Carnet de guerre d’un inconnu

de la 2ème compagnie du 81ème régiment d’infanterie territoriale

 

Publication : sept. 2023

Mise à jour : sept. 2023

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QUI RETROUVERA LE NOM DE CET INCONNU qui a écrit un carnet conservé par Louis BERRANGER ?

 

 

 

Louis BERRANGER qui a conservé ce carnet inconnu de longues années…

 

 

Marie-Jeanne et Bernard DAVID nous disent en mars 2023 :

« Ce carnet a été conservé par Louis Berranger (1875 Bouée, Loire-Inférieure – 1968 Cordemais, Loire-Atlantique, voir sa fiche matriculaire), qui a fait toute la grande guerre au 81e régiment d'infanterie territoriale.

De format 172 mm x 108 mm, il comporte une couverture cartonnée, extérieurement noire, et 54 pages dont 44 sont écrites. Il est malheureusement incomplet, la couverture est détachée des feuillets ; la première page subsistante est numérotée « 2ème ». Il est écrit au crayon à mine graphite ; la première page est très difficilement lisible.

L'auteur du carnet n'y a pas porté son nom, tout au moins sur la partie subsistante. Il a écrit au cours des années 1915 et 1916. Les dernières pages contrastent avec les précédentes : au lieu d'un texte bien structuré, écrit d'une main habile, on ne trouve plus que des notes brèves, d'une écriture moins aisée. L'auteur était-il malade ou blessé ?

 

Si le nom de l'auteur ne figure pas sur la partie restante du carnet, de nombreuses mentions permettent, sinon de l'identifier, du moins de préciser certaines de ses données biographiques.

A deux reprises, il dit appartenir au « 81e ». Plusieurs corps engagés au cours de la grande guerre ont porté ce numéro. Toutefois, il ne fait pas de doute qu'il s'agit du 81ème régiment d’infanterie territoriale, formé à Nantes et les lieux où séjourne l'auteur sont bien ceux où le régiment est cantonné.

 

L'auteur se présente comme Breton, il connaît Nantes, Pontchâteau, Plessé. Il est marié et père de famille, il appartient donc à une classe déjà ancienne.

Enfin, l'auteur cite le nom de son capitaine : CARRÈRE. Le 81e RIT a bien compté un capitaine de ce nom. Il cite aussi le nom d'un camarade mort des suites de ses blessures, Jean ROULET, de Plessé, qui servait bien dans ce régiment.

Un nom suivi d'une adresse militaire figure en fin de carnet : Henri GAUDIN, 9ème cuirassier. Des recherches dans les registres matricules conservés aux archives départementales de Loire-Atlantique ont permis de retrouver ce soldat : il s'agirait d'Henri Jean Marie GAUDIN, né le 3 avril 1890 à Guenrouet. Il devait être un proche de l'auteur.

 

Ainsi, l'auteur est un habitant du nord-ouest de la Loire-Inférieure, né entre 1875 et 1880, chef de famille, au moins 2 enfants. Son style littéraire révèle un bon niveau d'instruction.

Pour l'instant, les recherches pour l'identifier précisément ont été infructueuses.

 

 

Merci à Philippe S. pour la vérification du récit et le temps passé sur certaines recherches (voir ici ses recherches laborieuses déjà effectuées).

Nous avons ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit.

 

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Début du carnet

(Voir les pages brutes du carnet)

 

 

… remplir la mission qui nous était confiée, tous fiers soldats bretons du 81ème, nous avons remplis vaillamment nos devoirs. Mais pourquoi tant de jeunes troupes sont-elles inactives en arrière du front de bataille pendant qu... mais traînons...à l'autre notre corps languissant.

Voilà 12 mois que nous sommes séparés de nos familles, de ces femmes adorables, de ces mignons bambins semblables à des anges par leurs traits délicats, pourquoi n'aurions-nous pas gagné de contemplé ne fut-ce qu'un moment leurs divins sourires et retrouver avec nos épouses, les anciennes et douces joies du ménages ; ici les réflexions sont nombreuses, la meilleure de toutes serait certainement la relève qui pourrait fort bien se faire par les nombreuses troupes en réserve, et qui jamais encore, n'ont assisté à un combat.

 

Pourquoi ces jeunes hommes à peu près sans familles, sont-ils les premiers parce que moins méritant à profiter, des permissions et faveurs accordées. Pourquoi enfin voit-on la plupart de ces jeunes hommes de l'arrière, dont la plupart ignorent les travaux de campagne, sont-ils les premiers à profiter des permissions accordées, pour rentrer les moissons.

Pourquoi, c'est incompréhensible, c'est parce que l'autorité à l'air de se désintéresser complètement de ce qui pour nous, à le plus de valeurs : la récolte, le pain, la vie assurée à nous, à nos familles, de plus à la grande famille française.

A quoi peuvent bien servir, tous les autres corps de métier si un jour vient, où l'ouvrier n'a plus de pain, c'est le chômage et la famine en perspective. Mes paroles, n'auront malheureusement, jamais aucune autorité, et ne seront point entendues, néanmoins, je tiens à les consignés dans ce petit livre, que je vous destine, et je veux laisser à mes enfants un souvenir complet de cette guerre atroce.

Je vous avais laissés depuis plusieurs mois déjà, aux tranchées de Wailly.

De Berneville, nous fûmes occupés les premières tranchées, au mois de février 1915. Bâties au milieu d'une vaste plaine, jadis remplie de récolte, maintenant en friche, coupée de boyaux et de tranchées de repos, depuis des mois, nous sommes là par intervalle, couchant dans des dortoirs souterrains.

 

Nous y séjournons 6 jours chaque fois, et le jour ou la nuit, nous nous livrons à des travaux de boyaux, qui nous garantisse de la vue de l'ennemi, qui malgré notre diligence, nous aperçoive, et cependant quelquefois, parce que souvent, ils arrosent la plaine de leurs obus de 77.

Quelques-uns d'entre nous ont même été tués, d'autres blessés, par les éclats. Dès premières tranchées, nous allons habiter en Wailly, un lieu-dit « le Petit Château », bâti sur les bords du Crinchon petit cours d'eau, qui arrose la plaine, à environ 1 km 300 de l'ennemi.

 

Là, quoique très près des boches, nous couchons dans les habitations mais toujours sur la paille, c'est le meilleur lit du soldat, quand il n'y en a pas il s'en passe et il n'a plus pour reposer sa tête, que la pierre du chemin.

Là aussi les obus viennent nous visiter très souvent surtout quand nous sommes aperçus exécutant quelque travail.

 

 

Enfin 6 autres jours en tranchées de première lignes, les plus rapprocher de l'ennemi ; là nous veillons nuit et jour, car d'un moment à l'autre, il pourrait débouchés dans la plaine pour courir sur nous.

Là aussi, nous avons souvent à déploré la mort de plusieurs braves serviteurs de la patrie, la dernière fois que j'étais présent, à la veille, pour sauvegarder la vie de nos frères de l'arrière trois hommes de la 8ème compagnie qui veillaient avec nous ont été blessés, dont l'un grièvement ; c'était en juillet 1915. Après avoir accompli nos 6 jours de faction, nous allons au repos à Beaumetz-lès-Loges.

Là comme partout ailleurs la mort vient encore nous rendre visite.

Un après-midi du 16 juillet 1915, de nombreux obus, furent lancés, sur la petite bourgade, et 4 tombèrent à l'endroit même où naguère je prenais mon repos la nuit ; c'étaient sur les dépendances d'une grande ferme, un obus mit le feu aux bâtiments, et aujourd'hui l'on ne voit plus que les ruines, laissées par l'incendie. Le malheur vint nous frappé, six de nos camarades furent tués et 16 ou 18 autres blessés, les uns très grièvement. (*)

Parmi les morts, je peux citer aujourd'hui, un nommé Jean Roulet de Plessé, qui très grièvement blessé le 16 doit avoir expiré vers le 20 juillet. (**)

Chaque jour depuis ma dernière arrivée, les obus tombent encore, mais jusqu'à ce jour je ne connais pas de victimes.

 

(*) : Le JMO signale 4 tués et 14 blessés. Certains blessés sont certainement décédés plus tard. Voir ici.

(**) : Il s'agit de Jean Marie Roulet, né le 17 octobre 1877 à Plessé, laboureur, mentionné sur sa fiche matricule décédé le 20 juillet 1915 « suite de blessures de guerre » à Fosseux ambulance 7 du 10e corps, mort pour la France (numéro matricule du recrutement : 1040). Jean ROULET était à la CHR (compagnie hors-rang) du régiment. Voir sa fiche matriculaire.

 

 

Maintenant je vais tâcher de vous donner une description de ce village de Wailly, que j'ai parcourus, en tous les sens, pendant des mois.

Au sud de ce village à 100 mètres à peine, une grande usine à sucre, surmontée d'une puissante cheminée, qui en ce moment n'a pas encore souffert, du bombardement, constant des boches, et se trouve toujours debout, elle se trouve bâtie sur la rive droite d'un petit cours d'eau appelé Crinchon. Plus loin en avançant vers le nord, et presque tout bâti sur la rive gauche, se trouve le village proprement dit ; là dans la plupart des quartiers, l'on ne voit plus que des ruines. Un pêle-mêle de débris de toutes sortes. Ce qui a le plus souffert est certainement l'église et le château.

Ils se sont acharnés sur l'église qui pendant longtemps a résisté à leurs coups. Aujourd’hui, il ne reste plus que quelques pans de murs, le reste n'est que débris.

Le château est de même sinon plus encore, c'est à peine si l'on peut reconnaître l'emplacement parmi toutes les décombres, il est rasé jusqu'à la terre ; beaucoup d'autres habitations, ont aussi beaucoup souffert.

C'est au milieu de ces ruines, que depuis des mois, je traîne une partie de mon existence, le reste est partagé, dans les différents endroits que j'ai cité plus haut. Ce village se trouve à 5 ou 6 kilomètres de la belle ville d'Arras, tant abimée elle aussi, par le bombardement incessant de l'ennemi.

 

Un matin des derniers jours de juillet, un soleil radieux luit à l'horizon, et la tempête de ces derniers jours s 'apaise, et fait place au beau temps. Je me lève il fait jour depuis longtemps, mais je me suis couché tard dans la nuit. J’entends dans l'espace, la voix des oiseaux du ciel, célébrer à leurs manières les louanges du Créateur. L'alouette, s'élève, et bientôt en plongeant s'abaisse vers la terre, laissant échappé des notes joyeuses ; c'est le temps de la moisson, les épis dorés brillent au soleil.

Et cependant le cultivateur est taciturne et froid, l'on ne voit plus sur sa physionomie rayonné le sourire et la joie des temps passés où avec ses enfants, garçons et filles, il s'en allait le cœur en fête glané ses épis d'or, offert à l'homme par son Dieu.

Qui donc est venu, jeté dans ses foyers, l'alarme et la tristesse, qui est venu assombrir les cœurs de ces ménages unis, hélas la guerre. Ce que nous voyons ici de nos yeux, se répète dans toutes les communes de France, l'envahisseur, peuple germanique et barbare, qui depuis un an déjà viole sans pudeur le sol sacré de notre patrie : voilà la cause de notre chagrin.

Nous avons laissés, pour la plupart au foyer, des épouses seules, avec plusieurs petits enfants ; seules aussi, nous les laissons à la besogne, et notre cœur saigne, à ces tristes pensées, mais se remplit de rage, à l'aspect et à la vue de ces hideux soldats, causant notre malheur.

L'orgueil d'un prince, et les actes de son armée, qui a tout fait pour abaisser notre prestige, même à l'égard des autres nations ; ne s'éteint pas d'un jour, et à tout instant, il cherche encore à prendre davantage. Mais les soldats de notre armée française, en union avec les Anglais et les Russes, résistent victorieusement, aux assauts de l'ennemi. Mais que de pertes cruelles, que de deuils, que de larmes.

 

L'Italie elle-même s'est jointe à nous, car elle a vu que nous combattions pour le droit et la justice, d'autres peuples, ne sauraient tardés à se joindre à notre activité car le Kronprinz, dans son orgueil insensé, voudrait s'il était en son pouvoir, dominé le monde entier ; c'est ce qu'il cherche, par ses taquineries et la soi-disant force de ses armes. Quand donc viendra le jour, où l'Europe réunie le forcera à mettre bas les armes, et le plongé dans le néant.

 

Ce jour le Ciel, se le réserve et nul mortel, en ces jours ne peut prévoir au juste quand finiront, nos souffrances et nos larmes ; il pourrait être hâté, si la France coupable ; se frappant la poitrine s'agenouillait, au pied du Sacré-Cœur. Si l'armée française se compose de beaucoup de soldats chrétiens, peut-on en dire autant de ceux qui tiennent les rênes du pouvoir. N'ont-ils pas rejetés, cette autorité, qui sur la terre, remplace l'autorité du Ciel. N'ont-ils pas rompus, toutes conversations diplomatiques, avec le digne successeur de Pierre, celui qui sur la terre à le plus d'autorité parce que Vicaire du Christ, quand toutes les autres nations lui prête soumission. Nous sommes, nous-mêmes punis et châtiés de notre orgueil ; et les souffrances physiques et morales que nous subissons, ne sont-elles pas, une expiation des fautes de nos gouvernants.

La vie est dure et amère sous les armes, Seigneur cessez votre Courroux, et ne regardez du haut de votre puissance, que ceux et celles qui à genoux, aux pieds de vos autels sollicitent votre pardon. Que le vrais soldat français qui sur le champ de bataille, verse son sang, où souffre pour sa patrie, les plus cruels angoisses ; et mettant, ses souffrances, sous votre protection, attend de vous, le salut et la délivrance.

Après 12 mois de guerre.

 

Qu'étaient nos préparatifs au début de la mobilisation. Pères et mères de famille, suivez ce récit avec intérêt, car il vous regarde de fait et de droit.

D'après les premiers combattants, nos préparatifs étaient à peu près nuls, jetés dans la tourmente vos fils ont généreusement fait leurs devoirs, en masse, ils ont courus à l'ennemi, offrant gaiement à la patrie, le sacrifice de leurs vies, mais que pouvaient faire, ces masses imposantes de jeunes gens armés seulement d'un fusil contre une formidable armée, bardée de fer, défendue, protégée par une artillerie très puissante ; ils ne pouvaient rien, sinon que rencontrer la mort et la défaite.

Préparée depuis de longues années, l'Allemagne, se jetait sur nous confiante, et en effet quoique se défendant comme des lions, nos frères, qui manquaient de canons de munitions, furent après de rudes combats, obligés de se repliés. Poursuivant sa route, et ne trouvant pas de résistance, l'armée ennemie marcha droit sur Paris, mais bientôt craignant être encerclée, par l'armée française, elle se replia. Pendant ce temps, la mobilisation suivait son cours en France et un homme, d'un courage et d'une énergie indomptable ; un généralissime aimé, obéi, respecté ; Joffre, préparait la revanche. Formant une armée d'élite il résolut de faire tête à l'ennemi, et même de le chasser d'un seul coup, du sol béni où vécurent nos ancêtres.

Ayant rallié et reformé nos armées, il se jeta sur l'ennemi, et le rejoignit dans la Marne.

 

Après une série de sanglants combats, l'ennemi, perdant beaucoup de monde, s'enfuit en désordre, et ne fut le manque de munitions comme toujours, nos armées victorieuses, chassaient l'ennemi de notre territoire. Mais hélas la France n'était pas prête, les munitions manquaient à nos soldats, l'ennemi rassembla ses forces et voyant, qu'il ne pouvait prendre Paris, il voulut du moins gardé ce qu'il avait conquis.

Il se terra, et se fortifia, si bien qu’aujourd’hui malgré, que bien munis de tout le matériel de guerre nécessaire, nous ne les reculons, que pas à pas, en perdant beaucoup de monde. Chaque jour, à toute heure il est rare que sur un si large front, 450 kilomètres environ, ils se livrent de sanglants combats, où l'on est forcé de reconnaître la maîtrise de nos armes. Nous avançons toujours pas à pas, arrachant à l'ennemi, une parcelle de notre patrie. Que de beaux faits d'armes l'histoire aura à enregistrer. Jamais personne au monde n'a vu, une guerre aussi effroyable, et peut-être jamais la France n'a combattu ; avec plus de vigueur et de ténacité pour conserver, son indépendance.

 

Voilà épouse, voilà mes enfants, quelques traits d'histoire, et vous pourrez en être fiers, parce que ton époux : parce que votre père étaient, je pourrais dire est au milieu de ces braves qui combattent pour la liberté.

Voyons, maintenant, quel pouvait être les sentiments de l'Allemagne à l'égard de ses voisins. Il est maintenant avéré que le Kronprinz, voulait régner en maître sur l'Europe comme jadis Napoléon en France. Jetant ses forces sur nous, et croyant d'un seul coup, nous anéantir pendant que l'Autriche tiendrait la Russie. Devenu maître de notre patrie il tomberait sur l'Angleterre, qui de Calais serait bombardée par ses pièces puissantes ; enfin maître des deux pays, qui heureusement ont su unir leur force, il tomberait sur la Russie uni à l'Autriche.

 

Mais le Ciel a déjoué ses desseins criminels ; arrêté dans notre pays, maintenu par une armée puissante, l'Autriche ne peut tenir la Russie qui même lui inflige des pertes considérables. L'Italie elle-même, émue de tant de cynisme, non seulement retient les autrichiens, mais partout, ils se replient, devant nos armes victorieuses, et bientôt même, menace d'encerclée toute l'armée ennemie. Vive l'Italie, bénis sois ses armes, et qu'elle sorte victorieuse du conflit.

Des engagements très vifs ont lieu chaque jour, entre Italiens et Autrichiens, et de tous ces combats, l'Italie conserve l'avantage. Depuis des mois en France, se livrent aussi souvent, des combats sérieux sur un front restreint où l'ennemi épuise ses forces. Depuis le début de la guerre la perte totale des Austro-Allemands, correspond au nombre de plus de 8 millions d'hommes ; morts, blessés et prisonniers.

 

Étant donné que les deux puissances unies comptaient une armée de 15 millions de combattants, leurs forces, seraient donc réduites de plus de moitié. Il nous était difficile, dans les débuts de tenir tête à une armée, aussi formidable, mais maintenant les Russes seule peuvent opposer un nombre à quelques choses près égale, à la force réduite de nos ennemis, maintenant, il reste encore une armée beaucoup plus redoutable, dans les forces des trois autres armées alliées, France, Angleterre, Italie.

Voyant l'entêtement du funeste empire, le Japon offre lui-même à nos alliés Russes, une armée d'un demi-million d'hommes un bon nombre d'armes et de munitions. D'autres peuples encore, veulent s'allier à nous, et n'attendent, que le moment favorable pour décréter la mobilisation. Il se pourrait bien que tout cet état de choses, hâta la fin des hostilités et que peut-être, nous soyons plus près de la fin, que nous n'y pensons : Nous verrons plus tard, ce que l'avenir nous réserve ; en tous les cas, nous pouvons espérer une fin d'hostilités prochaines.

 

Bien chère épouse et enfants, je me trouve en ce moment dans une phase des plus difficiles, il ne m'est plus permis, d'écrire ce que je pense, ni ce que je médite.

C'est aujourd'hui le 10 août 1915, et c'est aussi le jour où le généralissime de nos armées, mit fin aux correspondances, secrètes, dont jadis, l'on regardait comme une chose sacrée et dont jamais personne au monde n'aurait voulu violé le secret. Le secret est violé, et nous sommes unanimes à le rectifié. Pères et mères de familles unis par les liens les plus sacrés, nous devons nous causer et nous entendre. Unis par les liens du sang, plutôt que par les liens de familles, nous sommes indissolubles, et l'autorité familiale réside, dans l'autorité du père et par ce chef, du chef légal de famille.

 

Pourquoi a-t-on cherché à violé cet autorité paternel reconnu, de toutes les puissances, églises et état. Pourquoi, cherche-t-on à retirer cet autorité paternel, et les droits qui en découlent, savoir, la liberté d'agir, la liberté de pensée et même jusqu'à réduire à néant, les moindres pensées et désirs ; Désirs et pensées toutes naturelles et très dignes, parce que nés d'une même nature et des mêmes sentiments. Quel a été l'objet du généralissime et à quoi veut-il nous contraindre. Je serais obligé dans la suite de mon récit, à en décrire tous les inconvénients.

Aujourd'hui, je me contenterais, de répondre à cette phrase insensée, qui voudrait jetée contre nous la haine et la division. Que sommes-nous donc devenus, depuis le début de la guerre, je peux te dire avec toute franchise, que nous sommes restés, ce que nous étions, plus même que nous étions ; parce que en plus de notre autorité, nous sommes aujourd'hui et dévoués et soumis ; Soumis à l'autorité qui nous gouverne ; abandonnant, même notre prestige, pour obéir à nos semblables.

 

Un trait d'histoire

Vers la fin d’août le 27ème jour au soir, nous eûmes enfin quelques lueurs d'espérance. Le capitaine un très brave homme, dont je veux citer, le nom, pour qu'il reste mieux gravé dans ma mémoire ; le capitaine CarrÈre (*) (mon chef et mon père selon le rôle qui lui est confié), nous rassemblant à l'heure du rapport, nous dit ces paroles :

« La 2ème compagnie est appelée, par le général, à remplir à l'arrière un poste de confiance. J'espère que comme je l'ai promis, vous vous montrerez dignes et à la hauteur de la tâche qui nous incombe. J'ai promis au général que vous seriez des hommes sérieux ; ne me faites pas mentir. »

 

Telles furent les sages paroles de notre capitaine ; et en effet le soir de ce même jour, nous prenions la route du départ.

 

(*) : Louis CARRÈRE, né le 21 septembre 1867 à Hèches (Hautes-Pyrénées), mort pour la France le 31 janvier 1917 à Laneuvelotte (Meurthe-et-Moselle) ; il résidait à La Chapelle-sur-Erdre.

 

Serait-ce enfin la délivrance, ce jour béni que nous attendions tous avec une impatience fébrile ?

En tous les cas, chère épouse, nous avons quitté ces lieux de peines et de continuels soucis. Pendant de longs mois, en effet notre corps a été soumis à bien des sortes de souffrance le froid, le chaud, et surtout le manque d'air, car depuis un an au moins, nous couchons, et nous vivons pour ainsi dire tous les jours enfermé dans la terre.

De plus, aucune exercice possible en plein air, car les obus et les balles, sifflant à nos oreilles, et menaçant notre existence, nous obligeaient à vivre dans les tranchées et les chambres de repos.

Aussi ce fut avec joie et plaisir, le cœur à l'aise que nous quittâmes, les lieux où depuis si longtemps, nous trainions, nos corps languissants, de tristesse et d'ennuis. Le départ fait sans cérémonie eut lieu en plein jour vers 2 heures de l'après-midi. Le chaud soleil d'août nous dardait de ses rayons chauds et lumineux, la sueur coulait à flot de nos fronts ; mais nous acceptions tous avec joie cette nouvelle fatigue, car nous quittions le voisinage de l’ennemi, et nous allions à l'arrière chercher un peu de repos.

 

En plein midi au son de l'Angélus, que mes oreilles n'avaient point entendu depuis une année, je reprends ma plume pour continuer la suite de mon récit.

Arrivés depuis 8 jours déjà dans un petit village aux plaines verdoyantes, aux ombrageux coteaux ; en pleine moisson, c'est la fin d'août, et chaque jour, l'on peut voir le cultivateur, mettre son blé en meule, ou le rentrer dans ses granges, en attendant les battages.

Ce village du nom de NoyelleVion est situé à environ un kilomètre et demie de la petite ville d'Avesnes-le-Comte, très importante en ce moment, comme lieu de ravitaillement.

 

 

Extrait du JMO du 81ème régiment d’infanterie territoriale.

On remarque que seule la 2ème compagnie va cantonner à Noyelle-Vion.

 

 

Hier ayant un petit moment, j'ai été la visité, je l'ai trouvé superbe, car il y a si longtemps que je n'ai vu le monde. Elle est pourtant bien simple, si je la compare, à notre grande et belle ville de Nantes. Enfin c'est beaucoup mieux que ces petites bourgades, que j'avais l'habitude de voir depuis si longtemps.

Figurez-vous Pontchâteau et vous aurez une idée de cette petite ville, encore que Pontchâteau à double et même triple voie de chemin de fer, tandis qu'Avesnes, n'en a qu'une simple, mais j'ai voulu signalé ce pays, qui est un point important de ces contrées.

A l'est une autre bourgade du nom de Izel-les-Hameaux, c'est un joli petit coin du pays de l'Artois.

Plus au nord, l'on aperçoit dans le lointain, les restes de la tour St Eloi, bombardée par l'ennemi. Sur les plateaux un joli coup d’œil. Dans le lointain de grands bois, dont les arbres, lèvent vers le ciel, leurs cimes verdoyantes, des moulins à vent ; des clochers, indiquant, l'emplacement des bourgades. Là comme dans la plupart des endroits que j'ai parcouru, l'eau si elle ne manque pas, est très profonde, ce n'est plus comme dans nos pays, où les sources abondent.

Les puits sont très profonds et souvent, des villages entiers, s'approvisionnent d'eau de citerne, de l'eau de pluie conservée dans de profonds bassins. C'est le malheur de ces riches contrées, car autrement, il ferait si bon vivre.

 

Je suis occupé avec mes camarades, à l'aménagement, d'un parc d'artillerie, et aujourd'hui en traçant ces lignes, je peux dire qu'une partie des travaux touchent à leur fin en ce qui concerne les abris. Mais chaque jour les munitions abondent, et aujourd'hui, je peux compter dans ce parc, près de quarante milles obus, de tous les poids et de tous les calibres ; depuis le calibre 105 jusqu'au calibre deux cent vingt.

Nous commençons à expédiés pour le front, chaque jour, ou du moins très souvent, nous en expédions des milliers. Ces obus sont aussitôt remplacés par d'autres, venant de nos usines de fabrication. La somme de travail à fournir, est en général très forte vus le nombre et le poids de ces engins, que nous remuons chaque jour. Un obus de 105 pèse au moins 18 à 20 kilog., les 155 environ 45 kilog ; enfin les calibres 220 104 kilogrammes.

C'est déjà quelque chose, vivement que nos pièces les crachent sur les Boches, et les réduisent à néant ; c'est le plus ardent de mes souhaits. Je m'arrête encore un moment ; car j'espère que bientôt j'aurais a enregistré le plus beau fait d'armes, qui ne s'est jamais produit depuis le début des hostilités.

 

Enfin est-ce le jour solennel ? Nous sommes au 20 septembre 1915, et dès ce matin 7 heures une vive et intense canonnade, résonne dans le lointain. Ce soir 2 heures, et le canon tonne toujours.

Vers la vie sombre le 28 septembre 1915.

Un matin de septembre, nous quittions tout à coup notre solitude de Noyelles-Vion nous dirigeant sur Arras, renforcé nos camarades, qui eux-mêmes se préparaient à la fameuse attaque du 25 et des jours suivants, attaque qui a eu dans la presse tant de retentissement, et sur l'esprit de l’ennemi, tant de démoralisation.

Durant les combats glorieux pour nos armes, il fut lancé quatorze millions d'obus, de tous les poids et de tous les calibres. Pendant soixante-douze heures consécutives, nos canons crachèrent des flots de mitraille ; le bruit produit par les détonations était si formidable, que c'est avec peine, que nous nous entendions, quand nous nous parlions l'un à l'autre. Les boches répondaient à notre artillerie, par intervalle irrégulier. C’était un vacarme indescriptible ; et ma plume serait impuissante, à traduire un tel tableau, de bruit de désolation et d'horreur.

 

Arrivés à Arras le 24 au soir, quelques jours après nous fûmes occupés les lignes de soutien, au nord de la ville ; et pendant le combat nous fûmes occupés au ravitaillement de nos frères des premières lignes. Peu après nous fûmes appelés à les remplacer ; et là j'ai pu voir et entendre, tout ce qui a trait aux plus grands maux.

Rien de si horrible n'est jamais paru sur la terre, du moins en fait de guerre, et sur ces lieux que j'ai foulés de mes pieds, et que je pourrais nommer le champ des martyrs de la patrie. J’ai vu de mes yeux, enfouis vivants dans la terre, sous les décombres d'une chambre de repos, seize hommes, qui bientôt devenait seize cadavres. J’ai vu des pieds séparés du corps, dans leurs chaussures, des mains qui elles aussi n'avaient plus de mouvements, des crânes défoncés, des poitrines ouvertes, des corps sans membres, enfin des agonies terribles.

Étendus pendant des heures entières sur des brancards, ces pauvres malheureux, endurent toutes les souffrances, et aucune main amie, n'est là pour secourir leurs ignobles souffrances. Rien même pas une goutte d'eau, ne vient leur rafraîchir, leurs lèvres brûlés de fièvre, pour la bonne raison que ceux-là même qui les transporte, n'ont rien à leur offrir, autre que le secours de leurs bras.

Terrible fléau, qui en quelques heures, jette dans la tombe des milliers de victimes.

 

Les attaques qui se sont succédées, ont été terribles, et le 81ème, qui de tout temps, s'était conduit avec honneur et courage, ne faillit point à son devoir. Piétinant d'impatience au fond de ses tranchées c'est avec peine que les officiers purent retenir leurs hommes. (*)

Chez nous bretons, la voix de la conscience commande et dans notre entêtement nous marcherions malgré notre âge, contre les lignes ennemies. Combats héroïques bonnes volontés des hommes ne resterez-vous pas stériles. Pourquoi dépenser tant de forces et de puissances, en efforts inutiles ?

Les ennemis hélas sont tellement terrés dans des cavernes souterraines si profondes, que l'on se demande, si l’on ne pourra jamais les vaincre.

 

Journées sublimes pourtant, et pleine d'espérance, que ces jours où l'armée toute entière, animée du plus pur patriotisme, et du plus grand dévouement laisseras, comme exemple au monde entier, l'esprit de sacrifices. Efforts inutiles ou du moins peu avantageux en égard à tant de vies humaines perdues, à tant de blessures incurables, et qui laisseront plus tard, dans le besoin et la misère, tant de familles en larmes.

Quelles réflexions tirées de ces dures leçons. Comment ne pas flétrir le gouvernement qui occupé pendant la paix de ses propres plaisirs, au lieu de mettre à profit les deniers du peuple, et à fortifié nos frontières, se livraient à tous les désordres.

Je m'arrête car je me livrerais au désespoir, et cependant il me faudra continuer à vivre peut-être de longs mois encore, cette vie redoutable, des guerriers.

 

(*) : Les combats entre les 22 et 29 septembre 1915 au nord d’Arras ont couté au 81ème régiment d’infanterie territoriale 36 tués (dont 4 enfouis sous le parapet qui a été refait avec des sacs de sable), 149 blessés et 3 disparus (JMO)

 

Après les durs combats d'Arras et de Champagne, et du reste du front tout entier, allions nous restés un moment au repos. L'ennemi fatigué par ces luttes incessantes, allait-il enfin abandonné la partie ; et se retiré dans son pays de reptile.

Non, comme les plus redoutables bandits, cachés à des profondeurs surprenantes dans le sol, mettant à profit tous les abris, car dans sa honte d'assassins, il n'ose plus se montré, aux regards de l'armée française qui de tout temps se conduit avec honneur ; il reste là terré comme les taupes, dans leurs trous et si dans un jour de vaillance nos troupes, la rage au cœur, veulent à tout prix, délivré le pays de ces barbares ; ils les fauchent de leur mitraille.

Devons-nous donc désespérés de vaincre je laisse la parole à un abbé monté en chaire un jour de Toussaint ; ou plutôt je lui emprunte ces paroles.

 

« Messieurs et chers Bretons, au début de la mobilisation, dans un sentiment de patriotisme ; vous avez quittés vos mères, vos épouses vos villages, pour répondre à l'appel de la patrie, menacée d'invasion, par les barbares Teutons. Déjà même, avant que vous quittiez vos demeures disait-il ; ils avaient violés déjà une partie du sol français. Nos armées saisies de crainte fuyaient devant les hordes barbares et l'ennemi toujours vainqueur se dirigeait droit sur Paris.

Le village dont j'avais la direction était sur le point d'être envahit.

Un soir je me promenais, lisant le bréviaire, et sur ma route je rencontre un commandant :

‘’Où allez-vous mon commandant’’

‘’Ah, monsieur le curé, je pensais coucher dans votre village, mais les Prussiens sont à mes trousses, et je m'en vais jusqu'à Arras.’’ »

 

- Sur le visage du vieux prêtre, je crus apercevoir un trait de colère - et tout à coup, il dit :

« Les prussiens à ses trousses non ; ils marchaient droit sur Paris. »

 

Et il concluait l’on ne raisonne pas avec la peur :

« Mais bientôt les boches s'arrêtèrent. Il y a quelqu'un, qui monté là-bas sur la butte de Montmartre : leur dit : Teutons vous n'irez pas plus loin barbares ; assassins retirez-vous ; et en effet ils battirent en retraite et furent vaincus ; dans ce que l'on a appelé la bataille de la Marne.

Le Sacré-Coeur avait préservé Paris et la France. L'armée française enthousiasmée, poursuivait l'ennemi sans relâche ; mais les munitions manquèrent ; et l'ennemi profitant d'une accalmie se terra et se fortifia, si bien qu'aujourd'hui, c'est très difficile de les en délogés.

Faut-il pour cela s'abandonnés ; non nous les aurons, s'écria le vieux prêtre nous les aurons et en quelques mois, ils s'en iront et ne violeront plus, le sol béni du Sacré-Coeur. De nombreux soldats français tomberont encore, mais nous les aurons et le jour où je rentrerais dans mon village, je ne réciterais pas le Te Deum ; mais je chanterais le magnificat car l'on ne prie pas pour les martyrs ; ce sont des saints.

Ce village vous le connaissez ; dit-il ; vous l'avez habité. Je le sais : je réfléchis un moment, puis je me dis ce doit être le curé de Wailly ; et je ne me suis pas trompé ; c'est bien lui. C'est un homme énergique et brave il est allé malgré son âge, sur les champs de bataille, et nous dit-il, il a vu de ses yeux 700 des nôtres qui dormaient dans la plaine, du sommeil ; dont on ne relève pas. »

 

J'arrête là ce court récit.

 

 

Après avoir assistés aux derniers grands combats d'Arras et où ma compagnie eut l'heureuse chance, de ne pas éclopé l'on nous retira quelques jours au repos dans la ville même Arras cette ville superbe, aux rues larges, aux maisons élevées. De jolis places, plantées d'arbres donnent à la cité, de la verdure et de la grâce. Cette ville est arrosée par deux cours d'eau qui alimentent la ville pour tous ces besoins.

Une jolie cathédrale, monument historique, est bâtie non loin de ces rivières. De tous les plus beaux monuments la cathédrale, l'hôtel de ville une magnifique gare, il ne reste plus que des ruines comme d'ailleurs de toute l'ancienne citée. La ville nouvelle à beaucoup moins souffert, et elle conserve encore, des traits de sa beauté. De nombreux civils, n'ont pas voulu abandonnés, leur ville natale, et on en compte encore plus d'un millier, qui habite même au milieu des ruines. Les boches, jaloux de ne pouvoir s'emparé d'Arras, malgré les assauts répétés de leurs nombreuses et meilleures troupes, ont voulus se venger, en détruisant les habitations.

Dans une seule journée, le 29 juin 1915, ils ont lancés sur la ville au moins quinze milles obus, jugez de là les dégâts considérables qu'ils ont causés et les ruines qu'ils ont accumulées dans leur haine aveugle.

 

Après un repos bien mérité de quelques jours, nous reprîmes les tranchées plus à droite de la ville ; et cette fois nous étions si près, que nous pouvions les entendre. Dix mètres à peine séparaient les tranchées, les unes des autres ; de façon que quand nous allions au poste d'écoute prendre la faction, nous nous touchions, sans nous voir. Je vais faire un petit trait de la position...(croquis)... La ligne française longeait le village ; et la ligne boche en fermait le passage, par un mur latéral. Nous habitions le sous-sol, dans les caves, et les boches, au rez-de-chaussée, nous coudoyaient ; et même je ne sais au juste, si nous n'étions pas sous eux. Pendant nos 6 jours de garde, aucun accident, excepté le dernier jour où un des nôtres fut grièvement blessé au pied, par une torpille.

Notre mission terminée, nous reprîmes la route de Berneville à environ 10 km d'Arras ; cette petite bourgade, où tant de fois depuis les hostilités, j'ai reposé ma tête.

 

Après un séjour d'une semaine, ma compagnie reprit la route des tranchées ; je la quittais pour la première fois, car pendant le court séjour à Berneville j'avais été désigné par le capitaine comme cantonnier, et depuis ce jour d’octobre 1915, je suis occupé au nettoyage des routes, je ne vais plus aux tranchées et le jour même du départ de ma compagnie ; je prenais moi-même la route de Dainville faubourg d'Arras, où je restais 4 jours.

Un ordre vint et la section-hors-rang, dont je fais maintenant partie, dut quittée Dainville, pour Sombrin petit village d'environ 300 âmes, à 18 km, en arrière de Dainville et au moins à 25 km des lignes.

Là dans cette solitude, où chaque jour, j'entends le son des cloches ; que mes oreilles, n'avaient point entendues depuis des mois. Là comme ailleurs, je travaille sur les routes à enlever la boue, et la transporté au dehors du village nivelé, les endroits raboteux et dormir, quand, comme ces jours derniers, l'eau tombe à flot ; ce qui est très difficile à cause du froid des pieds, qui déjà commence à s'ennuyé de la trop grande fraîcheur.

 

Tout petit soldat de France, quoique plein de vaillance, nous commençons à faiblir, et les forces nous abandonnent. Il y a trop de temps que l'épouse fidèle n'a pas changé les draps du lit. La paille véritable litière humide et fraîche, n'est point pour nous réchauffer. De plus l'attente est si longue, et la délivrance est si éloignée.

Voilà que maintenant nos ennemis s'accroissent, et la Bulgarie, s'est tournée du côté des empires du Centre ; et bientôt peut-être tous les Etats balkaniques à l'exception de la petite Serbie restée fidèle, se tourneront contre nous.

Pauvre Serbie, elle est sur le point, d'être écrasée comme sa malheureuse petite sœur la Belgique ; sur le point de succombée, sous le poids des nombreux ennemis qui l'environnent, et qui chaque jour l'encercle davantage. Épuisée par 4 ou 5 années de guerre, manquant de munitions, elle ne peut guère offrir aux envahisseurs, que sa vaillance, car elle ne peut recevoir ses ennemis, qu'à coups de fusils : tandis qu'eux lui opposent des armes puissantes.

Qu'en résultera-t-il, c'est assez facile à prévoir, elle sera anéantie, mais à quel point cela nous conduira-t-il, c'est ce que je ne peux prévoir, en ce jour, mais toutefois, l'ennemi maître de cette puissance, et dominant les autres états, saura trouvé les provisions qui lui manquent ; et par suite procuré à la Turquie, les armes dont elle aura besoin pour sa défense.

Nos expéditions ont été trop tardives, et nous pourrions très bien nous en repentir.

 

Voyons maintenant ce qui s'est passé en France avant les dernières décisions prises par les gouvernements alliés, à l'égard des pays balkaniques. Il est assez facile de deviné, ce qui a décidé le ministère Delcassé, ainsi que l'amiral Bouée de Lapeyrère à donné leurs démissions. Ces deux habiles ministres ; avaient demandé depuis longtemps, que les gouvernements, agissent le plus tôt possible, contre la Bulgarie, de qui, ils soupçonnaient l'infidélité ; et le gouvernement, ne crut pas devoir écouté leurs avis.

Il a été écrit que ces ministres donnaient leurs démissions, pour cause de santé. Mais ce n'est point mon avis ; et il est partagé par beaucoup de mes frères. Dans l'embarras où ils se trouvaient, de ne pouvoir ouvrir les yeux, du gouvernement français, sur cette affaire qu'ils jugeaient très importante ; et ne trouvant plus dans leurs génies, le moyen, de brisé la fougue ennemie, qui cette fois, s'était ouvertement tourné du côté Allemand ; ils donnèrent leurs démissions.

Cette fois, il fallut bien reconnaitre, le bien fondé de leurs justes vues ; car aussitôt après ; les Bulgares, tournaient leurs armes contre nous. Il fut très difficile de constitué un nouveau ministère, et pendant un certain temps, le ministère intérimaire Viviani, prit en main la direction quant enfin l'opinion publique émue, persuadait le gouvernement de nommé sans retard, un chef qui put mené à bien, la guerre entreprise.

Et enfin le ministère Briand, osa prendre les responsabilités ; qui incombent à tout ministre ; qui prend en main les destinées de la France. Hélas je lui souhaite bonne chance ; mais j’aime à croire, que si la partie eut été belle ; nous aurions conservé au pouvoir, ceux qui nous ont quittés.

26 octobre (1915)

Sombrin ;

9 novembre

À Btz. (*)

 

(*) : Beaumetz-lès-Loges (62)

13 février (1916)

À Gouy. (*)

 

(*) : Le JMO indique que le cantonnement de Beaumetz est évacué vers Gouy pour laisser place aux Anglais.

16

À Bucamp. (*)

 

(*) : Seul l’état-major, la compagnie de mitrailleuses et la section hors-rang gagne ce village. Les autres bataillons sont dirigés vers Béalencourt et Azincourt.

Le 4 mars

À Nouvion.

le 5

À Morvillers, marche à pied 3 jours arrivé à Crèvecœur le 9 et 10 mars.

12 mars

Arrivée à Delle le 12 mars - l'Hartmannswillerkopf - Guevillers, de Servance - Ballon d'Alsace, La planche des belles filles, au sud le jura

Partis de Delle pour Nancy le 10 avril.

Parti à pied le 12 au matin, arrivé le 12 parcourant 30 kilomètres à Einville où je suis encore.

Août

Madeleine Bunel, rue Baraban 156, Lyon.

Départ de Delle, pays charmant d'Alsace territoire de Belfort, d'un air gai, mais le cœur en peine, car nous laissions derrière nous de véritables amis, qui pour la plupart versèrent des larmes à l'heure de notre départ. Braves gens de Delle, nous nous souviendrons.

Prenant le train à la gare de Beaucourt, nous longions bientôt la chaîne des Vosges pour un pays inconnu, j'ai cru que nous allions à Verdun. Mais arrivés à Vesoul, Haute-Saône.

 

Sur une des dernières pages figure :

Gaudin Henri - 9ème cuirassier - 1er bataillon - 4ème escadron - Secteur postal 31.

 

Fin du carnet

 

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L’inconnu figure-t-il aux côtés de Louis BERRANGER ?

Les recherches et suppositions

 

Hypothèses sûres :

Il habite en Loire Atlantique, secteur nord-ouest, non loin des villes et villages dont il parle : il connaît Nantes, Pontchâteau, Plessé.

Il est marié et a au moins deux enfants en 1914. Son carnet s’arrête en août 1916 (mais année non écrite sur le carnet).

Le carnet a été conservé par un de ses camarades de combats originaire lui aussi du nord-ouest du 44.

 

Hypothèses moins sûres.

Si le carnet s’arrête :

1 – Il a été tué quelque temps après.

Très souvent les camarades d’une même escouade se mettait d’accord pour faire parvenir respectivement leur carnet personnel à leur famille en cas de décès.

2 - Il a été blessé.

Mais pourquoi ne parle-t-il pas de la suite de sa ou ses blessures comme le font très souvent les soldats qui rédigent un carnet ?

3 - La suite du carnet a été perdue.

 

Les recherches et réflexions de Philippe

 

 

Piste N° 1 : Mort pour la France ?

Philippe nous dit :

« J’ai parcouru, dans la base mémoire des hommes des tués tous ceux nés ou habitant dans la région de Guenrouët. J’en ai trouvé 2 mais aucun ne convient … l’un (Anezo) avait été détaché à St Nazaire en 1915, l’autre (Chaillon) était parti vivre en Vendée en 1897 puis après 1909 et est décédé à St Dizier de maladie (le 11 novembre 1918 !)

 

Piste N° 2 : Sa possible blessure ? - Le capitaine Louis CARRÈRE

« Compte tenu de la haute considération qu’il avait pour le capitaine Louis CARRÈRE (« … mon chef et mon père … »), il est étonnant qu’il ne mentionne pas sa mort fin janvier 1917, sauf s’il n’était alors plus au 81e RIT (blessure, décès, mutation dans un autre RIT ou dans le service civil … ).

Pour info, ce capitaine (qui devait être libéré de toutes obligations militaires le 1er octobre 1914 !) avait été nommé capitaine au 81e RIT en 1909, mais n’apparaissait pas dans les organigrammes initiaux du JMO du 81e RIT : il n’avait pris le commandement de la 2e compagnie que le 9 novembre 1914 en arrivant avec un renfort. » - Voir sa FM.

 

« J’ai repris un peu mes recherches et ai constaté que le JMO de la 275e brigade d’infanterie semble indiquer tous les tués et blessés (mais pas les suicides, ceux évacués pour maladie ni ceux tués ou blessés au détachement dans la Somme). Le seul indiqué comme de la CHR du 81e RIT est un certain DUGAST, blessé le 5 octobre 1916 (l’inconnu étant moins assidu sur son carnet aurait pu ouvrir le chapitre « août » sans rien écrire et être blessé plus tard). Cependant, je n’ai pas retrouvé sa FM dans les archives de Loire atlantique ( ! ) . Les (nombreux) soldats portant ce nom des classes 1890 à 1900 (j’ai élargi la plage) sont quasiment tous du sud de Nantes (Clisson…) et affectés en grande majorité au 82e RIT. Aucun des quelques-uns au 81e RIT ne correspond à celui du JMO ni n’a de lien indiqué avec la région de Plessé/Guenrouët. »

 

Piste N° 3 : Piste Madeleine BUNEL

Dans l’une des dernières pages du carnet, il a écrit : ‘’ Madeleine Bunel, rue Baraban 156, Lyon ‘’

Philippe nous dit :

« À partir de généanet, j’ai retrouvé sa date de mariage (11/10/1919) puis l’acte correspondant. Il s’agit de Marie Madeleine Bunel née en 1897 et qui habitait bien au 156 rue Baraban à Lyon (voir ici).

Cependant son mari, né en 1897, n’est donc pas l’inconnu recherché.

Dans le recensement de 1911, n’apparaît que celui qui sera en 1915 le second mari de la mère de Madeleine, Baptiste SIMON, et en 1921, Madeleine s’étant mariée en 1919 avait quitté ce domicile (seuls apparaissent alors Baptiste Simon, Pauline Bunel -mais sous son nouveau nom- et Baptistine, enfant qu’ils ont eu ensemble en 1914).

Baptiste Simon étant au 41e RIT n’est pas non plus notre inconnu (et ne semblait pas avoir de lien avec la Bretagne).

À partir de ses parents sur généanet, elle ne semblait pas avoir de frère (qui aurait pu être l’inconnu) mais qu’une sœur prénommée Raymonde et sa mère se prénommant Pauline, il ne peut s’agir que d’elle.

Par contre, je ne vois pas de lien (pour l’instant) avec l’inconnu recherché (autre qu’une rencontre de passage).

Madeleine BUNEL serait peut-être une marraine de guerre, une correspondante bénévole ? »

 

Autre hypothèse à partir de Madeleine :

« La CHR (compagnie hors-rang) du 81e RIT quitte Einville le 18 juillet 1916.

Comme il écrit y arriver le 12 avril et y être encore, le carnet s’arrête donc entre ces 2 dates (pour rappel, le texte après l’adresse de Madeleine BUNEL correspond en fait du 10 au 12 avril : départ de Delle, train gare de Beaucourt confirmé au JMO). J’ai donc revu la liste des soldats décédés entre ces 2 dates (et non seulement à partir d’août) et ai constaté qu’ils sont quasiment tous décédés de maladie, mais aucun ne convenait avec l’inconnu. Une hypothèse pourrait alors être que l’inconnu, malade ou blessé, était soigné dans un hôpital proche de Lyon où il aurait connu en août Madeleine BUNEL comme infirmière/aide-soignante (elle avait alors 19 ans). En reprenant la liste des morts du 81e RIT après août 1916, quelques-uns sont bien décédés à Lyon ou St-Genis tout à côté, mais aucun ne semble convenir (peut-être avait-il changé d’hôpital ?) …

Encore raté ! »

 

Piste N° 4 : Piste Henri GAUDIN

Un nom suivi d'une adresse militaire figure en fin de carnet : Henri GAUDIN, 9ème cuirassier. Henri Jean Marie GAUDIN, né le 3 avril 1890 à Guenrouët. Il devait être un proche de l'auteur. Voir sa fiche matriculaire (FM).

 

« Étant de la classe 1910 alors que l’inconnu, étant au 81e RIT depuis le début de la guerre, devait être des classes 1893 à 1899 (la classe 1892 a été appelée en décembre 1914 et celle 1900 dans la réserve d’active), leur différence d’âge faisait qu’il n’y avait pas de raison particulière qu’ils se connaissent, si ce n’est qu’Henri Gaudin était cantonnier et devait donc être connu dans le village.

 

Guenrouët étant alors une grosse commune (3649 habitants), très étalée (15km sur 2.5 à 8 km ; nombreux lieux-dits éparpillés), il est plus que probable que pour être connu de l’inconnu, ils devaient habiter à proximité, ce qui tendrait à supposer que l’inconnu du 81e RIT devait probablement aussi y habiter. »

« J’ai donc repris le recensement de Guenrouët de 1911 et recherché la fiche matriculaire de tous les chefs de famille âgés alors de 31 à 39 ans.

Bien que la très grande majorité fût systématiquement affectée au 81e RIT, aucun n’y est resté de août 14 d’août 16 sauf :

 

Julien Marie ROUSSEAU né à Guenrouët en 1874 et y habitant (La Jugelaie), cultivateur propriétaire, marié 3 enfants. Voir le recensement et sa FM.

Julien Joseph Marie GILBERT né à Blain en 1874 mais habitant Guenrouët (Peslan), fermier, marié 3 enfants. Voir le recensement et sa FM.

Charles Marie François FONDIN né à Guenrouët en 1874 et y habitant (La Touche en Thébaud), cultivateur, marié 3 enfants. Voir le recensement et sa FM.

Est-ce l’un d’eux ? (tous 3 ont survécu à la guerre).

 

L’acte de naissance d’Henri Gaudin montre qu’un des témoins est Joseph Rousseau né en 1836. Je n’ai malheureusement pas pu trouver, dans les actes d’état-civil et les arbres généalogiques disponibles de Généanet, un lien de famille entre ce témoin Joseph Rousseau et le soldat Julien Marie Rousseau identifié ci-avant, ce qui aurait pu constituer un lien de ce dernier avec Henri Gaudin, à moins que ce ne soit qu’une coïncidence …

 

Pour info supplémentaire, Henri Gaudin est né et habitait La Véquaie aux recensements de 1906 et 1911 (écrit Godin dans ces recensements alors qu’il y a aussi des Gaudin à Guenrouët, mais c’est bien lui car c’est le seul dont prénom et âge correspondent, ainsi que le prénom de son père, les nom et prénom de sa mère au recensement de 1906 et pas de Godin Henri dans les fiches matricules de Loire Atlantique (il en est de même pour ses frères Félix et Pierre) :

Or La Véquaie est à 6km de la Jugelaie et à 10 km de Peslan et de la-Touche-en-Thébaud, ce qui ne permet pas de voir une proximité avec l’un des 3 soldats identifiés.

 

Sachant que l’inconnu pourrait aussi être de Plessé ou St-Gildas-des-Bois villes également proches de La Véquaie, il ne semble pas possible de conclure (pour l’instant) sur son identité par cette piste. »

 

 

 

QUI RETROUVERA LE NOM DE CET INCONNU ?

Qui ose se lancer dans cette recherche ?

 

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