Mémoire d'Auguste DROUIN, caporal au 27e territorial, durant 1914-1915

Mémoire d’Auguste DROUIN

Soldat du 27ème territorial

et prisonnier des camps de SENNELAGER et de STAUMUEHLE

 

 

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Photo prise dans un camp de prisonnier

 

 

DROUIN Auguste, caporal au 27ème régiment de territorial, 12ème compagnie, 3ème section, 9ème escouade.

Mamers, n° matricule de recrutement 1323 Sarthe.

DROUIN Auguste demeurant à la Houssaye, commune de Courcemont, Sarthe.

 

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J'ai un arrière grand-père qui a été fait prisonnier dès le début de la guerre en août 1914.

Il a laissé un carnet écrit au début de ses séjours dans les camps où il a noté les noms de ses camarades (il était caporal), la vie au camp et divers renseignements sur les colis, etc...

Ce carnet, je l'ai entièrement recopié et je vous l’envoie pour une publication sur le web.

Beaucoup de noms sont inscrits dans ce carnet, si l’un des soldats est votre ancêtre, contacter-moi.

Jacky, 2012

 

 

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Sommaire (n’existe pas dans le carnet)

 

Ø  12ème compagnie, 3ème section, 9ème escouade

Ø  Adresses des hommes de la 9ème escouade

Ø  Camarades du pays au camp de Sennelager       

ü  Sennelagen, 7ème compagnie, 16ème escouade, 4ème section

ü  Sennelager et Staumuehle, 7ème compagnie, 3ème section, 12ème escouade

Ø  Début du carnet

Ø  Fait prisonnier : 29 août 1914

Ø  Au camp de Sennelager : fin 1914

Ø  Au camp de Staumuehle : fin 1914, début 1915

Ø  Sennalager camp 3, Senne 3 : mars-avril 1915

Ø  Staumuehle : avril-mai 1915

Ø  Adresses

Ø  Cantique de la paix

Ø  Morts pour la Patrie

ü  Enterrés à Saint-Hilaire-lez-Cambrai

ü  Enterrés au calvaire de Quiévy (Nord)

ü  Tombés au combat du 25 août 1914

Ø  Mandats

Ø  Adresses

 

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Début du carnet

12ème compagnie, 3ème section, 9ème escouade

 

NOMS

matricule fusil

Matricule

outils

matricule

campement

DROUIN Auguste, caporal

69503

73880

 

 

Sac à distribution sans nos armes ?

MONTET Victor, clairon

72028

72773

 

 

 

AUGEREAU Louis

92826

72088

Pioche

2853

 

VIEUZE Louis

71670

65820

Pelle

1305

Marmite

MARCHAND  Ferdinand

38440

66779

Pelle

1271

 

LAUNAY Arsène

60602

64872

Pelle

1271

Marmite

GENISSON Paul

66601

57248

Serpe

194

 

HOUP Paul

63690

14362

Pioche

2874

 

ROYER François

72015

74439

Pelle

1278

Marmite

LEBAU Albert

66790

65063

Pioche

2877

 

DARRAS Lucien

71948

57008

 

 

 

LEBLANC Georges

74220

66790

Pioche

1843

Marmite

POQUENEAU Henri

66902

66675

 

 

Plat

 

Adresses des hommes de la 9ème escouade

 

DROUIN Auguste, caporal, demeurant à la Houssaye, commune de Courcemont, par Beaufay, Sarthe.

MONTET Victor demeurant Bourg la Reine n°133 Grande Rue (Seine).

AUGEREAU Louis demeurant à Courdemanche, canton du Grand-Lucé, Sarthe.

MARCHAND Ferdinand demeurant à Igé (orne).

LAUNAY Arsène demeurant aux Bas, commune de Torcé, Sarthe.

HOUP Paul demeurant à la Croix Blanche, commune de Greez sur Roc, canton de Montmirail, Sarthe.

ROYER François à Fourbonnais, commune de Champaissant, Sarthe.

LEBAU Albert à Ivry sur Seine n°1 Avenue de la République (Seine).

DARRAS Lucien n°3 Rue Labbat, Paris 18ème arr, Seine.

LEBLANC Georges, 80 Route de Tours, Le Mans, Sarthe.

POQUENEAU Henri chez Madame LEBERT, Grande Rue, La Chartre sur le Loir, Sarthe.

 

DROUIN Auguste, Caporal

Au 27ème régiment de territorial, 7ème compagnie, 4ème section, 16ème escouade

Camp Français Sennelager, Prisonnier de Guerre

Province de Vesphalie (sic), Allemagne

 

Camarades du Pays au camp de Sennelager

Drouin

Launay

Fouasnon

Galpin

Cheval

Pasquier

Jouanneau

Leroux P

Moret

Lenoir

Gomard

Riant

Loriot

Juon ? Pierre

Dreux

Dubuisson

Cabaret

Leblay

Hardouin

Rivière

Girard

Girard

Besnier

Launay

Chaperon

Baudoin

Bois

Rapicault

Verrier

Armand

Godet

Boucher

Douet

 

 

Sennelagen, 7ème compagnie, 16ème escouade, 4ème section

 

Drouin,  caporal, 27ème territorial

Dujardin, caporal, 9ème R.ch ?

Lunay, 10ème Ter.

Baude, 10ème Ter.

Bernard, 10ème Ter.

Blum, 10ème Ter.

Collet, 10ème Ter.

Colombin, 10ème Ter.

Delore, 10ème Ter.

Tourdrain, 10ème Ter.

Gauger, 10ème Ter.

Hachet, 10ème Ter.

Jurieu, 10ème Ter.

Buchat, 345ème R.ate

Benet, 250ème id

Luneger, 332ème id

Brunet, 27ème Ter.

Micoud, 27ème Ter.

 

18 hommes

 

 

 

Sennelager et Staumuehle, 7ème compagnie, 3ème section  12ème escouade

 

Drouin Auguste, caporal 27         Français

Dujardin Auguste, id        2

Tourdrain                        10

Jurieu                              10

Paulet                              10

Dumoulin                        10

Debreux                           10

Ventighem                       10

Delacroix                         10

Vanhouteghem                10

Leroy                               10

Dutoit                             10

Lemageux                        10

Ferrandini                    308

Beline                               25

Niol                                  25

Ledoux                             25

Couture Ch            1            ?

Thomas J                       Belge

 

17 hommes.

Signé le chef d’escouade    DROUIN

 

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Mémoire d’un prisonnier de guerre

Aux camps de SENNELAGER et de STAUMUEHLE, en Allemagne

1914

Arrivé à Mamers le 4 août, 3ème jour de la mobilisation.

Resté à Mamers jusqu’au 13 août pendant ce temps, équipement et habillement des campagnes et exercices autour de la ville puis départ le 13 pour Choisy-le-Roi près de Paris.

Débarquement à Massy-Palaiseau, là nous restons quatre jours.

 

Nous sommes cantonnés à l’usine Robb (?). Pendant ces quatre jours, exercices aux environs.

Nous avons mis de Mamers à Choisy seize heures de chemin de fer.

Départ de Choisy le 17 à neuf heures du soir pour Douai dans le Nord.

Embarquement au Catelet.

Nous avons mis de Choisy à Douai 17 heures en chemin de fer.

 

Cantonné aux environs de Douai à Roost-Warendin dans une école, resté là deux jours puis départ de Roost-Warendin le 19 pour Paillencourt, resté là jusqu’au 21.

Toute la nuit du 21 j’étais de garde à la mairie comme caporal avec douze hommes quand vers dix heures du soir l’ordre arrive de partir immédiatement.

 

Départ de Paillencourt le 21 pour Onnaing et Somain.

Nous marchons toute la nuit.

Nous passons vers midi à Valenciennes, c’est là que l’on commence à voir nos Alliés, les Anglais.

On fraternise ensemble, ils nous distribuent des fruits car la population leur donne de tout. Ils sont préférés à nous.

Nous arrivons à Onnaing vers les trois heures de l’après midi.

Le soir l’on revient à Valenciennes dans un lycée, nous couchons sur le pavé n’ayant pas un brin de paille.

 

Le lendemain matin à la première heure nous repartons pour Onnaing.

Nous sommes en avant poste tout le jour, s’attendant à marcher d’un moment à l’autre.

L’on entend le canon au loin du côté de la Belgique.

Nous passons la nuit à la belle étoile dans le milieu d’une cour sur un peu de paille. Nous n’avons presque pas dormi car l’eau est tombée une partie de la nuit.

 

Dans l’après midi du dimanche 23 août je suis envoyé avec une patrouille de quatre hommes pour reconnaître un petit pays nommé Escrain (ou Estreux), arrivé à cinq cent mètres du pays avec mes hommes, me trouvant assez loin et ne voyant rien je fais faire demi-tour.

 

Heureusement pour nous car deux heures après, une compagnie du 26ème territorial part pour reconnaître le même pays et ne se doutant nullement que le pays était occupé par les Allemands, reviennent une heure après soixante cinq hommes sur deux cent quarante, les autres furent tués ou blessés. (1)

 

(1) : C’est exact, le journal du 26 territorial décrit le combat de cette journée.

 

En avant de nous se trouve le village de Blanc-Misseron qui se trouve sur le territoire Belge. Les Allemands le brûlent.

C’est le premier exploit que l’on voit !

Dans la contrée le spectacle est lamentable. Tout le monde déménage à l’approche de l’ennemi, les routes sont encombrées de voitures traînées par des vaches et du monde et d’enfants tous porteurs de gros paquets.

C’est à peine si les soldats peuvent passer.

 

Le 24 août nous passons la nuit dans des tranchées en avant de Valenciennes.

 

Au point du jour nous partons sur Famars et Saint Martin à vingt kilomètres de Valenciennes.

Une patrouille Allemande est aperçue au loin ainsi qu’un aéroplane, l’on tire dessus. Après un repos de quelques heures nous repartons sur la droite de Valenciennes à environ trente kilomètres, là on se repose quelques heures.

L’on n’a pas vu l’ennemi, le capitaine décide de repartir.

 

Après une heure de marche l’on se trouve dans un bas fond, chaque côté de la route est élevé au moins de vingt à vingt cinq pieds au-dessus de la route.

Tout d’un coup l’on entend la fusillade derrière nous; les chefs de section veulent faire face en arrière mais personne ne les écoute.

Chacun se sauve, même le capitaine en tête. Arrivé en haut de la côte que l’on se croyait presque sauvé. Quand tout à coup le canon se met à tirer sur nous.

Coup sur coup fallut traverser la mitraille pendant au moins 800 mètres.

Beaucoup sont tombés morts ou blessés. (2) J’ai eu deux camarades de tombés à côté de moi.

En même temps que la mitraille il fait un orage épouvantable, nous sommes trempés jusqu’aux os après s’être sauvés pendant une vingtaine de kilomètres et avoir traversé un pays nommé Solesmes, nous passons ensuite à Maurois.

 

(2) Le combat d’Iwuy fait de nombreuses pertes.

 

Ne sachant où la compagnie se cantonne nous décidons quelques camarades et moi de coucher chez un habitant et rejoindre la compagnie le lendemain au point du jour.

 

Le lendemain dès l’aube l’on était prêt à partir attendant quelques camarades pour rejoindre la compagnie quand une patrouille de Hulans arrive dans le pays.

En la voyant l’on se sauve, ils tirent sur nous, en tuant un, les autres se sauvent.

Me trouvant en arrière des autres et n’ayant pas le temps de me sauver, je lève la crosse en l’air, je me rends prisonnier.

En me voyant pris ils ne cherchent pas à courir après les autres.

Aussitôt ils me font signe de mettre mon sac à terre pendant ce temps l’on casse mon fusil puis ils me font signe de les suivre.

 

Après cent mètres de chemin je demande à des civils s’il n’y a pas par où se sauver pour leur échapper; plusieurs ne me répondent pas, j’en trouve cependant un qui me dit qu’il y a un portail au détour de la route.

Si je puis sauter par-dessus j’ai des chances de me sauver.

Je les suis du plus loin que je peux, faisant mine de boiter. Eux me faisant toujours signe d’avancer plus vite. Après avoir fait trois cent mètres j’avais peut-être gagné quarante mètres derrière eux.

En passant à côté du portail, au moment qu’ils n’avaient pas les yeux sur moi et au risque qu’ils tirent sur moi, je saute par-dessus le portail.

Il avait au moins huit à neuf pieds de haut.

En tombant de l’autre côté je tombe sur quatre Anglais qui étaient cachés là.

L’on se trouve dans la cour d’une ferme, aussitôt je me dirige vers la grange, les Anglais font comme moi. Je monte sur la tasserie, je me coule entre un tas de blé et un tas d’avoine.

A peine étais-je caché que la fusillade et le canon éclatent de tous côtés. Cela a duré une partie du jour.

Une partie de la couverture de la grange a été cassée, j’avais bien peur que la grange ne prit feu car j’aurai brûlé vif.

Une grande partie  des maisons du pays ont brûlé.

Vers le soir la fusillade a cessé.

A la nuit une compagnie Allemande est venue coucher dans la grange, je n’ai pas dormi de la nuit craindre de faire du bruit.

 

A la pointe du jour ils décampent sans s’être aperçu de ma présence ni de celle des Anglais.

La journée se passe ainsi, en le courant du soir je regarde au travers de la couverture de la grange, il y avait des soldats allemands qui se promenaient dans la cour. Tous blessés, marchant avec peine ou ayant un bras en écharpe ou des pansements à la tête.

 

Dans l’après midi, des soldats allemands viennent pour se coucher sur le foin du côté des Anglais, ils les découvrent. Les Anglais sont faits prisonniers.

Moi ils ne m’ont pas vu, je passe la nuit encore puis le lendemain jusque vers deux heures que je me décide enfin à sortir, malgré que je vois toujours les allemands blessés dans la cour. Je sors par une porte de derrière, personne ne me voit.

Je me sauve à travers les jardins puis je me cache derrière une haie.

Je reste là deux ou trois heures. Une vieille femme est venue étendre du linge dans le jardin, je lui demande s’il n’y aurait pas où me cacher, elle me répond que les Allemands brûlent tout.

Fait prisonnier : 29 août 1914

Je reste dans le jardin jusque vers cinq heures quand des soldats Allemands qui cherchaient des fruits me découvrent et me font signe de les suivre. Je fais semblant de ne pas comprendre, ils s’en vont, m’en croyant débarrassé, quand dix minutes après en voilà quatre qui viennent avec des fusils pour me chercher, il faut les suivre cette fois.

Comme je sortais du jardin deux civils entraient avec un panier de provisions et des effets de civils mais trop tard!

Avant que de sortir du jardin, j’avais eu la précaution d’arracher mes galons de peur d’être reconnu. Les soldats Allemands m’emmènent au poste et me font asseoir sur un banc au milieu d’eux.

 

Ils étaient peut-être deux cents, ils ne m’ont pas maltraité, au contraire ils m’ont demandé si j’avais faim. Je leur ai dit qu’il y avait trois jours que je n’avais mangé.

Ils ont aussitôt envoyé un bicycliste civil me chercher du pain à la ville du Cateau (Le Cateau-Cambrésis) car il n’y en avait plus dans le pays. Ils m’ont donné du vin, de l’eau de vie et du tabac.

 

Ils m’ont ensuite demandé comment je me trouvais là et où étaient mes armes. Je leur ai dit que n’en pouvant plus j’avais mis mes armes dans les voitures de compagnies, que j’avais voulu rejoindre mon régiment et m’étais égaré dans le pays mais ils avaient peine à me croire.

A la nuit on m’emmène au Cateau distant environ d’un kilomètre, là on me donne à manger et à boire puis quatre soldats allemands et un sous-officier me conduisent à l’église où se trouvait le poste pour les prisonniers. Il y avait sept ou huit soldats français, peut-être cinquante civils et cent cinquante Anglais; la nuit l’on couche sur les chaises.

 

Nos restons dans cette église deux jours jusqu’au 31 août.

 

Nous partons à sept heures du matin de l’église du Cateau pour Cambrai, escortés par les Allemands.

Deux cuisines roulantes nous suivaient pour nous donner à manger en route.

Nous sommes arrivés à Cambrai vers trois heures de l’après midi, tout le long du trajet (environ trente cinq à quarante kilomètres) ce n’est que ruines, maisons brûlées, récoltes saccagées, de gros peupliers en bordure de la route cassés et hachés par les obus.

Partout on voit des tranchées où sont enterrés des morts.

 

L’on prend le train le soir à sept heures à destination de l’Allemagne.

J’ai été pendant un moment (où) j’ai bien eu peur car un sous-officier qui faisait partie de la patrouille de Maurois m’a reconnu. J’ai vivement sauté dans le train.

Nous passons à Valenciennes, Onnaing, Blanc-Misseron puis l’on traverse la Belgique, Mons, Charleroi, Bruxelles, Louvain.

A Louvain pas une maison n’a été épargnée, toutes sont brûlées.

 

Puis l’on traverse le Rhin et Cologne, nous sommes en Allemagne !

Enfin après cinquante six heures de chemin de fer l’on arrive à Paderborn . Avant d’arriver à Paderborn l’on nous a fait descendre du train pour nous donner à manger, la gare s’appelait Libehtachd, puis après on remonte dans le train jusqu’à Sennelager qui est un camp Allemand.

Tout le long du trajet nous avons rencontré beaucoup de trains amenant des soldats Allemands en France et qui nous regardaient d’un mauvais œil en nous montrant le poing.

 

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Photo de groupe de prisonniers. Mais quel camp ?

Cliquez sur la photo pour agrandir

Au camp de Sennelager : fin 1914

En arrivant au camp vers deux heures du matin on nous a mis sous une tente, on a couché sur le sable puis on nous a mis dans des écuries pendant quatre jours, puis en plein air sur un peu de paille.

La nuit on ne dormait pas beaucoup, le matin souvent trempés jusqu’aux os.

 

Puis on nous a monté des tentes où nous couchons pendant plusieurs jours puis pendant la nuit du 17 au 18 septembre il est passé un cyclone qui a enlevé toutes les tentes.

Nous avons passé une triste nuit, tous trempés. Après on nous a remis dans les écuries, heureusement car tous les jours la pluie tombe.

 

Au bout de deux mois on nous a refait des baraquements en planches, nous sommes trois cents par baraque, il y a trois poêles pour nous chauffer.

A partir du 1er novembre l’on couche sur des paillasses en fibres de bois. Nous avons deux paillasses pour trois hommes !

Comme nourriture nous avons un demi-litre de café le matin, autant le soir jusqu’au 1er octobre. A partir de cette date le café le soir a été remplacé par une manière de potage de conserve.

Les repas varient pour le midi entre dix heures et demi et une heure et demi suivant le tour des compagnies. Tous les jours le menu change, à midi soit bouillon au bœuf ou choucroute ou orge ou riz ou morue ou choux-navets ou carottes ou cosses de haricots ou petits pois. Mais les plus mauvais c’est la choucroute et les haricots.

En surplus de la gamelle on touche à peu près tous les jours soit harengs saurs, boudin, saucisses ou fromage et quelquefois du pâté de tête et tous les deux ou trois jours des petits pains, souvent un pour deux ou trois hommes.

Du pain on n’en touche pas assez, le mois d’octobre la ration avait été augmentée puis à la moitié du mois ils l’ont mise comme au début et ont augmenté un peu la gamelle.

Du pain, on touche à peine la moitié de ce qu’il faudrait. Comme portion de viande c’est souvent du lard ou du bœuf mais souvent de la viande sauvage car elle fout le camp de la gamelle, on n’en a pas d’indigestion!

Tous les jours il y a des corvées, au début c’était pour aller défricher puis après pour l’aménagement du camp et pour faire un autre camp qui se trouve à quatre ou cinq kilomètres du camp n°1 appelé Staumuehle.

 

Au camp en ce moment nous sommes environ dix sept mille.

Sept à huit mille français, trois ou quatre mille anglais, deux mille belges et le reste c’est des prisonniers civils français qui ont plus de soixante ans et d’autres qui n’ont pas dix sept ans.

Au camp tous les dimanches il vient un prêtre qui dit la messe en plein air. Le jour de la Toussaint il y avait peut-être quatre à cinq mille célébrants.

Le soir une centaine transporte une couronne sur la tombe des soldats morts au camp.

 

Au mois de décembre il y avait peut-être environ une quinzaine de morts, soit français ou anglais.

Pour l’enterrement on charge le cercueil sur une charrette pour les conduire au champ du repos qui se trouve dans un quartier retiré du camp. En avant de la bière est portée par un camarade une croix de bois en place d’un crucifix où est inscrit son nom et cette croix reste sur la fosse. Puis viennent les prêtres, les chefs de camp, les autorités et la troupe.

Puis chacun prend une poignée de sable que l’on jette sur la fosse en guise d’eau bénite.

 

Dernièrement un prisonnier du 27ème a été tué par une sentinelle allemande en allant aux toilettes.

La plus forte partie des prisonniers sont catholiques, surtout des français. La plus forte partie des Anglais sont protestants.

Parmi les français il y en a un petit nombre qui sont protestants et d’autres israélites.

 

Pour la correspondance il a été distribué des cartes le 14 septembre, mais trois ou quatre par compagnie.

Puis le 27, mais elles n’ont parti que le mois suivant vers le 12 au 25.

Puis à partir du 1er novembre on nous a permis d’écrire deux fois par mois.

Pour l’argent on change l’argent français pour de l’argent allemand tous les quinze jours. Au début sur cinq francs français on touchait trois marks quarante cinq, mais à présent cela a augmenté un peu à trois marks quatre vingt cinq.

 

La discipline au camp au début était très sévère, pour une simple chose on vous attachait à un poteau pendant quatre à cinq heures et en nous privant de nourriture.

Et souvent pour des simples choses, pour prendre des pommes de terre et pour passer à la soupe plusieurs fois.

Les femmes en Allemagne ne sont pas scrupuleuses, elles viennent se promener autour du camp et s’arrêtent pour nous regarder lorsqu’on est aux feuillées, même des jeunes filles !

 

Le 4 novembre à dix heures 1/3 (sic) du matin un phénomène curieux a été vu à Sennelager. Deux arcs en ciel pas très grands étaient dos à dos, un plus prononcé que l’autre, il n’y avait presque pas de nuages dans le ciel, puis il disparut un peu pour apparaître vers une heure à côté l’un de l’autre, dos à dos en forme de )( .

Le soir au lever de la lune les rayons formaient une croix.

 

Le 10 novembre nous avons étés mélangés parmi les Anglais et les belges car auparavant chaque peuple était à part dans chacun leur camp.

Ce mélange n’est pas du goût des français car les Anglais sont plein de vermine et de poux. Les belges nous plaisent mieux, ils sont moins sales et parlent à peu près tous français et sont moins voleurs.

Tous les soirs beaucoup se réunissent aux environs des cabinets pour savoir des tuyaux. C’est les rapports de chacun sur les nouvelles qu’il a pu avoir dans la journée sur les faits de la guerre.

Souvent ce ne sont que mensonges mais l’on est content tout de même, surtout quand c’est à l’avantage de la France.

 

Le soir on se réunit aussi derrière les tentes, il y en a qui ont inventé des jeux pour gagner de l’argent. La plus grande partie des jeux imite le jeu de bonneteau, d’autres sont marchands de chocolat, de pain, de tabac, de cigares, de biscuits, de couteaux, de bougies, d’allumettes, de miel, de margarine, de confiture, de briquets et même d’eau de vie et de bière.

Tout le monde se met marchand pour gagner de l’argent car les bourses se vident. Il n’y en a que pour les plus hardis car cela a été défendu et la cantine est fermée et gardée par des sentinelles allemandes.

 

Mais ils trouvent la manière d’avoir de la marchandise tout de même. Il y en a qui font du chocolat et du café et le vendent un sou et deux sous le quart, mais à partir de fin novembre tout cela a été supprimé complètement. Même il y en avait qui avaient pour douze ou quinze mois de marchandise qu’on leur a pris.

Il y a aussi les Anglais et les Arbicos (sic) qui vendent tout pour se procurer de l’argent, jusqu’à leurs effets et même des effets Allemands qu’ils ont touché !

 

Le 11 décembre nous partons quatre compagnies pour un nouveau camp à quatre ou cinq kilomètres appelé Haumuehle.

Au camp de Staumuehle : fin 1914, début 1915

Au camp de Staumuehle je suis presque seul du 27ème, tous mes camarades du pays sont restés à Sennelager.

Nous logeons dans des baraquements à cloisons étanches et plafonnées.

Nous sommes soixante dix hommes par baraques. Il y a deux poêles pour nous chauffer, on est éclairés à l’extricité (sic). On a tout ce qu’il faut: tables, bancs, cuvettes, seaux, bacs, sacs de couchage.

On est beaucoup mieux qu’à Sennelager mais je crois que le temps va me paraître encore plus long car l’on est beaucoup plus isolé. L’on ne voit autour du camp que de la bruyère et quelques bouquets de sapins.

 

Tous les jours les hommes sont en corvées de cinquante à soixante par groupe avec un caporal et sous la surveillance de sentinelles allemandes pour faire des terrassements de routes nouvelles.

Ces routes se trouvent depuis deux kilomètres à jusqu’à sept kilomètres du camp.

Toutes ces corvées sont payées un peu par des jetons, chaque homme en touche un ou deux, ils sont estimés deux sous pièce.

Les corvées ne sont pas trop longues, le matin départ à huit heures jusqu’à une heure de l’après midi.

On change ses jetons à une cantine de la Croix Rouge pour de la marchandise.

 

A Staumuehle on est mieux nourri qu’à Sennelager, le menu est toujours mieux cuit, c’est cuit par la vapeur dans une marmite otoclave (sic).

Un prêtre français prisonnier à Paderborn vient dire la messe tous les dimanches et fêtes.

Le jour de Noël, il y a eu trois messes, le lendemain de Noël en Allemagne c’est encore férié. Les messes ont lieu dans une baraque du camp affectée à cet effet.

Le jour de Noël on nous a distribué chacun six cigares et deux cent cinquante grammes de pain en surplus de la ration.

 

Le 6 janvier c’était fête aussi en Allemagne.

 

Le 27 aussi c’était fête de l’empereur.

 

Aux environs de la Toussaint nous avons commencé à toucher des effets. Chaque soldat a touché à peu près deux chemises et caleçons, puis des galoches et des sabots car beaucoup arrivaient en Allemagne à moitié habillé.

Ils ont distribué des souliers aussi à ceux qui en avaient de trop mauvais.

Au bout de quatre à cinq mois ils ont donné des pantalons pour remplacer ceux qui étaient usés et ont donné des capotes et des paletots à ceux qui n’en avaient pas.

C’est surtout les sabots et galoches qui nous ont rendu le plus de services car on avait les pieds gelés dans les souliers. Surtout au début c’était toujours plein d’eau dans le camp de Sennelager.

 

A Staumuehle le dimanche il y a théâtre dans une des baraques du camp par les soldats français où l’on joue de petites pièces. Les autorités allemandes viennent aussi pour jouer.

Autour de Staumuehle et de Sennelager depuis le début de la campagne il y eu toujours des soldats Allemands qui faisaient leur classe avant de partir pour la guerre. Souvent des vieux ou des jeunes mais principalement des jeunes dont on leur aurait donné quinze ans au plus.

Ils faisaient de l’exercice par tous les temps, la pluie ou la neige ne faisaient rien. Ils faisaient aussi l’exercice le dimanche, jamais de repos. A mesure qu’il en partait, d’autres revenaient.

 

A partir du 23 février les corvées ont été payées. L’Allemagne a entendu dire que ses prisonniers étaient payés en France et elle ne veut pas être derrière.

Tous les jours les noms vont être pointés pour être payés à la fin du mois ou au départ. Mais je pense que si on touche quelques centimes de l’heure ce sera joli.

 

A partir de mars la ration de pain a encore diminué, la boule que l’on touchait pour six a été donnée pour dix. On n’en a pas trop gros soit trois cent grammes. Déjà dès le commencement de février les petits pains avaient été supprimés et les cantines de la Croix Rouge ne vendaient plus de pain.

Les civils et les soldats allemands sont rationnés aussi, on commence à voir que tout manque bien.

 

Des jours il n’y a pas de viande et les pommes de terre font souvent défaut aussi; les jours qu’il y a de la viande souvent vingt cinq à trente kilos pour mille deux cents hommes.

A la moitié de février la Croix Rouge de France a envoyé des colis de linge aux prisonniers français. Chaque homme a touché deux chemises, un caleçon, un gilet de feutre et des gants. Il y avait des colis qu’il y avait un peu de tout, même du tabac et du papier à cigarette.

En le courant de janvier il y eu des soldats prisonniers qui se sont évadés, ils ont été repris à quarante kilomètres de là.

 

A l’automne il y en avait qui se sont évadés du camp de Wesel qui se trouve à soixante kilomètres de la Hollande et ont été repris à douze kilomètres de la frontière et condamnés parait-il à deux ans de forteresse (rayés) trois mois de cellule et d’autres qui ont réussi à se sauver.

 

Le 23 mars on avait fait une liste des hommes qui n’allaient pas en corvées pour les renvoyer à Sennlagen mais le lendemain tout était changé, c’était le contraire, c’est la plus grosse partie des gradés qui faut qu’il foute le camp.

On a reçu l’ordre à huit heures pour partir à dix!

Sennalager camp 3, Senne 3 : mars-avril 1915

Arrivés le 24 mars à Sennelager, versé à la 23ème Compagnie, camp de dépôt camp 3.

Là je retrouve la plus grande partie de mes camarades mais pas pour longtemps car beaucoup partent pour aller travailler en campagne.

Les premiers qui partent le 29 mars, le 31 mars environ mille huit cent sont partis pour une destination inconnue et ont rendu gamelle, couvertures et serviettes avant de partir.

Dans ce camp, avant qu’il en parte, nous étions environ cinq mille.

Le camp est entouré de grillages dont un, celui du milieu, est électrisé. Plusieurs chiens qui voulaient passer par-dessous ont été tués, même une sentinelle qui s’était amusé à toucher le grillage électrique a été électrocutée.

La nourriture laisse un peu plus à désirer qu’à Staumuehle, le plus souvent c’est du rutabaga ou de l’orge ou fèves et le soir farine de fèves ou de maïs ou farine d’avoine.

Nous avons été à «Senne» jusqu’au 10 avril puis nous retournons à Staumuehle.

 

Staumuehle : avril-mai 1915

 

Retournés à Staumuehle le 10 avril l’on reprend ses anciennes habitudes mais ce n’est plus la même chose car à présent pour tout le monde faut aller aux corvées au moins une fois par jour.

Les corvées partent le matin à sept heures moins le quart jusqu’à midi puis ceux qui n’ont pas été le matin partent à onze heures moins le quart jusqu’à cinq heures le soir ; et quelquefois ceux qui ont été le matin retournent après midi en petite corvée.

 

Dans le courant des mois de mars, avril et mai il est venu beaucoup de colis de la Croix Rouge mais à ma compagnie comme c’est presque tous des soldats des pays occupés c’était toujours pour eux.

Le plus souvent c’était des colis de pain et souvent moisi, à la fin de mai bous avons tous touché du lard, du chocolat, du saucisson et des biscuits de la Croix Rouge française.

 

 

Fin du récit concernant la vie au camp

 

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Adresses

 

DUCLOS(?) Joseph, au Chêne Février, Meilhac, Ille et Vilaine

VERT Louis, rue Ernest Renan n°20, Issy-les-Moulineaux

BORNES Antonin à Vermenouze, Cormaie de Marmanhac, Cantal

GARNIER Gustave, rue du Général Fromentin n°33, Alençon, Orne

VELEROY Eugène à Forest (sur Marque) par Hem, Nord

LECONTE Louis à la Roche, Volnay, Sarthe

AYOS (?) Emile, Verneil par Ecommoy

 

Argent que j’ai prêté

 

LEROUX Principe, lui ait prêté 10 francs à Mamers.

JOUANNEAU Alphonse lui ait prêté 1 mark 75 à «Senne» pour le départ dans un autre camp.

GIRARD Auguste, tabac à priser: 0,15 franc.

 

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Inventaire de ce que je possède

 

Chemises 4, Capote 1

Caleçons 2, Veste 1

Gilet 1, Pantalon 1

Mouchoirs 3, Képi 1

Cravate 1, Brodequins 1 paire

Chaussette 3, cartable 1

Chope 1, Cuiller 1

Marmite 1, Couteau 1

Gants 1, Musette 2

Pipe 1, Bidon 1

Cache corps 1, Serviettes 2

Carnets 4, Jeu de cartes 1

 

 

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Cantique de la paix

 

Donne la paix Vierge Marie

A l’univers noyé de sang

Et rend à sa mère patrie

Jusqu’à son plus petit enfant.

 

Refrain

Exauce oh tendre Mère

Cet ardent cri vers Toi

Donne la paix au nom du Père

Par la justice et dans le droit (bis).

 

2ème couplet

Donne la paix à ta famille

Nouvelle Eve au vieux genre humain

Vois le feu fratricide briller

Toujours au poing dur de Caïn.

 

3ème couplet

Trop d’orphelins et trop de veuves

Pleurent aux deux rives du Rhin

Pour te chanter en cloches neuves

Et fait fondre le sombre airain.

 

4ème couplet

Déjà retournés à l’argile

Dorment en paix nos frères morts

Accorde aussi ce bien fragile

Sur terre à nos humbles efforts.

 

5ème couplet

Rend à l’exilé sa demeure

Rend aux blessés la santé

Aux malheureux le pain qu’ils pleurent

Aux prisonniers la liberté.

 

6ème couplet

Et dans la céleste patrie

Comme une poule ses poussins

Rassemble nous tous Sainte Marie

Avec les anges et les saints.

 

 

 

Adresses

 

BRULON Ferdinand à Laigné-en-Belin, Sarthe

CORMIER, Sacristain à Saint Marceau, Sarthe

JURIEN Jean, n°39 rue de Nantes, Paris

DUCLERMORTIER Paul à Camphin-en-Carembault par Phalempin, Nord

DAVID Urbain, Garry, commune de Pollaud, Charente

RAPAILLE Fidèle, 49 rue de Bapaume, Croix près Roubaix

DELANNOY CAUCHETEUX, Ennetières-en-Weppes, canton d’Haubourdin, Nord

BLUM Marc, 11 bis rue Faidherbe, Paris

BALLEE Albert cultivateur à Clinchamps(-sur-Orne) par Saint Sever-Calvados

PAPILLON Paciphique, Avesnes-en-Bray par Gournay-en-Bray, Seine Inférieure

 

 

Morts pour la patrie

Enterrés à Saint-Hilaire-lez-Cambrai

 

Paillard, Sergt   1898

Godard J            1895

Briand E            1899

Busson J            1894

Bourdin E          1896

Dunegard, Cap  1894

Halluin E           1905

Rosin J

Maignan H

Renaud              1896

Gremy Marie     1899

Cellier Julien     1899

Bertiau               1896

Volther Frédéric 1899

Letourneau M    1898

Fouasnon A, Sergt 1895

Aubert A            1894

Lambert Paul     1894

Breton Louis      1905

Geroux Aug       1896

Bellanger

Coudray Jean     1895

Poirier Adolp     1895

Gauthier And     1894

Bureau René       1899

Vétillard Joseph  1899

Gounad Jos.        1896

Tourneboeuf fort 1899

Leduc Louis        1898

Vadé Louis          1898

Monsallier L. Sergt 1898

Barentin Vid.        1905

Ray Marin            1895

Violette Cap         1899

Pavy Louis           1896

Boulay Théop.     1905

Louvet Aug          1894

 

Enterrés au calvaire de Quiévy (Nord)

Pasquier Cap       1898

Guérin L

Brière                   1899

Durand Paul         1896

Duperre E

Blavette Serg.    1899

Delatre    id

 

 

Tombés au combat du 25 août 1914

 

NICOLAS Eugène mort pour la patrie à Iwuy? près Avesnes (-les-Aubert),

Mèzières-sous-Ballon.

 

GREMY Félix mort pour la patrie à Saint Hilaire-lez-Cambrai,

Saint-Mars-sous-Ballon.

 

Mandats

 

Reçu 8,09 sur 10 francs 27 nov.1914

Reçu 8,47 sur 10 francs 18 décembre 1914

Reçu 12,70 sur 15 francs 2 mars 1915

Reçu 8,47 sur 10 francs 20 mars 1915

Reçu 13,04 sur 15 francs 7 mai 1915

Reçu 8,47 sur 10 francs 14 mai 1915

Reçu 13,04 sur 15 francs 21 mai 1915

 

 

 

A nos Morts

 

L’automne a fait tomber le feuillage rougi

Des arbres tourmentés par le vent qui mugit

L’oiseau ne chant plus la fleur déjà fanée

S’effeuille tristement sur sa tige brisée

Le soleil a pâli et les premiers frimas

Nous annoncent l’hiver qui retrace ses pas.

Le ciel n’a plus d’azur, la Toussaint nous apporte

Son funèbre tableau de la nature morte.

C’est la fête des morts, Culte du souvenir

De ceux qui nous sont chers et qu’on a vu mourir.

Religieux tribu de pleurs et de prières

Que nous portons émus au cimetière

Qu’on dit sur un tombeau pour le repos d’une âme

Les autels sont drapés de tentures à flammes

D’argent – larmes d’amour rappelant nos douleurs.

Les cloches dont le glas sonnent tant de frayeur

En contant sur l’airain le nombre de nos âges

Vibrent dans les beffrois et leurs pieux langages

Pour chanter ce grand jour ont su trouver les sons

Qui s’envolent joyeux comme un joyeux carillon.

La commémoration des morts est une fête,

Soldats recueillez-vous et que l’écho répète

Fidèle courrier de nos cœurs angoissés

Nos prières nos vœux de soldats exilés.

Que les vents les emportent aux frontières de France

Console nos enfants, apporter l’espérance

A nos femmes en pleurs qui vont prier pour nous

Implorant du très haut le retour de l’époux

Et s’il est un instant où l’on aime des frères

C’est bien à l’étranger au milieu de la guerre.

Soldats, chers prisonniers, saluons aujourd’hui

Les braves, les héros morts pour notre pays.

Combien sont-ils tombés sur le champ de bataille

D’officiers, de soldats fauchés par la mitraille ?

Par l’acier, sous le feu, combien sont-ils tombés ?

Angoissante question qui nous fait tous trembler.

Hélas ils sont nombreux mais tous ont été braves.

Sentinelle tuée ou factionnaire grave

Qui tombe transpercé, mort barrant un chemin

Mort dont une patrouille envoyée un matin

Reconnaître un village, une troupe ennemie

Morts au cours d’une ronde, aperçue et meurtrie,

Tués dans la tranchée en tirant sans repos

Jusqu’à que ce trou devienne leur tombeau,

Ecrasés dans un bond qui devient un carnage

En reprenant dix fois de suite le village.

Aviateurs hardis, rapace oiseau de plans

Et qui meurent brûlés sous l’aile d’un biplan.

Soldats qui sont fauchés par une moissonneuse

Que le génie de l’homme appelle mitrailleuse.

Bataillons, régiments qui menèrent l’assaut

Laissant au point d’appui un horrible lambeau

Mort en donnant à boire, en séchant une larme

Ou en fermant les yeux d’un mourant frère d’arme.

Officiers et soldats formidables héros

Percés de part en part en sauvant le drapeau

Canonniers écrasés, broyés par la furie

D’un infernal engin surpris par l’asphyxie

Qui les murent vivants dans les couloirs d’un fort,

Cavaliers chargeant dernier suprême effort

Emportant des chevaux allégés d’une armure

Ramenant des géants qui n’ont plus de monture.

Et vous soldats des mers, marins martyrs des eaux

Agonisants meurtris sur le pont d’un vaisseau

Broyés sous la tourelle, hachés dans l’abordage

Enfin mourant noyés dans l’horrible naufrage

Du navire éventré qui devient un tombeau.

Héros du sous-marin s’abîmant dans les eaux

Salut à vous aussi soldats que l’on relève

Blessés dans le combat et que la mort achève

Cavaliers fougueux arrachant des naseaux

Fantassins retranchés ou bien menant l’assaut.

Marins qui défendent l’océan sur un pont

Dans l’airain la patrie gravera votre nom.

Toujours bien haut les cœurs sans défaillance

Vous avez fait flotter le drapeau de la France

Grands vous avez été, vous êtes des héros

Saluons aujourd’hui vos glorieux tombeaux

Tombeaux souvent creusés dans le flanc d’une plaine

Par l’obus ennemi qui travaille sans haine

Tombeaux privés de croix et d’adieu et de larmes

Tombeaux fermés bien loin de la veuve en alarmes.

Salut à vous soldats salut à vous marins

Vos frères exilés vous béniront demain,

Nous sommes prisonniers loin de nos frontières

Mais que sur vos tombeaux s’envolent nos prières

Vos âmes sont à Dieu, qu’il vous donne la paix

La paix que nul humain ne troublera jamais

Dormez nobles héros, votre gloire est immense

Suprêmes défenseurs de l’honneur de la France

Sur vos tombeaux fleuris et le cœur exalté

Viendront pleurer vos fils à la postérité.

 

 

Morts oubliés

Quand vous irez au cimetière

Parmi les tombeaux visités

Si vous trouvez une humble pierre

Dont les herbes cachent les côtés

 

Dont la croix s’émiette et tombe

Sans couronne depuis longtemps

Arrêtez-vous sur cette tombe

Et priez là quelques instants.

 

Sous les terres où l’herbe pousse

Au pied de tristes croix de bois

Dans les tombeaux couverts de mousse

Dorment ceux qui sont morts deux fois.

Ces morts pour lesquels le silence

Reste infiniment douloureux

Quand personne ne pense

A dire au ciel un mot pour eux

 

Et sur cette tombe en souffrance

Où vous aurez prié tout bas

Qui sait pour avoir la délivrance

Si l’on ne vous attendait pas.

 

Adresses

DUJARDIN Auguste, Saint Nicolas de Pierrepont par La Haye du Puit, Manche.

DEBREUX Jules, estaminet, rue de la mairie à Leers, Nord.

PAILLET Louis, rue Desaix, n°52, rus de Monge 19 Roubaix, Nord.

FOURDRAIN Tobie, n°47 rue de Seine, Paris.

SARRAZIN Jules, cult., Chevennes, Aisne.

BELINE Auguste, rue Bary n°14, Le Mans, hôtel Continental.

LEROY Emile, rue de Condé prolongée n°106, Roubaix, Nord.

PASSEREAU Louis, à La Ronze, Saint Michel les Parents par La Roche Chalais, Dordogne.

FERRANDINI Louis, à Porchat, Saint Michel les Parents par La Roche Chalais, Dordogne.

 

Argent que l’on me doit

 

LEROUX Principe, 10f

GIRARD Aug. 0.15

JOUANNEAU Alp. 1m,50

Prêté 2 marks, m’a payé un briquet 6 sous et 4 sous que je dois.

Et un paquet de tabac 0,25

                       Total  1m,75.

 

 

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