Mise à
jour : janvier 2025
Dans cette rubrique vous y trouverez 311 carnets de guerre, de route, de campagne, lettres et poèmes de soldats de 14/18, qui m’ont été offerts par des descendants (que je remercie encore) pour les publier sur mon site avec leur accord et sans aucun but lucratif.
Sont-ils des carnets de guerre ?
Ou des carnets « d’anti-guerre » ? Plusieurs internautes ont
retrouvés un ancêtre au travers de ces écrits. Plusieurs carnets (ou passage de
carnets) ont été étudiés ou lus par des élèves d’école primaire, secondaires et
2 en classe d'hypokhâgne au lycée du Parc, à Lyon. Certains ont été présentés
au public sur tableaux lors de commémorations du 11 novembre…
Quelques internautes y ont
retrouvé le nom de leur ancêtre !
Je rappelle que ces carnets, ne
peuvent être reproduits sans le consentement de leur propriétaire ou
dépositaire.
Vous y trouverez aussi des liens
vers d’autres sites consacrés à ce
genre de témoignages.
Si vous voulez y ajouter celui que vous possédez, je peux le mettre en ligne pour vous, contactez moi
« Il apparaît entre les lignes de ces carnets, la souffrance
journalière, l'attachement familial et l'espoir du retour, hélas très
hypothétique… »
Didier, le
« Chtimiste », juin 2009
LISTE DES TÉMOIGNAGES
316… Correspondance de guerre d’Olivier MAZEL, général d’armée
Prochainement, prévu 2025
23/01/15 – Amiens -
Lettre à sa femme
Ma chère amie,
« Vous verrez par le
timbre et envoi de la présente où je suis allé déjeuner, avec mon brave RupPied, qui est mon fidèle homme de
confiance.
Je suis très peiné de
pouvoir vous encourager à venir me voir, mais c'est interdit, et les chefs
doivent donner l'exemple de la discipline.
Si vous allez à Paris et
quand vous y serez. Je m'arrangerai pour demander 48 heures si les
circonstances le permettent.
Quand on veut venir dans
les zones armées (Paris et Dijon n'en font pas partie), une femme demande un
laissez-passer à son point de départ. Mais dès qu’on est sous la surveillance
de la gendarmerie. Toutes les grues encombrent les hôtels des villes telles
qu’Abbeville et Amiens, mais les femmes honnêtes sont surveillées ou
écartées !! Elles sont obligées de ruser pour voir leurs petits maris et
ceux-ci voient les cocottes avec facilité !
Il y a de quoi en faire un
vaudeville. »
315… Lettres de Louis FARBOS
de LUZAN
du
37ème régiment d’infanterie coloniale
Prochainement, prévu février 2025
314… Souvenirs et poèmes de
Jérôme GUEZ
du
55ème régiment d’infanterie et prisonnier aux camps de Landshut et Lechfeld
Prochainement, prévu février 2025
313… Carnet de campagne de
Raoul PINAT
du
54e, puis 2ème régiment d’artillerie de campagne
Prochainement, prévu janvier 2025
312… Carnet de
guerre d’Édouard BRISSARD du 70ème régiment d’infanterie territoriale
2 août 1914, gare de
St-Pierre-des-Corps (Tours, 37)
« Toute la journée ainsi que la suivante, les trains
passent bondés d’hommes allant rejoindre leurs régiments en chantant « la
Marseillaise ». Plusieurs trains sont entièrement garnis de feuillages.
On nous signale sur plusieurs points, le passage d’espions allemands
; plusieurs sont pris, interrogés, fouillés et arrêtés.
22 août 1914, gare
de St-Pierre-des-Corps (Tours, 37)
« Hier et aujourd’hui sont passés
les premiers trains de blessés. Cela fait pitié de voir ces pauvres garçons
étendus dans les wagons sur des banquettes ou couchés dans les wagons à
bestiaux sur la paille.
Beaucoup ont été frappés aux bras
et aux jambes, quelques-uns à la tête. L’un d’entre eux a 4 blessures : 2
balles dans la cuisse droite (non extraites), 1 dans la cuisse gauche (le projectile
lui a traversé la jambe), la main droite fracassée par un éclat d’obus. Un des
blessés a sur sa tête un casque à pointe pris là-bas. C’est un trompette de
hussard, un autre, a une veste de bavarois et ils sont tous contents de nous
montrer ces trophées. J’ai vu également des balles prussiennes extraites des
blessures et que les blessés gardent précieusement. Ces balles sont un peu
moins longues que les balles Lebel et en nickel moins pointues que les nôtres
elles sont moins dangereuses.»
Édouard Alfred
BRISSARD, GVC en gare, voit passer les trains qui partent au front bondés de
soldats heureux et ceux qui en reviennent bondés de blessés…Il dessine…
311… Carnet de guerre du
sergent Paul AVELINE
du 101ème régiment
d’infanterie
puis compagnie 4/1
bis du 1er régiment du génie (février 1915)
puis compagnie 4/51 du 1er régiment du génie
1er janvier 1915,
Saint-Hilaire-au-Temple (Marne) :
« Avec GEFFROY, DABLIN, MABEAU, PLISSON, HÉBERT et moi,
on mange avec une boite de sardines et une boite de pâté. On touche 10 cigares,
10 mandarines pour 14 hommes, 1 bouteille de champagne pour 7 hommes et
quelques noix, un demi litre de vin par homme et une patte de porc au lieu de
jambon.
Tout le monde est triste et on ressent doublement
l’éloignement de la famille, surtout que nous ne recevons aucune lettre depuis
8 jours. Le temps est triste, le pays sans ressources, avec de l’argent on
crève de faim. Tristes débuts pour 1915.»
1er février 1915, Bazoches sur-Vesle (Marne) :
« Le capitaine donne des consignes
très sévères aux hommes de garde au point de vue du service, les hommes ne sont
pas sérieux et se saoulent comme des cochons. Il est déplorable que dans la situation
où nous nous trouvons, on ait de pareilles remarques à faire.
Je fais comme à l’ordinaire mes distributions sont augmentées d’une
orange par homme. Je touche du vin pour deux repas par jour.»
Le sergent-fourrier Paul AVELINE nous décrit la bataille de la Marne (secteur Margny-aux-Cerises, Champien), la poursuite des Allemands vers l’Aisne, la Champagne…
310… Carnet de campagne de Joannès Émile FEY
du 216ème régiment d’infanterie, puis 16e bataillon de marche, puis 201ème régiment d’infanterie
7 septembre 1914,
ferme de Nogéon (Oise)
« On décide de se mettre sous la protection de la Croix
Rouge. Nous arrachons une chemise à un mort, la trempons dans le sang d’un
blessé et la hissons péniblement au sommet du gerbier. Mais alors les blessés
ne veulent plus voir les valides qui attireraient la bataille vers le gerbier.
Il faut donc partir. Mais de quel côté ? Les balles sifflent de partout.
Peut-être même des Français. »
Mars 1915, La
Fère-en-Tardenois (Aisne) :
« Après la Marne, dans ces régions, on s’était contenté
de jeter quelques pelletés de terres sur les corps. Les cranes roulaient dans
les environs, les pieds sortaient. Nous avons surtout vu ces tristes spectacles
aux approches de La Fère-en-Tardenois. Pas de croix, pas de noms, rien pour
identifier.
Les Français avaient des tombes, croix et inscriptions. On
avait, à l’époque, du manquer de personnel. Les cadavres des chevaux nombreux
empestaient. Nous avons eu l’occasion de voir des positions de tir de
l’artillerie allemande bien camouflées dans les bois. À côté une montagne de
culots d’obus. Une montagne de bouteille de champagne. Les tournées nous
intéressaient beaucoup dans ces petits bois pleins de gibier, lièvre et lapins.
Si nous trouvions une auberge nous y prenions un repas qui nous changeait de
l’ordinaire.. »
Joannès Émile FEY nous raconte en détail sa bataille de la Marne…
309… Souvenirs
de guerre de Charles FONSÉCA Lieutenant au 240ème régiment d’infanterie,
puis 32ème bataillon de Chasseurs
Bois de Malinbois, Menonville (Meuse), 25
août 1914 :
« Pour ma part, me trouvant bientôt devant une haie
haute et épaisse, barrant notre route, je m’enquis d’un moyen de la franchir.
Un peu sur ma droite, je finis par distinguer une brèche capable de donner
passage à un homme. M’étant dirigé sur ce point j’allais passer lorsqu’un
soldat, tout à fait inconnu de moi, venant de la droite me bouscula pour passer
avant moi. Ce geste, totalement inattendu, me fit chanceler. L’homme passa,
mais j’étais sur ses talons. J’entendis alors un bruit sec et vis le malheureux
s’affaissant avec au cou, une plaie béante d’où jaillissait le sang. Il était
frappé à mort.
Ayant enjambé son corps, je bondis jusqu’à une construction
qui se dessinait à quelques mètres. Là, abrités par les murs de cette bâtisse,
se trouvaient le lieutenant GAUSSORGUES (*) et 7 ou 8 hommes de sa compagnie.
Il me dit tout ignorer de la distance à laquelle nous pouvions nous trouver de
la ligne allemande et aussi, que son unité, décimée par les projectiles, avait
littéralement fondu au cours de sa marche en avant… »
Charles FONSÉCA relate ses souvenirs de la bataille de la Marne, de Verdun, de l’Oise…et nous laisse un album photos.
308… Carnet de guerre
de Jules RENAUDET, mitrailleur au 67ème régiment d’infanterie territoriale
Lagny-sur-Marne, 13
septembre 1914
« Quelques habitants de Lagny vont visiter les champs de
bataille d’Étrépilly et de Varreddes ; on les réquisitionne pour enterrer les
morts, ce qui leur ôte l’envie d’y retourner. Ils rapportent des souvenirs pris
sur les cadavres boches, tels que sacs recouverts de poils, baïonnettes,
cartouches, casques…
Les compagnies qui couchaient dehors reviennent à
Alembert. »
Son régiment reste défendre la place forte de Paris jusque fin 1914, puis part près de Soissons en tranchées sur les rives de l’Aisne..
307… Souvenirs de
guerre de Claude RENAUDIER, sergent au 75e régiment d’infanterie
prisonnier de
guerre, puis évadé
Avril 1915, camp de
Ludwigsburg-Eglosheim Allemagne :
« Malgré leur surveillance, nous faisons passer en moins
de 6 mois plus de 100 boussoles ou cartes à nos camarades en corvée,
malheureusement sur 100 équipes d’évadés, 5 à 6 réussissent à gagner la Suisse.
Certains vont jusqu’en Suisse et dans le pays accidenté au nord de Schaffouse, reviennent en Allemagne sans s’en rendre compte
et se font prendre par les sentinelles.
Ils reviennent au camp sous bonne escorte, le cachet noir les
attend ; pendant 30 à 40 jours ils coucheront sur le plancher et ne recevront
comme nourriture que du pain et de l’eau pendant 4 jours, la soupe du camp le
5ème jour et ainsi de suite. La punition terminée ce sont des loques humaines
qui vous reviennent et vont continuer leur calvaire dans des mines de sel où la
vie est intenable.»
Claude RENAUDIER nous raconte en détails son évasion rocambolesque d’un camp de prisonniers en Allemagne pour rejoindre la France et repartir au combat…
306… Carnet de Campagne
d’Émile Désiré LEBRAT
Du 261ème régiment
d’infanterie
7 septembre 1914, Heippes (Meuse)
« Pendant ce temps-là, les obus tombent à droite et à
gauche de partout ce qui nous fait avancer que plus vite. Une fois à la lisière,
il s’agit maintenant de traverser une centaine de mètres découverts pour
s’installer derrière un petit talus qui n’est pas suffisant pour nous garantir
des balles mais tant pis, une section s’y installe, les moulins à café
commencent leur opération. Ils sont tellement près que nos officiers croient
que ce sont les nôtres, alors nous avançons hardiment mais à notre surprise,
des camarades tombent : les uns sont blessés, les autres morts, nous avançons
toujours au milieu d’une grêle de mitraille car l’artillerie ennemie joue son
rôle.
Arrivés en position, on nous canarde de partout, il y a deux
mitrailleuses en face, on tire de droite de gauche, c’est lamentable car nous
ne sommes pas assez abrités. Il s’agit de sortir de là le plus tôt possible
mais comment faire ? Les mitrailleuses nous fauchent, tant pis il y en a qui
commencent la retraite. Les uns se tirent de pattes, les autres restent en
route…tout le bataillon suit le mouvement et nous nous rassemblons dans le
bois.
Il en manque pas mal, nous n’avons presque plus d’officiers,
le capitaine manque aussi, il faut aller voir où qu’il est, peut-être qu’il est
resté blessé quelque part. Personne ne veut aller voir, alors je pars. (…)
J’arrive de nouveau à l’emplacement où était la compagnie
mais elle n’y est plus. Je finis pourtant par les rattraper en sortant d’un
bois, et trouvons le capitaine impatient, il avait battu en retraite le
premier… »
Émile LEBRAT nous raconte sa bataille de la Marne et son ‘’ séjour ‘’ à Verdun
305… Carnet de guerre de
l’aspirant Norbert AVIZOU,
du 159ème régiment d’infanterie
17 mars 1916,
secteur de Verdun.
« Quelle guerre et quelle attitude pour des soldats
français ! Couchés à plat ventre dans le fond de la tranchée nous sommes là
grelottant de froid, attendant d’un moment à l’autre l’obus qui va tomber en
plein sur nous et nous délivrer définitivement de ce cauchemar. Car il en pleut
tellement et puis c’est si facile à repérer qu’il nous faudra beaucoup de
chance pour en sortie.
Contraste pendant que les obus décrivent en sifflant leur
trajectoire et éclatent avec un bruit de tonnerre perpétuel, les oiseaux
chantent et plus rien. Une jolie mésange veut se poser sur le rebord même de la
tranchée, me montrant sa tête noire et lançant ses chants joyaux, précurseurs
du printemps qui va venir dans quatre jours.
Petit oiseau, ta visite m’a réconforté et je me reprends à
espérer.
22 mars 1916,
secteur de Verdun.
« A la 1ère section, ma voisine de gauche, on a
recueilli hier soir des brancardiers du 97 qui depuis quatre jours étaient
entre deux lignes. C’était quatre brancardiers et un aide-major qui voulaient
rejoindre la première ligne où était leur régiment, à notre gauche.
Malheureusement ils se trompèrent et allèrent à la tranchée Bouche d’air.
Ils furent accueillis par une fusillade. L’aide-major et un brancardier sont tués. Les trois autres se jettent dans des trous d’obus ne comprenant rien à ce qui leur arrive. Ils restent là quatre jours : Rien à manger, rien à boire. Les malheureux en furent réduits à boire leur urine ! N’y pouvant plus tenir ! L’un court vers la tranchée (heureusement vers la nôtre) en criant “camarades”…
Norbert Eugène Louis AVIZOU est né à Roumégoux (Tarn). À son incorporation en septembre 1914, il déclare être ‘’élève-maître’’ et est incorporé au 3ème Zouaves, car il habite à cette date à Alger. Après ses classes, il rentre en France, devient élève-aspirant et intègre le 159ème régiment d’infanterie comme aspirant le 1er janvier 1916. Il part de suit epour l’enfer de Verdun
304… Souvenirs de la
grande guerre du caporal Charles BILLON
Garde des voies de communications puis au 44ème régiment d’infanterie territoriale
Août 1914 – Lerouville, Meuse
« En ce qui concerne la garde de la voie ferrée, notre
rôle était entièrement passif »
Juin 1915 – Fort de Souville, Meuse
« La privation de la cantine à notre endroit cause parmi
les copains (moi compris) un vif mécontentement en présence d'une pareille
dureté exercée par ceux qui ont plein le ventre, des lits et des matelas.»
Septembre 1915,
Meuse
« Façonnage de gabions à poser sur la tranchée en
élévation. Un officier de l'état-major, en tournée, estimant leur inutilité,
bidonne de les faire enlever. Ainsi se réduit à zéro le travail exécuté souvent
sous une pluie battante, sur l'ordre d'idiots, d'incapables en tout sauf passer
à la caisse.»
21 février 1916 –
Verdun, Meuse
« Au plus fort de la canonnade, donc du danger, je nous
recommande à la Sainte Vierge par une série d'Avé
Maria. Et on aurait pu voir ce fait (inconnu du temps de paix), un homme,
ignorant tout de la chose, boire mes paroles et placer quelques mots (rappel de
jeunesse), et cet homme (quoi que à un degré moindre) faisait partie de la
coterie qui nous tournait en dérision lorsque avec Le Père nous assistions à la
messe. Juste retour des choses d'ici-bas. Quand l'homme est prive de tout
secours humain, il ne lui reste plus qu'une chance : tomber à genoux.»
GVC, puis travaux en
secondes lignes, Charles BILLON a vécu l’attaque de Verdun, puis…..
303… Souvenirs et
réflexions de guerre d’Alcide BRAZIER
Soldat au 154ème
régiment d’infanterie
Août 1917 – Louvemont, nord de Verdun
« La suite : j’ai reçu les premiers soins, je dois
ajouter que de passer dans les bureaux avant d’être soigner c’était normal.
La salle d’opérations aurait pu être considérée comme une
boucherie où 10 ou 12 chirurgiens peut-être plus, opéraient ensembles sur
chacun sa table. Les opérés étaient posés sur des lits et surveillés par des
infirmières, en attendant le nombre suffisant pour former un train sanitaire. À
la suite du bombardement, le médecin-chef en représailles a déclaré en présence
de tous ceux qui ont bien voulu l’entendre que les prisonniers seraient soignés
quand tous les soldats français auraient reçu tous les soins nécessaires.
Évacué couché, on nous embarque dans le train sanitaire le 23
août. »
302… Souvenirs de guerre
de Maurice LUCAS
1917 – Aisne
« Il est grand temps de vider le bidon de pinard que
j’ai rapporté de permission, un éclat pourrait le percer. Je ne me souviens pas
si nous l’avons vidé, ce que je sais, c’est qu’un éclatement se fit sentir, un 210
fouilleur venait d’éclater. Eloigné d’1,50 m je me
retrouvais complètement séparé de mes 2 frères artilleurs par un éboulement de
terre, de poutres, de traverses…tout l’étayage gisait, broyé à mes pieds.
Mon casque gisait par terre lui aussi la matelassure interne
arrachée et une bosse interne sur le dessus du casque due sans doute à un
madrier. Ma lampe de poche, le papier, le crayon, tout était par terre. Je
restais seul devant avec un mur de planches, de terre, d’étais qui me séparait
de mes camarades. Plus atroce encore étaient les cris de douleur que
j’entendais derrière cet écran qui m’empêchait de leur porter secours. Je ne
m’attardais pas à réfléchir ; ma décision fut vite prise, je repris mon carnet
de notes, mon, crayon, mon casque et remontais vivement l’escalier qui lui
était libre..»
301… Carnet de guerre de
Charles CAPPON
musicien au 284ème régiment d’infanterie, puis 1er régiment d’infanterie en 1915
Avril 1915 – Woëvre
« 06.4.1915 : Logeons dans un village démoli en avant des
bois où nous avons couché. 10.4.1915 : Dans la nuit départ pour tranchées- 2
jours et 3 nuits ; repos à Ville-en-Woëvre. 15.4.1915 : Tranchées à 7 kms en
avant de Ville. »
Charles CAPPON est
blessé au bras gauche par balle le 15 août 1914 à Fosse en Belgique. Puis de
retour dans son unité, il est de nouveau blessé aux coudes droit et gauche, le
6 septembre 1914 durant la bataille de la Marne à Montmirail (02).
Il est soigné, semble-t-il, à l’hôpital de Quiberon. C’est à cette date que ses écrits commencent.
300… Carnet de souvenirs
de guerre d’Alphonse SCHARRE
au 8ème régiment d’infanterie territoriale
Octobre 1914 –
Seclin (Nord)
« Reçu à bras ouvert, tabac, vin, charcuterie, pain,
bière, etc. Le maire nous donne de la viande pour faire la soupe. Nouvelle
alerte, soupe en panne, partons sans manger. En route l’on voit une patrouille
de dragons allemands tués par des dragons français, on est en train de les
mettre en terre. Nous continuons notre route et nous arrivons à Thumesnils. Bien reçu, nous couchons chez l’habitant.
Le lendemain allons à Loos. Nous couchons dans la brasserie Tartara, bière à volonté, j’attrape une cuite et je me fou
de la république. »
Le parcours d’un ‘’pépère ‘’ du Nord qui combat dans sa région pendant l’invasion allemande.
299… Carnet de
guerre de Lucien CHARPEINE
Sous-officier
puis officier au 18ème régiment d’infanterie territoriale en 1914
25 novembre 1914 –
Secteur d’Hébuterne (Pas-de-Calais)
« Mêmes positions, mêmes travaux que la veille. La 2ème
compagnie poursuit activement la construction du boyau assigné ; 40 mètres ont
été creusés dans la nuit. Le soldat (Jules) CARTIER, blessé hier est mort
pendant le trajet d'Hébuterne à Sailly. Le soldat LAUSADE a été évacué sur
l’hôpital.
Aujourd'hui, séance du conseil de guerre au presbytère. Le
soldat NAST ayant tué dans la nuit, malgré la consigne, son caporal d'escouade,
a été acquitté.
Le carnet de guerre et
près de 180 photos du sergent-major Lucien CHARPEINE en Artois et en
Champagne..
298… Carnet de guerre de
Joseph DUJOLS du 142ème régiment d’infanterie
25 octobre 1914 –
Secteur de Montdidier
« Petite étape de 12 ou 15 k pour s’embarquer à
Montdidier ; passage à Amiens, à Abbeville, belle ville, beaux faubourgs, pays
de plaine et marécageux. Calais à la tombée de la nuit.
Vue de la Manche et des côtes à la même heure. Spectacle
magnifique.
Tout le long de la voie magnifiques stations, belles petites
villes industrielles. Bien vus des populations sur notre parcours, qui agitent
mouchoirs, nous donnent poires, cigarettes, etc. »
Le carnet de guerre
très court de Joseph DUJOLS..
297… Carnet de
campagne d’Henri BOURGUIGNON du 163ème régiment d’infanterie
30 août 1914 – Bru
(Vosges)
« Poilu, l'étais-je vraiment, moi, si jeune, presque imberbe
il y a quelques jours encore, dans les balbutiements de ma vie d'homme ?
J'étais costaud, certes, et travailleur mais, tous les soirs, à l'issue d'une
journée de labeur, aussi rude fût-elle, je retrouvais la table familiale, la
soupe chaude et l'affection des miens.
Je préfère ne plus penser, oblitérer les souvenirs qui me
font encore plus mal que la faim et la peur qui me creusent le ventre. J'écris,
je note, je m'accroche au moindre fait, au moindre nom et je le note, même si
je l'ai mal compris. À présent mon objectif est de rester en vie pour tout
consigner afin de pouvoir le transmettre à ceux qui ne savent pas, à qui on ne
dira pas tout, à qui on cachera peut-être les vilaines choses de cette vie
absurde.
Même si je meurs, on trouvera au fond de mon paquetage, la
trace écrite de ma volonté féroce de raconter aux enfants de ceux qui ont
survécu, ce que nous avons subi, tous ces jours, toutes ces années peut-être,
car nous ne savons pas encore où nous allons et ce qu'il adviendra de nous.
Avec un peu de chance, je reviendrai vers les miens. Il
incombera alors à ma descendance de faire revivre le passé à travers le dédale
de mes notes maladroites. »
296… Carnet de route de
Norbert FRENOIS de la 2ème brigade cavalerie légère, puis
18ème chasseurs à cheval, puis 10ème chasseurs à cheval
Mercredi 8 septembre
1914 – Provins (77)
« Grande offensive nous traversons à la poursuite. Courtacon
brûlé, dévasté rempli de cadavres, tout est pillé, saccagé. Abreuvoir sur le
Grand Morin.
Mouvement en avant sur St-Barthelemy. Bivouac sur la rive
droite du Grand Morin. Tout le monde nous raconte les atrocités que les boches
avaient faites.
Nous marchons sur Civry où les shrapnels nous arrosent à
midi. Combat d'artillerie pour déblayer deux batteries boches et une colonne.
Orage terrible ou nous sommes mouillés jusqu'aux os. Combat acharné auquel nous
assistons à la poursuite des Allemands sur la route de Château-Thierry.
À cause de la nuit arrêt dans un champ proche de
Viels-Maisons dévasté par les Allemands. Horrible à voir.»
Le carnet de route d’un
cavalier.
295… Carnet et lettres de guerre de Louis-MICHEL-VILLAZ conducteur
à
la 296ème section de transport militaire
Prochainement, prévu décembre 2024
Mercredi 30 décembre
1914 - Amiens
« Nous partons à
3 heures du matin direction Albert avec 200 camions autobus et divers…Nous allons
prendre le 1er colonial pour le transporter à Mortemer. Le matin tempête
affreuse, pluie, vent et surtout pas de lanternes. C’est à perdre la vue pour
conduire. Nous repartons des environs d’Albert avec les 1800 hommes restant du
1er Colonial sur 3000 ; pauvres diables ! Nous sommes des princes à côté d’eux.
Enfin, nous les débarquons à la nuit à Mortemer par un temps affreux. »
Le carnet et la
correspondance d’un conducteur d’un camion Berliet …
294… Carnet de guerre
d’André LESTY, Sous-officier puis officier aux
Et 104ème régiment d’artillerie lourde (28ème batterie)
Février 1915 – Front de Champagne
«Je suis allé avec le lieutenant à l’observatoire de la côte
147. On a un joli point de vue sur les Boches. Le bois boche que nous
bombardons tant, est à 500 m de nous.
On voit très bien Notre-Dame-des-Champs qui est à 9 km de là,
mais on ne voit pas nos objectifs. Dans la tranchée qui nous y conduit, il y a
beaucoup de boue. Comme nous regardions l’horizon, une balle est venue frapper
la terre près de nous. En revenant, comme nous étions au bord de l’Aisne, un
soufflement de marmite nous fit dresser les oreilles et instinctivement se
baisser et se cacher derrière un gros arbre.
Les carnets de guerre
d’un artilleur, sous-officier puis officier. Artillerie à pied, de campagne et
artillerie lourde…
293… Lettre de Pierre
POTHELET
Sergent-fourrier et sous-officier de liaison au 3ème régiment de marche de Zouaves
1916,
Lituanie :
« Envoyé en camp de représailles sur le front russe, au camp
de Janisky, en Lituanie, non loin de Kowno, je m'en suis évadé sans grande
difficulté, étant donné la surveillance assez relâchée à proximité relative du
front, et la garde déjà très clairsemée en 1916. J’espérais toucher la côte, et
traverser la baie de Riga, pour aboutir dans les lignes russes (certains y ont
réussi) mais j’ai été repris à Crans, non loin de Königsberg, et renvoyé, après
les 14 jours de cachot règlementaires, au terrible camp de Cottbus.»
Une lettre expliquant
le parcours précis du zouave Pierre POTHELET à une autorité militaire ou civile
pour espérer avoir une décoration.
292… Carnets de guerre
complétés par les souvenirs de Paul Marie VIRIOT
soldat au 37e
régiment d’infanterie
Mai 1915 – attaque
en Neuville-Saint-Vaast, Artois
« Notre capitaine (Auguste Raymond) JOLYOT leur ordonne de
s’arrêter en les traitant de lâches, mais ils sont si paniqués qu'ils
continuent à se replier.
Il donne alors cet
ordre incroyable...
« Tirer leur dessus »
Nous croyons avoir mal
entendu. Mais il insiste :
« Soldats, tirez sur ces lâches. »
Plusieurs ont tirés,
moi j'ai fait le geste sans appuyer sur la gâchette.
Mais je maintiens, et
affirme, que le caporal-fourrier en a tué un devant moi à bout portant. Nous
sommes devenus des chiens, tuer ses propres camarades ! »
Les assauts suicidaires
du 9 mai 1915 sur le village de Neuville-Saint-Vaast et le moulin de Topart.
Loin, très loin des textes officiels…
291… Journal de guerre du
caporal Auguste JADAUD du 137e régiment d’infanterie
27 août 1914 –
Chaumont et ferme de Saint-Quentin au sud de Sedan
«Alors s’engage une action terrible : Pendant deux heures, on
s’est tiré à trente mètres. Les balles passaient en sifflant, semant la mort
des deux côtés. Mon camarade Clément FAUCHARD est tué raide à mon côté frappé
par une balle en plein front. Moi, une balle traverse mon képi et m’emporte les
cheveux. Une autre coupe ma bretelle de fusil dans ma main. Mais je dois m’en
tirer indemne. »
8 septembre 1914 –
Normée (51)
«Tout à coup, ils font un "à gauche" et nous tirent
par le flanc (ce sont des boches déguisés en soldats français), pendant qu’en
avant de nous une nuée de fantassins ennemis nous chargent à la baïonnette.
Partout où l’on regarde en avant de nous, ce ne sont que cavaliers et
fantassins boches se ruant sur nous. »
Il raconte ses
souvenirs pendant sa convalescence en avril 1915 après sa blessure pendant la
bataille de la Marne avec ses attaques et contre-attaques folles, sanguinaires
et finalement victorieuses.
290… Cahier de 55
chansons de Léon MAUPREZ tambour au 133ème régiment d’infanterie
1er Couplet
Près de la nouvelle frontière
Un officier s’est arrêté
À la porte d’une chaumière
Et frappe avec anxiété
Une femme dont la mamelle
Allaitait un blanc chérubin
Ouvre et demande qui appelle
Et voit l’uniforme prussien
---Refrain ---
Femme dit l’officier
Écoute ma prière
Pour lui donner ton lait
Je t’apporte un enfant
Dis-moi si tu consens
À lui servir de mère
Moi je suis soldat
Du pays Allemand
Etc…
Léon MAUPREZ écrit ces
chansons vers 1890, certaines sont très prémonitoires !
289… Près de 2000 cartes,
lettres de guerre de Joseph PHILIPPE
des
24e, 119e, 129e, 359e régiments d’infanterie et 24e colonial
Prochainement, prévu décembre 2024
17 octobre 1918.
Front
franco-allemand
Bien chers parents,
« Une
petite réponse à vos deux belles cartes datées du 13 que j'ai reçues toujours
avec un bien grand plaisir. Vous me dites que la grippe est chez vous. Il y a
de grandes chances que ça va être consigné et que l'on ne pourra pas y aller en
permission. Mais comme je compte encore au moins deux mois et demi avant d'y
aller, alors d'ici là peut-être que ça se sera dissipé. Ici de la pluie et de
la boue. Quant à la fin de la guerre dont vous me parlez, moi je n'y compte pas
avant l'année prochaine. Ce serait à souhaiter avant ça, mais je n'y vois
aucune possibilité. Vous ne devez plus entendre le canon à Rouen et il est fort
probable que les avions n'iront plus de sitôt. C'est que le front s'est éloigné
de beaucoup. Bien le bonjour pour moi à tous les amis et vous bien chers
parents je vous laisse en vous embrassant bien fort tous deux de tout cœur.
Votre
fils qui pense à vous. “
288… Carnet
de guerre du maréchal-des-logis-chef Vulgan BOUTRY
du
1er escadron du train des équipages militaires, conducteur à la 1ère section du
CVAD
puis 15e ETEM (ambulance alpine N°3) puis 3e ETEM (mars 1918), 5e ETEM, puis 103e RAL (avril 1918)
Salonique
(Grèce), 4 janvier 1916
« A
9 h. je passe à la frotte, opération qui consiste au fait suivant : on vous
enduit de savon noir et on vous frotte à la brosse de chiendent. Puis lorsque
les boutons causés par la gale sont percés et en sang, on prend un bain pour
faire partir le savon noir. Une fois ce bain pris, on s’enduit d’une couche
d’une graisse à base de souffre.
Pour
ceux qui sont atteints du mal, ils souffrent même beaucoup. Pour moi qui y suis
plutôt par mesure préventive ces différentes actions ne me font aucun effet.
Enfin
il faut vraiment être en guerre pour avoir toutes ces maladies. »
La campagne de France puis d’Orient de Vulgan
BOUTRY.
287… Carnet
de guerre d’un inconnu du 81ème régiment d’infanterie territoriale – Qui
retrouvera son nom ??
Arras,
Artois, septembre 1915
« Arrivés
à Arras le 24 au soir, quelques jours après nous fûmes occupés les lignes de
soutien, au nord de la ville ; et pendant le combat nous fûmes occupés au
ravitaillement de nos frères des premières lignes. Peu après nous fûmes appelés
à les remplacer ; et là j'ai pu voir et entendre, tout ce qui a trait aux plus
grands maux.
Rien
de si horrible n'est jamais paru sur la terre, du moins en fait de guerre, et
sur ces lieux que j'ai foulés de mes pieds, et que je pourrais nommer le champ
des martyrs de la patrie. J’ai vu de mes yeux, enfouis vivants dans la terre,
sous les décombres d'une chambre de repos, seize hommes, qui bientôt devenait
seize cadavres. J’ai vu des pieds séparés du corps, dans leurs chaussures, des
mains qui elles aussi n'avaient plus de mouvements, des crânes défoncés, des
poitrines ouvertes, des corps sans membres, enfin des agonies terribles.
Étendus
pendant des heures entières sur des brancards, ces pauvres malheureux, endurent
toutes les souffrances, et aucune main amie, n'est là pour secourir leurs
ignobles souffrances. Rien même pas une goutte d'eau, ne vient leur rafraîchir,
leurs lèvres brûlés de fièvre, pour la bonne raison que ceux-là même qui les
transporte, n'ont rien à leur offrir, autre que le secours de leurs bras.
Terrible
fléau, qui en quelques heures, jette dans la tombe des milliers de
victimes. »
Qui arrivera à identifier cet homme qui nous a
laissé son carnet de guerre ??
286… Dernière
lettre du sous-lieutenant Marcel MICHEL du 216ème régiment d’infanterie
Sur
le champ de bataille de la Marne, 5 septembre 1914
« Nous
étions à 200m à peine des Allemands et l’un d’eux, heureusement charitable, me
mit mon paquet de pansement au lieu de m’achever comme ils en ont l’habitude.
Je suis resté 24 heures sur le champ de bataille, tout seul au milieu des
balles et des obus …
Marcel MICHEL écrivait sa dernière lettre, mais il ne
le savait pas…
Épinal, 31 juillet 1914
« Distribution
par la gendarmerie à tous les habitants de feuilles indiquant l’âge, la
profession. Elles sont de différentes couleurs, les rouges autorisent à rester dans
la place. Elles sont données aux jeunes gens au-dessus de 16 ans et aux hommes
au-dessous de 60 ans, ainsi qu’à toutes personnes indispensables à différents
labeurs.
Ma
mère en a une bleue, par conséquent c’est un ordre d’évacuer la place à une
date fixée.
Moi
c’est une rouge. Le 149ème quitte Épinal, pour la frontière. Nos troupes sont
pleines d’entrain ; c’est admirable.»
René MOREL, 17 ans en 191,4 est employé au bureau
de poste n° 3 d’Épinal. début 1916, il part au 170ème régiment d’infanterie..
284… Carnet de
guerre d’Antoine POUZAT
Musicien et
brancardier du 92e régiment d’infanterie.
Mort-Homme, 10 mars
1916.
« Nous chargeons
les blessés sur nos brancards et les uns à la file des autres, nous repartons.
A peine avions nous fait 100 mètres qu’une fusée éclairante
est lancée. Quelques secondes après, deux obus tombent en plein sur nous.
Résultat : 6 brancardiers divisionnaires blessés, 3 tués, 4
musiciens blessés (GODIN, MOREL, FRACHON, PRULHIÈRE). Le blessé que je
transportais avec FRACHON, PRULHIÈRE et FULCHIRON, est tué. Seuls de notre
équipe avec FULCHIRON, nous sommes indemnes.
Nous passons sur les cadavres dont les tranchées sont
pleines, sur la crête du Mort-Homme. Nous déposons les blessés au poste de
secours. Notre camarade musicien (GODIN Robert Pierre) succombe à la suite de
ses blessures. Nous le sortons dehors, dans l’intention de le descendre au
village de Chattancourt. Hélas ! Nous l’avions à peine sorti qu’un obus tombe
en plein dessus et il nous fut impossible de le retrouver.
Après notre arrivée au poste de secours, nous recevons les
félicitations de notre Médecin-chef ainsi que celles de l’aumônier. Eux autres
aussi, se sont dévoués sans compter.
Nous nous reposons pendant deux heures, ensuite, nous
transportons les blessés du poste de secours du Mort-Homme à celui de
Chattancourt. Nous faisons le trajet plusieurs fois dans la journée malgré les
feux d’artillerie d’une violence inouïe. Les champs, les routes sont
complètement bouleversés par l’éclatement des obus de gros calibres. Les
cadavres jonchent le sol tout autour d’où nous sommes. Les pertes sont énormes.
Il neige à plein temps. »
Souvenirs et carnet de
route d’Antony POUZAT de 1910 à 1919 : Musicien-brancardier. Toutes
les horreurs de la guerre, mais aussi les camarades, l’espoir, les
fraternisations…
283… Lettres de guerre
de Joseph POURRICHOU des 107ème, puis 302ème régiments d’infanterie
Lettre
du 11 avril 1915
« Là
c’est la première ligne nous y séjournons au moins 48 heures pour ainsi dire
toujours sur pieds, l’œil attentif, privé de sommeil, un pluie froide ou glacée
sur le corps ; en avant une double rangée de fil de fer barbelé, à 30 m de
laquelle la nuit on fait des patrouilles, dont volontairement je suis toujours.
On dit que c’est des promenades périlleuses, mais je préfère courir ce risque
puisqu’il m’exempte de certaines corvées, comme celle où la nuit pendant 3
heures, pioche ou pelle en main, il faut creuser des tranchées.
La
première fois, en sortant du boyau (synonyme de tranchée) nous fûmes salués par
une vive fusillade, à 30 ou 40 m un petit poste d’un autre régiment nous
prenait pour des boches ; nous l’échappâmes belle. Demain matin à 3 heures nous
serons relevés et regagnerons pour 2 jours la tranchée de 2° ligne, la tranchée
abri. Là, sur une maigre couche de paille qui souvent voudrait être renouvelée,
nous goûtons de bonnes heures de repos réparateur quoique la moitié de la nuit
nous montons la garde et que d’invisibles fissures forment de désagréables
gouttières. Et toute la journée corvées sur corvées.
282… Correspondance
et carnet de
guerre de Louis GRÈS
de
la 24ème section de munitions d’artillerie (SMA) du 9ème régiment d’artillerie,
Puis
maitre-pointeur à la 4ème batterie du 3ème groupe d’artillerie d’Afrique
Son carnet ici
--- Ses
lettres ici
Lettre n°6 le 28 août 1914, Vervins, Aisne
«
(..) Sur 9 bataillons, il en est resté à peu près un tiers. Pour les autres
régiments nous ne sommes pas au courant. En lisant les journaux vous en savez
plus que nous. Nous ne voyons aucun journal. Il nous faut passer dans une
grande ville pour en voir et encore ils sont vite enlevés.
Ce
que nous disent les soldats qui viennent du combat c’est que les Allemands
auraient beaucoup de pertes car notre artillerie fait beaucoup plus d’effets
que la leur. Les obus allemands parfois tombent à 1 mètre d’une personne et ne
la tue pas. Il y en a un qui nous a dit que l’obus lui avait enlevé le sac de
son dos sans qu’il ait de mal. Alors qu’avec les nôtres on le voyait tomber
comme des mouches.
C’est
parce qu’ils sont si nombreux qu’ils avancent.
Tu
donneras bien le bonjour à l’oncle Paul et tante Elise »
281… Édouard
MEUNIER (classe 1912) 1er régiment d’artillerie de campagne
canonnier-servant,
puis agent de liaison, puis radio-téléphoniste……
Extrait de son carnet
Bois de la Grille, Marne, 2 mai 1917
« Mon
pauvre camarade, François CHATILLON, est tué net d’un éclat de 88 qui lui ouvre
le crâne (un trou à y mettre le poing et par où est sortie la cervelle. Je me
trouvais à côté de lui et suis couvert de terre et de sang. Cette mort si
prompte d’un de mes meilleurs compagnons de misère m’a fort ému et découragé.
Le
soir venu, comme l’ennemi se calme, j’emporte à l’arrière, avec le secours d’un
fantassin, le corps de mon camarade. (La nouvelle se savait déjà à la 6ème
batterie, mais il y avait erreur de personne, car on croyait que c’était moi
qui étais tué). Le capitaine BROCHAND refuse une citation au pauvre malheureux,
qui était presque aussi mal vu que moi.
Mais,
par contre, il fait citer ses cuisiniers et son ordonnance. »
280… Enquête pour
retrouver les descendants d’ÉTienne
Ernest
du 4ème
puis 3ème régiment de Zouaves et prisonnier au camp de Senne
Jean-Jacques le propriétaire du carnet me dit en
2023 :
« Je vous autorise à publier le carnet sur
votre site « Chtimiste » du Zouave Ernest ÉTIENNE qui combat en
Belgique, puis prisonnier. Je ne retrouve pas ce soldat, né où ?
Je n’ai pas retrouvé non plus sa fiche de
prisonnier sur le site, ne sachant où chercher. Il ne semble pas mort à la
guerre. Mon objectif étant de retrouver
la famille... »
« Ce carnet je l'ai eu en 1964, à la fin de la
traditionnelle fête de la Saint Pansard de Trélon (59) que mon parrain Gaston
PETIT me tendit inopinément pour que je poursuive ses recherches.
Je veux respecter la charte que mon parrain m'avait
enseignée : " la mémoire se partage et celui qui trouve, transmet
" (c'est de Bertrand Bouret).
Ce fut ma motivation pour créer un site espérant le
miracle d'internet...qui n'est jamais arrivé à ce jour.
Je cherche à trouver les liens familiaux, car si
mon parrain (et parents) avait ce carnet, il y a certainement une raison. Cela depuis plus de cinquante ans. »
Extrait de son carnet
Belgique, août 1914, secteur sud de
Charleroi :
« On
était au soir, ma demi-section qui était tout à fait derrière dut faire face à
une patrouille allemande de 30 à 40 hommes.
A
4 pas en tirailleurs, on avançait en tirant. A deux reprises différentes,
j'entendis les balles siffler bien près de moi. On avança malgré la riposte et
l’apparente résistance de l’ennemi. Celui-ci se replia dans une maisonnette
située sur une petite colline que nous résolûmes de cerner.
C’est
ce que nous fîmes, et nous voilà à son assaut, baïonnette au canon. Pris de
peur, les Allemands s’étaient réfugiés dedans, et demandaient à se rendre, mais
il n’en fut rien, car ils faisaient feu en même temps sur nous. On enfonça la
porte, et partie dehors, partie dedans, il ne resta plus de cette patrouille
que morts et blessés grièvement. De notre côté, nous avions quatre ou cinq
blessés aux jambes, et notre sergent qui ne donnait plus signe de vie.
279… Carnets
de guerre d’Alphonse COUROUBLE dans une commune du Nord occupé
22 novembre 1915,
« La
semaine dernière, grande alerte chez les Pruscos. Pendant la nuit tous les
cochons (je parle de ceux à 4 pattes) furent embarqués précipitamment ; ceux à
6 pattes (les cavaliers) suivirent au petit jour et ne revinrent plus. Quant à
ceux à 2 pattes ils partirent vers les 11 heures avec armes et bagages, mais
nous ne fumes pas peu surpris de les voir revenir 2 jours après clopin-clopant.
Ils avaient poussé une pointe jusque Le Cateau mais, craignant de voir
l’ennemi, étaient rentrés de suite au chaud.
Si
ma femme était ici, je lui demanderais de porter une chandelle au duc de
Bavière qui ne retrouve plus paraît-il ses armées là-bas en Russie. Paraît que
les Boches sont bien inquiets sur leur sort. Tant mieux pour nous. Parait aussi
que réellement ils commencent à claquer la faim chez eux, du moins leurs
journaux ont l’air de le dire et les soldats le disent tout carrément :
«
Oh, malheur la guerre ! Femme, enfants, beaucoup fort faim ! »
Alphonse COUROUBLE (1880-1955) est brasseur dans la
ville du Quesnoy (Nord). Le document se présente sous la forme de notes
journalières de quelques lignes, écrites entre le 21 août 1914 et le 2 août
1916. Le ton du récit, très hostile aux Allemands, en fait pour son rédacteur
une possession dangereuse.
Le journal de guerre d’Alphonse COUROUBLE est un
récit fait par un civil de l’occupation d’un gros bourg du Nord par les troupes
allemandes, avec la description du comportement des occupants, des événements
quotidiens et des diverses misères, pénuries et humiliations endurées par les
civils. L’auteur est à la fois brasseur, infirmier civil et organiste à
l’église, c’est une petite notabilité locale.
Si son sort paraît au départ moins pénible que
celui d’autres habitants, et surtout que celui des réfugiés et déplacés, la
réquisition des cuivres de sa brasserie finit par le ruiner comme les autres.
278… Correspondance de
guerre de Joseph GOUZOU des 121ème et 43ème régiments d’infanterie
1 février 1916, mes chers parents
« Je
vais vous donner de mes nouvelles toujours bonnes ; j’espère que vous êtes
de même en très bonne santé.
Il
est 5h du soir. Voilà une journée en plus de passée. Combien en avons-nous
passé déjà de ces journées tristes, et encore si l’on voyait une paix
prochaine.
Enfin
espérons que ce sera bientôt. Peut-être si les zeppelins revenaient de temps en
temps faire leur visite, nos embusqués de Paris, au lieu de se ficher de nous,
comprendraient ce que c’est la guerre. Malheureusement, c’est toujours de
pauvres innocents qui vont attraper.
Je
termine en vous désirant une bonne santé. Votre fils qui vous embrasse. »
Toute la correspondance de Joseph GOUZOU vers ses
parents. De nombreux noms de soldats sont cités…
277… Les derniers
jours de Georges SCHOUBERT, blessé du 114ème régiment d’infanterie
Avranches,
hôpital n° 17, salle Jeanne d’Arc, hôpital temporaire n° 1, 17 novembre 1916
« C’est
lundi soir 13 que votre fils arrivait à Avranches et qu’on nous l’amenait à la
salle Jeanne d’Arc. A première vue il nous semble à tous le plus courageux de
ceux qui arrivaient et celui le moins gravement atteint. Il était heureux le
pauvre enfant d’être enfin arrivé au port ; il souriait en voyant le beau lit
bien propre qui l’attendaient, il se voyait déjà guéri…»
La lettre poignante écrite par un sergent qui
décrit les 3 derniers jours de Georges SCHOUBERT, brulé très gravement à la
jambe gauche par de l’eau bouillante…
Lettre envoyée à sa mère.
276… Les derniers
jours de Désiré TAVERNIER, blessé du 87ème régiment d’infanterie
Verdun,
hôpital temporaire n° 1, 20 juillet 1915
« Le
lendemain matin 20 juillet, comme j'allais voir les blessés dans cette salle
qui s'était préparé la veille. Il m'a demandé de se confesser pour communier
aussi avec ses camarades. Je lui apporter en effet la communion vers 6h du
matin en même temps que onze de ses camarades dans la salle Saint-Nicolas.
Ce
cher ami ne se doute guère que…. »
275… Souvenirs de guerre de Gaston CHEVILLARD du 44ème régiment d’infanterie
Wesserling
(Alsace), 21 mai 1916
« Dans
les lacets qui suivent, le fameux colonel GERST nous entasse tout le régiment,
il y faisait très chaud à 10 heures, serrés comme des harengs, sac au dos et au
‘présentez armes’. Il nous fit un petit discours et, de temps en temps, le
bruit d’une gamelle qui tombait (mais avec le bonhomme)...
En
passant à Wesserling, je le vois encore foncer en avant de ma section avec son
gros cheval rouge et d’un coup de son plat de sabre taper sur le fusil d’un
gars qui, pour lui, ne le tenait pas assez droit.
Le
salaud, il nous en fit bien d’autres. »
Des
souvenirs avec nombreux dialogues qui rendent le récit très vivant. Récit des
moments tragiques et des moments cocasses d’une triplette de camarades de 20 ans
originaires du même village et affectés de la même escouade. Quelques passages
savoureux ! Incorporés début 1916, nous les suivons à Verdun, en Alsace et
dans la Somme. Vont-ils survivre à la guerre ?
274… Carnet de route d’Eugène CASIER du 33ème régiment d’infanterie
Colonfay
le 30 août 1914
« Sans
attendre quand la fusillade a ralentir un peu, j’ai porté secours à des
camarades blessés qui m’appelaient de tout côté soit pour donner à boire ou
couper les équipements ou mettre une bonne de paille sous la tête et je
conservais mon sang-froid malgré les balles qui arrivaient de tous côtés.
Je
regarde un peu en avant de moi et je voyais les Allemands avancer alors je
voulais continuer de tirer mais mes camarades mon nom empêche peur d'être
achevé alors ne voulant pas être fait prisonnier je me sauve après avoir dit au
revoir aux camarades. »
Après
une sanglante attaque à la baïonnette pendant la bataille de Guise, Eugène
CASIER, blessé au pied, réussit à s’enfuir des lignes allemandes. Mais pour
combien de temps ?
273… Lettres de
guerre Jean Joseph Marie FARBOS de LUZAN
Caporal à la
18ème section des infirmiers militaires
Bordeaux
le 24 août 1914
« A
Dijon on a formé un train sanitaire c'est-à-dire que l'on a disposé des
brancards dans des wagons de marchandises et ils étaient un peu moins mal. Nous
en avons trois de très malades dont un est presque à l'agonie. Le pauvre garçon
a reçu 7 ou 8 balles au bras et à l'épaule et un éclat d'obus dans le ventre.
Un
autre que j'ai pensé a reçu une balle qui lui a déchiré l'oreille et lui a
cassé un os de la tête. On parle de le trépaner. Si tu avais vu cette plaie
c'est abominable. Son oreille était en putréfaction et son pansement était
tellement séché qu'il m'a fallu plus de 3/4 d'heure pour l'enlever. Quand j'ai
eu fini il m'a dit un merci qui partait du fond du cœur et m'a touché.
Vision
d’horreur d’un infirmier : Description de l’arrivée des premiers trains de
blessés après 1 ou 2 jours de voyage du front vers un hôpital de Bordeaux…
272… Carnet
de guerre de Jean BORDOZ du 31ème régiment d'artillerie de campagne
Érize
la-Grande, 12 septembre 1914.
« La
batterie part entre Érize la-Grande et la Petite. On passe sous la pluie d’obus
et dans les flammes du pays. Nous avons des blessés.
Le
capitaine compte que des colonnes allemandes battent en retraite sur
Amblaincourt. Il donne l’ordre de tirer à volonté. Les Allemands se sauvent en
colonne par 4. On fait du tir fauché. La route est pleine de cadavres
allemands, ceux qui n’avaient rien se reformaient plus loin et se sauvaient.
Nous étions tous joyeux malgré l’extrême fatigue, les officiers aussi.
La
nuit vient. On couche sur le terrain par un orage qui ne cesse de 8 jours. On
est traversé mais on dort quand même sur la terre trempée.
Le
parcours d’un artilleur au début de la guerre : La Marne, Les Éparges, Les
Vosges
271… Carnet
de guerre d’Henri ROCHEREAU, sapeur au 135e régiment d’infanterie
Belgique, 19 février
1915.
« Ce matin, le réveil a été à 5 heures, mais
nous avons eu une triste sortie. Nous avons été assister à la dégradation de 3
hommes du régiment qui ont eu 10 ans de détention et un autre qui a été fusillé
devant tout le régiment.
C'est épouvantable : Tué par une balle ennemie,
oui ; mais jamais par ses frères d'armes. »
Trois carnets qui couvrent la période 1914 à 1919.
De très nombreux noms de poilus sont cités et retrouvés…
270… Carnet de guerre de
Marcel JAILLET, sergent au 135e régiment d’infanterie
Belgique, février 1915.
Mercredi
18 février
« Sommes
relevés par le 66 à 9h du matin, nous n’étions pas prévenus, ce qui fais
quelques chicanels. Nous partons pour Ypres et après de nombreux détours, nous
arrivons sans incidents. Sommes aux casemates. Dans la journée Ypres est
bombardé. Un obus tombe sur la place près de l’église mais ne fait pas de
dégât. »
Jeudi 19 février :
« Réveil à 5h du matin, allons à Potyze assister à
la dégradation de 3 soldats et à l’exécution d’un autre, spectacle pénible que
j’aurai préféré ne pas voir. »
Le seul carnet de guerre retrouvé de ce sergent du
135e régiment d’infanterie. Les combats en Belgique, Ypres, en Flandres et en
Artois.
269… Carnet
de guerre de Victor DURAND soldat au 124e régiment d’infanterie
26 décembre 1916.
« Le 26, passage au Mans, Versailles,
Achères, arrivé à St-Just le 26 vers 15 heures.
Départ
de St-Just vers 17 heures. Arrivé à Beauvais vers 22h30.
Départ
de Beauvais le 27 à 6heures 40, arrivé à Gournay à 8 heures 10. Arrivé à la Cie
à 11 heures 30 à Beaulévrier.»
La succession des villes et villages traversés
jusqu’à sa mort par éclats d’obus à la tête dans la Marne, au Mont-Blond le 1e
janvier 1917.
268… Carnets
de guerre de Charles DEVANT,
officier d’approvisionnement du 2e régiment d’artillerie de campagne
17 septembre 1914
« Suis à Xermaménil. Passé à Gerbéviller.
Spectacle inoubliable dans son horreur. Pas une maison ne reste debout. Tout
est brûlé, saccagé. Des civils restent dans les décombres ou dans leurs caves.
D’autres ont été fusillés. La rue Gambetta n’est plus qu’un amas de ruines.
Plus d’habitants, plus d’église, plus rien. Quelle tristesse. Ponts coupés.
Voie ferrée coupée etc…
J’ai
attrapé 8 jours d’arrêt parce que le 3ième groupe qui suivait le mien était en
pagaille sans mousquetons ni bidons. J’ai réclamé au capitaine adjudant major
qui fera lever ma punition.
Plus
de vin. Plus de vivres hors ceux du train régimentaire. Plus de conserves, plus
rien. »
Officier d’approvisionnement au 2e régiment
d’artillerie de campagne, Charles DEVANT à fait toute la guerre un peu en
arrière des première lignes. Néanmoins son récit, dans cette affectation
(parfois aberrante) de « comptable » de l’armée française, nous
plonge dans la vie d’un « petit état-major », celui d’un régiment
d’artillerie. Il a aussi pris plus de 200 photos, dont beaucoup sont annotées
du nom de ses camarades de misère…
267… Carnet de guerre Joseph JUPIN, lieutenant au 1er puis 106e régiment d’artillerie lourde
Ludes, sud de Reims, Marne, 2 janvier 1915
« Et
alors, une lune brillante éclaire la campagne triste et désolée. Le vent siffle
dans les arbres dénudés.
A
part cela, silence morne. Pas de bruit du canon. C’est à peine si l’on se croirait
en guerre. Et cependant que de personnes souffrent qui chassées brutalement de
chez elles n’ont plus de chez soi aimé et plein de souvenirs ! Nous autres
soldats, nous sommes heureux, nous souffrons aussi beaucoup ; mais au
moins nous avons la douce consolation de savoir que si nous souffrons, au moins
nous faisons notre devoir.
Toutes
nos souffrances n’ont qu’un but : la vie de notre chère et belle
France ! Gloire à elle et maudits soient ses sauvages
agresseurs ! »
Nous découvrons la vie durant de début la guerre
d’une colonne légère d’approvisionnement d’artillerie, toujours un peu à
l’arrière du feu, jusqu’à son transfert comme chef d’une batterie de tir.
266… Carnet
de guerre d’Henri GUIBERT
Soldat, puis
musicien-brancardier, signaleur, téléphoniste
aux 354, puis 355e régiments d’infanterie
Sillery, Champagne,
juillet 1916.
« Je m’approche de la porte et reconnais
le malheureux. C’est un copain de la classe 16 – Gilbert Alfred LEMAIRE - ayant
été à mon escouade à Pontrieux ; il est de Hautvillers. Le brancard est maculé
de sang.
Enfin
le médecin qui achevait de lui faire son pansement nous fait signe de venir.
J’entre vivement et soulève le brancard sans trembler. La vue de ce camarade
sanglant, décoloré, haletant, ne m’impressionne pas du tout. Nous le déposons à
terre dehors et le changeons de brancard, nous le suspendons à la voiture et
nous voilà parti pour Sillery.
Notre
blessé ne parle pas, ne bouge pas. Sa respiration entre coupée fait claquer ses
lèvres noires et mousser la salive. Au fur et à mesure que nous avançons, son
visage devient de plus en plus jaune, ses yeux se retournent et ses mains se
refroidissent.
Enfin
nous arrivons à l’infirmerie. Nous le déposons dans la salle de visite. Le
médecin-chef le regarde et s’en va en hochant la tête. Nous avons compris que
le malheureux n’en a plus pour longtemps….
265… Journal
de guerre de Désiré SIC - Officier du génie
Compagnie 19/2 M, puis 7/63
(7e bataillon du génie)
Billet de tranchée du
24-2-1916 – Tilloloy (Somme)
Mon
capitaine,
«
Malgré qu’il ne me soit guère possible de vous donner le nombre de travailleurs
auxiliaires qui travaillent dans le secteur, attendu qu’il y en a sur une
dizaine de points, je vais tâcher de vous fournir ce renseignement.
Ce
matin nous avons eu une conférence à 7 h entre chefs de secteurs pour les
travaux à exécuter. Le colonel m’a envoyé un rapport au sujet de ces travaux.
Pour
les brèches à laisser dans les réseaux de fil de fer, le rapport en mentionne
une de 10 mètres tous les 100 mètres.
Je
tiens à vous informer que si le nombre de voitures ou le mode de transport de
matériel n’augmente pas, je vais être obligé d’interrompre certains travaux. En
ce moment je manque de pas mal de choses, mais sous peu je vais manquer de tout
; en procédant par ordre, je vous demande :
1
– un plan détaillé des 2 secteurs ; ensuite comme matériel :
des
bois de fascinage, des piquets, des rondins, des madriers, des schillitages,
des rails, des tôles, des cadres de G.M et de GG, des planches de ciel et de
coffrage, etc… Ce qui me presse le plus, c’est pour les bris, des cadres et des
planches. Pour les tranchées, des gaulettes pour revêtements.
De
tous les côtés, on me demande du matériel ; ce soir je dois voir pour la
construction de deux abris de mitrailleuses assez élevés- contre le gaz- pour
la construction d’un poste d’observation d’artillerie en 1ère ligne ; pour des
postes de guetteurs, etc… Avec cela piquetage de la ligne de contre-attaque,
visite des secteurs et des travaux en cours. C’est à en perdre la tête ! Et les
paperasses ! Le colonel vient de remodifier un peu tout au sujet de la
direction des travaux, en ce qui concerne l’entretien des boyaux, de la ligne
de soutien, etc… J’espère que cela va marcher ; du reste je joins son rapport à
ma lettre. Vous voudrez bien me le retourner le plus tôt possible ;
Pour
les tampons masques, il vaut mieux que vous m’en envoyez quelque uns que d’en
demander ici. Je les prendrai au magasin et en cas de besoin, serai certain de
les avoir. »
Signé
D. SIC.
Colin, son petit-fils, nous dit fin 2020 :
Vous pouvez publier ce carnet et ses notes sur
votre site, car je pense qu’ils méritent d’être communiqués à un public plus
large.
En plus de ce carnet, mon grand-père Désiré SIC a
réalisé plus d’un millier de photos durant la grande guerre, essentiellement
sur plaques de verre, et a accumulé une masse importante de documents, vous en
trouverez une petite sélection.
L’essentiel a été mis en dépôt aux archives
départementales de Haute-Provence, son département de naissance.
264… Carnet de guerre d’Émile SIVIARD, sergent au du 327e régiment
d’infanterie
Pendant la retraite,
Aisne, 30 août 1914.
« L’espion
(car s’en est un) est interrogé par un commandant d’artillerie. Habillement
cuisiné, il finit enfin par avouer. Il nous suit depuis notre arrivée dans
l’Aisne ; en Belgique faisait partie d’une bande qui indiquait nos positions la
nuit à l’aide de signaux lumineux :
«
Je vous l’abandonne » dit le commandant. :
Au
même instant, d’un coup à revers, un artilleur ouvre la gorge du bandit d’un
seul coup de couteau. Il tombe inondé de sang ; ceci ne fait qu’exaspérer les
hommes au souvenir de ce que nous avons enduré à cause de ce bandit.
La
scène est atroce ; un fantassin lui envoie un coup de baïonnette. Les paysans
avertis arrivent bientôt ; ils sont plus acharnés encore. Vite ils prennent une
botte de paille ; le feu est mis et l’espion grille vif. Ils le retournent à
l’aide de grands crochets en lui lançant les pires injures. La scène est
affreuse ; on voit les membres qui se recroquevillent. Tout à coup une détonation.
Le monstre avait caché des balles de révolver dans ses bottines ; elles
éclatent sous l’action de la chaleur. Quoique scène sauvage, chacun la regarde,
impassible..»
Des combats meurtriers de la ferme de Lenne en
Belgique, de la bataille de Guise, des combats autour de Sézanne (51), les
fusillés de Verdey, la bataille pour Reims fin 1914…
263… Carnet de guerre de Roger LACOSTE du 52e régiment d’artillerie de campagne.
Châtelraould, 8
septembre 1914.
« Le maître-pointeur de la 2ème pièce,
sans aucun commandement, pointe sa pièce, tire au milieu d'eux environ à 600
mètres et fait plus de 100 victimes en une dizaine de coups de canon. Il est
ensuite aidé par la 1ère pièce, et grâce à leur sang-froid, on réussit à faire
reculer peut-être un bataillon ennemi, qui pouvait nous faire tous
prisonniers.»
Un artilleur au cœur la bataille de la Marne …
262… Carnet de guerre de Lucien BORIES du 59e régiment d’infanterie
Resson, Meuse, 24
décembre 1917.
« Repos, la neige tombe en abondance. Le
soir, nous faisons un petit réveillon. Omelette, saucisses, pâté, huitres 7
douzaines, poulet, gâteaux. Vin fins (2 graves et 3 bordeaux) et vin ordinaire
(8 litres). Le tout à 7 convives. Vin chaud.»
Mitrailleur, puis sapeur, puis artilleur de
tranchée à la compagnie hors-rang du 59e régiment d’infanterie…
261… Carnet d’Armand POULAIN du groupe territorial du 1er régiment d’artillerie à pied.
Route de Menin,
Belgique, novembre 1914.
« Vers neuf heures, nous sommes partis
sur la route de Menin pour mettre en batterie. Les obus éclate continuellement
à droite et à gauche de nous.
C’est
là que j’ai vu pour la première fois, à la ligne de chemin de fer, sept
français tués et autant de chevaux.
Toujours
le 3, un obus a éclaté à six mètres de moi, heureusement que j’étais couché.»
Très court carnet, mais avec une liste de noms
d’artilleurs qui peut être intéressantes pour des recherches…
260… Carnet de guerre de Jean LUPIS, 57e et 18e régiments d’artillerie de campagne.
Arras, Artois, 7 août
1915.
« À 20h, quittons Berneville pour aller
prendre position à Arras, 27 rue de Cambrai.
Très
mauvaise position. Mais bien retranchés, à 600m des 1ères lignes. Cantonnons
dans des caves, lits de milieu, pendules, salons, pianos, salle à manger,
services de table, fauteuils, canapés, soirées dansantes, BUADOUILLE déguisé et
photographié en préfet de police. »
Champagne, Artois, Verdun, Belgique : la vie et la mort au front
d’artilleurs d’une batterie du 18e régiment d’artillerie de campagne…
Mont Kemmel, Belgique,
mai 1918.
« Duel d’artillerie. Beaucoup de brûlures
par les gaz, poumons ou parties sexuelles. Les 2/3 au moins sont hors de combat
et quelques-uns évacués. Je suis moi-même brûlé dans le dos et aux parties
sexuelles, mais je ne vais pas à la visite. On n’a pas encore trouvé de remède
efficace à ces brûlures. (…) Très peu de servants sont capables de servir les
pièces. On refuse de les évacuer et on comprend qu’il faut tenir ici malgré la
pénurie de personnel. »
Champagne, Italie, Belgique voilà les combats
racontés dans son journal.
Journal et album-photos qui ont été vendus par le
petit-fils sur Ebay….L’acheteur a au moins permis de sauver ces écrits. Merci à
lui.
258… Carnet apocryphe du soldat Louis DUCHESNE du 1e régiment d’infanterie coloniale
Thonnelle, le 19 août
1914.
Mes chers parents,
« Je
profite d’un instant où l’on est au couvert pour vous envoyer de mes nouvelles.
Il
y a 3 ou 4 jours que je vous ai envoyé une lettre. Je pense que vous l’avez
reçue. Je vous assure que la guerre ça n’est pas gai. L’on cantine un peu
partout, plus souvent dehors que sous le couvert. Nous arrivons encore de
coucher dans une forêt. Les nuits ne sont pas bien chaudes. Nous voyons
beaucoup d’aéroplanes allemands qui passent au-dessus de nous. La mitrailleuse
tire dessus mais ne peut pas les atteindre, car ils sont trop élevés. J’ai
envie que tout ça soit terminé je vous l’assure, car c’est très fatiguant. Que
si je m’en reviens, je me rappellerai de l’année 1914.
Je
termine en vous embrassant tous bien fort ainsi que ma marraine.
SVP…
Ne vous faites pas trop de chagrin. Votre fils qui vous aime.
Louis »
12 octobre 1917, secteur d’Okrida, Serbie
« Marche sous une
pluie battante. Oh ! La sale journée. Nous faisons 30 km rincés jusqu’aux os.
J’arrive exténué. Un de mes camarades est malade.
Il reste un peu en
arrière. Je reste avec lui avec le troisième copain habituel. Le
lieutenant-colonel vient à passer. Il nous demande pourquoi nous restons
derrière, puis se met à nous « habiller » en termes peu choisis. Vraiment, il y
a des moments où le métier militaire est écœurant. Un homme est moins regardé
qu’un chien. Ce colonel n’a donc pas d’enfants pour causer de la sorte.
Arrivons sur le soir
complètement trempés. Couchons dans une maison. »
Carnets
de 1916 – 1919 : France – Grèce – Serbie - Albanie – Roumanie – Les
mutineries en Russie. Quel périple !
256… Carnet de guerre de Gaston BÉCARD aux 31e, 342e et 81e régiments d’infanterie
Fin janvier 1915, secteur d’Ypres, Belgique
« Travaux de
propreté. On a de la boue jusqu'aux épaules, on la gratte au couteau et passons
ainsi la journée à se faire sécher. (…)
Revue par le colonel et
présentation du drapeau dans la cour de la caserne d’Ypres.
Les aéroplanes allemands
évoluent au-dessus de nous. Les bombes leur tombent derrière mais jamais
dessus.
Nous rentrons au
cantonnement après le discours du colon qui n'est pas émouvant. Il nous dit
juste ‘’ qu'il faut mourir pour le drapeau parce qu'il a fait le tour du monde
‘’. Quelle bêtise au 20ème siècle ! Vaudrait mieux qu'il n'aille pas plus
loin.
Nous rentrons au
cantonnement alors défense de sortir. »
255… Carnet de guerre de Joseph CROUSILLAT du 7e régiment de génie, compagnie 15/12
6 septembre 1914, secteur de St Mihiel, Meuse
« Là, çà été une
débandade. Les obus nous pleuvent comme de la neige et dans ce moment nous
avons perdu un sergent et 3 hommes morts et crois-moi que c’est dur de voir
mourir ses camarades et vous disent des paroles à vous crever le cœur ; ce
pauvre sergent (Paul DON) qui disait :
« Non, je ne veux pas
mourir ; que vont devenir ma femme et ma fille ? »
C’est terrible. »
Joseph CROUSILLAT, clairon-sapeur-mineur, raconte
ses 3 premiers mois de guerre avant sa blessure : la joie, la retraite,
les désillusions…
254… Lettres de guerre du lieutenant-colonel GRAUX commandants les 125e et 60e régiments d’infanterie
30 décembre 1915, Aisne, près de Soissons
Ma chère petite Marcelle,
« Je viens te
rappeler que je compte sur toi, sur ton bon petit cœur, pour mettre un peu de
fête dans la maison. Égaie ta sœur, distrais ta maman ; tu peux être sûre
que de loin j’entendrai votre rire et que j’en serai réconforté : rien ne
me fera plus de plaisir ; la jeunesse doit être gaie et quand tu te
sentiras triste, prends sur toi…
La maison où j’habite a
été occupée pendant 2 jours par les Allemands : ils ont volé toutes les
couvertures, les édredons, conserves, confitures, vin. Puis les Anglais sont
restés 3 semaines ici : le général FRENCH a habité la chambre où je suis.
On ne se plaint pas trop des Prussiens, qui n’ont rien brûlé, ni brisé (sauf les
portes des armoires) – Quant aux Anglais, on les a trouvés un peu sans-gêne. Je
t’embrasse, ma petite fille chérie, de tout mon cœur et bien tendrement. »
Georges GRAUX est né à Rennes le 6 juin 1860. Il a
la vocation militaire, entre à St Cyr (1881 – 1883), promotion « Égypte » et
sort dans l’infanterie. En 1889 il est détaché au service géographique de
l’armée pour établir des levers topographiques en Algérie et réalise en
parallèle un album de photographies.
Puis Amiens, St Nazaire au 65e d’infanterie,
capitaine au 41e à Reims, Major à Sedan au 147e, chef de bataillon au 88e
d’Auch.
Georges est lieutenant-colonel au 135e d’Angers au
début de la guerre.
253… Carnet
de guerre de Constant DELATTRE des 84e et 299e régiments d’infanterie
Lassigny, Somme, 15 août 1918
« Vers le jour, continuation de bombardement,
la 18e compagnie va se poster en avant vers 5 h du matin – Nous occupons la
tranchée des Chasseurs, tout le bataillon se porte en avant… »
Constant DELATTRE est au 84e RI, il part pour la
Grèce en 1917. Malade, rapatrié, il passe mitrailleur au 299e RI et participa
aux batailles de l’Oise en 1918. Son petit-fils a retracé son parcours. Le
carnet est présenté en version brut et non recopié.
252… Carnet
de captivité de Louis CHEVREAU du 213e régiment d’infanterie
Camp de Bonne Goutte, Hartmannswillerkopf, 9 septembre
1915 à 9 heures du matin
« Ma compagnie quitte le camp de Bonne Goutte
pour aller à la tranchée.
À 4 heures, le bombardement commence, nous restons
dans un abri qui résiste très bien.
À 4 heures 50, nous voyons la fumée, nous nous
disons que ce sont les gaz mais tous nous respirons le goût. Nous disons tantôt
c’est du pétrole tantôt c’est du goudron. On regarde, on dit c’est le feu, ça
ne dure pas longtemps.
Le bombardement dure toujours. Un instant plus
tard on crie « à la tranchée ». (…)
Peu de temps après nous entendons les Allemands
dans la tranchée. Nous restons un instant.
Mais tout à coup l’ennemi frappe à la porte. Si
l’on n’ouvre pas, il nous jette une bombe … On se décide d’ouvrir, il nous crie
de sortir, personne ne comprend, on ne sort pas.Il nous tire un coup de fusil,
personne n’est touché. Nous sortons, il nous dit : « kamarade file
vite ».
Louis CHEVREAU rédige un carnet de captivité au
camp de Mannheim. La centaine de colis qu’il reçoit en 1915 et 16 est
minutieusement répertoriée.
251… Carnet de campagne de Clovis MUFFAT-JOLY
Sapicourt (Marne), 27
mai 1918
« À 1 heure du matin déclenchement de l’offensive
allemande, bombardement, marmites et gaz asphyxiant, commencement de la
retraite française, retour du groupe à Savigny (Marne).
Retraite. »
Clovis MUFFAT-JOLY est passé par les 3
armes : Cavalier, puis infanterie puis artilleur… Son carnet de campagne,
néanmoins intéressant, est la succession des lieux traversés.
250… Carnet
de route de Jean Louis VALEILLES du 22e régiment d’infanterie coloniale
Moulin de Laffaux
(Aisne), 16 avril 1917
«L’attaque échoue, les vagues d’assaut sont
fauchées ou battent en retraite. Les chefs sont tués, le désordre et la
pagaille commencent à régner. Les renforts n’arrivent pas ; moi et ma pièce
nous avons passé les fils barbelés. On ne s’est pas aperçu à temps du mouvement
de repli et à 10h nous avons été enveloppés par les Allemands et faits
prisonniers un peu à droite de Laffaux.
Nous avons dû passer toute la journée entre la
1ere et la 2eme ligne allemande sous notre propre bombardement, où le chef de
ma pièce, le caporal François PRÉAU, a été tué par une mitrailleuse, et ce
n’est que vers les 8h du soir que nous avons été conduits au poste de
commandement allemand dans une belle carrière très bien aménagée et où ils ont
eu soin de nous enlever toute la correspondance… »
Après sa grave blessure au poumon Jean Louis
VALLEILLES repart au front au 22e colonial : Carnet de route, les
déplacements et quelques détails sur sa capture.
249… Cahier de Chansons et de poèmes de Jean Marie DUCLOS du 68e
régiment d’infanterie
Issoudun le 17 août
1897, discours du lieutenant E. du FAY DE CHOISINET pour le départ de la classe
1894 du 68e régiment d’infanterie
«Enfin mes amis, si vous, m'en croyez,
occupez-vous le moins possible de politique. Vous avez mieux à faire que de
vous m'étiez à des discussions où le plus malins ne comprennent rien ou peu de
chose si vous avez des idées personnelles, sachez de les conserver saines. Mais
m'espérez pas de les faire partager à votre voisin, vous perdriez beaucoup de
temps et sans résultat.
La politique à la ville comme à la campagne et une
cause de division dont vous n'avez nul besoin. Respectez les conditions de
chacun, notez suivant votre conscience et vos goûts et tenez-vous en-là, ne
prenez pas surtout pour parole d'évangile tout ce qui est écrit et méfier vous
des gens qui parlent fort et font miroiter à vos yeux mille choses merveilles
et irréalisables. On ne présente ordinairement à l'alouette un beau miroir que
pour mieux la fusiller, si vous êtes l'alouette fuyez le miroir.
Je terminerais par là.
En quittant le régiment nous n'abandonnez pas vos
armes pour toujours plusieurs fois encore réserviste et territoriaux. Vous le
reprendrez et vous reviendrez parmi nous saluer votre drapeau. Vous êtes jeunes,
vous verrez de graves évènements.
En ce jour de frisson général où le tocsin se fera
entendre d'un bout à l'autre de la France, vous accourez pleins d'une sainte
ardeur vous rangez sous ses plis et se sera d'un cœur bouillant de patriotisme
que votre classe, heureuse de se retrouver entière réunie, pour marcher à
l'ennemi.
S'écrier en face du danger. « Vive l'armée
Française ».
Dès 1877, les élèves de cours moyen apprennent à
lire avec un manuel sans cesse réédité : " Le Tour de France par deux
enfants ".
C’est dans ce contexte que Jean Marie DUCLOS a été
éduqué en chrétien, soldat et patriote envers sa patrie de toujours : la
France. On le voit dans les chansons chantés par les soldats pour exaltés le
patriotisme, l’obéissance, l’amour de la France et désigner l'ennemi :
L'Allemagne et les régions perdus : L’Alsace et la Lorraine.
Secteur de Flavigny, le
25 août 1914 :
« J’ai vu des hommes jeter leur cartouches, leurs
sacs, leur fusil dans les fossés bordant la route pour pouvoir suivre, mais il
y en a la dedans beaucoup d’hommes qui sont affolés et fuient ; Beaucoup
descendent de Morhange plateau où les Boches nous ont durement accueillis par
un terrible bombardement.
Ils sont du midi et les officiers mêmes
abandonnent leur harnachement pour fuir plus vite.
Certains disent qu’on les a sacrifiés menés à une
boucherie. Mais ceux-là n’ont aucune blessure et questionnant chacun j’apprends
que les hommes blessés que j’ai vu revenir sont ceux des régiments de l’Est, du
Nord et de l’Ouest qui étaient au centre de l’attaque et qui se sont vus
encerclés par les Allemands parce que le régiment du midi qui étaient sur les
ailes avaient fui comme des lapins sans combattre aussi est ce avec haine
qu’ils se regardent. »
Lorraine, Flandres, Belgique, Artois, cycliste de
l’état-major, puis artilleur de crapouillot en tranchée d’Artois. Le 30 mai
1915, il décrit avec effroi la folle attaque du 205e régiment d’infanterie vers
les tranchées allemandes du fameux « Labyrinthe ».
247…
Carnets
de guerre d’Alfred René FAILLE, sergent au 410e régiment d’infanterie
Ouvrage du Caméléon,
Champagne, le 30 mars 1916 :
«Un quart d’heure après, j’étais à bout de force,
la tête en feu, mes épaules douloureuses pliaient, et le plus fort n’était pas
fait. Restaient à franchir les pare éclats de la première ligne. Là, j’ai pensé
défaillir car je commençais à vaciller sur mes jambes moins vives. La fascine
longue de près de 3 mètres ne pouvait passer dans ces lacets étroits, elle
s’immobilisait dans les coins, et il nous fallait alors la soulever au-dessus
des hauts parapets. Nous arrivions heureusement, cela me stimulait et,
m’arcboutant contre la muraille de craie, grinçant des dents, les bras tendus,
on passait quand même. La tête de la corvée revenait sur ses pas, et quel
soupir de soulagement en déposant ma charge.…. »
Centre Payen,
Champagne, le 18 avril 1916 :
« Il vous arrive avec un sifflement lugubre
comme un lourd oiseau de proie, semblant choisir sa victime, se balançant dans
l’air, et tout d’un coup s’abattant brusquement. Il parait que le jour on peut
les suivre dans leur trajectoire, et c’est cela je crois qui doit affoler le
plus…» (…)
Il faut bien passer le temps, éviter l’ennui et le
cafard qui vous guettent. Les correspondances viennent à propos pour nous
changer les idées. C’est un rayon de soleil dans notre triste vie de sauvage,
une consolation, un soutien dans nos moments d’énervement ou d’abattement. En lisant
ces petites lettres d’un frère, d’un parent ou d’un ami, le poilu quitte par la
pensée, et pour un moment, les gourbis, les tranchées et les boyaux pour se
rapprocher de celui qui lui envoie de ses nouvelles, qui lui adresse quelques
lignes d’espoir, d’encouragement. C’est pour lui quelques moments d’une vie
faite de souvenirs qu’il prolonge à loisir en répondant à ces lettres …
Sa première arrivée aux tranchées à l’ouvrage du
Caméléon, les corvées nocturnes en premières lignes : description minutieuse
sur le carnet d’un instituteur : ce qu’il voit, ce qu’il ressent, ce qu’il
ne voit pas, ce qui l’inquiète, ce qui l’encourage…
246…
3
carnets de guerre d’Arsène LERIDON du 72e régiment d’infanterie territoriale
Août 1915, Somme :
«Ribécourt est une commune assez importante, c’est
canton. Tout le bourg est presque détruit. Les allemands y ont habité pendant
quelques mois et nous l’avons repris. Depuis il bombarde assez fréquemment ce
pays. Les maisons sons à moitié détruites. Les habitants, surpris, ont laissé
tout dans leurs maisons à la merci de tous. Tout n’est que pillage, tout traîne
par les places. Il faut monter sur le linge de corps ou literie pour
avancer…. »
Fort de Tavannes, mars
1916 :
« À 4 heures du matin, rien encore d’arrivé.
Qu’est-ce qui se passe, en voilà plusieurs qui arrivent tout en sueur, plein de
neige, il y avait 5 centimètres de neige. Cette nuit-là, ils nous disent que
personne n’a pu approcher du fort tellement il était bombardé. Il a fallu
qu’ils laissent les munitions dans un fossé à quelques cent mètres du fort.
Un autre arrive, nous dit qu’un de nos camarades a
été tué par un obus. Ils étaient couchés tous les deux dans un trou d’obus, il
a voulu porter secours à son camarade qui était près de lui, mais hélas il
n’était plus qu’une bouillie. Il a fallu renoncer à l‘apporter. »
Tilloloy, somme,
décembre 1915 :
« Un homme de la 10ème compagnie se hasarde à
aller chercher un cadavre français au-devant des fils de fer allemands. Il
monte sur la tranchée et va droit au cadavre. Pas un soldat allemand ne tire,
arrivé au cadavre. Les allemands remontent par-dessus la tranchée, puis il leur
fait signe de venir. Plusieurs viennent près de lui, puis dans l’espace de cinq
minutes, il se trouve une vingtaine d’allemands et de français sur la tranchée,
à se parler ou plutôt se faire des signes pour se comprendre.
Ils échangent du tabac même ils essayent leurs
casques. Un capitaine du 71 leur parle en allemand. »
Des écrits de 1914 à 1917 réunis dans 3
carnets : Somme, Oise, Verdun…Description de nombreux villages détruits,
les bombardements continuels, les corvées, la fraternisation de décembre 1915,
les préparations pour les attaques au gaz…
245…
Souvenirs de guerre du
caporal Louis MERCY du 149e régiment d’infanterie
«Les journées suivantes se sont passées
tranquilles ; ensuite nous sommes relevés pour un repos de 6 jours. Nous
cantonnons à Ciry-Salsogne, 10km environ de Soissons. Ces jours ne sont pas de
détente ; les journaux annoncent des mutineries dans l’armée, nous sommes
consignés dans notre cantonnement.
Le 158ème RI qui fait division avec nous, refuse
de remonter en première ligne.
Ma section est de garde aux issues du patelin,
mais rien n’est venu troubler notre secteur. Nous apprenons que l’aumônier du
158ème a réussi à calmer leurs esprits et à ranimer leur courage. À leur tête
il les entraîne relever leurs camarades des premières lignes. Cette nuit même
de la relève, il est tué par un éclat d’obus. »
Souvenirs de ses classes, Le chemin des Dames, la
bataille de Malmaison, Le combat d’Orfeuil…
244…
Carnet
de guerre du lieutenant HERBILLON du 306e régiment d’infanterie
« Je me
suis livré aujourd’hui à d’amères réflexions sur mes semblables que la
civilisation n’a pas rendus meilleurs. Aussitôt que l’homme est livré à ses instincts,
(et la guerre lui en donne l’occasion), il ne pense qu’à la ripaille et à la
rapine. Il ne faut rien moins que la crainte de représailles sévères pour le
forcer au respect. Malheureusement, en France, et en particulier dans nos
formations de réserve, la discipline est fort relâchée, aussi voit-on des
choses écœurantes. Des paysans (bien mal inspirés, j’en conviens), nous disent
qu’ils ont eu moins à se plaindre du séjour des Allemands que du nôtre. On ne
peut que rougir de ce témoignage. Ce n’est pas que l’Allemand vaille mieux que
nous, loin de là, si par moments, il est plus honnête, c’est qu’il plie sous
une discipline de fer. »
243…
Carnet de guerre d’un
inconnu des 119e et 319e régiments d’infanterie
« Enfin au cours de cette permission, j’aurais le
bonheur de voir se signer l’armistice le 11 novembre à 11 heures. Le cauchemar
est fini. Est-ce enfin possible.
Le martyr est consumé. Il reste de tout ceci l’égoïsme
de vivre mis à part une grande détresse morale, l’horreur de la guerre. Les
choses honteuses que j’ai vues.
La pensée s’est usée au cours de ces secousses diverses.
Je suis maintenant une brute, une brute qui a honte de ce qu’on lui a fait
faire. Je retire de là un profond dégout de l’humanité et la haine du
militarisme. »
Carnet retrouvé dans une
malle – Sans nom – Sans photo… Après de laborieuses et fructueuses recherches
de Philippe S. nous pensons avoir identifié le rédacteur : Soldat LOUAIL
Pierre Henri…
Pascal, le propriétaire
actuel du carnet veut rendre ces souvenirs aux éventuels descendants…
242…
Carnet de route de
Louis FAURE du 47e régiment d’artillerie
18 avril 1917, Chemin
des Dames
« Naturellement rien à manger. Les vivres de
réserve sont absorbés depuis le matin et on parle de ne rien toucher d'ici
trois jours. C'est le moment de s'abattre sur ce qu'on trouve. Pour ma part je
fais une razzia de biscuits barbotés de-ci de-là. Je ne mourrai tout de même
pas de faim. Mais quelle pénible impression de se retrouver dans ses anciens
cantonnements quand on croyait si bien coucher le soir en terrain reconquis.
C'est l'abattement complet.
Je comprends facilement que par la suite plusieurs
régiments se soient mutinés. Rien n'est aussi déprimant qu'une telle séance,
surtout quand on ne fait rien pour relever le moral du poilu - au
contraire. »
241…
Souvenirs de guerre de
Marie FUINEL
du 23e, puis 102e
régiments d’infanterie
Après sa blessure en
gare sanitaire de Bruyère, le 16 septembre 1914
« Mais quelle horreur dans les gares proches du champ de bataille
! Des tas de blessés, quelques-uns affreusement mutilés, sont couchés n’importe
où et n’importe comment. Ils gémissent mais personne ne semble les entendre. Le
major est surmené et il les regarde méthodiquement, l’un après l’autre.
Beaucoup de ces malheureux expirent ici dans d’horribles souffrances.
Quelques-uns sont légèrement blessés, et ils sont évacués tout de suite.
D’autres se sont mutilés. Le major les envoie impitoyablement au peloton
d’exécution.
A Bruyères, on forme le train des blessés, nous restons 24 h
dans le train avant qu’il ne parte. »
240…
Journal de
guerre de Théophile JOUSSEAUME
du 64e régiment
d’infanterie
Maissin, Belgique, 22
août 1914
« Là notre artillerie se fit entendre, ça venait de
devant, de derrière, ont été assourdis, c’était une fumée de poudre de tous
côtés, à la fin de la journée les clairons sonnent la charge à la baïonnette
pour chasser définitivement la position de l’ennemi. »
« Là, je me relève à moitié étourdi car je me demande
comment je faisais pour me trouver encore vivant, car de chaque côté de
nombreux copains étaient inanimés, la scène fût touchante, les clairons
sonnaient la charge, des cris de en avant à la baïonnette se répétaient de tous
côtés en se mêlant aux cris déchirants des blessés. Les deux clairons de ma
compagnie furent tués en sonnant la charge à chaque pas que l’on faisait on se
heurtait dans les morts ou les blessés, malgré tout nous marchions toujours sur
la lisière du bois en fuyant devant nous comme des lâches, mais sur deux cent
soixante que nous étions avant à la compagnie, deux heures après nous étions
que cent trente sur le champ de bataille. »
Il raconte les combats
sanglants de Maissin, de Bulson au mois d’août 1914, puis ceux de la bataille
de la Marne : la Fère-Champenoise, d’Écury-le-Repos et ceux du secteur
d’Hébuterne, Serres, La Boisselle…
239…
Carnet de guerre et album
photos de Pierre Charles HUET
du 22e régiment
d’artillerie
Verdun, 8 avril 1916
« Cette route fut terrible. Il faut y avoir passé en
plein jour pour savoir.
Être dans un bois ou tous les arbres sont cassés, déchiquetés
; une route à peine reconnaissable que par le nombre de chevaux morts, voitures
cassées etc…Les obus arrivent dans toutes les directions aussi pour passer il
faut prêter grande attention au sens des arrivées d’obus : ne pas craindre de
faire des plats-ventre.»
Pierre HUET nous a
laissé son carnet de guerre et un album-photos. Verdun, puis la Grèce, Serbie,
Roumanie…
238…Carnet de campagne du gendarme Clovis POREAUX
Gendarme cycliste à
la brigade de Comines (59, 1ere légion de gendarmerie
Lille, rue Marquillies,
le 3 octobre 1914
« Je fais aussitôt feu. Le cheval tombe. Son cavalier
peut néanmoins se relever et prendre la fuite.
Je continue à tirer, ainsi que mon camarade DUJARDIN, arrivé à
mon aide. Plusieurs autres cavaliers allemands galopent dans les champs lorsque
le 2ème et son cheval sont à nouveau abattus.
Nous courrons pour les capturer, mais à ce moment les autres
cavaliers étant devenus menaçants, et craignant d’avoir notre retraite coupée,
nous jugeons prudents de nous replier en abandonnant nos ennemis blessés.
Clovis POREAUX est né au
Nouvion-en-Thiérache (02) en 1876. Il est gendarme dans le Nord, tout près de la
frontière belge. Il retraite vers Pontoise avec sa brigade, et reviens en
région Lilloise juste avant la prise de cette ville par les Allemands. Ce
document est rare car il est écrit non par un poilu mais par un gendarme et
donc son rôle durant le conflit est différent.
Ensuite il y a un côté «
journal » : il nous détaille pendant presque 7 mois les déplacements quotidiens
de son escouade. Il « suit » l’armée sur les champs de bataille de la
Marne. Les Allemands étaient le 3 septembre 1914 à Valmondois quelques km au
nord de Pontoise, le saviez-vous ?
237…Carnet de guerre, souvenirs d’Émile MILLE
Soldat
au 128e régiment d’infanterie
Pargny-sur-Sault (55),
le 7 septembre 1914
« A plusieurs reprises, entre deux feux, nous traversâmes
le jardin du château, et l'on allait chercher le champagne et toutes les
liqueurs du château. Nous rapportions le tout dans la tranchée. Je n'ai jamais
bu tant de champagne de ma vie. Il fallait faire vite pour courir à ce château.
Je me rappelle que nous étions dans la cuisine lorsqu'un obus démolit un coin
du toit. (…)
La gare était rouge de sang. Sitôt qu'un de nous se levait des
rails, il tombait pour ne plus se relever. Je vis la cervelle d'un de mes
camarades jaillir sur le quai. Je devins pâle. Le cœur me manqua de voir tant
de sang. Le quai était jonché de cadavres »
Émile MILLE, 21 ans en
1914, il se trouve sous les drapeaux au 128e régiment d’infanterie quand la
guerre éclate. Son récit, ses dessins sont d’une poignante vérité. La
description des combats à Fontenois (Ardennes) et à la gare de Pargny-sur-Saulx
(Marne) sont d’une intensité remarquable.
236…
Carnet
de guerre de Gaston MAGNIEN
Soldat
au 69e régiment d’infanterie
Pommier (62), le 2
novembre 1914
« À signaler la frousse du capitaine qui, aussitôt l’ordre
de relève, part avec la liaison sans s’occuper de ses hommes restés dans les
tranchées.
Il parait qu’à chaque distribution, ce joli coco prend un ou
deux litres d’eau de vie et le reste à proportions. Il n’est pas étonnant que
les hommes soient si mal nourris car du haut en bas de l’échelle des gradés, il
y a un gaspillage éhonté.»
Louis Émile Gaston
MAGNIEN, cultivateur, est né le 26 août 1880 à Doncourt, en Haute-Marne. Il
intègre le 69e RI.
L’Artois (combats de
Monchy-au-Bois), puis la Belgique, retour en Artois où il sera tué à
Neuville-St-Vaast en mai 1915.
235…
Notes
de guerre du caporal Élie HARTÉ
Village de Douaumont, le
2 mars 1916, 3h du matin
« Le sous-lieutenant appela ses gradés, sur toute la section
nous restions deux caporaux et vingt-quatre hommes, il nous dit que nous avions
tous fait l’impossible pour résister, que les autres compagnies étaient faites
prisonnières ou démolies, nous étant cernés nous serions massacrés ou pris dans
la soirée.
Il ne nous restait plus qu’à attendre les événements, puisque
nous n’avions plus de munitions et pas de moyens pour se retirer à l’arrière
. »
Élie HARTÉ, menuisier,
est incorporé pour son service militaire en décembre 1914 au 50e régiment
d’infanterie, il passe à la fin de sa formation au 73e RI en mai 1915, puis de
suite au 33e RI, 10e compagnie, avec lequel il rejoint le front. Le capitaine
commandant de cette 10e compagnie du 33e RI se nomme Charles DE GAULLE…
234…Dernière lettre de Paul TAPIE
Soldat
au 2e régiment d’infanterie
Nord d’Arras, Artois, 6
juin 1915
« Nous avons eu du reste pas mal de victimes sans
attaquer. Pour ma part, mon fusil est cassé en deux et le canon tordu au milieu
du fût. C'était encore mon fusil de famille, celui qui a descendu la rue des
Juifs un petit drapeau et des fleurs dans le canon sur mon épaule aux accents
du chant du départ. Ça m'a fait de la peine de le remplacer.
La courroie de la musette à cartouche que ma mère m'a faite est
percée par une balle de shrapnell ma gamelle aussi, ma toile de tente est en
loque et moi je suis indemne. »
La lettre de Paul TAPIE
est datée du 6 juin 1915, c'est à dire 10 jours avant sa mort dans un hôpital.
Le régiment a perdu plus de mille hommes dans les combats des 16 et 17 juin
1915.
233…Carnet
de guerre de Jean PICOU
Maréchal-des-Logis Chef
au 3e régiment d’artillerie
Rhodes,
Moselle, 19 août 1914
« Au départ de Rhodes, nous rencontrons 7 à 8 ambulances.
Les unes transportent des cadavres français qui seront inhumés à l’arrière les
autres transportent des blessés.
L’un à la tête enveloppée de toute part et souffre
horriblement, l’autre est atteint à la poitrine, aux bras, aux jambes. C’est
encore un blessé qui pousse des cris déchirants, il a le pied emporté et
malheureusement il ne pourra échapper à l’amputation de son membre.
C’est ensuite un convoi de 300 blessés qui plus heureux dans
la souffrance que leurs camarades peuvent se retirer à pied à l’arrière de la
ligne de feu. (…) Quelques-uns qui n’ont pu supporter leur transport à
l’arrière sont morts sur ce modeste char. Leur corps recouvert de leur capote
repose à côté des autres blessés qui furent jadis leurs compagnons d’armes.
Le spectacle est navrant et les yeux se mouillent à la vue de
ce triste tableau. »
Jean PICOU sera tué par
une balle qui provoque une « fracture de l’étage antérieur de la base du
crane » . Il sera déclaré non-mort pour la France. Pourquoi ?
Il est quand même inhumé
dans une nécropole militaire…
232…Carnet de guerre de
René PIERROT
Médecin-auxiliaire
au 3e bataillon du 171e régiment d’infanterie
Ostel, Chemin des Dames,
23 avril 1917.
« C’est devant Ostel du nord, et à l’ouest dans le ravin
de la ferme Gerleaux que je continue les notes de guerre.
Nous sommes installés dans une cagna d’officiers artilleurs
boches. Il y a lits, poêle, chaises et table, assiettes, flûtes et coupes et
l’électricité. J’ai remplacé par un accu boche la dynamo en panne avec ma lampe
de poche pour l’ampoule. »
René PIRROT a été
mobilisé le 1er septembre 14 comme infirmier, puis il sera nommé
médecin-auxiliaire le 3 juin 1915, médecin sous-aide-major le 18 août 1917 et
enfin médecin aide-major le 10 novembre 1918.
Le petit carnet renferme
ses souvenirs de la bataille du Chemin des Dames et de la seconde bataille de la
Somme et en ce centenaire de la grande guerre Sylvaine est heureuse
de partager ces écrits.
231…carnet
de guerre de Prosper FRÉMINET
conducteur
au 156e régiment d’infanterie
Gizaucourt,
Marne, 15 novembre 1915.
« Le 13, la neige fait son apparition, il fait un froid à
ne pas y tenir, nous gelons sous les tentes. On parle de faire des abris pour
les chevaux et nous n’avons rien. Pour avoir coupé un mauvais un mauvais sapin,
une vache de lieutenant de gendarmerie nous menace du conseil de guerre, c’est
terrible de voir chose pareille.
On le souhaite crevé..»
Prosper est conducteur
(hippomobile) du train de bataillon ou du train de combat.
230…Carnet de guerre
de René BRISSARD, aspirant, puis lieutenant
à la compagnie de mitrailleuses du 409e régiment d’infanterie
Villers-sous-Châtillon
(Marne), lundi 4 juin 1917
« Ce matin, [le général] SCHMIDT réunit tous les officiers et sous-officiers du 409 et
du DD. C'est à cause du moral.
On voit qu'il compte surtout sur les sous-offs pour le
remonter. Il dit que la guerre doit être poussée jusqu'à la victoire et exhorte
tous les officiers à donner l'exemple.
Dans la tranchée, on n’en voit pas tant qu'ici.
Enfin, cette conférence donne l'impression que le gouvernement
à une trouille épouvantable et craint un mouvement. Les grosses têtes ont peur
de sauter. Je suis très content d'avoir assisté à cette réunion car elle montre
la crainte que les supérieurs ont du soldat.
L'heure est très grave
: peut-être sommes-nous arrivés à un instant décisif. Le tout est de savoir si
ces craintes se réaliseront. »
Au travers de ses 7
carnets de guerre (dont 5 sont parvenus jusqu’à nous) René BRISSARD nous fait
vivre ses 1104 jours sur le front.
229…carnet
de guerre, poèmes et chansons d’André DURAND
Brancardier-musicien au 69e régiment
d’infanterie
Sailly-Saillisel, Somme, 29 novembre 1916.
« A
20h nous relevons le 418e RI, nous passons à Maurepas, Combles, Frégicourt et
nous arrivons devant Sailly-Saillisel ; où le régiment prend les tranchées :
par un temps affreux ; de l’eau et de la boue jusqu’au ventre. Nombreux pieds
gelés pendant le période.»
André DURAND, 23 ans, menuisier dans le
civil est musicien. Étant musicien, il ne fait pas parti de la partie « combattante
» du régiment. Ses séjours en tranchées ne seront pas systématiques. Mais il
devient brancardier-auxiliaire.
Au travers son récit, on constatera qu’il
va très souvent relever les blessés après les attaques au péril de sa vie.
228…Recueil
et carnet de guerre de Gilbert BELLOC
Infirmier-musicien
aux 58e, puis 258e régiment d’artillerie
Bois des Hospices,
secteur fort de Tavannes, Verdun, 12 juin 1916.
« Pour ma part, je n’eus à souffrir que d’une pierre soulevée
par un obus et retombant sur mon casque en me l’enfonçant jusqu’aux oreilles !
Résultat : un petit évanouissement d’une dizaine de minutes. Je ne puis dire
qui m’en tira. J’étais seul dehors. Lorsque cet « accident » m’arriva et
lorsque je revins à moi, je me trouvai couché sur un lit, seul encore dans le
poste.
A noter que notre capitaine de batterie, DURIEUX, ne fut guère
brillant par son courage : je crois bien que durant ces journées il ne sortit
pas une seule fois de son abri, même pour faire ses besoins. Le sous-lieutenant
GALLERAGUES ne valut guère mieux. C’est avec un grand soulagement que nous
quittons cette région.»
Gilbert BELLOC,
brigadier, musicien et infirmier, a laissé un petit livre relatant, jour par
jour, "sa campagne 1914-1918" avec quelques photos. Cette année
marquant le centenaire de la fin de cette guerre, son petit-fils est
particulièrement sensible à faire connaître ces écrits qui peuvent,
certainement très modestement, à apporter des renseignements précis sur les
lieux, théâtres des opérations et les hommes qu'il a connus et dont certains
ont perdu leur vie…
227…Correspondance, lettres de guerre d’Alexandre Henri LOYER
sergent au 102e régiment d'infanterie
Champagne, mars 1915.
« Ce qui se passe ici ne s’est jamais produit dans
l’histoire, c’est un véritable enfer et on se demande s’il est possible d’en
sortir. Tout est employé canons, fusils, mitrailleuses, mines, etc… Les
tranchées sont faites de cadavres et certainement que dans la plaine il n’y a
pas un mètre carré où il n’y a pas un corps humain.
C’est terrible de payer si cher du terrain qui vaut si peu,
c’est un désert (…)
Ici on ne se lave pas faute d’eau on ne change pas de linge.
C’est infect, on couche sur la terre par 10 ou 12 ° sous zéro. On se demande si
on pourra un jour en sortir d’ailleurs du train dont ça va il y en a bien pour
un an encore.
Les journaux en mettent plein les yeux au public. Le moral des
troupes est excellent disent-ils, en réalité il est exécrable. »
Alexandre Henri LOYER
écrit, écrit, écrit…jusqu’à sa « bonne » blessure qui l’éloignera
définitivement de la guerre. Ses lettres nous sont restées ; merci à
Jean-Claude, son petit-fils de pouvoir les lire.
226…Souvenirs de guerre de Pierre Antoine BOURSEIRE
sergent au 147e régiment d'infanterie, puis prisonnier à
Cottbus
Sud de Soissons, 28 mai
1918.
« Des isolés, appartenant surtout au 214e régiment
d’infanterie retournent vers l’arrière, ce qui me surprend que des gens
abandonnent leur poste de combat en un tel moment. Mais nous les écoutons
pourtant raconter leurs prétendus exploits, anecdotes aussi héroïques que peu
vraisemblables. Un grand gaillard nous montre une paire de gants dont il aurait
dépouillé un capitaine ennemi, tué par lui, etc…»
Pierre BOURSEIRE nous
raconte les journées terribles de mai 1918, lors de l’offensive allemande. Il
sera fait prisonnier à la suite des combats
225…Carnet de route d’André
DURIN
des 62e RIT, 334e RI et
114e Chasseurs
Vosges, janvier 1915.
« Il fait très froid et on souffre beaucoup. Le pain est
gelé et la morue est gelée. Le ravitaillement n’arrive pas. Le 26 au soir, on
fait des tranchées avec de la neige à onze heures du soir. J’ai les pieds gelés
et je me dirige vers le poste de secours. »
224…Journal de
guerre de Jules FROTTIER,
caporal-infirmier
aux 47e et 70e régiments territoriaux
juin 1915, infirmerie du
bois des Fosses, secteur de Pont-à-Mousson.
« Ils vont la trouver mauvaise surtout que ces hommes
sont des réformés et auxiliaires. Quelles tristes recrues !
Quelques-uns viennent à la visite le lendemain, ça fait pitié.
Certains n’ont jamais tenu un fusil, d’autres ne voient pas clair, même de
l’œil droit, des herniaires, varices, cœurs faisant du 100 à l’heure, etc…
C’est malheureux d’envoyer des soldats comme ça sur le
front. »
« Ces messieurs les officiers viennent de toucher leurs
mois et aussitôt on voit partir les billets de banque dans leurs familles.
C’est épouvantable de voir ce que vaut notre commandement. Ici
des quantités énormes de blé se perdent dans les granges, sans être battu,
alors qu’il serait très facile d’emmener tout cela à l’arrière. »
« Plus fort encore, un grenier est plein de sacs de blé
et bien on le laisse manger aux rats et le commandant GOUACHEY qui passe son
temps à emm…les poilus, à voir si les cravates font deux tours, n’a pas eu
l’idée de faire enlever ce blé depuis 9 mois qu’il est là. Et notre beau pognon
s’en va à l’étranger pour acheter du blé à des prix fabuleux.
Voilà comme ces messieurs défendent et servent leur pays. On
voit bien par là ce qu’ils peuvent faire chez eux. C’est triste mais c’est
ainsi que ça se passe.
Quels bons souvenirs on emportera tous chez soi après la
guerre. Voilà notre infériorité manifeste vis-à-vis des Boches. »
L’infirmier Jules
FROTTIER a passé toute la guerre non loin des premières lignes. Ses lignes (6
carnets !) sont écrites en temps réel, sur le vif, tellement elles sont
criantes de réalisme et très détaillées. Je pense qu’elles sont souvent écrites
après coup, ce qui ne fait que confirmer les talents de narrateur de Jules. Son
affection pour les siens et ses amis, toujours très pudiquement exprimée, sa
révolte aussi à l’encontre de ses supérieurs qu’il juge souvent incompétents et
imbus de leur personne…
223…Journal de guerre de Maurice
DELACROIX,
caporal à la section
mitrailleuses du 4e régiment d’infanterie
3 mars 1915, ravin des Meurissons
« Matinée de nettoyage,
après-midi l’on nous prévient qu’une mine va sauter.
3h, une contre mine
boche saute sans aucun dégât.
Le soir à 6h, nous
faisons sauter notre mine nous ne voyons rien. Quelques crapouillots arrivent
presque sur nous. »
4 mars
« Réveil à 2h
du matin pour nous prévenir qu’à 4h une autre mine, elle saute à 5h. Nouvelle
fusillade et tout rentre dans le calme.
Dans la matinée
passage d’aéroplane, dans l’après-midi bombardement des boches sur les lignes
de réserve. (…) »
222…Cahier de 20
poèmes-chansons de Lucien PRADEL du 10éme régiment d’infanterie
« C’est nous les gars de la classe seize
Les cadets d’ l’armée Française
Au cri de « Vive la France ! »
Quand on nous invit’ra pour la danse
La baïonnette au derrière
Les sortant de leurs tanières
Nous pouss’rons à la frontière
Tous ces sales croquants d’allemands
Tambour battant ! »
20 poèmes d’un poilu de 20 ans…
221…Carnet
d’Augustin MORLIER, du 50e régiment d’artillerie
Aux armées le 5 mai
1917
Bien chère petite
Cécile
« J'ai reçu ton
petit mot hier soir comme je remontais de cet enfer du massif de Moronvilliers
où j'ai vécu treize jours de cauchemar. Je suis au repos pour quelques jours et
je t'assure que j'en avais besoin car cette fois j'étais fourbu. Quelle vie
ici, ce n'est pas une sinécure de faire partie d'une division d'assaut.
Cependant on voit de belles choses. Par exemple le départ de mon régiment s'en
allant à l'attaque. J'étais auprès du colonel.
Lorsque le coup de
sifflet fut donne par lui, signal pour se diriger vers les tranchées ennemies,
de voir ces hommes partir tranquillement au pas, alignés presque comme à la
manœuvre, d'entendre le colonel crier « vive la France, vive mon régiment »
c'était beau. Nous avions les larmes aux yeux.(…)
J'embrasse ton petit
Yvon et toi très affectueusement. Mon bon souvenir à Yves. »
Augustin.
220…Carnet
de Fernand VALATX, des 143 et 70e régiments d’infanterie
Tartiers, nord de
Soissons, Aisne, 28 mai 1918
« Un obus tombe en plein sur le groupe. 3 tués et 6 blessés.
Vite ! Sac au dos et au trot nous nous replions toujours, c’est
affreux, tout le monde fuit, abandonnant des quantités de tout sorte. Notre 75
ne nous soutien plus.
De temps en temps quelques obus qui dégringolent sur notre chemin de
retraite, tuant et blessant, qu’on soit abandonné et donnant la panique. Nous
sommes lamentables à voir.
Quel désordre, les artilleurs se battent avec nous.
Arrivés à Vauxrezis nous fîmes un peu la pause ; nous étions morts de
fatigue et de chaleur… »
Le Chemin des Dames, Verdun (2 fois), L’Oise, Fernand combat et coiffe…
219…Correspondance
de Léon PRÉVOST soldats aux 98e et 16e régiments d’infanterie
Lyon, 14 novembre
1914
« Bien chers parents,
Il n’y a encore rien
de nouveau ici si ce n’est qu’il en est parti une douzaine ce matin pour leur
dépôt et je vous garantis qu’ils ne sont pas partis sans être habillés. On leur
a donné un chandail, une ceinture, une chemise, des chaussettes, un cache-nez,
un passe montagne et une veste en toile cirée mais elle n’a pas de manches.
Avec ça ils n’auront pas froid et ceux qui partent en ont autant. Pour moi, je
ne compte pas partir encore.
Je vous embrasse
tous. »
Léon
218…Carnet de Pons
ALBERT, du 114e régiment territorial
Carency, Pas de
Calais, 13 juin 1915
« Reprise de corvées aux morts. Carency et Neuville. Travail de
nuit. Nous enterrons les corps sur place par dix à douze ensembles après
identification. Les mouches, en pleine nuit même, nous environnent lorsque nous
touchons aux corps. Vers 5 heures, il nous faut cesser par force : marmitage
soigné et pluie de balles nous y obligent. Après être restés une heure à cent
mètres des lignes, nous partons aux pas de course poursuivis par les obus.
Journal de guerre d’un « non-combattant », portant bien près des premières lignes…
217…Souvenirs,
lettres de l’Abbé DURAND Henri, du 410e régiment d’infanterie
Somme, 1915
« «Ah ! Chère maman, si vous voyez votre fils ! Je vous prie de
croire qu’il est joli, tout de boue habillé. Cela ne fait rien et l’on n’en est
pas triste. Puisque nous sommes dans la boue, allons-y sans sourciller et
pataugeons en cadence pour la France.
C’est une manière voulue par le bon Dieu d’expier la prédilection de
tant de mes compatriotes pour la boue qui souillent le cœur et l’âme. Je vous assure
que l’on s’amuse bien et l’on chante d’un cœur joyeux la chanson de Botrel
intitulée : Dans la boue »
Henri DURAND, frère Sébastien, abbé au 410e RI, ou le sacrifice d’un poilu « ordinaire ».
216…Carnet
de guerre du soldat FOURNIER Paul du 140ème régiment d’infanterie
Lihons, Somme, juin
1915
« Le lendemain de notre arrivée, un jeune lieutenant a été tué. Je
suis allé le voir, à l'entrée du village, dans la maison où son corps avait été
déposé. Il était étendu, rigide sur des planches, moulé dans sa capote de
combat, les jambes guêtrées, un des côtés de la figure complètement emportée
par la balle qui était venue le surprendre au créneau où il avait commis
l'imprudence de venir regarder.
C’est la première victime de la guerre que je vois de la guerre et je
rêve à tout ce que ce jeune corps renfermait d'espérances pour l'avenir.
A dix pas de là, le petit cimetière des soldats tués à l'ennemi. Je
vais le parcourir. A chaque tombe, une croix et sur une petite pancarte, un nom
et quelques chiffres. Je lis quelques noms…Et pourtant, sur tout cela, le soleil
luit joyeux…
Il est déjà grand, ce petit cimetière… »
Paul FOURNIER écrit, écrit, écrit …
215…Carnet de guerre du caporal-clairon Pétrus
Joannès PEYROT du 4ème régiment d’infanterie coloniale
21 septembre 1918, Serbie
« Journée
marquée par l’attaque de la cote 2058 ; l’ordre d’attaque est pour 6 heures,
les premières vagues sortent, composées de la 5e et 7e Cie, impossible
d’avancer.
Les unités sont
prises sous un feu intense de mitrailleuses. Les hommes se replient sous les
ordres de leurs chefs. En portant un ordre à la 6e Cie, j’ai un homme de la
liaison blessé au pied gauche, un nommé MICHAUD, qui est du canton de
Mauprévoir.
Enfin, à 10h50,
l’ordre arrive du colonel RONDET d’attaquer coûte que coûte, car paraît-il que
les Bulgares continuent leur retraite ; le capitaine MAÏNETTIE commandant le
bataillon, donne ses ordres aux agents de liaison de porter l’ordre au
lieutenant BOUVIER, un brave de la 5e Cie, à 11h30. »
Pétrus Joannès PEYROT, 4e RIC, boulanger de profession, s’est battu
contre l’Allemagne du 4 août 1914 au 12 avril 1919. Sur le carnet qu’il a emporté
pendant la guerre, il a noté sa campagne en Orient à partir du 25 juillet 1917
214…Carnet
de captivité du Lieutenant Auguste Frédéric THIERRY au 68ème RIT, camp
d’Osnabrück
25 juin 1918, camp d’Osnabrück, Allemagne
« La journée a
été marquée par un petit événement passe et dans le bloc voisin, ou cantonnent
des officiers anglais.
Dans une des
baraques occupées par eux, un commencement de sape était en construction, 7 ou
8 m avaient été creusés et restait encore 3 à 4 m à creuser pour sortir en
dehors du fil barbelé, et par où devait s'enfuir plusieurs officiers.
Ce travail fut découvert
par une sentinelle, celle-ci entendant du bruit sous ses pieds, a donné
l'alerte au poste, et les officiers anglais ont été surpris dans leur travail,
dès le soir les sentinelles étaient doublées. »
213…Carnet de guerre du
Sergent BERNE 7e régiment du génie d’Avignon, compagnie 15/13
9 novembre 1914, secteur du
Four-de-Paris :
« Un lieutenant
de chasseurs, le fusil à la main, toujours debout, s’avance vers l’aile gauche,
pour déplacer une dizaine d’hommes et les porter à la droite. Les autres, ne
sachant ce qui arrive en voyant partir les hommes, croient à une retraite, et
s’enfuient en sautant par-dessus nos têtes, en arrière, comme des fous.
Les officiers
crient, gesticulent, les traitent de lâches, ils essaient de les retenir, rien
n’y fait.
Aussitôt, nous nous
voyons abandonné, et les boches qui avancent toujours. J’ordonne à mes hommes
de sortir vivement de la tranchée et de se replier.
Dans leur
précipitation la plupart abandonnent, fusils, pelles, pioches. Il était temps,
car trois sapeurs de ma section qui n’ont pas eu le temps de se sauver ont été
soit tués soit faits prisonniers. »
212…
Souvenirs
de guerre de Victor CHATENAY, sapeur-mineur au 1e génie, puis chauffeur au 9e
ETEM
Tranchée Mathis, secteur de Carency, Artois,
début 1915
« Les
inventions que j’ai connues, conçues par des cerveaux de l’arrière pour aider
ceux de l’avant à gagner la guerre, étaient rarement des réussites. Je n’ai pas
moi-même vu la brouette coupe-réseaux de barbelés en action, mais on disait
qu’elle faisait un raffut terrible qui alertait l’ennemi, et qu’il fallait être
fort comme un cheval pour la pousser sur un terrain non préparé.
Mais j’ai vu
fonctionner le canon porte-amarre : il envoyait un crochet dans les
réseaux de barbelés d’en face, puis les arrachait et les tirait à lui au moyen
d’un treuil. Certes, il n’y avait plus de barbelés juste devant les tranchées
allemandes pendant quelques jours, mais un énorme tas infranchissable était
roulé devant nos premières lignes. »
Victor CHATENAY a eu une guerre assez extraordinaire, passant de
sapeur dans une compagnie disciplinaire, à lieutenant commandant une unité
d’ambulancières anglo-américaines. Résistant de la première heure en 39/45, il sera
sénateur en 1948 et député en 1951.
16 juin 1916, butte de Tahure, Marne
« J’ai trouvé
dans un boyau abandonné et à moitié comblé deux petites tombes qui par miracle
ne sont pas abimées. Deux croix faites de deux planches sans inscriptions. J’ai
eu la curiosité de regarder le papier que contient la traditionnelle bouteille.
Cette dernière étant
cassée, le papier est à moitié rongé, et j’ai fait mettre une nouvelle
bouteille.
Qui sait, peut-être résistera-t-elle
? Peut-être les familles auront-elles un jour la consolation de venir prier sur
la tombe de leurs enfants.
Sur le papier, j’ai
lu :
« Ici est enterré le soldat Louis SALMON du 228e infanterie.
Il a été apporté ici 5 ou 6 mois après sa mort par un officier et des
soldats de la première compagnie du 93ème d’infanterie qui ont été chercher son
cadavre en état de décomposition au prix de beaucoup de difficultés à environ
40 mètres des tranchées ennemies. Est aussi enterré ici le sergent JOYAU du 329
inf. 20ème compagnie. Son corps a été apporté ici dans les mêmes conditions que
le soldat SALMON.
Ils sont tombés au champ d’honneur l’un près de l’autre. Honneur à
ces braves !
Signé : Illisible »
N’est-ce-pas triste
à en pleurer ? »
210…Deux carnets de Louis DECAMPS, caporal puis
officier au 288e RI
Bataille
de la Malmaison, Marne, 23 octobre 1917
« Tout le monde hors de la tranchée c'est la ruée vers le barrage
et les boches la baïonnette haute.
Au milieu de l'ouragan d'obus du barrage ennemi, la minute est
poignante ; il ne faut pas réfléchir. S'engager dans cette zone infernale,
c'est mépriser sa peur. Braver ces explosions infernales et cette ferraille qui
cingle, c'est vraiment défier la mort ou plutôt préférer à la honte de la
fuite, le coup mortel qu'infailliblement on doit recevoir.
Dans bien des âmes, la crainte des conséquences d'un recul, d'une mise
à l'abri frauduleuse, des responsabilités du chef est plus forte que la peur.
On la surmonte parce qu'il faut en passer par là, qu'il n'y a pas d'autre
issue. Après tout il en reviendra toujours quelques-uns et l'on peut être de
ceux-là. De gré ou de force il faut y aller, le plus souvent à contrecœur, mais
c'est la loi des pauvres bougres de l'avant. »
(…)
« L'attente est la pire des défaitistes ; vision de la mort, le
brusque arrêt dans un court râle, de notre pensée, de notre activité. Quelle
souffrance morale il faut endurer !
Peu de gens de l'arrière se doutent de cela.
Beaucoup nous diront même au cours de nos permissions, que leurs
angoisses pour les leurs qui sont là-haut sont pires. Ceux de l'arrière
immédiat des lignes nous disent que ceux qui sont en avant ont moins de risques
sous prétexte que l'ennemi évite de bombarder les premières lignes de crainte
de toucher les siens. Il y a de quoi rire.
A les entendre tout est réservé à ces pauvres gens de l'arrière
immédiat, mais ils se gardent bien de demander à venir relever ceux de
l'avant. »
Des
carnets exceptionnels par leurs qualités, leurs précisions et malheureusement
leurs réalités…
209…Carnet
de campagne du Lieutenant-Colonel MERCIER P., du 7e régiment de forteresse
Secteur
de Brassehaet, Belgique, 22 septembre 1914
« Depuis le déroulement des
opérations nos hommes n’ont eu à leur disposition pour construire les ouvrages
de défense que la pelle Linneman et 5 ou 6 brouettes par compagnie.
Les ouvrages permanents et les magasins
du fort et ceux du polygone de Brassehaet situés à deux kilomètres en avant de
la ligne des ouvrages permanents regorgeaient cependant d’outils, pelles à long
manche, pioches, haches, brouettes, etc, etc, mais toutes les demandes faites
pour obtenir la livraison de ces précieuses reliques restèrent sans réponse et
les hommes durent continuer à se servir de civière de fortune pour transporter
la terre et les gazons servant à la construction des abris.»
208…Carnet
de guerre de Benjamin LEJEUNE du 2e régiment de Cuirassiers
Neuve-Chapelle
(Nord), 28 octobre 1914.
« C‘est alors que le capitaine nous
recommande de bien suivre les principes qui nous ont été montrés par le
sous-lieutenant de chasseurs cyclistes, car ce que nous avons fait au figuré,
nous allons le faire pour de bon cette fois, puisqu‘il s‘agit d‘aller à
l‘attaque du village de Neuve-Chapelle que nous apercevons à 1500 mètres d‘où
nous sommes et où sont les Allemands (…). »
« En suivant ce fossé nous arrivons
à l‘entrée du village que l‘on attaque, nous enjambons des cadavres anglais, le
1er est un lieutenant et c‘est à ce moment que j‘éprouve vraiment le sentiment
de la réalité, c‘est un douloureux spectacle que de voir des morts presque
ensevelis sous la boue et des blessés agonisants qui nous regardent d‘un air
d‘anxiété.»
« Nous ne connaissons pas le
résultat de notre attaque mais nous déplorons 4 tués – 4 ou 5 mortellement
blessés, 2 disparus et une quinzaine de blessés (le commandant DE LA BRUYERE a
eu les 2 jambes broyées par un éclat d‘obus). »
Le
début de la guerre dans le Nord de la France, en Flandres, vécue par un
Cuirassiers.
207…Carnet
de guerre 1914-1918 de Joseph DUCHÊNE du 230e RI
Forêt
de Parroy, 1915
« Le brouillard se lève, les
artilleurs reprennent de nouvelles positions de combat autour du village.
Je vais voir derrière l'église, le
sergent Pollier, instituteur à
Thônes, originaire de Mures au-dessus d'Alby. Tué d'une balle à la tête. C'est
le 1er mort que je vois.
Pauvre pioupiou dans ta capote sale et
ton pantalon rouge, tout chiné et taché de la boue des tranchées !
Pauvres mains pleines de terre !
Où est-elle la beauté et la gloire qui
devraient entourer ta dépouille de brave soldat ?
Te voilà couché dans sur la terre du
petit cimetière, sans linceul, sans verdure, sans couronne de feuillage.
Sa femme, si elle le voyait... »
206…Correspondance,
photos de François BERNARD, prisonnier aux camps de Münster et de Cottbus
25/10/1914, Münster
Chers père et mère
« J’espère que malgré
les épreuves que vous avez dû traverser vous êtes toujours en bonne santé.
Ne vous
chagrinez pas pour moi, ne pensez qu’à vos enfants. J’espère avec l’aide de
Dieu rentrer bientôt en aussi bonne santé que je vous ai quittés car il ne me
manque rien surtout depuis dix jours que la cantine est ouverte où l’on trouve
du pain.
Embrassez
Mathilde et tous nos enfants pour moi. »
Votre fils dévoué, François
205…Album photos
et croquis du médecin-auxiliaire Paul ROUX
Étudiant en médecine et originaire de Poitiers, Paul ROUX est
incorporé à 19 ans, le 10 avril 1915, comme médecin-auxiliaire.
Il est affecté au service de santé de la 9e région militaire en
avril 1916. Il sera au front à partir de mai 1916. Cité trois fois (2 citations
au régiment et une à l’ordre du 31e corps d’armée), titulaire de la croix de
guerre 2 étoiles de bronze et une étoile de vermeil.
204…Poèmes
et chansons de Pierre MARTIN
Pierre Martin était du 81e régiment d’infanterie territorial, puis prisonnier au camp de Wittenberg. Il a écrit un poème sur sa vie au quotidien ainsi que des chansons.
203…Carnet de guerre
d’Augustin ROBIQUET, soldat au 150e régiment d’infanterie
27 février
1915, bois de la Gruerie, Meuse :
« Enfin 3 jours c’est assez, et là sans dormir,
car il faut prendre la garde tous les 4 h et il fait fort froid, il gèle fort.
J’espère que demain nous allons être relevés car c’est
assez comme ça.
Nous sommes en ce moment à 8 mètres des boches, ça fait
qui faut faire attention à lui pour ne pas recevoir des boîtes de singe sur sa
gueule.
En ce moment nous touchons la soupe pour la journée. Je
viens de boire ma goutte, elle est très bonne et elle nous fait du bien, car
depuis hier soir nous n’avons pas encore eu rien du tout dans le coco. »
202…Carnet
de guerre, photos et correspondance d’Henri BOUCHET, du 48e d’artillerie
10 mai
1915 :
« Je t’écris cette carte, au son de musique (les
boches tirent en ce moment sur nos avions qui survolent mon poste
d’observation), dans une tranchée de 2éme ligne à 750 mètres des boches. Je
vais être relevé ce soir à 9 heures j’y aurais donc passé 24 heures.
Mes élèves – apprentis poilus pour leur début, ont été
assez braves mais tout de même un peu émus, surtout qu’à 2 heures de
l’après-midi certaine partie de manille fut interrompue par ricochet d’éclat
d’obus qui s’est logé dans sur chêne à 50 mètre des 4 garçons (dont un
cordonnier à Labeaume) à partir de ce moment-là, ils se sont bien gardés de
bouger. Ils étaient verdâtres.
201…Carnet de guerre de
Paulin COLINET, soldat au 106e régiment d’infanterie
Vendredi 4
septembre 1914, Hubécourt (Meuse)
« Cantonnons à Hubécourt. Altercation chez un
mercier avec le capitaine de la 8e Cie. Tête brûlée (son nom SIMON), d’après
lui les officiers ont tous les droits. Aucun devoir. Eux d’abord, les hommes
après. Nous verrons plus tard à faire châtier l’arrogance de cette caste.
Jouisseurs »
(…)
Je pense à ma chère petite femme et à mes chers petits.
Mon petit Polo et ma petite Lulu adorés. Je ne puis m’empêcher de pleurer.
Comme déjà cela m’est arrivé plusieurs fois. »
200…Carnet de guerre
d’Auguste YVAIN, musicien, brancardier au 409e régiment d’infanterie
7 mars 1916,
carrières du Cabaret de la Cible, Meuse :
« Jour de carnaval c'est bien autre chose. Jamais
un tel bombardement ne s'est vu. Les bois où nous sommes sont complètement
rasés on ne peut plus sortir dehors. Les blessés redoublent le soir.
Nous les évacuons pendant la nuit. Nous ne touchons
plus rien à manger, le ravitaillement ne pouvant plus venir. Nous n'avons plus
rien à boire ne pouvant sortir chercher de l'eau. Nous mangeons la neige qui
tombe tous ces jours ci. »
199…Carnet de
guerre et poèmes d’Eugène LE FORESTIER, caporal au 81e régiment d’infanterie
territoriale
10 mai 1915,
Artois :
« Aussitôt le réveil et la prise d’armes, on est
avertis de rester en tenue, prêts à partir, l’attaque est commencée d’Arras à
la mer du Nord, le bruit de la canonnade s’entend bien, il dure depuis
plusieurs heures. »
« C’est le moment venu pour en finir ; n’était-ce
pas bien la fête de la Bienheureuse Jeanne D’Arc ?
A-t-on choisi ce jour ? En tout cas elle doit là-haut
guider le haut Commandement et nous conduire à la victoire. Tout le monde est
heureux que cela soit ainsi, à la grâce de Dieu, tous nous ferons notre devoir,
attendons confiants l’ordre pour nous mettre en route sac au dos. »
Un juge de paix,
mobilisé et parti à la guerre…
Dimanche 1e
novembre 1914, Aisne :
« Ce soir, je suis allé jouer aux cartes avec la 1ère
section. En temps ordinaire, c'eut été un spectacle vraiment remarquable et
digne d'un bon peintre.
Une trentaine d'hommes, placés dans toutes les
positions, maniant la monnaie comme des chercheurs d'or éclairés par des
bougies de suif faisant apparaître sur la voûte et les murailles mal unies de
la grotte de gigantesques silhouettes à chacun de nos gestes.
Pour compléter le tableau, des barbes hirsutes, des
vêtements sales et des fusils suspendus partout. Enfin, tout pourrait donner
l'illusion d'un repaire de brigands...»
197…Carnets de
guerre du sapeur Camélia BEAUCHEMIN des 20e et 4e régiments du génie
Mercredi 5 mai
1916, secteur du Mort-Homme, Verdun
« Soudain, orage, une violente bourrasque s’élève
courbant les cimes des arbres. Les aérostiers cherchent à descendre les
saucisses, mais malgré leurs efforts, les 2 saucisses les plus proches de nous,
cassent leur câble et s’échappent. C’est la proche de nous qui rompt son câble
la première. La secousse est si violente qu’elle fait trois fois la boucle,
elle monte assez lentement, par 2 fois l’aéronaute jette des objets assez
volumineux par-dessus bord, ensuite un autre objet qui semble assez volumineux
par-dessus bord, et ensuite un autre objet qui semble immobiliser la saucisse
un moment.
Bientôt un énorme paquet quitte la nacelle, tombe 50m environ
et le parachute se déploie, l’aéronaute vient de quitter la saucisse désemparée
qui d’un bond disparaît dans les nuages. Le parachute terriblement ballotté
descend dans les lignes.
À peu près au même moment la seconde saucisse
s’échappait, la même scène se passait mais, malheureusement le parachute ne
s’ouvrait pas et le malheureux aéronaute était tué.
Quant au 1er j’appris par la suite qu’il était atterri
un peu à l’arrière des lignes, blessé par un éclat d’obus que les boches lui
avaient envoyé pendant sa descente. C’était un caporal qui montait pour la 1ere
fois dans la saucisse. Nous avons perdu environ 6 saucisses et les boches
autant.
La moitié des pilotes furent tués.»
196…Mémoires et
souvenirs de Charles BORDINAT du 151e régiment d’infanterie
Mercredi 23
mai 1916, secteur de Chattancourt, Verdun
« La nuit se passa ainsi et le jour au lever du
soleil qui s’annonce chaud.
La machine infernale continue toujours. Nous sommes
survolés par des avions ennemis qui règlent le tir de leur pièce, maintenant
les obus se rapprochent de notre tranchée, des gros 210. Nous sommes repérés me
disent les camarades.
En effet c’est le bouleversement, le carnage, beaucoup
sont engloutis, pulvérisés, décapités. Notre tranchée est à moitié refermée,
ceux qui ne sont pas blessés, comme moi, restent impassibles, stoïques,
attendant aussi la mort. On reçoit la terrible secousse des éclatements, bien
souvent à un mètre ou deux de nous et quelques instants après il en tombe un à
1m50 de moi et de mon camarade de combat BOISSON. »
195…Carnet de guerre
d’Albert CARRIE, du 7e régiment d’infanterie
28 mai 1915,
tranchée de Saint-Nicolas, Arras
« Dans la nuit, les pionniers enterrent les
cadavres qui sont là depuis 15 jours, besogne macabre et qui ne leur plait
guère. Mais pourquoi chaque régiment n’enterrerait-il pas ses morts chaque soir
de bataille. Comment identifier ces malheureux en décomposition, qui ira leur
retirer leur plaque d’identité ou leur livret ? »
« Pauvres familles, vos fils vous seront signalés
comme disparus et jamais vous ne saurez ce qu’ils sont devenus, terrible
pensée. »
194…Journal de guerre de
Gabriel DUBOS du 7e régiment colonial.
8 septembre
1914, La Marne
« Le 8, le colonel nous donne l’ordre de marcher
en avant coute que coute au cri de « en avant les Marsouins ».
C’est là que nous leur avons passés une belle branlée,
nous sommes allés plusieurs fois à la baïonnette, et il fallait les déloger des
tranchées à coup de baïonnettes et que les 75 cracher si bien. »
193…Carnets de guerre
d’Ernest OLIVIé, des 122e, 322e
et 96e RI.
Vendredi 21 mai 1915
Somme-Tourbe (Marne)
« 5 h moins ¼ : on emporte le repas froid.
Nous suivons un chemin de traverse qui nous conduit à
Somme-Tourbe en 1 h ½. D’ailleurs on n’a pas de sac et par conséquent on marche
allègrement. Avant 7h nous arrivons à ce qui fut un village mais qui n’est plus
qu’un grand désert de ruines desquelles surgissent quelques légères
constructions en planches, des abris en brique construits pour abriter les
soldats, et enfin l’église et la mairie qui – chose extraordinaire – ont seules
été respectées.
Nous traversons toutes ces ruines, véritable vision de
guerre qui donne une espèce de mélancolie indescriptible. »
192…Carnet de guerre de
Joseph LAFORGE, soldat au 222e régiment d'infanterie en 14-18.
7 septembre 1914, ferme Saint
Antoine, secteur de Lunéville (54)
« Ces dures épreuves physiques que nous avons
subies prouvent que l’on peut pétrir son corps avec sa volonté, et que ce corps
file lentement sur l’ordre. Marcher quand on ne peut plus marcher, dire qu’on
va mourir et vouloir fortement vivre, tomber pour ne plus se relever et courir
toujours, ne pas dormir, ne pas manger, dormir avec la pluie dans le cou et un
ruisseau sous les pieds, être sous le sac comme un cloporte sous une pierre, et
emporter sa pierre, puis à la première grande halte oublier tout et tenir le
poteau d’arrivée, voilà ce qu’a dit au corps la guerre.
Elle n’a pas dit autre chose à l’âme. Elle lui a appris
à faire sa tranchée pour la résistance, à vouloir s’élever vers la
lumière. »
191... Témoignage de Constant BON,
du 55e RIT, naufragé du torpillage du Gallia.
4 octobre 1916, en mer.
« La chaloupe qui m’avait recueilli, étant
surchargée à l’excès, les marins accostèrent un radeau vide qui se trouvait à
proximité et le prirent en remorque. (…) »
« À coup de rames
nous avions à nous défendre contre de pauvres mulets, victimes comme nous du
naufrage et qui, bons nageurs, cherchaient désespérément avec leurs mâchoires à
s’agripper à nos embarcations, augmentant
ainsi nos risques. »
190...Carnet
de guerre 1914-1918 de Marceau NÉDONCELLE
du 8e Zouaves
Mercredi 22 novembre 1916
« Ce
matin, il pleut. »
« Le
tableau que nous avons sous les yeux est tel qu’on se croirait transporté dans
un autre pays. Partout entre les baraques, un pied de boue. Sur les routes, où
défilent d’interminables convois d’autos, c’est une boue liquide qui vous
arrose constamment. Et ces convois qui hier sur la gelée roulaient presque sans
bruit, font maintenant un bruit d’enfer et ont des cahots épouvantables. »
« Là où
sont cantonnés les trains de combat ou régimentaires, c’est encore beaucoup
pis. Là, la boue vous monte au mollet et ces pauvres chevaux n’osent même plus
se coucher.
Sur les routes
qui vont vers l’avant, c’est épouvantable : ici une tombe ; là un cheval mort,
plus loin une auto dans un fossé, une voiture avec une roue cassée. Et les
routes défoncées, puis les hommes qui vont et viennent ne sont que des blocs de
boue. Voilà ce qu’on appelle LA SOMME, voilà ce qu’on appelle LA GUERRE. »
189...Carnets de Joseph RAIDL
du 168e régiment d’infanterie
Jeudi 5 novembre 1914, Thiaucourt, Meuse
« Nous partions par petits groupes protégé par les
feux de salve que nous exécutions et comme je me trouvais à l’extrémité gauche
de notre tranchée et que nous partions par la droite, j’ai fait le chemin à
genoux en tirant tous les 4 mètres et puis je suis parti en courant par le
petit sentier. C’est alors que j’ai été blessé à la main gauche par une balle
qui m’a traversé la main, mais heureusement n’a pas touché les os, ce qui fait
que je pourrai me resservir de ma main et bientôt retourner rejoindre mes
camarades.
Ce qui m’a fait le plus de peine au moment où je me
suis vu blessé, c’est de quitter mes camarades et de penser que leur nombre se
trouve réduit. Pourvu qu’ils ne soient pas blessés comme moi, c’est ce que je
leur souhaite ! Puis j’ai rencontré mon adjudant qui m’a indiqué… »
188...Cahiers de guerre
de Joseph FREMAUX, soldat au 145e RI, puis prisonnier au camp de Friedrichsfeld
1e septembre 1914, Boussois, secteur de Maubeuge,
Nord :
« Nous avançons prudemment nous ne remarquons rien
d'anormal alors en avant et un peu après à notre gauche nous entendons une très
vive fusillade : C'est un autre bataillon qui est aux prise au loin avec
les Allemands. Au loin nous apercevons les mitrailleuses qui se replient et
nous passons près du fort de Boussois qui est totalement démoli. Pourtant
quelques batteries françaises continuent d'arriver sans discontinuer sur le
fort. Nous arrivons dans un champ dont le blé n'est pas encore rentré.
Nous assistons alors à un bien triste spectacle. Derrière
chaque botte il y a un blessé et des morts.
Nous passons derrière le cimetière et le spectacle est
bien plus terrifiant encore : Des blessés sont sur les tombes, d'autres se
soutiennent aux croix… »
187...Récit de campagne
1914-1915 du sergent-fourrier Gérard SOYEZ du 127e régiment d’infanterie
5 août 1914 :
« Nous passons à Bruay-sur-l’Escaut. »
« À l'entrée du village, de nombreux hommes faisaient
la chaîne, un seau de bière à la main, cela offert par la brasserie Bauly qui ne nous oubliait jamais
chaque fois que nous passions lors des marches manœuvres. Tous y puisent et se
rafraîchissent on ne peut mieux.
Là, je rencontre la mère de Paul à qui je serre la main,
puis c'est son frère Gaston qui exempt du service militaire est resté à Bruay.
Ce sont les seules connaissances que j'ai pu rencontrer.
Nous passons ensuite devant chez le marchand de vin Wahin-Clique ou se fait une grande
distribution de bouteilles. Pour mon compte j'en ai deux, le capitaine n'est
pas très content car les hommes commencent à l’énerver. »
186…Carnets de guerre
d’Auguste BASTET, soldat au 111e territorial
28
juin 1915, Le Mesnil, Marne
« Notre travail consiste
à faire des pare-éclats pour garantir le boyau qui est pris en enfilade par les
mitrailleuses ennemies. Nous sommes éclairés par les fusées multicolores qui
sillonnent l'air, et assourdis par les détonations des grenades ou bombes de
toutes sortes que s'échange Français et Boches, il est environ 11 h ou minuit.
Les Boches attaquent à coup
de bombes notre tranchée de 1ere ligne, les nôtres répondent, le sol tremble,
c'est un crépitement de coup de feu et d'explosions épouvantables. Nos 75 se
mettent de la partie, nous sommes blottis au fond du boyau abasourdis par ce
vacarme épouvantable. Les débris de fer et de pierre tombent, mais personne
n'est blessé. Petit à petit le calme se rétablit en partie, nous reprenons
notre travail jusqu'au jour, pour partir à 5 heures et regagner notre
bivouac. »
185…Carnet de guerre
d’Émile SERRE, infirmier, au bataillon de marche du 60e RI, puis au 115e RI
Vendredi 8 octobre 1915, Marne
« Suis courbaturé, n'en
peux plus, voilà le 14e jour sous le fer et le feu, les hommes sont presque
abattus, terrible, nous ne serons donc jamais relevé.
Matin, pluie de fusant
quinzaine de blessés dont mon frère d'armes DUMUR (pas grave), c'est presque
intenable, ma pèlerine est criblée d'éclats, je ne suis pas dedans
heureusement. » (…)
« Passons l'après-midi
dans se boyau repéré, 3 fois sommes à moitié enterré.
Oh civils de l'armée, si vous
voyez notre situation comme la guerre serait vite finie ! Chère femme,
chers parents si vous me voyez dans cette misérable excavation qui s'ébranle à
chaque coup de canon.
Et dire qu'il faudra encore
passer la nuit sur cet amas de pierre, c'est désespérant, pourtant il y a des
régiments en arrière. Pourquoi ne pas nous relever un peu, 15 jours sous les
marmites c'est démoralisant, c'est affreux, à chaque pas c'est la mort qui nous
guette.
Le régiment a perdu plus de
800 hommes, comment ai-je fait pour passer à travers tout cela puisque déjà
près de 40 brancardiers ou infirmiers sont tués et blessés !!! »
184…Correspondance
de guerre du commandant PETITJEAN Saint Prix, officier aux 342e, 96e et 122e RI
4
septembre 1915, secteur de Tahure, Marne
« Ainsi au lieu d’être
dans un souterrain ton mari est dans une bonne chambre bien confortable, où il
couche dans un bon lit où il n’a pas le téléphone.
C’est que vois-tu le
téléphone dans les tranchées c’est un animal qui ne dort pas souvent et ne nous
laisse guère dormir.
Généralement le téléphone est
installé avec 2 ou 3 téléphonistes dans mon poste de commandement. Il y en a
toujours un qui à l’écouteur à l’oreille.
Tous les quarts d’heure il
faut qu’il passe un appel et quelques mots de conversation avec les différents
autres postes pour s’assurer que les lignes fonctionnent.
Alors en plus il y a les
demandes, les rapports etc. … à minuit.
Allô ! Le commandant de
la compagnie du centre demande 2 équipes de brancardiers pour transporter des
blessés.
Allô le général demande
d’urgence le nom d’un bon cuisinier sachant monter à bicyclette (et jouer du
piano).
Allô le commandant de la
compagnie de droite rend compte que les allemands font beaucoup de bruits dans
la tranchée en face, il se pourrait qu’ils veuillent attaquer.
Allô le commandant du génie
vous fait prévenir que l’on fera sauter une mine dans 2 heures.. etc. etc…
Ici rien de tout cela, le
sommeil de l’innocence. »
Le
commandant PETITJEAN a été tué par un obus. La correspondance d’un officier
supérieur est rare. Il semble qu’il était très apprécié de ses soldats.
183…Carnet de Guerre
de Léon GALINIER, sergent au 93e Territorial
20
décembre 1915, Nampcel (Oise)
« Grave incident dans la
compagnie à cause du manque de respect. La compagnie est punie pendant 8 jours
et les soirs théorie sur le salut.
2 hommes sont punis, par le
général qui passe sur la route, de 30 jours de prison et l'autre de 8
jours. »
182...Carnet de guerre
d’Edmond LESAGE, lieutenant au 233e régiment d’infanterie
Bois de la Vallée, Chaulnes,
Sommes, octobre 1916 :
« Il en fut rendu compte
et l’ordre arrivait quelques heures après d’attaquer de suite un bois, ainsi on
nous donnait l’ordre de prendre un bois dans lequel les Allemands étaient
postés derrière des abatis sans préparation d’artillerie et en plein jour. Il serait
intéressant de savoir qui a donné cet ordre criminel pour le mettre au rang de
ceux qui auront à rendre compte de leur conduite
« Au moment où nous
allions partir un coureur est arrivé porteur d’un ordre disant que l’attaque
était reportée à 14 heures et était précédée d’un tir d’artillerie de
préparation de deux heures. »
7 citations, commandeur de la
Légion d’Honneur, Edmond LESAGE, sous-officier, puis officier, nous raconte
toute sa guerre
181...Carnet de route de
Léon LEBRET, sergent au 100e régiment d’infanterie
Pontfaverger, 13 novembre
1918
« Et le 13, j'ai rejoint
ma compagnie dans les bois de sapin entre Epoye et Pontfaverger où que l'on
recommence service du temps de paix et là on a reçu de la ville de Reims pour
avoir sauvé la ville du Champagne une bouteille à deux et du vin. »
« On en avait autant que
l'on voulait et quelques jours après, il est venu des officiers de l'intérieur,
des embusqués et qui voulaient se permette de nous commander et mieux qui
auraient voulu que nous poilus qui avons fait la guerre, on les salue quand ils
passaient devant nous mais cela n'a pas été bon, on leur a dit que s'il voulait
être salué, il n'avait rien qu'à revenir à l'intérieur mais que nous on les
em.... et le Colonel a su cela, il les a réexpédiés d'où il venait en leur
disant de laisser ses poilus tranquilles, qu'ils avaient plus de mérite
qu'eux. »
180...Souvenirs de guerre
de Georges LIVACHE, sous-lieutenant au 3e régiment colonial
22 août 1914, Rossignol
(Belgique)
« Le terrain à parcourir
était constitué par des prairies séparées par des clôtures de fil de fer et de
petits fossés servant à l'écoulement des eaux. C'est en franchissant l'une de
ces clôtures que j'ai été grièvement blessé.
Par chance, je suis tombé dans
l'un de ces petits fossés où j'étais à l'abri des balles qui passaient à
quelques centimètres au-dessus de moi. Je perdais mon sang en abondance. L'eau
du fossé en était toute rougie. (...) »
« Il était environ une
heure de l'après-midi et le combat a continué jusqu'au crépuscule. Les
tirailleurs allemands ont alors progressé dans la direction de l'endroit où je
me trouvais, au milieu d'autres blessés.
M'ayant aperçu, ils se sont
dirigés vers moi. Il avait été dit que les Allemands achevaient les blessés.
Ils ne m'ont fait aucun mal.
Ils m'ont seulement pris mon revolver, c'était normal. »
Déclaré
« tué à l’ennemi », ces parents prévenus, Georges LIVACHE était, en
réalité, prisonnier.
Resté
militaire après la guerre, il finira général de brigade.
179...Carnet de guerre
d’Henri GOYARD, téléphoniste au 236e régiment d’infanterie
Jeudi 1er octobre 1914, Bouffignereux
(Aisne)
« Journée très calme
jusqu'à 5 h du soir. Or à ce moment les obus tombent nous pendant une
demi-heure. Nous l'avons risqué belle. Avons resté près du drapeau à quatre
téléphonistes et quatre sapeurs. Avons reçu félicitations pour notre conduite
(Les officiers avaient quitté le drapeau en le laissant seul, colonel et
piston).
178...Carnet de guerre
d’Elie BOUCHER, sergent au 1e Zouaves
« 72 jours pour
mourir »
13 octobre 1914, Roclincourt
(Pas-de-Calais)
« Ce petit village
saccagé se nomme Roclincourt, nos cuisines y seront installées, malgré la pluie
d'obus ; le pays est en partie abandonné, nos cuisiniers ont trouvé chez un
marchand en gros, des œufs et du beurre et nous ont confectionné une abondante
omelette. »
« S'il est des jours ou
on ne mange pas ou guère, par contre, on trouve en certains endroits, trop.
C'est le gâchis même, on y saccage tout, on peut dire qu'après le passage de
" l’ami " ou de " l’ennemi ", c'est la ruine pour tout le
monde, c'est la grande misère après aussi, pour tous, ces bons paysans obligés
de quitter leur demeure c'est triste ; rien n'est respecté ni linge, ni meubles,
ni vin, rien en un mot. »
« Certains vieux, nous
disent les larmes aux yeux qu'ayant vu 1870, rien de pareil n'existait, qu'au
contraire, dans certains cas, les Allemands respectaient mieux les biens que
nous autres, ce n'est pas élogieux pour nous, mais il faut constater la vérité
en ce qui nous concerne... enfin ; c'est bien la vie dépeinte que nous avons
entendu clamer à toutes les occasions de manifestations contre la
guerre. »
177...Carnet de
guerre d’Alexandre ROBERT du 204e régiment d’infanterie
8 mars 1917
« Je constate que l’état
d’esprit est le même à peu près dans tous les régiments qui montent aux
tranchées, nous avons tous la même manière de voir.
A peu près comme au 204, tout
le monde en a assez et désire que cela cesse à tout prix. Nous voulons la
victoire par la paix, tandis que d’autres à l’intérieur veulent la paix par la
victoire : une victoire lointaine et problématique, une victoire qui sera noyée
dans le sang, voilée de deuils et assombrie par des misères et des malheurs
incalculables…
Nous ne devons pas nous
battre pour accrocher des croix de guerre après des croix de bois, pas plus que
pour mettre des feuilles de chêne sur les képis qui n’ont été faits que pour
porter des galons, mais bien pour la France. »
176...Correspondance
de Robert MAZEL, lieutenant au 8e régiment de Chasseurs
Lettre à sa mère, le 11
décembre 1914 :
« Les fusiliers marins
que j’ai pu voir lorsque j’étais en liaison auprès de l’Amiral Ronac’h tout à
fait au début à Dixmude sont épatants. De beaux yeux qui vous regardent bien
droit, un mépris du danger et un amour de leurs chefs admirable. Il serait à
souhaiter que nos fantassins leur ressemblent ainsi qu’aux chasseurs et
cavaliers qui nous ont laissés sur l’Yser à la « Maison du Passeur » dont vous
avez peut-être entendu parler sont victimes de la lâcheté des
fantassins. »
« Ces derniers qui
étaient à leur droite et à leur gauche ont quitté leurs tranchées à l’approche
de l’ennemi sans tirer un coup de fusil et sans prévenir nos chasseurs qui ont
par suite été presque enveloppés. Quant aux territoriaux qui étaient 1 km en
arrière, ils ont « fichu » le camp à la seule annonce de l’ennemi !!!
Il faut que cela se sache,
car on parle trop de « nos braves territoriaux » et fantassins pour ne pas en
être un peu écœuré quand même. »
175…Carnet de Claude BERNELIN, des 54e, 27e et 13e régiments d’artillerie
29 août 1914,
Gerbéviller :
« Resté agent de
liaison, perdu dans le bois sans vivres, rejoint avec peine la section vers les
9h.
Reparti avec 3 caissons direction
de Gerbéviller , panique, obusiers tombe(nt) sur caisson du 3ième lourd, retraite du génie, tableau
effrayant, arrêté au retour par général Tavenna (?), traité de lâche et renvoyé
aux feux avec Gutton.
Journée mémorable, ravitaillé
le 56ième à 3h du soir, agent de liaison, retour à 7h du soir sans manger ni
boire depuis la veille. »
174…Carnet de Jean AUBREE soldat au 264e régiment d’infanterie
3 août 1914, Abbaretz (44)
« Là, le curé, musique
en tête, nous conduit, suivis de la foule, à la gare au son de La Marseillaise,
et, devant ces deux rubans d’acier qui nous emmèneront tout à l’heure vers
l’inconnu.
Tous les hommes se
découvrent, les femmes pleurent, les enfants, de leurs petits yeux égarés,
regardent inquiets sans rien comprendre de tout ce remue-ménage.
Après nombreuses poignées de
main à tous les amis, le chef nous écarte. Au loin et à toute vapeur arrive le
monstre d’acier qui nous emmènera peut-être à la mort. Le voilà en gare, il
souffle et ronfle.
Tout le monde se précipite,
les pleurs redoublent et un coup de sifflet strident nous avertit que s’en est
fait, nous partons. »
173…Carnets de guerre de
Raphaël WEILL, brancardier au 1e corps colonial
Fin avril 1915, Hans (Marne)
« Les rats
aussi ont pullulé, rien ne leur résiste, ils rongent sacs, percent musettes, attaquent
biscuits et chocolat. Ils mènent un sabbat infernal. Le brancardier Dallemagne nous réveille une belle nuit
par un hurlement terrible : c’est un rat qui d’un coup de dent lui enlève un
morceau de nez.
Alors commence un nouveau sport. On vide les granges de
leur paille, tout en avalant force poussière, on tue les rats par centaines à
coups de fourche, à coups de bâtons, à coups de pierre, à la pointe des
baïonnettes.
Huguet qui sent renaître
en lui un besoin atavique de carnage, les attrape avec la main sans souci des
morsures et leur tord le cou, comme à de vulgaires lapins. Ingénieux autant que
brave, il met à la mode les bourses, les sacs, les portefeuilles en peau de
rat. »
Les brancardiers, comme Raphaël, ont payé un lourd tribut en allant rechercher leurs camarades blessés ou morts…
172…Les 11 carnets de guerre de Louis LECOMTE, maître-canonnier au 32e d’artillerie.
Dunkerque, 22 mai 1915, à 30
km du front :
« À midi, je déjeune
assez bien. La ville reprend de sa vie active.
La moitié des boutiques sont
ouvertes, d’abord à cause des fêtes de la Pentecôte. La circulation est très
forte.
Beaucoup d’Anglais, marins
surtout. Nombreux véhicules et quantité de motos. Tout cela fait pas mal de
poussière et un bruit infernal. Les troupes de la place sont assez nombreuses.
On découvre aussi pas mal
d’embusqués. Quantité de Mrs pomponnés, se baladant à travers les rues, l’air
hautain et presque dédaigneux. S’offrant tout ce qui peut leur convenir,
devisant gaiement avec des poupées aux toilettes claires et engageantes en un
mot ne vivant absolument rien de la situation… »
Louis
a rassemblé dans ses 11 carnets, tout son vécu durant 5 ans…
171…Carnets de guerre de Daniel DURAND, soldat au 301e, 315e et 369e RI.
et ses 600
photos
Château de Soupir, 8 octobre
1917
« Toujours à Soupir où
nous commençons à trouver le temps long, les premiers jours allaient bien, le
temps était beau et nous partions nous promener dans le parc du château…….
appartenait paraît-il à la famille Calmette mais dont la guerre n’a fait qu’une
ruine, d’ailleurs encore imposante. »
« La cave en est encore
habitée par le Général aussi les abords immédiats du Château nous sont-ils
interdits. Le parc nous reste, mais il est lui aussi tout mutilé, on s’est
battu entre ces murs, tranchés et trous d’obus le sillonnent, de beaux arbres
sont abattus et des mains vandales ont renversé les statues de leur
socle. »
« À côté d’une grande
pièce d’eau, une colonnade est restée presque intacte, l’endroit devait être
superbe quand tous les rosiers qui l’environnent, groupés en une savante
disposition, étaient en fleurs, à présent par exemple tous ces rosiers sont
morts et leurs cadavres s’enchevêtrent piteusement autour de leur monture
métallique.
Dans un autre coin du parc,
une piscine s’étale au pied d’un coquet pavillon, profitant des beaux jours,
j’ai pu prendre deux bons bains forts appréciés après 18 jours de
tranchée. »
170…Carnets de guerre d'Alphonse GALLIENNE, soldat au 304e régiment d’infanterie.
Rembercourt-aux-Pots, 7
septembre 1914
« Combien de temps j’y
ai été ? Ai-je perdu complètement connaissance ?
En tous cas il me semble y
avoir été une dizaine de minutes. Je n’entendais plus les balles arriver près
de moi ; les boches étaient tout près et je ne me rappelle pas avoir entendu
crier.
Je me dis, faut partir.
Péniblement, je me mets à
marcher, mais une fois parti je commence à réentendre les balles arriver.
Peut-être n’ont-elles pas cessé de tomber. Je passe à côté d’un homme couché,
mort, plus que sûr.
Je montais une crête et me
disais : « si seulement j’étais de l’autre côté, … ».
Une balle me passe sur la
main gauche, enlève la peau. Une autre traverse l’épaule gauche. Je me voyais
bien près de la mort.
Tout de même, je demandais à Dieu
de me donner le courage de supporter tout cela, et le priais, si je restais, de
m’en tenir compte. »
169…Carnets
de guerre 1914-1918 de Lucienne COUROUBLE,
habitant dans le Nord occupé, à Etrœungt.
Etrœungt (Nord), mardi 20
juillet 1915
« Branle-bas de grand
matin. La cloche sonne lugubrement. Appel des hommes
Pendant l’appel, l’escorte du Gouverneur visite toutes les maisons de la cave
au grenier, volant tout ce qu’ils trouvent de métaux. Trois grands chariots
sont remplis de cuirs, cuivres, bronzes, étains. Tout le monde y passe, vélos
entiers ou en ferrailles, lanternes, instruments de musique, etc. Quel
pillage ! »
« Des peaux de bêtes
sont trouvées chez FROMENT, qui est déjà en prison depuis 8 jours. Le
Gouverneur dit que la guerre durera encore des années ! »
30 juillet 15
« Les chiens déclarés devront payer, 60 Frs dès demain pour 1
chien, 90 Frs pour le 2ème, 3ème et ainsi de suite. Ceux pour qui on aura payé
auront une plaque et défense de sortir pour eux. Les autres seront abattus,
sous peine d’amende de 150 marks. »
Samedi 31 juillet 1915
« C’est fait ‘Follette’ n’est plus. Mieux
vaut la tuer plutôt que leur donner 60 Frs. Jusqu’à nouvel ordre, les chiens à
atteler sont exemptés de taxes. »
Dimanche 22 août 1915
« Annonce obligeant à mettre une plaque aux voitures de toute
espèce, même aux voitures à chiens. Obligation de déclarer les cochons
d’Inde !!! »
C'est un document très important tant sur le plan humain qu'historique.
Lucienne nous raconte au jour le jour toute la vie dans son village occupé par les Allemands de 1914 à 1918. Tous y est minutieusement inscrit : ce qui passe dans le village, nombre de cavaliers, voitures, trains avec leur cargaison ; toutes les interdictions allemandes, tous les pillages, les rafles, les exactions…
Ces carnets, certainement cachés
durant toute la guerre, sont à mettre en relation avec ceux de son mari Adolphe
COUROUBLE et de son beau-frère Alphonse COUROUBLE (publiés ici) parti combattre dès août 1914 au sein du 126e
RI.
168…Lettres d’Henri PLUMARD du 2e Zouaves, année 1914
Près de Lyon, 10 août 1914
Je suis arrivé à Sète samedi
à 10 heures et de là on nous a dirigé sur Lyon où nous sommes cantonnés ici à proximité
du camp de Sathonay, d'où nous devons partir d'ici peu pour aller continuer
l'ouvrage : aider à nos camarades de la métropole qui se sont déjà si
vaillamment conduits.
Partout où nous sommes passés
nous avons été très bien accueillis et c'est avec plaisir que j'ai pu constater
l’enthousiasme patriotisme et l'élan avec lequel chacun se prête pour faire son
devoir et donner une bonne leçon à ces brutes d'Allemands.
Correspondance d’Henri PLUMARD durant l’année 1914
Paris, 17 février 1917
« ..Je vois que BOUYOU,
il est désembusqué, aussi ou les malheureux on les vide. Il y a que les fils à
papa qui le restent embusqués.
Ah les salauds, il y a que le
malheureux qui le fait la guerre. C'est pourquoi qu'elle dure tant parce que si
eux y étés il y a longtemps que se serait fini il faut les voir balader dans
Paris habillés en fantaisie. Il y en a pas un seul de crevé dans le quartier de
cette graine… »
« ..Et puis s'est vrai
bien que si l'on a appelait vos classes, que vous voudriez rien savoir. Mais
alors la destruction complète de tous les hommes, ils appellent ça la liberté
eux ; et la civilisation passée mais la civilisation moi j'appelle ça la
destruction du peuple et misère complète avec la ruine. Ah les barbares !.. »
Malgré son orthographe hésitante, Jean DUPEYROUX nous dévoile dans ses lettres ses réflexions sur sa guerre.
27 août 1914, secteur de
Saint-Dié (Vosges) :
« C'est la retraite !
À peine le signal en est-il donné ou plutôt, à
peine les chefs ne tiennent-ils plus leurs hommes que sur la route criblée
d'obus, dans les prés qui la bordent, à gauche et jusqu'au bois qui est un peu
plus haut occupé par l'ennemi, c'est un sauve qui peut lamentable.
Sans ordre aucun, pêle-mêle, infanterie,
artillerie, voitures se sauvent, s'écrasant mutuellement. Tous les régiments
mélangés : infanterie, chasseurs, batterie de montagne, artillerie de campagne,
chevaux, mulets, cavaliers, fantassins sont lancés de toute la vitesse de la
débâcle dans ce ravin formé par la route adossée au talus et une bande de pré
bordée, à gauche, par le coteau boisé. Du talus au bois c'est un mélange de
toutes les armes, de tous les régiments. »
Au travers de son carnet, Auguste GALLAND nous fait vivre les combats de Saint-Dié, la défense de Rothau, la retraite, les combats d’Hermonville (Somme). Après sa blessure, il embarque pour l’Égypte en mars 195, puis pour les Dardanelles.
À peine débarqué, il participe aux carnages des premières attaques turques…
Il a écrits des poèmes qui sont aussi présentés.
11 décembre 1914, La
Haute-Chevauchée, forêt d’Argonne :
Le matin vers 9 heures, il
se produit une violente explosion sur ma droite. Ce sont les boches qui ont
pratiqué un trou de mine souterrain sous notre tranchée qui saute avec les
hommes qui se trouvent à cet endroit.
Ces hommes sont tous tués
et quelques-uns sont en morceaux. À 16 hommes dont je fais partie, nous nous
trouvons à côté de l’explosion nous avons à peine le temps de nous mettre sur
la défensive que les Allemands nous entourent et nous font prisonniers.
Les 5ème et 6ème compagnies
ont le temps de se ressaisir et combattent pendant environ 4 heures mais sont
obligés de reculer après avoir perdu environ 200 morts et blessés et exactement
196 prisonniers dont 2 officiers.
Il est vraiment extraordinaire
que je n’ai reçu aucune blessure.
Georges LAUNAY, 39 ans, est mobilisé au 33e territorial, puis rapidement affecté au 31e régiment d’infanterie, en octobre 1914. Fait prisonnier, il nous raconte sa détention.
Mars 1916, camp de
Munster :
« Heureusement que j’ai
tes colis et ceux d’Amélie. D’autres ennuis s’ajoutent à celui-ci-dessus. La
banque ne nous paye plus nos mandats qu’à un taux relativement bas, beaucoup en
refusent le payement, ce qui fait un retard sensible pour avoir de l’argent.
La monnaie de nickel et
d’argent a été remplacée par des jetons en fer blanc qui ne peuvent être
utilisés que dans le camp où tout est vendu très cher et où on ne peut presque
rien se procurer »
Au début de sa captivité, Louis Lognon va plutôt "bien" il est au dépôt des colis à Munster. Sa hantise : aller en " kommando " travailler aux mines. Et c'est ce qui va lui arriver...Très dur travail. Il a 36 ans. Moral en berne après plusieurs années (3 ans de captivité).
On le voit à l'écriture qui rétrécit. Il n'écrit plus que tous les mois. On se rend compte que tous ces prisonniers ne "tenaient" que grâce aux lettres et colis. Un jour sans... et le moral retombait. »
8 septembre 1914, Vaubecourt,
Meuse :
« Dès le matin, combat
avec l’ennemi.
Bientôt fuite des pantalons
rouges, mais nous entrons en combat avec l’artillerie et nous nous retranchons.
Aujourd’hui rien à manger,
mais nous buvons du vin et du bon.
Chaque jour, nous perdons
quelques hommes. Le soir, nous occupons notre tranchée où nous passons toute la
nuit : déjà la 2ème nuit sans dormir. L’ennemi veut manifestement percer ici
pour ne pas être pris. »
31 août 1914, Fossé
(Ardennes) :
« Là toutes les troupes
les granges étaient déjà pleines, et le service divisionnaire n'avait pas
encore commencé l’évacuation ; les tas d'équipements, de fusils, de baïonnettes
couverts de sang indiquaient devant chaque ferme le refuge des malheureux.
En entrant on y trouvait là
étendus côte –à- côte sur la paille, des morts et des mourants, ainsi que
d'autres moins gravement touchés et qui réclamaient à boire. Mais nous n'avions à leur donner qu'un peu
d'eau que l'on tenait toujours en réserve dans notre bidon, à laquelle nous
ajoutions un peu d'alcool de menthe pour calmer leur fièvre.
Toute la journée se passa à
soigner no chers camarades et à aider les majors dans leurs opérations si
besogneuses au milieu d'une odeur de sang caillé en décomposition. »
Décembre 1917, secteur de
Verdun :
« Le lendemain 8 décembre, j’apprends mon départ en permission et
c’est avec grand plaisir que je quitte ce secteur très agité.
J’arrive à Verdun dans la matinée dans un costume méconnaissable
tellement j’ai trempé dans l’eau et dans la boue.
Après avoir passé la journée à me nettoyer, je pars le soir prendre le
train de campagne qui va à Landrecourt rejoindre la grande ligne.
Mais à la sortie de Verdun la machine qui nous remorque tombe en panne
et nous devons aller à pied à Landrecourt qui se trouve à 12 kilomètres et nous
passons à Belleray et Dugny. »
21 octobre 1917, secteur de
Nordhoek, Belgique :
« En parcourant la forêt
avec les M-des-Logis Barde et Bardou, nous visitons un abri bétonné, murs de 1 m avec
poutrelles en fer.
Un obus est tombé contre et
l’a crevé. Toute cette forêt était occupée précédemment par les Anglais qui y
avaient établi des batteries de 150 à 200 mm et 350 mm. On a trouvé depuis un
obturateur de pièce qui mesure 350 mm. »
30 juillet 1915,
Vosges :
« Bombardement complet
des boches qui nous en envolent de plusieurs calibres, un obus tombe sur l’abri
de bombardement du 33e auprès de la première pièce coupant deux sapins et
endommageant quelque peu l’abri qui résiste.
Un 150 tombe également
derrière l’abri des brancardiers sans éclater ni entrer dans le sol. Quelques
heures plus tard et par deux fois différentes nous sommes obligés de quitter
l’abri où l’on couche qui ne garantit que des fusants et allons-nous caser dans
celui de bombardement. »
Février 1917 :
« Enfin le 9 février on
part à 7h 1/2, on passe à Contre, Fleury, Conty, Bosquel, Essertaux et on
arrive à St Sauflieu, on n’est pas trop mal cantonné mais il n’y a pas d’eau
propre pour les chevaux, c’est des mares qui sont gelées et l’eau est plus
noire que du purin (l’eau est à 10 mètres de profondeur).
Là on paye le vin 38 le rouge
et le blanc 40 et 42, les harengs 9 et 10 sous, les camemberts 36 sous, c’est
la ruine. »
Secteur d’Estrées (Somme),
juillet 1916 :
« J'ai assisté à un
enterrement de 20 soldats enveloppés dans des draps, portés jusqu'au cimetière
par une charrette, accompagnés par un aumônier.
Dans une grande fosse sans
cercueil, les prisonniers boches étaient chargés de recouvrir la fosse et leurs
faisaient descendre d'abord de grosses pierres dessus. »
25 mars 1915, Meuse
« À 8h je vais prendre
emplacement à la place d’un canon-revolver pour battre la route de Varennes au
Four-de-Paris.
C’est là que je vais
commencer mon œuvre de mort car j’ai ordre de tirer sur tout ce qui passe sur
cette route qui est employée par les boches pour faire leur ravitaillement au
Four-de-Paris.
Le
journal d’un chef de pièce mitrailleuse du 4e RI. »
5 avril 1915, Les Éparges,
Meuse
« La pluie tombe
toujours, on va couper les fils de fer qui sont devant, je ne suis pas désigné pour
cela, mais ceux qui y vont, retournent tous. Le jour commence à paraître, et
nous voyons arriver nos cuisiniers qui ne nous apportent presque rien, car, eux
comme nous, ils ont dégringolé en route.
Le café, il y en a presque
pas, encore nous, il y en a un peu, on nous donne un demi quart chacun, puis
presque autant de goutte.
Je ne sais pas ce que c'est,
mais, je le trouve trop fort, et comme je veux voir la charge dans la réalité,
je ne veux pas être sous l'alcool. Je jette ma part. »
Secteur de BULLY-les-Mines,
Artois, 8 juillet 1915
« 8h30 Départ. Un peu après Bully, pause. Parcours à
travers champ jadis labouré par obus ; Le village de Bully complètement en
ruine. Quelques civils, des soldats.
Les boyaux sont étroits. Canonnade de tous les côtés. Que
c’est long. Des carrefours. Les fusées. Un trou de mine aussi grand qu’une
maison. Le premier cadavre. Le poste de secours.
La relève. Notre place. Mauvais abri. Nous pouvons
l’achever avant le jour.
Les cadavres à côté de nous. Les asticots… »
Secteur de Pervyse, Belgique,
27 octobre 1914
« L’action continue
d’être très vive. Nous sommes tous mélangés Belges et Français. Les obus
pleuvent dru. Il y a beaucoup de tués et de blessés. Nous ne recevons pas de
vivres. Nous mourons de faim. Notre capitaine a été blessé hier. Il y a très
peu d’hommes de la compagnie.
Les Allemands creusent une
tranchée à 250 mètres. Ils hissent le drapeau blanc. Nous voyons qu’ils jettent
leurs morts au-dessus d’un parapet.
Épuisé, je vais à la
recherche de ma compagnie qu’on me dit être à Kapelle. »
6 carnets de guerre d’un soldat belge 1914-1919. La vision de la guerre du soldat belge est la même que pour les soldats français...
Sud de Reims, 23 décembre
1914
« Nous suivîmes tout le
terrain gagné parallèlement creusé aux tranchées ennemies ; chaque 20 pas nous nous
mettions au créneau dans l’espoir d’en voir un. Inutile, cela n’empêchait pas
ces brutes de tirer sur nous de derrière leurs créneaux. Je dis à …. Prenez aussi un fusil et tirons tous les
deux.
Nous tirâmes, lui un coup, le
premier dit-il de sa vie, alors que j’en ai tiré deux autres après, soit trois
cartouches dans le même créneau ennemi sans jamais voir personne. Et mon
insistance à tirer me dit le soldat qui me passait les cartouches était inutile
car il me dit :
« Voilà 3 mois que nous
sommes en face jamais j’en ai vu un seul ».
Le capitaine GAMBARELLI a écrit 2 carnets de guerre, un seul nous est parvenu qui décrit durant quelques mois la vie dans les tranchées fin 1914-début 1915, secteur de REIMS.
C'est un document très important tant sur le plan humain qu'historique. Plus de 5 heures de lecture.
La description minutieuse de petits faits quotidiens nous immerge littéralement dans des tranches de vie, et donne notamment un aperçu de la vision des officiers par les hommes de troupe. Celle-ci n'est pas très glorieuse...
Et on ne pourra pas accuser Ferdinand Gillette d'être un lâche car il a eu deux citations. C'est un soldat conscient du sacrifice qu'il consent, et jusqu'au bout, il l'accepte.
Les 1500 pages de ses 7 carnets couvrent 1915 à 1919, puis 1939 à 1940.
Le 26 août 114, Rozelieures
Départ 3 ½, on marche en
avant, les Allemands ont reculé, on traverse le terrain que nous avons battu
hier, c’était criblé d’obus, triste coup d’œil à voir, des morts à tous les pas
on peut à peine passer sans leur passer dessus, les uns sont couchés, les
autres à genoux, d’autres assis et d’autres qui étaient en train de manger le
pain leur restait à la bouche, des blessés tant que l’on veut, quand on voyait
qu’ils étaient presque morts, on les achevait à coups de révolvers.
Machecourt (Aisne), 31 août
1914
« Vivement que ça finisse
cette guerre car c'est trop cruelle et maintenant voit nous voulions nous
préparer quelques choses à manger, nous avons alerte et il faut partir et c'est
aujourd’hui 1er que je vais terminer ma lettre après avoir marché 24 heures.»
Dernière lettre à son épouse avant sa mort durant la bataille de la Marne.
« Tireur d’une bravoure
et d’une énergie admirable, faisant parti d’un îlot de résistance, a tiré
jusqu’à la dernière extrémité sur l’assaillant, lui infligeant de lourdes
pertes, complètement encerclé, a rendu sa pièce inutilisable, s’est dégagé à la
grenade et a réussi à regagner nos lignes. »
Secteur de la
Haute-Chevauchée, Argonne, 25 décembre 1914
« Je pense que vous
allez vous faire des cheveux comme beaucoup en ce moment cela n'a rien de bien
agréable j'ai pris la garde au poste avancé 48 heures c'est très moche on
attend parler les boches car on est à 40 m comme vous voyez on n'est pas loin.
Ils chantent, ils sifflent,
ils n'ont pas l'air de s'ennuyer mais je crois bien qu'ils sont comme les
autres qu'ils voudraient bien que cela soit fini.
Ils ont du toupet, car voilà
2 jours il y en un qui est venu à 10m de notre tranchée avec un saucisson et
une boite de cigares et les autres se sont découvert par-dessus la tranchée et
nous aussi il n'y a pas eu un coup de feu de tiré. »
Juillet 1917, Provins
Il faisait chaud, très chaud,
il était environ 10 heures, nous marchions depuis le matin, avec naturellement
la pause de 10 minutes toutes les heures.
La fatigue aidant, on criait
: « la pause ! ».
On crevait de chaleur,
harnachés comme des bourriquots. Le sac pesait 35 Kg minimum, plus le reste.
Nous entendons un coup de
sifflet, nous formons les faisceaux, sacs et fusils réglementairement alignés.
Nous nous étendons sur l’herbe.
De bouche à oreille se
transmet une information : « à la fin de la pause, au lieu d’obéir au sifflet,
on reste couché ».
Ce qui fut fait.
Après plusieurs essais, le
capitaine rassemble les chefs de sections.
« Que se passe-t-il ? ».
Réponse : « Les hommes
veulent bien repartir, à condition que les officiers descendent de cheval et
prennent un sac et un fusil ».
Ce qui fut fait.
Dimanche 6 septembre 1914,
Chambry
« À 5 heures, départ, on
nous a redonné toutes les cartouches, on a marché jusqu’au soir.
On était esquinté, vanné, le
canon tonne sans interruption, on a marché toujours sans manger. Le capitaine
et le lieutenant ont dit qu’ils brûleraient la cervelle au premier qui
s’arrête."
"Vers 4 heures, on a
commencé à rencontrer des sacs, des équipements abandonnés, puis des Allemands
blessés et tués, il y en avait des tas, des chevaux, des caissons, des obus
allemands.
Ah ! Quel carnage que la
guerre ! Que c’est triste ! Puis on est arrivé ou les tirailleurs marocains ont
chargé à la baïonnette les malheureux couvraient la terre de leurs morts et de
leurs blessés. »
Paul CHAMPDAVOINE raconte au travers de ses notes les journées terribles de la bataille de la Marne.
17 juillet 1918, secteur
Allemant, Aisne
« Il ne me répond pas,
je lui touche le front, j’ai vu qu’il était bien mort.
À ce moment il m’est venu à
l’idée un certain plaisir, que tous les combattants excuseront car beaucoup
connaissent les souffrances de la soif et elles sont cruelles, c’était que
j’allais pouvoir lui prendre son bidon et en boire le contenu.
Je regarde, il n’avait pas de
bidon mais il avait une peau de bouc comme presque tous les soldats pyrénéens,
j’étais déjà content, je retourne un peu ce malheureux copain, mais la gourde
était prise dans les branchages pas moyen de l’avoir.
Alors je coupe la courroie et
j’attire précipitamment l’objet de ma convoitise.
Et là, cruelle désillusion,
deux éclats d’obus l’avaient traversé et on voyait que le vin s’était répandu
donc le pauvre vieux avait encore à boire au moment où il fut tué. »
Paul CHAMPDAVOINE raconte au travers de ses notes les journées terribles de mi-juillet 1918, parti à l’attaque du plateau Guerbette.
Villiers-Saint-Georges, 8
septembre 1914
« De crainte que les
voitures de fil que nous attendons se trompent de chemin, le lieutenant m'envoie
me poster à 200 mètres du village, à l'intersection des routes. Je suis tout à
côté de la première fosse que je vois en train de faire.
On va y enterrer 2 morts.
Ce sont deux chasseurs de je
ne sais quel régiment, car on a recouvert leurs figures.
Des automobiles pleines de
blessés ne cessent de passer. »
« Le village où je suis,
Villiers-Saint-Georges, a été complètement pillé, encore et toujours par les
fantassins. Les gens commencent à revenir et c'est affreux de voir leur mine
lorsqu'ils s'aperçoivent des vols faits par nous.
Leur rapacité ne porte pas
seulement sur les vivres. Dans les magasins, jusqu'à des caisses de chemises de
femmes qu'ils ont prises ! »
14 juillet 1918, front de
Champagne :
« Journée calme. Le matin,
évolution de nombreux avions. Toutes les nuits nous sommes alertés. Nous dormions
tout équipés dans la sape.
Il y a quelques jours nous
avons reçu un ordre du jour du général : l’offensive allemande en
Champagne est imminente. Le mot d’ordre est de tenir jusqu’au bout. Résister
jusqu’à la mort. Interdit de se replier sur les lignes arrières, ce qui du
reste était impossible et pour cause…
Le soir même le capitaine
commandant notre 7e compagnie vient nous visiter et nous répète les
consignes :
« Oui, nous sommes
sacrifiés. Il faut résister à tout prix. Vaincre ou mourir. »
Marcel DECUGNIERE a connu de nombreuses péripéties d’affectation militaires. Celle qu’il nous raconte se passe en Champagne.
Il était agent de liaison au 21e régiment d’infanterie et fait partie des sacrifiés de la 7e compagnie du 21e RI, face à l’attaque allemande. Il sera fait prisonnier.
12 septembre 1914,
Vouillers :
« Je suis désigné pour
le peloton d’exécution ; 4 sergents, 4 caporaux, 4 soldats 1e classe. On amène
les déserteurs, le sergent Duhaime,
curé, leur donne l’absolution. On les attache chacun à un pommier.
Ils se disent au revoir en
murmurant ; c’est un malheur ; à l’abaissement du sabre qui remplace
le commandement feu, ils tombent percés de 12 balles ; la mort est
instantanée.
Vraiment ça me fait de
l’effet, j’en reviens tout pâle. »
« Tant pis, chacun doit
faire son devoir »
Les combats en Belgique, la retraite, la tragique méprise de son adjudant, la bataille de la Marne, le peloton d’exécution : le carnet de route des trois premiers mois de la guerre d’Ovide DARRAS
Janvier 1915 :
Aisne :
« En plus de la
surveillance de l’ennemi, il y a la vie dans les tranchées ; Au prix de labeur
continu et énergique, les travaux de défense du secteur deviennent de plus en
plus solides : les tranchées et boyaux sont creusés suivant des trajets plus
efficaces pour la défense avec montage de chevaux de frises et réseaux de
barbelés.
Création de boyaux à double
sens de circulation, clayonnage des parois et caillebotis sur le sol, rigoles
et puisards drainent les eaux. »
Il s’agit de la correspondance d’un soldat du 57e RI, 1914, 1915
22 avril 1917, caserne Sully,
Nogent-le-Rotrou
« 12h30, rassemblement
dans la cour pour la sortie. Le capitaine dit que tout à l'heure au réfectoire
un jeune chasseur s'est vanté "qu'au front, il mettrait 12 balles dans la
peau du capitaine".
« Il demande que ce
jeune chasseur se dénonce, comme on ne trouve pas ce chasseur qui est du Nord,
et a, parait-il, le teint basané, le capitaine nous fait tous remonter dans nos
chambres pour nous remettre en bourgeron et calot, de façon à ce que le
cuisinier puisse reconnaître le chasseur en question: on ne le trouve pas
malgré le contrôle de toutes les escouades »
Le carnet de notes de Marceau HAUTRIVE, 19 ans, raconte en grande partie son incorporation au 25e Chasseurs, puis son départ pour les Éparges.
24 août 1914, région de
Valenciennes, Nord
« Tout d’un coup l’on
entend la fusillade derrière nous ; les chefs de section veulent faire
face en arrière mais personne ne les écoute.
Chacun se sauve, même le
capitaine en tête. Arrivé en haut de la côte que l’on se croyait presque sauvé.
Quand tout à coup le canon se met à tirer sur nous.
Coup sur coup fallut
traverser la mitraille pendant au moins 800 mètres.
Beaucoup sont tombés morts ou
blessés. J’ai eu deux camarades de tombés à côté de moi. »
Mobilisé au 27e territorial, Auguste DROUIN connaît la débâcle dans le Nord avant d’être fait prisonnier. Ce carnet est intéressant car son séjour de prisonnier en Allemagne y est décrit très précisément. De très nombreux noms des personnes qu’il a côtoyées, y sont indiqués.
13 septembre 1914, Waly
(Meuse)
« Une douzaine de
français sont dans une grange sur de la paille, qui est presque du fumier. Ils
sont restés 3 jours sur le champ de bataille avant d’être ramassés par les
Allemands qui les ont soignés. Mais leurs plaies sont infectées.
Il y a un chasseur à pied,
qui a une balle dans le ventre et qui demande à boire, et il nous maudit pour
que je lui donne à boire avec un peu d’alcool de menthe.
Je lui apporte tout ce que
j’ai à boire, et finalement nous pouvons le transporter dans le château de la
famille de Benoît qui a été pillé par les prussiens mais qui est au moins,
propre. »
Tranchée de Champagne, 6 mai
1915
« Ce matin et hier, nous avons vu passer
des prisonniers boches et avons 2 mitrailleuses et canon revolver leur ayant
été pris hier.
Cela fait plaisir de les voir
se rendre et passer devant nous pantelants comme des loques humaines. »
« C’est au bruit
infernal du canon et des balles que je t’écris ce mot nous allons retourner ce
soir dans une boue jusqu’à la cheville et même au-dessus enfin nous arriverons
ave la patience et le courage à les refouler et dégager notre liberté et celle
de ceux qui sont fait pour mourir. »
1e novembre 1914, parc du
château de Fontenoy (Aisne)
« Les tombes qui s'y trouvent sont presque toutes du
292 RI.
L'on y remarque beaucoup d'officiers de ce régiment. Le
destin a semblé vouloir, en ce jour de fête des morts, nous placés là.
Il fait beau. Les hommes, sans commandement, fabriquent des
couronnes de lierre et recherchent des fleurs.
À 12 heures ce vaste cimetière improvisé est propre et les
vastes fosses communes sont recouvertes de fleurs. Ceux-là auront eu leur fête,
puisses-t-il en être de même partout. »
Mobilisé au 98e territorial, Jean DEVAUX arrive au 238e RI en septembre 1914 dans le secteur de Soissons. Il y sera tué, par une balle française.
23 août 1914, Maissin,
Belgique
« Depuis le 23 au matin,
nous battons en retraite et sommes tantôt avant-garde ; tantôt arrière-garde.
Chaque fois que nous sommes dans ce dernier cas il y a engagement. Quant à
coucher sous un toit il n’y faut pas penser. Heureux quand nous trouvons de la
paille et qu’il fait un temps doux sans pluie. (Maissin fut effroyable et le
départ des civils belges alarmant). Tristes souvenirs. »
Ce petit recueil est une recopie de son carnet de guerre et des cartes postales écrites pendant la « Grande Guerre » par François Gustave Rolland à sa fiancée, Magdeleine Savidan, notre grand-mère ; pour que Gustave ne meure jamais dans nos mémoires familiales.
Envoi de William, son petit-fils
26 mai 1918, carrières de
Sancy, Aisne
« Le matin, dès la pointe
du jour, le bombardement a relâché un peu car les boches avançaient et à huit
heures du matin, ils nous avaient ramassé presque toutes les pièces
d’artillerie.
Alors là, nous avons reçus le
premier choc ; ça a été un corps à corps terrible et le combat à la
grenade car c’est tout ce que l’on avait. Les boches étaient en plus grand
nombre que nous, on comptait dix boches pour un français ; d’ailleurs on
ne pouvait pas résister »
Mobilisé en 1916, Antoine se trouve au front dans l’Aisne, l’Oise, puis blessé dans les Vosges. Il retourne dans les tranchées de la Marne en septembre 1918.
Les Éparges, Meuse, le 6
avril 1915
" Mais La nuit est venue
depuis longtemps, nous sommes toujours là ; la soif se fait sentir, la
faim, on n’y pense pas. On serait si heureux d’avoir un quart d’eau !
La pluie tombe toujours mais
impossible d’en recueillir seulement un demi-quart.
Enfin ! On fait
demi-tour !
Voilà dix heures que nous
sommes là, dans la boue !
Lentement, nous revenons en
arrière ; on nous dit de reprendre nos emplacements du matin. Facile à
dire, mais pas du tout à exécuter. »
Dans sa longue lettre, René nous décrit, sur son lit d'hôpital, les journées tragiques des attaques d'avril 1915 aux Éparges. Très précis sur la description des lieux et des combats, il nous fait "vivre" ces moments de folie meurtrière jusqu'à sa blessure.
Les documents de Léon GAUDIN comprennent son carnet de route, sa correspondance, ses chansons et poèmes. Documents intéressants car tout le récit se passe hors de France de 1917 à 1919 : Grèce, Serbie, Albanie, Bulgarie.
Bouillancy, Oise, le 9
septembre 1914
" Mais le soir, les
Allemands ayant eu du renfort, ouvrent un feu violent. Notre infanterie,
affolée, s’enfuit de toute part, et nous laisse tête à tête avec l’infanterie
allemande, mais nous ne perdons pas courage. Nous tenons tête à l’ennemie.
L’infanterie allemande
descend une colline en colonne par 4. Une terrible canonnade s’engage. Il y a
tellement de fumée que l’on a bien de la peine à respirer.
Enfin le succès vient
couronner notre peine. Les allemands reculent en déroute."
Le carnet d'un artilleur en 1914, 1915 et 1918. Il a vécu et raconte la bataille de la Marne, côté Ourcq, les combats meurtriers à l'ouest de Soissons (Vingré, Fontenoy, Confrécourt) et la seconde bataille de la Marne (Dormans, Épernay) à partir de juillet 1918.
Dommage que les carnets de 1916 et 17 soient à jamais perdus...
En mer le 2 février 1918
" Tout à coup on aperçut
sur la gauche du bateau le sillage d’une torpille.
Immédiatement je prends mon
gilet de sauvetage, je le mets sans m’émotionner et on jette les barques et les
radeaux à la mer. Malheureusement le radeau sur lequel j’étais désigné en cas
d’accident ne m’a pas donné le temps de l’attraper, j’ai donc sauté par-dessus
le bord et fait un plongeon dans le royaume des poissons."
La correspondance d'un artilleur durant la guerre. Il a vécu et raconte le torpillage de la Dives aux larges des côtes Algériennes le 1 février 1918.
Paris le 30 janvier 1916
"Ce matin vous pourrez
voir sur le journal les bombes sur Paris, je ne l’ai encore pas vu, on parle d’une
quinzaine de tués et une trentaine de blessés, du côté de la Violette ainsi tu
vois qu’on a pas besoin d’être bien avancé pour être en danger. Pour en finir
nous y sommes tous et toujours. "
Malgré qu'il soit resté à Paris durant toute la guerre, Alexandre (41 ans en 1914) nous fait vivre à travers sa correspondance, quelques moments forts vécus "à l'arrière" par l'armée du camp retranché de la capitale : L'attaque du zeppelin, le bombardement par "Bertha", les raids de l'aviation allemande...
Les Dardanelles, le 21 juin
1915 :
" Le bombardement continue
jusqu’à 6 heures. C’est l’heure de l’attaque : on nous donne l’ordre de
marcher en avant.
Nous croyions que nous étions
pour rester en 1ère ligne, mais on nous fait sortir pour faire l’attaque :
nous marchons en avant et nous gagnons la 1ère ligne turque.
Nous tirons sur les Turcs
pour essayer de continuer l’avance, nous tenons bien un moment, mais quelques
temps après, par contre-attaque, les Turcs, avec des renforts, nous ont presque
entourés.
Au dernier moment, quand on
voit comment on est pris, on nous crie « Sauve qui peut ». Chacun se
débrouille de son mieux : ceux qui peuvent, pour retourner. »
Blessé durant l'expédition aux Dardanelles, Jérôme intégrera une section automobile et finira dans la Marine par être réformé pour cause de blessures.
Arras, le 6 octobre 1914 :
"Les Allemands commencèrent
le bombardement de la ville, nous sommes obligés de quitter la caserne
précipitamment et c’est sous une véritable grêle d’obus, tout flambe et
s’écroule autour de nous que nous quittons la ville.
Jamais jusqu’à présent je
n’avais été émotionné comme ce jour-là dans les rues.
Tout le monde courait en
s’appelant.
Ici une vieille femme, les
cheveux blancs, les yeux hagards appelait à grands cris ses petits.
Plus loin une jeune maman qui
est à genoux par terre devant son petit qu’un éclat d’obus vient de tuer.(...)
Tout à coup, je vois arriver
une jeune femme en courant et qui pleurait, elle vient vers moi et me dit
qu’elle vient d’être blessé et elle me montre son cou, la malheureuse avait une
affreuse entaille.
Je la conduis à un magasin et
je file le plus promptement possible"
L'itinéraire en 1914-15 d'un armurier. Les Vosges, l'Artois...
Il s’agit, en fait, d'un aide-mémoire, qu'a écrit Joseph, tout au long de la guerre. Nous pouvons suivre son itinéraire en France, mais aussi en Orient. Il nous a laissé des photos, une correspondance et aussi des notes sur son stage de mitrailleur
"Je vais avec un camion
faire un transport militaire pour le génie.
Je pars à 8 h 30 de St-Rémy
et passe par Toul, Francheville, les Quatre Vents, Tremblecourt, Avrainville,
et Domèvre-en-Haye.
Là, je suis sous la direction
d’un capitaine du génie. Nous chargeons des tôles ondulées, des pompes et les
conduisons à Marney, près de Pont-à-Mousson.
Là, on entend les obus
siffler au-dessus de nous. Il en tombe de tous les côtés, sur les maisons où
nous sommes, dans les champs, partout. On en voit tomber plus de 130. Il y en a
un qui tombe sur une cuisine d’infanterie qui se trouve dans les champs
derrière les maisons. Un obus tombe sur la marmite. Les hommes sont balayés. Il
y en a qui sont tués, les autres, blessés. Un autre tombe dans une grange et
éclate peu après.
Nous sommes dans une zone
très dangereuse."
L'itinéraire d'un chauffeur de camion durant la guerre, période 1914-1916
Paris, 7 août 1914 :
"On a été environ deux
heures à en faire un demi-tour ; de toutes parts se rendait sur notre passage
des gens de toutes sortes, des enfants, des femmes, des hommes se précipitent
au passage avec des fleurs, des litres de vin, des fruits, et même jusqu’à du
pain. On a été pendant toute la journée d’hier à la fenêtre des wagons occupés
à saluer de nos mains tous ces gens qui nous apercevaient jusqu’à 200 et 300
mètres on voyait des mouchoirs s’agiter en signe d’adieu."
Les 3 premières et dernières lettres de Louis HAUVESPRE à ses parents.
« Mathivet Victor, matricule 06786,
sergent à la 3ème compagnie du 121ème régiment d’infanterie ; excellent
sous-officier qui a toujours fait preuve du plus grand courage et d’un haut
sentiment de son devoir. Blessé très grièvement à son poste de combat, le 23
juillet 1916 au cours d’un violent bombardement.
Amputé de la cuisse
droite. »
2 juillet 1915, bois de
Ailleux, Herbéviller
"...Le 2 – travail de
nuit – dans cette nuit du 2 au 3 le Bon Dieu m’a sûrement protégé – 2 obus
tombent à quelques mètres de moi – au premier, je me suis couché je ne sais
comment – le second j’étais à terre je ne m’en suis pas occupé – cette nuit-là,
marchant avec le Génie, les ordres nous avaient été mal donnés – notre
Compagnie était en retard pour prendre le travail – le capitaine du Génie
commandant le travail et demandant un gradé me tombe sur le dos et me donne un
ordre formel de diriger tous les hommes de la compagnie à faire le travail sous
peine de 8 jours de prison..."
25 février 1916, ferme de
Naviaux, Marne
"..Malheureusement
beaucoup d'entre nous ne reviendront pas, que de familles endeuillées !
Tu vas dire que je n'ai pas
beaucoup le caractère militaire mais c'est honteux de voir ce que l'on voit ici
tous les jours : les camarades tombés sur la plaine, le ventre au soleil et
c'est une infection que nous respirons.
Pour nous remonter le
courage, ils ont fusillé deux types du 315e la semaine dernière.
J'aurais bien d'autres choses
à te dire mais je risque la prison. »
1e février 1918, les Éparges,
tranchée de Calonne
"Nous touchons une
grosse ration de gniole, nous devinons ce qui va se passer.
Une compagnie du 7ème
colonial, vient prendre position à nos côtés dans la nuit, pendant que les
crapouillots et nos 75 bombardent les tranchées d'en face."
"Nous réparons les
boyaux complètement écrasés. Il pleut à torrent et sommes trempés jusqu'aux os.
Nous n'avons plus rien
d'humain et sommes décidés à nous faire tuer sur place."
17 février 1918
"Le bombardement
continue de toute part, malgré cela nous avons pu être ravitaillé en pain et en
vin. Nous sommes couverts de boue.
Si la mort venait, ce serait
une vraie délivrance, car nous ne savons pas quand nous pourrons sortir de cet
enfer."
7 juillet 1918
"Je reçois la croix de
guerre avec citation à l'armée signée Pétain. Je n'en suis pas plus fier et
décide de ne pas la porter, étant donné que je ne la mérite pas plus que ceux
qui étaient avec moi."
Émile nous décrit les combats de Verdun, Douaumont, des Éparges et du secteur de Saint-Mihiel. De nombreux noms sont indiqués dans son carnet.
20 juillet 1915
"..On commence l'attaque
à 6 h du matin, à 9 h (...) Les boches se mettent à nous bombarder, il tombe
des obus de toute part, il en tombe un sur le caisson de la première pièce,
plusieurs obus prennent feu alors les hommes de la pièce sont effrayés et
veulent sortir de l'abri.
Au même moment une marmite
arrive en plein sur la ... les met en miettes et on ne trouve qu'une main sur
le moment.
Mais le lendemain on trouve
des morceaux de tous côtés. x Villar
a l'œil arraché.
Il est mort en arrivant au
poste de secours. Flandrin reçoit
un éclat dans un bras, Durand
dans la cuisse. À Orsay AURSAY reçoit un éclat en pleine poitrine, il est mort
sur le coup."
« …A l’offensive du 16 avril 1917 nous
étions en position à droite du Bois de Beaumarais en avant du village de
Pontavert qui faisait suite à la plaine de Chaudards et au pied de Craonne.
Cette offensive fut terrible
et mal préparée. Rien n’avait été tenu au secret et manque de préparation notable.
Les troupes montées au chant de notre hymne national redescendaient des lignes
hurlant l’Internationale… »
Résumé du parcours de guerre du soldat, puis caporal Jean FOURNY
Secteur de Roye, Saint-Mard,
Somme, 26 août 1018
« A un abri un fait
remarquable se produit : deux officiers boches sont seuls, sommés de se
rendre par un officier de chez nous, le sous-lieutenant MARE, ils refusent de
sortir.
Nous descendons avec
précaution le revolver braqué en avant.
À quelques mètres de la
dernière marche nous entendons deux détonations. Nous crûmes d'abord qu'on eut
tiré sur nous, puis des râlements survinrent.
Nous descendîmes alors et les
deux officiers étaient par terre noyés dans leur sang.
Un était mort sur le coup et
le deuxième râlait encore. Il y avait de belles choses dans l'abri mais ayant
vu ce fait si méritoire et noble, je n'eus pas le courage de prendre soit une
jumelle soit un revolver. »
Jean Emmanuelli s’engage en 1914. Il sortira de l’armée en 1956. Titulaire de nombreuses décorations, dont la légion d’honneur, il nous livre ici son carnet de l’année 1918. Les combats du 132eme dans la Somme l'été 1918 y sont bouleversants.
« On les décharge au
cimetière où les gendarmes ce qui peut les faire reconnaître, plaque
d’identité, livret, lettre ; ensuite, on part en chercher d’autres. J’en
ai amené une quinzaine avec la corvée.
Il y avait un capitaine
d’infanterie instructeur à l’école Saint-Cyr, il avait son bouc taillé un peu
en pointe, un sous-lieutenant d’infanterie 45ème, un lieutenant
d’administration, un sous-officier du 13ème d’artillerie, un sergent et le
reste simples soldats d’infanterie et 2 ou 3 artilleurs dont un brigadier, la
tête presque complètement enlevée par un obus. On met les morceaux dans sa
musette pour l’enterrer. Des chevaux tués, des maisons brûlées, des cadavres.
C’est d’une tristesse incroyable et pourtant, aussitôt que la mort n’est plus
sous nos yeux, on n’y pense plus.
Et l’on rit, il est vrai que
le vin et le poulet à profusion aide à noyer le chagrin. »
Secteur de la Côte du Poivre,
Verdun, mars 1916
« On prend les premières
lignes à la Côte du Poivre. Pendant ce temps les boches nous lancent des gaz
lacrymogènes. Tout le monde se trouve fort incommodé. Au début, je souffre,
mais après une fois à Bras, je résiste et malgré mon masque, je tiens le coup.
Nuit épouvantable, tranchée
d’approche, patrouille, grosse pertes, pas d’abri. On n’a rien à croûter. On
nous envoie du manger gelé comme les hommes, on ne peut qu’absorber de la
gnole.
Le rata et le plat ne font
qu’un. Gelée terrible. On touche de l’alcool solidifié.
Je fais chauffer un peu de
vin chaud. Bras est bombardé à outrance. Les chevaux et bêtes de toutes sortes
périssent dans les étables.
Nos morts ? On ne peut
les enterrer faute de temps.
Impossible de creuser, c’est
toujours de la pierre. »
Son parcours au nord de Reims, fort de Brimont, Le Godat, La Neuville, Verdun, l’attaque du 16 avril 1917 du Chemin des Dames, la blessure, Craonnelle, La Somme, Maricourt, puis en Champagne, Souain…
Secteur de Fay, Somme,
décembre 1914
« ...Vers quinze heures,
à la 1e compagnie, sur notre gauche, à la hauteur du Bois Carré occupé par
l’ennemi, en un point où les tranchées ne sont distantes que d’une centaine de
mètres, un dialogue s’est engagé entre Français et Allemands. De part et d’autre,
l’on fait des signes d’amitié ; voici qu’un de nos caporaux mitrailleurs
quitte notre tranchée ; un gradé ennemi fait de même ; ils se
rejoignent, se serrent la main, échangent des cigarettes et descendent l’un et
l’autre dans la tranchée adverse. Bientôt, c’est un défilé de soldats ennemis
dans nos tranchées : il en vient huit, des Bavarois qui, une fois chez
nous, ne veulent plus retourner là-bas. Quant à notre caporal, il est renvoyé
chez nous avec force cigares et cigarettes.
Questionnés, nos prisonniers
volontaires avouent une grande lassitude de la guerre et nous préviennent, en
outre, que les Prussiens, nos vis-à-vis, ont décidé de nous attaquer cette
nuit !.. »
Les tranchées dans la Somme, les fraternisations de noël 14, la bataille de Champagne en 1915...
Septembre 1914
« …Toujours une santé
aussi bonne ; le froid seul m’est un peu sensible, mais je m’y habitué. Je
reçois régulièrement de vos nouvelles, est-ce pour vous la même chose ?
Nous sommes très bien
nourris, et je t’assure que si le canon ne tonnait pas si souvent et si fort
l’on se croirait en manœuvre. Si la victoire nous sourit, la fin de la guerre
ne tardera pas, et alors quel long repos !!... »
(Le régiment venait de subir la perte de plus de 500 hommes…)
Correspondance de trois frères à leur famille.1914-1919 et le coup de gueule d’Henri Sauer 50 ans après, au travers d’une à ses trois enfants :
« Me voilà donc
titulaire de SIX décorations, mais, malheureusement pas une seule ne donne
droit à pension… Il serait question d’attribuer médaille militaire avec pension
(3FN par an) aux soldats qui ont été blessés et ont séjourné plusieurs années
sur le front dans une unité combattante… je réponds aux conditions prévues :
avec 7 ans et 2 mois de service militaire et une blessure, je devrais même avoir
droit à une retraite de sous-officier tout au moins la moitié puisque je suis
resté 1 300 jours et nuits sur le front, soit 3 ans et 5 mois.
Vous êtes maintenant fixés et
même si l’un de vous ou de vos descendants sont exonérés du service militaire
je considère que j’ai fait leur part et pour moi et pour plusieurs d’entre
eux.»
Secteur de Cumières, Verdun,
mars 1916
« ...La deuxième nuit,
notre chef de section, l'adjudant MAX, un alsacien, nous propose d'essayer de faire
des prisonniers. L'opération consistait à attaquer un poste avancé ennemi par
surprise. Nous sommes partis au début de la nuit, presque au départ, l'un de
nous a marché sur un tas de grenades.
L'une a explosé, il y a eu un
mort et des blessés.
Il faisait noir comme dans un
four, nous avons commencé à marcher sur des cadavres.
Quand il y avait une fusée
éclairante, nous nous fichions à plat ventre, les tranchées étaient
complètement bouleversées. Là, il y avait une baïonnette qui sortait de terre,
à côté, il y avait une main, plus loin c'était un pied et une tête des cadavres
déformés, hachés, si bien qu'aussitôt, la fusée éteinte, nous ne pouvions pas
faire autrement que de marcher dessus... »
50 ans après la guerre, Laurent COUAPEL nous raconte sa vie de soldat, parfois misérable, parfois attachante, mais néanmoins réelle.
Les Éparges, son empoisonnement, l’attaque inutile en Champagne, les charniers de Cumières (Verdun), la soif, le froid, la peur, le pinard...
20 août 1914, région de
Bisping (Lorraine)
« ...Bien placé, on tire
quand même sur des attelages qui fuient et des hommes que l’on voit peu. Il
faut reculer mais c’est très dangereux.
On se lève. Beaucoup tombent blessés aux jambes.
Je reste après les autres et
je recule sans trop de danger par bons courts et rapides.
La débandade se produit le bataillon est éparpillé dans un pré la mitrailleuse
nous vise mais aucun blessé.
On rentre dans un bois et
l’on recule beaucoup en arrière après avoir rassemblé le bataillon. Les blessés
sont restés aux mains des Allemands... »
Henri BLEYS, sergent, instituteur, nous décrit son témoignage. L’écriture est fine et régulière, le crayon papier précis, malgré l’usure, le témoignage saisissant.
Il décrit avec exactitude ce que fut la retraite de son régiment à partir de mi-août, en Belgique : les ordres imprécis, les interrogations des hommes, la débandade, les villages ruinés...
T
25 octobre 1914
« ...Changement de
position nous nous postons sur la droite de la route aussitôt installé il nous
faut tirer car la position devient critique à 1 heure les troupes belges
reculent et nous voilà en première ligne nous tirons jusqu’au dernier malgré
tombe près de nous notre pièce reste et la 6e l’ordre arrive.
Il faut reculer car la
position devient intenable on recule de 4 kilomètres et nous couchons dans une
grange... »
Itinéraire d’un artilleur en 1914-1915 : Lorraine, Meuse, Reims, Flandres, Dunkerque, nord d’Arras. Des noms sont cités dans son carnet
15 octobre 1917
« Le soir à 19 h nous
montons en ligne, nous y arrivons à minuit.
Là pas de tranchée, que des
trous d’obus pleins d’eau et des macchabées.
Pour le moment, je suis dans
un trou d’obus avec deux autres. De la terre grasse jusqu’aux genoux, de la
flotte et plusieurs macchabée qui sentent mauvais : et je vais rester là 6
jours et 6 nuits complètes sans pouvoir bouger, assis dans l’eau, impossible
d’écrire car les lettres ne partent pas depuis ici. On nous apporte à mange une
fois par jour à minuit. »
1917 et 18 : Verdun, la Côte du Poivre, la Flandre belge, fraternisations... Deux carnets sur lesquels Jules BARBE évoque la misère quotidienne des soldats de premières lignes.
Décembre 1914
« ..Français et
Allemands se touchent. Il parait que dans les moments de repos, bien au fond
des tranchées, les soldats ennemis se donnent mutuellement des concerts, puis
cinq minutes après se tirent dessus à outrance, ou se faut sauter.
Résultat, en France, nous
n’avons pas bougé.. »
Sur ces deux cahiers d’écolier, sans rajouts ni suppressions, Suzanne RUPLINGER, née en 1901 à Lyon a tenu son journal, du mardi 28 juillet 1914 au 30 mai 1918.
13 ans, elle avait 13 ans !
Nous sommes bluffés par la connaissance des choses de la guerre et la maturité avec laquelle, elle rapporte, peut-être, ce qu'elle entend des adultes, c'est extrêmement intéressant de la lire, elle se permet même de faire de la géostratégie, quel talent !
25 août 1914, Rozelieures
« ..Nous avançons en bon
ordre, les Allemands paraissent reculer.
Lorsque soudain une
contre-attaque terrible nous oblige à reculer.
C’est une débandade générale
sous une grêle de balles et d’obus. Nos soldats tombent par paquets, c’est
épouvantable. Notre artillerie protège notre retraite.
Lorsque nous nous reformons,
de ma compagnie sur environ 250 hommes, il en reste 90… »
Ce qui fait l'originalité de ce carnet, c'est qu'au début (du 5 août au 3 sept. 1914) il a été rédigé par une personne visiblement très cultivée : le style est littéraire, presque lyrique...puis mon grand-père trouve le carnet le 4 septembre 1914 et le continue dans un style...plus "terre à terre"...
Le carnet d’un soldat du 47e RI qui a traversé toute la guerre au 47e RI : bataille de la Marne, l’Artois, La Champagne…
14 août 1914, Chambley
« …Chaque fois que je
lève la tête des balles me sifflent aux oreilles ou tombent à mes pieds. On
vise les chefs de section. Nos mitrailleuses entrent en action.
Mes chasseurs en blaguant
froidement tirent sur tout ce qui se profile à la crête. Des bavarois passent
en courant affolés jusqu’à un kilomètre, pendant que des balles les environnent
de poussière.
Beaucoup tombent comme dans
un jeu de massacre ou font les morts. S’ils se lèvent, ils ne vont pas loin. La
crête semble couverte de cadavres.
Notre mouvement a réussi.
Pris dans l’angle de feu par les autres sections, tous s’enfuient ou tombent
jetant ses armes. 30 bavarois se rendent. J’ai un homme tué à ma
section… »
À partir d’un carnet de campagne rédigé au jour le jour, nous avons pu reconstituer le parcours d’un officier d’active tout juste sorti de St-Cyr, à travers les terribles combats de 1914 qui ont coûtés si cher à notre armée.
Il est exceptionnel de trouver des carnets écrits sur le vif notamment pendant une guerre de mouvement telle qu’elle l’était en août et septembre 1914, a fortiori émanant d’un officier qui survécu au sein d’une unité ayant perdu la quasi-totalité de ses cadres en cinq semaines.
10 juin 1915 :
« …J'avais prié sur les tombes de mes
camarades du 18ème corps, environ 300 corps étaient en rangées de 30, c'était
bien arrangé, tous avaient des croix en bois ou en pierre. Les noms étaient
inscrits, ils avaient des couronnes, des écritures de souvenir et de regrets.
Une fosse d'une quarantaine
de mètre devait encore être remplie, ceux-là n'avaient pas de noms inscrits.
Sur la campagne, pas loin de
là, des boches il y avait partout dans les terrains… »
Les « pépères »…ont connu les mêmes dangers et les mêmes misères que les autres…
Octobre 1914
«…Nous avons chargé sur un
escadron de Uhlans saxons la section seule, tu parles de les enfiler.
J’ai un camarade qui a eu le
bonheur d’en tuer 3 et en blesser deux, moi pas tant de veine, 2 morts 2
blessés et un cheval pour ma part puis l’on a dégagé les voitures, et on les a
finis à coups de mitrailleuses c’est horrible et beau… »
24 décembre 1914
« …Puis moi avec le
Lieutenant, nous avons été cherché un journal Bavarois ; ils nous ont
offert des cigares, des cigarettes ; le Lieutenant leur a donné un paquet
de Maryland et moi 2 bâtons de chocolat que j’avais touché la veille ; il
a fallu leur serrer la main à tout prix, puis on a retourné dans notre
local… »
La correspondance d’un Cuirassier qui « sabrait » les soldats ennemis durant les charges de cavalerie. Des descriptions de combats, la fraternisation, une lettre codée, des inquiétudes, le début de la révolte…
Carency, Artois, décembre 1914
« Ils se battent à coups
de baïonnette et de grenades, l’autre bataillon s’élancent sur la 2ème ligne et
arrivent même jusqu’au cimetière, mais malheureusement, le fil téléphonique qui
servait de commandement à l’artillerie, et qui était installé dans notre
première ligne est coupé, et notre 75 tire toujours mais trop court et tue de
nos hommes.
Nous restons maître des 2
lignes de tranchées »
Né en mai 1893, engagé volontaire pour 5 ans, le 6 avril 1912, à la mairie de La Rochelle, mort à l’hôpital de Belfort, le 15 juillet 1915, suite de ses blessures Wouithryde Henri VIDEAU nous parle de ses conditions de vie et de l’atrocité des combats dans la boue des Flandres (Ypres) et d’Artois (Carency)
18 juin 1916 : Verdun,
tunnel de Tavannes
« ..Nous quittons le tunnel
à 8h ½ en marchant en file indienne.
Nous grimpons les hauteurs de
l’ouvrage de Damloup. Vu sa pente rapide, nous sommes vite fatigués car il ne
faut pas s’amuser. Lorsque tout le monde fut en haut, nous nous blottissons du mieux
que nous pouvons dans le boyau en attendant que la nuit fût venue. Mais, ce fut
angoissant car les marmites nous arrivaient de toute part. Plusieurs hommes
jetaient des cris de douleur. Ils étaient atteints par des obus.
Nous nous portons en avant à 9
h ½ sous une pluie d’obus. Les Boches avaient aperçu un mouvement de troupes,
aussi, ce fut avec des grandes difficultés que nous arrivons à l’ouvrage du
fort de Vaux. Sur mon parcours, je trouvais déjà beaucoup de mes camarades
blessés ou déchiquetés pas les obus, mais il n’y avait pas de temps à perdre.
Il fallait arriver à la redoute du fort de Vaux.
Enfin, vers 10h ½, nous
étions arrivés, tout bouleversés, et tout essoufflés…. »
Le carnet du front d’Édouard MATTLINGER : toute la guerre : l’Alsace, la fraternisation (1914), Les Éparges (1915), le bois de Calonne, l’attaque de Champagne, secteur de Souain (1915), Verdun, tunnel de Tavannes, secteur de Damloup (1916), la bataille de Montdidier (1918)
2 juin 1915 ; Les
Éparges
« …Cet ensemble de tranchées
est un vrai cimetière, une centaine de morts, tous de l’attaque d’avril sont
tout autour de nous et l’abri de commandement du lieutenant est proche voisin
d’une tombe, et dans ce petit coin de plaine, entre les routes de Metz et
Pareid, il y a plus d’un millier de braves camarades du 157ème et d’autres
régiments qui sont tombés en avril, ce n’était vraiment pas la peine de faire
tuer tant d’hommes pour un si petit résultat, surtout que cette tranchée payée
si chère va être rebouchée puisqu’il en est recreusée une autre à 500 mètres en
arrière, celle-ci ne pouvait plus être tenable avec les chaleurs… »
18 juillet 1915 ; Les
Éparges
« …La côte des Éparges
est d’un teint roux, et toute ravinée par la mitraille.
Elle fait tache sur la
verdure de la ligne des côtes. Comme monument de souvenir à élever sur cette
côte, il faudra après la guerre y ériger un immense Christ en croix et entourer
tout le bas de la côte d’une grille et la laisser tel qu’elle se trouve en ce
moment… »
4 septembre 1915 ; Les
Éparges
« …Il serait temps que
tout cela finisse.
Qu’entendent par-là les gens
de l’arrière, que nos poitrines mettent à l’abri des balles ennemies et qui
n’ont pas la pudeur de respecter ceux qui sont mort depuis une année. Ces
messieurs de l’armée font la fête… Le ministre s’inquiète de fixer la nuance du
Kaki que messieurs les embusqués doivent porter, est-ce que nous en avons-nous
des uniformes à la mode, de bleu horizon, il doivent devenir pisseux nos
uniformes !.. »
Carnets de guerre de Paul DUCHATELLE, Les Éparges, la guerre des mines, la fameuse « visite » des députés en premières lignes, ses réflexions sur la guerre sont intéressantes. (Les embusqués, les politiques, les officiers supérieurs...)
Si ses carnets étaient tombés entre des mains d’officiers…
« …Chère amie j'ai pourtant vu dire que la classe 1915 allait être appelée en tout cas si la patrie en danger a besoin de nous pour renforcer ses rangs j'irai moi aussi défendre fièrement mon beau pays de France et aider à chasser ces allemands si féroces et si barbares qui font partout les pires atrocités.. »
« …Depuis un mois nos
braves soldats aux cœurs généreux luttent sans cesse, déjà beaucoup sont tombés
sur le champ d'honneur, d'autres sont blessés ou usés par la fatigue ou la
misère alors ces braves soldats auront besoin de repos qu'ils ont si bien
gagné… »
Mobilisé en déc. 14, réformé en juin 15 cause maladie, bon pour le service en sept 15, parti dans les tranchée, blessé en mars 1916, retour au front, tué en juin 1917. Son parcours au travers de ses lettres
Mars 1915, Somme
« ..Vie des tranchées. Bombardement
de nos abris à diverses reprises.
Je suis puni de 6 jours de
prison parce qu’un homme de mon escouade a voulu manger des pissenlits. »
Sergent au 70e territorial, il a connu les tranchées, la Somme, Verdun, l’Oise, a vu la mort de très près, tout comme les soldats de l’infanterie d’active.
Samedi 1er août 1914
« J’avais alors moins de
17 ans. Dans l’après-midi, nous sommes allés, mon père et moi, avec deux ou
trois de mes frères et sœurs, charger une voiture de foin. C’est tout au long
de notre retour que nous avons entendu les trois cloches de l’église sonner à
toute volée pour annoncer la mobilisation générale. Leur son était puissant, le
moment solennel.
Le garde-champêtre confirmait
la nouvelle à l’aide de son tambour.
Partout les trains étaient
pris d’assaut par les hommes qui partaient vers leurs garnisons. L’enthousiasme
était grand chez ceux qui partaient, la tristesse était grande chez ceux qui
restaient. Personne ne savait ce qui nous attendait.
Personne ne croyait passer
l’hiver en guerre… »
Sept 1917, secteur de l’Yser,
Belgique
« …Le secteur faisait
naturellement partie du front ; donc nous avions droit à un quart d’eau de
vie tous les matins. Et tous les matins, je devais me bagarrer avec mes hommes
pour que le gendarme ait sa part.
Chaque fois on me répondait
« il n’en a pas besoin »
Un dicton disait d’ailleurs à
l’époque :
« Le front commence où
s’arrête le gendarme »
Le front commençait bien là
et je me suis toujours demandé ce que celui-là pouvait bien faire avec
nous… »
Toute la guerre vécue par André : les tranchées de l’Yser, les combats de Montdidier, l’attaque allemande, la captivité en France, la punition des évadés, l’épisode des 2500 chevaux «volés» par les Allemands pendant leur retraite de 1918…
Le petit carnet de son parcours.
Il était affecté à l’ambulance N° 16/9.
Quelques photos de groupes de soldats
Février 1915, Vienne-la-Ville
« …Il a
fallu leur aider à traîner les leurs comme nous avions fait les nôtres la
veille.
Nous avons fini le lendemain
à 2h du matin, après cela nous avons été tranquille et nous sommes restés à la
même position les 8, 9,10, ce dernier jour l’adjudant-chef a été décoré de la
médaille militaire.
Le lendemain 11 il nous a
payé un litre de vin.
C’est tout ce que nous avons
eu… »
Les déplacements du 2ème groupe du 11e régiment d’artillerie, à travers la Meuse, Marne, l’Aisne
Mars 1915, ferme du Chamois,
Alsace
« … Le soir même, quand,
après avoir rampé, nous arrivions vers nos camarades d’attaque pour les
relever, nous constations que beaucoup d’entre eux étaient étendus à jamais sur
le gazon ou accrochés aux réseaux.
Les lignes avaient simplement
été avancées de quelques centaines de mètres.
La nuit est employée à
creuser la nouvelle première ligne avec nos petits outils portatifs. Nous dûmes
néanmoins rejoindre une contre-attaque boche qui s’était dessinée. »
De l’alsace à l’offensive de champagne en septembre 1915, la campagne d’un caporal fourrier.
5 janvier 1916
« …Entre nous, il n’y a
pas grand-chose, d’ailleurs, c’est presque impossible avec le temps que nous
avons, juste quelques coups de fusils de temps en temps ; les boches sont très
raisonnables ; ils ont été jusqu’à fraterniser avec les nôtres au petit poste ;
ils ont échangé une boule de pain pour des cigares que les nôtres leur ont
donné, cela prouve que les boches en ont marre et je serais porté à croire que
la guerre sera bientôt finie, je le souhaite bien vivement… »
Correspondance d’un soldat qui a été absent de « ses foyers », comme disent les militaires, durant près de 5 années pendant lesquelles il a été blessé, il a subi des vexations de toutes sortes en tant que prisonnier de guerre. Il n’a bénéficié que de quelques rares permissions et a obtenu une décoration méritée avec citation pour sa bravoure au combat.
4 septembre 1914
« …La retraite
s’accentue de plus en plus et prend les proportions d’une déroute effroyable.
Les chevaux ne
peuvent plus avancer et tombent comme des mouches.
Des fourgonniers vident sur
la route le contenu de leurs voitures pour s’alléger.
Des conducteurs de caissons
de 155 abandonnent des projectiles.
Sur la route, il est défendu,
sous peine de mort, de couper une colonne en marche, défendu aussi aux
conducteurs de voitures : caissons, fourgons, chariots de parc, de
trotter.
La prévôté (maréchaussée)
veille à l’exécution de ces ordres. Je vois un capitaine de gendarmerie
flanquer deux balles de revolver au conducteur d’un fourgon qui a trotté une
dizaine de mètres pour rejoindre sa colonne… »
Mémoires du début de la guerre : de Charleroi, la retraite, bataille de la Marne (secteur de Provins), Reims, fort de Brimont, l’Aisne.
Quelques « images » fortes de la retraite de l’armée française.
Ippécourt, 8/09/1914
« …Le 8 au matin
redescendu pour ravitailler et remonté aussitôt avec de l’eau et du pain sous
les grosses marmites boches.
L’après-midi
et le soir, prise du village à l’assaut à travers les balles et marmites.
Traversé le village à 9
heures du soir, à moitié incendié et en ruines.
Passer sur les morts et les
blessés, les vaches et les chevaux crevés.
Rien de plus lugubre et
triste… »
Le carnet a été tenu jour après jour pendant toute la guerre.
L’extrait présenté ici s’étend d’août 1914 à avril 1916 et concerne la guerre dans la Meuse.
Il comprend surtout, des indications sur l'itinéraire suivi par son régiment. Il y a cependant des éléments sur les conditions de vie qu'il évoque à travers son travail de cuisinier.
15 mars (1916) Verdun
« …A quelques
mètres de lui, pendait sur une traverse de bois, le corps déchiqueté d’un
sergent, également de la 19ème. C’était la première fois que j’assistais à ces
tueries, cela me fit peur et devant ces cadavres, une terrible impression. Mais
réagissant et ayant toujours confiance, je marchais courageusement là où le
devoir m’appelait, ne pensant plus qu’à une chose, défendre la Patrie en
prenant mes précautions contre le danger… »
« ..Dans ce village, nous restons deux jours
et pendant ce court séjour, nous eûmes une mauvaise impression en rencontrant
sur notre trajet et en nous promenant, des tombes de soldats français au nombre
de cinq qui avaient été fusillés pour avoir refusé de marcher… »
Les souvenirs d’un soldat, mobilisé à 36 ans, qui a parcouru l’Aisne (Soupir, Paon, Dhuizel), la Champagne (Suippes, Souain), Verdun (Cumières, le bois Bourru).
Aisne, secteur du Chemin des
Dames, juin 1917
« ..4 - Départ à 2 h
pour arriver à 4 h à côté de Ronans. Emplacement à l’échelon, nuit agitée –
Bombardés par avions.
5 - Dans la nuit du 5 à 11 h
du soir, nous montons à la position du sud de Craonne dans le bois Beaumarais –
Relevé du 33ème – 2ème section.
6 - La position n’est pas
fameuse. Les éclats radinent de partout. On ne peut rester dehors.
9 - Comptabilité des fusils.
17 - État des pertes –
Officiers et hommes de troupe.
19 - Situation des munitions
23 - Sommes bombardés – Très
sérieux – Les arbres de la position sont fauchés, le lieutenant est tué….
Calme - Beau temps - On a
fusillé 2 Alpins qui s'étaient révoltés et condamné une dizaine à quelques
années de travaux publics - C'est pour calmer la morosité générale - La guerre
est si longue.
Carnet de route et sa correspondance de Louis Treillet depuis janvier 17 jusqu'à la fin de la guerre : Chemin des Dames, l’Italie, l’Oise, la Somme… Cette correspondance est d’ailleurs très souvent beaucoup plus précise que son carnet.
« …Nous nous couchons,
ma femme et moi après avoir mis notre bébé au berceau, mais il m’est impossible
de dormir, cette terrible chose que depuis tant d’années, mon grand-père et mon
père, m’ont parlé dans maintes circonstances, est donc enfin arrivée.
Je vais donc moi aussi voir
ce qu’est la guerre, la vraie guerre, celle où il y a de vrais morts, n’ayant
pu croire les récits ni pu m’en rapporter aux images rappelant ça.
Je vais donc en tuer de ces
boches, de ces satanés boches qui nous font tant de mal par tous les moyens, et
puis c’en est assez, il faut en finir et au plus vite... »
6 septembre 1914, Monthyon
« Je perds un instant ma
compagnie, mais je rattrape un homme blessé ; il m’appelle.
Je me couche à côté de lui
pour voir ce qu’il a. je me garantis de mon sac ; les balles sifflent de
tous côté ; les obus destinés aux allemands passent au-dessus de nous,
mais au même moment, je reçois une balle dans la fesse gauche.. »
Son parcours, jusqu’à sa blessure durant la bataille de la Marne, hôpital de Saint Malo..
Retour au front secteur de Soissons, Crouy en janvier 1915.
La particularité de ce carnet, c’est que certaines journées ont été « reprises » par la suite, avec des détails supplémentaires.
7 septembre 1914
« …Nous
avons mission de prendre le village de Villeneuve-lès-Charleville.
Notre artillerie le bombarde
toute la matinée, enfin nous le prenons d’assaut, l’artillerie de chez nous,
nous bombarde et nous laissons des morts et des blessés. (…)
« ..J’ai acheté ce carnet aujourd’hui à
Abbeville aux nouvelles galeries. Dans l’hôpital tous les malades décédés sont
morts dans de bonnes conditions. » (…)
« …J’ai un mois de convalescence, j’ai
été proposé pour deux, mais le général a trouvé que ma barbe faisait beaucoup
dans ma maladie aussi a-t-il retouché un mois… »
Blessé à Sillery, durant la bataille de la Marne, hôpital à Rodez, infirmier dans la Somme, puis réintègre le front au 72e RI en juin 1915, blessé en Argonne…Le parcours d’un aspirant-prêtre.
17 septembre 1915 en
Champagne :
« …Ai bien dormi même malgré
le fort bombardement. Nous avons depuis le 75 jusqu'au 360 sur rails en passant
par tous les calibres. C'est fou ce qu'il y a d'artillerie…
Samedi 25 septembre 1915
…... Nous bombardons sans
arrêt depuis le 38 – 58 cm avec des torpilles.
À 0h15 exactement, nos
troupes sortent de nos tranchées, nous essayons de dérouler une ligne
téléphonique derrière le Ct.
C'est impossible trop (de)
casse. Ensuite un autre et moi avons été presque engloutis – nous sommes d'un
dégoûtant car il a plu aussi je suis couleur boue – ensuite notre poste
s'effondre et nous essuyons les gaz asphyxiant – ce n'est pas bon à
12h…. »
Son journal concerne l’automne de 1915.
Après un passage pendant l’été dans la région de Montbéliard pour rejoindre le 4° tirailleurs au repos, il arrive au front avec celui-ci en Champagne où une grande offensive française doit être lancée (le 25/09/15). Il tient un journal jusqu’en décembre 1915.
Il sera tué en 1917, le 20 août au bois de Cumières près de Verdun lors de la contre-offensive française, lancée ce même jour.
Le 5 au soir
« …Avec un camarade, je
vais dénicher des corbeaux pour faire une bonne soupe et nous tirons deux
pigeons ramiers qui nous ont amélioré notre ordinaire. »
Le 11 juin 18 :
« Encore 3 pigeons de
tirés et ils sont bons.
Nous avons mangé aussi 3
jeunes corbeaux, mais quelle différence, c'est un peu plus dur comme viande. Je
remonte ce soir en réserve près du Capitaine… »
Il retrace jour après jour sa campagne en Orient 1917-1918-1919 contre la Bulgarie.
Puis prisonnier au camp d’Arys
Le 12 juin 1916 à 18 heures : Départ pour premières lignes devant
Thiaumont (Redoute 320)
« ..Le 13 à une heure du
matin, attaque par le bataillon. Avance de 200 mètres (sans perte). Redoute 320
Thiaumont à 19 heures. Relève pour aller en réserve dans le petit Bois Fleury.
Le 14 juin : Réserve
petit Bois Fleury (mort de Paul Baillard
vers 4 heures par un obus qui tombe en face de son gourbi). À 19 heures
30 : Départ pour Verdun.
Arrivée à 12 heures. Soir,
cantonnement Hospice Sainte-Catherine…. »
Le carnet en lui-même comporte visiblement deux parties : les deux ont été écrites après juin 1916, ce qui revient à dire que la première partie est une liste de dates et de lieux, très factuelle.
La deuxième, écrite "à chaud" est le récit détaillé de ces deux années de captivité en Prusse Orientale au camp d'Arys.
8 septembre 1914,
Montceaux-lès-Provins, Seine et Marne
« ..Nous marchons en
avant nous passons à Monceaux-lès-Provins où a eu lieu la bataille, le village
est pillé, toutes les maisons sont démolies par les feux de l’artillerie, c’est
effrayant de voir l’effet de l’artillerie, nous voyons des cadavres d’Allemands
et de chevaux. »
« ..Nous passons à
Villeneuve-la-Lionne où l’orage nous prend et nous trempe jusqu’aux os. Nous
bivouaquons à Vézier mais on se remet en marche, toujours sous l’eau et nous
retournons cantonner à Villeneuve-la-Lionne à 10 heures du soir… »
Édouard
OURSEL nous relate son parcours au début de la guerre (1914-15), son
« travail » de brancardier : La retraite, bataille de la Marne,
l’Aisne (Berry-au-Bac, Sapigneul) et en Artois (le Labyrinthe,
Neuville-Saint-Vaast...)
7 juillet
1915 au Sudelkopf, Vosges
« Enfin ce jour-là c'est
presqu'un miracle que l'on soit sorti sain et sauf car plus d'une fois nous
l'avons échappé belle. Malheureusement nous avons perdu 45 hommes dans cette
affaire, seulement nous avons conservé la tranchée.
Pendant le reste de notre
séjour ici nous avons tout transformé notre réseau téléphonique.
L'on a placé toutes les
lignes dans les boyaux et en plus nous avons placé une ligne de secours qui
était souterraine. Nous avons mis 8 jours pour faire le travail.
Nous avons terminé pour le 14
juillet. »
Le périple d’un téléphoniste du 372e RI de 1914 à 1916, des Vosges (le Linge, La Croix des Faux) puis son embarquement pour Salonique, la Serbie…
Nord de Paris, 2 septembre
1914 :
« …Tous les habitants quittent leur pays
pour échapper aux troupes allemandes. C’est un spectacle vraiment touchant de
voir tous ces pauvres gens, vieillards se traînant péniblement, jeunes mères
portant leurs enfants dans les bras ou les traînant dans une voiture sous une
chaleur caniculaire.
Les vieux territoriaux
organisent la défense de Paris ; des champs de poiriers tout entiers sont
abattus pour faire un bouclier à nos fantassins.
On devine qu’on a l’intention
d’arrêter l’invasion par là. »
Les combats vus côté artilleurs (ferme de Nogeon, ferme de Confrécourt, plateau de Nouvron, Soissonnais, Verdun…),le dramatique franchissement de l’Aisne sous les bombes, la mort en direct de ses camarades de régiment, leurs obsèques.... Ses « coups de gueule »…
19 septembre 1914, secteur de
Bezonvaux (nord de Verdun) :
« .. Le mauvais temps continue ; on entend
fusillade un peu partout ; nous avons la permission de faire du feu,
Oh ! Alors on est heureux comme des rois ; on sèche un coté pendant
que l’autre mouille, enfin on est mieux quand même.
À 12 h. nous mangeons notre viande cuite à l’eau de pluie
ramassée dans les trous d’obus, nous mangeons quelques haricots qui nous
semblent exquis ; dans un quart de café on trouve environ une petite
cuillerée de terre, mais cela ne fait rien, on trouve le moka épatant, car
c’est le temps des biscuits et autres bontés comme cela.»
Un itinéraire par les combats de Joppécourt (22/08/1914), Courcelles-sur-Aire (10/09/1914), Lacroix-sur-Meuse (oct.14)
Probablement
pour que reste une trace et qu’à jamais nous n’oublions cette période de
l’histoire de France qu’il eût à traverser, Jules Pigasse nous a transmis ses mémoires.
En toute simplicité, il y a noté son parcours, des lieux, les brisques et les batailles sans jamais décrire ce que furent ses difficultés, ses souffrances ni ce qu’il vit et vécût.
9 mai 1915 secteur de
Berthonval, Artois, la veille de l’attaque
« .. Le soir on nous
relève à 2 h pour aller en repos la nuit car le lendemain c’était l’attaque.
Nous avons encore pris une bonne cuite.
Réveil à 1 h du matin le 9.
Départ pour les tranchées. Arrivés à la pointe du jour, l’on nous a mis dans
les tranchées de première ligne.
À 5 h l’artillerie française
a commencé à donner pour dix heures juste.
À 9 h ½ l’artillerie s’est
arrêtée environ 5 minutes et a repris ensuite jusqu’à 10 h moins 1 minute.
À 10 h exacte tout le monde
est sorti des tranchées. Nous arrivons dans leurs tranchées : pas un n’est
sorti de son trou.
Nous étions 5 comme
nettoyeurs.. »
Un carnet trouvé sur une brocante, publié sur mon site pour le sortir de l’oubli ; Août14 – août 15, Les Vosges, l’Artois.
« ..Le destin qui
m'avait conduit d'Italie en Grèce, de Serbie en Bulgarie, de Roumanie en
Russie, puis ramené de Turquie, par la Méditerranée, à mon pays de France et à
mon petit village de Rupt, a voulu, qu'après bien longtemps, là où fut toute ma
vie, ces lignes fussent écrites à partir de mes récits.
Pour que chacun se souvienne
et apprenne par mon enseignement, que loin du pays, rien ne vaut la Patrie et
que si les hommes et les paysages sont différents, partout le cœur conduit la
vie et ramène à son clocher les enfants partis au loin. »
Léon CLAUDE, après la guerre…
27 août 1914, Aslon,
frontière belge
« …Nous sommes repassés
à Gomery où le convoi se renforça d’autres blessés et prisonniers.
Et l’on se remet en route,
nous passons à Etre et quelle impression de voir les ruines du 3ème groupe de
chez nous = tous les caissons et chariots versés, chevaux et hommes tués en telle
quantité, que nous passions sept jours après la bataille et que tout n’était
pas encore enterré.
Petite ville à peu près trois
mille habitant, toute incendiée et pillée, sauf la Mairie et la maison de la
Croix-Rouge, même l’église fut incendiée et ainsi tous les pays que nous avons
passés, sauf Arlon, capitale du Duché Belge, très belle petite ville de
Belgique, où nous sommes arrivés à 3 heures du matin… »
Le soldat Sébran Tessier a été cité comme témoin à Genève des exactions allemandes commises à l’été 1914 à l’hôpital de campagne de Gomery (Belgique) dont les blessés français ont été assassinés par les troupes allemandes
Secteur de Verdun, 18 juin
1916.
« ..Il y a eu deux fois
alerte cette nuit, et deux fois on a déclenché les tirs de barrage ; c'est
formidable et indescriptible. De tous côtés, les lueurs des coups de canon se
succèdent d'une façon ininterrompue comme un scintillement perpétuel et le tonnerre
de toutes ces pièces fait un roulement absolument continu; les obus sifflent,
ronflent, au-dessus, à droite et à gauche, une brume générale s'étend sur toute
la contrée et là-bas, au loin, c'est l'autre grondement de l'éclatement
simultané des milliers d'obus sur les lignes ennemies qui sont submergées dans
un enfer de feu, de fusées et de mitraille d'où les fusées éclairantes et les
fusées de signal ont peine à émerger..
« .. Cela dure une
demi-heure, quelques fois plus si l'ennemi a pu sortir malgré cela et s'il faut
continuer l'arrosage. Puis les coups s'espacent; les fusées cessent, et le
calme renaît, c'est-à-dire qu'on n'entend plus voler que les obus espacés qui
vont de part et d'autre frapper les deuxièmes lignes, gêner les
ravitaillements, la circulation intense des relèves, des cuisines, des
munitions, des matériaux, qui se hâtent sans arrêt pendant toute la nuit
d'apporter aux tranchées de première ligne et aux batteries le stock
indispensable pour pouvoir continuer le lendemain avec la même âpreté cette
terrible lutte... ».
Sous-lieutenant, puis lieutenant, à la 1ère batterie du 2ème régiment d'artillerie de montagne, il prit part aux combats aux abords de Nancy, avant d'être envoyé dans les Vosges (Reichsacker, Linge).
Après cinq mois à Verdun, de juin à octobre 1916, sa batterie rejoignit l'armée française d'orient, à Salonique, puis occupa diverses positions en Grèce et en Serbie.
Muté, en 1917, à la 8e batterie du 19e régiment d'artillerie de campagne, et nommé capitaine, il participa à la campagne qui vainquit les Bulgares et fut blessé en octobre 1918.
Secteur de La
Fère-Champenoise, 8 septembre 1914 :
« .. L’on essaye
d’apporter le capitaine à 4 par la droite qui se faisait arriver à une arrête de
terrain. L’on est entre 2 feux de l’ennemi qui tire de chaque côté et par
derrière.
Obligés de laisser le
Capitaine dans un bois de sapins, sur 4 que l’on était pour le sauver, 3 sont
tombés et moi le dernier, une balle me frôle la cuisse en perçant ma capote.
Fuite parmi les balles qui
donnaient des 2 côtés et le feu d’une mitrailleuse. À chaque instant, mes
camarades tombent criblés de balles. Le sous-Lieutenant Daras tombe blessé d’une balle qui lui traverse la figure par
les joues.
Joubert tombe mort d’une
balle à la tempe…(…)
Les gendarmes menacent de
revolver ceux qui reculent encore.»
L’itinéraire d’un soldat du 32e RI, villages après villages (Lorraine, bataille de la Marne puis Belgique, Ypres), combats après combats ; des écrits brefs, précis et réels.
Crécy-le-Château ; 30
août 1914 :
« L’assaut va être tenté en
masse par les 3 bataillons (205ème et 148ème) ils nous restent que deux
mitrailleuses pour préparer le travail ; et encore les chevaux sont tués,
les servants ont bien du mal à arriver au plus de la route. Enfin, le clairon
se fait entendre et nous voilà partis. Nos deux pièces crachent bien et cela
nous encourage. Nous sommes serrés et la route monte terriblement ; ce qui
nous retarde. Nous avons un moment d’espoir, l’ennemi cesse de tirer pendant
quelque temps ce qu’il nous fait croire qu’il va déguerpir. Hélas, ce n’est
qu’une ruse, ils ont simplement déplacé leurs pièces, et c’est avec un feu
terrible qu’ils nous reçoivent en enfilade au bout de la route.
Ils nous tuent à bout portant
et rien pour s’abriter.
Ah si nous avions seulement
un peu le 75 avec nous, nous aurions le passage ; car enfin ce n’est que
de la cavalerie… »
Notes de guerre d’Albert THEVENIAUD, participe aux combats d’août 1914 de Grand-Fayt, Séry-lès-Mézières, Hamégicourt, Coucy-le-Château, puis est fait prisonnier le 2 septembre 1914 après le carnage de Neuville-sur-Ailette, où un régiment d’artillerie a été détruit.
Burnhaupt, Alsace, janvier
1915 :
« Il était minuit et
demi il en sortait par centaines des caves, nous étions 2 compagnies contre un
régiment.
À partir de ce moment
jusqu’au jour ce fut un carnage, une tuerie épouvantable. Je ne pourrais pas te
dire juste ce qui s’est passé seulement le 11ème que j’ai embroché m’a appelé
« salop » en bon Français, j’étais fou. Nous n’avions plus de
cartouches, je courus ou je savais en trouver et je rapportais une caisse de
cartouches que je distribuais au hasard à ceux que je trouvais…
Depuis j’ai été trois jours
étendu dans une ambulance on croyait à ma folie, mais aujourd’hui c’est passé,
je tremble encore mais c’est passé. »
Série de lettres du soldat Émile NUSSBAUM, quelques une poignantes : combats de Mulhouse, Burnhaupt, le Vieil-Armand, son départ pour Salonique.
Le 30 septembre 1914 :
«.. Les journaux
d’aujourd’hui racontent que le gouvernement fait préparer des tricots, des….,
et des gants de laine pour les soldats. Ils n’auraient pas sans doute
l’intention de nous faire passer l’hiver ici, ces messieurs !
Ça serait bigrement terrible
et qu’est-ce que ce sera s’il faut rester encore trois ou quatre mois…»
Samedi 5 septembre, 5 h du
soir.
« …Comme nouvelles, on
dit que le 1er septembre, il y a eu des artilleurs du 38ème de NIMES, qui ont
eu peur et qui se sont enfuis avec leurs chevaux, laissant sur place les canons
et leurs servants.
Le lendemain, on en aurait
fusillé 75 aux environs d’ETAIN. On dit aussi que le 312ème de ligne aurait
refusé de marcher au moment de combattre : le Général a été obligé de
mettre revolver au poing pour les obliger à marcher. Ça n’a pas réussi, alors
il a dirigé sur eux deux batteries d’artillerie et ils se sont décidés à la fin
de la journée… »
Il s’agit d’un carnet de section, court, mais néanmoins très intéressant, avec de nombreux détails sur les hommes qui composaient une section de mitrailleurs : Noms, prénoms, profession…armes, outils…
Vision de guerre
« .. Le dos courbé, le regard aux aguets
, les doigts crispés au fusil, nous avions franchi au pas de course des fossés
vaseux, des boqueteaux où les arbres fracassés par la mitraille semblaient
attendre le coup de grâce, des chemins que la déroute des canons avait labouré,
des enclos où l’on eut dit que s’était abattu un ouragan de grêle, où des
cadavres aux pieds nus aux faces d’épouvante pourrissaient sur un tapis de
mirabelles, assaillis par des nuées de mouches bleues, nous nous étions élancés
vers le brave innocent qu’avait supplicié l’ennemi.
Ce n’étaient que le long de
la route qui montait lumineuse vers les vignes que des squelettes rouges et
noirs de maisons, que des pans de murs calcinés, que des amas de décombres, que
des ferrailles tordues, que de pauvres meubles
brisés, que des tonneaux défoncés.
À l’orée du village apparaissait la façade aux brèches béantes de ce qui avait été un château, des terrasses, des charmilles, des arceaux de roses et comme un moignon de géant, le vénérable clocher à moitié effondré dont ne survivaient que la rosace et le cadran de la pendule. Soudain dans ce silence de nécropole, tintèrent graves, espacés, solennels, les douze coups de midi. »..
Le 12 septembre 1914 :
« .. – Quel temps – pluie – vent – marche à travers
champs de vigne, de betteraves, etc. …et pendant la nuit. Quelle belle manœuvre
– quels canons – nous n’avons plus rien à faire – Les 75 déblaient le terrain,
nous n’avons qu’à avancer. À 9 H ½, entrée triomphale dans Reims – Que de prisonniers ! Que nous sommes
contents ! Les soldats les regardent défiler avec calme. S’ils pouvaient
nous traiter comme nous le faisons au moins !
5000 prisonniers sans un coup de fusil et sans un blessé de
notre côté ! C’est admirable !.. »
BOUVE Anatole est désigné pour conduire un détachement de 500 hommes pour renforcer le 110e et le 310e…
« …Le 08 avril 17, jour de Pâques, nous
avons mangé 5 tortues, un hérisson, du singe et du riz ; nous avons fumé
un cigare à quatre et bu une bouteille de vin vieux à 12. Si ça n’avait pas été
le hérisson et les tortues, nous aurions fait une grosse ceinture !
Le 15.04.17, toujours au Malissa : j’ai été malade
jusqu’au 20 ; j’avais 39° de fièvre et pendant ces cinq jours, nous avons
été englouti sous la neige : on ne pouvait sortir de dessous les toiles et
nous n’avions rien de chaud à manger pendant ces cinq jours sans pouvoir
allumer un feu à cause du vent et de la neige.
Cinq jours de souffrance et de martyr. »
La campagne d’Orient de 20 mois d’un soldat du 210e RI. Salonique, le Vadar, Fleurina, Monastir, les combats dans les montagnes enneigées.
20 février 1916
« ..Ma chère Germaine
Un petit mot pour vous dire avant de vous embrasser que
nous embarquons ce soir pour destination inconnue. La bataille fait rage vous
le savez sur Verdun.
Peut-être allons-nous à la rescousse.
Hourra !.. »
20 août 1914, Flaxlanden,
Vosges
« …Le 97ème poursuit l’ennemi avec le 96ème et le
157ème ; le 281ème et le 252ème sont au repos .Il y eut 3 attaques à la
baïonnette. Français hors de combat ou blessés : 800 à 1000 .Allemands mis
hors de combat : 3 à 4000 environ.
La bataille a
cessé à 21 heures. Les Allemands ont ramassé leurs morts et leurs blessés
jusqu’ 4 heures du matin. Morts français, peu nombreux.
Le régiment évacue le champ de bataille à 17 heures.
Les allemands pansent nos blessés et ils font prisonniers
ceux qui peuvent marcher… »
Ferme de Ferrière,
Fay-le-Noyer, Aisne, 27 octobre 1918
« …En me dirigeant sur la ferme de Ferrière je cours
les champs. Je savais que la lutte avait été chaude mais je ne m'attendais pas
à tant d'horreur. Un peu avant la ferme 3 lignes de tranchées servaient d'appui
à l'ennemi.
Celles-ci sont remplies d'équipement - de fusils - fusils
mitrailleurs - mitrailleuses - minnenwerfen - casques etc… et aussi de nombreux
trop nombreux cadavres aux visages douloureux. J'ai le cœur serré en regardant
ce terrible résultat de la guerre.
Les Français sont aussi nombreux que les boches.
Des tirailleurs sont étendus sur le terrain, tout équipés.
Dans les tranchées certains morts sont debout appuyés au
parapet. D'autres couverts de sang, le corps ou le crâne ouverts gisent près
des abris ou sur le bord de la route. Ces malheureux sont jeunes pour la
plupart.
Ils vont rester ainsi plusieurs jours ainsi sans
sépultures. Et je songe que chacun a dans son pays respectif une famille qui
pense à lui et qui attend son retour…. »
Carnet de campagne de fin de la guerre, pendant la retraite allemande, d’août à octobre 1918
Mars 1918, cote 304 :
« ..J’allai faire des travaux de galerie à abris
mitrailleuse entre Esnes et cote 304, plus tard, j’allai au tunnel Bismarck,
travaux remarquables de l’ennemi pris par nos troupes en septembre 1917,
ensuite je passa 8 jours à la surveillance et l’entretien du tunnel du
Kronprinz plus remarquable car avant nos attaques de septembre 1917, ce tunnel
faisait de 11 à 1200 mètres de long sur 3 mètres 50 de large et 2 mètres 20 de
hauteur.
Il consistait également d’un petit train sur voie de 0,60
centimètres qui évacuait leurs blessés lors des grands combats de Verdun. Il y
avait aussi une brasserie de bière où depuis notre attaque de septembre 1917
nous avions crevé une partie du tunnel près du ruisseau des Forges.
Donc, dans cette brasserie, il était resté une quantité de
cadavres ennemis ainsi que dans une salle d’opération aux blessés. Donc, après
cette attaque de septembre, nous n’habitions plus que 6.25 mètres de long dans
ce tunnel du Komprinz.
Sur cette distance, il y avait 10 différentes sorties de
droite et de gauche ainsi qu’une superbe salle de machine avec trois moteurs
électriques, salle de réparation, etc… vraisemblablement l’éclairage du
métropolitain à Paris… »
Le parcours d’un soldat du génie, durant toute la guerre.
Aisne, 7 septembre 1914 :
« …Là nous sommes sur un champ qui borde la route de
Montmirail où a lieu une attaque des français très sérieuse l’on voit des
voitures de blessés qui se dirigent sur la gare de Sézanne, puis une centaine
de prisonniers Allemands escortés par des gendarmes à cheval, une heure plus
tard c’est encore cinq prisonniers qui sont escortés par un maréchal des logis
de chasseur à cheval et deux civils armés de bâtons qui les ont fait
prisonniers eux-mêmes ; le canon n’a cessé de gronder toute la journée et
une partie de la nuit,.. »
Le parcours (1914-1915) d’un soldat du 41e régiment d’artillerie de Douai
Frontière grecque, 16
décembre 1915 :
« …Les terrains sont pleins d’eau. De la boue
jusqu’aux genoux.
Jamais nous n’avons eu aussi mauvaise route. On en a marre
et il pleut dur. Quel temps de misère. Enfin à 5 h du soir nous arrivons dans
un pays où il n’y a plus une seule maison debout.
Nous dressons nos tentes sous la pluie dans le terrain
mouillé et plein d’eau. Quelle triste nuit nous passons.
Nos effets tout mouillés et point de bois pour faire du
feu.
Quelle misère !... »
Le carnet de campagne d’un soldat de l’armée d’Orient, son arrivée à Salonique, la vallée du Vardar, la guerre contre les Bulgares…
Puis pénétrant chez nous, ce ne fut que carnage
Massacres,
assassinats, viols, tous les méfaits
Ce n’était plus des hommes c’était de vrais sauvages
Jamais l’histoire n’enregistra de tels forfaits
O ! Très Haut use donc de ta toute Puissance
Pour détruire à jamais ce peuple de proscrits
Quoi ! N’aimerais-tu donc plus notre belle France
Pour la laisser aux prises avec de tels bandits
Son carnet est très succinct, il n’indique que les dates et les lieux qu’il a fréquentés avec parfois une petite annotation.
Mais il donne une indication sur le chemin que pouvaient parcourir les combattants à cette époque et il englobe la totalité de la guerre.
« …Nous sommes descendus la nuit dernière à Monastir
pour quelques jours de repos…
Nous avons visité la ville qui n’a rien d’extraordinaire,
et nous avons surtout cherché de quoi varier un peu notre ordinaire. Mais nous
n’avons trouvé que du lait à 1 f. 20 le litre, des œufs à 0,60 et 0,75 pièce.
Le sucre est paraît-il à 28 francs le kilo !!!....
« ..On parle du vandalisme des soldats allemands mais
que devrait-on dire des Français ? Tous les villages que nos troupes ont
traversés ont été littéralement pillés par elles. Les Autrichiens en se
retirant n’avaient touché à rien et les Français en avançant ont fait main
basse sur tout ce qu’ils trouvaient : bétail, chevaux ou ânes, légumes
etc. Un soldat du 372ème a même tué un Albanais pour avoir son âne… »
L’itinéraire de Pierre BEAU à Salonique, Monastir, les Montagnes d’Albanie et de Macédoine, la faim chronique et sa maladie qui le ramène combattre en France au sein du 287e RI
« …Journée de deuil pour la Cie ; à 9 h un homme
revient des tranchées de St Maurice et nous apprend que le sergent Bonneville vient d’être tué par une
balle en plein cœur.
Pauvre garçon, tout le monde est suffoqué, c’est la
première perte à la Cie. Bonneville
est domicilié à Blagny et a 3 enfants. Pauvre veuve et petits enfants.
Ce soir nous le ramènerons des tranchées au bureau et le
veillerons toute la nuit. Lanceraux
est demandé pour venir faire le service demain matin et il sera enterré au
cimetière de Braquis. Un cercueil lui est fait et une croix de bois sur sa
tombe, dernière consolation pour les siens qui pourront venir le reprendre
après la guerre. Quelle tristesse en pensant ne jamais revoir ceux qu’on aime
et pour lesquels il ne reste que pleurs. Enfin tous ceux qui seront tombés
n’auront pas leur tombe individuelle et beaucoup de femmes et parents ne
sauront jamais où leur cher disparu repose pour toujours.
Tomberai-je ? A la grâce de Dieu. J’ai le ferme espoir
de revoir ma Marie et mes chéris, mais que peut-on dire ? Et eux, les
reverrai-je ?? Je ne sais toujours pas ce qu’ils sont
devenus !!!!.. »
Le carnet de campagne quotidien d’un sous-officier de la territoriale (1914-1915), en Woëvre.
Péripéties aux abords de Reims et
aux environs, la vie des civils sur Reims et Paris ; 1914-1919
« …Par bonds successifs, et sous une pluie de balles,
nous avançons jusqu'à la crête d'où l'on aperçoit, au loin, et bien
difficilement, quelques groupes d'allemands.
La fusillade est intense de part et d'autre ; nous tenons
jusqu'à 8h, puis nous faisons un bond encore jusqu'au fond de la vallée où il y
a un ruisseau ; nous restons dans l'eau un bon moment, puis presque sans
pertes, nous arrivons à la crête suivante sous une pluie de balles… »
Le carnet du début de la guerre, jusqu’à sa blessure pendant la bataille de la Marne….
« …Nous avons fait cette nuit un prisonnier, or, bien
qu'on prétende qu'ils crèvent de faim, je t'assure que celui-là avait une mine
superbe ; Grand gros et gras et infiniment plus propre que nous, car nous
sommes ignobles, tous couverts de boue de la tête aux pieds (sans aucune
exagération), pas lavés, pas rasés, j'ai une barbe bientôt aussi longue que
celle de Paul !...
…Ce qu'il y a eu de curieux, c'est la nuit du
réveillon ; les Boches et nous même avons chanté ; les Boches ont
même joué de l'accordéon et je crois bien de l’harmonium ; et chanté des
chœurs le tout fort bien et très intéressant…
..A part ça, tout va bien, nous progressons sur tout le
front comme dit le communiqué d’environ 30 centimètres par mois. J’espère bien
que dans 175 ans la guerre commencera à tirer à la fin !.. »
Le « séjour » du 81e RIT, en Artois, fin 1914 début 1915, au travers des lettres d’Ernest BENOIST
« …C’est tout de même une chose horrible que la
guerre, vivre ainsi retranchés comme des rats, ne sortant que la nuit ;
dans une saleté repoussante, n’ayant pas d’eau pour se laver, on est obligé de
garder le boue et la crasse sur soi, les puces habitent sous les abris et nous
empêchent de dormir. L’air des abris est infect et humide… »
Son carnet de tranchée, ses impressions en le terrain après le recul des Allemands, début 1917, Bitry, Moulin-sous-Touvent, Trosly-Loire,
« ..Pour vous représenter le terrain de bataille en
avant de Verdun regardez les paysages lunaires ou une éponge, c’est à peu près
cela, après quelques jours passés ainsi le temps s’était mis à la gelée nos
vêtements trempés étaient raides comme du bois sur nous, pour monter sur le
parapet de la tranchée minuscule il me fallait prendre mes jambes à deux mains
tellement elles étaient raides. »
« ..aussi lorsqu’on venait en permission à Paris, dans
le métro ou le tramway on n’avait qu’à se gratter un peu pour avoir de la place
tout le monde s’écartait... »
Ses mémoires ne décrivent pas (volontairement) les combats, mais plutôt quelques scènes de « vie » dans les tranchées (Verdun, le fort de Souville, Perthes les Hurlus, Tahure..), les obus, le froid, la faim, les poux…
« ..À 11 heures ¼ nous partons à la baïonnette, nous
sommes comme fous, figurez-vous qu’avant de charger, nous avons bu 3 quarts de
vin et 1 de rhum.
C’est une mêlée terrible ; nos obus éclatent à 100 m par
devant nous, faisant de terribles ravages dans les rangs Turcs...”
Courte lettre écrit depuis l'hôpital de Toulon le 19 juin
1915, où il a été évacué après une blessure survenue aux Dardanelles le 4 juin
1915. »
« …J’ai passé une très mauvaise nuit sur mon avant
train, j’en ai mal aux reins, mais on n’a pas le temps de se retourner, vite à
cheval et rapidement, nous allons mettre en batterie d’aussitôt nous ouvrons le
feu sur les Boches qui essaient une contre-attaque, car la nuit ils ont repassé
la Meuse.
Il est 5 heures nous avons comme objectif le bois d’Yoncq,
nous tirons à 2000m, 3400 puis 4000 nous avons fait paraît-il du fort beau
travail avec l’aide du 52è et du 3è artie coloniale et du 2è art. lourde (155).
Jamais je n’ai vu tant d’artillerie en action sur un front
de 900 m on compte 108 pièces qui crachent en veux-tu en voilà. Les marmites
font leur apparition, c’est ainsi que nous avons baptisé leurs gros
obus… »
Un artilleur nous décrit ses premières impressions en arrivant sur le champ de bataille en Belgique. La retraite, la bataille de la Marne, (Vitry-le-François, Thiéblemont), le bois de la Gruerie, Vienne-le-Château…jusqu’à sa blessure mortelle à Fresnes-en-Woëvre.
En Woëvre, près de Belfort, Bourogne, fort Mont Bart, le chant du 110e RIT
6 septembre 1914 :
« .. Aussitôt avec des pelles bêches, l’on se
construit chacun une petite tranchée, plusieurs camarades sont tués ou blessés.
L’on donne l’ordre de nous porter en avant coûte que coûte. Nous marchons et
allons occuper un petit bosquet à 300 m de la crête, et la section se pose en
tirailleur à la sortie de ce petit bosquet.
L’ennemi est à 200m, les balles sifflent, nous exécutons
plusieurs feux, mais bientôt plusieurs groupes de tirailleurs placés à notre
gauche en terrain découvert dans un champ de betteraves se replient sur nous.
Le mouvement est vu par l’artillerie ennemie qui aussitôt balaie le bois avec
ses 77mm.
En ¼ d’heure de temps le bosquet est fauché. La moitié de
la section y reste, autant en tués qu’en blessés. Je suis culbuté par le
déplacement d’air fait par un obus et reçois un Schrappnel au pied gauche (en
dessous) qui me coupe toute la semelle. Je ne ressens qu’une contusion.
L’adjudant est blessé mortellement, il n’y a plus moyen de tenir.
Les combats de Villeneuve-lès-Charleville, Chapton, durant la bataille de la Marne. Ses combats en Belgique, sa capture durant les furieux combats du 22 janvier 1915 à Fontaine-Madame dans le sanglant bois de la Gruerie.
Quelques photos d’aviation de l’escadrille
« Comme nous apprenons la fuite du 17ème corps ;
on parle de grandes pertes au 116ème et au 118ème et nous sommes tous
consternés de revenir en arrière. À 17h nous recevons l’ordre d’aller
ravitailler à 1km au nord de Bouillon ; nous allons passer la frontière, quelle
joie !
Les hommes ne mangent même pas leur soupe pour partir plus
vite. »
« À 17h20 nous partons par Angecourt, Remilly, le pont
de chevalets sur la Meuse, La Moncelle, Givonne et la Chapelle où nous arrivons
à 23h. Il y a beaucoup d’ambulances et un chef d’État-Major nous donne l’ordre
d’arrêter le ravitaillement étant fait. »
Son carnet, son itinéraire en Belgique, Aisne, Marne, Somme, ses impressions sur la guerre..
Il est décédé le 2 mars 1916 à Bouy (Marne)
Une succession de date et de lieux où le téléphoniste QUINTARD Roger s’est déplacé avec son régiment d’artillerie durant la guerre.
Son carnet du début de la guerre
« Comme il était forcé, ces pertes furent grandes et
on peut dire qu’il perdit près de huit mille hommes dans ce plateau maintenant
inoubliable qui s’étend de Souchez à Arras, mais il avait encore une fois fait
sa large part de son devoir et plus tard ce sera encore du blé de France qui
poussera dans ce fertile terrain que tant de braves auront racheter au prix de
leur sang et de leur peine et j’aurai voulu qu’on les voit monter à l’assaut
des tranchées barbares. »
« Aussi vous voyez mes amis tel sont les résultats de
la guerre et surtout de la terrible guerre qui met les uns contre les autres
tous les peuples de l’Europe qui se disent civilisés et qui cependant font les
plus terribles choses qui ne se sont jamais vu. »
Son carnet de 72 pages du début de la guerre…la description tragique des treize jours de combats en Artois, en mai 1915, au Labyrinthe où son régiment, le 26e RI, perdu le 1/3 de son effectif… ses critiques et pensées...
Il est décédé le 31 août 1919 à Villeneuve (AIN), de la tuberculose, probablement une suite de la pleurésie chronique contractée dans les tranchées.
«
Un chasseur à pied de St Mihiel, nous raconte le fait curieux qui s'est passé
hier : à la suite d'une escarmouche entre patrouille française et
allemande, 6 chasseurs à pied se sont trouvés égarés, leur lieutenant fut tué et
un d'entre eux fut blessé d'une balle dans le mollet, ils parviennent à se
sauver et pénètrent dans une grange et se fourrent dans le foin.
Les Allemands, sachant qu'ils sont dans les environs,
fouillent les granges. Ne trouvant rien, ils arrivent dans la leur et piquent
leur baïonnette dans le tas où étaient les chasseurs à pied, mais ne les
découvrent pas et se cantonnent dans la grange.
C'est alors qu'à la nuit, les chasseurs à pied se lèvent,
et empruntent les effets des Allemands pour s'en revêtir et c'est ainsi qu’ils
se sauvèrent. Les Allemands, à leur réveil fouillèrent dans toute la ferme, ne
trouvant pas leurs fringues. Mais est-ce vrai ? Ils incendièrent plusieurs
maisons avant de se retirer…..»
Son carnet du début de la guerre…
« Nous restons dans cette fosse et les copains
s'emparent de la distillerie ; il est 18 heures, le canon s'arrête et on entend
plus que quelques balles sifflées à nos oreilles mais nous sommes sourds à
cause du bruit des obus que nous entendons depuis le matin……. Nous commençons à
manger le pain que j'ai trouvé, nous sommes obligés de retirer la croûte pleine
de sang, je n'ai pourtant jamais fais un si bon repas avec mon copain Vuillaumé, on nous apporte également du
mouton que l'on a récupéré dans la ferme, ce mouton était blessé ou tué mais
quelle importance, on le fait rôtir sur les restes de flamme de l'incendie de
la ferme de Nogéon...»
Son carnet du début de la guerre, son itinéraire de la Haute Marne, Vosges, Alsace, Somme jusqu’à l’Oise, la description des atrocités allemandes de Reiningue, le combat de la ferme de Nogeon durant la bataille de la Marne, son passage dans le Soissonnais, sa capture durant la bataille de Crouy, Buçy-le-Long…
« …
Le 13 septembre départ 4 h. prenons position dans petit village évacué à peine
par l’ennemi et croyant avoir à faire avec l’ennemi, l’artillerie nous tire dessus
; avant de pouvoir s’abriter nous avons 35 blessés du Bon. Toujours rien à
manger, quelques pommes de terre, commençons à faire la soupe une alerte et il
faut tout abandonner sur place toujours sans dormir.
La bataille continue par l’artillerie l’ennemi se replie vers le nord. Passons la nuit sur le champ de bataille sous une pluie battante, nous couchons dans la boue sans manger. »
Ses feuillets retraçant jour après jour son itinéraire du Var jusque l’Oise, la poursuite de l’armée allemande en septembre jusqu’à son décès dans le secteur de Vingré dans l’Aisne.
« …Avec
quelques camarades, nous sommes les plus avancés au fond du village, dans un
atelier de forgeron. On tire chacun notre tour par une petite fenêtre, on a du
plaisir car chaque coup porte.
Sans se soucier de ce qu’il se passe dehors, on tire
toujours sur les Boches qui avancent en colonne par quatre, ça nous permet de
taper dans le tas.
Mon fusil est tout rouge ! J’ai tiré plus de
300 cartouches… »
Son carnet avec quelques descriptions de combats de village : Roville-aux-Chênes, Machemont, Ribécourt, Marfaux ….
"...Nous passons par le « Faubourg Pavé ».
Personne n’a envie de plaisanter quand nous voyons sur des planches arrachées à
des portes ou à des volets, écrits en lettres de sang, l’inscription « chemin
de l’abattoir », car nous savons que pour être relevé du front dans ce
secteur, il faut 80% de pertes.
En chemin nous croisons de pauvres Noirs revenant de
l’attaque du 24.
Beaucoup n’ont pour seule arme qu’un coupe-coupe, car, ils
ne savent pas se servir d’un fusil. Ce sont des Africains que l’on a tirés de
leur brousse et qu’il faut utiliser avant l’hiver. La plupart ne parlent pas
français. On raconte qu’ils ont pour consigne de ne pas faire de prisonniers,
qu’ils n’en font pas et que certains ont même dans leur musette une tête
tranchée.."
Verdun, l’arrivée au fort de Douaumont….
« On découvre
une cave de champagne à Reims où il y avait plus de 10.000 bouteilles.
Toute la nuit, on en apporte.
Le lendemain on en fait sauter 200 bouteilles avec des
grenades.
– On monte en ligne, relever les «bicots» qui partent à la
grande offensive de la Somme.
– Le 28 au soir, on monte le champagne avec nous :
tous les jours, pleins comme des huîtres.… »
Son carnet de route des deux dernières années de la guerre, au sein du 100ème RI …
« Sur la route glissante et par un froid de -20° on
s’avance péniblement, vite quand même car on perçoit les halètements des
respirations. Chacun un bâton à la main par ces chemins désolés, on a bien
l’aspect de malheureux mais malheureux résignés qui ne veulent pas paraître
tristes.
Pendant plus d’un quart d’heure on marche de cette allure
folle, particulière aux gens nerveux, décidés d’un grand coup ou alors d’en
finir pour toujours… »
La montée en premières lignes à Verdun, à la cote 304, dans la neige, une nuit d’hiver 1917. Puis l’attaque, la sortie des tranchées, la course vers la mort …
« Nous avons eu la visite d’un zeppelin le vendredi 5
avril à 2 heures du matin. il a été abattu ½ h après par les artilleries de
Catebourm ; il est tombé à 12 kilomètres de Salonique dans les marais...»
Les notes du sergent GUYON, son parcours en France puis en Orient à Salonique.
« Ce soir, je
l’ai échappé belle. Les Frigolins nous tirent à pigeon sur la tête. Nos
bombardiers répondent. Je veux voir lancer un pigeon. Je m’approche : le
coup part, une fumée impénétrable, un bruit assourdissant, une lueur
formidable. Le pigeon vient d’éclater. Rien, un tout petit éclat est venu me
frapper sous la lèvre et c’est tout !
Quelle veine ! Le tireur, 50 centimètres à côté de moi
a trois blessures.»
La description, en juin 1917 de sa « cagna », son premier poste de commandement, en Champagne.
« Un
spectacle épouvantable s'offrait à la vue, en considérant cette tranchée, que
nous abandonnions jonchée de cadavres, certains d'entre eux restés les yeux
grands ouverts, d'autres levant les bras et les mains au ciel. Une certaine
émotion nous étreignait en entendant les dernières plaintes des mourants
auxquels aucun secours ne pouvait être apporté... »
La description de son dernier combat dans la région d’Hurtebise, en mai 1918, juste le premier jour de l’offensive allemande qui allait déferler du Chemin des Dames jusque la Marne. Il y sera fait prisonnier.
« Les
tranchées de Maricourt sont assez confortables mais peu solides.
En revanche celles des officiers sont de véritables
chambres, du reste c’est partout la même chose, il n’y en a que pour eux, tant
pour la nourriture que pour le confort. »
Les notes du carnet de Jean AVEL du 101e territorial décrivent son séjour dans les tranchées de la Somme, à Craonne, avec ses croquis des tranchées.
Blessé en « bicycle », alors qu’il portait du courrier sur le Chemin des Dames, il sera réformé.
« Des
cadavres sont étendus un peu partout, une tête, un bras manquent. Vision
d’épouvante ! Dans le ravin de la Mort quelques obus tombent sans nous faire de
mal, nous passons et nous arrivons enfin. »
Son carnet de route, ses classes à Lyon, son inaptitude militaire, puis déclaré apte au 99e RI, puis au 415e RI, en Champagne, dans les Vosges (Vieil Armand), Verdun (sa blessure sous le bombardement), son séjour à l’hôpital.
« 4
heures du matin, on entend la fusillade. On part pour Rozelieures où on prend
part à un combat acharné. Nous ne pouvons encore résister. Nos obus
nous criblent, en fauche 7 de ma section. 1 mort. Chacun se disperse dans
les bois. »
Son carnet de guerre, les combats pour Sarrebourg, les hécatombes de Rozelieures et de Magnières, les combats dans la forêt d’Apremont, jusqu’à sa blessure mortelle.
« Nous avons déchargé les munitions sur
place et sommes partis à 6h30. Nous sommes passés à Amiens, nous avons fait 3km
et nous avons cantonné à Domart-en-Pontieu. Les gens sont très aimables. »
Son carnet de route du début de la guerre, puis réformé pour blessure de guerre en Artois en oct. 1914.
« …Le 25 septembre 17, parti pour Marseille, le 2
octobre, embarqué, traversée de l’Italie, arrivé à Tarente le 9 octobre.
Embarqué sur le paquebot Stymgalet, arrivé en Orient le 10.
Le 13, arrivé en Grèce, à Salonique… »
Carnet de campagne d'Alfred Micard, établi seulement en 1919, alors qu'il rentrait en France, car le carnet semble avoir été acheté en Grèce.
Ce n'est pas du "au jour le jour" mais seulement les souvenirs encore récents, quand ils sont encore présents à l'esprit. ..
Plus de 380 photos de tous les fronts, Artois, Somme, Meuse, Vosges, Lorraine, Marne, Belgique, Allemagne..
Des clichés étonnants : des chars, aéroplanes, pont du génie, canons lourds, boucliers roulants, la DCA, les premiers fusils mitrailleurs, la fraternisation franco-allemande, ruines de villages traversés..
C’est une partie des photos qui est présentée sur mon site, vous pouvez retrouver TOUTES ses photos et toutes ses lettres, dans un ouvrage présenté sur le site de Bruno TARDY : Lettres et photos de Georges TARDY
« Nous partons
de Montpellier à 5h40. La foule nous ovationne dans toutes les gares que nous
traversons et nous apportent des fleurs ou de quoi manger.
A la gare du Teill on nous offre du café et nous achetons
un drapeau sur lequel est inscrit ces quelques mots : "Honneur :
Patrie, 81e, 2e section, 12e Cie."
Nous jurons qu’il ira à Berlin. »
Son carnet de route, la mobilisation, les combats du secteur de Lunéville, sa lettre d’adieu à sa mère avant sa mort.
Il a été témoin de la mort d’un capitaine tué par l’un de ses soldats, pendant la retraite.
« À
la sortie d'Étain, pendant l'horreur d'une profonde nuit, le canon tonne, à
l'horizon sept villages sont en flammes les vaches beuglent de partout, les
enfants pleurent, leurs mamans les emmenant vers l'inconnu, que de tristes
souvenirs et ce même soir nous devions nous replier jusqu'au pied des Éparges,
cette montagne de boue véritable enfer quand les minenwerfer déchaînaient leurs
bourrasques. »
Les mémoires (post guerre) de Fernand DOREMUS, soldat, sous-officier, puis officier commandant la 5ème Cie de mitrailleurs du 366e RI, ses 5 citations
« 6 octobre
1915, 5h30, l'attaque se déclenche. Dès le début, vers la butte, le colonel Chardoillet qui commande le 128ème RI
est tué par un éclat d'obus, son adjoint, le capitaine Leclercq est
blessé."
"Les deux bataillons du 128ème RI parviennent malgré
les pertes à s'emparer de la butte de Tahure et s'y maintiennent"
L’album de 80 photos d’Eugène CHARDOILLET, il commanda le 128e RI jusqu'à sa mort à la butte de Tahure en 1915
L’album photos d’Edgard BABIAUD, médecin.
Album-photos du Docteur Alfred Edgard BABIAUD, né en mars 1884 à la Couarde, médecin-ophtalmologiste, aux 123e, puis, à partir d'avril 1916 au 323e régiment d'infanterie. Beaucoup de noms de soldats sont cités et sont photographiés
.
« J'aimerais que soit
précisé que ces photos ont été prises par Marcel RATTIER, histoire de rendre
hommage à cet homme qui était un amoureux de la photo et qui m'a laissé de
superbes albums de famille ! »
L’album photos de Marcel RATTIER, agent de liaison
« Dans cette tranchée, nous avons trouvé un chasseur à pied du
29ème bataillon. Il a le ventre ouvert et gémit douloureusement. Sa blessure,
affreuse, laisse voir ses entrailles d'où il retire à chaque instant des brins
de paille que le vent y apporte. Le Lieutenant Brizou, qui nous commande, nous interdit d'emmener ce
malheureux. »
Quelques pages de son carnet où il raconte sa mobilisation, son départ pour le front, les combats de Gercourt, Rembercourt, Beauzée, le départ vers Verdun, les combats de St Rémy-en-Woëvre
« Puis ils prennent les voitures, les
calèches, les chariots, les chevaux, les vaches, les porcs, génisses, paille,
avoine, fourrages chez divers cultivateurs. On a peine à trouver du pain car
ils ont pris les farines et les blés. Beaucoup de maisons sont transformées en
hôpitaux car les blessés sont nombreux. »
Un travail dans le Nord, à peine 17 ans, sa déportation en Allemagne, prisonnier à Mersenburg et Rastadt, libéré pour son jeune âge, enrôlé dans un régiment d’artillerie.
Ses descriptions de la retraite française, la ruée des colonnes allemandes, son internement, sa libération et la fin de la guerre dans l’artillerie
« L'exiguïté de notre trou n'en est
pas le seul inconvénient. Avant nous, le roi Toto s'y est établi avec sa cour
lilliputienne et son armée rangée en bataille.
Et il prétend conserver ses
droits de premier occupant. Les rats aussi pullulent. »
Religieux et instituteur libre dans le civil, il décrit sa tranchée, son abri, ses messes.
« Tout
d’un coup dans la fumée et la poussière d’un obus, j’aperçois un caporal qui
tombe à environ 150m de moi et je crois reconnaître Ed. Je cours comme un fou.
Tout me tombe autour mais
j’arrive sain et sauf. Ce n’est pas Ed, Je respire, mais c’est un ami et il a
les deux bras cassés.
Je coupe les courroies de son
sac et je mets son sac soutenu par son fusil pour lui faire un abri et je
repars en avant. »
D’Oran à Arras, un épisode de la bataille de la Marne (Barcy), la poursuite vers Soissons.
« Ce jour, nous touchons une deuxième
couverture et une peau de mouton. Avec ça, cette fois, nous avons bien la tête
de sauvage.
Le casque, le masque, les
lunettes, ça nous donne une drôle de tête.
Enfin qu'est-ce que vous
voulez ! C'est la vie en Orient et ce n'est pas de la petite bière »
Son séjour au sein de l’Armée d’Orient, l’embarquement pour Salonique, La Grèce, sa maladie, son retour en France
L’album photos de Jacques PILVEN, dans la Somme. Sous-lieutenant au 62ème d'infanterie, mort le 25 septembre 1915 en Champagne à Tahure
« C'est décourageant, nous sommes dans un état de
malpropreté repoussante. Ce n'est plus des hommes, ce sont des amas de boue qui
meuvent. C'est avec dégoût qu'on mange le pain trempé et qu'on ne peut protéger
de l'eau. J'en vois qui pleurent et qui demandent la fin »
La vie quotidienne d’un groupe de poilus dans les tranchées de Lorraine : Badonviller, Pexonne, Ferme du Chamois. Son départ de Béziers, pour le front ; Des journées passées sous la pluie, la neige, les balles, les bombardements quotidiens.
« Si on
peut appeler ça de la viande car il y a des crapules qui s’étaient amusées à
désosser la viande que nous devions toucher. Nous avons laissé là ces os, pas
de café pas de pain, pas de sucre enfin rien. »
Ses premiers combats, ses désillusions, la mort de ses copains, sa blessure, ses soins :
parcours en Flandres, Maubeuge, Guise, retraite puis bataille de la Marne, Berry-au-Bac, Angers, Quimper..Ses descriptions de villages d'après batailles sont d'une émotion rare et intense.
« Nous vîmes les nôtres
sortir de leurs tranchées, se mettre debout et, baïonnette au canon, s’élancer
sur les Boches. Ce spectacle-là me restera toute la vie. C’était admirable de
courage. »
6
octobre 1914, Dainville (Pas-de-Calais) :
À 11 heures, deux rafales
d’obusiers tombent à 25 mètres de nous. Effrayés comme de juste par leur
arrivée et leur fracas, nous nous éloignons plus loin en courant. À peine à
notre nouvel abri, une nouvelle rafale nous arrive à 10 mètres, celle–là. Quel
spectacle j’ai vu à l’endroit où ils étaient tombés, c’était justement un
groupe d’artillerie.
Dans l’affolement causé par
cette nouvelle rafale, tous nous nous sauvions en toutes directions pour nous
abriter ailleurs et en vitesse…. En passant, nous voyons un spectacle
épouvantable, des pauvres artilleurs couverts de sang qui nous appellent en passant.
Oh, c’est affreux !
Nous leur disons que l’on
vient tout de suite. Et en effet pendant que les autres s’enfuient à quelques
centaines de mètres plus loin et à l’abri, je reviens sur mes pas avec deux ou
trois camarades pour porter secours à ces pauvres blessés. Ah, ce que j’ai vu
là !
Un pauvre malheureux haché,
des chevaux éventrés, des meules de paille rouges de sang, des débris de chair
et de toute sorte et là nous voyons quelques pauvres blessés affreusement
abîmés que nous pansons le mieux possible et je
repars rejoindre mes camarades plus loin
De Saint-Malo à Strasbourg, parcours d’un soldat du 47ème régiment d’infanterie, carnet d’août 14 à mai 1915, Belgique, Guise, Épernay, Reims, Arras.
Ses croquis de guerre…
« Partout dans les
plaines et dans les bois, ce n’est que tombes et trous d’obus. À Mattexey, près
du cimetière, une fosse contient 180 à 190 victimes qui appartenaient au 8ème
corps : 86ème et 95ème RI »
Carnet personnel : Artois, Flandres, l’attaque en Champagne de sept.15, la bataille de la Somme, le Chemin des Dames.. ; Il a fait toute la guerre, conducteur, puis cuistot ; il était sur tous les champs de batailles du 69e RI.
« Jour de Toussaint. Beau temps. On
craint une attaque générale. Aujourd’hui extra. On paie le cigare à toute la
Cie »
La vie dans les tranchées à Wez et Courmelois
(Reims), puis aux Éparges, tué à Neuville-St-Vaast (62) en sept. 1915
Ce carnet est à mettre en relation avec ceux de son frère Alphonse COUROUBLE et de sa femme Lucienne COUROUBLE, tous deux restés dans le Nord occupé et qui raconte les exactions allemandes jour par jour et attendent le retour d’Adolphe…(publiés ici)
« Le bateau se met en place pour charger des patates.
De près, nous voyons le Vésuve en éruption »
L’Artois, blessure à La Targette, embarquement pour Salonique, téléphoniste en Orient : de 1915 à 1918
« Sur
tout le parcours, grand enthousiasme des populations qui nous offrent des
fleurs, du vin, de la bière. Cela faisait 8 jours que je n’avais pas bu un
quart de vin. »
Carnet personnel: La bataille de Didenheim, les Vosges, le col du Bonhomme, Les lacs à l’ouest d’Orbey, la région de la tête des Faux
« Il importe au plus haut point de
profiter des circonstances actuelles.
À l’heure décisive qui vient
de sonner, où se jouent l’honneur et le salut de la Patrie, français,
officiers, sous-officiers, soldats, puiseront dans l’énergie de notre race, la
force de tenir jusqu’au moment où, épuisé, l’ennemi va reculer. »
Carnet de route depuis St Brieuc à St Hilaire, date de ses blessures mortelles
Carnet personnel qui contient
des photos avec quelques annotations
« A Aubin
surtout. De toutes les fenêtres des maisons d 'Aubin des mouchoirs, des
drapeaux, des mains s'agitent pour nous dire adieu et nous souhaiter un prompt
et heureux retour.»
De la mobilisation, à sa mort au bois de la Gruerie en juin 1915. Souvenirs retrouvés dans sa maison natale de l’Aveyron, par le nouveau propriétaire anglais.
« Nous passons dans Laheycourt qui est en ruine où
nous voyons encore de nos pauvres camarades carbonisés. Beaucoup de tombes
allemandes, bien distinctes des nôtres par le casque qui les surplombe. Les
Allemands ont enterré leurs morts ou tout au moins presque tous, mais pas les
nôtres, cette triste besogne est faite par notre génie, et des territoriaux
venus de Bar-le-Duc. »
Longwy, Callencourt, Longuyon, Noers, Charpentry, Fléville, Nouart.
« On
voyer partout des hommes malades prêt à mourir le long des routes et des bois.
Ont pillé et volé tout sur notre passage pour tenir notre vie, ont nous nourrisser rien qu’avec des pommes et des fois une bouteille de cidre que l’on voler dans des caves car il n’y avait plus d’habitants nul par et tout était abandonner. »
Dunkerque, la retraite, La Marne à son ensevelissement par bombardement en 1915
« On fait des
cercueils, cantines, matériel de casernement et en plus du commerce de
bouteilles pour les officiers (ville de Reims, voiture volée,
brigandage) »
Les péripéties d’un sapeur sur le front et à l’arrière ; de 1914 à 1918
48 photos de la Somme,
Champagne, Lorraine et autres.
Autres carnets sur d’autres sites
Si les liens sont invalides, c'est que les sites ont malheureusement disparus...
INFANTERIE
Correspondance d’Amand MANO, soldat aux 20e et 220e régiments
d’infanterie
Carnet d’Adolphe ORANGE,
soldat au 28e régiment d’infanterie
Carnet de Louis
SALMON, capitaine au 46e régiment d’infanterie
Carnet de Constant VINCENT, soldat aux 57e et 60e régiments
d’infanterie
Carnet de
Jean ROIG, soldat du 58e régiment d’infanterie
Album de d’André CHOPLIN, soldat du 64e régiment d’infanterie
Carnet de Paul
André DROUET, soldat puis officier au 82e régiment d’infanterie
Carnet de Joseph
SOURDAINE, soldat du 94e régiment d’infanterie
Carnets d’Ernest OLIVIÉ, prêtre-brancardier des 122e, 322e et
96e régiments d’infanterie
Cahier
de chansons de Joseph GNIS, soldat au 132e régiment d’infanterie
Carnet de Paul
André DROUET, soldat puis officier au 152e régiment d’infanterie
Carnet
d’André CAMBOUNET, sergent au 155e régiment d’infanterie
Carnet d’Adolphe SCHALCKENS,
caporal au 162e régiment d’infanterie
Carnet de Domingo OURET, soldat
du 170e régiment d’infanterie
Carnet d’Henry BURY, caporal au
276e régiment d’infanterie
Correspondance de
Marcel MOUGNEAU, soldat aux 285e et 295e régiments d’infanterie
Carnets d’Ernest OLIVIÉ, prêtre-brancardier des 122e, 322e et
96e régiments d’infanterie
Journal et lettres de
Georges TRIAUD, lieutenant au 323e régiment d’infanterie
Carnet
de Marcel FOUILLOUX, soldat au 344e régiment d’infanterie
Carnet et photos de
Gaston NITZER, soldat au 372e régiment d’infanterie
Carnet
et photos d’Alexandre PLAFORET, sergent-fourrier au 372e régiment d’infanterie
CHASSEURS
Carnet de Charles
GUILBERT, soldat du 1e bataillon de chasseurs à pieds
Carnet d’Émile
GUÉRIN, soldat du 29e bataillon de chasseurs à pieds
Correspondance,
chansons et carnet de Joseph BOCHET, soldat du 51e bataillon de chasseurs à
pieds
INFANTERIE TERRITORIALE
Carnet
et photos d’Édouard GUILLOUARD, soldat du 84e régiment d’infanterie
territoriale (RIT)
Carnet de Jean Maurice ADDE, commandant au 142e régiment
d’infanterie territoriale (RIT)
ARTILLERIE
Carnet
de Jean LUPIS, soldat du 18e régiment d’artillerie
SECTION d’INFIRMIERS MILITAIRES
AFRIQUE
Correspondance
d’Henri GUÉRIN du 2e régiment tirailleurs marocains
GÉNIE
Carnet d’Eugène
GIBARD du 4e génie territorial
Carnet d’Émile PONS, soldat du 4e
régiment du génie militaire
AUTRES
Mémoire d’un soldat du 12ème escadron du Train
Journal et lettres de
Clément CAMBOURNAC, médecin-aide-major
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