Carnets écrits pendant la guerre de 1914–1918 par Joseph Duchêne

Sergent au 230e RI

Mise à jour : juin 2017

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Préambule

 

Carnets écrits pendant la guerre de 1914–1918 par Joseph Duchêne (Joseph, Marie, Jean-Baptiste), né le 22 avril 1876 à Massingy, Haute-Savoie.

Après une Licence de lettres obtenue à l’université de Grenoble en 1898, il partira en Pologne (Empire de Russie) en décembre 1902, pour y travailler comme professeur au Lycée de Kielce.

Il rencontre Marie Makarow, qu’il épouse en 1905. Ils ont deux fils nés à Kielce, Georges en 1906 et André en 1908.

Mobilisé, il quitte Varsovie en août 1914. (Voir sa fiche de mobilisation). Il rejoint la France par Odessa-Constantinople-Marseille. Il arrive enfin au 230è RI à Annecy puis part pour le front de Meurthe-et-Moselle en octobre 1914.

En 1916 il devient «officier- interprète » auprès des brigades des troupes Russes en France en Champagne, puis effectue des missions toujours en tant qu’interprète. Sa femme Marie, restée à Kielce au début de la guerre, vient en France en juillet 1915 après la mort de sa mère.

 

Après la guerre Joseph Duchêne travaille en France comme directeur de l'Office du Commerce Extérieur pour la Russie et les Pays Limitrophes puis en Pologne comme délégué du Groupement des Industriels Français en Pologne, où il décède en mars 1932. Chevalier de la légion d'honneur en 1924.

Ses fils se sont établis en France. Georges a épousé Marinette Viollet et André a épousé Tania Juchnowski.

 

Merci à Aline.

et

Merci à Philippe S. pour les corrections après mise en ligne.

 

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Marie, Joseph et les enfants Georges et André vers 1910.

 

 

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1e carnet, début des écrits : octobre 1914

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« Celui qui trouverait ce carnet est prié de le remettre ou de le faire parvenir au sergent Duchêne, 230e RI »

 

11 octobre 1914

Départ d'Annecy 13h45.

Notre détachement compte 24 sergents, 16 caporaux, 2 cyclistes, 1 sergent-major et 4 officiers. Avec nous, partent des détachements pour la 30e et pour le 11e chasseur.

Rumilly : Pétrus Déplante et Rougelet.

Albens : Dr Bouvier et sa femme, jusqu'à Aix.

Ambérieu: Arrêt. Blessés à l'ambulance, vieille dame à cheveux blancs soigne parties d'un blessé.

Lyon Guillotière : 9H1/2 soir, coucher dans une école.

12 oct.

Trouvé CIBAUD qui me présente au commandant Roubertie, dont le fils est capitaine au 230e (blessé au 23e chasseurs) (*)

Départ de Lyon à 3h 1/2 - Vesoul, Gray, Épinal, Mirecourt- Jarville.

 

(*) : Jean ROUBERTIE, était lieutenant au 23e chasseurs quand il fût blessé. Après guérison, il passe comme capitaine au 230e RI, le 10 octobre 1914.

13 oct.

Cantonnement à Jarville, faubourg de Nancy... Promenade à Nancy avec les sous-lieutenants FAVRE et PIERRET.

La gare a reçu, ce matin, 3 bombes d'aéro.

A Jarville on entend le canon au loin, vers St-Mihiel.

Je loue une chambre mansardée avec une chaise boiteuse. Les autres couchent dans la gare à l'Usine Kuhn et Cie.

Mercredi 14 oct.

Jarville.

Départ à 8h50 pour Saint-Nicolas (Franconville) par le train. - À pied de Saint Nicolas à Blainville (*) par Dombasle, Crévic : Gr halte 222 è - Aéroplane-

Tout est détruit par les obus et incendies, la mairie respectée. (**)

Ici un régiment du Midi (français) s'est rendu sans combat.

Sur la route le long du canal, trous d'obus, bombes, tranchées, emplacements de batteries. Maixe détruit.

Encore le 222è, toujours des tranchées ; des équipes travaillent.

 

Arrivée vers 3 h à Einville, où réside le Lieutenant-colonel Orsat du 230e.

Vu Célestin Déplante.

Je demande à passer au 2e bataillon qui est à Valhey, parce qu’à la 5e Cie je dois trouver JORIS, justement dans la Cie du Cap. Roubertie.

 

Vers 3h ½, départ pour Valhey (3km) avec les sous-lieutenants PIERRET et FAVRE, 14 s/offs. et 8 caps. J'ai bien mal aux talons.

Arrivée, présentation au commandant Girardin, qui me place à la 5e. Comme elle est aux tranchées, nous ne les rejoindrons que demain; ce soir, on subsiste à la 6e.

Je trouve une chambre. Dîner.

 

Coucher à 9h.

De temps en temps le canon tonne au loin pour nous rappeler que nous ne sommes pas en manœuvre. Je soigne mes pieds écorchés et, en me déshabillant, je me suis aperçu que ma capote, mon gilet, ma chemise, ma flanelle sont mouillés, mes cartes postales dans la poche de ma capote, sont mouillées.

 

(*) : Ne trouvant pas Blainville (autre que Blainville-sur-l’Eau 15km plus au sud et pas sur ce chemin), Philippe, un internaute, est allé sur les cartes d’État-major de 1866 et ai trouvé Blainville-la-Petite qui s’appelle maintenant Bienville-la-Petite ! (Le changement de nom serait donc ultérieur à la grande guerre). Voir ici

(**) : « Respectée » : mot dont la graphie n'est pas certaine.

Jeudi 15 oct.

Mes pieds cuisent.

2e application de baume Ossola (*). Je mets mes souliers de toile et je décide de rester au cantonnement.

Temps gris.

Coups de canons dans le lointain, très rares. Les habitants vont à leurs travaux dans les champs, les enfants conduisent les vaches au pâturage accompagnés d’un soldat armé, chargé de les surveiller pour qu’ils ne fassent pas de signaux à l’ennemi. Passent des piquets de cavalerie accompagnant un officier en reconnaissance; des artilleurs (le soir, 4 pièces de 75).

Notre section de mitrailleurs part avec son télémètre et sa mitrailleuse. Les compagnies partent faire des tranchées et autres travaux.

 

À deux heures, C. Déplante arrive à cheval avec son convoi de ravitaillement. Je monte avec un des fourgons jusqu’à Bathelémont.

Le capitaine Roubertie, malade est à Valhey, je suis allé le voir à sa chambre et lui remettre le paquet envoyé par son père.

Les Allemands ont bombardé et incendié 5 maisons d’Arracourt.

À Bethelémont, je retrouve le domestique du fermier, Charles, qui me dit que l’autre domestique, José, a été tué au 30è.

Je ne trouve pas JORIS qui est aux tranchées.

 

(*) : « ossala » : mot dont la graphie n'est pas certaine.

Vendredi 16 oct.

Lever tard, vers 8h1/2, ma compagnie, la 5e descend à Valhey. Ils ne savent pas où installer la popote des officiers.

On mange sans table, vers midi, de la soupe et des côtelettes de cochons.

Il n’y a pas de chef de popote.

Vu A. JORIS (*) vers 9h 1/2. Il est frais et rose.

 

(*) : Antoine Marie JORIS, né à Faverges, sous-lieutenant au 230e R.I

Samedi 17 oct.

Rien.

Vers le soir passent des voitures venant d’Arracourt où les Prussiens ont brûlé 7 maisons.

Femmes en pleurs, mobilier, paquets, enfants.

Dimanche 18 oct.

Rien - à 3h, revue de la Cie (*) en tenue de campagne par le capitaine Roubertie. Je la passe aussi.

 

(*) : Cie = Compagnie

Lundi 19

Je vais travailler aux tranchées ; nous faisons une nouvelle tranchée-abri en arrière de la crête et boyau de communication.

Mardi 20

Travail aux tranchées des mitrailleurs - Alerte - simple exercice.

Mercredi 21

Matin aux tranchées.

Comme je suis de jour, je reste au cantonnement.

Pendant le repas (à la cure, où j’ai réparé la pendule) on nous annonce que tout le monde va partir à midi et demi. Nous nous préparons.

 

À une heure, tout le bataillon part pour Bethelémont.

La 5e (1er peloton) va occuper un promontoire qui s’avance sur Bures. C’est la cote 322.

Le lieutenant GEPS (*) envoie une patrouille en avant, forte d’une escouade. Les 2e et 3e escouades en tirailleurs derrière. La 4e en réserve; la 2e section avec le capitaine sur notre droite. Nous occupons la crête sans rencontrer personne. Nous voyons les tranchées françaises, vieilles de deux mois et les tranchées allemandes, où restent des culots de cartouches des chargeurs. Trous d'obus allemands.

Je parcours les petits postes et la ligne de sentinelles avec le lieutenant GEPS. À la lorgnette, nous voyons, à gauche de Bures, deux sentinelles alldes (**) et un petit poste qui se replie vers Bures.

À droite du village sous un pommier une sentinelle.

Le sergent LUGRIN organise un abri.

On nous apporte de la soupe froide, du macaroni au fromage froid, de la viande rôtie et du café froid. Repas aux étoiles; on voit une belle comète. Jupiter éclaire; les étoiles brillent d'un bel éclat.

Le canon tonne vers St-Dié et vers Nancy; il tonne aussi à 10 ou 15 Km.

Dans la direction de Nancy jusqu'à la nuit. Dans le lointain on tire toute la nuit.

Chez nous, le calme. Un coup de feu, puis plus rien.

 

Vers 3h, nouveau coup de feu puis plus rien <sur des poulains.> (***)

Je dors paisiblement; un peu froid aux pieds. Un brouillard nous couvre d'eau. Les fusils rouillés, mouillés.

Le brouillard nous permet de travailler aux tranchées. Je me réchauffe en maniant la pelle.

On apporte le café au lait.

 

(*) : Le lieutenant GEBS commande la 17e compagnie au 5e bataillon.

(**) : Sentinelles allemandes.

(***) : « Sur les poulains » : mots dont la graphie n'est pas certaine.

Jeudi 22 octobre

Le brouillard se lève vers 9 heures. Nous nous immobilisons dans les tranchées. Le soleil vient nous réchauffer.

On apporte le déjeuner. Bon repas de chasseur, café, cigare.

Je me couche sur la paille dans l'abri et lis un roman-feuilleton. Immobilité jusqu'à trois heures.

Je sors de la tranchée et je vois arriver en arrière une patrouille de cavalerie. Le maréchal des Logis me dit qu'il va se poster vers la ferme qui est à côté de Bures et me demande de faire un feu s'il est attaqué. Ils descendent à droite, s'avancent.

Au loin, une patrouille allemande s'avance, à un coup de revolver du margis (*), les cavaliers rebroussent et une patrouille de notre 1er bataillon s'avance, puis tout rentre. Rien jusqu'au soir.

 

On nous relève vers le soir.

Nous rentrons manger la soupe à Bethelémont. Aussitôt, coucher dans la paille, au-dessus de notre popote. Nous avons des matelas, oreillers pris à la ferme de la Fourasse.

On annonce une victoire Russe sur la Vistule.

 

(*) : Maréchal-des-Logis

Vendredi 23 octobre

Repos, nettoyage. Le 2e peloton monte aux avant-postes. Le capitaine Roubertie vérifie l’ordinaire.

Travail aux tranchées.

Samedi

Tranchées.

Dimanche 25 octobre

Reçu lettre de Marie (*), du 23 septembre.

 

Matin Tranchées.

25 octobre soir. Nous montons (le 1er peloton) aux avant-postes à la Corne du Bois en arrière de la cote 322, avec vue et postes sur Arracourt à gauche, Juvincourt, Réchicourt et Dieuze.

La grand'garde est installée dans les baraques en branchages, près du poste téléphonique où couche l'officier du peloton (lieutenant GEPS). Je suis de piquet avec une escouade, la 2e, du caporal Châtelet (ingénieur au Havre, grand voyageur au Mexique, en Silésie, en Franconie.).

Je fais une ronde; il fait tiède, les nuages courent sur la lune dans les futaies. Je mets mon passe-montagne, mon jersey et ma ceinture de flanelle et je me couche sur la paille dans un abri.

Tout à coup je vois une lampe électrique à 20 pas devant moi. Je crie :

 

« C'est vous mon Lieutenant? Qu'y a-t-il ? »

« Oui c'est moi »

Répond une voix.

« Où est le lieutenant GEPS ? »

 

C'est le capitaine ! Derrière lui, toute la compagnie, qui vient prendre les avant-postes. On les fait coucher sur deux rangs, sous la pluie qui continue de tomber. Tout le bataillon est là !

 

L'artillerie arrive, on entend le battement des essieux; On m'envoie faire une patrouille avec deux hommes aux avant-postes de la 2e section. Je ne connais pas les lieux ni l'emplacement des postes. Je mets 20 minutes pour arriver à LUGRIN (sergent) qui me conduit jusqu'au col; je rentre à la grand'garde et j'essaie d'arriver au poste de DESAIX (sergent) vers Arracourt.

Je m'enfonce dans la boue, je me perds dans le bois, mais ne peux arriver. Je rentre.

La pluie commence.

Le 2e peloton est toujours couché sur deux rangs dans le bois; ronflements.

Je me couche. La ronde de 2 h du matin sous la pluie est faite par le sergent Pillet.

 

(*) : Marie Makarov sa femme et ses fils Georges et André sont à Kielce en Pologne (Russie)

Lundi 26 octobre

À 4 h, je vais réveiller les officiers. Il fait si noir que je ne peux trouver la cabane. Je fais prendre un tison et je me trouve adossé à la cabine. «Dormir jusqu'au jour ! »

Je vois bientôt arriver des régiments en colonne par 4, précédés d'éclaireurs - de la cavalerie et le peloton cycliste.

La division va faire une reconnaissance vers la forêt de Parroy à droite et vers Réchicourt de l'autre.

Nos 75 commencent à arroser le terrain (une batterie) puis les patrouilles, les lignes de tirailleurs avancent; devant moi, le 36e colonial, les 299 et 223e avancent.

Nos canons se taisent; les 77 Allemands commencent le feu sur nos lignes; vers Arracourt, à 4 ou 500 mètres de nos tranchées. Aussitôt repérés par nos batteries, ils se taisent et ne prennent plus part à l'action.

Bientôt le feu des fusils commence, augmente, notre mitrailleuse aussi s'en mêle; les 75 arrosent les tranchées ennemies, l’entrée des villages, les pentes boisées.

Je déjeune de soupe et d'un excellent bifteck, pendant que les maisons sautent et s'enflamment. Au loin, de la droite, une batterie des nôtres s'est avancée et dévaste la plaine.

 

Le soir, on annonce qu'il y a 350 prisonniers allemands. Ils produisent l'impression, ces prisonniers, d'être heureux de ce qui leur arrive.

On dit qu'une Cie (*) s'est rendu après avoir fusillé son capitaine.

En rentrant le soir au cantonnement nous voyons, les fusils et équipements des prisonniers.

Les nouvelles de Russie sont bonnes.

 

(*) : Cie : Compagnie

Mardi 27 octobre

8 h aux tranchées.

Nous allons faire un abri pouvant résister aux obus percutants. Tranchée, madriers de chêne, etc. …

Bonnes nouvelles du front russe.

Mercredi 28

Tranchée, abri.

Pluie toute la nuit.

Jeudi 29

Matin, tranchées – Soir, pluie.

Mon peloton monte aux avant-postes à la cote 322, devant Bures; qui parait-il est maintenant occupé par nous.

On raconte que le 333e régiment a une équipe de patrouilleurs volontaires, Apaches parisiens, qui reçoit 25 fr par prisonnier.

Ils marchent sans équipement, avec cartouches dans la poche.

Hier soir, l'un d'eux, vers le parc d'Arracourt, s'est heurté à une sentinelle allemande; celui-ci effrayé s'est enfui en hurlant.

 

La pluie a cessé.

Je suis envoyé en extrême pointe à la gauche de Bures, à la corne d'un autre bois qui descend vers Arracourt, avec sentinelles à l'extrême point, plus haut à droite.

Je place mon petit poste dans un abri avec toit en planches recouvert de papier bitumé, mais sans parois, plancher de terre détrempée, sentinelles de nuit.

On apporte du café; je vais mettre un jersey et une ceinture de flanelle à la grand'garde en passant par les autres cités troglodytes de VUILLET et MUFFAT. Je laisse mon sac à la grand'garde chez JOLLIVET et je vais avec lui à la ferme de la Fourasse en passant par la grande carrière et les baraques en paille de DESAIX.

 

À la ferme, la 4e se chauffe à un grand feu, les veinards, ils ont du feu, un toit, des planches pour s'asseoir devant la grande cheminée. Les cuisiniers qui m'ont suivi remportent chacun deux marmites d'eau, nous rentrons.

 

Je passe voir le lieutenant, bien abrité avec une bâche pour porte.

Je passe chez MUFFAT, j'entre dans son souterrain et nous causons de la guerre, de l’Allemagne, de Guillaume ; du service fait aux avant-postes par les officiers, par les sous-officiers et soldats.

En sortant de sa tranchée, je me perds complètement, une sentinelle m'arrête. Je rentre comme je peux.

Je me couche une heure, sur deux morceaux de planche et quelques touffes de genêts. J'ai un fort rhume de cerveau aussi je ne peux dormir. Je me relève, visite mes sentinelles et me recouche sans dormir.

 

Le soir, la canonnade de nos grosses pièces a été violente sur la forêt de Besange (*), voisine. Le tir semble réglé par des fusées.

Vers le nord-est, on voit des lueurs dans le ciel. La canonnade vers Nancy (plus loin) toute la nuit sans interruption. Quelques coups de fusil. La lune se montre parfois dans la brume, puis disparaît.

Vers le matin obscurité absolue.

 

(*) : Bezange de nos jours

Vendredi 30 octobre

Lueur blafarde - puis plus à gauche, aube rouge sanglante, entourée de nuages lourds et sombres, puis tout s’efface dans le ciel tandis que tout devient visible sur terre.

À 5h 1/4, je réveille mon caporal et je l'envoie avec cinq hommes à la pointe à occuper. On apporte le café.

Je pars en excursion vers Bures et remonte vers le poste du lieutenant. LUGRIN me montre notre porteur de café au lait qui arrive de Bethelémont. Nous allons réchauffer le café dans la carrière, puis buvons un quart. Si peu !

Je conduis l'homme, en avant des lignes, par le petit col, vers les sergents VUILLET et MUFFAT. Nous voyons un peloton de Dragons arrière en reconnaissance vers Bures.

 

(J'ai écrit au crayon dans un trou d'artilleur, sur une botte de d'avoine, tantôt écrivant, tantôt observant à la jumelle, de la crête avancée de la cote 322 sur Bures – Interrompu pour aller en reconnaissance à Bures.)

 

Comme nous traversons le plateau entre le col et le petit-bois où est mon poste, Pan, un obus. Je crois que c'est sur la cavalerie en bas. Elle avait déjà dû se replier vers Bures sous la fusillade des tranchées allemandes.

Tranquillement, nous continuons. Le deuxième et troisième obus viennent éclater sur notre droite, les shrapnells grattent le sol près de nous. Au pas de gymnastique nous gagnons la tranchée du petit-bois et le 4e coup éclate au-dessus de nous, trop long pour nous atteindre.

Cela dure 10 minutes environ.

 

Je les passe dans le bois; pour me donner une contenance, j'allume une cigarette, appuyé contre un sapin.

C'est fini; je rentre à mon poste.

Mes sentinelles avancées ont eu peur et se sont repliées sur le petit poste. Avec VUILLET, nous les renvoyons en avant.

 

Vers 10h, soupe, bifteck, riz chaud. Je vais faire un tour à la grand'garde, pour prendre la jumelle du lieutenant GEPS.

Je reçois trois lettres (CIBAUD, JORIS, CHABERT) et je vais me poster pour observer à la lorgnette, lire mes lettres et écrire, à la pointe extrême sur Bures, dans un trou où la sentinelle m'apporte une botte d'avoine. On voit une tranchée, à gauche avec une section allemande (avec un uniforme sombre et non gris) qui doit travailler.

 

Vers deux heures, le froid me fait partir.

Je me dirige vers le col de droite; la sentinelle m'apprend que le lieutenant GEPS m'a cherché pour aller en reconnaissance à Bures, il est parti.

Je pars au pas de gymnastique et rejoins la patrouille de 10 hommes dans le village; en allant je vois un obus allemand non éclaté, je fais lever un lièvre roux et je trouve une blague pleine de gros tabac.

 

À Bures, j'achète une demi livre de beurre pour 20 sous; les femmes nous apprennent que les Allemands faits prisonniers ont bien eu 10 minutes pour se sauver et ne l'ont pas fait; que les Prussiens avaient toujours un observateur dans le clocher.

Nous revenons en arrière; je porte mon beurre dans une cartouchière française que LUGRIN a trouvée à Bures; il porte un chou. Tout à coup un obus éclate, sur la droite. La canonnade commence.

Nous continuons à avancer vers St Pancrace et La Fourasse.

 

Arrêt au petit poste vers les huttes de paille, en bas des carrières. Plus d'obus; nous remontons vers la grand'garde. Nous mangeons une tartine de beurre avec LUGRIN, GEPS et le petit sous-lieutenant FAVRE en font autant, sous la grande bâche verte. Je remonte mon sac.

Bon ! Voilà les obus qui recommencent.

Nous rentrons dans la tranchée-abri et comme les obus vont vers la droite, nous les regardons exploser ou percuter dans le col d'Arracourt. Le petit poste du col, occupé par la 6e Cie est visé et touché plusieurs fois. Enfin, c'est fini!

Personne ne bouge encore. La nuit vient. La relève arrive.

 

Je suis chargé d'aller relever les postes sur le plateau. J'y vais, mais intérieurement, je suis persuadé que les Allemands vont nous bombarder pendant la relève. Nous nous défilons sur les pentes, nous arrivons, nous relevons...

Tout se passe dans le calme.

Je trouve mon petit poste intact, pas de blessés, mais un percutant a failli toucher le toit de l’abri et a troué la terre à 12 pas en arrière. Beaucoup d’obus ont arrosé le bois. En somme, il n'y a eu que 4 blessés à la 6e :

Un caporal très gravement; le sergent Dufour (*), arrivé avec moi, a eu la jambe traversée par une balle de shrapnell, l'artère et l'os sont intacts; les deux autres, blessures légères.

 

Je ramène la 1e section vers la grand'garde et je les laisse partir pour aller rendre compte au lieutenant PIERRET de la 8e et prendre mon bidon oublié. Je dois rentrer seul à Bethelémont; je retombe sur le chemin après avoir repassé une colline sur laquelle je fais lever trois lièvres dans les avoines et les blés non fauchés. Je rencontre les brancardiers qui vont chercher le deuxième blessé, le sergent.

Comme il fait bon se retrouver au logis, pourtant si sale et si étroit de la popote !

Comme il fait bon dormir sur la paille où ont dormi les Allemands, pleine de poussière - mais où il fait chaud et où l'on se sent à l'abri.

 

(*) : Le JMO indique les noms : Caporal TESSIER Hector, Sergent DUFFOURD Charles, soldats MONTMASSON François et TUPIN Petit.

Le caporal TESSIER Hector Pierre est décédé suite de ses blessures. Déclaré Mort pour la France le 6 novembre 1914 à l’hôpital N°102 à Lunéville (54). Il était né à Dingy-Saint-Clair (74), le 27 novembre 1884. Pas de sépulture militaire connue.

Samedi 31 octobre

Le matin repos.

 

Le soir nous allons continuer notre abri contre le tir de l'artillerie. En allant conduire une demi-section à la grand'garde pour y porter des piquets (pour réseaux fil de fer) je trouve un culot d'obus de 72.

Novembre 1914

Dimanche matin, 1er novembre

Toussaint.

Temps radieux. Je suis de jour. Je vais prendre les ordres du capitaine à 5h ½ : repos dans le cantonnement; revue en tenue de campagne à 10h (Le 2e peloton est aux avant-postes).

 

Vers 9h les deux pièces de 90 du sous-lieutenant Félix commencent le feu sur la tranchée que nous avons observée sur la côte 300, ouest de Coincourt.

 

À midi, il reprend la canonnade. Les grosses pièces de la patte d'oie (au-dessus de Valhey) tirent aussi quelques coups.

Nous faisons une manille au bureau. Dunand, Lathuile, MUFFAT et moi. Une bouteille de Mercurey.

 

À 4 h, le capitaine m'annonce que je remplacerai le fourrier Guichonnet à la liaison. Cela me dispense des avant-postes tous les 4 jours. Je dois rester toute la journée au bureau du chef de Bataillon pour attendre les ordres, les copier et les transmettre à ma Cie.

Je m'installe aussitôt avec tout mon bagage au bureau où je dormirai désormais. À côté de nous, le poste téléphonique reliant Bethelémont avec l'État-major à Bauzemont, avec nos avant-postes de Bénamont de 32, de la Fourasse et les avant-postes voisins d'Hénaménil, de Serres etc.

Lundi 2 novembre

Nouvelle canonnade – Dans la nuit, les chasseurs d'Hénaménil ont dû faire une reconnaissance sur Coincourt.

 

Ce soir, notre 6e Cie devra aller à Arracourt et Réchicourt. Dans la journée nos canons font sauter la tranchée avant de Bures. Je vois Célestin Déplante.

Notre (mon) 1er peloton monte aux avant-postes, sans moi.

Il fait un temps chaud et clair, avec averses comme en avril.

3 nov.

Rien

Mercredi 4 novembre.

Le 27e peloton monte aux avant-postes avec JORIS. Le temps est assez beau. La nuit est tranquille.

Vers le matin, brouillard.

Jeudi 5 nov.

Je suis à la liaison au bureau du Ct.

Vers 8h, les téléphonistes nous disent que la 5e Cie au bois de Bénamont vient de crier aux armes. Le Ct m'envoie chercher ma Cie. Les balles sifflent autour du village; sur la crête, vive fusillade. En allant chercher la 1e section, j’entends les balles siffler au-dessus de moi, dans la combe, à mes oreilles ça fait Zinnc ou floc

 

Je reviens m'équiper, monter mon sac. Les compagnies partent occuper les positions. Le commandant m'envoie porter l'ordre à la 5e Cie de se porter à Bénamont, <trouver> (*) le premier peloton pour renforcer son 2e peloton aux avant-postes.

J'y cours sous la même petite musique. La fusillade continue sur les crêtes.

 

À 9h 1/2, la 5e envoie dire qu'elle n'a plus de munitions. Je fais partir les 2 mulets à munitions de la 5e.

Les 2 pièces de 90 du Lt. Félix, s'installent derrière notre maison, qu'ils ébranlent à chaque décharge. Je vais les voir tirer.

Une autre section de 2 pièces de 90 se porte vers la Fourasse (les pièces de Félix avaient d'abord été abandonnées par lui dans le col sous Bénamont).

Pendant que je regarde tirer les pièces, un obus allemand arrive à 15 mètres de moi, dans le jardin de notre maison et éclate à côté de Boisier, l'homme de liaison de la 8e Cie, à 5 mètres de lui sans lui faire de mal. Puis les obus s'en vont vers le bas du village, enfonçant un toit, un mur et l'un éclate au milieu des cuisiniers de la 7e sans les toucher. Dans toute la journée, pas un de nos hommes n'a été touché par un obus.

 

Vers 2h quelques obus sur le village. 2 aéros français passent à plus deux mille mètres au-dessus de nous. Tableau du village animé qui meurt tout à coup.

Tout se cache, rien en bouge plus (comme si l'aéro était allemand, on n'est jamais bien sûr).

On annonce que la cavalerie et les cyclistes (2 escadrons et un peloton) vont faire une diversion, en tournant par la gauche, vers la Fourasse.

Pensant que le mouvement va bientôt commencer, je me porte au bout du village. J'y trouve deux officiers d'artillerie.

Tout à coup un, deux obus au-dessus de nous, dans la direction de la batterie. Les deux officiers se mettent à courir vers le village au pas de gymnastique (moi je me colle contre un petit mur, dans les orties et les épines) deux obus au-dessus d'eux font sonner les tuiles des premières maisons. J'en laisse éclater une douzaine au-dessus de moi, et en arrière - puis je me porte aux tranchées à 50 m en avant et j'y trouve une Cie du 223. C'est fini. Les obus allemands, 77 et 105 s'en vont vers la Fourasse, chercher, par des salves de nos pièces de 90.

 

Je rentre au village où peu à peu tout se meurt ; le 223 se porte en avant, en soutien, avec 2 compagnies les deux autres rentrent à Valhey.

Le sergent Thomas, avec la 9e escouade qui avait dû se replier sans avoir le temps d'occuper sa tranchée monte avec elle, vers 10h, rejoindre la Cie.

Les cuisiniers dont descendus vers 6h et, toute la nuit montent la soupe, le pain, l'eau-de-vie aux hommes qui n'ont rien mangé depuis hier soir. Toute la nuit les pauvres cuisiniers voyagent entre le village et les avant-postes. Les renseignements nous arrivent.

Le sergent Barbier (adjudant depuis hier) de la 6e est ramené avec 1 balle dans la nuque, 1 dans la poitrine et une dans la jambe. Il a toute sa connaissance. 7 blessés légèrement - 2 sergents tués à la 6e, Pollier (**) et Raffort (***) (celui-ci était le chef de popote quand je mangeais à la 6e à Valhey) et 5 hommes. La 5e n'a perdu qu'un homme; tué d'une balle au cœur au moment où il sautait dans la tranchée (****).

Les Allemands ont perdu beaucoup de monde; on évalue les morts à 150. Leur artillerie n'a pas fait une seule blessure dans toute la journée. Ils tirent avec des 77 et des obusiers de 105.

 

Le soir, le (général) Colonel TERRIS vient nous dicter un ordre.

Il est content et plaisante avec nous. Il a de beaux ongles noirs.

 

(*) : « Trouver » : mot dont la graphie n'est pas certaine.

 

(**) : POLLIER Jean Marie, sergent au 230e RI, mort pour la France à Barthelémont (Meurthe-et-Moselle) le 5 novembre 1914, tué à l’ennemi. Il était né aux Mures (Haute-Savoie), le 14 septembre 1887. Il est inhumé à COURBESSEAUX (54), Nécropole nationale, tombe 648.

 

(***) : RAFFORT Alphonse, sergent au 230e RI, mort pour la France à Barthelémont (Meurthe-et-Moselle) le 5 novembre 1914, tué à l’ennemi. Il était né aux Allues (Savoie), le 8 janvier 1888. Il est inhumé à COURBESSEAUX (54), Nécropole nationale, tombe 650.

 

(****) : 9 tués, 8 blessés d’après le JMO (Journal des Marches et Opérations) du 230è RI.

Vendredi 6 novembre

Le brouillard se lève, les artilleurs reprennent de nouvelles positions de combat autour du village.

Je vais voir derrière l'église, le sergent Pollier, instituteur à Thônes, originaire de Mures au-dessus d'Alby. Tué d'une balle à la tête. C'est le 1er mort que je vois.

Pauvre pioupiou dans ta capote sale et ton pantalon rouge, tout chiné et taché de la boue des tranchées !

Pauvres mains pleines de terre !

Où est-elle la beauté et la gloire qui devraient entourer ta dépouille de brave soldat ?

Te voilà couché dans sur la terre du petit cimetière, sans linceul, sans verdure, sans couronne de feuillage.

Sa femme, si elle le voyait...

 

On descend les autres morts dans le parc du vieux château.

 

Vers midi, la 6e Cie puis la 5e descendent. Je vais féliciter mes camarades de leur belle tenue sous le feu.

Ils ont enterré Dubouloz (*) là-haut, mais on ira chercher son corps pour l'enterrer avec les 7 morts de la 6e compagnie qui a aussi 8 blessés.

 

Le lieutenant JORIS a deux fanions de signaleurs allemands. Vulliet a un casque et deux fusils. On a recueilli des papiers, des pattes d'épaules sur les morts allemands pour les envoyer à la division.

 

Le soir, le colonel vient tenir conseil avec le commandant Girardin pour les récompenses à accorder.

Toute la journée se passe dans le calme.

À deux heures nous recevons la dépêche annonçant la grande victoire de la Vistule. Kielce est dégagé puisque deux points situés à l'ouest de Kielce ont été occupés sans grande résistance par les Russes.

Les nouvelles du Nord sont bonnes aussi.

Le soir, nous jouons aux cartes, sur le couvre-pieds du mort de la 5e et je gagne 18 fr. au banco.

 

(*) : DUBOULOZ Alfred Félix, soldat au 230e RI, mort pour la France à Bauzemont (Meurthe-et-Moselle) le 5 novembre 1914, tué à l’ennemi. Il était né à Metz, le 1e septembre 1886. Il est inhumé à COURBESSEAUX (54), Nécropole nationale, tombe 660.

Samedi 7 novembre

Il y a reconnaissance du 333e et des chasseurs, quelques coups de feu.

À 9h, le cap. Roubertie rassemble la 5me.

Appel, absent : Dubouloz- mort au champ d'honneur !

La Cie présente les armes à son cercueil et défile. Messe des morts, sépulture. Discours. Honneurs.

 

Nous attendons les journaux avec impatience. On dit que la Turquie est déjà attaquée par la Russie en Asie et par les flottes anglo-françaises aux Dardanelles. La Grèce mobilise (nouvelles données par C. Déplante).

J'écris à Kielce.

 

Le soir, je joue aux cartes (gagné 7fr). Je rentre au bureau.

Le capitaine Roubertie vient causer avec nous (VITTET, Tapponier et moi) et nous raconte la marche en avant vers Dieuze de ses chasseurs (23e bataillon). Ses impressions en revenant en arrière, après le choc formidable reçu devant les lignes de résistance allemande :

 

«Hé bien, avez-vous vu comme ils sont forts; que nous sommes petits garçons à côté d'eux »

« Nous ne connaissons rien de la guerre moderne; vous avez vu comme tout était combiné, machiné; quelle cohésion; quelle science du combat.»

 

Impression d'impuissance désespoir - Armée pas prête, etc. Le capitaine dit qu'on fait circuler le bruit que la Prusse demanderait la paix.

Il ajoute que c'est la Russie ou l'Angleterre qui ont voulu la guerre et que l'Angleterre a pour ainsi dire trompé la diplomatie allemande.

Le capitaine s'exprime avec une facilité et une correction remarquables, en un langage très vivant et fait des tableaux très impressionnants, par exemple, de l'enfer de la canonnade allemande devant Dieuze, les obus crachant leur fumée jaune, verte, noire ou blanche. Les <poupées> (*) de 6 obus avançant de 10, 20m. en 10 m. sur la Cie couchée, etc.

Nous causons jusqu'à minuit.

 

(*) : « Poupées » : mots dont la graphie n'est pas certaine.

Dimanche 8 nov.

À 11h, le cap. Roubertie vient au téléphone demander des nouvelles au lieutenant GEPS à la cote 327. La compagnie monte avec outils à 4 h pour faire des réseaux de fils de fer.

 

À 5h on appelle le commandant au téléphone.

Il nous réveille disant que nous pourrions bien avoir une nouvelle journée de canonnade. Nous nous levons, habillons et équipons rapidement. Nous allons faire charger les mulets.

 

« En cantonnement d'alerte ! »

Puis tout se calme.

 

Ma Cie avait cru voir à la corne du bois (mon petit poste), cru apercevoir des patrouilleurs dans le brouillard.

Puis rien.

 

Le soir, les journaux nous donnent quelques détails de la bataille de la Vistule. À Kielce on a pris 600 prisonniers.

Les officiers viennent voir notre carte de Russie et se font expliquer les positions des Russes et des Allemands.

Lundi 9 nov.

Journée calme - pas de lettres. Brouillard.

Détails sur les succès des Russes.

Le soir, le commandant prie de le réveiller à 4h. Nous supposons qu'il y aura une reconnaissance.

Une escouade de la 5e égarée dans le brouillard ne peut rentrer.

Mardi 10 nov.

4 h matin, brouillard.

Alerte. Je vais réveiller la Cie. Le 223 arrive de Valhey avec l'artillerie. L'action se déclenche très tard (retard de la division de cavalerie)

Le Colonel TERRIS, commandant la brigade, passe la matinée et la soirée au téléphone. La canonnade commence vers deux heures - Légères fusillades. Nos canons tirent peu.

Pendant la canonnade le colonel TERRIS me demande si j'ai des nouvelles si j'ai des nouvelles de Russie, de ma famille.

Nous causons de mon voyage, de Constantinople, où il a voyagé, des juifs, des Français (tradition), des Slaves, peuple jeune et sans attaches.

Arrive C. Déplante.

 

Le soir vient.

On annonce 1 dragon blessé en tombant de cheval; 3 blessés au 223e; 1 commandant tué et 14 blessés au 222.

Arrivant de Bathelémont des réfugiés de Coincourt, qui donnent des renseignements. Les Cies descendent.

Tout est fini.

Mercredi 11 novembre (29 oct.) (*)

Fête d'André et anniversaire de la naissance de Georges. (**)

J'achète deux poulets et une poule, je commande des beignets aux cuisiniers pour le soir.

Point d’événements - une patrouille vers la Hte Rionville reçoit des coups de feu.

 

Le commandant Girardin me communique un journal disant que les fonctionnaires russes sujets français gardent leurs places en Russie. Je lui apporte une balle vieux modèle tirée par les Allemands (trouvée par le lieutenant JORIS). Il m'invite à prendre un grog avec les officiers.

Nous causons une demi-heure.

 

J’emprunte les petits verres des officiers pour boire le Cointreau.

Dîner - sardines, anchois - soupe au gruau et pommes de terre - poulets rôtis nouilles au fromage - fromages – beignets - figues. Je paie 5 litres de vin (en plus du quart de la Cie). Thé au rhum, cigares, Cointreau, Chaussons.

 

Coucher à 11h, après avoir écrit à Georges et à André une lettre, envoyé une carte signée de tous les camarades.

Grand vent il neige un peu. Quel temps pour les tranchées !

 

(*) : <29 oct.> : Calendrier Julien utilisé en Russie.

(**) : Georges et André ses 2 fils.

Jeudi 12 novembre

À 1h, ordre de départ pour Einville. Les fourriers partent dans le 1/4 d'heure préparer les cantonnements. Je ramasse mes affaires et en route.

Temps menaçant et noir, vent violent, tempête, quelques gouttes de pluie.

 

En passant à Valhey, bonjour à Mmes Braconnard, café et en route pour Einville. Mes souliers neufs me font mal aux pieds.

En arrivant, je prépare les cantonnements de ma compagnie, chambres d'officiers, écurie, infirmerie, mitrailleurs, popote des sous-officiers. Le maire Mr Dieudonné récemment rentré de captivité m'aide à trouver.

Les cuisiniers arrivent, je les installe.

 

Vers 3h ½, les Cies arrivent ; je conduis chacun à son nouveau domicile. On ne fait pas de dîner pour les s/off ; un peu de café et on se couche.

J'ai un lit passable dans le bureau du commandement ; l'adjudant couche en haut; les camarades dans une chambre à côté, sur des matelas et des sommiers avec couvertures et édredons pris au château. Je peux lire au lit. J'ai installé deux cartons verts (du juif marchand de grains Hayem <« Xauim »> (*) chez lequel nous logeons) sur une chaise, un bougeoir dessus et une peau de sanglier comme descente de lit.

 

(*) : Écrit en russe

13 novembre vendredi

Notre popote, installée dans un café, doit déménager par ordre du commandant; nous nous scindons en deux popotes;

La mienne s'installe dans la même maison que le bureau du commandant où je couche. Je trouve une table et des chaises au café d'en face, fermé.

 

Le soir, 200 laissez-passer à la signature (paysans, ouvriers et ouvrières des salines d’Einville et des salines de Maixe). Notre 1er Baton (*) avec le colonel sont à Maixe, la brigade à Serres, la division à Dombasle. J'ai bien mal aux talons. Le soir grand vent dans les arbres qui bordent le canal.

Pauvre 223e aux tranchées ! Mauvais début.

 

(*) : Bataillon

14 novembre, samedi

Arrivée de 100 fusiliers marins à Einville et 60 hommes de la territoriale pour nous renforcer (du 107e; 15 par Cie).

 

 

Les canons 155 du bois de Saussy tirent ; les arrivants sont impressionnés.

Nous installons un bureau pour les laissez-passer à la mairie avec Decoux, secrétaire, le caporal Thomé comme planton et 2 gendarmes. On doit installer à la mairie un bureau de la place. Nous dînons pour la première fois à notre nouvelle popote, le 2e peloton, seul.

 

C'est l'automne; averses, giboulées, soleil; aujourd'hui il a fait plus chaud.

On vit sans penser, absorbé par le service et la vie animale: manger, boire, fumer, dormir. Du bois pour le poêle ! Victoire ! Quart de vin, ce soir !

J'ai pu avoir une bouteille de rhum ! LUGRIN a une boîte de cigares ! Voilà quels sont les évènements de cette vie.

 

J'ai reçu 3 lettres ou cartes; du Dr Bouvier, toujours fidèle camarade; de Mr CHABERT, professeur à la faculté de Grenoble et de Mr Callet, commissaire de surv. à Chambéry.

Rien de Russie !

Si Marie m'avait télégraphié à Annecy, je devrais déjà avoir reçu la dépêche. Pourquoi ne m'a-t-elle pas écrit plus d'une fois depuis le 15 sept. jusqu'à la réoccupation de la ville?

15 nov.

Dimanche - Beau temps.

Je me lève tard.

Le Gros Ballly d’Annemasse vient me faire une visite au bureau. Tout le monde est parti d'Annecy, toute la 32e excepté Fargeon.

Les bleus de <Valence> sont presque tous partis déjà.

Peillex, Bogain, Belleville ont été nommés s/lieutenants - Vigroux, blessé - Max Pompée est adjudant, après citation à l'ordre du jour.

Arrivée de 100 fusiliers marins de Brest. Arrivée de 400 artilleurs avec 200 chevaux, venant des environs de Nancy avec du matériel pour monter des plates-formes pour canons de marine.

Journée de bousculade. Lettres, colis, etc. Pluie et vent le soir.

Le colonel vient; conciliabule; sera-ce une alerte? - Rien.

16 lundi

Rien.

17 mardi

Le soir, le cycliste Girod, cycliste du bataillon, se casse la tête contre un arbre le long du canal. Il est relevé de ses fonctions.

18 mercredi

Il a gelé dans la nuit. Temps sec froid et lumineux. Promenade au cimetière. «3 braves bavarois »; Uhlans ; tombes allemandes décorées, le 1er nov. par nos soldats - tombes de 3 fusillés d'Einville.

Le 18

Je reçois aussi une lettre de CHABERT, une de Callet, commissaire à Chambéry et une de William (*), m’annonçant que Léon (**) a été tué le 30 août, à Fossé dans les Ardennes.

 

(*) : William Voizin, son beau-frère (demi-frère de Marie sa femme) est à Paris.

(**) : Beau-fils de William ? Un nommé Léon LeGallic est décédé à cette date et lieu.

19

Il gèle fort, même dans la journée; temps superbe.

Je reçois un paquet de Mr Girard (*) dont je distribue le contenu à la 3e escouade avec laquelle j'ai été sous la mitraille.

Vulliet et 2 capitaines, Berruet et Rendler sont envoyés former un peloton à Dombasle.

 

(*) : GIRARD Bernard Antoine né en Savoie. Légion d’Honneur 1911. Ami « Bienfaiteur » de J.D

20 novembre

La bise, forte gelée.

Le soir, arrive une brigade de dragons de Lunéville. 12e et 8e régiments avec deux batteries volantes, des autos mitrailleuse et des auto-canons. Je conduis le sous-lieutenant Hailllaux du Taillis aux Salines (après avoir fait le cantonnement pour 90 chevaux du 1er escadron du 12e)

Causerie; chasse; attaché militaire (il a échoué à l'examen diplomatique) son oncle, père, agent de change. Rencontre au barrage, d'un homme faisant l'ivrogne; j'ordonne aux sentinelles de le conduire au poste.

Pas d’alerte cette nuit-là.

21 nov.

Samedi froid intense. Vent violent.

Départ à 1h (réveil à minuit) - J'ai la diarrhée.

22 novembre

Je réveille les sections et les officiers - GEBS dort; les autres sont sur pied. Le train de combat (munitions et service de santé) marchent seuls; les bagages restent.

Nous montons sur Valhey; bise glaciale; je perds mes molletières l'une après l'autre. En arrivant à Bathelémont, plusieurs personnes voient des fusées sur Valhey. Je revois notre bureau de Bathelémont, la place où je couchais dans la paille.

Le Ct Dunand renseigne le Ct Girardin : en route vers la Fourasse.

Nuit claire, les étoiles brillent; le vent souffle. J'ai perdu mon passe-montagne et je m'en fais un avec un plastron en flanelle. La diarrhée continue; j'ai les doigts si froids que je ne peux me déboutonner, ni me ... torcher.

Heureusement j'ai une provision de papier spécial.

 

Nous avançons vers Bures; puis à gauche vers le col du signal de Bures. Deux compagnies les 7e et 8e vont à Réchicourt; les 5e et 6e fournissent chacune une section pour soutenir les mitrailleuses; la 6e en fournit une deuxième comme soutien d'artillerie.

Le jour arrive. L'ordre arrive d'envoyer un peloton de la 5e aux tranchées en avant de Réchicourt, pour tenir le village, où se rendent des autos-mitrailleuses et des auto-canons.

Je transmets l'ordre au Cap. Roubertie qui vient lui-même demander au Ct s'il doit aller au-delà du village.

Le commandant répond que oui, mais qu'il suffit d'y envoyer une section; le capitaine dit alors à JORIS d'envoyer une section, la 4e ; Je reviens vers le Ct; j'ai juste le temps de ... poser culotte une troisième fois, le Ct m'appelle et m'envoie porter l'ordre à la 5e d'envoyer un peloton entier, j'y vais ; le Cap dit :

 

« Eh bien, JORIS, Allez-y ».

JORIS part avec ses deux sections.

 

Depuis 1/2 heure, nos batteries tirent sur les côtes 271 et 300.

 

Une 1/2 heure après, ordre à la 5e de partir à Réchicourt et de se porter ensuite avec la 7e à la cote 281, coûte que coûte.

Le capitaine part avec la 2e section (Dumont, Perret, Lathuile), alors nous nous portons en avant avec le Commdt et la réserve de la 6e Cie, dans un champ d'avoine, à découvert. Les dragons se déploient en fourrageurs et partent prendre la place de nos 7, 8 et 5 à Réchicourt.

Alors, les Allemands déclenchent le feu de leurs batteries.

Nous voyons à 1600 m de nous, leurs observateurs d'artillerie, un capitaine et deux hommes. Nos obus arrosent la crête d'un feu terrible; le tir de l'ennemi ne ralentit pas. Nous restons en plein champs allongés sur la terre gelée, dans les avoines; la bise souffle; les pieds gèlent; crampes dans les jambes; obus plus loin, on ne peut pas bouger pour se réchauffer. Fusillade violente vers Réchicourt; aboiements secs de nos 75 courts; renflements de nos 75 (à cause du vent, on entend les obus ronfler dans l'air).

Au loin, au bois de Saussy, les batteries de 90 tonnent. Les Allemands envoient des rafales de 77 et de gros obus de 105.

 

Le temps passe lentement, quand viennent les rafales nous mettons nos sacs sur nos têtes; je dois encore une fois user de papier hygiénique en face de l'ennemi. Il n'est que 10h; rafales; midi; rafales qui nous couvrent de terre, de pierres; deux heures; on tire en plein sur nous; le Ct se lève, nous fuyons; je vais à 10 pas, ramasser mon fusil, un obus emporte le morceau de terre que mon corps avait dégelé.

Fuite vers la crête; les obus nous accompagnent.

Mes jambes engourdies refusent de me porter, je trébuche, je tombe, je ne peux plus marcher ; les obus pleuvent. Je gagne la crête, où je trouve les mitrailleurs du 2e bataillon; le cycliste de la 6e batterie lourde me rapporte ma musette. Un aéro allemand passe au-dessus de nous; il faut rester immobile.

L'aéro disparaît; deux autos-mitrailleuses en retraite se trompent de route et venant de Réchicourt, filent derrière nous sur Bures; grêle d'obus; l'un éclate à 4 m en avant de moi, passant sur ma tête en me soufflant au visage. La fusillade augmente; les chasseurs, les dragons battent en retraite; je dois bien vite rejoindre le Ct; malheureusement, je me trouve à la hauteur de la 5e qui bat en retraite avec le capitaine; les obus nous accompagnent. Je rejoins le Ct, toujours sous les obus; notre artillerie est toujours en place; je vois le Ct et la liaison avec le reste de la 6e, dans le creux où se trouvait ce matin la 5e.

 

Ordre de se replier; la fusillade allemande est terrible: les lignes de tirailleurs se replient. Quelques obus nous accompagnent.

Vers la Fourasse la fusillade continue. Les 75 de la Fourasse arrosent l'ennemi avec ardeur, tirant par-dessus nos têtes. Le Ct m'envoie reconnaître les détachements, demander les numéros de Cies auxquels ils appartiennent et porter l'ordre de s'arrêter en tirailleurs sur les crêtes.

À la 8e je trouve le s/lieut. Westphal avec une balle dans l'épaule.

« On apporte un dragon mort au pied du seul arbre. » (*)

 

Un autre détachement m'apprend que JORIS a une balle en pleine poitrine et qu'on a beaucoup de peine à le dégager.

Nos brancardiers ne se sont pas montrés de la journée. Nous approchons de la Fourasse. Les Allemands envoient encore quelques obus par salves derrière nous, sur nos talons. Un blessé passe, avec une balle dans le genou; j'appelle un dragon qui lui cède son cheval; je lui fais boire une gorgée de rhum; il a été blessé avant le jour. Plus loin un autre a reçu une balle dans la bouche, ressortie par le bas du cou; il boit aussi une dose de rhum.

 

Derrière la Fourasse, les canons de 90 et de 75, les artilleurs de 90 harassés sont couchés par terre sous les pièces. Les autos-mitrailleuses, les voitures d'ambulance sont là, attendant la nuit pour se porter plus avant. (**)

Je rassemble les éléments de la 5e égarés avec les autres Cie; 7 hommes d'abord :

 

« Où est JORIS ? »

« Mort, dit l'un »

 

Une dizaine arrive encore.

Puis l'adjudant Favier, 3 s/off et une 60aine d'hommes. On se rassemble. Le capitaine doit s'être replié sur Bénamont et Bathelémont. Quelqu'un dit qu'on est allé chercher JORIS en auto.

On se met en route vers Bauzemont; je marche péniblement à cause de mes pieds blessés.

Pinget me prend mon fusil et me conseille de manger, car je vois des cercles rouges et bleus et la tête me tourne. J'avale mon 3e bâton de chocolat de la journée. Le cycliste de la section de mitrailleurs m'offre de prendre mon sac et me passe sa machine. Je suis sauvé.

Descente à roue libre sur Bauzemont; artillerie; dragons. Après Bauzemont, je prends la route de halage pour éviter les autos, les canons, etc. À 6h moins le quart, au clair de lune, le long du canal gelé, je rentre à Einville. Le bureau où est mon lit est bien chauffé.

J'envoie chercher deux litres de vin que je fais chauffer, avec du sucre pour les camarades de liaison et du 2e peloton de la 5e avec qui je fais la popote dans la maison même. Je veux aller chercher de l'eau dans la cour pour me laver; je trouve un cheval mort et la pompe gelée. Le vent recommence à souffler.

 

Pauvres blessés qui peut-être resteront autour de Réchicourt !

Les camarades arrivent. Déplante et Maugras viennent en « rigolant » nous demander des nouvelles; je me fâche. J'apprends à Déplante que JORIS et probablement mort (***). Ça le calme un peu de sa bonne humeur déplacée.

Je vais au cantonnement de la compagnie dire qu'on prépare du thé chaud ; il n'y en a pas; pas de feu. Les hommes préfèrent un quart de vin, un verre d'eau de vie, un morceau de pain et la paille.

 

Je vais rendre compte au capitaine qui arrive seulement de Bathelémont de ce qui a pu être distribué aux hommes ; je lui dis qu'il y a environ dix blessés, un disparu, tous les sous-officiers ont été vus après le combat. JORIS, d’après deux s/off de la 7e Cie, blessés en le portant, a été laissé pour mort en arrière de Réchicourt. Les officiers répondent qu'on l'aurait emporté en auto ; en somme on ne sait rien.

On mange un morceau et on se couche. Je suis si fatigué que je ne regarde même pas mes pieds blessés.

Durant deux heures, je me réveille à chaque instant; les chevaux font du bruit dans l'écurie voisine et il me semble entendre les obus éclater.

 

(*) : Phrase écrite dans la marge de la page.

(**) : 2 morts, 2 disparus, 48 blessés (JMO)

(***) : Le sous-lieutenant JORIS Antoine Marie est déclaré mort le 22/11/1914 à Réchicourt-la-Petite, tué à l’ennemi. Il était né à Faverges (Haute-Savoie) le 5 janvier 1871. Pas de sépulture militaire connue.

Lundi 23

Je ne peux mettre mes souliers; je prends mes souliers blancs, que je garde toute la journée.

Le Ct nous annonce que nous partons demain pour St Nicolas du Port, au repos. Cela me fait de la peine de quitter Einville.

Nous aidons le 299 à préparer son cantonnement à notre place.

 

Le soir, Drumont, le sergent Gérard et 3 hommes, dont Patuel partent pour Bathelémont; demain matin, ils iront chercher JORIS, qu'on n'a pas retrouvé dans les hôpitaux de Lunéville.

 

En me couchant, je me trouve un orteil du pied gauche avec une ampoule pleine de sang; deux orteils du pied droit ont l'extrémité gelée; les ongles de deux gros doigts ont coupé la chair, les deux chevilles sont enflées.

Dans la journée on m'a fait remarquer que ma capote est trouée dans le bas par un éclat d'obus; ça doit être dans le col d'Arracourt, dans l'abri du 223, quand j'ai reçu des pierres dans les jambes et l'homme couché devant moi un éclat dans son sac.

24 mardi

Lever à 5 h.

Départ du campt à 6h pour Maixe où nous attendons le campt du 1er bataillon une 1/2h. Mes doigts de pieds gelés me font beaucoup souffrir; c'est une brûlure à chaque pas.

Maixe en ruines - Crévic en ruines - Nous suivons le canal, laissant Sornéville et Dombasle (en partie) à gauche. Le canal flanqué de tranchées abris alldes, trous d'obus, tombes alldes et françaises.

 

Halte à Dombasle - Usine Solvay (soude) - Salines de Rosière - Varangéville, St Nicolas - Préparation des cantonnements.

J'attends la Cie aux faisceaux; elle passe plus loin - rejoins; le Capne se fâche; moi aussi.

Bureau de la liaison à la brasserie de St Nicolas (Mr Moreau propriétaire absent).

Notre popote est à côté. Tout le bataillon est logé rue de Laval, route de Nancy (à 11 kilomètres) à Lunéville (17 kilomètres). La cathédrale (basilique) est un bel édifice gothique. La Meurthe sépare St Nicolas de Varangéville.

La liaison du 2e bataillon couche dans le bureau de la brasserie, chauffage central, éclairage électrique - par terre sur des matelas avec oreillers, couvertures - Pas trop mal.

J'ai trouvé beaucoup de chambres; j'en donne aux officiers des autres Cies (au petit FAVRE; le St Cyprien) chez l'aumônier des Hospices St François.

 

Oh ! Mes pieds.

Journée de bousculade. Le colonel s'irrite de ne pas savoir où est le poste de police du 230e, crie contre Fontanel. Le commandant vient expliquer à mon capitaine qu'il y a un malentendu ; le capitaine s'excuse envers moi.

25 nov.

Notes, rapports, vie de caserne avec le désordre en plus.

Jeudi 26

Exercices - pour la liaison, calme.

Bonnes nouvelles de Russie. Toujours pas de lettres de Russie.

27 et 28

Vie de garnison - Exercice; les hommes jouent «aux barres ».

Bonnes nouvelles de Russie - Accalmie sur tout notre front occidental.

Les cafés sont pleins de 5 à 7.

 

Le soir, nous jouons à la manille à la popope, ou à la bourre.

VITTET nous raconte Gerbéviller.

Dimanche 29

Repos.

Le Président de la République, qui devait passer hier entre 13 et 14h, passe ce matin, allant de Nancy à Lunéville.

Pas de combats sur le front occidental. Les Russes avancent sans doute, mais ne communiquent rien ; ils battent aussi les Turcs.

 

Le temps est beau, parfois brumeux, chaud.

Demain le 2e bataillon, le nôtre doit aller à Nancy, se baigner. Pourvu qu'il ne pleuve pas. J'ai reçu une lettre du Sénateur Milan (*), sergent au 13e Chasseurs, son frère est juge à St Jean de Maurienne. Lettre de <Huguemiot>. (**)

 

(*) : François MILAN, sénateur de la Savoie de 1914 à 1945.

(**) : « HUGUEMIOT » : mot dont la graphie n'est pas certaine.

Lundi 30

Baignade à Nancy pour le 6e bataillon. Je reste comme adjoint de bataillon.

Rapport à 10h. Pas de lettres.

Beau temps.

Décembre

1er décembre

Beau temps clair, pas froid. 5e mois de guerre. Malgré les victoires russes, on n'entrevoit pas la fin.

 

Le soir, manœuvres de cadres entre Dombasle et Vitrimont.

Énormes trous d'obus, éclats de fonte, de cuivre, d'aluminium ; tranchées, abris, plaques de tôle, portes volets, plaques de zinc,... ferme brûlée, puits de salines. Mes doigts de pieds gelés me font bien mal, dans la marche, quand le pied se réchauffe.

Rien de Kielce - Deux cartes de Massingy m'annoncent que Joseph de Cessens (*) est mort à l'hôpital dans les Vosges, le 4 novembre (en revenant de la manœuvre causée par le Lieutenant. Rendu)

 

(*) : Joseph Marie DUCHÊNE, soldat au 297e RI, mort pour la France le 4 novembre 1914 à Rambervilliers (Vosges), maladie en service, fièvre typhoïde. Il était né à Cessens (Savoie), le 14 janvier 1882. Il est inhumé à Rambervilliers, Nécropole nationale, tombe 31

2 déc.

Rien de particulier.

FAVIER arrose ses galons d'adjudant.

3

VITTET adj-chef; Ducret, Perrey adjudants.

4

Je vois M. Bergeret, Dr qui me renvoie au Dr Payot.

5

Veille de St Nicolas; nous offrons un tour de cou avec améthystes à la fille de notre patronne de popote, Mme Nicolas - Tir aux champs de Padoue - Certificat du Dr Payot pour mes pieds. Il pleut.

6 décembre dimanche

Attends le Dr Bergeret. Je finis vers 9h10 par frapper à sa chambre; il se fâche de me revoir à l'infirmerie.

Là, il décide que ce sera pour le soir, le soir, il me traite de fricoteur... J'encaisse le mot sans broncher.

7 lundi

Ex. de bataillon le soir. Je demande la permission.

8 Mardi

Manœuvre de brigade. Je n'y vais pas.

Le capitaine est mécontent. Tout se gâte pour moi.

Je vais bientôt être considéré comme un mauvais soldat et un mauvais citoyen. Laissons passer;

Ma conscience est tranquille et cette épreuve me remonte le moral.

 

Toujours pas de lettre de Kielce. J'ai envoyé une lettre au Général Jilinsky, lundi matin, demandant nouvelles télégraphiques des familles Jilinsky, Astafieff, DUCHÊNE (*). Temps gris, chaud, quelques gouttes de pluie.

Par lettre partie ce matin, j'ai demandé 100 fr à Massingy (**).

Ernest, de Grenoble, m'a écrit. (***)

 

(*) : Écrit « Duchesne » sur le carnet.

(**) : Massingy, Haute-Savoie, son village natal.

(***) : Certainement Ernest DUCHÊNE (neveu), 14è section infirmiers militaires - Grenoble

9 décembre

Manœuvres de nuit; projecteurs sur Nancy.

Pas de dépêches, pas de lettres de Russie. Bonne lettre de CHABERT.

Imperméable en toile cirée de M. Girard - dont j'ai déjà reçu deux paquets dimanche. Savons, crayons, floréine, biophorine, cigarettes, tabac, chocolat, papier spécial - distribué à la 3e escouade.

10 jeudi.

Manœuvre de régiment vers Manoncourt. Célestin et le Dr Bergeret forment l'E.M du colonel. Vu le cap. Anthonin.

Le canon gronde sans interruption vers Pont-à-Mousson.

4 aéros passent sur nous; l'un nous fait un magnifique vol plané en se dirigeant sur Nancy.

11. Vendredi

Temps superbe et chaud.

Manœuvre de brigade vers Haraucourt.

Le canon tonne, les aéros se suivent sans interruption; ils reçoivent des obus allds. Nous marchons près des Salines, au milieu d'énormes trous d'obus remplis d'eau, 15 m. de circonférence, tranchées, abris, 1 arbre culbuté par un obus.

À droite, ruines d'Haraucourt. En rentrant, mes doigts de pieds gelés me font beaucoup souffrir; de plus j'ai une douleur au-dessus de la cheville du même pied.

Je rentre avec peine.

J'envoie en passant par Varangéville, le cycliste du bataillon Quetand, voir à la poste si je n'ai pas une réponse télégraphique de Jilinsky. Il m'annonce, comme je rentre à mon bureau, qu'il n'y a rien; je me retiens de pleurer et je manque de jeter mon fusil à terre de dépit.

 

J'ai à peine le temps de m'asseoir que Dumont, le sergent-major, m'apporte une grande enveloppe de Russie. Je suis anxieux de voir la date, je l'ouvre : c'est du 4 novembre !

Lendemain de la prise de Kielce par les Russes - Ils sont tous vivants ! Une photo ! Quel bonheur. Je lis ma lettre en pleurant...

Puis malgré mes pieds malades, je vais en ville acheter des châtaignes, du rhum, 10 bouteilles de vin blanc, une boîte de demi londrès.

Bonne soirée.

Les camarades de popote partagent cordialement ma joie. On chante ; on dit des monologues. Dumont arrive - Je l'embrasse.

12 samedi

Rien, Hier je n'ai pu écrire à cause de mon émotion.

Je fais des lettres toute la journée. Il pleut.

Hier le capitaine Roubertie a quitté le commandement de la 5e (23 e) Cie pour passer au petit dépôt de Varangéville.

GEPS commande la Cie.

12 décembre

Dimanche. Temps beau et chaud. Repos. Promenade au cimetière.

Séance récréative, rue Jolain, donnée par le 223 aux officiers et s/off de la brigade. Raymond, de l'opéra-comique - Lakmé et Plaisir d'amour - Faust par Guignol lyonnais - L'Amour, par un lieutenant du 223 e.

13 lundi

Manœuvre de régiment vers Manoncourt. Un peu de pluie. Lettre d'Empereur. (*)

 

(*) : Sénateur de la Savoie de 1909 à 1920

14 mardi

Rien - un peu de pluie - Lettre de CIBAUD ; il a écrit à ma femme …

15 mercredi

Manœuvre de régiment vers le champ de tir de Padoue et Ville-en-Vermois.

Il pleut ; je sors ma «dalmatique» en toile cirée, don de M. Girard.

16

Baignade à Nancy. Je n'y vais pas. Je reçois une lettre de Félix Ramaz avec 10 francs pour boire un canon. Lettre de CIBAUD. (*)

 

(*) : Mari de sa sœur, Antoinette Eugénie

17 Vendredi

Beau temps ; je reçois une deuxième lettre de Marie, avec la photo des enfants prise par moi dans le jardin.

Je paie les châtaignes et le vin blanc le lendemain soir.

Samedi 18

Rien - beau temps - Beignets, châtaignes, vin blanc.

« L'industriel savoisien » a publié mes quelques lignes sur le don des instituteurs et m'a envoyé le numéro du journal.

Lundi 19 soir

Nous recevons l'ordre de nous préparer à partir le lendemain soir, pour Erbéviller et Hoéville.

Surprise ! On décommande les oies et les dindes du réveillon.

Tristesse de nos hôtes.

22 décembre mardi

À 1h, les fourriers seuls partent. Deux aéros boches suivis d'un français. Beau temps. (Une voiture qui conduit du vin nous a pris nos sacs).

Haraucourt en ruines; l'église; maison crevées, incendiées, criblées de balles. J'achète du pain et du fromage.

Route qui traverse champs de bataille. Des tombes avec des képis de chasseurs à pied; des trous d'obus français; bois hachés par la mitraille.

Réméréville, en ruines – Halte sur le pont - Arrivée de nuit à Erbéviller occupé par le 257e de Bordeaux que nous relevons.

Le village n'a que 3 ou 4 maisons avec toit; le 34 e territorial (mitrailleurs) et la 58 e d'artillerie en occupent une partie.

 

À la liaison, on nous donne du gâteau et du thé café; le lieutenant Fagot nous a donné son repas froid; j'y ajoute mon pain et du chocolat. Coucher dans le cantonnement des mitrailleurs du 257e ; grange sans paille; froid.

Je ne dors pas de toute la nuit.

23 décembre

Arrivée des 2 compagnies (7 et 8) à 4h 1/2. Les autres autour de 6h 1/2.

Nous organisons une popote à la liaison. Quetand de Thônes, le cycliste, cuisinier. Boisier, horloger à Marmoz, aide.

Nos artilleurs tirent dans la journée; à Sornéville, un obus allemand de 105 a tué un homme et ses deux chevaux au milieu de la rue (la veille).

 

Tous les jours les obus allemands démolissent une ou deux maisons. Les Allemands ont, paraît-il, une pièce de 105 circulant sur rails, qu'on ne peut découvrir.

Lettre de Marie.

24 jeudi

Veille de Noël - Arrivée des colis d'Annecy ; il y a du chocolat d'Annecy ; du tabac, cigares, cigarettes suisses ; briquets, biscuits, figues, oranges, pipes, bonbons, caramels. Paquets venant des écoles de Varangéville et St Nicolas.

Nous faisons la distribution et expédions cela.

 

Ma compagnie (la 5e ou 23e) est au bois de Faux pour deux jours. Nous mangeons copieusement vers 6h. Tapponier m'a rapporté de St Nicolas du Cointreau et une boîte de demi-londrès.

Le commandant m'apporte un pli pour le Lieut. GEBS, commandant ma compagnie.

Je vais, la nuit, le lui porter dans la forêt.

 

Départ à 6h1/2, avec le cycliste Quetand jusqu'au poste de liaison sur la route de Sornéville et Moncel. Puis tout seul, je vais à droite, où à 200 m dans le petit bois, je trouve la sentinelle et le poste, couvert de bâches, de l'adjt CATTIN et du Sergt-major Dumont.

Arrêt de quelques minutes ; Je prends un homme pour me conduire.

 

En route, à travers la forêt boueuse. 500 mètres de forêt, 500 m de champ, en montée, 2e forêt gardée par des sentinelles ; 500 m dans la forêt. Je suis au poste du chef de grand ‘garde : une vraie casemate souterraine à l'abri des gros obus.

Sur le chemin du retour tous les postes m'attendent avec anxiété ; comme je suis porteur de mauvaises nouvelles et que ma venue a été signalée, tout le monde veut savoir, on croit à une attaque générale pour cette nuit de Noël.

Je reviens à travers le bois boueux jusqu'au 1er poste près de la route ; on me retient à manger des friandises puis nous faisons un bridge : Adj. Cyprien, Sergent-major Dumont, Sergent Roupioz.

 

Vers 10h. Nous prenons du thé.

À ce moment, le tir de nos batteries commence et continue pendant que je reviens tout seul vers Erbéviller. Les collines vers Mazerulles, Champenoux etc., s'illuminent de grandes lueurs, puis 15 ou 20 secondes après, j'entends l'explosion grave, puis l'obus qui passe haut dans l'air, à gauche au-dessus de moi, avec un ronflement puissant; puis là-bas, vers Moncel et la frontière, l'éclatement de l'obus.

Quand les pièces de marine d'Erbéviller tirent, l'obus passe plus près. Aucune riposte des Allemands qui ont, parait-il l'ordre de ne pas tirer la nuit pour ne pas gaspiller des obus.

Le tir continue jusqu'à 1 heure du matin.

25 décembre

Noël, beau temps clair avec faible gelée.

 

L'après-midi, je monte communiquer le rapport aux A.P avant- postes, juste au moment où des obus allemands tombent à 300 mètres d’Erbéviller, le tir de notre artillerie commence ; les Allds répondent en envoyant, comme ils le font presque chaque jour, 10 obus sur Sornéville ; depuis le bois d’Erbéviller qui domine, je vois une maison sauter avec un gros nuage de poussière qui reste 10 minutes en l'air.

 

Le lieutenant Duchesne, téléphoniste, et en train de placer une ligne de la route (poste de liaison) au poste central du bois Thiébault (ou bois de Faux) où est ma compagnie. Je le conduis ; nous pénétrons trop avant dans la forêt ; biche, lièvre.

Enfin nous arrivons devant un arbre bien décoré ; le Lieutenant GEBS et les s/off se photographie en groupe ; avec leurs peaux de mouton, autour de l'arbre. Je leur passe des cigares et reconduis le Lt téléphoniste par les lisières des bois.

 

Rencontré Cyprien et Dumont qui vont rejoindre le groupe. Dans leur abri vide, je mange du fromage et des figues. Le canon tire encore (le nôtre). Je rentre au village.

 

Le soir, je reçois une invitation au bridge, aux A.P (*) avec le Dr CATTIN, celui-ci ne peut y aller, j'y vais avec le sergent Gallay ; nous leur apportons deux bidons de vin, les lettres ; j'ai une demi-bouteille de Cointreau et des cigares français pour les camarades <…sses> pour les hommes du petit poste.

Eux ils ont eu un poulet de Sornéville, du beurre, des œufs. Je remange un peu, je bois du vin, du café, puis le Cointreau et nous faisons une partie de bridge (LUGRIN est là ; JOLLIVET dort dans un coin sombre, il fait chaud)

 

Nous redescendons, comme la veille, à la lueur des coups de canons français; au loin une maison brûle, derrière Champenoux.

 

(*) : Avant-postes

26 décembre

Le lendemain beau temps, gelée ; nous apprenons qu'un dirigeable a lancé des bombes sur Nancy ; il est passé par-dessus nos A.P vers 4h 1/2.

La même nuit une maison a brûlé à Sornéville. Le cap de la 8e Cie prétend que ce n'est pas un signal, mais un habitant qui aurait pillé une maison voisine et l'aurait incendiée ensuite.

La population de Sornéville évacue; tableaux dans Erbéviller. Vaches, cochons, chèvres; voitures chargées de matelas, meubles; femmes et enfants; pas d'hommes, des vieux. Les chevaux leur manquent; les premiers partis n'ont pas ramené les chevaux et les voitures. Les pauvres gens !

Ils s'en vont dans l'inconnu, laissant toute leur maison, leur intérieur, leur mobilier en partie.

 

Hier, un avion français a, paraît-il démoli la batterie de 105 ou de 220 sur des rails qui tirait sur Sornéville.

Aujourd'hui pas d'obus d'allemand sur le village. Je reçois une lettre d'Alik (*) et une des Péthellaz (annonce d'un colis pour Noël).

 

(*) : Son beau-frère en Russie

27 décembre

Temps clair, et plus chaud.

Un avion allemand nous survole pendant longtemps, revenant 3 fois sur nous ; grand biplan; à une grande hauteur; il paraît qu'il a lancé des bombes sur Nancy (c'est la 2e fois en 2 jours).

 

Le soir deux avions nous survolent ; mitrailleuses, fusils tirent sur eux.

Ils sont trop hauts. Plus tard un biplan français se montre. Les habitants de Sornéville continuent d'évacuer. Depuis 2 jours il ne tombe plus d'obus sur le village. Mais les avions allemands leur font peur, car ils présagent la reprise des canonnades.

 

Une note de service de santé (de la Division - le général Bigot est venu en auto) annonce une visite, pour constater les contre-indications à la vaccination anti-typhique, vaccination qui aura lieu pendant la très prochaine période de repos.

 

Nous redescendons à St Nicolas mercredi. Dans notre bureau sur la paille, nous couchons à 6. Tapponier a rapporté de Sornéville un rouet lorrain, du lait et une bouteille de mirabelle». Tous sont gris, sauf l'adjudant et moi.

Dans la nuit, pluie.

28 décembre

Pluie. Temps chaud, vent.

Le capitaine Roubertie vient à cheval de Courbesseaux à Erbéviller. Il m'annonce qu'il revient à la Cie dès notre retour à St Nicolas, après demain. Nous causons de l'issue possible de la guerre. Il ne croit qu'à la décision par les armes.

Blocus impossible.

 

Dans l'après-midi, je monte à Sornéville.

Thomé, sergent-clairon, et l'adjoint de bataillon VITTET m'accompagnent jusqu'au poste de liaison (au niveau du bois d’Erbéviller). Je continue seul ; les 90 profitent de l'éclaircie pour tirer quelques obus.

Pas de réponse allemande. Je trouve une marmite de campement et j'arrive à Sornéville, après avoir rencontré beaucoup de voitures de gens qui évacuent; deux femmes avec des voitures d'enfants qu'elles poussent.

Grand village a une seule longue rue jusqu'à la place de l'église ; là elle bifurque ; l'église a reçu un obus sur le chœur, d'autres passant par-dessus, ont enfilé la rue et tué un homme et 2 chevaux et démoli quelques maisons.

Les gens emballent en pleurant pour déménager.

C'est un ordre.

 

L'intendance leur achète le bétail, le blé, la farine, les pommes de terre – On leur promet des fourgons. J'achète une poule pour 3 francs et 4 litres de lait à 4 sous. Je vais prendre le thé avec le lieutenant et les adjt FAVIER et Ducret.

Puis je tombe sur Tapponier qui achète un 2e rouet. Il m'emmène à l'église, pour jouer de l'harmonium pendant que la pluie accumulée sur la voûte sans toit, tombe en grosses larmes sur le pavé. Un trou au-dessus de l'autel. L'entrée est gardée par une sentinelle; le clocher est intact.

 

La nuit tombe et partout on charge des voitures.

La pluie menace, le vent d'ouest souffle avec violence.

Nous rencontrons le Lieutnt GEBS et l'adjant FAVIER qui partent en ronde aux A.P. Et nous rentrons vers Erbéviller ; je porte ma marmite de lait; Tapponier mène sa bicyclette en portant son rouet et ThomÉ, venu nous rejoindre, sa bouteille de «mirabelle», un support double d'obus de 105 et ma poule.

 

Devant nous le projecteur de Nancy fouille les nuages ; le vent siffle dans les fils téléphoniques ; une auto venant de Nancy raye la nuit de son phare. Un peu de pluie dans le vent.

Nous arrivons. Rien de nouveau.

Dîner puis partie de bourre avec le service sanitaire.

J'ai 4 lettres de Varsovie (Alik) de Philomène (*), du Dr Bouvier et d'Haguemiot.

 

(*) : Une de ses sœurs

29 décembre

Erreur de date sur le carnet, il est écrit janvier au lieu de décembre

 

Journée calme. Reçu 8 lettres et 1 paquet.

Le matin, Le Ct m'envoie porter à Sornéville l'ordre de départ pour demain matin.

J'y vais à bicyclette ; le vent me pousse pour monter, pour redescendre impossible. C’est JOURDIL qui ira faire le cantonnement, il descend aussitôt. Je rapporte une poule pour l’aide-major CATTIN.

 

L'après midi, je vais avec l'adjudant VITTET, voir les batteries de 90 dans le bois Morel. Ils jouent aux cartes dans leur abri. Ils n'ont pas un seul blessé; ils ont tiré à la mitraille à 250 mètres. En rentrant, explosion du clocher de Champenoux, détruit par nous.

 

Le soir, en revenant des batteries de 90, explosion du clocher, puis dîner et visite aux artilleurs. Partie de cartes avec le service sanitaire à qui je porte des bonbons reçus, avec des cigares, de Mme Bouvier, docteur. Coucher je ne dors pas.

Le 30

À 4 h - le 323 qui nous relève arrive; je conduis une section au bois de Faux (relever la 6e) et je fais passer à la compagnie allant à Sornéville la ligne des sentinelles; retour à Erbéviller ; dormi deux heures.

 

Départ, derrière le bataillon, vers 7h 1/2. Nous traversons Réméréville dévasté, le champ de bataille labouré d’obus.

À Haraucourt, nous nous arrêtons (la liaison) pour manger dans une épicerie; confiture, fromage, vin blanc.

 

Arrivée à St Nicolas vers midi.

On se réinstalle rue de Laval ; le bureau à la brasserie; j'ai un lit derrière la brasserie.

Il gèle la nuit.

31

Rien.

Lettres ; le soir souper aux escargots, coucher à 3h du matin. Il ne gèle plus.

Ayant gagné 8 où 9 francs à la banque, je donne 4fr aux cuisiniers.

Touché prêt. 18fr 92

1915

1er janvier (1915)

Rassemblement de la Cie à 9h. Souhaits du capitaine : Vive la France ! = séance récréative,

Chapelle Notre Dame, rue Bonnardel. Un aéro allemand survole St Nicolas ; quelques coups de fusils sur lui.

Je reçois des lettres de Russie ; de Marie et Mme Astafieff.

2 janvier

Le bataillon va aux bains à Nancy ; je demande au capitaine la permission de ne pas marcher; à 8h je vais consulter le Dr <Haour> (*) pour une douleur au côté; rien au poumon ; un peu de fièvre ; névralgie intercostale. Aspirine, quinine, ouate.

Je vais au rapport de la place, je le porte au Colonel ; puis je touche du chocolat et des friandises venues de Chamonix et de La Roche, pour le bataillon. Le fourrier RAVANEL, 7e Cie, est de Chamonix; il connaît les <Tournier>. (*)

Rentrée du bataillon vers 3h ; ThomÉ attend avec ses clairons ; il a mis le sabre de j'adjudant VITTET.

 

(*) : Mots dont la graphie n'est pas certaine.

3 Dimanche

Lettre recommandée de Marie du 7 décembre, avec lettres des enfants et une carte d'elle, du 10 déc.

Ils se préparent à aller à Varsovie (comme je le sais par une dépêche du 11 déc.)

 

À 3 h séance récréative – Comme le 1er janvier.

 

Soir nous jouons aux cartes.

Il pleut, il pleut.

4 janvier

Lundi, pluie, soleil ; soir, manœuvre du bataillon.

En rentrant de St Nicolas, 1 carte de Marie du 4 décembre, une de Mr Debolsky et une dépêche de Marie du 29 décembre m'annoncent qu'ils sont à Kielce.

Hélas ! Justement, les journaux annoncent qu'on s'est battu le 31 entre Woszczowa et Kielce, avec succès pour les Russes heureusement !

5 janvier

Trois aéros autrichiens ont jeté 10 bombes sur Kielce ! Espérons que c'est sur la gare.

 

Après-midi, marche de bataillon par Rosières-le-Haut, rentrée par le bas; vu des dragons à la promenade. L'un nous raconte (un lieutenant) les campagnes du 12è drag = Il a vu le 58e d'infanterie jeter sacs et cartouches pour aller au feu.

Ils étaient avec nous le 22 novembre, à Réchicourt, quand une brigade de Metz nous a contre-attaqués.

En rentrant avec clairon, pluie.

6 janvier

Les Rois. Rien de particulier.

Le soir prise d'armes à 9h une fusée dans St Nicolas.

À 5h, je porte au Col. TERRIS une lettre de Kielce.

7 janvier

Noël russe. Lettres aux enfants.

Préparatifs de départ pour demain.

Je reçois une lettre de Mme Labrune me disant que son mari m'a écrit et qu'elle m’a envoyé un paquet de friandises avec le passe-montagne demandé. Mme Dauphy me remplit mon bidon d'un quart de vin vieux. Je lui ai offert une pince à sucres et tous ensemble, 6 cuillères à café. Pour Noël, nous avions offert un pendentif à Mlle Yvonne.

Je fais une visite à Mme Bieltz, 1 rue du jeu de Paume, où j'avais mon lit ; la grand-mère, le père et la mère (malade) deux filles.

8 janvier

Départ du campement à 6h 1/2.

Je pars pour la liaison, avec la 3e colonne à 8h 1/2. Déplante me dit que nous allons à Lunéville, caserne de Stainville (2e chasseurs).

Après le vent terrible de la nuit (nouveau coup de projecteur entre St Nicolas et Nancy), malgré le temps nuageux, il ne pleut pas jusqu'à Lunéville.

Nous passons par Dombasle, Sommerviller, Anthelupt (ferme de Léomont sur la hauteur, dévastée) tombes, Vitrimont à droite et forêt de Vitrimont, enfin Lunéville ; nous laissons sur la droite, derrière la forêt de Vitrimont, Blainville-sur-l'Eau et Mont-sur-Meurthe.

Nous entrons dans Lunéville, passons sur deux ponts sautés, devant le palais Stanislas, longeons le champ de Mars et venons aux casernes.

Le colonel TERRIS, Ct la brigade, vient visiter le casernement.

 

Le soir, je vais en vain chercher des lettres ; j'échoue dans un restaurant où je trouve Pillet et Dessaix ; dîner pour 25 sous. Rentré au quartier à 8h 1/2 sous la pluie.

Journal et coucher, après quelques lettres.

9 janvier

Lever, nous déménageons (la liaison du 6e bataillon) de la caserne de Stainville (où est la brigade et le 223) à la caserne Diettman (5e bataillon). Local sans feu, porte cassée. Rien de particulier. Reçu une carte de Marie du 14 décembre.

10 janvier dimanche

Repos, quartier déconsigné.

Nous mangeons à la cantine de Stainville (mess commun pour nos 5e et 6e Cies et le bataillon du 223).

Nous installons un poêle et réparons la porte.

 

Après déjeuner, promenade en ville avec Grange (Gangolph) sergent porte-drapeau. Visitons l'église St Jacques où est le tombeau du roi Stanislas Leszczynski.

Retour à Diettman. Ordre du général de division de rentrer au quartier.

 

Lettres : une de Marie et Grand-Mère, une de Volodia Nicolaïef de Moscou (Kielce du 15 déc. Moscou du 23 déc.) une de Chazel.

 

Un aéro français passe.

Dîner à Stainville, rentrée. Écrit cartes et lettres.

Reçu paquet de Mr Girard. Remis mandant de 40 fr du Cr Lyonnais au vaguemestre. Il fait chaud dans la chambre, ce soir nous n'aurons pas froid comme hier.

11 lundi

Pluie. Vie de caserne.

Lettre d'Alik... D'Annecy, un convoyeur a amené des colis. J'en ai un gros de Mr Labrune: 13 paires de gants, 8 p. de chaussettes, 4 passe-montagnes; cache-nez; 4 pl. de chocolats; 1 tomme, 6 bougies, 1 saucisson, 2 boîtes de pastilles (Guyot et Valda).

Reçu un autre paquet des Péthellaz : 1 poulet à la gelée, 3 paquets de cigarettes, 1 p. montagne, 1paire de chaussette, 1p. de gants, 2 plaques de chocolat Mazet.

Nous mangeons aussitôt la moitié de la tomme avec du vin blanc. Soir, lettres.

12 janvier mardi

Le régiment se rend en pèlerinage à Rehainviller, visiter les champs de batailles de Mont et R. (*)

Départ à 12h 30 ; gare, ponts sautés, la Meurthe; champs pleins d'obus. Hérimenil à gauche, puis Rehainviller - Trous d'obus, maisons démolies, trouées.

En sortant du village, bifurcation sur Mont, à droite; halte; trompettes de Dragons qui défilent.

À la bifurcation, une ferme où le colonel et le commandant ont passé la nuit dans la cave; tout autour, tombes isolées dans les champs ; tombes collectives à gauche et à droite de la route; presque toutes appartiennent au 223. Une crête nue avec des tranchées creusées par ma Cie; C'est ici que Joris a été nommé s/lieutenant.

 

Le 1er bataillon arrive ; le colonel Orsat vient voir la ferme.

On se remet en marche pour rentrer et défiler devant le drapeau, au son des clairons.

Pluie, j'ai mis mon imperméable en toile cirée. Je rentre très fatigué de cette marche de 10 kilomètres, étourdissements, on me dit que j'ai la mine toute jaune. Nous mangeons la moitié du saucisson de Mr Labrune. En montant l'escalier de la cantine, pour dîner, je tombe, coup sur la rotule, étourdissement.

Une lettre de William.

 

(*) : Peut-être référence aux combats du 25 au 30 août (Rozelière, Gerbéviller, Haut-Mont, Rehainviller à peu près 320 blessés, plus de 10 morts et 185 disparus au 230e RI.

13, mercredi

Rien - Pas de lettres; touché mon mandat de 40 fr ; reçu un passe-montagne de Mme Bouvier.

Ah ! J'oubliais; il ne pleut pas ; et comme toute la nuit notre canon a tonné et continue encore le matin et toute la journée, 3 avions allds viennent vers 8h survoler Lunéville et filent vers Nancy.

 

À midi, 4e avion; on lui envoie une 15 d'obus, sans résultats, à 2h, un 5e vient sur nous, vire et envoie 2 bombes ; bruit formidable, sans résultats. Il s'en va, salué par quelques coups de canon. La canonnade de notre artillerie lourde continue: sourds grondements qui ébranlent tout. Il y a quelques jours un train blindé alld est venu tirer vers Badonviller.

Dans la nuit du 12 au 13, le 31e chasseur a fait une attaque.

J'ai remis ce matin ma demande pour l'intendance au capitaine; il dit que je dois d'abord passer la visite.

14

Rien - Reçu passe-montagne de Marie Bouvier le 13. Sa lettre le 14 - Je me sens mal, étourdissements - palpitations.

C'est la 5ème nuit que je ne dors pas.

15

Je passe la visite après une bonne nuit de sommeil. Le Major Bergeret me déclare « apte » à continuer la campagne. Il parle au capitaine qui me promet qu'il fera son possible pour m'épargner des fatigues.

Reçu 1 lettre du matin, une lettre de l'abbé J. Marie et le journal « l'Industriel ». Le génie fait sauter un obus de 77 devant la caserne, sur le champ de Mars.

Tremblement de terre en Italie. Par suite de crue de l'Aisne, insuccès au nord de Soissons. (*)

 

(*) : Il s’agit de la bataille de Crouy. Les Français ont subi un revers au nord-est de Soissons.

Voir sur mon site  >>>   ici   <<< le déroulement de cette bataille.

16 janvier, samedi

On parle de départ pour lundi aux A .P.

Tempête de neige et de pluie. L'attention se détourne des champs de bataille pour suivre le travail des diplomates ; les Roumains, les Italiens ? Les Japonais ?

Lettre de Chabert, rien de Russie ! Pourquoi ?

 

Le soir nous allons boire une bouteille de Bourgogne au café du Progrès. Les s/off de la 23e y dînent.

Partie de billard avec Pinget.

17 janvier, dimanche

De 6 à 8h, permission d'aller à l'église.

Nous partons dans la nuit ; le 1er baton et la 6e (24e Cie) vont à Einville, la 2 e (3 Cies) à Bauzemont aux A.P.

 

Départ par alerte à 1h du matin : la liaison sous mes ordres : 1 peloton de chasseurs des Cies d'A.P (21, 22, 23) et les téléphonistes.

18 janvier

Départ 1h, il neige un peu, route mouillée.

Traversée interminable de la ville; faubourg d'Einville incendié. Il fait noir, neige, assez froid ; j'ai mis ma dalmatique en toile cirée et mon passe-montagne. Nous passons à Einville, halte au pont sur le canal, à 1 kilomètre d'Einville, vers Bauzemont.

 

Arrivée à Bauzemont, j'y laisse mon sac et je vais avec le capitaine Roubertie accompagner le peloton Gebs à la cote 283 (entre Bures et la forêt de Parroy).

La neige tombe fort ; nous pataugeons vers la Fourasse et faisons à rebours la route du 22 nov.; puis obliquons à droite, retombons sur le canal près d'Hénaménil et grimpons à gauche dans un mauvais chemin, avec rails de voie étroite.

Arrivée à la grand'garde par une pente avec escaliers, chaque marche pleine de boue très liquide ; couloir fangeux, abri avec plafond de poutres en fer, de bois, de paille ; le téléphone est là. Les officiers préparent les consignes, se renseignent sur le secteur.

Pendant la relève, je vais boire une tasse de bouillon aux «cuisines» du 36e. Je vais voir le poste de la Cie voisine installée auprès du pont sur le canal, toujours en pataugeant dans la neige fondue et la boue glacée.

 

Retour vers 8h, par la route qui longe le canal, de l'autre côté, route sèche, excellente.

Arrivée à Bauzemont vers 9h, je m'occupe de cantonner le 2e peloton de la Cie qui vient d'arriver ; il faut attendre que les locaux soient désinfectés par le service de santé du 36e colonial que nous remplaçons.

Le capitaine m'envoie me reposer. La liaison est installée dans le château de Bauzemont; nous avons un poêle, 2 lits et 2 sommiers par terre. J'installe mes affaires et vais boire un bol de chocolat au lait dans le village; à tout hasard j'achète 2 œufs pour 10 sous. Installation et nettoyage des tuyaux du poêle, feu ; je me couche un moment.

 

À midi, nous mangeons mon poulet à la gelée. J'y ajoute mes 2 œufs et du chocolat.

Ce soir, le convoi arrive et nous aurons un dîner.

Je reçois une lettre d'Alik (du 27 déc.), une carte de Marie du 15/12 et une lettre de Mme Seudra de Chambéry.

Dîner. Il gèle ; tasse de café à la popote des officiers, cigares écrit quelques cartes.

Coucher avec une brique chaude pour me réchauffer le ventre (j'ai un peu de coliques) et les pieds.

19 janvier mardi

On nettoie la chambre, on installe une table à écrire; je monte mon sommier sur deux supports et je trouve une table de nuit. Je balaye un coin, je trouve des rideaux et portières pour servir de couvertures.

Journée calme - du canon vers Pont-à-Mousson tonne avec fureur ; le 75 s'en mêle vers Moncel.

Il gèle.

20 janvier

Rien de particulier - Avions – Canons

Reçu une lettre d'Alik du 30 déc. et lettre de Cibaud du 16 janvier.

 

Dans la nuit, vers minuit, deux cyclistes montent d'Einville, du colonel. Le Ct nous réveille Boisier et moi et nous remet un pli pour les grandes gardes en avant (à gauche) du canal, à 283 et à Parroy ; nous allons réveiller les cyclistes de nos compagnies qui partent à bicyclette le long du canal de la Marne au Rhin ; il gèle, temps assez sombre.

 

À 3h, je vais annoncer au commandant que les cyclistes sont rentrés et que l'ordre est transmis.

21 janvier

Pas de lettres, sauf une du receveur des postes d'Annecy m'avisant que sa Poste Restante n'a rien reçu pour moi.

Il commence à dégeler, il pleut.

Hier, une patrouille du 333, devant Arracourt, à tué un officier allemand, 2 soldats et rapporté un blessé après avoir dépouillé les morts de leurs équipements.

Le capitaine Roubertie chasse le sanglier dans la forêt de Parroy ; le capitaine Bersani pêche dans le canal au filet.

 

Le soir, les cyclistes portent aux A.P. Des ordres concernant des patrouilles à ne pas faire.

Mauvais temps, pluie.

22 janvier, vendredi

A 6h 1/2 le Ct nous réveille, le canon a tonné depuis 4h. Ce sont les Allemands qui arrosent tout notre front avec leur 77; ils tirent sur la digue de Parroy ! Veulent-ils avec leurs 77 la démolir pour nous inonder ?

Nous nous levons prêts à porter des ordres; la relève arrive, tout se calme.

 

Vers midi, combat d'artillerie: les Allemands avec de gros obus tirent sur 322, 327, la Fourasse et 283. Nos 90 et 70 de la Fourasse reçoivent des obus tout près. Ils ripostent aidés par les 95 d'Hénaménil.

Temps chaud, soleil radieux de printemps, dégel.

 

Vers 3h tout se calme ; on entend le bruit d'un moteur d'aéro invisible.

Arrivée des colis postaux venant d'Annecy avec des cadeaux ; lainages, chaussettes, biscuits, un peu de chocolat.

 

Le soir clair de lune superbe, fusées dans le ciel - derrière le château, observatoire superbe avec un bouquet d'arbres: de là on découvre Valhey, Bathelémont, Bénamont, les hauteurs de 329 et 327 et le signal allemand ; panorama splendide, moitié blanc de neige, moitié gris ou noir (forêt).

Pas de lettres !

Samedi 23

Rien de particulier, il dégèle. Coups de canon. Reçu 2 lettres, rien de Marie. Nous jouons à la bourre. Je gagne 7 ou 8 fr.

Dimanche 24

Coups de fusil dans la forêt de Parroy ; il paraît que le 299 aurait surpris une patrouille allemande.

Le soir, 2 lettres mais rien de Russie.

Préparatifs de départ pour demain matin à Einville. Le 1er bataillon vient nous relever.

25, lundi

Lever à 7h ; emballage; nous mettons dans un sac nos galoches et nos effets supplémentaires.

Déjeuner; départ à 8h 1/2, à la queue du bataillon, avec 4 voitures du convoi.

Temps gris et assez doux. Vue sur Valhey, Einville, le clocher de Raville; les hauteurs qui nous séparent de Lunéville sont blanches de neige.

 

Arrivée à Einville; notre bureau est au même endroit chez Hayem <Xaùmr>, un juif; nous avons 3 bons lits en haut et en bas dans le bureau (le mien autrefois).

Le colonel est au château; le Ct Girardin et le mess des officiers du 6e bataillon sont près du pont (Café du Pont). Je vais reconnaître les logements de mes officiers et les cantonnements de ma Cie.

Beaucoup d'ordres à copier toute la journée (corvée de bois, de clayonnage, travaux dans les tranchées, vaccination anti-typhique etc.).

Sur la place de la mairie, les artilleurs nettoient leurs pièces de 75 ; 3 canons sont là ; l'un, a une blessure faite par un obus alld. Le 4e est en batterie à Crion pour tenir contre les aéros.

Nos 2 popotes sont installées et fonctionnent bien. Je mange avec le 1er peloton, Vittet avec la 2è.

Je tousse un peu... Pas de lettres ! Un journal italien de l'abbé J.Marie. J'écris au « Matin » d'installer un dépôt à Einville.

 

Dans l'après-midi, dans la grand'rue, chez le ferblantier, deux hommes ont été tués en voulant dévisser une fusée de 105 allemand. (Le vieux ferblantier et un mitrailleur du 6è territorial)

26/1 mardi

Bonne nuit dans un bon lit avec des draps... presque propres. La neige couvre tout ; on nettoie les rues.

Le «Petit Journal » annonce que l'escadre anglaise a coulé un gros croiseur allemand «Le Blücher» de 16000 tonnes, et endommagé deux autres. Comme réponse au raid des Zeppelins sur Yarmouth, les aviateurs anglais ont bombardé Zeebruge.

Les avions allemands ont lancé 80 bombes sur Dunkerque.

27/1

Fête de Guillaume; chez nous, rien de particulier, vaccination anti-typhique. Pas de lettres de Russie.

28/1 jeudi

Pas de lettres

Il gèle. Fête de Favier et Lathuile (François). Cattin (adjt. séminariste) est nommé s/lieutenant.

J'ai un peu de colique.

29/1 vendredi

Beau temps clair et froid, soleil.

Vers 2 heures, deux avions allemands passent sur nous allant vers Lunéville; un seul revient; à 2h1/2 le téléphone nous apprend que l'autre a été descendu à Lunéville, il avait à bord 1 officiers et 2 s/off.

Pas de lettres de Kielce.

30/1 samedi

Beau temps - Pas d'avions; si un français.

Le soir pendant une alerte faite pour permettre au Général de Division (Bigot) de se rendre compte de l'état d'avancement des travaux de défense sur la ligne principale. Froid; la neige couvre tout le pays; les travailleurs se détachent en sombre sur <manchons> : ValheyBauzemont, Hénaménil; les Allds bombardent nos avant-postes. L'avion est en haut que nous l'entendons bien longtemps avant de le voir, il reste visibles quelques minutes seulement pendant qu'il est au-dessus de nous. Nous rentrons.

Pas de lettres, une seule carte de Massingy.

Demain, mon bataillon monte à Bauzemont, mais ma Cie reste = On propose, 1 cap pour la Croix de St Anne, 1 lieut. Pour St Stanislas; 1 adjt pour St Georges de x classe, 1 sergent pour la classe suivante et plusieurs caporaux et soldats.

31 dimanche

Départ du bataillon - Je dors encore - on m'expulse de la chambre de liaison (la 17e Cie du Cap. Humbert).

Rentrée de Vulliet et des élèves du peloton de Dombasle.

Le temps se couvre, le soir, il neige. Une lettre de Grenoble, de Mlle Bakkanowska ...et c'est tout !

La liaison couche au-dessus d'une épicerie, rue du Pont, 2 par 2.

1er février

Lettre de Marie (carte du 29-11 janvier, Jour d'arrivée à Varsovie)

2 février mardi

Pas de lettres de Marie. Carte d'Empereur.

Beau temps. Avions L'un doit descendre vers Gerbéviller, en arrivant de Lunéville. L'autre revient en passant droit sur nous Le sergent Pinget de la 2e Cie a été blessé par les Allnds dans Parroy. 2 balles dans le bras. (Voir vendredi).

3 février mercredi

Lettre de W Popof. Pas d'avions = On a tué ce matin un Allemand devant Parroy.

Vers 2 heures, les Allemands attaquent la 21è Cie résiste sur place et nos 75 et 90 dispersent les rassemblements.

4 février jeudi

Beau soleil clair. Pas de lettres sauf de Marie Bouvier, du Dr et de sa femme - Le Dr Bouvier est sur le front.

3 avions allemands salués par des obus.

 

Le soir un français. Venant de Nancy; on lui tire dessus ! Ordre aux 75 de cesser. Les Allemands tirent le canon.

5 février vendredi

Beau temps. Devant Parroy, l'Adjudant Fromaget et un soldat (de cavalerie) ont été surpris pendant une reconnaissance. La patrouille (P.P.) (*) commandée par un lieutenant de cavalerie est rentrée en évitant le village; lui a été pris. (**)

Pas de lettres, de personne. Les Cies du 1er bataillon touchent des capotes bleu-clair; des képis et couvre-pantalons.

On forme une 3e section de mitrailleuses et toutes les trois sont réunies en une Cie de mitrailleurs. Vulliet y passe comme fonction sergent-major. Marquand comme sergent. Préparatifs du bataillon Imbert pour monter demain, sauf la 19e Cie qui reste.

 

(*) : P.P. = Petit poste

(**) : L’adjudant FROMAGET et le soldat BESSON. Leur action courageuse est décrite dans le JMO  >>>   ici   <<<

 

L’adjudant FROMAGET sera cité à l’ordre de l’armée pour le motif suivant :

« FROMAGET, adjudant (21e compagnie) ; s’est fait remarqué depuis le début de la campagne, par sa bravoure, son audace et son esprit d’entreprise.

Chargé de protégée le flanc d’une reconnaissance avec une patrouille, a été mortellement frappé, le 5 février, en se dévouant pour prévenir le chef de la reconnaissance d’un danger que courait celle-ci ».

 

En date du 5 février 1915 : (*) l’adjudant FROMAGET annoncé blessé et prisonnier des allemands dans le JMO du 5 février, puis mortellement blessé dans la citation du 19 février est annoncé dans Mémoire des Hommes tué à l’ennemi le 13 mars 1915 à Dieuze qui était occupé à cette période. Il serait donc probablement mort en captivité de suites de ses blessures. Voir sa fiche.

 

BESSON est lui bien annoncé tué à l’ennemi le 5 février à Parroy. Voir sa fiche.

6 février samedi

Relève. Mon bataillon (3 compagnies) redescend aujourd'hui; je ne serais plus isolé.

 

Vers 6h ½, les fourriers arrivent et vers 8h1/2 les Cies. Je me réinstalle pour coucher au 1er de la maison Hayem, draps blancs !

Pas de lettres.

7 février dimanche

Pluie. Dégel. Repos.

Pas de lettres. Joué aux cartes.

Les Allds annoncent qu'ils torpilleront navires marchands dans la zone autour de l'Angleterre. Violents combats en Pologne.

8 février lundi

Dans la nuit et le matin, pluie.

Vers 9h, temps clair et chaud de printemps. Le bateau à vapeur a pu briser la glace du canal et reprendre ses voyages de ravitaillement entre Warangéville et Einville.

De Lunéville, la garnison vient se ravitailler à la gare d'eau. Arrivage considérable d'obus à la mélinite pour nos 75, venant du grand dépôt de Sommerviller (Transféré de Ville-en-Vermois).

 

Dans l'après-midi, de nombreux officiers d'artillerie, montent avec des canons de 75. On doit aussi essayer les pièces de 155 de Serres (Bois de Saussy) qui ont remplacé les vieilles, un peu usées déjà et qui vont, paraît-il, être frettées pour recevoir une charge plus forte.

Les généraux de brigade et de division viennent chez le colonel, sans doute pour causer de Parroy, où, ce matin encore nous avons eu des pertes (des dragons). Pinget, déjà nommé adjudant est cité à l'ordre du jour de la Division.

Lettre d’Eugénie annonçant chocolat.

9 février

Rien de particulier.

Pas de lettres de Kielce. Lettres de Pompée, de Chabert et paquet d’Eugénie. Crottes de chocolat et 5 tablettes.

10 février

Nouvelles capotes gris-bleu-clair. Il pleut.

Dunand est grossier envers le capitaine, brise son fusil après l'avoir approvisionné et avoir proféré des menaces. On l'amène au poste.

Reçu une carte de Marie, installée à Varsovie.

Canonnade le matin La Neuviller.

11 février

Jeudi temps clair. Adjudant Veyre (17è) et un homme (Buttet) sont blessés à Parroy.

12 fév. Vendredi

Pas de départ, mais alerte à 7h du matin à cause d’une attaque sur Athienville-Arracourt, repoussée par la 333. Avion allemand sur Einville, très bas.

Reçu de William, photo de Marie et des enfants faite par lui.

13 fév. Samedi

Bains douches à la brasserie d'Einville.

14 dimanche

Lever à 3h 1/2 pour réveiller la Cie qui part à 4h1/2 - Recouché et parti à 6h 3/4 pour Bauzemont.

15 lundi

Reçu 2 lettres de Marie (lettre du 22 janv. carte du 27)

Hier, on a installé trois 120 longs devant le village et 3 autres derrière Hénaménil, en avant de Raville. (*)

 

Le soir, les 155 du bois de Saussy tirent quelques coups.

 

Vers 8h, un dirigeable allemand est signalé sur Athienville. De l'observatoire derrière le château, spectacle tragique des immenses tentacules de 4 projecteurs cherchant à saisir le ballon. Le vent violent de ces 2 jours s'est calmé après 2 chasse-neige dans la journée.

 

(*) : Raville-sur-Sânon

16 mardi

Violente canonnade de grosse artillerie au loin vers Verdun ou Pont-à-Mousson.

Que se passe-t-il ?

Ici les 95 tirent ; les Allds répondent par quelques obus de 150. Quelques coups de nos 75. Temps brumeux au loin, un peu de vent.

17 mercredi

Lettre de Mme Seudra. Temps clair et doux.

Pluie le soir. Un avion à droite vers Crion. Lunéville essuye un feu terrible. Canonnade intense vers Pont-à-Mousson; l'air vibre.

Les 77 arrosent Parroy, Bures, 322 et 327 (avec fusants).

Hénaménil surtout (130 obus sur Hénaménil occupée par ma Cie tuent une vache et une poule); le clocher reçoit 2 obus ; Lugrin au pont entre 283 et Hénaménil, reçoit 2 obus dont l'un casse deux arbres.

Des renseignements reçus par téléphone ; nous n'avons pas un seul blessé sur toutes les lignes de nos avant-postes (223, 333, 230 et 229). Les 120 n'ont pas ouvert le feu; les 95 ont peu tiré ; les 90 un peu. La 22è Cie (Boisier) monte d'Einville à Bauzemont renforcer et faire des travaux (*).

On décide d'évacuer la population d'Hénaménil. Les Allemands ont sonné les cloches.

 

(*) : Phrase rajoutée en bas à cheval sur 2 pages

18 jeudi

Temps pluvieux, mais assez clair.

Vers midi, canonnade au nord, Pont-à-Mousson ?

Les Allemands bombardent 283 et Hénaménil avec leurs 77. Le général Bigot (74è Don) vient à notre château, monte à l'observatoire. Les 120 tirent. 2 sont au bas du cimetière, 1 à la maison brûlée au-delà du pont d'Hénaménil; les 95 appuient : l'ennemi fait silence.

Demain matin, 32 voitures commenceront à évacuer les habitants d'Hénaménil, qui a reçu encore 30 obus aujourd'hui.

Au loin vers Pont-à-Mousson, canonnade violente (depuis le 14).

Reçu lettre d'Alik du 15/28 janvier.

19 vendredi

Belle journée de printemps, soleil tiède. On entend encore par moments la canonnade vers Pt à Mousson; les Allds tirent sur Parroy qui brûle et sur les autres Gds Gardes. Le Comm officiel annonce: 3è jour de succès à Pont-à-Mousson (Xon, Norroy); en Alsace ; en Champagne.

Notre secteur n'a rien vu de remarquable.

Reçu carte d’Eugénie.

20 février samedi

Parroy brûle ; la canonnade, bombardement continue sur ce village qui a reçu 280 obus en 24h. Plusieurs avions, dont 1 français qui est, lui aussi canardé par les nôtres (Biplan Caudron). Soir - brume, canon, pluie, canon quand même.

Je reçois un paquet de cigares et cigarettes de Mr Chabert.

Soir : alerte à 9h1/2 ; bruits d'attaque générale allemande.

21 dimanche

Pluie, canon quand même; bourrasques puis temps clair, tous les gros canons s'en mêlent surtout ceux de Valhey (115)

Le soir, avis de la relève pour demain

Reçu paquet de Girard: papier à lettres, crayons etc. Lettre de Marie, du 1er février, de Max Pompée et d'Ernest.

J'écris au Colonel Terris pour <l'aff> Joris.

22 lundi

Je pars de Bauzemont avec la 24 Cie de Fleury qui était à Parroy. Je félicite le capitaine de ramener tout son monde.

Du reste, le bataillon n'a pas perdu un seul homme, ni dans les attaques de nuit, ni pas le bombardement.

Beau temps clair. Arrivée à Einville vers 8h; chambres des officiers. La Cie arrive un quart d'heure après moi. Tout va bien. Journée calme - bon lit- bon sommeil. Reçu lettres de Chabert, de William, de Suzanne, ainsi que lampe électrique et le Pays de France.

23 mardi

Rassemblement de la Cie à 7h50 ; le Capitaine part à Lunéville avec le Ct Girardin. Lugrin est le chef de popote.

Temps gris, un peu de neige fondue. Rien à signaler.

Les Russes auraient perdu 50.000 h dans la retraite de Prusse-Orientale.

24 mercredi

Rien. Lettre de Wola Nicolaïef de Moscou; 1 paquet de M. Girard contenant un imperméable.

Donné au cycliste mitrailleur qui m'avait prêté sa bicyclette.

25 jeudi

Rien.

2 journaux de Varsovie envoyées par Marie - Lettre de Philomène. 2 prisonniers faits à Parroy dans attaque.

26 Vendredi.

9h du soir. Alerte dans les cantonnements - Attaque allemande sur tout notre secteur, le canon tonne.

Nos 155 de Valhey tonnent toute la nuit; fusillade violente vers Parroy.

 

À 12h, on envoie dire que les hommes peuvent se coucher, je m'endors à 2h 1/4.

27 samedi

Réveil à 6h ; tout le monde sous les armes. On va au travail; les Allds ont attaqués vers la Neuville puis Parroy.

28 dimanche

Repos, le soir la 18e et la 22e vont occuper Raville et Crion. Je vais les attendre au retour. Bures brûle. On a amené, l'après-midi un prisonnier boche.

1er mars lundi

Les Allds occupent Parroy et Bures. On les a chassés de Bures (le 223) mais non de Parroy; ils sont retranchés en avant du village, au cimetière - à 400 mètres de notre G.G de la digue. Les P.P. ont lâché pied (20e Cie).

Un essai de reprendre Parroy (lieutenant Assada) avec l'appui des mitrailleuses, du 75 et des 155 courts, et de la rafale de neige, n'a pas réussi (4 morts et des blessés, 1 sergent tué).

 

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Extrait du journal du régiment

 

Le soir les Allds attaquent notre P.P. en avant de la digue avec des grenades. Le P.P. (19e Cie) s'était replié de 100 mètres

Lettre de Marie.

2 mars mardi

Nous sommes relevés par le 299. Je pars à bicyclette à 5h 1/2 matin; rafale de neige, route affreuse pour Deuxville – Le 5e bataillon à Maixe.

 

 

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Fin du carnet n°1, début du carnet n°2

 

 

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Le 2 mars 1915

Deuxville. Le régiment est relevé des avant-postes par le 299è.

Je pars à bicyclette à 5h 1/2 du matin, par une rafale de neige et une route atroce pour préparer le cantonnement à Deuxville, village entre Maixe et Lunéville.

Le 5è bataillon et l'état-major du régiment vont à Maixe. Le village a souffert du bombardement, mais peu de maisons sont complètement inhabitables.

Le bataillon arrive en 2 échelons. On s'installe. La liaison et le téléphone dans une maison abandonnée où nous ne sommes pas trop mal. Dans une armoire pleine de linge, je trouve des draps pour le lit, qui a un bon sommier. Éclaircies et bourrasques de neige.

 

Je me couche vers 9h avec une névralgie, la 1ère de la campagne (parce que j'ai offert un verre de mirabelle, vers 11h à des sous-officiers de la 23è).

Carte de Cibaud, carte de Massingy, Journal Illustré de Paris.

Mercredi 3 mars

Même temps, la nuit il a un peu gelé.

Les officiers vont passer la journée à Lunéville. Je reçois 1 carte de Marie et 1 de Pietrowski et 1 carte de Cibaud.

Le cycliste Quétand nous dit que les chasseurs cyclistes de la cavalerie ont passé par Einville vers les avant-postes. Les Allds seraient à Arracourt ou dans la forêt de Bezange.

 

Vers le soir, au moment où le commandant et le colonel arrivent à Deuxville, on entend une canonnade violente et nos mitrailleurs dans cette direction.

Je vais faire un tour sur la hauteur (vignes) au-dessous du village: éclats d'obus de 77 à tous les pas, des tombes françaises. Quelques obus de 77; j'en rapporte un avec une fusée qui s'y adapte et je le donne à Roux, notre capitaine d'ordinaire; marmites en aluminium, gamelles, musettes, trous d'obus sur toute la hauteur.

En se retirant de Deuxville, les Allds ont emmené le Maire et le Curé et les ont fusillés à Crion (septembre)

Jeudi 4 mars

Temps radieux, chaud à transpirer, combat violent autour de Parroy - Canonnade terrible.

On dit que le 333 est parti hier vers Pont-à-Mousson en auto et le 223 aujourd'hui pour Baccarat. On entend aussi le canon dans ces deux directions. Je vais sur la hauteur qui domine le village, vers 10h; fusillade, canonnade à Parroy. Je parcours le plateau, couvert de débris, de tombes, d'obus pendant que le sinistre concert bat son plein. Les 75 tirent à volonté; on ne distingue plus les coups.

Je remonte vers midi : cela continue.

 

Les journaux annoncent notre avancée dans les Dardanelles; les Russes avancent devant Przasnysz. La grande offensive allemande en Prusse-Orientale est enrayée et refoulée.

Distribution de 1908 paires de chaussettes.

Le combat continu - Un 4è avion alld nous survole.

Vaguemestre: 1 paquet de cigares de Chabert (25 Fénix et 2 mouchoirs), 1 paquet de journaux «Gazeta Kiclecka»

5 mars

Quelques coups de canon - temps clair sans soleil.

Bains à Lunéville; je pars avec la Cie à midi – arrivée à 1h 1/4 à travers les hauteurs de Frascati, champ de bataille. Trous d'obus, fermes brûlés et démolies.

Le capitaine me refuse la permission d'aller aux bains de la rue Sifflet !

 

Retour à 5h 1/2 à Deuxville. Je trouve 3 lettres, 1 de Marie, retour de New-York n°15 du 31 décembre /13 janvier de Varsovie ; 1 de Chabert et 1 de Janin.

Je me couche vers 9h, assez fatigué.

On ne sait encore rien de précis sur Parroy.

6 mars samedi

Deuxville. Pas de bruit de canon.

7 mars dimanche

Rien de particulier - Paquet Girard

8 mars lundi

Assez froid - un peu de neige - vent froid.

Lettre de Marie du 15 fév ; lettre de Pompée: son frère Léon blessé ! Une balle au ventre ayant entraîné le mécanisme de sa montre, opération mais état désespéré. Lettre de Roussel de Chambéry.

Préparatifs de départ pour demain.

9/3 mardi

Départ à 6h, par Bonviller, Bienville-la-petite, Crion.

Il a gelé, il souffle un vent froid comme à Réchicourt. Je mets mon couvre-nuque en toile cirée (Girard) et j'ai chaud aux oreilles.

Depuis hier soir, coliques; je fais diète.

Arrivée à Crion vers 8h 1/2 Ma Cie (23e et 22 e) en avant va tout entière au Puits; je mangerai à la 21e; Installation. Je fais une grande gamelle de chocolat à l'eau.

Le Ct veut que, Vittet et moi, gardions son bureau et couchions en haut. La relève se fait sans incidents.

Pas de lettres (2 "Varshavskaia Mysl" (*))

Coucher à 8h ; mal à la tête. Peaux de mouton, sac de couchage, sommier par terre.

 

(*) : Titre en russe « la Pensée de Varsovie » publication locale.

10/3 mercredi

Fusillade, vers 5h 1/2 du matin ; les sentinelles, en se reportant en avant, se heurtent à fortes patrouilles allemandes.

Notre sergent Berrut reçoit une balle au côté; le Capt Gallay, frère du sergent a sa crosse de fusil partagée par une balle.

Dans la matinée, la 6e division (à notre droite vers Badonviller, Blâmont) fait une reconnaissance; avions; temps froid et clair; 1 avion alld fuit devant 1 français qui est chassé à son tour par un grand biplan alld qui tourne plusieurs fois autour de Crion, cherchant nos grosses pièces / le 120 et 95 tirent.

Il doit y avoir une grosse pièce (155) vers Bonneval. Les Allds tirent sur Parroy.

Neige; vers 9h, il y a 10 cm de neige. J'ai préparé le cantonnement pour ma Cie qui rentre demain à Crion.

 

À 10h, Berrut arrive à l'infirmerie, il va bien; son portefeuille et cartouchières percés (boussole brisée).

 

À 2h30, on l'emmène en auto à Lunéville.

Coucher sous mes peaux de mouton.

11/3 Jeudi

La 22 Cie a deux tués (aux 5 Tranchées). Je prépare du chocolat pour VITTET et pour moi (au lait).

Les Cies rentrent ce matin ; la neige les retarde. LATHUILE et DUMONT, les cuisiniers, partis vers 6h arrivent vers 9h.

J'installe les cuisines.

 

Vers 11h le 2è peloton arrive; à 11h1/2 le capitaine; à 12h le lieutenant GEBS avec le 1er peloton. Dans la journée, on entend le canon vers Pont-à-Mousson.

Le Général de division a une conférence avec le Ct.

12/3 vendredi

Il fait chaud, assez clair; tirs d'artillerie chez nous et vers P-à-M.

 

Le soir, la nuit, nous tirons un peu; les Allds davantage; lueurs des coups vers Coincourt, Monacourt; globes des obus fusants (note secrète pour demain)

 

Vers 2h, le Colonel et son E.M montent.

 

À 3h enterrement des 2 morts de la 22è.

Reçu 1 paquet de Cibaud (cache-nez, bonbons, chocolat)

13/3

Le 21è rentre (2 disparus !). Ma Cie va la remplacer.

Reçu 9 lettres : 3 de MASSINGY, 1 d'Ernest, 1 de CIBAUD, 1 de Marie,

1 de Mme LABRUNE (Violettes de Savoie), 1 du Matin et 1 d'une demoiselle qui a vu mes timbres russes et désire la collection.

Les chasseurs du 43è et les 2 p. de 75 ne sont pas venus; le Général de division vient en auto; on va envoyer une pièce de 65 de montagne dans la forêt en permanence.

BERRUT, GALLAY et RENDLER sont cités.

14/3 dimanche.

Il a plu dans la nuit; temps brumeux, pluie. Rien de particulier. Une carte de CHABERT insiste pour que je lui dise quels cigares je préfère. Repas avec la 21èCie. Je leur donne pour la deuxième fois des cigares, car ils sont très aimables pour moi.

Les généraux MAUNOURY et DE VILLARD sont blessés. (*)

Progrès aux Dardanelles. Grande bataille au Nord de la Vistule.

 

Le soir, le cap. ROUBERTIE téléphone vers 11h, pour qu'on avance la relève.

Sa Cie, faisant continuellement pression de ses sentinelles contre les sentinelles ennemies, a réoccupé nos emplacements habituels; mais sous fusillades incessantes.

 

(*) : MAUNOURY et DE VILLARET - Blessés le 11 mars 1915 au plateau de Nouvron

15/3

Relève; départ des 21e et 24e à 5h. J'ai fait partir une voiture à 4h avec des vivres, parce que ma 23e mangera au Puits.

 

Vers 11h, les 2 Cies du 43e soutien d'artillerie, passent pour aller dans la forêt; 1 p. de 65 de montagne passe dans un fourgon - 2 pièces de 75 doivent aller à la maison forestière de Parroy. Tirer sur les tranchées en avant de Parroy et obliger la batterie allemande de 77 de Mouacourt à se démasquer en leur répondant.

 

À 2h, le Gal de div. passe en auto, vers la forêt, suivi de l'auto rouge de l'artillerie lourde.

Les 75 ouvrent le feu, jusqu'à 3h1/2.

 

À 4h le général revient; il entre au bureau en se frottant les mains; les Allemands ont dû évacuer Parroy (nous pourrons dégager le corps du lieutenant LOTTE).

Les 77 ont commencé à arroser l'emplacement de nos 75 quand ceux-ci s'étaient déjà retirés.

L'auto rouge s'amène en trombe; vite au téléphone, on communique les renseignements et les 155 et 120 de Valhey et de Bauzemont tirent sur la batterie allemande. Ces jours-ci, à droite de la forêt de Parroy, nous avons occupé Emberménil et le Chênois (voir Communiqué).

 

Ma Cie rentre à 4h 1/2 au complet ! 2 hommes se sont trouvés engagés entre les sentinelles ennemies, mais ont pu rentrer.

Nous avons tué 4 Allemands qui sont restés sur le terrain. Nous n'avons eu, en 8 jours dont 4 aux avant-postes, que le Sergent BERRUT blessé et le fusil du Capt GALLAY fendu par une balle.

Le cap ROUBERTIE est content.

17/3

Départ pour Maixe. La liaison part seule à 11h.

Arrêt à Einville au Café du Pont, le long du canal (l'adjudant s'est mis en avant à bicyclette). Belle journée de soleil.

Ma Cie est à Petite-Maixe, de l'autre côté du canal et du Sânon; 3 ponts à passer.

Je reçois 1 lettre de Marie et des enfants.

18/3

Jeudi le soir, ordre de partir pour Raville. J'ai voulu envoyer une dépêche à Marie (revenue de Dombasle le 19 à Raville).

À la popote, je paye vin blanc, cigares et Cointreau.

19/3

Vendredi. Départ à 6h30 (campement) avec le capitaine ROUBERTIE. Je fais le cantonnement.

Il fait froid mais la pluie de la nuit a cessé. Les cuisiniers ne font pas à manger! Je me fais cuire 2 œufs chez les officiers, café à la popote du 2e peloton.

Je reçois lettre d'Alik et paquet de Mme BOUVIER Dr. (cigares, chocolat).

Je couche sur une paillasse et un matelas par terre dans le bureau froid et humide.

1 tué au bataillon. Notre 6è bataillon est félicité par la division .

20/3 samedi.

Temps clair et froid; il a gelé la nuit. Journée vide.

J'envoie ma dépêche par Einville.

Du 20 au 24

Raville en haut du village, tranchées anciennes, d'où l'on voit Bauzemont, 283, 327, Bénamont !

Les Allemands tirent des obus fusants sur 327. En arrière, vers Bonviller, le génie fait exploser des obus.

25 mars

Crion. Ordre de partir cette nuit; ma Cie devra prendre le bois Legrand. Les cantonnements sont calmes.

 

À 10h1/2 rassemblement - Départ; il pleut un peu.

Nous traversons la forêt, les Cinq Tranchées et les barrages de fils de fer en chicanes. Marche par à coups; 10 pas et on s'arrête;

Arrivés à la tranchée de Mouacourt, à gauche, puis à droite dans le bois, Belle Tranchée et à droite ; la 23è va en avant; la 21è reste en réserve au carrefour où nous nous arrêtons avec le Ct le génie et 1 Cie de chasseurs.

 

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Carte de la forêt de Parroy, on y distingue la tranchée de Mouacourt et les cinq tranchées (JMO du 299e RI)

Cliquer sur l’image

 

Quelques coups de fusil, puis on crie : Hourrah ! En avant; On tire encore une fois on crie « en avant » puis rien.

C'est la 22è Cie à droite et la section DUCRET devant nous qui poursuivent les sentinelles allemandes et tombent en arrêt devant une vive fusillade, partant d'un blockhaus.

Calme.

 

Le Ct m'envoie voir ce qui se passe.

Le feu reprend à 500 m de moi environ. Je trouve les brancardiers dans un creux et je continue vers la lisière d'un Gd Bois; j'y trouve la section LUGRIN non encore engagée; LUGRIN me faut cacher.

Je trouve le Capitaine en arrière; je lui demande ce qui se passe; il m'explique sur la carte les mouvements faits et ceux qui vont se tenter. La section LUGRIN appuie à gauche et ensuite en avant, là où la croupe ; violents coups de feu (2e blockhaus alld). Je reviens renseigner le Ct. Le génie travaille, les chasseurs aident.

 

La section CATTIN se poste, vers la gauche, au bois Legrand.

Accalmie.

On est arrivé sur 2 blockhaus, l'un entre 22e et 23e compagnies; l'autre devant 23e = La 4e section (CATTIN) de la 23e est entrée dans le bois Legrand ; l'ennemi s'est replié, quoiqu'il fût en nombre; on envoie la 21e en renfort, puis les chasseurs.

 

On ramène des blessés; COLLOMB, soldat 22e, au front. (*)

CHAPUIS (**) ordonnance de GEBS, genou.

On annonce que RENDLER et PERY sont morts et 1 homme de la 22e. (***)

On amène un canon de 65 pour tirer sur le blockhaus; il tire 15 coups; les obus sont trop petits; on amène un 75, qu'on met en batterie devant nos mitrailleuses; on règle le tir, on coupe 3 arbres, on règle encore et on constate qu'on ne peut pas tirer.

On emmène la pièce ailleurs - On essaie de faire tirer le 15 ; il faudra laisser nos morts sur place et reculer.

De gauche, arrive un mort : CHAMBET (****) de la 23e ; puis le sergent JOLLIVET de la 23e ramène le corps du pauvre petit sergent COLLOMB (*****) (ancien cycliste, médecin de St Georges); mais les chasseurs ont fait 6 prisonniers, on en amène un, blessé, qui meurt en arrivant). Le génie a fini les blockhaus des P.P. Et de la G.G.

 

Les Cies se rassemblent : on mange un morceau, on cause.

Ma Cie a 4 morts et 2 blessés / SONERAT n'a qu'une blessure de balle; VIRICEL a reçu 4 balles, mais n'est pas touché; CONTE a une balle qui lui a affleuré la poitrine. On s'en va.

La route est longue. La 23e, la 24 et la 21 seules rentrent; je monte sur un fourgon à munitions mais, comme je m'endors et risque de tomber; je descends.

Arrivée à Crion la nuit. Mme PLAID nous a fait de la soupe. Je dors sur mes peaux de mouton.

 

À 10h 1/2, ordre aux 21e et 24e d'être au A.P. à 6h.

Départ à 4h, réveil à 3h. !

 

(*) : COLLOMB Jean, Célestin, blessé

 

(**) : CHAPUIS Gustave, blessé

 

(***) :

Ø  RENDLER Jean Antoine, caporal, mort pour la France le 26 mars 1915 à la forêt de Parroy, tué à l’ennemi. Il était né à Paris le 13 septembre 1884. Pas de sépulture militaire connue.

Ø  PERY Jean, 2e classe, mort pour la France le 26 mars 1915 à la forêt de Parroy, tué à l’ennemi. Il était né à Marignier (Haute-Savoie) le 23 octobre 1875. Pas de sépulture militaire connue.

5 tués sont nommés sur le JMO, donc le soldat de la 2e compagnie est soit :

Ø  LUGRIN Basile Alfred, 2e classe, mort pour la France le 26 mars 1915 à la forêt de Parroy, tué à l’ennemi. Il était né à Marcilly (Haute Savoie) le 16 avril 1889. Pas de sépulture militaire connue.

Ø  HONSAY Charles, 2e classe, mort pour la France le 26 mars 1915 à la forêt de Parroy, tué à l’ennemi. Il était né à Tourcoing (Nord) le 15 avril 1874. Pas de sépulture militaire connue.

 

 

(****) : CHAMBET Henri Claude Marie, 2e classe, mort pour la France le 26 mars 1915 à la forêt de Parroy, tué à l’ennemi. Il était né à Pers Jussy (Haute Savoie) le 6 octobre 1884. Pas de sépulture militaire connue.

 

(*****) : COLLOMB Charles André, sergent, mort pour la France le 26 mars 1915 à la forêt de Parroy, tué à l’ennemi. Il était né à Evian le 10 octobre 1884. Il est inhumé à la nécropole nationale Friscati à Vitrimont (54), tombe 144.

 

27 mars samedi

Moi je dors jusqu'à 8h. Je vais au rassemblement de ma Cie; on fait l'appel.

Je vais prendre un café au lait. Le Capitaine m'envoie chercher et me demande si je n'ai pas oublié de lui communiquer l'ordre de départ.

Au téléphone, ordre de partir pour le blockhaus des 5 Tranchées.

 

En route vers 10h; arrivée aux 5 Tranchées vers midi.

 

Vers 3h retour des 23 et 24 ; nous passons à travers bois: violettes, goûter sur l'herbe.

Tir sur l'avion qui va tomber vers Emberménil.

28 mars dimanche

(Sépulture des morts)

Nous partons vers 6h pour les 5 Tranchées. Installation au blockhaus, près du téléphone; la 22e nous nourrit.

Bon poêle ; il fait froid. Ma Cie est au Puits ; j'y vais à travers la forêt 2 fois, boue, traces de sangliers.

29/3

Même chose, au blockhaus

30/3

Nous montons aux 5 Tranchées.

31/3 mercredi

Dans la nuit, il neige fort, vent.

 

Vers 3h1/2, la fusillade commence au bois Legrand.

Les Allds attaquent. La 22e Cie reçoit l'ordre de partir en renfort, la 28e vient la remplacer. Le canon de 75 tire de bonne heure pour barrer la route entre Mouacourt et Bois Legrand. Les obus 60 écornent le bois, au point où arrivent les assaillants; leur colonne de droite est touchée. Les 155, les 95, les 75 de Bonneval, les 120 de Bauzemont tirent.

 

Nous apprenons que l'attaque est enrayée: un poste de la 24e a été enlevé (1 Segt, 1 Capt et 6 hommes); 3 morts et 7 blessés.

Les pertes des Allemands sont au moins triples: 3 prisonniers dont 2 blessés, environ 70 cadavres restent sans compter morts et blessés enlevés. Les 22 e et 24 e restent au bois Legrand. On y construit pendant la nuit blockhaus et observatoire d'artillerie. La 23e occupe les G.G. 1 et 2, je vais tous les jours 2 ou 3 fois à la G.G.2 sur la route du Haut de la Fait.

 

On ramène vers 4h un prisonnier boche blessé (s.off) grand gaillard, mine effarée d'homme qu'on va fusiller.

On le fouille: il a 1 couteau, 2 poignards, 1 cartouche française modèle M, une cartouche de revolver Mauser, des papiers, des photos, 1 billet de 5 fr français. Quand il voit qu'on veut le mettre en voiture pour l'emmener, il grimpe tout seul et se glisse sous le brancard où est couché un mort de la 24è Cie. Le canon gronde, la 75 tire par rafales. Les Allds répondent.

1er avril

Enfin malgré la gelée de cette nuit, il fait enfin beau, le soleil assez chaud. Bombardement, pendant lequel je copie le rapport du Cap FLEURY sur l'attaque.

Je monte 2 fois à la G.G.2 de ma Cie. 10 kilomètres.

Nous mangeons avec ROUX, LOUISON et les conducteurs.

2 avril

Le 105 allnd tire sur le bois Legrand. 1 blessé à la 24.

Notre 155 du Haut de la Faîte tire sur la gendarmerie de Xures où l'on sait qu'il y a un dépôt de munitions. Plate-forme trop étroite, la pièce culbute. Échelle de pompier comme observatoire.

À gauche de la route, tentes, baraques de bohémiens; ce sont les caporaux d'ordinaire avec leurs tonneaux et leurs caisses.

Je monte 3 fois à ma GG2 (15km) la troisième fois à 9h du soir; je recopie un ordre concernant une embuscade des chasseurs et je redescendant vers 11h.

Beau temps froid.

3 avril

Samedi saint.

Nous sommes relevés des avant postes par le 5è bataillon; il pleut. Je pars en voiture avec fourgon, vers 8 heures.

Le Capt est passé vers 7h1/2 pour aller préparer le cantonnement à Maixe. Passage aux 5 Tranchées; je vois un fusil pris aux Allds avec dispositif pour viseur à lunette.

Arrivée à Crion; pluie; Je recommande notre sac au vaguemestre, je mange un morceau avec notre 2è peloton : omelette, salade, fromage; je paie des cigares.

 

Vers 1h on rentre pour Raville, Einville, Maixe.

En voiture jusqu'à Raville; le cycliste m'ayant remis l'état et le plan du cantonnement, je vais le communiquer aux 21è et 24è Cies qui sont devant nous, en prenant un raccourci, je tombe dans le ruisseau entre Einville et Raville.

Arrivée à Maixe. Installation à la mairie. Le canon tonne vers Toul. Il pleut un peu.

Je reçois 6 lettres.

4 avril

Pâques. Maixe. Il pleut. On dit la messe dans la grange à côté de la Mairie; sermon par un caporal-capucin.

Toute la journée des ordres à communiquer, des états à fournir jusqu'à 9h du soir.

5 avril

Lundi de Pâques.

Temps assez froid et pluvieux. Le vaguemestre s'est trompé de sacs et nous n'avons pas de courriers; pas de journaux non plus. Justement il y a eu un incident grave à la frontière entre Bulgares et Serbes...

Beaucoup d'hommes ivres; scènes de «bordel» à la popote avec les filles du n°8 - Petite Maixe.

Je fais ma demande pour être interprète, sur le conseil de Milan, sénateur.

6 avril

Mardi.

Un peu de soleil. Vaccination anti-typhique. Lettre de CHABUT et de CALLET. Paquet de GIRARD; «Lectures pour tous» de William; Industriel de Hérisson. J'écris un peu.

7 avril.

Temps gris, un peu de pluie. 1 paquet de cigares de CHABUT. Pas de lettres. Ma demande est signée par le Capitaine.

300 hommes vont travailler à faire des tranchées. 2Cies au bain - vaccination.

Dans la soirée, terrible canonnade vers Verdun.

8 avril jeudi

Temps gris, éclaircie, soleil.

Ma demande est signée par le Commandant et le Cycliste QUETAND l'emporte à Crion.

Averses de grêle, éclaircies.

Terrible canonnade sur Verdun.

Le Cap. ROUBERTIE que je vais chercher au Moulin de Petite Maixe pour interroger un prisonnier de la 20è (histoire avec le sergent GALLIER) me dit qu'à Lunéville, on raconte que Saint-Mihiel brûle, incendiée par les Allds qui se retirent et que 3 corps d'armée de renfort sont en train de couper la pointe.

On dirait entendre 4 ou 5 mitrailleurs tirant à la fois des obus de 109.

Reçu une lettre de Marie et des enfants, écrite le 19 mars, jour de ma fête = Envoyé procuration (8/4)

9 avril

Soleil, pluie, averses, grêle.

Reçu une lettre de Mme GRIGORIEFF, vœux de Pâques.

Écrit à MILAN, en lui envoyant une copie de ma demande.

 

La nuit, bombardement lent; on voit des lueurs dans le ciel sombre et on entend d'énormes coups sourds, 4 par minute environ. Vers Serres. Ce doit être nous qui tirons.

10 Avril Samedi

Reçu une lettre d'Alik.

Au matin, on entend encore le canon. Il pleut de temps en temps. Nous avons appris plus tard qu'une demi-compagnie du 257 avait été surprise à Bézange-la-Grande.

Ordre de partir vers 11h (peloton de relève 23è) et à 2h pour la colonne. Averses.

11 avril Dimanche

Départ à 2h du matin, nuit sombre, la pluie a presque cessé.

Pause avant Einville, 2è avant Bauzemont. Les fourriers partent en avant reconnaître des cantonnements du 229.

Ma Cie reste à l'entrée du village, où nous étions la première fois. Elle assure le service à la Digue de l'Étang de Parroy.

1 peloton reste le jour à Bauzemont et part le soir coucher à l'auberge du Pont d'Hénaménil. La liaison est toujours au château. Depuis le bombardement, on a installé l'infirmerie et le téléphone dans les caves et le sous-sol du Château.

Un clairon se tient toute la journée, perché sur une échelle sortant du toit du château. Le téléphone de l'artillerie lourde s'est transporté de la cure (bombardée) dans des abris souterrains au-dessus du village, près de l'antenne du télégraphe sans fil établi pour communiquer avec les avions.

 

J'ai tellement froid aux pieds que je mets mes chaussons et d'énormes galoches trouvées au bureau, que j'échange, au bureau de ma compagnie, contre des snow-boots.

Le dimanche s'écoule péniblement. La nuit les Boches tirent.

12/4 lundi

Temps froid. Lettres de Marie et d'Alik.

Ma demande pour être interprète est revenue, arrêtée par le Général de Division.

J'écris à Milan, en lui envoyant la demande elle-même.

La nuit, tir des Boches.

13/4 mardi

Beau temps.

Un avion qui a passé sur nous a été abattu à coups de mitrailleuse par un avion français de Lunéville, près de Marainviller.

Le soir, le commandant nous envoie prévenir dans le village qu'un bombardement est possible pour cette nuit, parce que notre artillerie lourde doit tirer sur tout le front (pièces avancées dans la forêt) Rien ne se produit. Silence . Nous n'avons pas aujourd'hui les 2 ou 4 dizaines de grosses marmites que les Allemands envoient chaque nuit sur la forêt (Cinq Tranchées) et qui ébranlent le Château et tout le pays aux environs (plusieurs victimes et des chevaux).

14/4 mercredi

Beau temps. Nos 120 et les 155 longs tirent.

Les Allds envoient quelques 77 vers 283 et la Fourasse, comme tous les jours.

Reçu lettre de Mme DAUPHY, St Nicolas- et L'Industriel - Avions.

15/4 Jeudi

Beau temps clair - avions - Nous tirons.

BOICHOT (affaire avec JOURDIL) au conseil de guerre reçoit 10 ans de travaux publics. TRIVERS de la 20è (a frappé le Sergent GALLIER) 10 ans aussi.

Reçu carte de CIBAUD, se plaignant de ne pas avoir de mes nouvelles (je lui ai écrit 2 fois). Ma Cie a maintenant une cuisinière roulante à 4 marmites.

L'Italie semble faire ses derniers préparatifs.

16/4 Vendredi

Beau temps chaud.

Toute la journée des avions allemands et quelques français.

 

L'après-midi, le Gal de division monte en auto pour assister à un réglage de tir des 120 et autres batteries lourdes par nos avions munis de TSF. Les avions sont en retard; on les voit voler sur Lunéville et s'y reposer. Deux allemands passent, dont l'un d'eux nous envoie 4 bombes. Plus tard encore, 1 français revient des lignes allemandes à la tombée de la nuit. Les 77 tirent beaucoup.

Lettre de Mme RENDLER, demandant de lui envoyer les lettres de son mari... Je lui réponds qu'il est resté entre les mains de l'ennemi !

Avec tout ce qu'il avait sur lui. (*)

 

(*) : Rappel : RENDLER Jean Antoine a été tué le 26 mars, et il le sait.

17/4

1h1/2, matin. Alerte.

Les Allemands sont aux fils de fer de la digue de Parroy où est ma Cie; nos mitrailleuses tirent toutes les 2, les fusils aussi. Je vais réveiller le bureau de ma Cie (DUMONT et LATHUILE) pour faire charger les bagages.

 

De retour au château, le tir de nos batteries sur Parroy commence. Le CT m'envoie au téléphone d'artillerie (abris souterrains à 200m en arrière du village) pour faire raccourcir le tir de 200m pour les batteries de 120 et 95.

Je vais ensuite au téléphone dans la cour du château demander des nouvelles de la Digue; l'attaque semble calmée. Puis je monte à l'observatoire, derrière les 120, qui envoient leurs bordées de 3 coups. Les 95 crachent plus sec. Les 155 de Valhey tirent sur la gauche, où il se passe aussi quelque chose vers Arracourt.

Vers Emberménil, on tire également.

L'artillerie allemande ne dit rien. Ma Cie a tiré 3500 cartouches. Les mitrailleurs plus de 50 bandes de 25 = 1250.

 

Dans la journée, avions - Notre artillerie tire beaucoup.

 

Vers le soir, tir rapide de nos 12 sur des rassemblements vers Bures.

Je fais charger sur ma voiture 15 réseaux Brun, 2 rouleaux de fil lisse, 4 masses, 100 crochets, 20 fusées éclairantes (le projecteur du 223 n'arrive qu'à 9h).

 

Vers 7h1/2 je fais monter 5000 cartouches sur un mulet de mitrailleuses à la maison brûlée.

 

A 9h moins dix, un projecteur arrive.

Je fais venir deux mulets des mitrailleurs. Je remonte au château, la canonnade commence sur Parroy, de 3 points différents. Fusées lumineuses. En même temps on tire sur la forêt sur Emberménil et sur Bures-Arracourt.

Nos batteries entrent en action: les 120 et 95 d'abord; puis plus tard, les 95 et 75 de la ferme Bonneval, les 155 courts de la forêt.

C'est un concert effrayant, tout le ciel est illuminé par les départs et les éclatements. Les nôtres lancent des fusées éclairantes.

Je retiens les mulets du projecteur et les renvoie à la mitrailleuse qui va prendre ses emplacements de combat, à l'entrée du village. L'éclatement des 105 allds est positivement impressionnant; ils les accompagnent de 77, tirés simultanément.

Concert et illumination très réussis.

Je pense à ma pauvre compagnie écrasée sous l'avalanche.

Au téléphone, on me dit qu'il n'y a rien de cassé; les hommes ne sont pas dans les abris, mais occupent les tranchées et ne cessent de tirer - Accalmie - Nous nous couchons. Je lis.

 

Vers 11h 1/2 j'entends la fusillade et la mitrailleuse.

Je sors derrière le château; les canons allemands tirent en arrière de la digue, barrant les routes de Bures et de la Maison Brûlée en avant du pont d'Hénaménil…

Nos batteries reprennent leur tir à toute vitesse; les 120 tirent 3 et 4 coups à la fois. Les 95, les 75 tirent par rafales. Quelques obus de 77 allnds arrivent jusqu'à 2h du matin ; mais ayant eu l'imprudence de m'allonger sur mon sommier, je m'endors tout habillé d'un sommeil de plomb. Comme on dort pendant la canonnade. Le Cap R. s'est trouvé pris à la digue, ne pouvant regagner la maison brûlée.

Il s'est tenu au téléphone.

18 avril Dimanche

Au matin, tous les bosquets du parc chantent joyeusement; matin radieux et frais. Je descends déjeuner. Les camarades du 1er peloton sont là (sauf LUGRIN, JOURDIL, THOMAS de la 1e section) ainsi que DUCRET et les sergents de sa 3è section.

Tous sont contents et joyeux. Je suis tout ému de les revoir.

 

À dîner, nous mangeons une énorme anguille, rapportée par Dumont, pêchée dans le canal. Je paye des demi-londrès à tous.

 

Le soir par la voiture, je fais monter le projecteur (3 caisses) et 40 grenades; 20 réseau de Brun et 100 crochets pour les fixer.

8 fusées éclairantes - des pelles et des pioches.

Une section de la 22 Cie va travailler à la digue.

Nuit calme - les fourriers du 5è bataillon arrivent le soir et vont coucher dans une cave.

19/4 Lundi

À 4h du matin, je conduis le fourrier de la 18è Cie reconnaître le cantonnement. Le cap. ROUBERTIE est au bureau.

Le bataillon IMBERT arrive.

Nous partons vers 7h.

Temps radieux.

 

Arrivée à Einville vers 8h. J'ai eu le temps de prendre du café au lait à Bauzemont.

 

Vers 8h 1/2 à Einville, une bonne côtelette. On s'installe. Nous ne sommes plus chez HAYEM le juif, marchand de grains, (chez qui est l'artillerie) mais en face chez un autre juif (Samuel) parti bravement lui aussi.

La brigade est au château, à côté de nous. Le Colonel et son bureau un peu plus loin. Aujourd'hui ou demain, la division passe de Dombasle à Lunéville et le Q.G. d'armée (D.A.L. (*)) de St Nicolas à Dombasle.

Toute la journée, des notes à copier.

 

Le soir je paye le vin blanc à la popote.

L'Italie à l'air de marcher.

 

(*) : Détachement d'armée de Lorraine

20 avril, mardi

Temps délicieux.

Les 75 sont rentrés couverts de poussière, au lieu de boue. En passant devant le poste pour aller déjeuner, je vois que « Garros est descendu dans les lignes allemandes en Belgique, le 18 au soir ».

Ma compagnie après avoir reconnu ses tranchées, va passer la journée à la campagne.

Soupe.

Je reste seul à Einville avec DUMONT, MUFFAT et VITTET.

Le Ct GIRARDIN, va à Dombasle se faire décorer par JOFFRE, ainsi qu’HUMBERT, Gal et le D.A.L. et CHALLE notre brigadier. (Commandant officier)

21 avril mercredi

Einville - Temps chaud.

Les avions allemands ne viennent plus guère sur Einville depuis que nous avons 15 avions à Lunéville. Cependant, ils viennent parfois lancer des bombes sur le ravitaillement, au bateau.

 

L'après-midi, un Morane-Saulnier rapide vient se montrer aux troupes, pour qu'elles ne tirent pas dessus aux A.P.

22 avril jeudi

Je commence mes 40 ans ! Rien de particulier. Avions français ! Enfin, on en voit.

L'Italie se prépare.

Vin blanc, cigares à la popote. Beignets - Bières et cigares à la liaison.

23 avril

Pluie.

Carte n°33 de Marie qui se demande pourquoi je n'ai pas encore répondu à sa demande de venir en France.

Le Mal des Logis RAFFIN (neveu du représentant de Lumière et Jougla à Varsovie) vient comme secrétaire de la Place à notre bureau. Il parle un peu le russe, ayant habité Varsovie et 1 an et demi Petrograd.

24 avril samedi

Pluie, assez froid.

Lettre de Pompée; Lettre de Girard. Lettre de Milan : demande au ministre.

L'Italie - Les obus.

25 dimanche

Beau temps - reçu 6 lettres ; 2 de MASSINGY, une de Mme ASTAFIEFF , une lettre d'Alik et Grd-mère et 2 de Marie (les n° 35 et 37). Conversation avec Capitaine (officier)

 

Vers 4h, bombardement de Bauzemont: 16 obus, 3 morts et 6 blessés. Nous assistons au bombardement

26/4 Lundi

Temps superbe. Lettre de Georges en français !

Lettre de Mme BOUVIER, des Échelles; une autre de Mme BOUVIER, docteur. Le courrier arrive à 10h1/2.

À 5h je dois monter à Bauzemont, faire le cantonnement.

 

Dans les caves, j'écris à Milan, 1 réponse et 1 carte pour signaler une lacune du décret du 24 avril pour les Croix de guerre : les nominations sur le champ de bataille.

À bicyclette avec Paul TAPPONIER le long du canal, vent contraire.

Les mitrailleurs creusent des abris au bord du canal, en arrière du village. Nous voyons les ruines faites par le bombardement: Maison Henry-Vigneron, Dardenne (Maire), cheval tué.

 

Nous remontons vers le village; les fourriers du 5è bataillon placent des pancartes indiquant les caves voûtées et leur contenance en hommes; on y met de la paille. 2 obus ont presque touché le clocher.

En résumé les 16 obus ont tous porté dans un rayon de 30 mètres autour du clocher. Au château, le Commt IMBERT nous indique la répartition du cantonnement; je reconnais mes 16 caves en bas du village.

Devant l'ancien poste de police, un jeune garçon me conduit voir les caves; un avion alld survole le village. Les Allds tirent; un vol de pigeons; le gamin, bombardé hier croit à l'arrivée d'un obus de 210 et fait un geste pour se jeter à terre !

Pauvre gamin !

Dans la chambre, 3 enfants plus jeunes autour d'une table devant la fenêtre.

Hier, à cette heure devant la fenêtre voisine, un obus tombait et enlevait la muraille et le toit !

Je laisse l'enfant et continue ma tournée, seul.

Je redescends seul à bicyclette, de Bauzemont à Einville.

BOUCHET, VERON et TAPPONIER sont rentrés avant.

Dans la nuit l'artillerie tire. Je fais un plan pour le capitaine.

27/4

Mardi. Lever à 3h.

Les Cies de relève sont parties à 10h 1/2, 11h 1/2, 12h 1/2. Nous partons à 4 h.

Temps radieux, le soleil se lève à 4h 1/2. La Cie s'arrête en avant du village et nous allons avec le capitaine faire la répartition des escouades par cave.

Déjeuner à notre ancienne popote avec l'Adjudant. Une vielle rentière sans enfants, veuve est là qui gémit d'être obligée de partir...

La patronne de notre maison lui donne de bons conseils.

Temps clair; avions ; nos 120 tirent par salves ; les 95 insistent.

Le sans-fil nous apprend le débarquement des alliés aux Dardanelles et la prise par les Allemands du Hartmannswillerkopf(*).

Obus asphyxiants au nord d'Ypres. Dans la nuit, canonnade autour de nous; les Allds tirent peu.

Lettres de Georges en russe, de Drounine (**) et du Sénateur Empereur.

 

(*) : Sommet d’Alsace

(**) : En Russe dans le manuscrit

28/4

Le matin, de bonne heure, notre artillerie tire. Temps radieux.

Nos avions se montrent et essayent de prendre en chasse les allds qui tournent à droite vers Dombasle.

On forme une nouvelle section de mitrailleurs de brigade. Tapponier est désigné comme comptable. Favier, Thomas.

Nous avons repris l' Hartmannswillerkopf.

 

Le soir, clair de lune magnifique. Bonneval tire avec entrain sur... Moncourt avec du 120 et du 95.

Des bruits circulent; nous irions plus à droite et le 20è corps viendrait...

29/4

Jeudi. 1 carte d'Ernest. 1 lettre de <Suraun ...>. Temps splendide.

Avions sur avions, surtout français – 1 avion alld lance des bombes sur le ravitaillement à Einville. Un des nôtres survole tous les avant-postes, va vers Metz et revient par le Bois le Prêtre.

 

Le soir, un Caudron avec télégraphe sans fil, vient régler nos batteries; cinq fois, il avance vers les lignes ennemies; nos 120

Alsace tirent par salves de 4 coups vers Moncourt, derrière la cote 300. Les obus et les mitrailleuses allemandes tirent sur l'avion, vers 5h1/2. Vers 6h1/4, encore un avion français en avant.

On annonce que nous partons demain dans la nuit vers la droite; le 333 nous remplace. Avant d'appuyer à droite (forêt de Parroy) nous irons 4 ou 5 jours au repos à Maixe.

 

Le soir, 3 coups vers Bonneval; puis calme.

30/4

Vendredi. Journée calme.

Avions le matin, cependant les 115 longs nouvellement installés à Bonneval tirent rapidement pendant qu'un avion français signale.

 

Vers 5h, avion alld sont brusquement des nuages d'avion français le chasse un moment et rentre. Les fourriers du 333 arrivent. Lettre de William avec 50 frs (de Russie) carte en retard de Marie du 2/4 et 2 numéros de la "Varshavskaia Mysl". (*)

 

(*) : En russe dans le manuscrit « la Pensée de Varsovie » une publication locale

1er mai

3h1/2 matin. Temps radieux.

Les sacs de tout le bataillon ont été chargés sur une péniche pour Maixe. Ma Cie part le long du canal vers 4h; je bois du café à la popote de la 22è (chez Henry); je boucle mon sac et le mets avec les bagages de l’E.M. VITTET est parti en avant au T.C. Je pars avec les fourriers jusqu'à Einville.

Puis je prends place dans le fourgon de l'E.M (chevaux américains) conduit par un Rumillien, le fils Cornoz, jusqu'à Maixe.

 

Il est 6h 1/2 ma Cie est au bord du canal.

J'achète 3 œufs à une jeune fille qui passe et vais déjeuner de mes 3 œufs et d'une tasse de Café.

 

11h Déjeuner ; omelette, mouton rôti, nouilles au jus, fromage café. J'offre des cigares.

Rapport - Dormi 2h. (Le matin le colonel commandant la brigade est venu demander le Ct Girardin) L'instituteur me refuse le local où couchaient les fourriers du 222.

Lettre de CHABERT. Jolie pluie fine d'avril.

Bombardement de Dunkerque ! Avances aux Dardanelles.

Le 5e bataillon est à Raville, l'État-major à Einville.

2 mai

Dimanche, temps calme.

3 mai

Lundi.

Maixe et les Cinq Tranchées (Forêt de Parroy)

Averse, orage.

Lettre du Sénateur Milan : « L'accord avec l'Italie a été signé le 25 avril à Londres à 8h du soir. Elle s'engage à marcher avant un mois  ».

Les journaux ont reçu l'ordre de se taire. Reçu carte Debolsky et livre de M. E Denis « la guerre ».

4 mai, mardi.

Orage grêle, hirondelle tuée.

Départ dans la nuit pour la forêt de Parroy. (Altercation avec Cap. Chavanel du convoi).

 

Départ minuit.

La pluie a cessé. J'ai mis mon sac à la voiture. Nous arrivons par un temps lourd à 4h1/2 du matin, au blockhaus des 5 Tranchées.

La forêt est d'un vert tendre. Le rossignol puis le coucou chantent. Je reprends ma place, ma couchette au blockhaus.

 

Le soir orage, pluie; on entend ni canon, ni fusils. Toute ma Cie est dans le bois, à droite de la route en arrivant, sous la verdure. Tables, abris, chemins.

Je dors de 7h à 10h.

Temps lourd - Déjeuner: maquereaux, thon; etc. Dîner Maquereaux asperges, saucisson, bouilli poisson en sauce, rôti, nouilles fromage, café cigares.

 

Nuit tranquille. Pluie.

5 mai

Lever à 8h. Pluie puis vers midi, soleil lourd. Quelques coups de canon dans la matinée, surtout vers Emberménil.

La Maison Brûlée, où nous allons dimanche, est bombardée de temps à autre. Autour des 5 Tranchées, énormes trous de gros obus allemands (210 probablement) qui ont tué quelques hommes et 5 chevaux, quand nous étions à Bauzemont.

6 mai, jeudi.

La compagnie, dans le bois à droite de la route, fait des abris de bombardement et des chemins de rondins. Les autos-camions charrient des rails Decauville, du fil de fer, du grillage à lapins, du papier goudronné, etc.

Les 23è et 24è (*) font des reconnaissances le matin en avant des lignes. Le lieutenant FAVRE (St-Cyrien) en fait une. Je cause avec lui de St Cyr, où on lui disait que l'artillerie lourde n'était qu'un bagage encombrant. Un ballon captif allemand se montre à gauche à 15 Kilomètres environ au-delà de Réchicourt.

 

(*) : 23e et 24e compagnie

7 mai

Le Ct Imbert, à la Maison Brûlée a eu un obus sur baraque. Il était à qq. mètres en arrière. Le plancher démoli ; sa capote et celle d'Arminjon, perdues dans la baraque, sont criblées de trous.

Lieutenant Déplante m'apporte des cigares et me photographie devant le blockhaus, à l'intérieur et à l'extérieur.

8 mai

Samedi. Pris photos avec l'appareil de Dumont. Le convoi des autos sur la route des Cinq-Tranchées.

 

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*********************************

On nous communique un résumé des opérations de la division :

 

Au Q.Gal le 9 mai 1915. Résumé des opérations de la 74e division

Mobilisation

Tous les éléments de la 74e division sont mobilisés dans la 14e région à l’exception des 223 et 333 qui viennent de la 7e région.

 

Concentration

2 au 18 août 1914 -Zone Aix-les-Bains, Chambéry, Montmélian, St-Pierre-d’Albigny. Elle fait partie Armée des Alpes.

 

19-23 - Transport par voie ferrée sur Th.op.N.Est32.

La division débarque à Charmes et Bayon.

 

À partir du 21 août, la Don est rattachée à la 2è armée; les premiers éléments débarqués reçoivent l’ordre d’organiser le terrain entre Moselle et Meurthe pour couvrir les ponts de Charmes et de Bayon, menacés par l’offensive allde qui entre à Lunéville le 22 août.

 

Deux groupements sont formés au fur et à mesure des débarquements :

Au Nord Gal Dursopt, 3 régiments et 1 batterie en avant de Bayon sur le front Château Belchamp - ferme Leurmont.

Au Sud, Col. TERRIS, 3 régiments, 2 batteries en avant de Bainville-aux-Miroirs et Charmes.

 

Dans les journées, du 22 et 23 août les troupes organisent leurs positions pendant que les 15e et 16e corps se reforment dans la région de Bayon.

À partir du 24, la division est rattachée au 15e corps.

 

Reprise de l’offensive de la 2e Armée :

 

Ø  25 et 26 août

L’ennemi est refoulé au-delà de la Mortagne - après avoir subi un violent bombardement le 24 août, le groupt N (gal Durupt) attaque sur le bois de Vacquenat-Einveaux, puis sur Lamath-Xermanénil, dans les journées du 25 et 26 août, en liaison avec des éléments des 15e et 16e corps.

Le groupt sud (TERRIS) après s’être installé sur le plateau de Borville le 24 à l’aile droite du 16e corps, attaque les 25 et 26 sur Rozelieures puis sur Remenoville en liaison avec fraction 16e corps et corps cavalerie Conneau.

Ces attaques sont menées avec la plus grande énergie ; elles réussissent à refouler au-delà de la Mortagne, les Allds (fractions du 3e corps Bavarois et 21e corps actifs) en leur infligeant des pertes considérables. La Division subit également de lourdes pertes surtout en officiers.

 

Ø  Attaque sur Gerbéviller et sur la rive nord de la Mortagne dans la direction générale de Fraimbois (28 août -2 sept.)

Le 27 août, la division entière se reconstitue dans la zone Vermegey Rozelieures - Remenoville (Q.G.) où se trouvait déjà le groupt sud.

Du 28 août au 2 sept, la division attaque l’ennemi retranché au-delà de la Mortagne, au Nord de Gerbéviller, elle prend pied sur la rive nord de la rivière et s’y maintient sous un feu violent d’artillerie lourde à petite distance de l’ennemi retranché à la lisière du bois du Haut de la Paxe.

À droite de la 74e division, la 1ère armée ne peut déboucher au-delà de la Mortagne vers Moyen ; à gauche, le 16e corps attaque en liaison avec la division.

Dans les journées du 28 août (attaque de Gerbéviller) et du 30 août (attaque au point du jour sur le bois du Haut de la Paxe et clairière de Fraimbois), la division enlève la 1ère ligne de tranchées alldes, mais violemment contre-attaquée, elle ne peut s’y maintenir et est ramenée sur le bord du plateau; sur la rive N de la Mortagne où elle se retranche assurant le débouché des attaques ultérieures au-delà de la rivière.

Dans la nuit du 2 au 3 septembre, la division vient dans la région d’Einvaux ; elle relève dans la soirée du 3, le 15e corps enlevé du front.

 

Ø  3/ ° Attaque au-delà de la Mortagne dans la direction de Lunéville

Du 4 au 11 sept, la division est en face de Lunéville, elle tient les passages de la Mortagne à Mont et Lamath et pendant cette période tout en continuant à se fortifier sur ses emplacements de combat, à cheval sur la Mortagne, elle attaque chaque jour, gagnant du terrain petit à petit. De violents combats sont livrés à la lisière nord du bois St -Mansuy et à Rehainviller qui est pris et repris plusieurs fois.

À notre droite, le 16e corps continue à progresser sur la rive N de la Mortagne ; à notre gauche, le 20e corps, au Nord de la Forêt de Vitrimont, arrête l’offensive allde.

Le 11 sept, nos premières Tranchées sont à quelques centaines de mètres des lignes alldes dans le ravin du Laxat, à 2 Km environ au sud de Lunéville.

 

Ø  4°/ Retraite des Allds , le 12 sept.

La division entre à Lunéville, que les 75 allds ont évacué pendant la nuit du 11 au 12 et pousse ses avant-gardes sur le plateau au N de Lunéville.

Pendant la période du 24 août au 11 sept, la division a perdu : 140 Officiers et 5000 hommes, soit le tiers de l’effectif.

 

Ø  5°/ Période du 13 au 24 septembre.

La Don commence l’organisation du terrain pour couvrir Lunéville et Nancy et étend son front à la suite du départ du 16e corps et la 70e Don

À partir du 13 sept, la division s’installe sur les hauteurs entre le Sanon et la Vezouze avec des A. P. dans la forêt de Parroy ; elle organise les hauteurs Est de Crion et 305 sud de Sionviller.

Le 17 sept, à la suite du départ du 16e corps, son front s’étend au sud jusqu’à la Meurthe, vers Moncel. Le 24 sept, une de ses brigades relève la 70e division, au nord du Sanon ; à cette date la 74e division est rattachée au 2e G.D. (groupe de division)

 

Ø  6°/ A partir du 24 sept.

Organisation de lignes de résistances successives sur le front de la division. Progression de nos lignes avancées. Période de reconnaissance offensive.

Après le 24 sept, la division a un front de plus de 25 Km à défendre ; elle organise une ligne principale de résistance et pousse ses A.P. vers l’est, occupant successivement la croupe 327 Hénaménil, la croupe 283, Arracourt, la Digue de Parroy, Bures, Laneuveville.

 

Dans le courant des mois de mars et d’avril, la ligne de défense est avancée dans la forêt de Parroy et en avant de Laneuveville.

En même temps, les différentes lignes de résistance sont renforcées et nous conduisent à l’organisation actuelle.

Reconnaissances offensives - depuis le 13 sept, la 74e Don a une mission défensive. Néanmoins pendant les huit derniers mois, les troupes ont exécuté un grand nombre de reconnaissances offensives qui ont obtenu souvent des résultats importants et ont causé des pertes sérieuses à l'ennemi.

Les bat. de ch. (*) de Marainviller et de la Forêt de Parroy (23e et 27e) jusqu'au 9 octobre, (puis 43e, 51e et 71e) ont pris part, presque chaque jour, à des opérations qui ont empêché longtemps les Allds de s'établir dans la forêt de Parroy - en harcelant ses A.P (**) et en lui faisant des prisonniers.

 

(*) : Bataillon de Chasseurs

(**) : Avants Postes

 

Des opérations plus importantes ont eu lieu :

Ø  Le 6 oct. Reconnaissance du bataillon du 230 sur Réchicourt.

Ø  Le 26 oct. La 147e brigade et des fractions du bataillon de Chasseurs servant de soutien, à la 2e Dion de Cavalerie, dépassant la crête frontière et ramenant 15 prisonniers.

Ø  Le 10 nov. Reconnaissance du 222e sur Coincourt. -Le 22 nov. 2 bataillons (333 et 230) servent de soutien à la 2e D.C. dans une opération tentée sur Juvrecourt.

Ø  Le 12 janvier. Destruction de la voie ferrée à l'Est d'Emberménil. (station).

Ø  26 mars Avance dans la forêt de Parroy. Les tentatives que l'ennemi a tentées pour percer nos lignes ont échoué.

Ø  Le 9 octobre. Sur Arracourt et Marainviller.

Ø  Le 5 nov, sur 327, l’ennemi est repoussé avec pertes sérieuses.

Ø  16 décembre. À la digue de Parroy.

Ø  10 février. Forêt de Parroy.

Ø  31 mars. Au bois Legrand, les deux régiments de la 147e brigade (36e colonial et 222e) qui ont enlevé le signal de Xon et le village de Norroy le 18 février, ont montré que les troupes de la division n'avaient rien perdu de leur valeur offensive pendant toute cette période.

 

Les pertes de la division depuis le 13 sept jusqu'au 9 mai s'élèvent à : Tués 11 officiers et 660 hommes

Hors de combat 140 // et 5000 //   Total 151 // et 5600 //

 

 

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À la Maison Brûlée – du 9 mai au 13 mai (1915)

Dimanche matin, 9 mai

Lever vers 3h; les chasseurs du 43è arrivent. Les Cies sont déjà parties.

 

Vers 4h1/2, nous partons jusqu'à la Maison Brûlée (2km en tout). Nous quittons avec regret notre blockhaus des 5 Tranchées. Ici nous avons un abri souterrain; la Maison Brûlée a été démolie, ses ruines couvertes de branches de sapins.

Nous faisons aussitôt écimer tous les sapins qui encadrent la clairière (les seuls sapins de toute la forêt, sur le point culminant du Haut de la Faîte, excellent repère). Le téléphone est sous terre; il communique avec nous par des boyaux profonds. Causé avec Arminjon; il a sur lui sa capote, avec une trentaine de trous de shrapnells d'hier.

Nous avons beaucoup de connaissances communes à Chambéry.

Temps radieux et chaud.

Pas de bombardement sur nous; avions français. Nous mangeons, VITTET et moi, avec les conducteurs du T.C. - Reçu carte Debolsky, lettre Bouvier des Échelles.

10 mai

Une vingtaine d'obus sur nous, vers 5h 1/2; je continue à dormir.

L'un est tombé derrière le téléphone, à 30m de nous (obus de 88).

Le soir nouveau bombardement de 6 obus au moment où je me lave les pieds dans un tonneau défoncé. Ils tombent à 50 m de notre abri.

Reçu 5 lettres; <Kyruscur>, Dr Bouvier, CIBAUD, William et le Cap. Francillard. - 2 avions français - Le « Lusitania » coulé.

11 mai

Je vais me promener à la G.G.3 (Sorbiers), celle-là même que j'ai vu organiser le 26 mars sous mes yeux.

Deux cerfs ont été tués par Dessaix et Pomel, l'un hier soir, l'autre aujourd'hui.

Causé 2 minutes avec capitaine et repars avec Dumont à travers la forêt (muguets violettes).

 

Le soir, reçu 1 paquet de Girard, 2 journaux illustrés de Suzanne (*), 1 journal de Marie et 1 programme du Concert des Gymnases de Varsovie. 1 lettre en retour, où j'avais oublié de mettre Varsovie. - Je monte aux cuisines, en arrière du G.G.2. - 1 avion est canonné avec fureur par les Allds. Nos avions montrent maintenant une grande activité et maîtrise et audace; ils vont loin en avant des lignes.

Pendant que je lis le matin dans le bois et que je rentre aux cuisines, terrible duel d'artillerie – les 77 allds tirent à feu rapide entre notre Maison Brûlée et Emberménil; une grosse pièce allemande à tir courbe, tire tout près de nous, sur le même point; les obus passent haut sur nous en sifflant.

Enfin les nôtres répondent; les 155 qui sont à côté de nous tirent aussi quelques coups.

 

Je prends le café avec Pinget et Tapponier, Véron et <Domenjond>.

Paul Tapponier nous raconte ses conférences contradictoires. Le tir cesse nous redescendons dans le calme du soir, à 3 en causant et cueillant des muguets.

Nous rencontrons les docteurs sur la route.

J'écris un peu, à Koulinitch, à Marie, à Debolsky, au Dr Bouvier. (**)

 

(*) : Suzanne Le Gallic fille de son beau-frère William.

(**) : Koulinitch, Capt Armée russe ; DEBOLSKY Directeur du Lycée (Gymnase) de Kielce ; CIECHONSKI, Ingénieur. Amis de JD en Pologne.

Témoins de mariage, parrains des enfants…

12 mai mercredi

Toujours beau temps, avec variations.

Journée calme, presque pas de coups de canon. Avions français.

Nos succès dans le Nord continuent (4000 prisonniers, 50 mitraill., cannons). L'Amérique en ébullition. Les Russes résistent à l'est de Cracovie. Lettre de Marie (40è) et Ciechonski35, de CHABERT. J'ai commandé un appareil photo à William.

Les ordres sont donnés le soir pour le départ : Jolivet aux portes de Lunéville. Pas d'obus - peu d'avions.

Départ de LaForêt pour Jolivet

13 mai

Je me lève à 4h moins le quart; je boucle mon sac et je le porte à la voiture de ma Cie, qui vient d'arriver. Je bois le café dans les bois et reviens. Attente des chasseurs du 43è bataillon qui viennent nous relever. Je fais une promenade sur la route de gauche qui va vers Parroy. Nous faisons une partie de bouchons sur la route; je gagne 11 sous !

 

Vers 6h, le Commt arrive à bicyclette et nous partons tous les 6 (VITTET, Tapponier, Pinget, Boisier et moi plus le cap. clairon (*) Chevallier).

Une auto nous prend dans la forêt et nous amène à Croixmare, par une route bordée de pommiers fleuris, pont sur la Vezouze, vue sur la Neuveville-au-Bois, Emberménil-Marainviller.

Les cloches sonnent alentour. C'est l'Ascension.

C'est la 1ère messe à Croixmare.

 

En route par un petit chemin plat vers Chanteheux, VITTET, Chevallier et moi. J'ai du vin blanc dans mon bidon; nous mangeons un morceau, assis sur des herses et charrues.

En route le long de la route de la Vezouze, prairies et arbres en fleurs. Des avions s'élèvent de Lunéville ou viennent s'y poser, incessamment.

Chanteheux: ici seront cantonnés les 18è et 20è Cies - Une fabrique et des maisons incendiées –

Nous passons le pont qui va vers Champel (où seront les mitrailleurs - Jolis toits rouges).

VITTET monte en voiture avec Haase du convoi et je reste pour attendre les 3 fourriers qu'on voit arriver sur la gauche. J'envoie Chevallier chercher du vin blanc, du pain et du fromage. Passe Assada à bicyclette. Nous repartons par un sentier à travers la prairie sur la rive droite de la Vezouze.

Des avions passent à 100 m. de hauteur et se posent. Nous arrivons à Jolivet, au son des cloches de J. et de Lunéville à travers des jardins fleuris. La liaison n'est installée nulle part.

Je vais aux lettres pour la Cie; point pour moi.

La popote ne fonctionne. Tout le monde se chicane. Je vais manger 4 œufs au bureau de Tabac. Le soir à la popote, tout le monde est mécontent. On mange du gigot, de la viande en sauce et du macaroni. Je vais me coucher sur la paille et je dors jusqu'à 7h.

 

(*) : Caporal clairon

14 mai, vendredi.

Il a plu dans la nuit; il fait frais avec des averses. Ma Cie va au bain à Lunéville. Juste de l'autre coté de la rivière, on voit le Champ de Mars et les casernes que nous avons occupées cet hiver.

Les hangars d'aviation sont dans devant les casernes.

Il fait du vent et des averses.

 

Lettres : CHARVIN et POMPEE. Rien de sensationnel dans les journaux; progrès dans le Nord, progrès aux Dardanelles;

Les nouvelles russes sont un peu confuses au nord des Carpathes. L'Amérique envoie une note ! L'Italie acclame D'Annunzio qui lui prêche la guerre.

Reçu colis de Mme LABRUNE; cigares, cigarettes, conserves, etc.

15 mai, samedi.

Beau temps - J'ai bien dormi dans un lit assez mauvais. Chambre commune avec adjt PERRY Paul (24è Cie).

Petite chambre propre.

Les journaux annoncent continuation de nos succès au nord d'Arras. Prise de tout le bois Le Prêtre. Chute du ministère.

Sormino-Salandra. Pas de lettres.

 

Le soir, vers 6h, en allant avec VITTET vers le camp d'aviation pour voir atterrissages, après avoir passé pont sur Vezouze; nous rencontrons Colonel Orsat avec petite personne (*) en noir; ils viennent à travers les prés, passent le pont; dans le village, il se met à 15 pas en avant. Les hommes voient tout.

Je demande à Assada confirmation de la prise de Lille par nous ; c'est un bruit. Il pense comme moi que le changement de Ministère, en Italie, ne signifie pas un changement de politique. Intervention certaine. Je lui montre la lettre de Milan.

 

(*) : Personnage important ou rencontre personnelle ! ?

16 mai dimanche

Décoration de l'Adjt de Mitrailleur VERDAN.

Le régiment se réunit vers Champel; la 23è ne marchant pas, je n'y vais pas.

Temps magnifique.

Lettre de William et de Mr Mollard, curé de Massingy. Temps splendide.

Déjeuner. Saucisson, beurre, mouton, haricots verts, salade, compote de Rhubarbe. Fromage, café cigares.

17 mai lundi

Le matin, vers 10h, je vais porter au Ct GIRARDIN (qui loge avec le colonel) une punition à signer.

Les plantons m'arrêtent d'un air effrayé, on n'entre pas ! Défense d'entrer.

Ils me rappellent les gardes du Réghistan à Boukhara ! J'entre quand même. L'escalier, la galerie du petit pavillon sont garnies de toiles de tentes (13 toiles, des sapeurs) on dirait le Harem de l'Émir !

Les Cies vont au bain ou à l'exercice.

Lettres de William de Pompée. Reçu hier le 17, lettre de Marie ; elle ne reçoit pas mes lettres (28 avril)

18 mardi

Rien. Le ministère italien va se reconstituer avec Salandra et Sormino.

Reçu appareil photo. Fait 6 photos.

Vu mon neveu Alphonse. (*)

 

(*) : Peut-être: Alphonse Marie Hyacinthe Chatel, mari de sa nièce Marie Eugénie Ramaz.

19 mai

Marche, manœuvre de régiment. Ferme St Antoine, près Blainville.

 

Départ 6h, pas de soleil. Traversons Lunéville au son des clairons; puis Chaufontaine, Rehainviller ; à droite le long de la rive gauche de la Meurthe vers Mont-sur-Meurthe et Blainville. Sur l'autre rive de la Meurthe, la ligne de chemin de fer, la forêt de Vitrimont.

A Mont, nous voyons la cave où la liaison du 5è bataillon du 230 a été tuée toute entière.

 

Avant Mont, plus loin, pont sur la Mortagne et lignes de chemin de fer. Dans le village, plus loin, tombes.

À la ferme St Antoine, sur la gauche de la route de Mont à Blainville, des tranchées nous servent à faire un exercice d'assaut.

 

À 10h, les clairons sonnent la soupe, amenée par les cuisines roulantes. Je fais 2 photos. Rentrée à Lunéville avec le colonel et tout l'E.M.

1 lettre de Crédit Lyonnais de Genève- L'Industriel.

20 mai

Aujourd'hui la chambre italienne se réunit.

Je me rends compte que les Austro-Allemands ont dépassé Kielce et marchent vers la Vistule depuis la ligne du San. - 1 carte de Mr Callet, commissaire à Chambéry. Promenade avec VITTET Rencontré Colonel et Girardin.

21 mai

Je remplace le sergent-major à la revue d'armes (réparations). 1 lettre et 1 paquet: cigares, 2 mouchoirs, 1 livre (Renan: Souvenirs d'enfance et de Jeunesse) de M. CHABERT, prof à Grenoble.

L'Italie a pris position; la chambre et le Sénat ont voté, hier, pleins pouvoirs au gouvernement. Les Allemands ont passé le San. Formidable avance vers Lunberg.

 

Le soir, 7 biplans décrivent des cercles sur Lunéville et atterrissent 2 par 2.

Un monoplan Morane-Saulnier leur fait suite.

22 mai samedi

Je reçois les 1es épreuves de mes photos.

Évolutions d'avions. Lettre de Marie, de Georges et d'André.

Le Cap. Roubertie me donne ses impressions pessimistes sur notre inaction en occident permettant aux Allemands de concentrer leur effort sur le front russe. Si la Russie flanchait, nous serions vite perdus, il croit que l'Italie sera impressionnée et ne marchera pas.

23 mai dimanche

Je prends 3 photos de 4 jeunes filles qui vendent des médailles des défenseurs de Lorraine ; 1 Alsacienne, 1 Lorraine.

La France et la Belgique.

24 mai

Lundi de Pentecôte. Permission pour Lunéville. J'y trouve Bidal.

Dîner au Cheval de Bronze après promenade en ville et au jardin.

25 mai

Le matin pendant que ma Cie va au tir, je pars à Lunéville.

Rencontré Déplante.

26 mai

Reçu photos, 2è séries. Tirage et virage.

28 mai Vendredi

Marche vers Gerbéviller par Lunéville, Xermaménil - Ruines ; 3 ponts- ruines ; Sœur Julie à la fenêtre. Passage à niveau où Amiguet a été tué, colonel blessé. Dans le champ voisin, remise des décorations (croix de guerre pour citation ordre armée).

Déjeuner sur l'herbe. Le Cap. offre le vin blanc.

Photos passage à niveau et au cimetière (cercueil Amiguet dans chapelle) (9 mois après 28 août) (*)

 

 (*) : Combats du 25 au 30 août (Rozelieures, Gerbéviller, Haut-Mont, Rehainviller à peu près 320 blessés, plus de 10 morts et 185 disparus au 230è RI.

29 mai samedi

Manœuvre de cadres à Champel. Un avion alld nous survole après avoir lancé deux bombes sur Lunéville. Un incendie dure 20 min.

Vers la Haute-Rappe, nous étudions l'horizon; la côte DESAIX, en arrière de Gerbéviller - le fort de Manonviller. Nous voyons les limites de l'invasion d'août.

Nos avions vont bombarder Ludwigshafen.

30 mai Dimanche

Soir, arrosage des galons, à la popote de la 24è compagnie : Goury, Collonge et Hugounenq.

Champagne + Bénédictine.

31 mai Lundi soir

Permission à Lunéville. Commissions avec VITTET. Rencontré Cap Chavanel au «Progrès».

Rentrés de bonne heure.

2 juin Mercredi

Marche forêt de Mondon, retour par Lunéville. Musique, tambours et clairons. Toute la ville sur notre passage, élèves des écoles tête nue; beaucoup de personnes pleurent. Longé dans faubourg, usines de Dietrich – obus - avant 3000 ouvriers.

 

Soir. Combat d'avions au-dessus de nous. Un biplan alld reçoit des obus vers Dombasle.

Deux Morane le prennent en chasse, l'un le domine, le rejoint, lui tire une dizaine de coups de carabine et le reconduit au delà de la frontière.

Lunéville a maintenant des Farman et des Voisin. Le chef d'escadrille a été fait prisonnier l'autre jour à Ludwigshafen (bombardement par 18 avions de Nancy, Épinal et Lunéville)

Reçu avis de la poste que mon télégramme à Varsovie n'a pu être remis: destinataire inconnu. J'écris à William pour conseil.

3 juin jeudi

6h matin.

1 Aviatik vient sur Lunéville ; il est poursuivi par 1 de nos biplans à la mitrailleuse.

Il revient à 9h, lance 2 bombes dont l'une sur la caserne Stainville, tue 12 hommes et blesse une dizaine du 60è territorial.

Il est poursuivi à coups de mitrailleur par biplan, moins rapide que lui.

4 juin

Longues lettres de Marie, 10 pages en français et des enfants, 2 pages - Elle a reçu à la fois 13 cartes et lettres de moi.

On fabrique des fanions de compagnie ; le capitaine me demande ma devise ; E capoë. (*)

 

(*) : « Et Quand même ! » devise de la ville de Rumilly .Vers 1630 guerre Duché de Savoie vs France

5 juin samedi

Ma Cie va au tir à Vitrimont.

Przemyl (*) est pris le … juin. Des munitions, des munitions !

Cri de la France et de l'Angleterre.

 

(*) : Ville de Pologne – fin du siège mars 1915

6 juin dimanche

Je vais au bain le matin, à la Vezouze.

Lettre de William. Mme FELTIN la blanchisseuse vient à déjeuner nous chanter 3 chansons.

 

De 6 à 7h, concert par la musique du 230.

On répand le bruit que les Allds ont lancé des proclamations par avions : « Évacuez Lunéville et Nancy que nous allons bombarder »

 

Le soir un biplan français, plane presque immobile, vers Nancy; reflet du soleil couchant le fait rassembler à une lune plus brillante et plus petite que l'autre.

11 juin

Avion alld le matin. Tout le bataillon à faire des piquets, forêt de Mondon. Je reste. Lettre d'Ernest, mort de la Tante. (*)

Lettre de Marie. De William, que Marie ne parte pas.

 

Le soir, 18è et 20è partent à Marainviller, travail de nuit.

 

(*) : Certainement Françoise DUCHÊNE (7/06/1915), sœur du père de Joseph

12 juin Samedi

Réveillé le matin par la sentinelle qui crie : 1 avion boche - 2.3...7 !

Un biplan français les mitraille puis, un peu tard, les artilleurs tirent. Grosses bombes sur la ville, 7. Petites bombes, nombreuses.

L'un d'eux lance une fusée ou bombe incendiaire sur notre avion, qui n'est pas touché. Résultat du bombardement; une palissade crevée.

 

Une brume assez dense couvrait le sol jusqu'à faible hauteur.

14 juin

Départ à 3h pour ferme Beaulieu en renfort en cas d'attaque. Nos avant-postes ayant progressé sur Emberménil, et pas encore organisés.

 

Rentré à 3h à Jolivet.

15 de nos avions en vue (et vont sur Karlsruhe). Reçu carte de M. Myslawski.

15 juin

Départ 4h1/2 pour ferme Beaulieu. Causons avec Cap. Roubertie sur caricatures « Rires » etc.

Journée calme, comme la veille ; rentrée à 3h.

Reçu lettre de < Bon . Nonobr>.

 

Le soir, 4 avions allds violemment canonnés vers Nancy.

16 juin

Départ à 3h de Jolivet.

Le bataillon se rend à Marainviller par Chanteheux, Croixmare - cantonnement d'alerte.

 

À 6h soir, 2 Cies (23è et 22è) partent par les bois de Parroy pour faire des travaux à Emberménil, nouvelles positions. Les 2 autres à 7h partent pour Laneuveville, sans sac, renfort en cas d'attaque.

 

Nous y arrivons à 8h20, installation de la liaison à l'école. Le Col commandant la 147è brigade est là; camions, génie, 50è chasseurs.

Marcel Viel me cherche. Je le cherche aussi. Vaincu par le sommeil, je m'allonge sur la paille et n'entends ni la fusillade, ni le canon, vers 11h1/2 - 3 chasseurs blessés.

On a retrouvé les cadavres de 2 disparus de la 18è Cie. Tués par obus.

À 2h départ de Laneuveville pour Marainviller.

17 juin

Dormi de 5h à 9h1/2 sur le foin. Chaleur.

Reçu carte de William et lettre de Mme Bouvier. Mêmes ordres que pour hier.

18 juin

Marainviller La Neuveville. Les Allds ont surpris un poste de 50è chasseurs. Nous contre-attaquons sur les positions en avant des tranchées.

Viel est pris. Nous passons la nuit avec le Ct au Poste de Ct en avant du village. 2 Cies en réserve, 22 en avant.

Départ de Marainviller pour Vého.

19 juin

Je suis détaché de liaison auprès du commandant Cour du 71è chasseur. Nous allons prendre position dans le ruisseau. Les éclats d'obus de 190 nous arrivent dessus ; j'en reçois deux fois.

Juillard de la 23è est blessé à côté de nous ; le lieutenant et mon voisin sont touchés.

Nous nous reportons en arrière après exécution d'un chien par le Ct. Nous passons la nuit dans le fossé au bord de la route.

 

Toute la nuit, le 150 tire près de nous. De temps en temps nos 75 tirent sur la lisière du Haut du Cart et la ferme de Laval.

20 juin dimanche

Après avoir déjeuné d'un bon chocolat au lait, j'ai dormi de 4h1/2 à 10h1/2.

Reçu 0 lettres.

 

Départ par alerte à 6h 15.

Toute la matinée, violente canonnade vers le secteur de la 71è division. Je monte à bicyclette au Ct G.

Mon sac reste à la voiture de Cie. Aujourd'hui les hommes ont le sac.

Nous prenons la route qui traverse le chemin de fer, à la gare.

À la sortie du village, rencontre du Gal Humbert, commandant l'Armée de Lorraine, qui arrête son auto pour dire à la 21è compagnie :

 

« Cette nuit et à l'instant on vient de faire du bon travail; si vous devez marcher à la baïonnette, j'espère que vous mettrez tout votre cœur à l'ouvrage »

 

Nous suivons la voie du tramway, ayant à gauche la croupe du fort de Manonviller, le village du même nom, traversons Thiébeauménil, et nous débouchons à gauche à Benaménil, tout ce temps, le canon tonne; les éclatements d'obus fusants sont visibles sur une croupe à gauche.

Sur la route, les autos sanitaires passent à grande allure, pleines de blessés (surtout à la tête); munitions d'artillerie; avions; l'un survole la route, en rasant les arbres. Cavalerie (chasseurs à cheval) nous dépassent, dans la brume du soir et la poussière, près du village de Domjevin où nous quittons la route pour gagner la cote 303 – un bois.

 

Nous passons la nuit dans le pré et entrons sous bois vers 1h1/2.

Fusillade par instants, assez rare - Le canon tire, d'abords les Allemands, puis les nôtres. Le 190 ou 210 alld cherche une batterie qui est devant nous en contrebas.

Nous dormons assez bien.

 

Vers 3h café - comme j'avais mal à la tête, je n'ai pris qu'un verre de café en guise de dîner. Dormi de nouveau dans le fossé profond qui borde les bois.

21 juin

Je boucle aujourd'hui le 365è jour de mon départ. (*)

Il fait frais; le soleil est long à venir nous réchauffer. Je mange un morceau de pain avec de la viande que l'on a apportée.

On apporte la soupe à 10h ! Les cuisines roulantes sont à Domjevin - soupe excellente, bonne viande, 1 quart de vin, café eau de vie.

Le cap. Fontanel nous apporte des nouvelles du 5è bataillon : Ils ont contre-attaqué hier soir vers 4h, sur une contre-attaque allemande des hauteurs au delà du ruisseau de Leintrey.

Le capitaine Humbert (Edmont) de la 17è Cie est tué ; les lieutenants, Recordon (Joseph) grièvement blessé, CarRillat (Georges) et VITTET (Noël) (19è) légèrement - Blanchard ; sergent, ingénieur de l’école des Mines est tué.

En tout 15 ou 20 morts, une trentaine de blessés ou disparus. (**)

 

Le soir, vers 4h, le colonel et un officier de cavalerie avec un pli pour attaque ce soir avec notre bataillon, 23è et 22è en avant : Prendre tranchées entre Rémabois - Leintrey et les cotes que nous avons conquises hier – nous serons appuyées par cavalerie et 2è chasseurs.

Les cuisiniers d'escouades vont chercher la soupe aux cuisines, à Domjevin - Elle arrive à 7h1/2.

Ironie, j'ai reçu une seule lettre, envoi de Suzanne « Le Poil civil ».

 

Nous partons vers 8h 1/2 à travers prés et champs. Je conduis la bicyclette du commandant - avec peine. Nous marchons vite, les hommes sans sac. Nous passons Vého en ruines, puis la position 10, puis les derniers postes - couchés à plat-ventre dans la prairie - terrible préparation par toute notre artillerie, nous avons marché sous une voûte d'obus.

Toutes les crêtes en arrière sont illuminées par les départs des 75 - Pas de réponses des Allemands.

Tout à coup, un village en avant prend feu ;

Nos Cies sonnent la charge - les balles nous sifflent sur la tête, fusées éclairantes - Nos canons tirent encore, mais maintenant les obus éclatent en arrière.

 

Bientôt la 21è amène 3 prisonniers. Je leur demande de quel régiment, combien il y a de monde dans les tranchées et dans le village : « 4e Lander -1 compagnie aux tranchées, 1 dans le village » - sont les réponses – Kamerad, pas capout –l'incendie éclaire l'horizon, des fusées éclairantes- 1 prisonnier amené par 23è, puis 2 par 21è (RAVANEL)- PIERRET Tué.

Les balles sifflent dans l'herbe et sur nos têtes. Leintrey brûle avec grande lueur, fusée éclairante.

 

Vers la droite, les chasseurs cyclistes n'ont pas débouché au-delà du ravin, on dit qu'il y avait des mitrailleuses devant eux. (***) 

(Lieutenant CATTIN - Sergents Roupioz, Girard, Roch, Caporal Fonlupt, Gras, Cartier, Camus. Vuarchex-Martignène).(****) 

Le commandant se porte en arrière sur la ligne de résistance principale, au point d'appui n°10, où se trouve le colonel. On envoie des munitions ; on donne l'ordre d'installer le téléphone - mais les téléphonistes sont arrêtés ainsi que les munitions par barrage d'artillerie sur les crêtes en avant de notre position.

 

Les pertes ce jour se portent à 21 tués, 96 blessés et 7 disparus. (JMO)

 

(*) : Professeur en Russie, il faisait un voyage d’études en Asie Centrale juste avant d’être mobilisé.

(**) : Combat de Reillon 20 juin : 21 tués, 96 blessés, 7 disparus (JMO)

: 21 juin 17 morts 52 blessés 1 disparu-JMO

(****) : Série de noms entre crochets au milieu d’une phrase à laquelle ils ne semblent pas être rattachés.

21-22 juin Combat Leintrey.

(Vergers de Vého, p.a.10). Ordre aux 2 Cies d'attaque de se replier sur p.a.10 ; les 21è et 24è prendront leur place.

À gauche, ils ont les tranchées allemandes retournées ; à droite, ils creusent en toute hâte, sous fusillade.

Les Allemands contre-attaquent et barrent la route en arrière; nos 75 tirent avec rage (on dit qu'une pièce a éclaté).

Leintrey brûle.

Ma Cie et la 22è s'installent dans les abris du p.a.10 – On compte les absents. CATTIN (André), adjudant a reçu une balle renversée qui lui a enlevé une partie de la jambe, sergent Roupioz (Fabien), dans le ventre, sergent GIrard (Emile), 1 balle dans la cuisse etc.

C'est la 4e section qui est tombée sur un blockhaus ignoré, qui a souffert.

 

Toute la journée, les Allemands bombardent les tranchées, avec de gros obus (105 ou 190). Le petit Gallet, le télégraphiste, à la voix criarde à qui je donnais des pastilles à Bathelémont, a réussi à installer le téléphone; 3 de ses camarades blessés en route par les obus de barrages.

Tir sur blockhaus par 155.

Combat d'avions ; 5 français. 2 allemands.

 

Les pertes ce jour se portent à 17 tués, 52 blessés et 1 disparu. (JMO)

23 juin

Combat Vého Leintrey

Le 22 au soir

Ordre est donné aux chasseurs cyclistes d'attaquer le blockhaus, qui est soi disant démoli par les obus.

Ma Cie est soutien, sur place de ce mouvement. Au moment où les chasseurs arrivent aux fils de fer, une contre-attaque allemande se déclenche sur toute la ligne du Rémabois. - Leintrey cote.

 

Toute la nuit se passe en combats, où les Allemands avancent à la baïonnette, à quelques mètres de nos tranchées.

Nous avons envoyé 32 000 cartouches et, vers le matin, elles s'épuisent. Un peloton 22è va renforcer et prolonger 21è vers la gauche, un peloton de la 22è doit se porter à droite de la 24è ; je porte l'ordre sous les obus, mais le 333 arrive.

Une Cie du 333 remplace le 1er peloton de ma Cie; BORNAND va les conduire à travers le barrage d'artillerie.

Téléphone souvent coupé – On s'efforce de régler tir d'artillerie qui tire long et ne veut pas raccourcir d’après les renseignements fournis par nos observateurs (Lt FAVRE, Cap Berrani). Beaucoup d'Allemands tombent devant nos tranchées. La 333 va relever.

Malgré barrages d'artillerie et fusillade, la relève se fait.

 

Je vais porter ordre à ma Cie de repartir vivement par Vého, au bois de la cote 309 d'où nous étions venus - je me porte à ma Cie - obus - puis reviens au poste de Commandement et repars à bicyclette vers Vého; 3 obus de 190 derrière moi, les balles sifflent partout. Les 21è et 24è (relevées) arrivent.

23 juin. Au camp de Bois

Nous arrivons au bois, comme il a plu, la bicyclette du Ct est pleine de boue - j'ai passé avec à travers champs - dans un marais, dans les luzernes et les hautes herbes - On s'installe - Pluie torrentielle - on tend des toiles de tentes - tout est mouillé - soleil, on se sèche -nouvelle averse – soleil.

 

Le Gal Humbert vient nous voir et remettre la médaille militaire au Sergent Berrut. Je mets à la hâte mes molletières mouillées. Il est d'autant plus fier de nous voir, qu'il a été chef de bataillon au 30è et général de la brigade.

Le 230è est en train de se faire connaître comme un des 1er régiments de France.

Dans la nuit, nouvelles contre-attaques allemandes; nous enlevons le reste de la ligne (333è et cyclistes).

CATTIN est mort - On me dit que Roupioz aussi. (*)

 

(*) : CATTIN André Marie Albert Maurice, sous-lieutenant, mort pour la France le 22 juin 1915 à l’hôpital militaire de Lunéville, blessure de guerre. Il était né à Alby (Haute Savoie), le 24 juillet 1892.

Roupioz Fabien, sergent, mort pour la France le 26 juin 1915 à l’hôpital auxiliaire 102 à Lunéville (54), des suites de blessures de guerre. Il était né à St Félix (Haute Savoie), le 30 juillet 1887.

24 juin jeudi

Le capitaine me propose d'être nommé sous-lieutenant. LUGRIN adjudant.

Nous passons 1 journée calme, avec averses dans le camp du bois. Le Gal BIGOT vient nous féliciter - Photos.

 

Dans la nuit, canonnade - la contre-attaque ennemie est arrêtée par le feu de l'artillerie.

Au camp de Bois sous la tente. Vého.

25 juin vendredi

Assez beau, avec légères averses - Lettre de William au sujet de Viel, prisonnier.

Je suis allé, le matin, après avoir dormi jusqu'à 10h, me laver et me changer au village qui est à 1 kilomètre du bois (Domjevin). Calme jusqu'au soir; quelques obus allemands viennent comme tous les jours, chercher les batteries autour de nous.

J'ai écrit 3 cartes ; à William, à Philomène ; au capitaine de la 7è Cie 50è chasseurs.

 

Vers 9h du soir, violente canonnade de toutes nos pièces sur Leintrey et le Rémabois. Explosions d'obus fusants dans le ciel sur les hauteurs.

Après cela tout se calme.

 

Dans la nuit, tir rapide, d'une batterie de 4 pièces alldes de 105 ou 150, qui fouille autour de nous.

Samedi 26

Café - écrit ces notes de 5 à 6h et retourne me coucher car le temps couvert est assez frais.

Sous notre tente, avec du foin, de la paille, nos couvertures, nous sommes bien.

La 24è compagnie a perdu environs 8 morts et 11 blessés, la 23e 6 et 13, la 21e 3 et 10, la 22e 0 et 10.

 

Voici les noms pour la 23è Cie :

Lieutenant CATTIN, mort à Lunéville le lendemain, d'une balle explosive dans la jambe (hémorragie). Roupioz mort le lendemain matin, balle explosive au ventre. Cartier ordonnance du Cap ; mort. Vailly, Montmasson, Quoëx, Pochat-Baron,

Blessés : Sergent Girard, Caporal Fonlupt, Martignène, Roch, Camus, Gros, Dupont, Viricel, Burnod, Vuarchex, Pollet-Villard, Cusin (balle au-dessus du genou, resté 48h dans un trou d'obus devant le blockhaus allemand, d'où le cap. Béaud et Chatelard sont revenus après 24h)

26 juin

Rien de particulier.

Le soir nous devons partir pour une attaque puis contre-attaque.

C'est remis.

 

Reçu lettre Suzanne (Viel). Les journaux annoncent prise de Lunberg par Allemands.

27 juin dimanche

Beau temps.

On rapporte les morts à Vého; Vailly, Cartier, Montmasson et Pochat-Baron. Avec les 3 blessés décédés, cela fait 7 morts pour la Cie.

 

LUGRIN et Dumont sont nommés adjudants. Lathuile sergent-fourrier, Bornand caporal-fourrier. Nous devons quitter le camp ce soir, pour le point d'appui 10 (Vergers de Vého).

Pas de lettres. Les journaux ne sont pas arrivés à Domjevin.

 

Nous faisons un bridge : Wolf, Perret, aspirant Luizet, Geflon et moi. Une légère averse, canonnade intense par toutes nos pièces pendant le bridge - Lu un article de R. Rolland dans le journal de Genève du 14 juin : Le meurtre des Élites. (À relire)

 

On parle d'une attaque à faire par le 230 demain soir.

Le 333 est reparti en arrière à Croixmare. Le 50è chasseur également.

Je compare notre camp dans le bois - avec inaction complète, défense de sortir - à un parc à mouton près d'un abattoir.

On lève le camp à 8h ½.

On emporte les sacs derrière la crête en arrière de Vého, sous la ligne de tir des batteries lourdes à tir 91 rapide, qui tirent juste en ce moment. On descend à travers champs, en coupant les fils de fer, sur Vého : 2 Cies (21 et 24) restent dans le village avec T.C. et cuisines; les 22è et 23è vont aux abris du p.a.10.

Le commandant et la liaison s'installent dans une petite maison à 200 m de l'église de Vého sur la route de Reillon. Je lis le journal à la lanterne et je m'endors, réveillé plusieurs fois pas tir d'une batterie de 75 toute proche qui ébranle la maison.

Nuit calme, sans fusillade.

Vého – P.A.10 Combat du 28 juin

28 juin

Réveillé à 8h ½.

Nous partons avec le Ct pour le P.A.10 où nous rassemblons les officiers.

Ce soir le 234 attaquerait le Rémabois, le 230è, 2 ouvrages à l'est devant Leintrey. Déjeuner aux cuisines roulantes dans le village de Vého.

 

Retour au poste de commandement, on distribue les cartouches, des grenades de toutes formes, des bandes de calicot pour écharpes.

Le 155 court est installé près de nous, dans le creux derrière la source, commence son tir sur le blockhaus que les 22è et 23è doivent attaquer à 10h.

Départ du P.A.10 à 8h45; il pleut un peu.- Génie, travailleurs, autos etc.-

Nous allons nous installer dans un ruisseau affluant de Leintrey, à 4 ou 500m de la route, dans des trous ; on installe téléphone. Le 155 continue son tir lent - les 75 commencent et nous tirent presque dessus ; bientôt les 150 allds, 6 pièces nous couvrent d'obus dans le ruisseau - les 22è et 23è sont déjà parties à l'attaque - terribles salves de 150 et 77, avec 109 - nous sautons en l'air.

Le Ct m'envoie aux nouvelles vers le blockhaus. Je ne peux partir de suite à cause des rafales - je gagne un trou voisin - puis les crêtes à gauche puis tranchées 6 - En arrière, la 24è Cie est arrosée par 190 - J'entends crier Fontborne que FAVRE est blessé - Je me heurte à ma compagnie qui rentre en rampant.

Elle a manqué le blockhaus. Le Ct décide de rentrer. (Pas de téléphone ni chez nous, ni à la tranchée 6).

La 21è Cie restera pour creuser des tranchées en travers du Leintrey.

Je vais chercher Bersani.

29

LUGRIN et THOMAS tués !

4 morts et 7 ou 8 blessés à ma Cie. Des pertes assez sérieuses à la 22è et 24è - Rentrée lugubre.

Les Allds ne tirent pas - Arrivée au P.A.10 vers 12h1/2.

Laplace me donne les objets qu'il a pu prendre sur LUGRIN. Je me couche avec VITTET, dans un abri et nous dormons de 4h à 10h.

Soupe au village de Vého ; je mange des cerises et des groseilles dans les jardins. Je retrouve Deffayet (9è Cie du 37è) - je me lave change de chaussettes et remonte au P.A.10.

 

Départ pour le village nègre à 2h1/2.

Je pars à bicyclette avec Quétand par la route d’Emberménil, et nous remontons à gauche par les boyaux - tranchées. - Village nègre - maisons démontables dans le bois de bouleaux - 37 è territorial.

Nous retrouvons les Cies qui arrivent. Les Allemands envoient une vingtaine d'obus de 155 (français) sur Domjevin - Incendies - Maisons qui sautent, on s'installe - Nous montons la tente - soupe assez tard - je me couche dans la maison de bois de ma Cie, à côté de Bornand et de Larue.

Dans la nuit, pluie violente ; le matin aussi.

30

Café à 5h. Au lit ; je dors jusqu'à 9h. Soupe à 10h1/2. On va partir pour le village de Manonviller – causerie sur la guerre avec cap. Roubertie (qui offre bonbons) et lieut. GEBS.

 

Départ à bicyclette à 3h 1/2 par Bonne-fontaine, où sont les cuisines roulantes, puis vers Domjevin, tout seul.

Route de Manonviller. Je vois deux femmes, depuis 12 jours, je n'en avais pas vu.

Arrivée au Village - Donzier me montre le cantonnement de ma Cie; Installation.

 

Le soir après la soupe, je lis mes lettres au bureau de la Cie et j'écris des cartes et ces notes - en compagnie de Dumont - couché sur la paille, dans une maison abandonnée près de l'église.

Jeudi 1er juillet

Lever à 8h.

Bu du lait - Saigner est nommé adjt à la 23è - Notre popote fonctionne- Bon déjeuner.

 

Soir 4h. Remise des récompenses place de l'Église. Je prends une photo.

Pendant ce temps combat d'avion - 1 Morane pris par le boches vient sur nous, poursuivi par Morane français -mitrailleuses - Ma compagnie rassemblée reçoit ordre de tirer sur boche - On ouvre le tir ; le français revient, combat rapproché ; le français baisse derrière le village ( mitrailleuse enrayée, il dégage le champ de tir).

La section Hugounenq reprend son tir, sans résultat.

Vendredi 2 juillet

Rien de particulier.

Nous recevons des jeunes de la classe 15 en renfort du 18è de marche.

Ils arrivent de Tarbes, originaires de la Vendée. 19 à ma Cie.

L'adjudant Seigner commande une section de la Cie, en attendant d'être sous-lieutenant à ma place ou à la 21è Cie. Nous essayons d'aller au fort, mais on ne laisse pas passer - 1 poste du 2è groupe cycliste, qui occupe les casernes en haut du village.

Samedi 3 juillet

Bains à Lunéville pour tout le régiment - en tramway.

Je pars avec VITTET à 9h 1/2, après avoir déjeuné d'un café au lait avec 3 oeufs - Lunéville 11h.

Fait le trajet avec cap. Assada - Bain rue Sifflet - Donné pellicules à développer - Déjeuner au Cheval de Bronze avec VITTET - promenade - café - achats divers, surtouts tabac, cerises - Départ 3h.

 

Vu mon neveu Alphonse, qui a perdu son fusil et képi dans les réseaux boches.

Rentrée à Manonviller ordre de départ pour 7h45, tout le régiment.

Reçu 2 cartes de Marie : l'une du 15 juin annonçant maladie grave de Maman (*); l'autre du 16, annonçant qu'elle est sans connaissance à la veille de sa mort.

J'écris 2 mots à William pour qu'il télégraphie à Marie de venir avec Alik.

Bois de l'Étang près de Blémerey. Dîner à 6h. Départ après 8h, vers Domjevin puis vers les bois où nous avons campé, puis descente dans l'obscurité à travers bois jusque près de Blémerey, en arrière de Reillon, dans un bois.

 

Dans l’après-midi, les Allds ont tiré sur Benaménil.

Passé la nuit dans le bois ; au jour nous partons en avant au poste de commandement (plan Jean d'Arc).

Redormi jusqu'à 9h.

 

Soupe, journée chaude sous bois. Toute la matinée, bombardement des villages voisins. Notre 155 tire sur Avricourt par rafales.

Reçu lettre de William qui a appris maladie de Maman - Pas de journaux.

Pendant le dîner, un obus alld tiré sur notre avion, vient tomber près du poste de commandant et éclate. Comme notre avion vole plusieurs heures jusqu'au soir au-dessus de nos positions, les batteries alldes se taisent ; on ne tire que sur l'avion français –

Par contre notre 155 avant du P.A.10 Vého tire sur la crête à droite de Leintrey.

 

Le soir descend sur le bois, coucher dans l'abri. Peu de canonnades dans la nuit.

 

(*) : « Maman » Josefa Makarov, la mère de Marie, sa femme.

5 juillet lundi

Temps gris très agréable ; lever à 8h 1/2. Toilette sous le pont de Blémerey.

Dans la journée, sous les bois temps lourd très chaud. Bombardement de tous les villages environnants. Nous tirons sur Deutch-Avricourt.

1 seule lettre de M. Callet.

Rien de particulier, journée de chaleur accablante dans notre bois Jeanne d'Arc.

6 juillet

Temps lourd. Le soir orage.

Reçu 3è carte de Marie annonçant que Maman est morte le 14 juin. J'écris de nouveau à Marie et William.

Nominations de Ruffard, Biquet et Seigner.

C'est aujourd'hui que je serais sous-lieutenant si j'avais accepté.

 

Avions - violent bombardement - 7 villages.

Nous partons tard, vers 9h 1/2 sous les éclairs d'un orage lointain. Il fait noir, nous suivons les haies artificielles - traversons Reillon - pas d'obus.

De Reillon, nous montons vers le poste de commandement - La 19è Cie relevée par la 23è est couchée au bord de la route; je veux chercher mon neveu mais des obus de 77 fusants viennent de balayer le carrefour où est installé le P.A.13 – on se couche – 5 ou 6 obus passent – on trouve le poste et on s'installe dans l'abri.

Puis je vais reconnaître l'emplacement de ma Cie dans les anciennes tranchées allemandes à 200 m. en avant du poste de commt - couché à côté de GEBS et du commandant.

Nuit calme.

P.A.13 Carrefour Reillon - Leintrey, Gondrexon

7 juillet, mercredi

Hier pendant le violent bombardement de l'après-midi, nous tirions sur Avricourt et les positions allemandes ; eux tiraient sur 7 villages, sur nos batteries et positions Vého, Reillon, Domjevin, Fréménil, Blémerey, Benaménil, Manonviller (entre les casernes et le village) beaucoup de victimes.

La journée du 7 est calme - Les Allemands ont tiré sur Crion, derrière la forêt et près de Marainviller - Quelques obus autour de nous.

Pas de lettres.

 

Le soir, ma Cie est relevée par la 22è qui reste seule.

Je vais chercher l'empl. des mitrailleuses de <Duent>, dont Dumont est soutien avec la 2è section.

J'y conduis la 1/2 section de la 22è qui va les remplacer. Ma Cie s'en va. La 21è a relevé la 24è à notre gauche, à 293.

À peine ma Cie partie, après avoir mangé la soupe vers 22h, les Allds se mettent à envoyer quelques obus fusants.

Couché dans l'abri.

8 juillet, jeudi

Joli temps frais, matinée calme. Je mange comme hier, un morceau de mouton froid - pas de fromage - j'ai encore un peu de chocolat.

Quetand va me chercher mes lettres dans le bois de l'étang (Jeanne d'Arc) où est ma Cie. Lettre de William, renfermant mes cartes et un télégramme de Marie, de Petrograd. Lui aussi est d'avis que Marie doit venir.

En même temps, lettre de CIBAUD avec jolie photo-carte de sa famille.

 

Le bombardement commence - des avions allds nous survolent. Les obus tombent sur les tranchées en avant vers 293, puis sur les villages de Vého, Blémerey, puis sur les bois occupés par le 5è bataillon et ma Cie.

 

Vers 1h, il y a 2 blessés par 2 obus tirés sur une corvée de paille qui s'est montrée – Nos canons répondent – les avions allds continuent leur ronde en paix.

9 juillet

Reçu lettre de Marie racontant derniers moments de Maman – Datik (*) – Georges.

Ma Cie vient du bois Jeanne d'Arc relever de bonne heure vers 9h. Fusillade sur Rémabois, puis nos canons tirent avec rage. Fusées éclairantes, Vého brûle dans la nuit. Le 77 alld répond mais pas sur nous. La fusillade se prolonge et le 75 tire longtemps.

(Dans l'après-midi, avions allds ; les nôtres se montrent et s'en vont sans leur donner la chasse. Le bombardement allds a mis le feu à un dépôt de munitions vers Blémerey – Les cartouches crépitent).

 

(*) : Surnom d’André son plus jeune fils.

10 juillet Samedi

Reillon – beau temps. Tout s'est calmé dans la nuit. Dormi de 4h à 10h.

 

Dans l'après-midi, avions allds.

 

Le soir, le commandant descend avec nous s'installer à Reillon, dans un abri inachevé. Le cap. Roubertie descend se faire soigner son furoncle et est évacué sur Domjevin et St Nicolas.

Bonne couchette, au-dessus du commandant.

Paul Tapponier nous quitte; il est remplacé par le Père Sylvestre, caporal et capucin.

Le soir, nous allons manger, dans l'obscurité aux cuisines roulantes, à l'entrée du village. Les permissionnaires (prisonniers) partent demain. Bien dormi dans abri.

(Au P.A.13, GEBS, en lançant une roquette, manque de blesser les hommes et démolit 2 sacs et un fusil)

11 juillet – Dimanche

A Reillon, dans l'abri derrière les maisons - Rien de particulier - Nous ne sommes pas bombardés.

Lettre de William, il a télégraphié à Marie de venir.

Demain partent les 1ers permissionnaires de 8 jours.

L'attaque d'hier a été menée du Rémabois par 1 bataillon du <60è saxon > sur les tranchées route Vého - Leintrey , prises par le 22è et 23è Cie - Attaque repoussée . Nous avons eu un mort et un blessé !

 

Le soir, aux cuisines - Ma Cie rentre au village – GEBS, Ct de Cie, fait du potin... pour avoir un abri et chasse les sapeurs du leur pour s'y établir avec le Commt .

J'ai un peu la colique. Bien dormi dans abri. Mon sac a été retrouvé à Jolivet par Lt Déplante.

Déthoin m'a envoyé une chemise et un caleçon et je peux me changer. Il est temps, depuis arrivée à Manonviller.

Jacquemard m'a envoyé une livre de chocolat.

12 juillet lundi.

Temps couvert, frais, puis soleil. Lever à 10h. Je cours 2 fois aux feuilliers (*).

Toilette complète dans un cabanon à cochons. Changé de linges, chaussettes, ciré mes souliers - Mangé viande froid, fromage, vin rouge, café chaud, eau de vie - Cigares que Quétand, vient de m'apporter de Benaménil.

Ecrit 2 cartes et complété mon calepin - Notre artillerie tire.

 

(*) : Les toilettes

13 juillet

Quetand nous apporte 2 douzaines d'œufs, dont je mange ma part, plus 6 que je lui retiens. Justement j'avais un peu de diarrhée.

Le soir, Lathuille m'apporte des conserves, thon, sardines, pâté et confitures.

 

Nous touchons pour demain 14 juillet - du jambon et des petits pois, 1 litre de vin, 1 cigare, de la confiture, de l'eau-de-vie.

Je vois justement Lathuille au poste 13 (abri de carrefour) où je suis allé porter des fusées éclairantes à GEBS remonté depuis un instant relever la 22è. Lathuille m'a également donné mes 12 derniers clichés développés. Calme.

Reillon – Ogéviller.

14 juillet

Journée calme. Nous devons être relevés ce soir par le 333. Nous jouons à la bourre. Je mange seulement de la confiture et des œufs pour guérir.

Relève sans incidents - Dans la soirée un tir bien réglé de 150 alld a enterré 4 hommes de la 24è au bois Zeppelin et enterré un 5è - Je file à bicyclette avec Quétand par VéhoDomjevin.

Nous recentrons des autos, voitures, trous d'obus. Tout est calme.

A Domjevin, une assiette de bouillon à la cuisine roulante, un verre de vin et un quart de café excellent. Je remplis mon bidon de vin pour VITTET et moi et en route pour Ogéviller par la route puis la route nationale Paris - Strasbourg.

Ogéviller est à 4 km de Benaménil, à 11 de Blâmont. VITTET et Véron nous attendent à l'entrée du village. Je vais faire une «bourre» avec Véron et ses 2 hommes et je leur «gagne» 3fr.

15 juillet

La 24è Cie arrive à 2h 1/2 ; la 23 è à 3h 1/4 avec le commandant – Le capitaine est toujours malade à St Nicolas. Les 22 è et 21 è sont à Fréménil. Dormi sur nos sommiers dans maison évacuée de 5h à 10h.

Soupe – Promenade dans le village entre 2 averses, pluie violente. Deux obus sur le village dont l'un n'éclate pas. Le soir, la popote fonctionne.

Alerte ! Bois Zeppelin

Bornand vient nous chercher. Nous nous asseyons : Alerte ! Le Ct fait demander la liaison - une auto de la division et là - on regarde la carte - on part pour Fréménil par Buriville.

Violente canonnade sur tout le secteur; on voit les éclatements sur toutes les crêtes – l'artillerie lourde allde semble être nombreuse.

 

Arrivée à Fréménil de nuit : le téléphone nous apprend que le bois Zeppelin est pris par les Allds et nous apporte l'ordre de partir pour le bois de l'Étang. Les 21è et 22è sont déjà loin (Bersani est couché malade). On laisse les bagages et chevaux de selle à Fr. - En route à travers chemins boueux ; notre artillerie tire énergiquement ; les Allds envoient de gros obus sur quelques villages) Domjevin.

Nous pataugeons effroyablement; la bicyclette s'encrasse de boue; les 2 roues se bloquent - je perds le commandant et la liaison.

 

Nuit noire, quelques averses - heureusement les coups de canons et les fusées éclairantes sans nombres nous montrent les mares qui coupent les sentiers. Je reste en panne dans le bois - puis je peux filer à travers champs dans l'herbe et les blés mouillés - j'arrive au bois, tantôt portant, tantôt traînant la bicyclette que je finis par laisser dans un buisson.

Je traverse les hommes couchés ou assis sur leurs sacs ; j'arrive au téléphone du bois Jeanne d'Arc au moment où le commandant et la liaison viennent de partir - les obus de 150 tombent avec un fracas terrible autour de nous. Je reviens chercher GEBS pour venir au téléphone.

Bientôt arrive l'ordre au 23 et 24 de partir pour Reillon, pour reprendre le bois perdu.

 

Départ. Je décide de rester au téléphone, jusqu'au petit jour, d'aller chercher la bicyclette de la confier aux téléphonistes et de gagner Reillon.

Je dors jusqu'à 2h 1/2.

 

Les 50è chasseurs, Ct Imbert, arrivent dans le bois - Je laisse la bécane au poste et je pars.

Notre artillerie seule tire - J'arrive à Reillon vers 4h ; je retrouve la liaison.

On dit que le capitaine de Ladevèze est blessé - sa section du bois a beaucoup souffert; Vulliet (Victor) tué - beaucoup d'hommes ensevelis - Boccard serait blessé et Mérel tué. La 22è Cie, s/lieut. Westphal a réoccupé le bois.

 

Tout est calme et silencieux. Je bois 1/2 litre de café, mange un bout de chocolat et je mets à jour mon calepin dans l'abri où j'ai passé 3 jours et 3 nuits. J'ai les pieds tout mouillés et glacés, la capote couverte de boue et toute mouillée. Les oiseaux chantent - Un biplan vole paisiblement.

Toute la division a été mise sur les dents pour cette affaire - J'essaie de me coucher un moment.

Les Cies qui étaient autour du village sont reparties prendre les sacs au bois J. d'Arc et ont dû rentrer à Fréménil.

Le peloton de la 22è reste. Le Ct G. se dit malade et rentre en auto.

 

Vers 2h, la liaison part toute seule - les autres, par la ferme de l'Étang, moi par route Blémerey - Domjevin, vue de l'ennemi - ma bicyclette ne marche pas; je vais tâcher de réparer à Domjevin. Un automobiliste me verse 1/2 litre d'essence dans changement de vitesse - j'en retire cinq ou six branches de paille et ça marche - Bu un verre de vin et en route - Vu Vulliet (frère tué).

A Domjevin, on me croyait tué.

Je rentre à Ogéviller par grand-route. 2 obus fusants sur voitures de paille – 3 sur convoi.

À 6h, dîner copieux à la popote - soir cartes (banco) à la popote – Je gagne 30 fr de Perret.

 

Le JMO signale 8 morts, 93 blessés, 4 disparus. JMO

17 juillet samedi

Ogéviller. Lettre de Marie de Petrograd. Nettoyé bicyclette du commandant - 1 petit verre de confiture : 0,65 - biscuits : 0,40 - pétrole : 0,60 litre.

18 juillet dimanche

Remise de décorations : Roubertie (Jean), Fleury (Georges) absents.

Le petit FAVRE reçoit légion d'honneur et le drapeau de sa Cie la croix de guerre. Je prends photos.

 

Le soir, je prends aussi les tours d’Ogéviller où couchent les femmes du village pour être à l'abri du bombardement.

Mon linge sera blanchi pour demain.

19 juillet lundi

Reillon 293. Lettre de William et de Mlle Reboul, avec une boîte de chocolat.

 

Départ le soir, pour Reillon. Je passe par Domjevin avec Quétand, qui me quitte et je continue seul sur Vého, où je retrouve le commandant.

Nous partons pour le Bois Boué où reste la 24, et de-là le Ct transfère son poste à 293.

À Domjevin, acheté journaux et vu passer premiers obus asphyxiants.

Je passe la nuit à chercher des fusées et à les porter au bois Zeppelin par la route du carrefour à Leintrey, qui passe entre nos positions et celles des Boches. La route est toute en trous - Le jour pointe, j'arrive au bois Zeppelin que je prends pour le bois Rectangulaire, je prends le boyau à gauche et arrive avec mon <homme> et mes fusées au Bois Boué - Le Lt FAVRE me dit de les porter à sa 1e section qui les fera passer; je les remets à Fontborne et je rentre par la crête à 293.

 

Il fait jour. Je me couche sur une planche d'un abri en construction; à midi je me lève brisé.

Je mange un morceau et je me rendors dans la tranchée, sur un peu de paille.

20 juillet mardi

Le soir, je descends à Reillon avec Quetand - Les lettres n'arrivent pas - je remonte.

Le soir, je redescends - J'envoie 10 fusées par les cuisiniers au B. Zeppelin et 10 à 293.

(Altercation avec cap. Jardon) bu café et reçu fromage et vin aux cuisine.

Trié lettres pour le Ct, VITTET et moi. Reçu lettre William et CIBAUD – Le Ct a un abri pour lui et téléphone. Nous couchons VITTET et moi, dans l'ancien abri du téléphone.

Nuit calme, bien dormi, jusque vers midi, après avoir joué à la bourre.

21 juillet

Vers 2h ½, descendu à Reillon avec Pinget pour courrier. J'écris 3 cartes.

 

À 5h, vaguemestre pas arrivé. Comme le 223 doit attaquer le blockhaus 7, que nous n’avons pu prendre le 28 juin, nous remontons – Sachets respiratoires et note pour les Cies envoyés par VITTET et Quétand -

Je pars à mon tour avec Pinget pour porter l'ordre général n° 128 :

 

« Tenir jusqu’au bout sous peine de conseil de guerre, même au P.A.15 (bois Zeppelin). »

 

Nous suivons le boyau qui coupe la crête entre 293 et le bois sans Nom (bois Bouée). On est vu du Rémabois sur une bonne partie du parcours. Du bois Boué, je pars au Zeppelin, je suis vu jusqu'au boyau - je rencontre Quétand et VITTET qui reviennent.

 

P.a.14 - Cote 293. J'arrive au pitoyable bois, bouleversé, marmité ; il n'en reste que des maigres bouleaux fracassés et clairsemés comme des perches à houblons.

Je traverse le bois dans les tranchées allemandes et j'arrive à l'abri boche du téléphone et du lieut. GEBS - Abri avec double blindage où l'on ne peut tenir qu'assis - mais il ne dépasse pas de terre et peut résister à tous les obus.

Je fais donner avis, par téléphone de mon arrivée et je repars à 7h15, au moment où notre tir commence sur le blockhaus 7, à 400 mètres de moi.

Bientôt la fumée de nos obus asphyxiants me cache le Rémabois et je rentre paisiblement au bois Bouée, pendant que les 150 allds commencent à arriver.

Nous repartons par le boyau avec Pinget - le bombardement est déchaîné dans toute sa violence.

Nos obus éclatent en formant une ligne de fumée bleuâtre - flamme vive à l'éclatement - bientôt tout Leintrey est entouré d'un demi-cercle de fumée. Les boches forment un barrage dans le bas avec de gros obus. Du boyau, comme d'un belvédère, nous assistons aux explosions.

Nous rencontrons le lieut. Panisset avec un peloton qui descend le boyau et nous rentrons.

 

La fusillade commence, puis les mitrailleuses allemandes - au moins 4 - crachent. Les balles sifflent au-dessus de nous. Nous ne recevons pas un obus.

Le calme se fait ; la soupe arrive - On mange paisiblement - Tout a échoué - Vers Gondrexon une reconnaissance est partie du P.a.6 ; elle a occupé une tranchée vide allde et tire par salves sur un groupe qui vient l'occuper (?).

On s'endort.

Le 75 tire de 10 en 10 minutes, probablement sur le blockhaus. La 24è a eu 1 tué.

22 juillet jeudi

La 23è au bois Zeppelin.

L'artillerie allemande a l'air de régler son tir sur nous (293) pour ce soir, d'abord le 77 puis le 105 puis le 150.

Je mange un morceau vers 11h avec le P. Sylvestre, maquereau, pâté de foie aux truffes (que j'ai reçu à Jolivet de Mme Labrune) un bout de fromage, du chocolat, un cigare.

Nous faisons une partie de bourre pendant que les marmites boches tombent et envoient des éclats, au-dessus de nos têtes. 1 homme est tué dans la tranchée. Ribiollet clairon 22è Cie - un autre est tué chez les mitrailleurs, un blessé à la 21è.

 

Relève assez tard, vers minuit à cause de la lune. Nous mangeons aux cuisines en passant. Coucher dans la paille maison du coin dont on a crevé un mur pour faire une entrée dans la cave.

Reçu télégramme de Marie: elle est partie pour Stockholm, Bergen, le 18 au soir - 1 carte de GIRARD, une de DEBOLSKY.

23 juillet vendredi

Il pleut. Nous jouons aux cartes.

Le soir, nous bombardons le blockhaus et nous faisons une reconnaissance. Les Allds bombardent Vého et 2 maisons brûlent.

Je vais aux cuisines avec Quetand. L'incendie nous éclaire. Les cuisiniers doivent traverser le village en feu et arrivent en retard.

Lettre de Mme Bouvier.

24 juillet samedi

Le Père Sylvestre est allé à Benaménil dire la messe et nous acheter des provisions.

Rien de particulier.

Lettre de CHABERT et carte de Marie – Retour des 1ers permissionnaires de 8 jours.

25, dimanche

Temps calme et gris - Je photographie les tombes du 230 qui sont à l'ouest de Reillon, sur vue du Rémabois. Une vue de l'église (ratée) et une du village avec l'église.

Carte de Marie de Petrograd, elle se prépare au départ (11 juillet) avec Pchévalinsky - Ayant déjà reçu télégramme.

3 avions français, nos pièces tirent.

 

Le soir, après avoir mangé la soupe vers 9h 1/2, nous partons à 10h avec le commandant pour 293 relever l'autre bataillon.

293 (*)  - La lune est voilée - temps tiède - il va pleuvoir demain. Relève assez calme. 6 coups de canons vers le Zeppelin, où va la 22è. Ma Cie est au carrefour. La 24è avec nous à 293. Nous mangeons avec elle - nous resterons probablement 3 jours au lieu d'un ou deux. Ma musette regorge de provisions; une boîte de confitures, 1livre de chocolat, 1 boîte de maquereaux au vin blanc, 1 b. de pâté, 1 fromage de Munster, 1 boîte de sardines, des cigares, des cigarettes, 2 serviettes, des mouchoirs, ma toile cirée imperméable, des films photos etc. J'ai un bidon de vin, 6 œufs. QUETAND a pour moi de la viande, du pain et de l'eau-de-vie.

Nuit tranquille - Il pleut un peu – pluie fine par instants.

 

(*) : Côte 293 (293 mètres)

26 lundi

Temps gris, soleil, pluie fine - matinée calme. Dormi assez mal dans un petit abri - levé vers 10h – Déjeuner : œufs, confitures chocolat.

Une partie de cartes, que j'abandonne pour lire un livre d'Abel Hermant : Eddy et Paddy, en fumant un cigare.

Je vais faire un tour en arrière de la position. Le génie transporte des madriers pour couvrir un abri ; des hommes armés de pioches cherchent des fusées dans des trous d'obus.

 

Tout le pays est silencieux - Pas une voiture, pas un moteur - le canon guette et immobilise tout dans une zone de 10 à 15 Km de profondeur. Je descends à Reillon à bicyclette pour aller au carrefour communiquer les ordres. 2 avions allds survolent et m'obligent à m'arrêter au village. L'un reçoit un obus si ajusté qu'il plonge et disparaît - Arrivée au carrefour, j'assiste au tir des Allemands sur un des nôtres.

Je trouve mon « Industriel » avec l’article sur la décoration de FAVRE.

La Croix, d'après le Gaulois, annonce prise de Radon et bombardement d 'Iwangorod par 420 et 502 autrichiens.

 

Vu Berrut, retour permission, Lieutenant GEBS me dit que 20è et 9è corps sont au repos derrière nous. En traversant Reillon, le colonel m'appelle par mon nom et me charge de commission pour Kappelhof et Girardin – Il me connaît donc, maintenant ?

Remontée à 293 – soupe.

 

Coucher à minuit et demi ; lu jusqu'à 2h. « Les lectures pour tous » de Collonge.

Nuit calme quelques coups de fusil vers Gondrexon où nous faisons une reconnaissance. Nous serons relevés qu'après-demain soir, le 28.

293 - La 23è au Carrefour - Cap. en permission.

27 juillet

Il a plu dans la nuit - soleil - tout est calme –

Les allds tirent quelques obus sur Reillon – nos grosses pièces répondent – silence.

 

Lever à 10h, café froid, à 11h 1/2 je mange viande froide, fromage, confiture à moi, quart de vin, une pipe. Promenade jusqu'à l'oseraie.

 

Le soir, je porte la décision au carrefour par Reillon – Un seul avion, français se montre, violente canonnade, vers la droite, Bezange ou au-delà, la grosse artillerie boche avec tir salves régulières de 4 coups précipités.

Je prends mon neveu avec moi en passant à Reillon, il est maintenant caporal.

À l’abri du carrefour (il y en a 5 maintenant) les officiers mangent. J'annonce au sergent MUFFAT qu'il part demain en permission !

Retour à 293 par Reillon avec Alphonse. Soupe.

On entend la mitrailleuse vers le Rémabois. Tout se calme. Il pleut - Je dors un peu . Pas de lettres encore.

28 mercredi

Lever 8h.

Je descends à Reillon photographier les tombes – Je me fais raser et je me débarbouille. Nos 120 tirent - Rafales de 75 après.

Lieutenant Duchesne m'apprend que nous serons relevés par 5è bataillon pour un jour. Discussion sur le moral des troupes.

 

Je remonte à 10 h.

Déjeuner ; boîte de pâté viande froide, fromage confiture, quart de vin café froid - cigare.

Je vais faire une promenade à l'oseraie au soleil - Dans les champs de blé - qui ne sera pas fauché ! Je cueille des mûres.

Je trouve des cartouches françaises - une pelle-pioche - son étui - 105

Une fusée d'obus 77, des shrapnells en plomb, des éclats d'obus de gros calibre, une boîte de viande pleine; etc.

Le temps et splendide avec du vent du midi. Tirs d'artillerie. Je me couche dans mon trou.

Relève par le 5è bataillon.

Les Allemands tirent un peu. Mangé aux cuisines. Couché mal à la tête.

29 juillet

Reillon.

Départ ; Mal à la tête. Le 299 relève très tard pas de clair de lune. Mal de tête violent - je pars avec Quétand par Vého et Domjevin, vers minuit 1/2. Arrivé à Domjevin, je tombe sur un sommier crevé à côté d'un inconnu; je me sens très mal, névralgie.

 

Vers 2 h, Quétand m'appelle pour partir, avec CrÉtin, pour Benaménil. La névralgie est passée, mais je me sens mal.

À Benaménil, j'entre dans la 1e grange venue et je m'endors sur le foin. Le bataillon passe pour s'embarquer en auto.

 

Vers 4h, Quétand et CrÉtin m'appellent; je reste couché. À 6h, je pars tout seul.

 

Arrivée à Marainviller, j'achète du tabac, je déjeune chez Madame Mammerville qui raconte les effets du bombardement ;

Départ pour Lunéville vers 8h 1/2.

Arrivée à Lunéville vers 9h1/2 - Bain - Journaux - A l'hôtel du Cheval de Bronze - Achat d'un complet bleu en toile, 39fr ; molletières, 5fr.

Départ à 1h. Vu la blanchisseuse; arrivée à Einville vers 2h.

Je monte à Bonviller, à ma Cie et je mange avec les camarades - JOLIVET part en permission, après MUFFAT, Berrut, Gallay, Pillet.

Reçu carte de Marie de Londres.

31 samedi

Nous mangeons avec VITTET, à la 20è avec GALLIER etc. Demain VITTET part en permission et je le remplace.

Reçu lettre de Marie un « bleu (*) » de Paris.

1er août dimanche

Einville. – Départ de VITTET.

Reçu 4 cartes de Marie avec 4 timbres de puissances différentes : Russie (Finlande) Suède, Norvège, Angleterre.

 

(*) : Un « bleu » : télégramme de l’époque qui était de couleur bleu

2 août lundi

Averses (Dans la nuit orage, tonnerres).

Après-midi, je monte à Bonviller, visite au capitaine malade – aux lieutenants GEBS et Hugounenq, photo - équipement boches.

Touchés 2 prêts 36 francs 50. Nous avons transporté la paille dans la chambre d'en haut ; les puces nous dévorent.

Reçu lettre du Dr Péthellaz (malade) et de Marie (Paris).

3 août mardi

Rien de particulier - Je fais des photos.

Pas de lettres. Varsovie va être abandonné.

4 août mercredi

Reçu mes dernières photos de Lunéville.

Boisier nommé sergent.

10 août

Pluie, au lieu de la marche à Courbesseaux, à 9h prise d'armes pour décoration du capitaine Fleury, près de la ferme entre Einville et Bonviller.

Cap. Roubertie évacué.

 

Le soir, par suite du départ du Ct Girardin nous suivons le cap. Fleury, chef de bataillon, à Blainville.

Toute la liaison. Installation à la mairie. Je mange avec les mitrailleurs : Vulliet, Chavannes, Dupont, le p. Sylvestre.

11

Je mange à la popote de la 24è. Adjt Degaye – la même à laquelle je mangeais à Valhey – avec Colllonge en plus et quelques tués... Pollier, Raffort.

Mme Degaye est là, le cuisinier Masson.

Beau temps avec averses d'orages.

12

Bienville.

Marie est toujours à Paris.

13 vendredi

L’Adjt VITTET rentre. Les 2 è et 22è Cies partent faire des travaux à 2h30 - puis par le train de Jolivet à Benaménil- VITTET m'apporte lettre et paquet de Mme LABRUNE - M. BOUVIER m'annonce la mort de René GIRARD.

15 août

Dimanche - Bienville - Averses.

Le matin remise de croix de guerre à Einville - Nous n'y allons pas - Nous devons partir demain soir pour Reillon.

Marie m'écrit qu'elle part en Bourgogne (le 13 août)

16 août

À 8h, départ à bicyclette avec QuÉtand par Lunéville. Pris un bock, fait des commissions à Jolivet.

Vu les connaissances, Mme Messin, ma propriétaire de chambre - Mlles Gérard. Le train part en retard vers 8h.

Arrivée à Benaménil - Départ à bicyclette par Domjevin, Vého. Arrivée à Reillon, en même temps que le colonel et les sapeurs venus par le train précédent.

Le 299 est là, prêt à partir.

Pas de bombardement sérieux, pendant la relève ; cependant il y a 2 blessés au 299 qui a eu, au total, 2 tués et 13 blessés pendant les 18 jours.

Boisier et Sylvestre arrivent avec le Cap. Fleury, venant du village nègre par le bois Jeanne d'Arc (la 22è a eu 22 blessés légers, pendant les 3 nuits de travaux devant Vého). VITTET, Pinget arrivent avec la 24è Cie et la 23è.

Coucher vers minuit.

17

Bombardement violent de notre part : 75, 155 et 2 grosses, qui ébranlent le sol. Les Allds tirent peu.

Cependant, dans le village, derrière l'église, la 19 è a 2 tués et 1 blessé grave (en venant aux lettres) – Le 37è territorial a 13 blessés au bois Boué, qu'on ne pourra ramener que ce soir.

Dans la nuit, violent bombardement des 2 côtés.

18

Je vais aux Vergers le matin. Il paraît que j'aurais ma permission.

Les Allds bombardent Reillon (le carrefour de 293) avec du 105 et du 77 systématiquement.

19 jeudi

Ce soir relève.

La nuit bombardement. Je descends le soir avec LATHUILE à Domjevin.

Falconet téléphone au Colonel. Je ne pourrai partir que le 21, samedi matin.

21

Départ à 8h pour Benaménil pluie. Tramway.

Le sergent-major FAVRE Fabien va se marier, Marsais chef armurier part aussi - Déjeuner à Lunéville - Je pars seul à 12h57 et doit être à 9h30 à Paris - Nancy Dépêche. Paris 18h - Coucher seul. Passage St Philippe du Roule.

22 août dimanche

Déjeuner avec Mlle Berthe, pars chez les Empereur et Girard absents après avoir déjeuné Gare St- Lazare.

À 6h, allons attendre gare de Lyon avec Berthe – personne !

En rentrant à St Philippe, nous les voyons descendre d'un taxi-auto !

23/24/25/26/27/28/29 août

Permission

St Clément

30 lundi

Matin départ- Déjeuner dans le train- arrêt à Nancy- Coucher à Lunéville (avec Maréchal des Logis chef 62è art. 71è Dvon) Départ à 10h, tramway Thiébauménil; mangé au convoi. Parti avec convoi pour Domjevin.

Monté, le soir avec Vulliet à Reillon. Monté à 9h à 293.

31 août

Construction de l'abri pour liaison.

10 sept

Violent bombardement boche.

16 sept. Relève

Départ St Clément - Je suis malade, coliques.

Parti avec voiture du 223è avec lieut. DUCHESNE jusqu'à Domjevin.

Couché à Domjevin - parti en voiture vers 3h avec majors et COLLY.

Arrivée à St Clément à 5h. Dormi à l'infirmerie.

17 au 28 soir

Repos St Clément - Marie est à Massingy - ennuis d'argent - bridge.

Notre grande offensive est commencée depuis le 25.

 

Le soir du 25, 1e dépêche annonçant 12.000 prisonniers en Champagne.

27 lundi

Visite Dr demain = pas d'opération possible. Parlera au cap. Fontanel.

28 mardi

Départ à 2h pour relever à Vého, le 217.

Arrivé au P.A. 16, route de Vého à Leintrey, un violent bombardement qui ébranle notre abri nous souffle dans la figure et fait vaciller la bougie.

Les obus arrosent les tranchées, la route, le P.A.X et Vého.

Aspect curieux du village de P.A.X - canapés- sommiers.

Mercredi 29 sept.

Pluie - On dit que 3 de nos divisions auraient forcé la ligne allemande en Champagne.

4 octobre

Canonnade ininterrompue à notre gauche depuis midi.

7 octobre

Soir 105 allds fusants sur Bouée.

150 percutants.

8 octobre 13h

1 avion boche règle tir 150 et 210, aussitôt le bombardement se déclanche - sur Bois Bouée, Zeppelin et plus loin 293, carrefour.

Terribles éclatements des 210 et des 105 fusants - des torpilles tombent sur Zeppelin (*) et sur nous P.a 16.

Obus lacrymogènes. On ne voit plus ni le Boué ni le Zep. (*)

On voit déboucher l'attaque de l'infanterie; notre artillerie…se tait. Fusillades, mitrailleuses - Les Allds recommencent la préparation d'artillerie - leurs gaz envahissent tout; nous mettons les lunettes, odeur d'éther - je sens le sommeil.

La 4è attaque allde réussit et prend pied dans le bois Zeppelin.

Nuit - Nos contre-attaques ne réussissent pas = 70 prisonniers du 223.

Un obus de 150, par vibration, fait exploser un 77 dans abri, 23 è Cie : 7 morts, 6 blessés.

 

(*) : Bois le Boué et le bois Zeppelin

9 oct.

Nous tirons pour le Zep. jusqu'au soir. Préparation de 30 mn. Attaque manquée.

L'artillerie lourde allemande tonne terriblement. (Attaque 2 Cies 230è – 1 bataillon). Nous faisons 1 prisonnier.

 

Les 9, 10, 11 octobre : 19 tués, 60 blessés - JMO

14 oct.

Artillerie lourde tire sur Zeppelin.

15 oct. Vendredi

10h, artillerie lourde - 12h, artillerie française commence préparation.

 

À 3h, interruption. Mitrailleuses.

Le tir recommence, des obus de 240 viennent de loin - d'autres gros obus passent en travers sur nous, venant de la forêt de Parroy - Les Allds croyant que notre attaque viendra de Boué, l'inondent d'obus et barrent sur les boyaux et sur 293 et Reillon.

Encore une fausse accalmie, sans attaque - le tir reprend. Les 17è et 18è Cies attaquent alors venant du bois rectangulaire. Elles occupent même une tranchée en avant, mais 3 officiers et 40 hommes de la 18è s'y font prendre dans une contre-attaque vers 4 h du matin.

Terrible spectacle d'incendie sur le Zep. et le Boué.

 

Vers 13h, un obus tombe sur un abri de ma Cie et fait écrouler quelques poutres, 6 hommes morts dont le sergent Gallay (Louis), l'ancien.

Les contusionnés viennent dans notre abri (BRETTON) - Le lieutenant Hugounenq s'est précipité le premier pour les dégager - Sous les bombardements, le cycliste QuÉtand amène 2 prisonniers, 10 minutes après- l'un d'eux est blessé à la tête (Territorial du 279, pansé par adjt VITTET – 45 ans).

Le poste de commandement du Cap. Roubertie reçoit 3 obus.

Je lui annonce démission Delcassé (*).

Nos crapouillots (cal.58) lancent des centaines de torpilles sur Bois-Noir (Blockhaus). On en voit jusqu'à 4 en l'air à la fois. Les torpilles allemandes ébranlent notre abri.

Nous sommes bombardés violemment.

 

Vers 4h du matin, je me réveille – fusillade - violente - contre-attaque allemande (**).

 

(*) : Ministre des affaires étrangères

(**) : 15, 16 et 17 oct : 23 morts, 93 blessés, 22 disparus – JMO 230e RI

16 oct.

Brouillard - puis soleil. Les Allds tirent beaucoup sur Boué et Reillon, etc. Nous ripostons - avions français - notre pièce de marine 240 tire sur ouvrage en arrière du Zeppelin. Les Allds envoient du 190 sur Boué.

Le tir alld devient plus intense - vers le soir, il est continu.

Vers 10h, attaque allde sur Z. Notre tir de barrage se prolonge -puis nos batteries lourdes continuent le feu.

Résultats d'hier ; nous avons fait 64 prisonniers - 2 Cies qui occupent Zeppelin ont été anéanties avec une Cie de mitrailleurs.

Nous avons pris 7 mitr. Par contre 3 officiers et 40 hommes de la 18è Cie ont été pris dans le boyau (Cap. Panisset, lieut. Cochet et FAVRE) Le Ct Kappelhof du 5è bton est blessé- le cap. Baudet aussi.

A la liaison, ce bon JACQUES John (*), de la 20è est tué; Collet a 2 balles dans le bras - Duclos a fait 13 prisonniers, Amoudruz blessé = les 17è et 18è sont très réduits.

P.a.X Vého.

 

Je touche mon prêt d'un mois, soit 51 fr 60. Reçois mandat de 30 fr. Je touche solde VITTET. J'oubliais de dire que j'ai pu me laver.

On me monte mon sac et je peux me changer.

 

(*) : JACQUES John, caporal-fourrier au 230e RI, mort pour la France le 15 octobre 1915 aux combats de Reillon (54), tué à l’ennemi. Il était né le 15 juillet 1887 à Archamp (Hautes Savoie). Pas de sépulture militaire connue.

27 oct.

Falconnet est sous-lieutenant. Beaud capitaine.

(Erreur à la décision 20 h au lieu de 18h30)

31 oct.

Ordres pour la relève demain soir. État-major vu hier à Jolivet avec 5è bataillon.

Beaucoup de travail aujourd'hui. Tout s'est bien passé.

1er nov.

Quelques obus sur P.A X après notre vérification de tir de barrage - Il bruine vers le soir - Mal à la tête (2è fois) diète - Relève calme - Chargement des dossiers sur la voiture du vaguemestre. Je pars avec.

Jolivet (6è bataillon: Einville. Le reste : Jolivet)

 

Vent froid – Partis vers 6h30, nous arrivons à 10 h seulement à Jolivet.

Déchargement. Installation du bureau (au bord du canal) près du moulin.

Le colonel arrive vers 11h. Couché au bureau des détails (au-dessus du nôtre) sur un matelas.

2 nov. 1915

Temps gris avec pluie. Le colonel part à Lunéville vers 10h. J'aurai une chambre au-dessus du bureau. Notre popote est en haut vers l'église, là où nous avions celle de la 23è. « L'Industriel » m'apprend la mort du lieutenant Guillot, en Champagne. Pas eu le temps d'aller voir Mme Messin, ni les Gérard.

 

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Interruption du carnet novembre 1915.

 

 

Sur ce carnet, Joseph DUCHÊNE, laisse des pages vierges puis recommence à écrire sur une courte période (fin février 1916 – avril 1916) alors qu’il est toujours au 230è RI à Loisy, mais qu’il a demandé un transfert d’unité et va être d’affecter comme traducteur auprès des brigades russes en France.

Il commence un troisième carnet de février à juillet 1917. Ce troisième carnet et ses photos sont sur le blog d’Aline >>>  ici  <<<

Quelles sont les raisons de ces interruptions ? D’autres carnets qui ont-ils été perdus ?

 

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Souvenir d'une petite amie qui regrette beaucoup de n'avoir, du soldat que l'Ame.

 

À Monsieur DUCHÊNE

 

La Patrie appela, pour sa juste défense,

Ses fils emplis d'ardeurs et tout vibrants d'espoirs ;

Ils sont partis, joyeux, ne pensant qu'à la France.

Nous, nous songeons à eux, dans la lenteur des soirs.

Tandis qu'à l'ennemi, sous le vent de mitraille,

Ils affrontent la mort et volent au combat,

au foyer où n'arrive aucun bruit de bataille

Nous luttons cependant, notre cœur se débat;

Car afin de garder notre noble espérance

Nous devons étouffer et regrets et douleurs.

Notre devoir, à nous, est d'essuyer nos pleurs

et de n'avoir qu'un cri : « Amis ! Vive la France ! »

 

Germaine Droulin

22 février 1915

 

 

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Merci à Aline qui a créé un blog où l’on peut retrouver quelques photos prises par Joseph DUCHENE et son troisième carnet de 1917

 

Voir les photos de soldats du 230e régiment d’infanterie

 

Je désire contacter le propriétaire des souvenirs de Joseph DUCHENE

 

Vers d’autres témoignages de guerre 14/18

 

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