Retranscrit par Etienne COUROUBLE et
présenté par Michel DECAUX, deux de ces petits-fils.
Mise à
jour : Août 2014
Michel m’écrit en 2004 :
« Je t'envoie un carnet de
guerre, celui de mon grand-père maternel.
Son carnet n'est pas bien épais
puisque la guerre s'est finie pour lui le 25 septembre 1915, jour de son
quatrième anniversaire de mariage.
Pendant cette période, il a été coupé
de son épouse, Lucienne, et de ses deux enfants car ceux-ci étaient dans le
Nord et le courrier ne franchissait pas les tranchées !
J'ai la chance, avec mes frères, sœurs
et cousins germains, d'avoir pu rassembler la plupart des lettres que mon
grand-père signale dans son carnet avoir envoyées à la famille et aux amis.
Ces lettres sont beaucoup plus riches
en renseignements que le carnet lui-même. Il écrit principalement à son frère
Géry qui se trouve dans l'artillerie. Ils auront même l'occasion de se voir au
pied des Eparges, près de Verdun.
(D'où la photo ci-jointe : Géry le
canonnier est à gauche, Adolphe le biffin à droite) »
« Il correspond aussi avec un
autre frère, Paul, plus âgé, habitant Paris et non militaire. Avec aussi
plusieurs belles-sœurs : Madeleine, Marie-Louise dont le mari a été fait
prisonnier au début de la guerre à Maubeuge, Marie-Thérèse, réfugiée près de
Paris avec ses 5 enfants.
Ils étaient 8 frères originaires
d'une brasserie de Villers-Guislain près de Cambrai. Seul mon grand-père a été
tué.
Adolphe COUROUBLE a donc épousé
Lucienne le 25 septembre 1911 à Etrœungt. En août 1914, deux enfants étaient
nés de cette union : Louise et Lucien.
Ce qui est extraordinaire, c’est
que Lucienne COUROUBLE a, elle aussi, écrit ses propres
carnets de guerre, vision de presque 5 ans de l’occupation allemande, avec
l’espoir hypothétique du retour d’Adolphe. »
« J'ai profité de ma
première année de retraite pour écrire quelques pages de l'histoire de notre
famille au cours de cette période et je les ai diffusées avec mes vœux de
nouvel an afin que les jeunes générations n'oublient pas et n'acceptent jamais
de s'entretuer comme le firent leurs proches aïeux….
Un siècle plus tard, je suis
content que les écritures
de ma grand-mère rejoignent celles de son mari. »
Bien amicalement
Michel
DECAUX
Mai
2004
Adolphe COUROUBLE est né à
Villers-Guillain, dans le Nord, le 2 septembre 1883.
Engagé volontaire en novembre
1902, comme aspirant au titre de docteur en médecine. Il intègre le 1e régiment
d’infanterie, puis le 147e et enfin, la 6e section des infirmiers militaires au
camp de Châlons. Il avait donc presque 31 ans en août 1914.
À cette date, il rejoint Cambrai
pour intégrer son régiment théorique de réserve, le 1e régiment territorial.
En cas de malheur ou d’accident prière de faire parvenir ce carnet à l’adresse suivante :
Paul Courouble
13 rue du Débarcadère
Paris
A charge par lui de le faire parvenir à ma chère Lucienne.
Signature d’A.
COUROUBLE en début de carnet
Mobilisation générale.
Arrivée à Cambrai où l’on nous équipe. Vais manger et passer la soirée avec Claire tous les soirs.
Départ Cambrai à 9 heures du matin pour Lille St Sauveur où nous arrivons vers 7 heures.
On fait le poireau aux usines Kulmamn et partons vers 5 heures pour Leers où nous arrivons à huit heures du soir et où nous restons jusqu’au 26 sans trop savoir ce qu’on y faisait.
Alerte. Marche rapide de Leers à La Bassée.
Débandade.
La Bassée à Hénin-Liétard.
Hénin-Liétard à Rivière.
Rivière à Doullens.
Doullens à Picquigny. Tous les ponts sont sautés. On est sur le qui vive, prêts à partir.
Picquigny (Somme) à Hornoy (Somme).
Hornoy, Aumale (Seine-Maritime). Illois (Seine-Maritime)
Illois à Massy (Seine-Maritime) au-dessus de Neufchâtel
Massy à Tôtes (Seine-Maritime).
Pays fort accidenté, par suite fatigant.
Reçus comme des chiens dans un jeu de quilles
Tôtes à Yvetot (Seine-Maritime). Terrain plus plat.
Reçus entre les deux.
Repos à Yvetot.
Yvetot à Bolbec (Seine-Maritime), ville industrielle animée. Contraste avec tous les pays traversés depuis l’entrée en Normandie.
Toujours souffrant des pieds et un bon rhume par-dessus le marché.
Repos à Bolbec.
Marché du pays. Très animé. 8 heures du soir, départ.
Marche de nuit.
Arrivée au Havre (Seine-Maritime) à 3 heures du matin.
Repas froid. Distribution de
vivres de réserves. Devons embarquer pour … ?… (*)
Un grand navire autrichien est en rade gardé par des sentinelles. Toujours mal aux pieds et non reconnu .Quel tohu-bohu dans cette halle où se font les distributions pour plusieurs jours. 2 heures.
En fait de départ on nous fourre dans un hall avec des planches comme oreillers. Deux navires marchands allemands sont dans le port, pleins de farine et blé qui serviront pour la troupe.
(*) : Écrit tel quel dans le texte. À ce moment de la
guerre les Allemands étaient près de Paris (bataille de la Marne). Beaucoup
d’unités restées dans le Nord furent « évacuées » par bateau, vers
des ports de l’océan atlantique, à partir de Dunkerque et Rouen.
Attendons le départ après une nuit sans sommeil.
Embarquons à 1 heure sur le « Rossetti » de Liverpool
Mauvais temps. Eau dans notre compartiment. Obligés de monter au-dessus.
Ne pas dormir. Beaucoup ont le mal de mer et il fait malsain dans le bateau.
Débarquons vers 1 heure à La Pallice (Charente-Maritime) par une pluie battante.
Passons une nuit potable. Temps incertain.
Embarquons à 11 heures dans wagons à bestiaux.
La Pallice. Rochefort-sur-Mer, Saintes (Charente-Maritime), Cognac (Charente). Chateauneuf, Angoulême (Charente), Périgueux (Dordogne). Bresses.
Côtoyons la Corrèze. Réminiscence des Pyrénées en allant à Gavarnie, en plus petit.
Arrivé à Tulle à 9 heures
Cantonné dans les halles. La vie est très chère.
Écrit Paul.
Retourne à la 27ème compagnie. Faisons le poireau en attendant qu’on nous donne un logement.
Tombe avec des gens de V.G. qui ne peuvent rien me dire d’intéressant.
Cantonnement de repos. Mal aux reins.
Écrit à Lucienne.
Depuis les jours suivent monotones et longs.
Assiste à la messe. Me promène jusqu’à la soupe, puis m’ennuie au quartier.
Espérons avoir bientôt une vie plus active ou qu’on nous libère.
Reste au quartier. Diarrhées intenses.
Je continue à m’ennuyer par suite absence de nouvelles.
Toujours pas de nouvelles. Pourtant on dit que les lignes sont dans le Nord
Reçu lettre de Paul et 60f.
Attends toujours nouvelles d’Etrœungt, qui est sans doute évacué, Maubeuge ayant capitulé.
Travaux de couture au quartier.
Meilleur ordinaire.
Écrit Paul.
Grand-messe à la cathédrale.
Repos en attendant des ordres.
Que le temps est long.
Envoyé 2 cartes à Lucienne. A la fin aurais-je peut-être une réponse.
Attendons changement de Corps. Habillé.
Couché dans un lit au 100ème. Grande caserne. Ancien établissement religieux.
On nous fournit des armes et le campement.
Nous voilà prêts ! Où allons-nous ? Et que me réserve demain ? Et pas de nouvelles de Lucienne ??
Adolphe passe
officiellement au 100e RI le 29 septembre.
Voir sa fiche matriculaire >>> ici <<<
Préparatifs de départ. Chargement complet. Embarquement à 9 heures.
À onze heures, arrêt à Brive (la Gaillarde). Repas froid. Uzerche (Corrèze). Limoges (Haute-Vienne). Châteauroux (Indre).
Orléans-les Aubrais (Loiret) à 6 heures du matin. Montargis (Loiret). Sens (Yonne). Troyes (Aube). Chalons s/Marne (Marne).
Minuit. Arrivée à Mourmelon (Marne). Café. Sommes sur la ligne de feu.
On entend le canon prés d’ici.
Calme est le feu le matin. Mal dormi sur un banc.
Suis au 126°- 2éme Cie
Extrait du journal du 126e RI. On y lit l’arrivée de 248 hommes
de Brive.
Allons faire des tranchées sous le feu de l’ennemi.
A dix heures du soir, partons en 1ère ligne.
Installé tant bien que mal dans une tranchée.
Temps pluvieux. L’ennemi nous laisse bien tranquille ce matin.
De garde de minuit au matin en plein champ. Un peu de canon.
Retour dans la tranchée. Froid. Canonnade.
Le soir partons un peu en arrière dans des tranchées couvertes.
Bombardement de nos tranchées. Certains se sauvent. Les Allemands canardent. (*)
Des blessés arrivent chez nous.
Manque d’eau.
(*) : Le JMO indique «..une
violente canonnade fait éprouver des pertes sérieuses, 7 morts et 300
blessés.. »
Assiste enterrement de 8 soldats.
Repartons pour les tranchées.
À dix heures, pendant que nous arrangions nos tranchées, attaque générale sur le front. Jamais je n’avais entendu un tel charivari de coups de feu et de coups de canon.
Cela dura jusqu'à 2 h du matin.
Accalmie. On gèle dans les tranchées. Nouvelle aubade.
Un éclat vient trouer la gamelle d’un camarade.
Le soir, nous allons en 1ère ligne.
Retour au camp. Repos.
Fais bonne nuit. Corvée de bois.
Aéros détruits. On lance des bombes sur le camp. Plusieurs blessés. (*)
Écrit Lucienne.
(*) : C’est exact, le JMO indique « .. à 10h, un avion lance des bombes sur les baraquements, 2 hommes du 126e RI sont atteints... »
A six heures du matin, parade d’exécution. 3 hommes ayant quitté leur poste : 20 ans de prisons.
Ça bombarde dur.
Pluie.
(*) : C’est exact, le JMO l’indique. Pour mutilations
volontaires
Écrit Paul. Pluie.
Toujours en alerte.
Beau. On fusille un soldat. (*)
Triste événement.
Partons pour les tranchées.
(*) : Aucune indication dans le JMO. S’agit-il d’un soldat du régiment ?
Mauvaise nuit dans la cahute. Depuis la dernière fois notre camp est orné de tombes.
Retour à Mourmelon (Marne). Campé dans une ferme.
Écrit à Lucienne.
Repos.
Campés presque sur le fumier.
Repos.
Arrivée de régiments de territoriaux.
A cinq heures, départ au-delà de Wez où nous allons occuper des tranchées mieux faites que les premières.
Perdu la nuit, me retrouve le matin.
En surveillance.
Le soir, attaque générale.
Toujours en sentinelle. Un caporal est tué. Relevé le soir.
Logé dans une grande ferme « Les Marquises » dont le propriétaire serait allemand. Installation toute moderne sur Prunay (Marne). Le chalet des propriétaires est en ruines. Prés de la ferme, cimetière français.
Repos à la ferme dans la bergerie.
Le soir départ pour les tranchées.
Un peu mieux installés encore. Temps froid mais beau.
Toujours dans les tranchées. Pluie.
Toujours alternative de calme et de bombardement.
Toujours le bombardement au-dessus de nos tranchées. Des vieux territoriaux viennent voir les tranchées. Serait-on enfin relevés ce soir afin d’avoir le loisir de se laver un peu, car tout à l’heure, gare la vermine.
Belle aubade d’artillerie ennemie.
La moitié de la nuit passée sous la pluie. On est propre.
La nuit encore nouvelle aubade. Temps froid.
On commence à geler des pieds.
Patrouilles se font tuer. On dit que les Allemands se replient ??
De garde au poste à la ferme.
Garde. Reçu lettre de Paul.
Canonnade sans arrêt.
Repos.
Repartons pour les tranchées.
Jour de Toussaint. Beau temps. On craint une attaque générale.
Aujourd’hui extra. On paie le cigare à toute la Cie.
Je pense beaucoup à la famille en cet anniversaire de la mort d’Eustache.
Toujours pas de nouvelles de Lucienne, que c’est long !
Écrit Lucienne et Paul.
Le soir vais poser des fils de fer.
Calme et beau. Relevé le soir.
Arrivons à Courmelois à minuit.
Marche de 10 km le matin. Corvée de lavage l’après-midi.
Pluie. Séchoir de fortune.
Marche de 12 km.
Beau temps.
Malade, un peu de bronchite.
Planton au poste de police.
Devons partir le soir.
Repos à la ferme près des tranchées.
Dîner de gala, fromage, vins, confiture.
Le soir, gaîté au petit poste hors de la ferme. On est gelé.
De garde.
Repos à la ferme. On s’ennuie énormément. Toujours froid aux pieds et enrhumé.
Quelle vie ennuyeuse !
Quand donc pourra-t-on en finir pour un bon coup de ces Allemands et pouvoir retourner chez soi ?
De garde.
De garde. Temps froid.
Grande pluie la nuit. Sale temps qui nous gèle.
Repos
Repos.
De garde.
Gelée. Couché dans la bergerie prêt de la porte, ai eu bien froid. Temps couvert.
Neige !
Obus tombent prés de la ferme.
Temps radouci. Repos à la ferme.
Reçu lettre de Paul.
Le soir de garde.
Fiévreux, monte la garde quand même.
En traitement ? Au poste de secours de la ferme.
2 quarts de thé et 1 quart de lait.
Toujours à l’infirmerie. Le médecin Major me badigeonne lui-même la gorge.
Le soir, vais mieux.
Il gèle toujours. Temps bien froid pour le pauvre troupier.
Vais mieux et commence à avoir faim.
Encore un traitement. Il gèle bien et on a bien froid.
Repos au corps de garde en attendant mon escouade.
Temps un peu moins froid. Rentre à l’escouade et reprend mon service avec les camarades qui sont toujours pareils. Reçu passe-montagne de Marie-Louise. De garde.
Il neige.
Reçu un petit mot de Marie-Louise.
Reçu lettre de Paul.
Dégel. On patauge de suite dans la craie. De garde. On nous annonce une grande victoire russe.
Le soir dans les tranchées après un signal d’artillerie, tout le monde chante la Marseillaise, spectacle assez féerique avec les fusées lumineuses figurant le drapeau russe.
Je me demande la tête que doivent faire les Allemands.
Garde. La nostalgie d’Etrœungt
me reprend et je suis sans goût par suite du manque de nouvelles de Lucienne. (*)
-------------------
(*) : Au travers de ses carnets de guerre, Lucienne
écrit le 28 novembre 1914 :
« Le maire n’est pas revenu.
Il avait été condamné à 1 000 Frs d’amende pour n’avoir pas déclaré tout le
vin. Pourquoi le garde-t-on ?
Il paraît que le
Gouverneur a dit qu’Etrœungt n’avait pas fini. Les corps des deux Allemands
tués ici, doivent être pour demain à midi dans un cercueil au cimetière. Les
conseillers ont continué leurs visites aux caves. Déjà 6 000 bouteilles à la
mairie !!
Les hommes de 18 à 48 ans
ont encore un délai de 5 jours pour se faire inscrire. Ceux qui ne le feront pas,
la commune répond d’eux, doit les faire travailler et les indiquer. Ils seront
alors immédiatement conduits en Allemagne.
On entend un peu le canon.
À la Tape-Jean, ils abattent des arbres et font des tranchées. Nous verrons
bien demain si sa Majesté viendra apporter de l’argent aux pauvres et s’ils
auront du vin.
Ils ont le culot, à
Avesnes, de dire qu’un armistice de 3 mois leur est accordé du 1er décembre au
1er mars. Les passeports ne sont plus délivrés que pour 1 jour. Comment aller à
la farine ?
À Rocquigny et environs,
tous les chevaux, petits ou grands, ont été emmenés à La Capelle. Sur 100
présents, 30 ont été pris et les autres inscrits.
À La Rouillies, doivent
être déposés à la mairie les serpes, bêches, brouettes, etc.
Au Cateau, 10 personnes
fusillées pour avoir conservé des pigeons.
À Larouillies, doivent
être déposées à la mairie les serpes, bêches, brouettes, etc. (…) »
Lire les
carnets de guerre de Lucienne >>>
ici <<<
-------------------
Temps extrêmement radouci. Corvées diverses.
Corvées diverses. Hier, bombardement de la ferme.
Écrit à Marie-Louise.
Voilà encore un mois passé sans grand changement apparent. Que Dieu daigne nous donner la paix.
De garde. Écrit à Paul.
Corvées diverses. Les Allemands envoient obus sur obus. Encore 2 enterrements aujourd’hui.
Temps doux et pluvieux.
Écrit à Marie-Thérèse.
De garde. Gelée. 3 enterrements.
Toujours même vie monotone. Corvée à merci si bien que cela finit par m’agacer et que préférerais de beaucoup retourner aux tranchées.
Écrit à Géry
Hier soir par un temps épouvantable, allons chercher des rondins au passage à niveau. Trempés comme des soupes.
Aussi ce matin suis-je de nouveau enrhumé jusqu’à la gauche.
De garde.
Pluie. Reçu lettre de Paul.
Nous rendons à Courmelois dans la pataugeoire.
De garde à Courmelois.
Bêtise humaine : relève en défilant pour entrer ensuite dans un taudis infect comme corps de garde. On n’y mettrait point coucher ses chevaux.
Neuf heures de garde par un temps froid et humide. J’attrape un nouveau rhume. Quand donc sera-t-on quitte de cette guerre. L’ennui me reprend et j’ai la nostalgie de Lucienne et des enfants.
Quand les reverrais-je ?……
Me suis bien débarbouillé à la rivière près du moulin.
Malgré moi, cette rivière et ce moulin me rappellent ceux d’Etrœungt et me voilà encore parti vers les idées noires. Quand reverrais-je ces lieux où j’ai connu le vrai et sincère amour de Lucienne et l’affection des enfants !
Écrit à Paul.
Temps toujours pluvieux et malsain. Ici on couche sur du fumier. Du linge sale traîne dans tous les coins ainsi que des débris de pain.
Retour à la ferme.
Reçu lettre de Paul et 2 cartes de M.Thérèse qui m’ont ému jusqu’aux larmes. Quel bon et grand cœur.
Reprise de corvées habituelles.
De garde.
Écrit une carte à Marie-Thérèse.
Temps toujours humide et froid. Orage et pluie diluvienne le soir.
Reçu lettre de Paul, carte de Géry et de Marie-Thérèse. Géry m’apprend que Lucienne a émigré, mais où ? C’est le grand point qui me tourmente. (*)
Que c’est triste d’être sans nouvelles d’elle et des enfants. Écrit à Mr GILBERT
(*) : Lucienne n’a pas émigré.
Pour fuir l’avance allemande, elle quitte sa maison le 29 août
avec sa famille. Elle y revient le 5 septembre. Et y constate le pillage…
Voir le récit de
Lucienne à cette date >>> ici
<<<
Gelée. Du coup froid aux pieds et nouveau rhume.
De garde. Gelée. Temps bien froid. Ne sais pas pourquoi ai le caractère plus gai aujourd’hui.
Serait-ce l’intuition que je vais bientôt avoir des nouvelles de ma chère Lucienne et de mes chers petits.
Dégel. Beau soleil.
On se tient prêts pour une attaque générale. Tous les copains écrivent chez eux. Que ne puis-je faire de même ?
Toutes mes pensées vont à Lucienne et les enfants.
Maintenant à la grâce de Dieu, que la Ste Vierge me protège.
Reçu lettre de Géry et carte de M.Thérèse
Rien de neuf, mais on reste toujours en cantonnement d’alerte.
On dit que nous avançons du côté de Reims.
Puisse cela être vrai ! Nous montons aux tranchées.
Froid aux pieds dans les tranchées, quoique mieux installés pour le jour.
Reçu lettre de Paul. Jules est à Minden en Wesphalie.
Noël.
Arrive trop tard pour la messe.
Reçu colis de Paul. Il m’a gâté. Envoyé carte à Paul.
Quittons les tranchées pour Courmelois. Reçu lettre de Madeleine et de Marie-Louise.
Repos à Courmelois, toujours à peu prés dans la même saleté.
Il gèle à pierre fendre. Néanmoins il fait bon se débarbouiller dans l’eau glacée de la rivière.
Écrit à Marie-Louise.
Marche de 10 km sous la pluie.
Écrit à Lucienne, à Madeleine et à Géry.
Reçu lettre plus qu’aimable de Mr GILBERT. Temps couvert mais sec pour la marche.
Gala le soir, vins, marrons, desserts.
Reçu un petit mot de Paul et de M.Thérèse.
Alerte à 10 h ½ et à 4 h. Marche jusque 8 h.
Retour aux tranchées.
Reçu carte de M.Thérèse. Toujours la pluie.
Dîner de gala, Champagne. . Pour moi, j’ai un rhume de cheval.
Le soir alerte et fusillade sur toute la ligne.
Reçu lettre de Paul du 18 octobre. Temps pluvieux.
Écrit à Mr GILBERT, Géry, Paul et Marie-Thérèse.
Toujours la pluie.
Ce temps-là commence à devenir agaçant. Toujours enrhumé. Retour à la ferme.
Reçu lettre de Paul. Les Anglais seraient à Bauteux près de Villers encore occupé. Repos à la ferme, il fait bon se débarbouiller malgré le froid assez vif.
Reçu lettre de Marie-Thérèse, affectueuse et réconfortante.
Écrit mairie d’Etrœungt, Henri Chantraine, Marie-Thérèse, Paul et Géry. Reçu lettre de Madeleine et de Géry.
Quand donc aurais-je un mot de ma chère Lucienne ?
Toujours la pluie.
Écrit à Madeleine.
De garde.
Le soir homme de liaison du Cdt.
Service par la pluie, mais agréable quand même.
Beau temps.
Nouvel adjudant.
Reçu carte de M-Th et répondu. Pluie.
Toujours pluie. Obus tombent sur la ferme.
Le soir, Courmelois.
Vaccination antidiphtérique. Sur le dos toute la journée.
Reçu colis de Mr GILBERT. Vraiment il m’a gâté.
Reçu lettre de Marie-Louise et de Maurice Grenez.
Vais mieux, sauf le bras ankylosé.
Encore un peu de courbature.
Revues et contre-appel divers.
Temps couvert et pluvieux.
Retour aux tranchées au poste de Cdt qui est détruit.
Reçu un petit mot d’Henri Chantraine sans grandes nouvelles. Reçu lettre de Paul et de Géry.
Écrit Mr GILBERT et Marie-Thérèse.
Toujours temps humide. Les journées passent plus vite maintenant que j’ai une occupation.
Que n’est-on six mois plus vieux ?
Reçu lettre Marie-Thérèse et Auguste Chantraine.
Les Boches font sauter le petit poste d’une Cie. Alerte générale.
Le soir, Courmelois.
Reçu lettre Géry, Paul, Marie-Thérèse.
2ème piqûre antidiphtérique.
Temps froid après la pluie.
Écrit Paul, Géry, Marie-Louise et Marie-Thérèse.
Retour aux tranchées.
Alerte à 3 heures.
Allons-nous promener à la suite du Cdt jusque 6 heures. Pieds gelés par ces temps humides.
Reçu carte de Marie-Thérèse.
Beau temps froid et sec.
Enfin s’il pouvait ne plus pleuvoir. Train-train habituel. Ennemi assez calme. Reçu chaussettes et genouillères de Mme GILBERT, faites par elle. Cela m’a fait grand plaisir.
Ce sont de vrais amis qui n’oublient pas.
Écrit Marie-Thérèse, Anna GILBERT, Paul, Géry, Maurice, A. Chantraine.
Reçu lettre de Marie-Thérèse.
Reçu lettre de Madeleine et un colis papier à lettre et tabac. Des obus tombent sur l’abri de la 1ere Cie où était mon escouade lorsque j’étais aux tranchées.
3 morts et 7 blessés.
Calme plat. Reçu lettre de Paul et Géry.
Calme plat.
Dégel. Encore le pataugeage.
Alerte la nuit.
On se fatigue dans la boue des boyaux. Toujours la paperasserie.
Envoyé carte d’attente Paul, Géry, Madeleine.
Reçu carte de Marie-Thérèse.
Toujours le dégel et la boue.
On vit sur les réserves. Le ravitaillement a été coupé par un aéro ennemi.
Reçu lettre de Marie-Louise.
Pluie.
Écrit Marie-Louise, Géry, M.Thérèse.
Reçu carte M.Thérèse.
Beau temps.
Reçu et répondu à Paul.
Reçu colis de Paul.
Pluie.
Reçu lettre de Géry.
Alerte. Gelée.
Alerte par la neige.
Courmelois dans la boue.
Pluie. Reçu lettre de Paul.
Écrit à Paul.
Pluie intermittente.
Temps maussade. Vin fin à cause du Mardi Gras.
Reçu carte de M.Thérèse et de Marius Cossart.
Retour aux tranchées.
Installation dans le nouveau gourbi.
Pluie.
Froid et humide. Envoyé carte à Marius. M.Th. Géry, Marie-Louise, Paul.
Reçu lettres Marie-Louise – Marie-Thérèse.
Toujours la pluie. Travaillons au gourbi, mais le Cdt est embêtant avec les alertes.
Reçu lettre de Paul.
Beau temps. Mais qu’il fait humide dans notre gourbi.
Reçu carte de Géry et Maurice Grenez.
Brouillard.
Reçu carte A. Chantraine.
Temps humide. Brouillard.
Je m’enrhume pour la n éme fois.
Beau temps.
Écrit à Marie-Louise.
Temps froid.
Écrit à Marie-Thérèse.
Reçu carte Géry et Marie-Thérèse.
Relève pour Courmelois.
Reçu carte M.Thérèse.
Nettoyage complet. Reçu colis de Paul.
Violente canonnade dans la nuit du côté des Marquises.
Belle journée. Travaux de couture.
Revues diverses.
Retour aux tranchées.
Reçu lettre de Mr GILBERT.
En notre absence la ferme a été bombardée. Elle est maintenant évacuée. Une patrouille allemande est descendue dans la tranchée et a tué plusieurs hommes.
Reçu lettre Madeleine et Paul.
Écrit à Mr GILBERT.
Ennemi est calme. Temps pluvieux. Écrit Madeleine.
Carte d’attente Géry et Marie-Thérèse.
Temps pluvieux. Violente canonnade. Reçu carte de Géry.
Neige. Temps froid.
Corvée pour aller manger aux cuisines qui sont maintenant dans les tranchées.
Écrit à Marie-Thérèse et à Géry.
Gelée. Temps de givre. Neige.
Reçu lettre de Marie-Louise.
On fait des gourbis sous-terrains près de la ferme pour évacuer celle-ci qui est constamment bombardée.
Depuis hier matin, on entend une violente canonnade dans le lointain, sans presque d’interruption. Puissions-nous avoir la victoire.
Gelée. Temps à la neige. Toujours froid aux pieds.
Sur le soir dégel. On recommence à patauger dans les boyaux.
Ennemi est calme.
Reçu lettre Marie-Thérèse et Melle GILBERT. Temps doux aujourd’hui. Mais ce que les boyaux sont sales.
Écrit Melle GILBERT et carte à Marie-Thérèse.
Beau temps.
Arrosage des tranchées d’obus boches qui ne font pas grands dégâts.
Écrit à Paul. Alertes toute la nuit.
Dirigeables allemands.
Beau temps, quoique un peu couvert.
Reçu lettre de Paul. Beau temps. Calme.
Reçu lettre de Géry. Temps couvert. Relevé pour Courmelois.
Beau temps.
Reçu colis Anna GILBERT. Cigarettes.
Écrit à 2 petites de Brive.
Reçu télégramme de Mr GILBERT qui me met l’âme en joie. Enfin je vais avoir des nouvelles de ma chère Lucienne.
Vivement 2 jours plus vieux que je reçoive la lettre annoncée.
Beau temps qui me semble d’autant plus gai que j’ai du soleil dans l’âme.
L’espérance y renaît.
Il fallait une belle journée de printemps comme aujourd’hui pour que tout soit en harmonie. On se surprend à fredonner de gaies ritournelles.
Enfin le soir est arrivé et avec lui une lettre de Mr GILBERT, d’une religieuse et une petite carte de ma chère Lucienne.
Quelle joie débordante en tout mon être !
Oh ! Ma chérie, combien je t’aime et je te remercie d’avoir pu arriver à me donner ainsi de tes nouvelles. Que ne puis-je faire de même ? Tu dois être bien anxieuse sur mon sort. Je vais essayer de mon côté de te faire parvenir quelques mots. Puisse la bonne Vierge de Lourdes favoriser mon dessein.
Reçu lettre de Marie-Thérèse.
Que Saint-Joseph me protège moi et les miens ! Beau temps mais l’air est vif.
Envoyé carte Lucienne à Marie-Thérèse.
Beau temps. Écrit à Mr GILBERT.
Écrit Me Ev. Cluet, chez Me Ve Kock, avenue d’Espagne, Narbonne, Aude.
Reçu lettre de Géry. Branle-bas de combat.
Pluie.
Envoyé carte à Paul, Marie-Louise, M-Thérèse et Géry.
Partons ce soir pour une destination inconnue. Temps couvert et pluvieux. Hier soir, relevé.
Route jusque Sept-Saulx (Marne) par temps couvert.
Arrivée à 9 heures du matin. Lever à 6 heures.
Pluie. Tout est consigné.
Reçu lettre de Marie-Louise.
Arrivée à St Hilaire à 5 heures du matin. Beau temps.
Départ à 10 heures.
Arrivée à Sarry (Marne) à 5 heures du matin. Mauvais cantonnement.
De Sarry à Vitry-le-François (Marne).
Beau temps. Mal nourris.
Reçu carte de Géry.
Repos à Vitry-le-François.
De Vitry à Trondes (Meurthe et Moselle)
Trondes dans la Meurthe et Moselle à Manincourt à 17 k de Toul (Meurthe et Moselle).
Repos à Martincourt. (Meurthe et Moselle)
Gézoncourt (Meurthe et Moselle) à 20 k de Metz.
Repos.
Assiste Grand-Messe. Pluie.
Canonnade n’arrête pas au loin.
Cantonné dans les bois ; Baraque. Violent canon.
Reçu carte Géry, Marie-Thérèse et Lucie.
La page suivante du carnet est vierge avec simplement ces noms :
Manonville, Les Éparges
Le 7 avril Adolphe COUROUBLE passe caporal-fourrier. On peut le lire sur sa fiche matricule >>> ici <<<
Repos à Sommedieue (Meuse).
Écrit à Géry, Madeleine.
Repos - écrit à Marie-Louise, Mr GILBERT, Marie-Thérèse.
Orage diluvien.
Repos. Temps orageux et chaud.
Reçu lettre de M. GILBERT.
Écrit à Paul.
Retour aux tranchées dans le bois de St Rémy.
Repos à Sommedieue
Repos.
Visite à Géry près de la ferme d’Amblonville.
À cette date est prise la photo du début de
cette page
Nous causons longuement et cela réconforte un peu mon frangin.
Tranchées. 1 jour repos à Sommedieu.
Carte du 25 mai 1915
Débarqués hier à Toul (Meurthe et Moselle), avons repos aujourd’hui à Gondreville (M. et M.)
Repos à Gondreville (M et M)...
Lay St Rémy (M et M).. Repos.
Reçu lettre Paul, Géry, M.GILBERT, M. Favre, Marie-Thérèse, Francesca.
Repos Lay St Rémy.
Écrit à Géry.
Embarquement pour Paris et Amiens (Somme)
Débarquement. Amiens. Marche 17 k sur Doullens. Cantonnés à Nahours (Somme).
Repos à Nahours. Écrit à Paul.
Écrit à Géry.
Écrit à Marie-Thérèse.
Reçu lettre de Géry avec un mot de Lucienne qui a passé par les Fabre.
Chère petite que ne puis-je en faire autant et t’apporter le mot qui console et qui guérit des inquiétudes.
Écrit à M Fabre. Reçu lettre Paul, Madeleine, Marie-Louise, Marie-Thérèse.
Reçu lettre Jeanne et Madeleine
Reçu lettre Lucie et Marie-Thérèse.
Reçu lettre Paul.
Écrit Madeleine, Jeanne et Lucie Courouble, et Marie-Louise.
Reçu lettre de Géry.
Toujours le brouillard. Reçu carte Géry et lettre de M Fabre, 20 rue de Chartres.
Reçu lettre Melle Favier.
Toujours la pluie. Reçu lettre de Paul et photographie de Marie-Louise et ses enfants.
Reçu lettre Marie-Louise, Paul.
Écrit Paul.
Reçu lettre André Guinet.
Reçu lettre Marie-Louise. Temps très chaud et lourd.
On est toujours au repos. Dans une période de permissions. En aurais-je une ?
Je le souhaite vivement. Cela ferait du bien d’aller respirer l’air de famille.
Temps couvert et refroidi. Reçu lettre de Madeleine me demandant de la recommander près les Fabre et Ribot afin qu’elle puisse entrer au ministère des finances.
Écrit Marie-Thérèse, Géry, Madeleine, Monsieur Fabre.
Reçu lettre Paul, Marie-Louise.
Reçu lettre Marie-Thérèse.
Reçu lettre toujours très aimable de Mr GILBERT., ce jour
Beau temps.
Très occupé au Bureau.
Écrit à M GILBERT. Reçu carte Géry.
Reçu lettre M Fabre.
Reçu de Marie-Louise la photographie de Lucienne. Combien cela m’a fait plaisir. Il m’est doux de contempler ces traits aimés.
Quand donc pourrais-je les voir en réalité et déposer de doux baisers sur ce beau front !
Reçu lettre Madeleine et Paul.
Reçu lettre et photographie de Marie-Thérèse.
Reçu lettre de Géry.
Temps pluvieux. Très occupé au bureau, le chef étant parti en permission.
Écrit à Géry.
Alerte le soir.
Voyage en auto de 4 h du matin à 8 h pour arriver à Bonnières ; Pas-de-Calais.
Cantonnement d’alerte.
Écrit à Paul.
Reçu lettre de Paul.
Toujours la pluie.
Voyage en auto de Bonnières à Duisans (PdC).
Cantonnement dans un village déserté. Reçu lettre de Géry
Route de Duisans à Noyellette (P.d.C)
Reçu lettre de Madeleine.
Cantonnés dans une grange ouverte à tous les vents par un temps froid. On se croirait plutôt au mois d’octobre. Reçu lettre de Paul.
Reçu lettre M GILBERT.
Reçu lettre Paul.
Retour aux tranchées. Neuville-St-Vaast.
Écrit à Géry. Reçu carte Géry. Écrit Paul.
Depuis 2 jours bombardement presque continu.
Pluie et obus à volonté.
Écrit une carte à tous.
Adolphe aurait passé 15 jours chez les FABRE, d’après les écrits de Lucienne du 25 octobre 1915.
« Bonnes nouvelles
d’Adolphe :
« A passé 6 jours
chez Fabre au 15 septembre, a reçu portraits des enfants. »
Si Adolphe serait parti en permission jusqu’au 15 septembre,
pendant 6 jours, cela expliquerait, en partie,
que les écrits s’arrêtent le 9 août et ne reprendrons jamais
Il aura vu ses enfants sur une photo une dernière fois.
Fin du carnet
Le 25 septembre est déclenchée une attaque générale en Artois, la division d’infanterie d’Adolphe en fait partie.
Il disparaît le 25 septembre 1915 à Neuville St Vaast.
Il est du nombre des 135 disparus du régiment (JMO)
Disparu, comme l’indique sa fiche matriculaire :
Ré-inhumé le 12 mai 1919 au cimetière militaire de Nine Elms, commune de Thélus.
Je
désire contacter le propriétaire
Lire les carnets de
guerre de sa femme, Lucienne COUROUBLE
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témoignages de guerre 14/18