au 147e, chef de bataillon au 88e
d’Auch.
Georges est lieutenant-colonel au 135e d’Angers au
début de la guerre.
253… Carnet
de guerre de Constant DELATTRE des 84e et 299e régiments d’infanterie
Lassigny, Somme, 15 août 1918
« Vers le jour, continuation de bombardement,
la 18e compagnie va se poster en avant vers 5 h du matin – Nous occupons la
tranchée des Chasseurs, tout le bataillon se porte en avant… »
Constant DELATTRE est au 84e RI, il part pour la
Grèce en 1917. Malade, rapatrié, il passe mitrailleur au 299e RI et participa
aux batailles de l’Oise en 1918. Son petit-fils a retracé son parcours. Le
carnet est présenté en version brut et non recopié.
252… Carnet de captivité de Louis CHEVREAU du 213e régiment d’infanterie
Camp de Bonne Goutte, Hartmannswillerkopf, 9
septembre 1915 à 9 heures du matin
« Ma compagnie quitte le camp de Bonne Goutte
pour aller à la tranchée.
À 4 heures, le bombardement commence, nous restons
dans un abri qui résiste très bien.
À 4 heures 50, nous voyons la fumée, nous nous
disons que ce sont les gaz mais tous nous respirons le goût. Nous disons tantôt
c’est du pétrole tantôt c’est du goudron. On regarde, on dit c’est le feu, ça
ne dure pas longtemps.
Le bombardement dure toujours. Un instant plus
tard on crie « à la tranchée ». (…)
Peu de temps après nous entendons les Allemands
dans la tranchée. Nous restons un instant.
Mais tout à coup l’ennemi frappe à la porte. Si
l’on n’ouvre pas, il nous jette une bombe … On se décide d’ouvrir, il nous crie
de sortir, personne ne comprend, on ne sort pas.Il nous tire un coup de fusil,
personne n’est touché. Nous sortons, il nous dit : « kamarade file
vite ».
Louis CHEVREAU rédige un carnet de captivité au
camp de Mannheim. La centaine de colis qu’il reçoit en 1915 et 16 est
minutieusement répertoriée.
251… Carnet de campagne de Clovis MUFFAT-JOLY
Sapicourt (Marne), 27
mai 1918
« À 1 heure du matin déclenchement de
l’offensive allemande, bombardement, marmites et gaz asphyxiant, commencement
de la retraite française, retour du groupe à Savigny (Marne).
Retraite. »
Clovis MUFFAT-JOLY est passé par les 3
armes : Cavalier, puis infanterie puis artilleur… Son carnet de campagne,
néanmoins intéressant, est la succession des lieux traversés.
250… Carnet
de route de Jean Louis VALEILLES du 22e régiment d’infanterie coloniale
Moulin de Laffaux
(Aisne), 16 avril 1917
«L’attaque échoue, les vagues d’assaut sont
fauchées ou battent en retraite. Les chefs sont tués, le désordre et la pagaille
commencent à régner. Les renforts n’arrivent pas ; moi et ma pièce nous avons
passé les fils barbelés. On ne s’est pas aperçu à temps du mouvement de repli
et à 10h nous avons été enveloppés par les Allemands et faits prisonniers un
peu à droite de Laffaux.
Nous avons dû passer toute la journée entre la
1ere et la 2eme ligne allemande sous notre propre bombardement, où le chef de
ma pièce, le caporal François PRÉAU, a été tué par une mitrailleuse, et ce
n’est que vers les 8h du soir que nous avons été conduits au poste de
commandement allemand dans une belle carrière très bien aménagée et où ils ont
eu soin de nous enlever toute la correspondance… »
Après sa grave blessure au poumon Jean Louis
VALLEILLES repart au front au 22e colonial : Carnet de route, les
déplacements et quelques détails sur sa capture.
249… Cahier de Chansons et de poèmes de Jean Marie DUCLOS du 68e
régiment d’infanterie
Issoudun le 17 août
1897, discours du lieutenant E. du FAY DE CHOISINET pour le départ de la classe
1894 du 68e régiment d’infanterie
«Enfin mes amis, si vous, m'en croyez,
occupez-vous le moins possible de politique. Vous avez mieux à faire que de
vous m'étiez à des discussions où le plus malins ne comprennent rien ou peu de
chose si vous avez des idées personnelles, sachez de les conserver saines. Mais
m'espérez pas de les faire partager à votre voisin, vous perdriez beaucoup de
temps et sans résultat.
La politique à la ville comme à la campagne et une
cause de division dont vous n'avez nul besoin. Respectez les conditions de
chacun, notez suivant votre conscience et vos goûts et tenez-vous en-là, ne
prenez pas surtout pour parole d'évangile tout ce qui est écrit et méfier vous
des gens qui parlent fort et font miroiter à vos yeux mille choses merveilles
et irréalisables. On ne présente ordinairement à l'alouette un beau miroir que
pour mieux la fusiller, si vous êtes l'alouette fuyez le miroir.
Je terminerais par là.
En quittant le régiment nous n'abandonnez pas vos
armes pour toujours plusieurs fois encore réserviste et territoriaux. Vous le
reprendrez et vous reviendrez parmi nous saluer votre drapeau. Vous êtes
jeunes, vous verrez de graves évènements.
En ce jour de frisson général où le tocsin se fera
entendre d'un bout à l'autre de la France, vous accourez pleins d'une sainte
ardeur vous rangez sous ses plis et se sera d'un cœur bouillant de patriotisme
que votre classe, heureuse de se retrouver entière réunie, pour marcher à
l'ennemi.
S'écrier en face du danger. « Vive l'armée
Française ».
Dès 1877, les élèves de cours moyen apprennent à
lire avec un manuel sans cesse réédité : " Le Tour de France par deux
enfants ".
C’est dans ce contexte que Jean Marie DUCLOS a été
éduqué en chrétien, soldat et patriote envers sa patrie de toujours : la
France. On le voit dans les chansons chantés par les soldats pour exaltés le
patriotisme, l’obéissance, l’amour de la France et désigner l'ennemi :
L'Allemagne et les régions perdus : L’Alsace et la Lorraine.
Secteur de Flavigny, le
25 août 1914 :
« J’ai vu des hommes jeter leur cartouches, leurs
sacs, leur fusil dans les fossés bordant la route pour pouvoir suivre, mais il
y en a la dedans beaucoup d’hommes qui sont affolés et fuient ; Beaucoup
descendent de Morhange plateau où les Boches nous ont durement accueillis par
un terrible bombardement.
Ils sont du midi et les officiers mêmes
abandonnent leur harnachement pour fuir plus vite.
Certains disent qu’on les a sacrifiés menés à une
boucherie. Mais ceux-là n’ont aucune blessure et questionnant chacun j’apprends
que les hommes blessés que j’ai vu revenir sont ceux des régiments de l’Est, du
Nord et de l’Ouest qui étaient au centre de l’attaque et qui se sont vus
encerclés par les Allemands parce que le régiment du midi qui étaient sur les
ailes avaient fui comme des lapins sans combattre aussi est ce avec haine
qu’ils se regardent. »
Lorraine, Flandres, Belgique, Artois, cycliste de
l’état-major, puis artilleur de crapouillot en tranchée d’Artois. Le 30 mai
1915, il décrit avec effroi la folle attaque du 205e régiment d’infanterie vers
les tranchées allemandes du fameux « Labyrinthe ».
247…
Carnets
de guerre d’Alfred René FAILLE, sergent au 410e régiment d’infanterie
Ouvrage du Caméléon,
Champagne, le 30 mars 1916 :
«Un quart d’heure après, j’étais à bout de force,
la tête en feu, mes épaules douloureuses pliaient, et le plus fort n’était pas
fait. Restaient à franchir les pare éclats de la première ligne. Là, j’ai pensé
défaillir car je commençais à vaciller sur mes jambes moins vives. La fascine
longue de près de 3 mètres ne pouvait passer dans ces lacets étroits, elle
s’immobilisait dans les coins, et il nous fallait alors la soulever au-dessus
des hauts parapets. Nous arrivions heureusement, cela me stimulait et,
m’arcboutant contre la muraille de craie, grinçant des dents, les bras tendus,
on passait quand même. La tête de la corvée revenait sur ses pas, et quel
soupir de soulagement en déposant ma charge.…. »
Centre Payen,
Champagne, le 18 avril 1916 :
« Il vous arrive avec un sifflement lugubre
comme un lourd oiseau de proie, semblant choisir sa victime, se balançant dans
l’air, et tout d’un coup s’abattant brusquement. Il parait que le jour on peut
les suivre dans leur trajectoire, et c’est cela je crois qui doit affoler le
plus…» (…)
Il faut bien passer le temps, éviter l’ennui et le
cafard qui vous guettent. Les correspondances viennent à propos pour nous
changer les idées. C’est un rayon de soleil dans notre triste vie de sauvage,
une consolation, un soutien dans nos moments d’énervement ou d’abattement. En lisant
ces petites lettres d’un frère, d’un parent ou d’un ami, le poilu quitte par la
pensée, et pour un moment, les gourbis, les tranchées et les boyaux pour se
rapprocher de celui qui lui envoie de ses nouvelles, qui lui adresse quelques
lignes d’espoir, d’encouragement. C’est pour lui quelques moments d’une vie
faite de souvenirs qu’il prolonge à loisir en répondant à ces lettres …
Sa première arrivée aux tranchées à l’ouvrage du
Caméléon, les corvées nocturnes en premières lignes : description minutieuse
sur le carnet d’un instituteur : ce qu’il voit, ce qu’il ressent, ce qu’il
ne voit pas, ce qui l’inquiète, ce qui l’encourage…
246…
3
carnets de guerre d’Arsène LERIDON du 72e régiment d’infanterie territoriale
Août 1915, Somme :
«Ribécourt est une commune assez importante, c’est
canton. Tout le bourg est presque détruit. Les allemands y ont habité pendant
quelques mois et nous l’avons repris. Depuis il bombarde assez fréquemment ce
pays. Les maisons sons à moitié détruites. Les habitants, surpris, ont laissé
tout dans leurs maisons à la merci de tous. Tout n’est que pillage, tout traîne
par les places. Il faut monter sur le linge de corps ou literie pour
avancer…. »
Fort de Tavannes, mars
1916 :
« À 4 heures du matin, rien encore d’arrivé.
Qu’est-ce qui se passe, en voilà plusieurs qui arrivent tout en sueur, plein de
neige, il y avait 5 centimètres de neige. Cette nuit-là, ils nous disent que
personne n’a pu approcher du fort tellement il était bombardé. Il a fallu
qu’ils laissent les munitions dans un fossé à quelques cent mètres du fort.
Un autre arrive, nous dit qu’un de nos camarades a
été tué par un obus. Ils étaient couchés tous les deux dans un trou d’obus, il
a voulu porter secours à son camarade qui était près de lui, mais hélas il
n’était plus qu’une bouillie. Il a fallu renoncer à l‘apporter. »
Tilloloy, somme,
décembre 1915 :
« Un homme de la 10ème compagnie se hasarde à
aller chercher un cadavre français au-devant des fils de fer allemands. Il
monte sur la tranchée et va droit au cadavre. Pas un soldat allemand ne tire, arrivé
au cadavre. Les allemands remontent par-dessus la tranchée, puis il leur fait
signe de venir. Plusieurs viennent près de lui, puis dans l’espace de cinq
minutes, il se trouve une vingtaine d’allemands et de français sur la tranchée,
à se parler ou plutôt se faire des signes pour se comprendre.
Ils échangent du tabac même ils essayent leurs
casques. Un capitaine du 71 leur parle en allemand. »
Des écrits de 1914 à 1917 réunis dans 3
carnets : Somme, Oise, Verdun…Description de
nombreux villages détruits, les bombardements continuels, les corvées, la
fraternisation de décembre 1915, les préparations pour les attaques au gaz…
245…
Souvenirs de guerre du
caporal Louis MERCY du 149e régiment d’infanterie
«Les journées suivantes se sont passées
tranquilles ; ensuite nous sommes relevés pour un repos de 6 jours. Nous
cantonnons à Ciry-Salsogne, 10km environ de Soissons. Ces jours ne sont pas de
détente ; les journaux annoncent des mutineries dans l’armée, nous sommes
consignés dans notre cantonnement.
Le 158ème RI qui fait division avec nous, refuse
de remonter en première ligne.
Ma section est de garde aux issues du patelin,
mais rien n’est venu troubler notre secteur. Nous apprenons que l’aumônier du
158ème a réussi à calmer leurs esprits et à ranimer leur courage. À leur tête
il les entraîne relever leurs camarades des premières lignes. Cette nuit même
de la relève, il est tué par un éclat d’obus. »
Souvenirs de ses classes, Le chemin des Dames, la
bataille de Malmaison, Le combat d’Orfeuil…
244…
Carnet
de guerre du lieutenant HERBILLON du 306e régiment d’infanterie
« Je me
suis livré aujourd’hui à d’amères réflexions sur mes semblables que la
civilisation n’a pas rendus meilleurs. Aussitôt que l’homme est livré à ses
instincts, (et la guerre lui en donne l’occasion), il ne pense qu’à la ripaille
et à la rapine. Il ne faut rien moins que la crainte de représailles sévères
pour le forcer au respect. Malheureusement, en France, et en particulier dans
nos formations de réserve, la discipline est fort relâchée, aussi voit-on des
choses écœurantes. Des paysans (bien mal inspirés, j’en conviens), nous disent
qu’ils ont eu moins à se plaindre du séjour des Allemands que du nôtre. On ne
peut que rougir de ce témoignage. Ce n’est pas que l’Allemand vaille mieux que
nous, loin de là, si par moments, il est plus honnête, c’est qu’il plie sous
une discipline de fer. »
243…
Carnet de guerre d’un
inconnu des 119e et 319e régiments d’infanterie
« Enfin au cours de cette permission, j’aurais le
bonheur de voir se signer l’armistice le 11 novembre à 11 heures. Le cauchemar
est fini. Est-ce enfin possible.
Le martyr est consumé. Il reste de tout ceci l’égoïsme
de vivre mis à part une grande détresse morale, l’horreur de la guerre. Les
choses honteuses que j’ai vues.
La pensée s’est usée au cours de ces secousses
diverses. Je suis maintenant une brute, une brute qui a honte de ce qu’on lui a
fait faire. Je retire de là un profond dégout de l’humanité et la haine du
militarisme. »
Carnet retrouvé dans une
malle – Sans nom – Sans photo… Après de laborieuses et fructueuses recherches
de Philippe S. nous pensons avoir identifié le rédacteur : Soldat LOUAIL
Pierre Henri…
Pascal, le propriétaire
actuel du carnet veut rendre ces souvenirs aux éventuels descendants…
242…
Carnet de route de
Louis FAURE du 47e régiment d’artillerie
18 avril 1917, Chemin
des Dames
« Naturellement rien à manger. Les vivres de
réserve sont absorbés depuis le matin et on parle de ne rien toucher d'ici
trois jours. C'est le moment de s'abattre sur ce qu'on trouve. Pour ma part je
fais une razzia de biscuits barbotés de-ci de-là. Je ne mourrai tout de même
pas de faim. Mais quelle pénible impression de se retrouver dans ses anciens
cantonnements quand on croyait si bien coucher le soir en terrain reconquis.
C'est l'abattement complet.
Je comprends facilement que par la suite plusieurs
régiments se soient mutinés. Rien n'est aussi déprimant qu'une telle séance,
surtout quand on ne fait rien pour relever le moral du poilu - au
contraire. »
241…
Souvenirs de guerre
de Marie FUINEL
du 23e, puis 102e
régiments d’infanterie
Après sa blessure en
gare sanitaire de Bruyère, le 16 septembre 1914
« Mais quelle horreur dans les gares proches du champ de
bataille ! Des tas de blessés, quelques-uns affreusement mutilés, sont couchés
n’importe où et n’importe comment. Ils gémissent mais personne ne semble les
entendre. Le major est surmené et il les regarde méthodiquement, l’un après
l’autre. Beaucoup de ces malheureux expirent ici dans d’horribles souffrances.
Quelques-uns sont légèrement blessés, et ils sont évacués tout de suite.
D’autres se sont mutilés. Le major les envoie impitoyablement au peloton
d’exécution.
A Bruyères, on forme le train des blessés, nous restons 24 h
dans le train avant qu’il ne parte. »
240…
Journal de
guerre de Théophile JOUSSEAUME
du 64e régiment
d’infanterie
Maissin, Belgique, 22
août 1914
« Là notre artillerie se fit entendre, ça venait de
devant, de derrière, ont été assourdis, c’était une fumée de poudre de tous
côtés, à la fin de la journée les clairons sonnent la charge à la baïonnette
pour chasser définitivement la position de l’ennemi. »
« Là, je me relève à moitié étourdi car je me demande
comment je faisais pour me trouver encore vivant, car de chaque côté de
nombreux copains étaient inanimés, la scène fût touchante, les clairons
sonnaient la charge, des cris de en avant à la baïonnette se répétaient de tous
côtés en se mêlant aux cris déchirants des blessés. Les deux clairons de ma
compagnie furent tués en sonnant la charge à chaque pas que l’on faisait on se
heurtait dans les morts ou les blessés, malgré tout nous marchions toujours sur
la lisière du bois en fuyant devant nous comme des lâches, mais sur deux cent
soixante que nous étions avant à la compagnie, deux heures après nous étions
que cent trente sur le champ de bataille. »
Il raconte les combats
sanglants de Maissin, de Bulson au mois d’août 1914, puis ceux de la bataille
de la Marne : la Fère-Champenoise, d’Écury-le-Repos et ceux du secteur
d’Hébuterne, Serres, La Boisselle…
239…
Carnet de guerre et album
photos de Pierre Charles HUET
du 22e régiment
d’artillerie
Verdun, 8 avril 1916
« Cette route fut terrible. Il faut y avoir passé en
plein jour pour savoir.
Être dans un bois ou tous les arbres sont cassés, déchiquetés
; une route à peine reconnaissable que par le nombre de chevaux morts, voitures
cassées etc…Les obus arrivent dans toutes les directions aussi pour passer il
faut prêter grande attention au sens des arrivées d’obus : ne pas craindre de
faire des plats-ventre.»
Pierre HUET nous a
laissé son carnet de guerre et un album-photos. Verdun, puis la Grèce, Serbie,
Roumanie…
238…Carnet de campagne du gendarme Clovis POREAUX
Gendarme cycliste à
la brigade de Comines (59, 1ere légion de gendarmerie
Lille, rue Marquillies,
le 3 octobre 1914
« Je fais aussitôt feu. Le cheval tombe. Son cavalier
peut néanmoins se relever et prendre la fuite.
Je continue à tirer, ainsi que mon camarade DUJARDIN, arrivé à
mon aide. Plusieurs autres cavaliers allemands galopent dans les champs lorsque
le 2ème et son cheval sont à nouveau abattus.
Nous courrons pour les capturer, mais à ce moment les autres
cavaliers étant devenus menaçants, et craignant d’avoir notre retraite coupée,
nous jugeons prudents de nous replier en abandonnant nos ennemis blessés.
Clovis POREAUX est né au
Nouvion-en-Thiérache (02) en 1876. Il est gendarme dans le Nord, tout près de
la frontière belge. Il retraite vers Pontoise avec sa brigade, et reviens en région
Lilloise juste avant la prise de cette ville par les Allemands. Ce document est
rare car il est écrit non par un poilu mais par un gendarme et donc son rôle
durant le conflit est différent.
Ensuite il y a un côté «
journal » : il nous détaille pendant presque 7 mois les déplacements quotidiens
de son escouade. Il « suit » l’armée sur les champs de bataille de la
Marne. Les Allemands étaient le 3 septembre 1914 à Valmondois quelques km au
nord de Pontoise, le saviez-vous ?
237…Carnet de guerre, souvenirs d’Émile MILLE
Soldat
au 128e régiment d’infanterie
Pargny-sur-Sault (55),
le 7 septembre 1914
« A plusieurs reprises, entre deux feux, nous traversâmes
le jardin du château, et l'on allait chercher le champagne et toutes les
liqueurs du château. Nous rapportions le tout dans la tranchée. Je n'ai jamais
bu tant de champagne de ma vie. Il fallait faire vite pour courir à ce château.
Je me rappelle que nous étions dans la cuisine lorsqu'un obus démolit un coin
du toit. (…)
La gare était rouge de sang. Sitôt qu'un de nous se levait des
rails, il tombait pour ne plus se relever. Je vis la cervelle d'un de mes
camarades jaillir sur le quai. Je devins pâle. Le cœur me manqua de voir tant
de sang. Le quai était jonché de cadavres »
Émile MILLE, 21 ans en
1914, il se trouve sous les drapeaux au 128e régiment d’infanterie quand la
guerre éclate. Son récit, ses dessins sont d’une poignante vérité. La
description des combats à Fontenois (Ardennes) et à la gare de Pargny-sur-Saulx
(Marne) sont d’une intensité remarquable.
236…
Carnet
de guerre de Gaston MAGNIEN
Soldat
au 69e régiment d’infanterie
Pommier (62), le 2
novembre 1914
« À signaler la frousse du capitaine qui, aussitôt
l’ordre de relève, part avec la liaison sans s’occuper de ses hommes restés
dans les tranchées.
Il parait qu’à chaque distribution, ce joli coco prend un ou
deux litres d’eau de vie et le reste à proportions. Il n’est pas étonnant que les
hommes soient si mal nourris car du haut en bas de l’échelle des gradés, il y a
un gaspillage éhonté.»
Louis Émile Gaston
MAGNIEN, cultivateur, est né le 26 août 1880 à Doncourt, en Haute-Marne. Il
intègre le 69e RI.
L’Artois (combats de
Monchy-au-Bois), puis la Belgique, retour en Artois où il sera tué à
Neuville-St-Vaast en mai 1915.
235…
Notes
de guerre du caporal Élie HARTÉ
Village de Douaumont, le
2 mars 1916, 3h du matin
« Le sous-lieutenant appela ses gradés, sur toute la
section nous restions deux caporaux et vingt-quatre hommes, il nous dit que
nous avions tous fait l’impossible pour résister, que les autres compagnies
étaient faites prisonnières ou démolies, nous étant cernés nous serions
massacrés ou pris dans la soirée.
Il ne nous restait plus qu’à attendre les événements, puisque
nous n’avions plus de munitions et pas de moyens pour se retirer à l’arrière
. »
Élie HARTÉ, menuisier,
est incorporé pour son service militaire en décembre 1914 au 50e régiment
d’infanterie, il passe à la fin de sa formation au 73e RI en mai 1915, puis de
suite au 33e RI, 10e compagnie, avec lequel il rejoint le front. Le capitaine
commandant de cette 10e compagnie du 33e RI se nomme Charles DE GAULLE…
234…Dernière lettre de Paul TAPIE
Soldat
au 2e régiment d’infanterie
Nord d’Arras, Artois, 6
juin 1915
« Nous avons eu du reste pas mal de victimes sans
attaquer. Pour ma part, mon fusil est cassé en deux et le canon tordu au milieu
du fût. C'était encore mon fusil de famille, celui qui a descendu la rue des
Juifs un petit drapeau et des fleurs dans le canon sur mon épaule aux accents
du chant du départ. Ça m'a fait de la peine de le remplacer.
La courroie de la musette à cartouche que ma mère m'a faite
est percée par une balle de shrapnell ma gamelle aussi, ma toile de tente est
en loque et moi je suis indemne. »
La lettre de Paul TAPIE
est datée du 6 juin 1915, c'est à dire 10 jours avant sa mort dans un hôpital.
Le régiment a perdu plus de mille hommes dans les combats des 16 et 17 juin
1915.
233…Carnet
de guerre de Jean PICOU
Maréchal-des-Logis Chef
au 3e régiment d’artillerie
Rhodes,
Moselle, 19 août 1914
« Au départ de Rhodes, nous rencontrons 7 à 8 ambulances.
Les unes transportent des cadavres français qui seront inhumés à l’arrière les
autres transportent des blessés.
L’un à la tête enveloppée de toute part et souffre
horriblement, l’autre est atteint à la poitrine, aux bras, aux jambes. C’est
encore un blessé qui pousse des cris déchirants, il a le pied emporté et
malheureusement il ne pourra échapper à l’amputation de son membre.
C’est ensuite un convoi de 300 blessés qui plus heureux dans
la souffrance que leurs camarades peuvent se retirer à pied à l’arrière de la
ligne de feu. (…) Quelques-uns qui n’ont pu supporter leur transport à
l’arrière sont morts sur ce modeste char. Leur corps recouvert de leur capote
repose à côté des autres blessés qui furent jadis leurs compagnons d’armes.
Le spectacle est navrant et les yeux se mouillent à la vue de
ce triste tableau. »
Jean PICOU sera tué par
une balle qui provoque une « fracture de l’étage antérieur de la base du
crane » . Il sera déclaré non-mort pour la
France. Pourquoi ?
Il est quand même inhumé
dans une nécropole militaire…
232…Carnet de guerre de
René PIERROT
Médecin-auxiliaire
au 3e bataillon du 171e régiment d’infanterie
Ostel, Chemin des Dames,
23 avril 1917.
« C’est devant Ostel du nord, et à l’ouest dans le ravin
de la ferme Gerleaux que je continue les notes de guerre.
Nous sommes installés dans une cagna d’officiers artilleurs
boches. Il y a lits, poêle, chaises et table, assiettes, flûtes et coupes et
l’électricité. J’ai remplacé par un accu boche la dynamo en panne avec ma lampe
de poche pour l’ampoule. »
René PIRROT a été
mobilisé le 1er septembre 14 comme infirmier, puis il sera nommé
médecin-auxiliaire le 3 juin 1915, médecin sous-aide-major le 18 août 1917 et
enfin médecin aide-major le 10 novembre 1918.
Le petit carnet renferme
ses souvenirs de la bataille du Chemin des Dames et de la seconde bataille de
la Somme et en ce centenaire de la grande guerre Sylvaine est heureuse
de partager ces écrits.
231…carnet
de guerre de Prosper FRÉMINET
conducteur au 156e régiment d’infanterie
Gizaucourt,
Marne, 15 novembre 1915.
« Le 13, la neige fait son apparition, il fait un froid à
ne pas y tenir, nous gelons sous les tentes. On parle de faire des abris pour
les chevaux et nous n’avons rien. Pour avoir coupé un mauvais un mauvais sapin,
une vache de lieutenant de gendarmerie nous menace du conseil de guerre, c’est
terrible de voir chose pareille.
On le souhaite crevé..»
Prosper est conducteur
(hippomobile) du train de bataillon ou du train de combat.
230…Carnet de guerre
de René BRISSARD, aspirant, puis lieutenant
à la compagnie de mitrailleuses du 409e régiment d’infanterie
Villers-sous-Châtillon
(Marne), lundi 4 juin 1917
« Ce matin, [le général] SCHMIDT réunit tous les officiers et sous-officiers du 409 et
du DD. C'est à cause du moral.
On voit qu'il compte surtout sur les sous-offs pour le
remonter. Il dit que la guerre doit être poussée jusqu'à la victoire et exhorte
tous les officiers à donner l'exemple.
Dans la tranchée, on n’en voit pas tant qu'ici.
Enfin, cette conférence donne l'impression que le gouvernement
à une trouille épouvantable et craint un mouvement. Les grosses têtes ont peur
de sauter. Je suis très content d'avoir assisté à cette réunion car elle montre
la crainte que les supérieurs ont du soldat.
L'heure est très grave
: peut-être sommes-nous arrivés à un instant décisif. Le tout est de savoir si
ces craintes se réaliseront. »
Au travers de ses 7
carnets de guerre (dont 5 sont parvenus jusqu’à nous) René BRISSARD nous fait
vivre ses 1104 jours sur le front.
229…carnet
de guerre, poèmes et chansons d’André DURAND
Brancardier-musicien au 69e régiment
d’infanterie
Sailly-Saillisel, Somme, 29 novembre 1916.
« A
20h nous relevons le 418e RI, nous passons à Maurepas, Combles, Frégicourt et
nous arrivons devant Sailly-Saillisel ; où le régiment prend les tranchées :
par un temps affreux ; de l’eau et de la boue jusqu’au ventre. Nombreux pieds
gelés pendant le période.»
André DURAND, 23 ans, menuisier dans le
civil est musicien. Étant musicien, il ne fait pas parti de la partie «
combattante » du régiment. Ses séjours en tranchées ne seront pas
systématiques. Mais il devient brancardier-auxiliaire.
Au travers son récit, on constatera qu’il
va très souvent relever les blessés après les attaques au péril de sa vie.
228…Recueil
et carnet de guerre de Gilbert BELLOC
Infirmier-musicien
aux 58e, puis 258e régiment d’artillerie
Bois des Hospices,
secteur fort de Tavannes, Verdun, 12 juin 1916.
« Pour ma part, je n’eus à souffrir que d’une pierre
soulevée par un obus et retombant sur mon casque en me l’enfonçant jusqu’aux
oreilles ! Résultat : un petit évanouissement d’une dizaine de minutes. Je ne
puis dire qui m’en tira. J’étais seul dehors. Lorsque cet « accident » m’arriva
et lorsque je revins à moi, je me trouvai couché sur un lit, seul encore dans
le poste.
A noter que notre capitaine de batterie, DURIEUX, ne fut guère
brillant par son courage : je crois bien que durant ces journées il ne sortit
pas une seule fois de son abri, même pour faire ses besoins. Le sous-lieutenant
GALLERAGUES ne valut guère mieux. C’est avec un grand soulagement que nous
quittons cette région.»
Gilbert BELLOC,
brigadier, musicien et infirmier, a laissé un petit livre relatant, jour par
jour, "sa campagne 1914-1918" avec quelques photos. Cette année
marquant le centenaire de la fin de cette guerre, son petit-fils est
particulièrement sensible à faire connaître ces écrits qui peuvent,
certainement très modestement, à apporter des renseignements précis sur les
lieux, théâtres des opérations et les hommes qu'il a connus et dont certains
ont perdu leur vie…
227…Correspondance, lettres de guerre d’Alexandre Henri LOYER
sergent au 102e régiment
d'infanterie
Champagne, mars 1915.
« Ce qui se passe ici ne s’est jamais produit dans
l’histoire, c’est un véritable enfer et on se demande s’il est possible d’en
sortir. Tout est employé canons, fusils, mitrailleuses, mines, etc… Les
tranchées sont faites de cadavres et certainement que dans la plaine il n’y a
pas un mètre carré où il n’y a pas un corps humain.
C’est terrible de payer si cher du terrain qui vaut si peu,
c’est un désert (…)
Ici on ne se lave pas faute d’eau on ne change pas de linge. C’est
infect, on couche sur la terre par 10 ou 12 ° sous zéro. On se demande si on
pourra un jour en sortir d’ailleurs du train dont ça va il y en a bien pour un
an encore.
Les journaux en mettent plein les yeux au public. Le moral des
troupes est excellent disent-ils, en réalité il est exécrable. »
Alexandre Henri LOYER
écrit, écrit, écrit…jusqu’à sa « bonne » blessure qui l’éloignera
définitivement de la guerre. Ses lettres nous sont restées ; merci à
Jean-Claude, son petit-fils de pouvoir les lire.
226…Souvenirs de guerre de Pierre Antoine BOURSEIRE
sergent au 147e régiment
d'infanterie, puis prisonnier à Cottbus
Sud de Soissons, 28 mai
1918.
« Des isolés, appartenant surtout au 214e régiment
d’infanterie retournent vers l’arrière, ce qui me surprend que des gens
abandonnent leur poste de combat en un tel moment. Mais nous les écoutons
pourtant raconter leurs prétendus exploits, anecdotes aussi héroïques que peu
vraisemblables. Un grand gaillard nous montre une paire de gants dont il aurait
dépouillé un capitaine ennemi, tué par lui, etc…»
Pierre BOURSEIRE nous
raconte les journées terribles de mai 1918, lors de l’offensive allemande. Il
sera fait prisonnier à la suite des combats
225…Carnet de route d’André
DURIN
des
62e RIT, 334e RI et 114e Chasseurs
Vosges, janvier 1915.
« Il fait très froid et on souffre beaucoup. Le pain est
gelé et la morue est gelée. Le ravitaillement n’arrive pas. Le 26 au soir, on
fait des tranchées avec de la neige à onze heures du soir. J’ai les pieds gelés
et je me dirige vers le poste de secours. »
224…Journal de
guerre de Jules FROTTIER,
caporal-infirmier
aux 47e et 70e régiments territoriaux
juin 1915, infirmerie du
bois des Fosses, secteur de Pont-à-Mousson.
« Ils vont la trouver mauvaise surtout que ces hommes
sont des réformés et auxiliaires. Quelles tristes recrues !
Quelques-uns viennent à la visite le lendemain, ça fait pitié.
Certains n’ont jamais tenu un fusil, d’autres ne voient pas clair, même de
l’œil droit, des herniaires, varices, cœurs faisant du 100 à l’heure, etc…
C’est malheureux d’envoyer des soldats comme ça sur le
front. »
« Ces messieurs les officiers viennent de toucher leurs
mois et aussitôt on voit partir les billets de banque dans leurs familles.
C’est épouvantable de voir ce que vaut notre commandement. Ici
des quantités énormes de blé se perdent dans les granges, sans être battu,
alors qu’il serait très facile d’emmener tout cela à l’arrière. »
« Plus fort encore, un grenier est plein de sacs de blé
et bien on le laisse manger aux rats et le commandant GOUACHEY qui passe son
temps à emm…les poilus, à voir si les cravates font deux tours, n’a pas eu
l’idée de faire enlever ce blé depuis 9 mois qu’il est là. Et notre beau pognon
s’en va à l’étranger pour acheter du blé à des prix fabuleux.
Voilà comme ces messieurs défendent et servent leur pays. On
voit bien par là ce qu’ils peuvent faire chez eux. C’est triste mais c’est
ainsi que ça se passe.
Quels bons souvenirs on emportera tous chez soi après la
guerre. Voilà notre infériorité manifeste vis-à-vis des Boches. »
L’infirmier Jules
FROTTIER a passé toute la guerre non loin des premières lignes. Ses lignes (6
carnets !) sont écrites en temps réel, sur le vif, tellement elles sont
criantes de réalisme et très détaillées. Je pense qu’elles sont souvent écrites
après coup, ce qui ne fait que confirmer les talents de narrateur de Jules. Son
affection pour les siens et ses amis, toujours très pudiquement exprimée, sa
révolte aussi à l’encontre de ses supérieurs qu’il juge souvent incompétents et
imbus de leur personne…