Témoignage de Constant BON sur son naufrage à bord du Gallia

Le 4 octobre 1916

 

 

 

Mise à jour : Mars 2015

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Serge, mars 2015 :

 

« Voici donc le témoignage du grand-oncle de ma femme.

Constant Bon était né le 28 août 1873. Il appartenait au 55e RTI. Il a fait plusieurs fois, dans sa correspondance, le récit du drame qu'il avait vécu et puis, presque 20 ans plus tard, il a rédigé une version en bonne et due forme de ses souvenirs. »

 

 

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« Il était exactement 6 heures moins 20 minutes, le soir du 4 octobre 1916, quand les hommes de mon escouade ou plutôt de mon groupe, occupant la place qui leur avait été assignée à bâbord sur le pont supérieur du croiseur « Gallia » venaient d’achever leur repas.

Les uns se promenaient sur le pont, les autres, appuyés sur la verrière qui entoure le navire, admiraient l’immensité de la mer.

Quant à moi, assis sur mon sac, je devisais tranquillement avec un de mes camarades resté seul avec moi de notre groupe. Nous parlions de notre famille, de la France que nous venions de quitter et que beaucoup, d’entre nous, hélas, ne devrait plus revoir. »

 

« Pour dissiper ces sombres pensées et pour ne pas tomber dans une profonde mélancolie, j’invitai mon camarade à me suivre sur le pont pour admirer la mer, quand soudain, un coup de canon sourd retentit dans l’eau à fond de cale, ébranlant le navire, en même temps qu’un bruit formidable de tôles brisées par l’explosion de la torpille se faisait entendre.

Le choc fût si violent que mon camarade et moi nous faillîmes tomber à la renverse. Ce fut, à cet instant critique, alors que les hommes s’interpellaient sur  ce qui venait d’arriver au navire, qu’eût lieu un commencement de panique.

Cependant officiers et marins vinrent nous rassurer en nous disant qu’une avarie était survenue aux machines, mais le navire continuait sa route.

Hélas, quelques secondes s’étaient à peine écoulées qu’un commandement sec et énergique retentit : »

 

« Rassemblement par groupe devant vos embarcation »

 

« Nous venions d’être torpillés par un sous-marin.

Aussitôt, l’affolement s’empara d’un grand nombre de camarades qui n’avaient pu conserver leur sang-froid. C’était des cris, des hurlements…

Les uns appelaient leur père et leur mère, d’autres leur femme et leurs enfants, chacun se précipitait sur le pont supérieur dans un pêle-mêle indescriptible.

À ce moment de panique, je vis un sous-officier, dans un geste de démence, se bruler la cervelle avec son revolver. »

 

« Quant à moi, faisant partie du 6e groupe, 6e embarcation, je cherchais à m’avancer pour retrouver l’emplacement de mon embarcation.

Mais dans le pêle-mêle indescriptible, culbutant et me relavant à chaque instant, il me fut impossible de trouver le point de ralliement.

Grace à mon, sang-froid et au prix d’efforts répétés, je pus enfin m’approcher par bâbord de la barrière qui entoure le navire. Les mains crispées à la barrière, je me dressais et j’aperçus, flottant déjà sur la mer, plusieurs radeaux vides. Ils avaient probablement été jetés à la mer dans un moment d’affolement et pas un homme ne les occupait. »

« Au même instant, j’aperçus à quelques mètres de moi, sur ma droite, contre l’avant du croiseur, une chaloupe remplie de camarades. Parmi eux, je distinguai 2 marins du bord qui s’apprêtaient à ramer pour s’éloigner du navire qui s’enfonçait. »

« C’est aussi, à cet instant même et en face de cette embarcation, que j’aperçus, pendant au flanc du navire un cordage fixé à la barrière et qui avait été probablement utilisé pour descendre dans la chaloupe. »

« Rapidement, je m’élançais pour le saisir et descendre aussi, mais dans la précipitation et au milieu des bruits et des cris poussés sur le pont, je ne m’étais pas aperçu que le cordage était coupé, je me trouvais bientôt suspendu dans le vide. »

 

« Instant tragique pendant lesquelles des visions terribles traversèrent mon cerveau. Bientôt les forces me manquèrent, je lâchai prise et … tombai à la mer. »

 

« Un homme de la chaloupe dont je viens de parler, ayant probablement vu mon geste désespéré vint me chercher à la nage et me hissa dans l’embarcation, où je me souviens avoir vomi l’eau de mer que j’avais dû forcément avaler.

C’est aussi à ce moment là qu’un homme de cette embarcation, sans doute officier de l’équipage du « Gallia », donna ordre au deux marins de ramer pour s’éloigner au plus vite du navire afin de ne pas être entrainé par le remous.

Il était temps !

Nous avions à peine parcourus 200 mètres que le malheureux « Gallia » piquant de l’arrière, s’enfonçait dans les flots et disparaissait pour toujours »

 

« 1840 malheureux étaient encore à son bord. Ils furent tous engloutis.

Les canots et radeaux mis à la mer avaient permis le sauvetage d’environ 1300 marins et soldats.

Le drame avait duré 12 à 15 minutes. »

 

« La chaloupe qui m’avait recueilli, étant surchargée à l’excès, les marins accostèrent un radeau vide qui se trouvait à proximité et le prirent en remorque.

Ordre nous fut donné, ainsi qu’à une dizaine de camarades, de quitter la chaloupe pour ce précaire refuge et s’est ainsi que, sur ce frêle esquif, nous passâmes la nuit du 4 au 5 octobre.

A coup de rames nous avions à nous défendre contre de pauvres mulets, victimes comme nous du naufrage et qui, bons nageurs, cherchaient désespérément avec leurs mâchoires à s’agripper à nos embarcations, augmentant ainsi nos risques. »

 

« A l’aube du lendemain, lasse de nous remorquer, la chaloupe se détacha de notre radeau sous prétexte de partir à la recherche de la terre ferme, et nous abandonna à la merci des flots.

Au terme de cette longue et terrible nuit, nous étions épuisés et transis de froid, avec de l’eau parfois jusque sous les bras.

Désespérément, nous attendions du secours qui n’arrivait pas et qui ne pouvait arriver, attendu que le poste de radio du croiseur (nous l’avions su plus tard) avait été détruit par l’explosion de la torpille et que le commandant du « Gallia » avait dû s’engloutir avec son navire sans avoir pu lancer un appel au secours. »

 

« Vers le milieu du jour, voyant qu’aucun navire ne venait nous recueillir, nous étions mes camarades et moi-même, épuisés et totalement démoralisés.

De sombre s pensées envahissaient mon esprit :

Je revoyais la France, mon village, mon épouse que j’avais quittée quatre à cinq jours auparavant et qui m’avait encouragé en me faisant entrevoir des jours meilleurs.

A pensée se reportait, en même temps vers deux membres de ma famille tués au cours des deux premières années de guerre ; mon frère tué à  l’attaque de Champagne le 25 septembre 1915, mon beau-frère, tué aux environs de Crouy, dans l’Aisne en 1914, laissant tous les deux des orphelins de guerre, en bas-âge, dont 3 n’avait ni père ni mère. »

 

« Tous ces souvenirs, ajoutés à la situation dans laquelle je me trouvais, m’occasionnait une fièvre brûlante et ce fut dans ce triste état et tout en faisait à Dieu le sacrifice de ma vie pour ma famille et pour mon pays que se passa la journée du 5 octobre 1916, quand vers les 10 ou 11 heures du soir, dans cette nuit du 5 au 6, je fus ainsi que mes camarades, recueilli par le croiseur-cuirassé, « Châteaurenault » qui venait de Toulon.

Nous étions sauvés ! »

 

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