Carnet de guerre de Marceau HAUTRIVE, du 25e Chasseurs, 1917-1918

Carnet de note de Marceau HAUTRIVE

du 25e bataillon de Chasseurs

Période 1917-1918

 

 

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« Mon père, né en 1898, a écrit un petit carnet de notes du 16-04-1917 au 02-06-1918 que j’ai retrouvé et retranscrit sur fichier word que je peux vous envoyer si vous en voyez l’intérêt.

Il était au sein du 25ème bataillon de Chasseurs à Pied, 1ère compagnie, classe 1918, numéro matricule 8252. Il a fait la campagne contre l'Allemagne du 16 avril 1917 au 23 Octobre 1919. Titulaire d'une citation à l'ordre du bataillon (N°810 du 8 novembre 1918), croix de guerre avec 2 étoiles, une en or et une en bronze.

 Mon père est décédé en 1997 à l’âge de 100 ans. »

 Alain, 2013

 

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Prélude

 

Le 25e bataillon de Chasseurs fait parti, depuis juin 1915, de la 127e division d’infanterie (avec les 172e et 355e régiment d’infanterie et le 29e Chasseurs). Marceau est né en 1898, il fait donc parti de la classe 1918, et est appelé sous les drapeaux en avril 1917.

 

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Sommaire (n’existe pas dans le carnet)

 

Ø  Du 16 avril au 18 oct. 1917 : Nogent-le-Rotrou (Eure & Loir), dépôt du 25ème B.C.P.

Ø  Du 19 oct. au 13 déc. 1917 : Humbeauville (Haute Marne), cantonnement

Ø  Du 14 déc. 1917 au 7 janvier 1918 - Front de Champagne - Souain

Ø  Du 7 au 11 janvier 1918 : Humbeauville, cantonnement

Ø  12 au 23 janvier 1918 : Paris, permission

Ø  Du 23 janvier au 1er février 1918 : Humbeauville

Ø  Du 1er au 28 février 1918 : Beaulieu, Roches, Monthureux, Martigny bataillon au repos

Ø  12 mai 1918 Grivesnes, les Éparges

 

 

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Du 16 avril au 18 oct. 1917 : Nogent-le-Rotrou (Eure & Loir), dépôt du 25ème B.C.P.

16 avril 1917

A 9h58, le train part de la gare Montparnasse (Paris).

J'arrive à 15h15 à la gare de Nogent-le-Rotrou.

15h45, arrivée à la caserne Sully, inscription au corps de garde.

16h, visite préliminaire chez le major.

16h15, inscription au bureau du capitaine.

16h20, chez le coiffeur, coupe des cheveux à ras, à la tondeuse.

16h35, magasin d'habillement.

17h, réfectoire: corned-beef, fromage, pain, eau.

17h30, j'écris. On prépare la chambrée.

20h30, appel.

21h extinction des feux. Je me couche.

17 avril 1917

5h50, je me réveille.

6h45, je me lève, m'habille et vais me laver pendant qu'à 7h sonne le réveil.

A 7h45, au réfectoire, pain et chocolat. 9h, chez le major pour visite.

10h30, rassemblement pour rapport.

11h, réfectoire: bouillon, bœuf cuit, haricots rouges, pain, cidre. 11h30, chambrée, je fais mon lit et m'habille pour l'exercice.

12h10, corvée de pommes de terre.

12h30, j'écris.

13h15, rassemblement pour exercice. 13h30, saut en longueur: 2m10, course 60m: 8"35, lancement de grenades: 21m (gauche & droite).

15h10, vaccination contre la variole.

15h25, chambrée: j'arrange mes affaires, raccommode mes bretelles, je vais changer mes chaussures.

15h30, réfectoire, lecture des communiqués, bouillon, bœuf sauce tomates, pommes de terre, pain, cidre.

18h15, nous sommes libres jusqu'à 20h15. J'écris jusqu'à 20h05.

A 20h30, appel. Je me couche et lis dans mon lit.

21h, extinction des feux.

21h30, visite du major dans la chambrée.

18 avril 1917

6h30, on nous crie :

"Debout!"

Aussitôt, tout le monde saute du lit. On apprend que le réveil qu'on vient de sonner n'était pas pour nous.

7h45, réfectoire: pain et 2/12 de fromage.

8h15, visite d'incorporation. Plus de 20 fois par jour on vient chercher ceux qui ne font rien et on les emploie à différentes corvées, à aider les nouveaux arrivants. Cette nuit est arrivé un contingent de 47 jeunes recrues.

10h30, rapport et distribution des lettres.

11h, réfectoire: bouillon, bœuf cuit, moutarde, nouilles sauce tomates, pain, cidre.

11h15, chambrée, on fait les lits, la chambre et on se prépare pour la continuation des épreuves de gymnastique à 13h30.

A 12h10 on sonne les journaux, tout le monde court pour avoir des nouvelles de la victoire de Champagne.

12h20, je suis prêt, j'écris.

12h40 à 12h50, corvée de patates.

13h15, nous descendons pour l'exercice. Saut en hauteur avec (95cm) et sans (75cm) élan.

15h30, nous remontons dans la chambrée: théorie sur les marques de respect envers les supérieurs.

16h10, exercice de poids dans la chambre avec un essieu de 17 kilos (35 fois).

16h30, libres. J'écris.

17h30, réfectoire: lecture des communiqués, bouillon, bœuf cuit, pommes de terre, pain, cidre.

18h30, chambrée.

20h30, appel. Je me couche.

21h, extinction des feux. 

19 avril 1917

6h30, je me lève car je suis de corvée de chambrée.

7h, on sonne le réveil, je prépare mon lit, je balaie la chambre.

7h45, petit repas: pain et chocolat.

De 8h à 10h30, chambrée: théorie sur le fusil et chanson "La Madelon".

10h45, rapport. 11h, déjeuner : bouillon, bœuf cuit, haricots rouges, pain, cidre.

12h45, rassemblement cour, lecture des communiqués.

13h15, rassemblement pour exercice.

13h30, exercice: saut en longueur avec (2m35) et sans (2m) élan, course de 800 mètres (4'15"), théorie sur les marques de respect.

15h45 à 16h, théorie sur les grades.

16h30-17h30, libre, j'écris et goûte.

17h30, réfectoire: le capitaine vient nous souhaiter la bienvenue, distribution des lettres, encore rien pour moi, dîner: bouillon, bœuf et pommes de terre, pain, cidre (j'ai 2 rations).

18h15, je vais chercher du charbon, il n'y en a plus, on allume le feu avec le charbon d'hier dans le poêle de la chambrée.

19h10 à 20h20, j'écris.

20h20, je balaie la chambrée pour l'appel.

20h30, appel. Je me couche. Après l'extinction des feux et jusqu'à 21h40, on dit des blagues dans la chambrée.

22h, je commence à dormir.

20 avril 1917

Levé à 6h30.

7h45, petit déjeuner: pain et 1/10e de fromage.

8h chambrée.

8h30 épreuve d'écriture.

9h5 rassemblement cour pour exercice: grimper à un bouleau (1m), exercice de salut sur le terrain d'exercices.

10h chambre: on fait les lits.

10h45 rapport.

11h déjeuner: bouillon, bœuf et moutarde, nouilles, pain, cidre.

11h20, chambrée: on fait les lits.

12h, corvée de patates.

12h30 j'écris.

13h05 j'écris dans la chambre.

13h15, exercice: course de 400m, théorie sur le salut et les grades au terrain d'exercices.

16h, chambrée: matriculage de mes affaires, je fais mon paquetage.

17h10, j'écris.

17h35, rapport, distribution des lettres.

17h45, dîner: bouillon, bœuf, pommes de terre, pain, cidre. 18h15, j'écris.

19h à 20h15, je me promène dans le quartier, la cantine, et les chambrées.

20h30, appel, je me couche.

21 avril 1917

Levé à 6h30, je suis de corvée de jus.

8h exercice sur le terrain. Rassemblements, alignements, salut, grades, jeux "loup et l'agneau", "pile ou face", flexion des jambes, mouvements respiratoires.

10h10, chambrée: j'arrange paquetage et lit.

12h15, corvée pour laver la table de la chambre.

12h45 communiqués.

13h15 exercice sur le terrain: jeux "le crabe", "les canards", "les grenouilles", "les jargotons", "la balle au chasseur", "la bascule humaine".

16h, chambrée: préparation pour la revue du capitaine.

17h15, revue.

22 avril 1917

Dimanche. Levé à 6h.

7h45, pain et confiture.

8h, chambrée, on se prépare pour la revue du capitaine dans les chambres en tenue de sortie.

8h45, sommes prêts au pied du lit.

9h30, revue par le capitaine.

9h40, il décide que nous ne sortirons pas.

9h45 l'adjudant nous dit qu'il a encore un peu d'espoir.

10h15, sommes dans la chambrée, on est presque certain de sortir.

10h30, rapport et distribution de lettres.

11h, bouillon, bœuf, patates, pain et vin rouge.

11h25, chambrée: on se prépare pour sortir.

12h30, rassemblement dans la cour pour la sortie. Le capitaine dit que tout à l'heure au réfectoire un jeune chasseur s'est vanté "qu'au front, il mettrait 12 balles dans la peau du capitaine".

Il demande que ce jeune chasseur se dénonce, comme on ne trouve pas ce chasseur qui est du Nord, et a parait-il, le teint basané, le capitaine nous fait tous remonter dans nos chambres pour nous remettre en bourgeron et calot, de façon à ce que le cuisinier puisse reconnaître le chasseur en question: on ne le trouve pas malgré le contrôle de toutes les escouades.

Le capitaine, froid mais en colère et énergique, insulte ce chasseur devant toute la compagnie et dit qu'il ne veut pas que toute la compagnie soit responsable d'un "dégoûtant" et nous autorise à sortir. Nous remontons dans les chambrées nous remettre en tenue pour la sortie.

A 12h55, rassemblement et inspection par le sergent et l'adjudant de semaine.

13h30, enfin libre ! Je me dirige immédiatement sur la gare et je prends note des heures des trains pour Paris.

Ensuite, en compagnie d'un camarade (Hervet mon camarade de lit), je vais au "skating". C'est le "foyer du Chasseur", la piste est d'environ 25 x 15 mètres et il n'y a qu'une vingtaine de patins et une quinzaine de patineurs, il y a un piano mécanique et salle de lecture et correspondance.

Je patine de 14h à 16h, ensuite j'écris jusqu'à 17h05. Je vais en ville et cherche une chambre.

A 18h25, je retrouve mon camarade Hervet et nous allons au restaurant du "Chêne Doré". Nous écrivons et dînons: pain blanc, cidre, potage bouillon et vermicelle, petits pois, veau, salade de chicorée frisée, fromage de Brie, noix, gâteaux.

Nous partons à 20h15 et rentrons à la caserne à 20h25. Dans la chambrée, nous nous remettons en bourgeron et pantalon de treillis et calot pour l'appel à 20h30. Je me couche.

21h, extinction des feux.

23 avril 1917

Levé à 6h30.

A 8h20, exercice sur le terrain: école de section et jeux.

A 9h15, je suis chef de détachement de 10 jeunes chasseurs pour retourner au magasin pour toucher des brodequins. Je vais au magasin et nous touchons tous deux paires de brodequins (1 paire neuve et 1 paire réparée).Je reviens au terrain d'exercice où nous faisons encore de l'école de section et des jeux.

10h30, rentrons dans les chambres et faisons les lits.

10h45, rapport et distribution des lettres.

11h, bouillon, bœuf, lentilles, pain, cidre.

11h45, chambrée: j'écris.

12h45, communiqués.

13h15, exercice, culture physique et jeux.

16h30, chambrée: théorie sur le fusil 1886-93 et sur le fusil 1907-15.

17h, j'écris.

18h, bouillon, bœuf, lentilles, pain, cidre.

18h15, je sors et vais au skating où je patine jusqu'à 20h05. Je reviens au quartier à 20h20 et me couche immédiatement.

24 avril 1917

Levé à 6h30. Je devais être de "corvée de réfectoire" aujourd'hui, mais le sergent de semaine est venu hier soir à l'appel dire que j'étais exempt de corvée, de jeunes chasseurs étant rentrés en retard hier soir ont été punis de corvée.

8h, chambrée: j'écris.

8h30 à 10h30 terrain d'exercice: culture physique, jeux, école du chasseur.

10h45, rapport, lettres, 11h déjeuner: bouillon, bœuf, haricots blancs, pain, cidre.

11h30, chambrée: lits et préparation pour une revue par le général Leguay, adjoint au général commandant la 4ème Région.

13h15, rassemblement de la compagnie dans la cour.

13h50, terrain d'exercice: école du chasseur pendant la visite du général.

16h45, nous rentrons dans la chambre, je me prépare pour sortir.

18h15, je sors.

18h30, j'arrive au skating où je vois mon capitaine qui me demande si je sais patiner; lui ayant répondu affirmativement, il me demande de lui apprendre. Je n'étais venu là que pour écrire, mais j'accepte quand même, et pendant une demi-heure j'apprends à patiner au capitaine qui est excessivement gentil pour moi.

Il partage deux cannettes de bière avec moi et le surveillant du skating, et me demande de revenir demain.

Je lui dis que c'est un grand honneur et un réel plaisir pour moi que d'apprendre à patiner à mon capitaine.

De 19h20 à 20h, j'écris. 20h15, je suis de retour à la chambrée et je me couche immédiatement et continue d'écrire.

25 avril 1917

Levé à 6h30. Je suis très fortement enrhumé depuis deux jours et vais à la consultation du major à 8h et j'attends à l'infirmerie; à 9h, on me met 13 ventouses et je prends une cuillerée de sirop.

A 9h35 je remonte dans la chambrée où j'écris.

10h, je retourne à l'infirmerie prendre mon sirop.

10h20 je descends au magasin chercher une paire de sabots.

10h40, rapport et lettres.

11h, réfectoire: bouillon, bœuf, lentilles, pain, cidre.

11h30, j'écris et arrange mon paquetage et mes chaussures pour une revue du capitaine.

13h, rassemblement pour l'exercice.

13h15, sur le terrain nous (toute ma section) sommes employés à la piste, je suis dans une équipe pour le sautoir et tour à tour, je pioche, je charge la terre avec une pelle dans une brouette et je pousse la brouette pour porter la terre du sautoir à la piste de course.

15h, je quitte le terrain et vais à l'infirmerie prendre mon sirop, ensuite je remonte dans ma chambrée et mange un peu de pain et de chocolat.

15h30, je suis de retour sur le terrain et continue le même travail.

16h15, nous rentrons dans la chambrée et donnons un coup à toutes nos affaires pour la revue du capitaine.

16h35, le capitaine passe une revue de la chambrée.

16h45, je vais à l'infirmerie prendre mon sirop et vais chez le dentiste qui m'arrange ma dent gâtée et me fait un pansement.

17h, rapport et changement d'escouades par le capitaine.

17h30, bouillon, bœuf, pommes de terre, cidre. 18h15, je sors et vais au skating.

18h25, je patine; le capitaine n'est pas venu.

19h45, j'écris.

20h20, je rentre à la caserne, monte dans ma chambre et me couche immédiatement.

20h30, l'appel vient d'être rendu et j'écris.

21h extinction des feux.

26 avril 1917

Levé à 5h40.

7h15, j'écris. Je suis de "corvée de réfectoire".

8h30, nous allons aux douches chaudes en sabots.

9h30, chambrée: nous déménageons suivant le classement et par groupes du capitaine; moi je reste dans la même chambrée avec le même caporal Adoux, mais je change de lit et je transporte mes affaires, mon paquetage et mes draps dans un autre coin de la chambrée. Nous faisons nos lits.

10h05, je vais au lavoir et je lave mon bourgeron et mon pantalon de treillis.

10h30, rapport et lettres. 11h, bouillon, bœuf, haricots rouges, vin rouge.

11h30, nous nous mettons en tenue d'exercice, sans treillis, pour faire une marche cet après-midi.

12h30, j'écris.

13h, rassemblement de la compagnie.

De 13h15 à 16h marche d'environ 5 à 6 kilomètres, exercice de l'école du chasseur sur la route, reconnaissance du terrain.

De 16h30 à 17h, théorie par le lieutenant sur "Le devoir militaire et la désertion". (*)

17h10, je vais au lavoir laver une paire de chaussettes et trois mouchoirs.

17h30, bouillon, bœuf, lentilles, eau.

18h, je vais balayer le réfectoire et vais me nettoyer un peu.

19h, chambrée, j'écris au lieu de sortir.

20h15, je me couche et continue d'écrire dans mon lit jusqu'à 21h.

 

(*) : Nous étions à cette date aux préludes des mutineries qui allaient s’étendre à de très nombreuses divisions française.

27 avril 1917

Levé à 6h30.

J'ai eu encore de fortes quintes de toux cette nuit, et je me fais porter malade.

7h45, pain et confiture.

8h, nous allons toucher les cuirs (sac, courroies et cartouchières) et le bidon.

8h20, j'attends à l'infirmerie la visite du major qui m'ausculte et m'ordonne des ventouses devant et derrière, du sirop et de la tisane.

9h, l'infirmière me pose 5 ventouses sur la poitrine et 8 sur le dos puis me donne du sirop et de la tisane des 4 fleurs.

10h, je vais chez le dentiste jusqu'à 10h30 et ensuite je remonte dans la chambrée ranger mes affaires.

10h30, rapport et lettres.

10h55, bouillon, bœuf, moutarde, haricots blancs, cidre.

11h20, chambrée, je fais mon lit et arrange mes cuirs, ensuite j'écris.

13h, exercice: travail de la piste et culture physique.

15h, je vais à l'infirmerie prendre du sirop et de la tisane.

15h50 je descends dans la cour où mes camarades sont déjà, pour renouveler le foin de ma paillasse.

16h30 je fais mon lit et range mes cuirs, je donne mon linge.

17h15, rapport et lettres.

17h35 bouillon, bœuf, pommes de terre, cidre.

18h je vais chercher mon linge au séchoir (treillis, 3 mouchoirs, 1 paire de chaussettes).

Je vais me nettoyer un peu.

J'écris. 19h15, je me couche et j'écris jusqu'à 21h.

28 avril 1917

Levé à 6h30.

7h40, j'écris.

8h30, exercice et culture physique.

9h30, théorie sur le nouveau fusil 1907-15, ligne de mire.

10h30, rapport et lettres.

10h45, bouillon, bœuf, patates et cidre.

11h30, je prépare mon paquetage et cire mes souliers et mes cuirs.

13h, nettoyage du casernement, nous devons descendre dans la cour tout le contenu des chambrées; je descends mon lit complet, mon paquetage, mes sacs, mon sac et mes musettes et j'installe tout dans la cour.

A 13h45, nous partons par escouade sur le terrain pour battre nos couvertures.

A 14h30, nous remontons toutes nos affaires dans nos chambrées, et c'est un encombrement terrible dans les escaliers. Nous arrangeons nos lits et paquetages et nous nous préparons pour une revue à 17h par le capitaine.

17h, nous descendons à la salle de réunion: théorie par le sous-lieutenant Barbier sur "La Patrie".

17h30, rapport et lettres. 17h45, bouillon, bœuf, lentilles, cidre.

18h20, je sors et vais au skating, je ne peux pas avoir de patins et j'attends une demi-heure.

Enfin, j'ai une paire de patins mais je ne fais que trois tours de piste car ils ne sont pas bien. 20h10, je rentre et me couche.

29 avril 1917

Levé à 5h, je me débarbouille, m'habille et fais mon lit.

6h45, je descends et vais à la messe. Nous sommes une trentaine de jeunes chasseurs et deux sergents dont un est missionnaire à qui je parle anglais et je lui donne mes journaux anglais.

8h, nous revenons à la caserne et prenons notre jus et notre pain et chocolat au réfectoire.

8h15, je remonte dans ma chambrée et j'écris. Nous nous préparons pour une revue à 10h par l'adjudant.

10h, revue.

10h30, rapport et lettres. 11h, bouillon, bœuf, lentilles, vin rouge.

12h, je sors avec un camarade. Nous allons dans la campagne.

17h30, nous revenons à Nogent et allons au "Chêne Doré" où nous écrivons.

18h45, un troisième camarade vient pour dîner avec nous.

19h15, nous dînons, petits pois, poulet rôti, salade chicorée frisée, fromage, confiture gelée de groseille, gaufrettes, cidre.

20h20, je rentre dans ma chambrée et je me couche immédiatement après l'appel.

30 avril 1917

Levé à 6h15.

De 8h30 à 10h remplissage de paillasse pour une nouvelle chambrée.

10h30, rapport et lettres. 11h, bouillon, bœuf, haricots blancs, cidre.

13h à 16h, marche. Utilisation du terrain, reconnaissance du terrain.

16h à 17h, nettoyage. 17h15, rapport et lettres. 17h45, bouillon, gigot (!) pommes de terre, cidre.

18h30, je sors et vais chercher une chambre. J'en trouve une au premier étage, rue Sully, tout à côté de la caserne.

Ensuite, je vais m'acheter du chocolat et des figues.

20h10, je rentre et me couche.

1er mai 1917

Levé à 6h15.

De 8h à 10h30 exercice: école du chasseur et culture physique, pointage du fusil 1907-15 sans grain d'orge.

11h, bouillon, bœuf, lentilles, cidre.

11h30, corvée de patates.

13h, nous allons partir en marche mais le capitaine m'appelle et me donne un travail de copie de 8 grandes pages à faire à la machine à écrire. J'écris dans le bureau du dépôt sur une machine Underwood.

J'apporte mon travail au capitaine à 16h50.

17h30, rapport et lettres.

18h, bouillon, bœuf, patates, cidre.

18h30, Je sors et vais dans ma chambre où je dépose quelques affaires et j'écris.

20h15, je rentre et me couche.

20h50 inspection de souliers.

2 mai 1917

Levé à 6h30.

8h je vais à la visite du major pour ma toux, par ordre du capitaine.

De 9h à 10h30, exercice.

10h30, sirop. 11h, bouillon, bœuf, pois cassés.

13H à 15h45, exercice: école du chasseur et pointage.

De 16h à 17h, graissage et malaxage des brodequins.

17h, sirop et gargarisme.

17h30, rapport et lettres.

18h, bouillon, bœuf, riz à l'eau (pâte), cidre.

De 18h45 à 20h je vais laver mes deux treillis, 2 chaussettes, 2 mouchoirs et une serviette.

20h10, sirop et gargarisme. Nous sommes consignés pour ce soir et demain soir parce qu'il y a beaucoup de malades.

3 mai 1917

Levé à 5h45.

8h, revue par le capitaine, répétition de la revue de cet après-midi.

De 9h à 10h15, j'arrange mon sac et mon paquetage.

10h20, sirop. 11h, bouillon, bœuf, haricots blancs et rouges, vin rouge.

13h, rassemblement dans la cour pour la revue.

14h, revue des trois groupes (forts, moyens et faibles) par le colonel de la Vigerie.

15h15, revue dans les chambres.

15h45, On se déshabille pour se mettre en tenue d'intérieur (treillis et sabots).

17h, sirop.

17h45, soupe, jus de lentilles, bœuf, lentilles, eau.

19h, je vais à la salle de réunion et je prends note des numéros de quelques livres.

20h, sirop et gargarisme.

20h30, appel. Je me couche.

4 mai 1917

Levé à 6h25.

De 8h à 10h, terrain d'exercice: école du chasseur et culture physique. Je suis chef de classe (4 hommes) et je les fais manœuvrer.

11h, bouillon, bœuf, purée de fèves, cidre.

13h à 15h30, exercice comme ce matin.

15h30, préparatifs pour la revue de détail par le capitaine à 16h30.

17h, théorie sur le drapeau par le lieutenant.

18h, bouillon, bœuf, lentilles, cidre. 18h30, je sors et emporte différentes petites choses dans ma chambre où j'écris.

20h15, je rentre et me couche.

5 mai 1917

Levé à 6h.

De 8h à 10h30, culture physique, école du chasseur et service en campagne: transmission d'un ordre écrit et verbal, chaîne de relais. Je suis encore chef de classe.

11h, soupe aux choux, bœuf, patates, cidre.

12h45, nettoyage du casernement et battage des couvertures.

15h30, revue dans les chambrées par le capitaine.

16h, théorie sur l'esprit de corps et la camaraderie.

17h15, rapport et lettres. 17h50, bouillon, bœuf, lentilles, eau.

18h, je sors avec mon caporal Adoux, nous allons dans trois cafés différents et faisons une partie de billard et une partie de dames.

20h29, nous rentrons et sommes prêts juste pour l'appel.

6 mai 1917

Dimanche. Levé à 5h30.

7h, je vais à la messe.

8h, je vais dans ma chambre. Ma logeuse m'offre un petit déjeuner: café au lait, pain blanc et beurre. Je me rase. 8h30, je rentre à la caserne et me prépare pour une revue qui doit  être passée à 10h.

10h30, rapport et lettres. Il n'y a pas eu de revue  et nous nous sommes apprêtés pour rien.

11h, le rapport terminé, je monte dans ma chambrée et m'habille et sors. Je vais à la gare et vais ensuite dans ma chambre.

13h30, je retourne à la gare et je vois maman qui me dit qu'elle a raté de 5 minutes le train qui l'aurait amenée ici à Nogent-le-Rotrou à 10h30. Je la conduis à ma chambre, nous déjeunons jusqu'à 15h avec le repas froid qu'elle m'avait apporté en même temps que des livres et différentes petites choses pour moi.

16h, nous partons faire un tour dans la campagne et rentrons à 18h30. Nous dînons, et je quitte ma chère maman à 20h20.

20h25, je suis dans la chambrée et aussitôt après l'appel, je me couche.

7 mai 1917

Levé à 6h25.

De 8h à 9h45, école du chasseur et culture physique.

10h20, revue des effets de sortie par l'adjudant de semaine.

11h, soupe aux choux, pâté de foie sur pain, purée de fèves, cidre.

13h à 16h, marche sur la route de Préaux: reconnaissance et utilisation du terrain. 16h15 à 17h théorie sur les outils portatifs et le fusil 1907-15. 18h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre.

18h30, je sors, fais des courses et vais dans ma chambre où j'écris jusqu'à 20h15. Je rentre à la caserne pour l'appel et je me couche.

8 mai 1917

Levé à 6h25. Le matin, pas d'exercice.

A 9h15, revue de treillis. On fait les lits. J'écris.

10h30, rapport et lettres.

11h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre.

De 11h30 à 17h15, nous avons été libres, j'ai été lavé mon linge sale, puis j'ai écrit quelques lettres, puis j'ai lu ma théorie.

18h, bouillon, bœuf, haricots rouges, eau. Le terrain étant un peu détrempé, on ne nous a pas fait faire d'exercice aujourd'hui, ni de marche, journée exceptionnellement tranquille.

De 18h30 à 20h50 je vais dans ma chambre où j'écris. L'appel étant maintenant à 21h, je rentre à la caserne à 20h55 et je me couche aussitôt après l'appel.

A 22h30, contre-appel par l'adjudant de compagnie et le sergent de semaine et un autre adjudant.

9 mai 1917

  Levé à 6h05.

De 8h à 10h30, école de section et culture physique. 11h, bouillon, bœuf, haricots rouges, vin rouge. De 13h à 14h, école de section. 14h15, nouveau classement par le capitaine dans la cour. Je suis maintenant dans la 3ème escouade, 2ème section, groupe des moyens.

15h45, photographie des sections. (*)

16h45, réunion des élèves-aspirants par le capitaine dans la salle de réunion; nous sommes 26 et il parait qu'il n'y aura que 5 places; le capitaine nous dicte le texte de la demande que nous devons lui remettre après la soupe.

17h45, soupe de fèves, bœuf, purée de fèves, eau. 18h, je vais écrire ma demande.

18h30, je sors, vais à la gare, puis dans ma chambre où je travaille un peu jusqu'à 20h50. Je rentre à la caserne et me couche après l'appel. Dans cette nouvelle chambrée, au lieu d'une paillasse et d'un matelas, j'ai deux matelas, je suis bien mieux couché.

 

(*) : Dommage que la photo soit disparue.

10 mai 1917

Levé à 6h10.

8h à 10h30, école de section et culture physique.

11h, soupe jus de haricots, bœuf, haricots rouges, cidre.

13h à 16h30, marche sur terrain de La Beausserie, les élèves-aspirants (22) forment une section spéciale et passent devant le colonel de la Vigerie, venu pour avoir des renseignements personnels destinés à lui servir pour formuler son avis.

18h, soupe aux choux, bœuf, lentilles, cidre.

18h30, à 20h45, je travaille dans ma chambre.

11 mai 1917

Levé à 5h45.

8h, douche. 9h, nous allons toucher les fusils, j'ai un fusil 1907-15, à grain d'orge.

10h, je vais chez le dentiste, dernière opération.

11h, soupe aux choux, bœuf, purée de fèves, cidre.

De 13h à 16h30, marche, utilisation du terrain, orientation. En rentrant, je me nettoie et me change. 18h, bouillon, bœuf, haricots, cidre. On nous prévient au rapport que nous allons être vaccinés contre la typhoïde demain matin et que nous ne devrons être couchés demain toute la journée et dimanche, nous ne pourrons sortir que dans la cour du quartier.

18h30, je vais dans ma chambre où je me fais du thé, je prends 2 ou 3 livres que j'apporte à la caserne pour lire quand je serai couché.

20h55, je rentre pour l'appel, j'écris et je me couche.

12 mai 1917

Levé à 5h. 5h30, j'écris et lis.

7h30 nous allons au réfectoire où nous ne pouvons prendre que du café, mais pas manger de pain et la confiture qui était préparés.

A 7h45, les 50 hommes désignés (dont je fais partie) passent à l'infirmerie pour l'analyse de l'urine.

A 9h30, nous recevons la première piqûre.

A 10h, je me couche et lis dans mon lit.

A 12h, on nous apporte une assiette de bouillon, sans pain.

A 12h30, nous recevons les journaux, je lis jusqu'à 15h.

A 15h, un infirmier vient prendre notre température, j'ai 36°3.

De 16h25 à 17h30, je dors.

A 17h30, le major vient nous voir; je me sens très bien et ai seulement l'épaule et le bras droits ankylosés.

A 17h45, on nous apporte un quart de bouillon sans pain.

A 18h, j'écris un peu, puis je lis.

A 21h35, le major vient nous voir, il nous dit que nous pourrons peut-être manger demain. Pendant que je dors, vers 21h45, on vient nous verser du thé dans nos quarts.

A partir de 20h, je ne peux plus bouger tant j'ai l'omoplate droite engourdie, quand je me tourne dans mon lit, j'ai beaucoup de difficultés.

13 mai 1917

Dimanche. Je me réveille à 6h. Il me semble que mon bras et mon épaule vont mieux. Je peux me remuer assez aisément. Je bois le demi-quart de thé que je trouve à côté de mon lit. J'ai une faim terrible, mon estomac crie.

A 7h, on nous apporte un quart de café, que je trouve très bon et qui fait du bien.

A 10h, on nous annonce que nous allons pouvoir aller au réfectoire.

A 10h45, bouillon, bœuf, lentilles, vin rouge. Toute l'après-midi, je lis, j'écris et me promène dans la cour.

A 15h et à 18h30, appels des vaccinés pour voir si nous ne sommes pas sortis.

17h45, soupe jus de haricots, bœuf rôti, purée de fèves, eau. Après la soupe, j'écris.

20h30, je me couche et lis dans mon lit.

Orage effrayant de 23h à 0h45.

14 mai 1917

Levé à 6h15. Je suis étonné de voir que mon bras ne me gêne presque plus, je peux le remuer mais ne peux pas tirer avec force du bras droit. 8h à 10h30, culture physique et école du chasseur (je suis chef de classe), il y a quelques exercices de culture physique que je ne fais pas comme la bascule dorsale ou la lutte de traction à la corde.

11h, soupe jus de haricots, bœuf, purée de fèves, cidre.

13h, nous nous rassemblons deux fois pour aller en marche mais comme il pleut un peu, on nous fait remonter dans les chambrées.

De 13h20 à 16h20, théorie sur le fusil 1907-15 et sur le tir.

16h25, nous préparons une revue de treillis.

17h10, le capitaine passe la revue.

17h20, rapport. 17h45, bouillon, bœuf, sauce tomate, pommes de terre, cidre.

18h30, je vais dans ma chambre, me rase et prends du thé.

20h58, je rentre à la caserne.

De 21h25 à 22h, je parle avec le sergent Bocquené, il me raconte des faits de guerre.

15 mai 1917

Levé à 6h.

De 8h à 10h30, culture physique et école de section.

11h, bouillon, bœuf, riz, vin rouge. Je suis désigné au rapport de 10h30 avec 3 autres camarades pour recevoir les auxiliaires qui doivent arriver aujourd'hui; je devrai les conduire du magasin aux chambrées et leur montrer à faire leur paquetage. C'est un excellent filon pour moi.

A partir de 13h, après avoir préparé une revue de petit linge, je suis dans la cour avec mes trois camarades; il y a 27 auxiliaires déjà arrivés, mais on ne peut rien faire car le major n'est pas arrivé.

 

A 14h, j'assiste aux essais de masques à gaz asphyxiants pour une douzaine de gendarmes, j'essaie un masque et en constate l'efficacité.

Ensuite, je monte dans ma chambre et écris une lettre. Je redescends dans la cour, étudie un peu ma théorie et écris encore une lettre. Je fais quelques exercices au portique.

 

A 18h, le major n'est pas venu. Je vais au réfectoire: soupe aux choux, bœuf, haricots rouges, eau.

18h10, j'obtiens avec ma permission signée du capitaine, de sortir 2 livres d'histoire contemporaine de la bibliothèque.

18h25, je sors, vais dans ma chambre et lis un peu d'Histoire de France. A 20h, j'offre le thé à mon ami le Vicomte d'Hérail de Brisis. A 20h59, nous rentrons à la caserne.

A 21h30, je me couche.

Remarque faite par mon chef de section l'adjudant Calviac au sergent Bocquené devant moi :

"Oui, mais Hautrive, c'est la fleur de ma section, c'est lui qui manœuvre le mieux et qui me seconde quelques fois, du reste il n'est pas nouveau dans le métier".

Le sergent me dit en se tournant vers moi:

"On m'avait déjà fait des félicitations sur vous".

Je remercie.

16 mai 1917

Levé à 6h. Après le petit déjeuner, je me renseigne et apprends que je dois continuer (ou plutôt commencer) à m'occuper avec mes 3 camarades des auxiliaires.

Toute la matinée jusqu'à 11h, je m'occupe de les conduire du bureau de la compagnie au magasin où ils touchent 2 paires de brodequins, un képi et un ballot contenant du petit linge.

A 11h, je vais au réfectoire: bouillon, bœuf, purée de fèves, cidre.

A 12h30, j'écris.

De 13h à 15h, je vais m'occuper des auxiliaires et leur montre à arranger leurs lits et leurs paquetages.

A 15h je n'ai plus rien à faire, je retourne dans ma chambrée et écris et lis jusqu'à 16h35.

A 16h40, je retourne avec mes trois camarades pour voir nos auxiliaires dans leurs chambrées. Je leur montre à faire correctement un paquetage et un lit puis je les aide à arranger la chambrée et leur donne quelques détails sur l'appel.

A ce moment, passe le lieutenant Pradel, je m'arrête de parler, le salue et continue. Je suis persuadé que c'est une très bonne note pour moi que le lieutenant m'ait vu et ait entendu les explications que je donnais.

17h30, je les quitte et vais au réfectoire: bouillon, bœuf, lentilles, cidre.

A 18h, je sors et vais dans ma chambre où j'étudie l'histoire de France.

A 20h, je vais commander des livres dans une librairie, puis je retourne à ma chambre.

20h55, je rentre à la caserne et me couche après l'appel.

17 mai 1917

Levé à 6h. Je m'habille pour aller à la messe car c'est aujourd'hui l'Ascension; cet après-midi nous aurons quartier libre.

A 8h, en revenant de la messe, nous devions aller aux douches, puis un contre-ordre, tous à l'exercice; je me "débrouille" avec mon ami de Brisis et ne vais pas à l'exercice; nous allons voir nos "bleus".

11h, bouillon, bœuf, riz, cidre.

12h10, je sors, vais faire des courses et vais dans ma chambre où je prends du thé, je lis et j'écris.

17h15, je rentre à la caserne pour dîner: bouillon, bœuf, pommes de terre, eau.

17h50, je retourne dans ma chambre où j'étudie jusqu'à 20h55. Je rentre à la caserne à 20h58.

Je me couche à 21h40.

18 mai 1917

Levé à 6h30.

De 8h à 9h, théorie sur le fusil et le tir.

De 9h à 9h40, historique du 25ème et du 106ème bataillons de chasseurs à pied.

9h45 à 10h, théorie sur l'action du doigt sur la détente.

11h, bouillon, bœuf, haricots rouges.

13h à 13h50, école de section sur le terrain.

14h à 15h, chambrée, transmission d'ordres. 15h à 16h au réfectoire, causerie par le lieutenant Pradel sur "la guerre de 1870-71" et la guerre de 1914.

Passages particuliers du discours :

"Certains croient que la guerre serait terminée en 3 mois, d'autres en un an, maintenant on se plaint de ne pas très bien manger, que dira-t-on en 1918 ?"

"Ne souriez pas, vous irez au feu, et la classe 19..."

"Souvenez-vous que là-bas un homme valide ne doit pas se rendre, il se fait tuer ou blesser"

"Vous irez tous, et vous n'en reviendrez pas tous"

 

De 16h à 17h, démontage et remontage du fusil.

18h, bouillon, bœuf, lentilles, cidre.

18h10, je sors et vais écrire dans ma chambre.

20h50, je rentre et me couche après l'appel.

19 mai 1917

Levé à 5h40. J'étudie jusqu'à 6h45. Comme hier, il pleut légèrement, on nous fait donc remonter dans les chambrées au lieu d'aller à l'exercice.

De 8H à 9h, théorie sur le tir et le fusil.

De 9h25 à 10h10, causerie du lieutenant Pradel à la salle de réunion, sur l'alcoolisme, la guerre de 1870-71 et les origines de la "guerre de 1914-1920" dit le lieutenant; passages particuliers :

"Quand l'Amérique nous enverra ses soldats, il y aura quatre ans que nous nous battrons"

"Dans 4 ou 5 mois, quand vous y serez"

11h, bouillon, bœuf, purée de fèves, cidre.

De 11h30 à 12h10, je me repose sur mon lit pendant que les camarades se préparent pour la revue à 16h.

 

Pendant la théorie, ce matin, le lieutenant Pradel entre dans la chambrée, écoute la théorie, puis brusquement me demande mon fusil; je lui apporte, il l'examine bien à fond rapidement puis me dit :

« Bien » et me rend mon fusil.

Je remets l'arme au râtelier et reprends ma place à la théorie.

 

Pendant la pause, je prends immédiatement mon fusil et l'examine à mon tour et découvre qu'il y a une petite tache de rouille imperceptible sur le chien et une autre sur la plaque de couche; à ce moment, on nous dit de descendre pour la causerie du lieutenant.

Aussitôt remonté, à 10h15, je prépare mes affaires, pour aller à la soupe, et prends mon fusil pour le nettoyer car connaissant le lieutenant je savais qu'il était capable de venir voir si j'avais laissé ces deux petites taches bien qu'il ne m'ait fait aucune remarque.

Le coup de sifflet nous appelant pour le rapport survient et je me dépêche de remonter mon fusil et de ranger mes affaires, mais j'ai les mains grasses et je vais me les laver au lavabo; enfin, quand j'arrive à ma place, dans la cour, le caporal m'annonce que l'on m'avait appelé pour des lettres et que l'adjudant s'était informé de la cause de mon absence et m'avait donné une corvée.

Je dis simplement "c'est juste".

J'étais ennuyé de cette première punition non méritée et me promettais d'en parler à l'adjudant qui est mon chef de section et qui est toujours très gentil avec moi, quand vers 13h le sergent Bocquené vient m'appeler et sur le palier me dit que l'adjudant Calviac l'a chargé de me dire que je ne dois pas m'affecter de la corvée qu'il m'a donnée, alors je lui explique toute l'histoire et il me dit que :

"Intelligemment, j'avais parfaitement bien fait, mais que militairement j'avais tort, car personne ne m'avait commandé de nettoyer mon fusil à ce moment-là".

 

Puis il me dit que l'adjudant lui avait dit que j'étais le meilleur de la section et que non seulement je faisais bien, mais que "je devais tout faire parfaitement" et que l'on serait plus dur pour moi que pour les autres car je devais toujours donner l'exemple.

Alors j'étais très content non seulement de recevoir ces éloges mais aussi de constater que l'adjudant me tenait en si haute estime qu'il venait me dire de ne pas m'affecter d'avoir cette corvée.

 

Le soir, j'apprends que j'ai la "corvée du bureau" pour demain dimanche.

C'est une corvée choisie parce que c'est la seule que l'on ne fait qu'une fois dans la journée, tandis que toutes les autres se font trois fois.

De 13h à 15h45, je dégraisse mon fusil et me prépare pour la revue d'armes qui doit se faire par le capitaine.

A 16h, sommes tous prêts, le capitaine ne passe qu'à 16h30. Aussitôt après la revue, nous regraissons et remontons nos fusils.

18h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre.

De 18h30 à 20h50 j'écris dans ma chambre.

A 20h55, je rentre et me couche après l'appel.

20 mai 1917

Levé à 5h50.

A 6h50, je fais ma corvée de bureau.

A 7h, je vais à la messe.

A 8h, je vais dans ma chambre où je me rase; ma propriétaire m'offre une tasse de café au lait avec une tartine de pain beurré.

8h30, je rentre à la caserne.

De 8h45 à 9h30, je lave mes treillis, un paire de chaussettes, 2 mouchoirs et un torchon.

10h30, bouillon, bœuf, lentilles, vin rouge. J'apprends que le sergent de semaine m'a donné une corvée (2ème punition) pour avoir fait mon lit ce matin avant les autres.

11h45, je vais dans ma chambre pour étudier.

13h40, je vais à la salle des fêtes écouter une conférence sur "l'effort britannique", par Mr. Rageot, agrégé de l'université, très intéressante.

De 16h15 à 20h50, je reste dans ma chambre et je prends du pain beurré et du thé avec mon ami de Brisis en guise de dîner; nous étudions l'histoire de France.

20h50, nous rentrons à la caserne et je me couche après l'extinction des feux.

21 mai 1917

Levé à 6h15.

A 8h, nous sommes prêts pour une revue par le capitaine.

10h15, revue par le général Faurie, commandant la 4ème région; il nous souhaite la bienvenue et nous baptise "la classe de la victoire".

11h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre.

13h à 16h30 exercice avec le fusil, école de section, école de compagnie.

16h30 à 17h, théorie sur le fusil.

17h45, soupe, bœuf, purée de fèves, cidre.

18h30 à 20h50, je lis et étudie dans ma chambre. Je me couche après l'extinction des feux.

22 mai 1917

Levé à 6h.

De 7h30 à 10h30, marche, terrain de La Beausserie, évaluation des distances jusqu'à 600 mètres, école de compagnie. 11h, bouillon, bœuf, lentilles, cidre.

13h à 14h, culture physique.

14h à 16h15 exercices avec le fusil, école de section, école de compagnie.

16h30 à 16h45 théorie sur le fusil et sur les outils portatifs pour les travaux de retranchement.

18h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre.

18h30 à 20h50, j'étudie et écris dans ma chambre.

23 mai 1917

Réveillé à 5h30, je lis ma théorie jusqu'à 6h puis je me lève.

De 8h à 10h40, marche route de Nantes, instruction des sentinelles.

11h, bouillon, bœuf, riz au lait, cidre.

De 13h à 16h, culture physique, escrime à la baïonnette avec bâtons, écoles de section et de compagnie.

De 16h à 17h, théorie sur le démontage du fusil, sur les marques extérieures de respect, sur la tenue extérieure du chasseur.

17h à 17h30, visite du général Leguay, adjoint au général commandant la 4ème région, qui interroge chasseurs et gradés. Il m'interroge sur les punitions et récompenses et sur les soins aux pieds, je suis à mon affaire et réponds sans hésiter, il me dit: "c'est très bien".

La plupart des jeunes chasseurs interrogés n'ont pas su répondre ou ont hésité.

18h30, bouillon, bœuf, pommes de terre, cidre.

De 19h à 20h50, j'étudie dans ma chambre. Je me couche après l'extinction des feux.

24 mai 1917

Levé à 6h.

De 7h30 à 10h30, exercice avec fusil, école de section, culture physique, exercice à la baïonnette avec bâtons.

11h, bouillon, bœuf, haricots rouges, vin rouge.

De 13h à 16h, exercice, école de section et de compagnie.

De 16 à 17h15, théorie sur les fortifications en campagne.

18h, soupe aux choux, bœuf, lentilles, eau.

De 18h45 à 20h55, je sors, fais quelques courses et vais étudier et manger dans ma chambre. Je me couche à 21h30 et cause avec un camarade qui va partir en permission à Paris demain matin à 1h36. Je m'endors à 23h.

25 mai 1917

Levé à 6h15.

De 7h30 à 9h25, exercice avec fusil.

A 9h25, le capitaine vient sur le terrain et me demande. Je vais me présenter à lui, il me dit de le suivre, d'aller me déséquiper dans ma chambre et de le retrouver au bureau du commandant.

Là, il me donne un travail à copier à la machine à écrire.

Je m'arrête de 11h à 12h30 pour aller à la soupe, faire mon lit et écrire un peu.

Ensuite, je retourne au bureau et je continue mon travail jusqu'à 14h; je cesse jusqu'à 16h car on a besoin de la machine pour d'autres travaux encore plus urgents.

A 16h10, je reviens et reprends la machine jusqu'à 19h.

A 18h, le sergent Cossenet de ma section vient me demander "si cela me ferait plaisir d'aller en permission de 24 heures".

J'ais attendu cette permission (comme tous mes camarades) depuis 8 jours et depuis ce matin, nous avions tous abandonné l'espoir et nous comptions tous rester dans les rues de Nogent-le-Rotrou pour passer les fêtes de la Pentecôte.

J'accepte donc immédiatement pour le lundi de la Pentecôte.

Je demande au sergent de faire prévenir le cuisinier de me réserver à dîner car je viendrai plus tard que les autres. Je finis le travail et le présente au capitaine qui est très satisfait et me dit :

"Ah! Vous avez pu le finir pour ce soir! Oh, c'est bien, je pourrai l'envoyer aujourd'hui encore".

 

A 19h, je vais manger, m'habille et sors. Je vais dans ma chambre un petit moment, puis vais à la salle des fêtes entendre une conférence par Emile Hinzelin sur Verdun.

Conférence remarquable.

Je rencontre là mon ami le sergent Bocquené qui me parle comme toujours très gentiment et avec affection. Il me donne encore quelques détails et me fait comprendre combien "je suis surveillé de près" à chaque instant.

Il me dit par exemple que ce matin "un gradé a vu que le chasseur Hautrive s'est présenté au capitaine sur le terrain de manœuvre d'une façon parfaite, ce gradé a remarqué que le chasseur n'avait pas manqué de suivre le capitaine à sa droite et un demi-pas en arrière, mais il a remarqué que le chasseur a fait 3 ou 4 pas avant de se mettre au pas du capitaine".

Je n'ai pas de peine à chercher et sais que le gradé en question c'est l'adjudant Calviac, mon chef de section. Je suis heureux de constater encore combien cet homme est observateur et fin.

Je rentre à la caserne en compagnie des autres chasseurs ayant assisté à la conférence à 23h10 et me couche aussitôt.

26 mai 1917

Levé à 6h.

De 7h30 à 10h40, exercice, culture physique, écoles de section et de compagnie.

11h, bouillon, bœuf, riz, cidre.

A 11h45, nous descendons les matelas, draps et couvertures et les déposons dans la cour au soleil.

A 14h, rassemblement de la compagnie et départ pour la salle des fêtes où a lieu une conférence spéciale, par un médecin-chef sur l'alcoolisme et les maladies vénériennes.

Cette conférence et deux films sont très intéressants.

A 16h50, nous rentrons à la caserne, nous remontons notre literie et nous faisons nos lits.

18h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre.

A 13h30, l'adjudant Calviac m'appelle ainsi que mon camarade Eckert, et nous dit qu'il est navré d'apprendre que nous ne sommes pas désignés pour aller au Mans passer l'examen d'élèves-aspirants, mais nous ne devons pas nous décourager et que lorsqu'on fera des promotions nous serons les deux premiers de la section à être nommés caporaux.

Il nous dit de continuer à bien travailler et il nous répète que lui-même a déjà six propositions pour sous-lieutenant et qu'il attend depuis 14 mois.

 

De 19h à 20h30, je reste dans ma chambre où j'écris et prépare quelques affaires pour partir demain.

A 20h30, je me repose sur mon lit et involontairement m'endors.

A 21h, Mme Renard, ma propriétaire, vient me réveiller en me disant que 9h viennent de sonner. Je bondis de mon lit, saute sur ma capote et mon képi et je "vole" jusqu'à la caserne où je vois qu'il est 21h15 ! Je monte mon premier étage par trois marches à la fois mais en arrivant sur le palier, je vois l'adjudant et le sergent  de semaine qui sortent de ma chambrée.

Je suis tellement essoufflé que ma respiration précipitée m'empêche de parler, je salue et me mets au garde-à-vous. L'adjudant me dit :

"Enfin, le voilà. Vous mériteriez que je vous tire les oreilles".

Je ne peux rien répondre et pendant qu'ils vont continuer l'appel je rentre dans ma chambrée où je me change car je suis en nage après avoir couru seulement 200 mètres, puis je me couche et dors mal.

27 mai 1917

Dimanche de Pentecôte. Levé à 5h45, je m'apprête pour aller à la messe.

A 7h, je descends et voyant l'adjudant Calviac dans la cour (car c'est lui et le sergent Bocquené, mes deux amis, qui sont de semaine) je vais lui dire que je suis honteux de ce qui m'est arrivé hier soir et je lui explique que je m'étais endormi, et il me dit :

"Allons, n'y pensez plus, cela ne sera rien"

Je vais à l'église, puis dans ma chambre où je me rase et prépare mes affaires dans ma musette. Ma propriétaire me donne une tasse de chocolat et deux tartines de pain beurré.

Je rentre à la caserne à 8h50. Je prépare quelques affaires pour partir.

Vers 10h, je rencontre l'adjudant Calviac et lui demande s'il pense  que je peux aller demander au capitaine de m'autoriser à partir à midi. Il me dit que le capitaine a décidé ce matin de ne faire partir les permissionnaires que par le train de 18h46 et que je n'ai pas beaucoup de chance de réussir.

A 10h10, je vais au bureau du commandant et demande à parler au capitaine. Il me reçoit gentiment, je lui demande s'il peut m'accorder la faveur de partir à Paris par le train de 11h49, il me dit :

"Oui, je peux bien faire cela pour toi puisque tu as bien travaillé pour moi".

 

A 11h, bouillon, bœuf, lentilles, vin rouge. Au milieu du déjeuner, un camarade vient me prévenir que nous sommes cinq qui pouvons partir immédiatement. Je finis de manger, monte dans ma chambrée me mettre en tenue, je descends prendre ma permission et nous partons tous les 5 de mon escouade.

Je vais dans ma chambre pour y prendre ma musette. Nous arrivons à la gare à 11h30 en nage car nous avons pris le pas accéléré sous un soleil brûlant. Le train omnibus arrive à Paris à 15h40.

Je vais voir Mr. & Mme Corbel  et vais avec eux aux Invalides à la Foire de Paris, mais n'y rencontre pas maman.

Je vais chez nous, et y vois ma chère maman. Je vais chez un ami qui est en permission, mais ne le rencontre pas. Je vais chez ma chère Andrée, où maman vient me retrouver.

Nous dînons.

Ma chère Andrée est très surprise et nous sommes très heureux de nous revoir. maman et moi rentrons chez nous à 23h30 et je me couche à 0h50.

28 mai 1917

Lundi de Pentecôte. Levé à 6h30.

A 9h35, je vais chercher ma petite Andrée et vais avec elle à mon bureau où je vois Borloz. Je le quitte à 11h20 et vais aux Invalides, puis je reconduis Andrée chez elle à 12h45.

Je rentre déjeuner avec maman.

A 15h25, je retourne avec maman voir Mr. & Mme Corbel. Je sors avec ma petite mignonne à 15h50, nous allons au Bois de Boulogne où nous faisons de la photo.

Nous restons jusqu'à 18h15, puis nous allons à la gare Montparnasse à 19h où nous retrouvons ma chère maman. Nous allons dîner dans un restaurant aux environs de la gare.

 

Hélas, à 20h, je suis obligé de quitter mes deux chéries. Le commandant de la gare à qui je demande où se trouve le train pour Nogent, me dit que le train de 20h15 est complet depuis une heure et qu'on ne me laissera pas pénétrer  sur le quai.

Voyant que l'entrée du quai est encombrée par environ 150 à 200 poilus, je passe sur le quai à côté et monte dans le wagon à contre-voie. Je le traverse et sur le quai je rencontre l'adjudant Martz et le caporal Boursier. Je monte avec eux et un camarade. Nous nous plaçons dans le compartiment toilette et il y a juste la place pour nous quatre.

Le contrôleur passe et fait payer l'adjudant et le caporal, mais mon camarade et moi nous ne sortons pas de notre petit coin, et le contrôleur passe et nous n'avons pas payé le supplément de 2 francs. L'adjudant nous parle de la guerre.

Nous arrivons à Nogent à 23h25 et à la caserne à 23h40. Je me déshabille et me couche. 

29 mai 1917

Levé à 6h30.

A 8h45, nous recevons notre deuxième piqûre contre la typhoïde à l'omoplate gauche. Cette fois, nous avons deux centimètres cube de sérum.

A 9h, je me couche et écris.

A 11h30, on nous apporte du bouillon (deux quarts).

A midi, les élèves-aspirants viennent  nous dire au revoir. Ils sont tout équipés, outil, sac plein, deux musettes pleines, fusil, casque, masque, médaille, ils s'en vont au Mans. Je lis.

A 13h30, on nous apporte un quart de thé (très bon et bien sucré).

De 14h à 14h45, je dors. Quand je me réveille, je trouve que mon épaule gauche me tire formidablement et je ne suis pas encore malade, mais j'ai un peu faim. J'écris et lis.

16h15, un infirmier vient prendre notre température, j'ai 37°10.

16h30, le lieutenant Pradel et l'adjudant Calviac viennent nous voir. Je lis car je suis fatigué et n'ai pas la force d'écrire.

20h45, l'infirmier vient, je lui demande de prendre ma température car je me sens en grande chaleur, j'ai 39°. Il revient à 21h15 pour me donner un quart de caféine et il m'en laisse encore un quart pour le cas où j'aurais soif pendant la nuit.

A partir de 21h25 ma fièvre  monte et je sue à grosses gouttes du front, des bras, du corps. A deux reprises différentes, je demande à mon camarade  de m'essuyer la tête, je suis très bien couvert et j'entends les gouttes de sueur tomber sur le polochon. Je continue de suer jusqu'à ce que je m'endorme et me sens tout mouillé des pieds au front.

Vers 22h, je donne des instructions à mon camarade de lit pour le cas où j'irais mal pendant la nuit, puis je m'endors avec un léger mal de tête et ne pouvant pas bouger ni le bras ni l'épaule.

30 mai 1917

Je me réveille à 3h, puis me rendors et me réveille ensuite à 5h50. Je n'ai plus de fièvre ni mal à la tête, mais je suis fatigué de rester au lit, je peux remuer légèrement l'avant-bras gauche. Je bois mon quart de caféine en deux fois.

6h30, j'écris. Je me lève à 9h pour aller me faire peser, j'ai 51 Kg, mais je n'ai pas mangé hier, j'avais pourtant 50kg 500 en arrivant.

11h, bouillon, bœuf, pommes de terre, cidre. Pendant l'après-midi, je lis et j'écris.

18h, soupe aux choux, bœuf, haricots rouges, cidre. On nous annonce au rapport que les chefs de section établiront une liste de 10 chasseurs désirant une permission de 24h pour dimanche prochain, par ordre de préférence, parmi les chasseurs n'ayant été ni malades ni punis pendant la semaine. J'espère faire une surprise à Paris.

Je me couche un peu avant l'appel et dors à l'extinction des feux.

31 mai 1917

Levé à 6h. Je ne peux encore pas bouger mon épaule gauche qui est enflée et le sergent de ma section me fait porter malade.

8h15 à l'infirmerie où j'ai été passé la visite du major, on me met une compresse d'eau chaude sur mon épaule. Je passe la matinée à rechercher le paquetage de mon camarade de lit, Jounet, qui revient ce matin de l'hôpital.

11h, bouillon, bœuf, purée de fèves, vin rouge (je ne bois jamais le vin rouge). Au rapport à 10h50, mon chef de section, l'adjudant Calviac, annonce :

"Par ordre du lieutenant Pradel, et jusqu'à nouvel ordre, le chasseur Hautrive  sera chef d'escouade et chef de chambrée".

 

L'après-midi, je reste dans ma chambrée avec mon camarade Jounet.

De 16h30 à 17h, théorie sur l'entretien des effets et des cuirs.

18h, bouillon, bœuf, lentilles, eau.

A 20h, bien que je sois porté malade et que par conséquent n'aie pas le droit de sortir du quartier, je sors et vais dans ma chambre déposer les livres que j'ai apportés de Paris. Je rentre à 20h30.

A 21h, je rends l'appel à mon adjudant et au sergent Bocquené. Je me couche.

1er juin 1917

Levé à 6h.

A 5h, je me suis réveillé et ai lu ma théorie pendant un quart d'heure puis me suis rendormi.

Matin, exercice et tir à 30 mètres, suis classé "assez bon". J'instruis mon camarade Jounet.

11h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre.

 

Après midi, de 13h à 16h30 écoles de section et de compagnie avec arme et culture physique.

17h à 17h30, théorie sur les crimes et délits militaires. (*)

18h, bouillon, bœuf et pommes de terre.

18h30, je vais toucher le prêt de l'escouade au bureau de la compagnie et paie mes hommes.

19h30 à 20h50, je vais dans ma chambre préparer mes affaires pour partir demain et j'écris.

 

(*) : Nous sommes en pleine période des mutineries. Il aurait été intéressant de connaître les mots qui ont été dit durant cette « théorie » !

2 juin 1917

Levé à 6h.

De 8h à 9h10, tir réduit (40 mètres) couché, suis noté "assez bon", école de section.

De 9h à 10h20, je vais avec deux camarades aux douches. En rentrant, sur le terrain de manœuvres, le lieutenant Pradel m'appelle et me parle de l'escouade, il me dit que c'est un "poste de confiance" qu'il m'a donné et que c'est un "travail supplémentaire fatiguant qui n'est pas récompensé puisque je n'ai pas de galons".

 

11h, bouillon, bœuf, riz au gras, cidre.

11h35, nettoyage du casernement, je descends mes affaires et m'occupe de faire descendre les affaires des hommes qui sont de corvée, je fais battre toutes les couvertures, nettoyer la chambrée et les tables, puis remonter la literie et les paquetages.

Aussitôt la chambrée en ordre, nous nous préparons pour la revue d'armes.

15h50, le lieutenant Pradel passe la revue des armes et m'appelle pour me montrer les pièces non dégraissées du chasseur venant du 19ème bataillon qui a été affecté à mon escouade.

Ensuite nous remontons et graissons nos armes et nous nous habillons pour partir.

17h, revue des permissionnaires. 17h30, bœuf, haricots rouges, cidre.

18h, nous partons en détachement à la gare, et je ne peux pas aller dans ma chambre chercher les livres que j'avais préparés. 18h46 le train part.

Avec mon ami de Brisis, nous voyageons en seconde classe sans être dérangés jusqu'à Paris où nous arrivons à minuit.

3 juin 1917

Je marche jusqu'à chez nous où j'arrive à 1h30.

Je mange deux tartines de pain beurré avec une tasse de thé et je me couche. Levé à 6h.

A 10h, je vois ma chère Andrée jusqu'à 11h. Quand je rentre chez nous, maman m'annonce que mon ami Jean (Langerey) est ici.

A 13h15, Jean vient avec sa sœur, je vais avec lui à l'Opéra où je dois voir Andrée. Je ne la vois pas de tout l'après-midi.

A 17h15, nous arrivons au bois de Boulogne où nous rencontrons maman et ma petite sœur. Nous rentrons, je pars de chez nous à 19h20 et arrive Montparnasse à 20h. Je voyage sans billet avec mon sergent de section Cossenet et le caporal Adoux et des camarades de mon escouade.

A 23h15, nous arrivons à Nogent et je saute du train avec Cassenet, Adoux et un camarade.

A 23h40, nous arrivons à la caserne et nous déshabillons un camarade qui est complètement saoul.

4 juin 1917

Levé à 6h.

De 7h30 à 10h35, marche et exercice pratique des sentinelles et petit poste.

11h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre.

De 13h à 16h, culture physique et maniement d'armes.

16h45, théorie sur le fusil et les permissionnaires.

18h, bouillon, bœuf, patates, cidres.

De 19h30 à 20h50, je vais dans ma chambre où j'écris et lis. Je me couche à l'extinction des feux.

5 juin 1917

Levé à 6h.

De 7h30 à 10h40, marche et exercice de petit poste.

11h, bouillon, bœuf, patates, cidre.

De 13h à 16h30, exercice, culture physique: nous nous mettons nus jusqu'à la ceinture; école de section.

A 15h, prise d'armes pour une médaille militaire. Mon adjudant me présente le caporal Muller qui est affecté à la 3ème escouade et qui me remplace. Il me remercie et me félicite de ma conduite comme chef d'escouade. Je l'invite ainsi que le sergent Bocquené à prendre le thé avec moi; ils viendront demain soir.

18h, bouillon, bœuf, riz, cidre. De 19h à 20h45, je vais dans ma chambre où j'écris et saigne du nez. Je me couche à 21h40.

6 juin 1917

Levé à 5h30. Tout est avancé d'une demi-heure aujourd'hui.

A 6h30, jus, pain et confiture.

De 7h à 11h10, marche au terrain de la Beausserie, tir réduit (100 m) de 4 balles à genou, avec appui, avec balles de stand, j'obtiens "passable". Nous mangeons à 11h40 après nous être changés, bouillon, bœuf, lentilles, cidre.

De 14h à 16h30 culture physique (toujours nus jusqu'à la ceinture pendant l'été) et école de section.

16h35, je vais à l'infirmerie prendre un bain de pieds formolisé en prévision de la marche de 15 km de demain.

7 juin 1917

Levé à 5h20.

Réveil 5h30. Petit déjeuner à 6h.

Départ 6h30 jusqu'à 11h10, marche. Déjeuner à 11h30.

Sieste de 12h à 13h45.

De 14h à 16h, exercice et culture physique. 16h5, douches.

A 20h, je reçois dans ma chambre l'adjudant Calviac et le sergent Bocquené et leur offre le thé. L'adjudant est excessivement gentil avec moi et m'annonce que l'on va former un peloton d'élèves-caporaux. Je rentre à la caserne à 20h55.

8 juin 1917

Levé à 5h30.

Matin, de 7h à 9h30, marche au terrain de la Beausserie, confection de gabions, légère pluie.

11h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre. Visite du capitaine au réfectoire.

De 12h à 13h50 pendant la sieste obligatoire, je vais avec l'autorisation de l'adjudant développer ma pellicule avec le sergent Bocquené chez l'aspirant Delamotte.

De 14h à 16h30, exercice et culture physique.

18h, bouillon, bœuf, patates, cidre.

De 19h à 20h, je vais au skating avec le sergent Bocquené.

De 20h10 à 20h50, je suis dans ma chambre. Je me couche à 21h30 à l'extinction des feux.

A 22h40, les camarades me réveillent pour l'exercice de nuit. Je me lève, m'habille et m'équipe. Nous sortons sur la route de Champrond (*) jusqu'à 0h15 et nous faisons des exercices de sentinelles et de petit poste.

 

(*) : Champrond-en-Gâtine, 20 km au nord-est de Nogent-le-Rotrou

9 juin 1917

Levé à 6h50.

Réveil à 7h.

Départ 8h pour la Beausserie : exercice de tir dans une tranchée: tir à 100 mètres d'une tranchée (assez bien). Ensuite nous faisons un peu d'école de section, et nous rentrons à la caserne à 11h45.

Nous nous changeons et allons au réfectoire à 12h10: bouillon, bœuf, lentilles, cidre.

A 12h30, corvée de patates pour la 1ère et la 2ème sections. Avec 5 autres camarades je suis assis autour d'un arbre et j'ai mes pommes de terre entre mes jambes. Un adjudant (Decossiu) de la 11ème compagnie vient et demande les noms de ceux qui étaient assis là.

Flairant les corvées, je me faufile parmi ceux qui sont debout et l'adjudant appelle les six hommes qui étaient assis. Comme je ne savais pas combien nous étions, je ne me présente pas pendant qu'il appelle "le sixième".

Un camarade me dénonce et l'adjudant prend mon nom et m'annonce 8 jours de corvées. Je ramasse les épluchures avec les 5 camarades et je m'amuse bien en roulant la brouette d'épluchures jusqu'au tas d'ordures.

 

A 14h, nous descendons battre nos couvertures et nous commençons à dégraisser nos armes pour la revue à 16h. L'adjudant Calviac passe la revue d'armes à 16h et nous dit qu'il est content de la 3ème escouade qui est certainement la fleur de la compagnie. Il est content aussi parce que ce matin en revenant du tir le capitaine a annoncé à toute la compagnie que c'était la 2ème section qui avait le mieux tiré.

C'est encore la 2ème section et principalement la 3ème escouade qui manœuvre le mieux, la 3ème escouade comprend 15 Parisiens sur 27 hommes.

Nous remontons nos armes. Je fais part de ma punition à mon adjudant.

18h, bouillon, bœuf, patates, cidre. Je sors de 19h à 20h55 et vais dans ma chambre puis à la poste.

Je dors à 22h.

10 juin 1917

Dimanche. Levé à 6h. Je suis de corvée d'escalier.

A 8h, nous nous mettons en tenue pour une prise d'armes.

A 9h, sur la place du général de Saint-Pol, décoration du sous-lieutenant Lallemand de la légion d'honneur et croix de guerre, et de deux sergents de la croix de guerre.

A 9h25, nous rentrons à la caserne. J'en sors à 10h pour aller porter un petit paquet à la poste.

11h, bouillon, bœuf, haricots rouges (vin rouge) cidre. A 11h30, l'adjudant Calviac me fait appeler au mess et me dit que je finirai ma corvée ce soir et que tout est arrangé. Je vais faire mon escalier, me débarbouille et sors à 13h. Je vais dans ma chambre où je lis et j'écris.

De 15h35 à 16h20, je sors et vais voir la Procession  de la Fête-Dieu en ville: c'est le sergent Bocquené qui porte le Saint-Sacrement; je prends deux photos. C'est assez curieux: il y a des reposoirs disposés dans les rues et les habitants tendent des draps le long des boutiques et épinglent des roses et des fleurs à hauteur de tête.

De 16h20 à 17h50, je reste dans ma chambre où je lis et me fais du thé.

18h, je remonte à la caserne pour le dîner: bouillon, bœuf, lentilles, eau.

De 18h40 à 20h50, je retourne dans ma chambre où je lis. Je rentre à la caserne pour l'appel et me couche à 21h45.

11 juin 1917

Réveillé à 5h, levé à 5h50.

De 7h à 10h, marche et exercice d'éclaireurs sur la route de Saint-Jean-Pierre-Fixte. (*)

De 10h à 10h45, théorie sur le fusil 1907-15.

11h, rapport et revue d'effets II (tenue de sortie), bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre.

De 12H à 13h45, sieste obligatoire, j'écris et je lis.

De 14h à 17h, éducation physique, nous commençons les épreuves pour le nouveau classement : 400m en 1'17", puis nous faisons de l'école de section et de l'école du tirailleur.

De 17h à 17h45, théorie sur les cantonnements.

18h, bouillon, bœuf, patates, cidre. Je m'habille pour sortir et le sous-lieutenant Burnier me demande de lui écrire un rapport à la machine et j'attends de 19h à 19h55, j'écris.

Jusqu'à 20h30 je vais dans ma chambre où je lis un peu en mangeant quelques biscuits. En rentrant à 20h55, je remets mon travail au sous-lieutenant Burnier. Je me couche à 21h30.

 

(*) : Village au sud de Nogent-le-Rotrou

12 juin 1917

Levé à 5h40. Je suis de chambrée.

De 7h à 10h, marche à la Beausserie, confection de claies et de fascines.

10h10 à 10h40, théorie sur le masque T.N. contre les gaz asphyxiants (celui que j'ai déjà essayé, le dernier modèle).

11h, bouillon, bœuf, riz au gras, cidre.

De 12h à 13h45 sieste obligatoire, j'écris et lis.

De 14h à 15h, culture physique, continuation des épreuves, saut en longueur sans élan, 2m et avec élan 3m95, grimper à l'arbre 4m.

De 15h à 17h, école du tirailleur et école de section.

18h, bouillon, bœuf, patates, cidre.

De 19h à 20h50, je sors, je vais me faire couper les cheveux et fais quelques commissions puis vais dans ma chambre. Je me couche vers 22h.

13 juin 1917

Levé à 5h40.

De 7h à 11h45, nous allons à la Beausserie pour tirer couché sans appui à 100m (assez bien) et nous faisons les déploiements en tirailleurs.

12h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre. Sieste de 12h45 à 13h45.

De 14h à 15h, continuation des épreuves: 60m en 9"1/5, saut en hauteur sans élan 75cm, grenades moyenne: 23m (3 grenades de chaque bras).

De 15h30 à 17h, mouvements de charger et déploiements de tirailleurs. L'adjudant me nomme chef de la 2ème escouade et mon camarade Eckert chef de la 3ème escouade, nous faisons le déploiement par demi-section et par escouade.

De 17h30 à 17h45, théorie sur les recettes de l'ordinaire.

18h, bouillon, bœuf, patates, cidre. De 18h50 à 20h55, je fais quelques commissions et vais dans ma chambre où j'écris et prends du thé. Je rentre à la caserne et écris jusqu'à 21h45.

e matin pendant le repos après le tir, l'adjudant fait appeler cinq chasseurs de la section pour être élèves-caporaux et il nous place dans cet ordre : Hautrive, Eckert, Vervoerts, Hottot, Guesnet.

L'adjudant m'appelle le premier et me lit les renseignements qu'il va donner sur moi au capitaine. Il insiste sur le mot "fera" en me disant:

 "..... fera un très bon caporal".

Je lui demanderai une copie de cette note car elle est très bonne pour moi.

14 juin 1917

Levé à 5h35.

De 7H à 10h, marche Champrond, cote 186, le Colombier, Nogent. Exercices d'éclaireurs.

A 10h, nous rentrons à la caserne et nous voyons un avion évoluer au-dessus de nous à 50m de hauteur. Immédiatement après avoir rompu les rangs, je me précipite encore tout équipé sur le terrain de manœuvre car je sens que l'appareil a atterri. L'avion a capoté dans un champ de blé sur un pommier, derrière le terrain de manœuvre.

C'est un M.F. 1463 biplace monté par un aviateur russe, moteur Renault 80 HP, 8 cylindres. Le pilote n'est pas blessé, l'avion est brisé, le moteur n'a rien, l'hélice est cassée. Je reste là avec 4 camarades en armes pour monter la garde autour de l'appareil. Nous restons 20 minutes et nous sommes relevés par des inaptes.

11h, bouillon, bœuf, riz au lait, vin rouge (cidre).

De 12h à 13h45, sieste: j'écris.

De 14h à 15h40 continuation de épreuves: lever d'un sac de sable de 18 Kg (38 fois), saut en hauteur avec élan (1m 05) course de 800 m (3'21").

De 16h à 16h45, école du chasseur.

17h, douches.

18h, bouillon, bœuf, patates, eau (cidre).

19h à 20h, je travaille à la machine pour le capitaine.

20h à 20h50, Je vais dans ma chambre écrire. Je me couche à 22h.

15 juin 1917

Levé à 5h50.

De 7h à 10h, je continue d'écrire à la machine pendant que les autres vont creuser des tranchées.

11h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre.

12h à 14h, sieste après les pommes de terre, j'écris et je lis.

De 14h à 17h, culture physique, gymnastique d'application: saut d'un fourré rempli d'eau de 3m de large et 2m de profondeur, passage d'un fossé de 2m50 de profondeur sur un tronc d'arbre de 6 à 7m de longueur, escalade et saut d'un mur de 2m50 de hauteur. Exercice révision de l'école du chasseur et de l'école de section.

17h à 17h30, théorie sur les premiers soins à donner aux blessés.

18h, bouillon, bœuf, patates, salade, cidre.

De 19h à 20h50 je vais dans ma chambre où j'écris. Je m'habille en treillis; pieds nus, et m'étends sur mon lit et dors jusqu'à 21h50.

A 22h50, les camarades me réveillent pour l'exercice de nuit.

De 23h à 0h30, marche et exercices d'éclaireurs. Aujourd'hui à 18h, pendant le rapport, l'adjudant Calviac m'a fait appeler et me dit qu'il a eu beaucoup de mal à me garder dans sa section et qu'il a réussi à ce que je reste avec lui, il m'annonça également que j'étais nommé, dans la nouvelle classification, chef d'escouade à titre définitif, par le capitaine, avec préférence donnée à moi par lui, l'adjudant, sur les élèves-aspirants rentrés hier soir du Mans.

Puis il me dit au sujet de ma note que régulièrement, il ne devait pas le faire, mais que pour moi il le fera. Je le remercie beaucoup et l'assure de tout mon dévouement.

16 juin 1917

Réveillé à 5h30, puis à 6h je lis jusqu'à 6h30 et me lève.

De 7h à 11h30, au terrain de la Beausserie, creusement de tranchées sous un soleil de plomb, rentrons en nage avec nos pelles et pioches sur le dos.

12h, bouillon, bœuf, lentilles, cidre.

De 12h30 à 13h45, sieste: j'écris.

A 14h, pesée par le major: 52 Kg. Nous nettoyons nos fusils.

A 16h, revue d'armes par l'adjudant.

A 17h, le capitaine me fait appeler et me demande de lui faire un petit travail à la machine à écrire. J'écris de 17h à 17h30, et de 18h à 18h30. Je remets mon travail au capitaine et remonte manger dans ma chambrée: bouillon, bœuf, riz au gras, cidre.

19h, je sors, fais quelques commissions et vais dans ma chambre où je me rase. Je rentre à la caserne à 20h50, et me couche à 22h.

17 juin 1917

Levé à 5h20. Je vais à la messe à 7h.

A 9h, prise d'armes dans la cour du quartier pour la remise de la valeur militaire italienne au sergent Lande. Vers 9h45, l'adjudant Calviac passe dans la chambrée et me donne une copie de la note qu'il a donnée au capitaine, voici cette note :

"Hautrive Marceau, matricule 8252 (Paris) - très bon chasseur, énergique, travailleur. Possède toutes les qualités nécessaires pour faire un excellent chef d'escouade. A déjà rempli ces fonctions où il ne s'est jamais attiré d'observations. Titulaire du B.A.M. (Brevet d'Aptitude Militaire). Fera un bon caporal".

 

Je le remercie encore une fois.

11H, bouillon, bœuf, haricots, cidre. Je sors et vais dans ma chambre de 12h à 17h40, je lis et j'écris. 18h, bouillon, bœuf, patates, eau (cidre). Je retourne dans ma chambre de 19h à 20h50.

Je me couche à 22h30.

18 juin 1917

Levé à 4h50.

De 6h à 9h, marche, route de Dancé et exercices de sentinelle et petit poste. Première marche avec sac et clairon.

De 9h20 à 10h, théories sur l'épée-baïonnette et les balles françaises (D) et allemandes (S et SMK).

De 10h à 10h30, nettoyage des armes. 11h, bouillon, bœuf, lentilles, cidre. De 12h à 14h, sieste.

De 14h à 14h30, mêmes théories que ce matin.

De 14h30 à 16h, culture physique: jeux et exercices, escrime à la baïonnette avec bâtons, lancement de grenades d'une tranchée à une autre, école du chasseur. Un violent orage nous oblige à rentrer dans les chambrées où nous nous préparons pour une revue d'armes.

A 17h, quand tout est prêt, on vient nous dire qu'il n'y a pas de revue et que nous pouvons remonter nos fusils. 18h, bouillon, bœuf, lentilles, cidre.

De 19h à 20h50 je vais écrire dans ma chambre et prendre du thé, puis je fais quelques courses.

De 21h30 à 22h20, je parle avec le caporal Muller (notre caporal).

19 juin 1917

Levé à 5h.

De 6h à 10h, terrain de la Beausserie, tir à 200m, debout dans une tranchée (nul). Nous rentrons avec la pluie et nettoyons nos armes jusqu'à 10h35.

A 10h40, nous touchons un masque à gaz T.N.

11h, bouillon, bœuf, riz au gras, vin rouge.

De 12h à 14h sieste: j'écris. De 14h à 16h, culture physique et exercice.

A 16h, orage, nous rentrons, nettoyons les armes et passons à la théorie sur les masques à gaz.

18h, bouillon, bœuf, patates, cidre.

De 19h à 20h50, je vais dans ma chambre où je lis.

Je me couche à 21h45;

20 juin 1917

Levé à 4h40.

De 6h à 10h, terrain de la Beausserie: creusement de tranchées. Visite du colonel de la Vigerie qui fait rassembler les élèves-aspirants non reçus et nous fait un petit speech de condoléances.

De 10h à 10h45, théorie sur les cantonnements.

11h, bouillon, bœuf, lentilles, cidre.

De 12h à 14h, sieste: j'arrange toutes mes affaires et vais photographier trois caporaux.

De 14h à 16h, exercice et culture physique.

16h, orage, nous rentrons: c'est le troisième jour, c'est notre "4 o'clock storm", notre orage de 4h.

A 16h30, le capitaine rassemble tous les candidats élèves-caporaux.

L'adjudant me dit que j'ai la 6ème escouade. Le capitaine nous questionne un peu, nous sommes 59 en tout.

De 17h à 17h30, théorie sur les rations d'alimentation.

18h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre.

De 19h à 20h50, je vais dans ma chambre où j'écris. Je me couche à 21h45.

21 juin 1917

Levé à 4h50. De 6h à 9h, marche: la Beausserie, bois, cote 200, Nogent, exercice d'éclaireurs et avance en ligne d'escouades par un.

A 8h40, violente pluie, nous revenons sous la pluie.

De 9h à 10h, nous nous changeons et nettoyons nos armes.

De 10h à 10h45, théorie sur le fusil et tir.

11h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre.

De 12h à 13h30, sieste: je lis et écris.

De 13h30 à 14h30, nouveau classement dans la cour: je suis chef de la 6ème escouade et j'ai 14 hommes dont 8 sont cultivateurs.

De 14h30 à 16h15, déménagement, nettoyage de la chambrée et des armes.

16h30, revue d'armes par l'adjudant.

17h, revue de casernement par le capitaine. Comme chef d'escouade, je suis exempt de revue d'armes.

De 17h15 à 17h45, théorie sur les atrocités allemandes et le fusil 1907-15. 18h, bouillon, bœuf, patates, cidre. Je vais dans ma chambre de 19h à 20h50. Je me couche à 21h45.

22 juin 1917

Réveillé à 4h30. Levé à 4h45.

A 6h, nous sommes tout équipés pour aller au tir, mais comme il pleut, nous ne sortons pas et le sergent rassemble la section et fait des théories sur le cantonnement.

A 7h40, je vais au rassemblement des gradés par le capitaine dans la salle de réunion. Il nous donne des indications pour mettre la toile de tente sur le sac ainsi que les gamelles, bouteillons, seaux.

A 8h15, nous remontons (les gradés et les chefs d'escouade) dans les chambrées et je fais une théorie à mes hommes d'après les indications du capitaine.

A 10h15, le capitaine passe dans les chambres et dans ma chambrée, les sacs ne sont pas encore prêts, je les fais recommencer.

10h45, rapport.

11h, bouillon, bœuf, riz au lait, cidre.

A 11h50, je vais aux lettres pour mon escouade. Pendant toute la sieste, je m'occupe de ma chambrée et de mon escouade. Je fais refaire quelques sacs.

 

13h30, revue des sacs par l'adjudant.

13h35, je vais toucher des outils pour mon escouade et les distribue.

A 14h30, nous partons à l'exercice, sans sac.

De 14h35 à 15h, culture physique et escrime à la baïonnette avec bâtons. L'adjudant me fait sortir du rang pour corriger les positions et les mouvements d'escrime.

De 15h10 à 15h30, école du chasseur: le sergent Cossenet (chef de la demi-section) me fait sortir du rang pour corriger les mouvements. Je remarque que pendant 10 minutes le capitaine qui est sur le terrain, m'observe et regarde tout ce que je fais pour montrer aux hommes comment il faut manœuvrer.

A 15h30, le capitaine m'appelle et me dit de rassembler tous les élèves-caporaux. Je cours aux quatre coins du champ de manœuvre et rassemble les élèves-caporaux.

15h40, le capitaine nous fait exécuter quelques mouvements d'école de section. L'orage éclate, une averse tombe, nous rentrons vers la caserne. Arrivés à 100m de la caserne, la pluie s'arrête et nous revenons sur le terrain où nous continuons de manœuvrer.

Le capitaine nous explique la méthode d'instruction à l'invitation et au commandement, puis il interroge et fait expliquer certains mouvements.

Puis il dit:

"Voyons, quelqu'un qui commande bien..... Voyons, Hautrive, prenez le commandement et faites rentrer la section".

 

Je fais rompre les faisceaux et fais exécuter quelques mouvements puis emmène la section, et j'arrête cette section de 50 hommes environ, marchant en colonne par 4, au commandement de "Sur ligne, face à gauche, halte".

Ce que l'on ne fait que très rarement jusqu'à présent. Le capitaine et 2 ou 3 officiers sont dans la cour. Je fais faire les mouvements de maniement d'armes et fais rompre. Tout est très bien exécuté et je vois le capitaine sourire, satisfait.

De 16h30 à 17h, théorie par le sous-lieutenant Barbier sur les "crimes allemands". De 17h à 18h10, réunion des gradés. Le capitaine nous montre comment il faut disposer les toiles et piquets de tente. 18h15, bouillon, bœuf, patates, cidre. Je vais dans ma chambre de 19h10 à 20h45. Après l'appel, je me prépare, me mets en tenue pour l'exercice de nuit.

A 22h15, je me repose sur mon lit jusqu'à 22h50.

De 23h à 0h10, exercices de nuit: patrouilles et sentinelles, terrain de manœuvre. Je me couche à 0h25.

23 juin 1917

Réveillé à 5h, j'écris dans mon lit, le réveil doit avoir lieu à 7h.

A 6h40, le sergent de semaine vient demander l'appel de nous dit "Debout!".

Tous les hommes sont levés, je suis seul encore au lit, je me lève et à 6h50 un chasseur vient annoncer dans la chambrée "soupe à 7h".

 

A 7h exactement, on siffle pour la soupe; nous restons rassemblés dans la cour jusqu'à 7h37 puis allons au réfectoire prendre de la soupe et un quart de café. Le sergent Cossenet de la première demi-section étant de garde, le caporal Muller s'occupe des légumes à toucher pour la demi-section, puis il me dit de m'en occuper.

Alors je suis très occupé: il faut que je surveille si les hommes de mon escouade sont bien équipés, que je fasse attention que la chambrée, que je m'occupe de distribuer le pain; la viande, les haricots, le vin à certains hommes de la demi-section, je prends note de noms de ceux à qui je remets quelque chose.

 

A 8h, rassemblement, je m'équipe et dois encore aller chercher le vin que le caporal avait oublié de prendre. Toutes les sections sont en retard par la faute du sergent d'ordinaire qui n'a pas bien fait la distribution du café et du sucre.

A 8h30, nous partons pour la Beausserie. Nous avons tous le sac avec toile de tente et gamelle, un outil (j'ai une cisaille), une musette, le bidon, les cartouchières, la capote. Arrivés à la Beausserie à 9h30, nous nous déséquipons et ne conservons que les cartouchières sur le treillis et nous faisons un peu d'école de chasseur par escouade. Pendant une pause, l'adjudant Calviac me fait signe d'aller à lui, il me dit:

"Vous savez Hautrive, vous êtes bien coté par le capitaine. Il vous estime beaucoup. C'est vous qu'il cote le mieux de la compagnie. C'est très bien, Hautrive, vous arriverez; vous avez son estime et sa confiance, c'est tout ce que vous pouvez avoir".

Je lui dis :

"Je vous remercie car c'est grâce à vous, tout cela"

Et il me répond :

"Mais non, mon petit ami, c'est parce que vous le méritez".

 

A 10h45 je passe au tir au but, couché, sans appui à 250m. Je fais 4 balles, 6 points.

A 12h on sonne la soupe, nous allons aux faisceaux et le capitaine rassemble les corvées d'eau et de bois.

On fait un feu par demi-section, je m'occupe de surveiller les corvées de bois de ma demi-section, le caporal Muller prépare le feu pour faire le café. Je rassemble mon escouade avec la 5ème et distribue viande, haricots à l'huile, pain, vin rouge.

Nous mangeons bien.

Ensuite, nous prenons le café. On appelle aux lettres, je vais chercher celles de mon escouade.

 

A 13h, rassemblement. Nous prenons nos toiles de tente et montons les tentes en avant des faisceaux. Une fois les tentes prêtes, le capitaine fait sonner l'appel, nous nous mettons sous les tentes par groupe de  chasseurs avec nos sacs, puis il fait sonner l'extinction des feux et deux minutes après le réveil.

Alors tout le monde sort des tentes et nous démontons les tentes que nous replaçons sur les sacs.

A 14h45, exercice de creusement de feuillées, par escouades.

A 16h30, nous repartons pour la caserne. Dans Nogent, tout le monde sort ou se met aux fenêtres pour nous voir passer, clairons en tête, équipement complet, l'arme sur l'épaule, au pas cadencé vif. C'est notre première sortie dans cette tenue.

De 17h30 à 18h, je fais nettoyer les armes et brosser les cuirs. 18h, bouillon, bœuf, patates, eau. De 19h30 à 20h50 je vais dans ma chambre où j'écris et prends du thé. Je vais trouver le sergent Bocquené pour me confesser, mais comme il dort, je lui laisse un mot. Je me couche à 22h.

24 juin 1917

Le sergent Bocquené vient me réveiller à 5h45 en me disant :

"Ah! Quand on a la conscience tranquille, on dort bien"

 

Je me lève aussitôt, mets ma culotte et les chaussons sans les attacher et je vais dans sa chambre où je me confesse.

A 6h30, café, pain et confiture; je monte ma part dans ma chambrée pour la manger en revenant. Je pars à la messe où je vais communier, après avoir laissé mes instructions pour le battage des couvertures et le nettoyage de la chambrée.

En sortant de l'église, je vais dans ma chambre où Mme Renard me donne une tasse de chocolat et deux tartines de pain beurré. Je rentre à la caserne à 8h30 et prépare la chambrée pour la revue du capitaine à 9h30. Le capitaine arrive  en retard et ne passe la revue qu'à 10h30.

 

A 11h, bouillon, bœuf, haricots rouges, vin rouge.

12h, je surveille la corvée de pommes. Je sors à 12h30 et vais dans ma chambre écrire une lettre.

A 14h je sors et vais retrouver le caporal Adoux et sa femme et le caporal Muller. Je prends le café avec eux chez Pottin et je les photographie à 15h45 dans un jardin; je mange des cerises avec eux dans ce jardin. Ensuite je vais au skating où je patine de 16h à 17h.

A 17h je prends quelques photos de Mme Renard et sa fille Madeleine et de ses amis Mr. & Mme Letellier. A 17h45 je vais prendre le café avec Mr. Letellier, gardien  du foyer du chasseur, au café de la comédie.

18h, je rentre à la caserne: soupe aux choux, saucisson, patates, eau. J'ai une permission de minuit, je vais écrire dans ma chambre de 19h à 20h15. Je vais prévenir un camarade que je n'irai pas au cinéma comme je le lui avais promis. Je retourne dans ma chambre à 21h où je prends du thé. J'écris jusqu'à 23h45.

Je rentre à la caserne à 23h50 et me couche à 0h15.

25 juin 1917

Levé à 5h par le clairon.

De 6h à 9h20 marche route de Dancé, exercice de patrouilles dans le bois de la Beausserie.

De 9h30 à 10h20 théorie sur les cantonnements et les ouvrages de fortifications.

11h, soupe aux choux, gigot, haricots rouges, cidre.

De 14 à 17h40 exercices et culture physique: j'instruis trois chasseurs de la section revenant de l'hôpital, exercice à la baïonnette et grenades.

De 17h40 à 18h15 réunion des gradés.

18h15, bouillon, bœuf, patates, cidre.

De 19h15 à 20h45 je vais écrire dans ma chambre.

21h15, je fais une liste des réparations à faire aux effets de mon escouade. Je me couche à 22H.

26 juin 1917

Levé à 5h par le clairon.

De 6h à 9h15, la Beausserie, remplissage de sacs de terre et confection de créneaux.

De 9h25 à 10h30 pose d'une couverture et de la toile de tente sur le sac.

11h, bouillon, bœuf, haricots rouges, cidre. 13h, je vais porter les effets à réparer avec un chasseur chez le tailleur.

13h30 nous préparons une revue qui n'a pas lieu.

De 14h à 14h20 théorie sur la culasse mobile et le cantonnement.

De 14h30 à 17h exercice lancement de grenades.

18h, bouillon, bœuf, patates, cidre.

De 19h à 20h30 je patine au foyer du Chasseur.

27 juin 1917

Levé à 5h, départ à 6h pour la Beausserie où nous tirons (à genou à 200m, sans appui, 1 balle, 1 point). Nous déjeunons sur le terrain, bœuf, haricots à l'huile, vin rouge, café.

Nous partons à 15h pour Condé-sur-Huisne (*) où nous allons cantonner.

Nous arrivons à 17h et commençons à nettoyer et installer la grange qui nous est affectée. Nous sommes très bien dans cette ferme, nous avons de la paille plein la grange, 1m de hauteur comme minimum et 5 ou 6m dans un coin comme maximum. Nous allons manger aussitôt après nous être débarbouillés et avoir aménagé la grange, nous mangeons le rata (bœuf et patates) vin rouge, café, tout cela fait par les deux cuisiniers de la section qui sont arrivés avant nous.

A 21h je vais rendre l'appel de mon escouade au poste avec les trois autres chefs d'escouade.

 

(*) : 5 km au nord de Nogent-le-Rotrou

 

feather

Curieusement, il manque 3 mois…

 

24 septembre 1917

Aujourd'hui, ce matin, en rentrant de permission de Paris 24h, j'apprends qu'un ordre est arrivé demandant 100 chasseurs. Dans le courant de la journée, j'apprends tour à tour que ces 100 premiers seront pris par ordre de matricule, puis que l'on prendra les deux premières sections, puis ce sera par date de naissance que l'on prendra les plus âgés, puis les plus jeunes.

Dans la soirée à 21h, je sais enfin que ce sera par ancienneté d'âge et que je suis désigné pour partir. Ce premier détachement doit être prêt à partir pour le 1er octobre pour aller à Laines-aux-Bois, à environ 8 km de Troyes.

Pendant toute la journée gradés et chasseurs n'ont fait que parler de cette nouvelle, ce matin aux travaux de campagne presque personne n'a travaillé, les gradés formaient des groupes et les chasseurs des attroupements.

25 septembre 1917

Ce matin, exercice de sûreté en station sur la route de Champrond. Nous mangeons pommes, poires, noix, noisettes.

L'après-midi, pesé: 54,500 kg, ballon militaire, école de section.

Ce soir, j'apprends que nous partirons soit lundi prochain le 1er, soit le mercredi 3. En rentrant à la caserne, je vois la liste du premier détachement.

L'adjudant Calviac m'annonce que d'après une circulaire de la région arrivée ce matin qu'il a vue, il croit qu'il va partir et il croit que nous allons nous quitter "pour toujours". La circulaire prescrit que seulement deux adjudants doivent rester avec la classe 18.

L'adjudant Calviac m'explique qu'il a autant de chances de partir que de rester. Cette nouvelle m'ennuie.

26 septembre 1917

Nous sommes passés (le premier détachement) en revue par le capitaine Pinart et par le commandant du dépôt, en tenue de départ.

Le capitaine Pinart nous répartit en huit escouades. Je suis chef d'escouade de la 6ème.

27 septembre 1917

Nous partons à 6h30 pour Rémalard où nous allons cantonner.

Nous arrivons à 11h30, préparons le cantonnement et mangeons. Nous devions aller à 14h à un concert donné par les chasseurs, mais à 12h45 un agent de liaison vient me prévenir pour la 2ème section, qu'il n'y aura pas de concert mais 2 revues par deux généraux différents.

Immédiatement, nous nous remettons en tenue de campagne comme nous étions arrivés.

A 15h30, revue par le général Faurie, commandant la 4ème région.

A 17h, revue par le général Leguay, adjoint au général Faurie.

A 20h30 concert par les chasseurs. Un homme de mon escouade est malade. Je m'occupe de prévenir le sergent de semaine, l'infirmier, l'adjudant de semaine et je fais transporter le malade de notre écurie à l'hôtel du Cheval Blanc où on le couche dans un lit et  où un médecin et le capitaine viennent le voir.

Je retourne au concert jusqu'à minuit. Je me couche dans ma grange à 1h.

28 septembre 1917

Réveil sonné en fantaisie par tous les clairons à 6h. Je suis levé depuis 5h.

Départ à 7h pour Nogent où nous arrivons à 10h30.

L'après-midi, douches.

29 septembre 1917

A 16h50, je saute dans l'express et à 20h40 j'embrasse maman.

Nous dînons et à 21h54 nous sommes à la gare Saint-Lazare attendant ma chère petite sœur Denise revenant de Londres. Nous sommes tous trois très heureux, nous rentrons chez nous pendant que Denise nous raconte des histoires de son séjour à Londres.

30 septembre 1917

Je m'occupe avec Denise d'aller chercher ses bagages.

Andrée vient nous voir l'après-midi et maman est heureuse d'avoir ses trois enfants auprès d'elle. Nous passons l'après-midi chez nous, je quitte maman et Denise à 19h pour aller prendre mon train.

Maman pleure parce que je vais probablement partir la semaine prochaine dans la zone des armées et parce qu'elle ne me reverra que dans un mois lors de ma permission de détente.

1er octobre 1917

Pas de nouvelles au sujet de notre départ.

L'après-midi on nous distribue les outils et les campements.

2 octobre 1917

Rien de nouveau.

3 octobre 1917

Encore rien de nouveau. Nous continuons d'aller à l'exercice avec la compagnie.

6 octobre 1917

Je pars à 16h50 et arrive chez nous à 20h40.

Maman m'attendait, bien que je ne l'aie pas prévenue.

7 octobre 1917

Je reste toute la journée chez nous à lire. Rien d'important.

8 octobre 1917

Pas de nouvelles au sujet du départ.

A partir de ce matin, le détachement manœuvre à part des autres sections.

Ce soir je vais voir l'adjudant Calviac et le sergent Bocquené dans la chambre de l'adjudant, je reste avec eux de 19h15 à 21h. Je leur donne à chacun ma photographie. Le sergent Bocquené me prend dans ses bras et nous nous embrassons.

Vers 20h viennent Jean Duchaussoy et Lucien Darry.

9 octobre 1917

L'après-midi nous faisons une marche-manœuvre de 15 kms environ sous la pluie.

10 octobre 1917

Le matin, nous touchons une gamelle pour notre collection de guerre et nous changeons nos souliers de repos pour une deuxième paire de brodequins de marche, mais usagés.

11 octobre 1917

Manœuvre de 12 kms environ.

Le soir, je vais passer un moment de 19h30 à 21h avec l'adjudant Calviac, le sergent Bocquené et mes camarades Jean Duchaussoy et Lucien Darry.

12 octobre 1917

Je vais encore passer la soirée avec mes amis l'adjudant, le sergent, Jean et Lucien. L'adjudant m'embrasse avec une profonde affection. Je forme le projet de lui écrire une lettre.

On nous annonce au rapport de 18h, le départ pour jeudi 18 octobre.

13 octobre 1917

Le matin, nous tirons à 200m sur silhouettes avec  le sac et le masque. Je prends le train à 18h50 et arrive à Paris à minuit.

14 octobre 1917

Je passe la journée avec maman, Denise et Andrée qui vient nous voir dans l'après-midi.

15 octobre 1917

L'adjudant Calviac m'annonce qu'il va peut-être partir avec nous parce qu'une circulaire dit qu'il faut deux sous-officiers, mais ne spécifie pas que ce doit être deux sergents.

Je suis très heureux et souhaite qu'il réussisse à venir avec le premier détachement. Il va se faire habiller aujourd'hui.

Le soir, je vais dans la chambre du sergent Bocquené où je le trouve avec Jean et où l'adjudant vient nous rejoindre peu de temps après.

Je lui remets une lettre que je lui ai écrite, il m'en remercie et m'embrasse.

16 octobre 1917

Le matin, exercice sur le terrain.

Après midi, nous rendons nos affaires et prenons définitivement notre tenue complète de guerre. On nous distribue nos livrets individuels et nos deux médailles. (*)

L'adjudant n'a pas encore de réponse au sujet de son départ, mais il est prêt.

Le soir je suis fatigué, j'ai les deux pieds foulés et je me couche.

 

(*) : Ce sont les médailles qui permettent l’identifications d’un cadavre.

17 octobre 1917

Nous sommes passés en revue par le capitaine à 8h30 dans les chambres et à 10h dans la cour avec l'équipement complet.

A 14h, nous avons une revue par le colonel de la Vigerie, commandant la subdivision d'Eure et Loir, qui vient nous faire ses adieux et nous dit qu'il est content de nous voir en bonne santé.

A 16h je vais avec un homme toucher le pain, le saucisson et le vin, pour demain.

A 17h, le sergent Bocquené m'annonce la bonne nouvelle que l'adjudant va partir avec nous.

Le soir je vais voir l'adjudant dans sa chambre et je l'aide avec le sergent Bocquené à faire sa cantine; je lui couds un bouton à sa capote.

18 octobre 1917

A 3h réveil en campagne. Je vais immédiatement réveiller l'adjudant comme il me l'avait demandé. Rassemblement du détachement à 4h dans la cour.

Le capitaine Pinart nous fait entrer dans le réfectoire où il nous fait ses adieux. Il a les larmes dans les yeux et il fait presque pleurer tous les chasseurs. Il nous dit qu'il avait fait une demande pour partir avec nous mais qu'elle lui a été refusée.

Nous partons, clairons en tête, et nous arrivons à la gare à 4h30. Il pleut sans arrêt.

 

Nous prenons nos places dans 4 wagons. Dans mon compartiment nous sommes six, nous avons de la place et sommes assez bien. En attendant le départ qui devait être à 4h49 mais qui est retardé nous dit-on de 1h20, nous pouvons descendre de wagon.

Je demande à l'adjudant d'offrir au capitaine et aux lieutenants Bès et Barbier des photos que j'ai prises d'eux il y a quelque temps. Je parle avec l'adjudant Martz, puis avec le sergent Bocquené.

Nous montons en wagon, le capitaine vient nous serrer la main et nous dire au revoir. Il me remercie de mes photos.

 

Nous partons à 6h45.

On place nos 4 wagons en avant d'un train qui vient de Brest et dans lequel il y a 1.500 soldats du 70ème d'infanterie qui viennent avec nous. Le train part au son de la Sidi-Brahim.

Nous passons par Chartres, Montargis, Sens, Troyes.

Du 19 oct. au 13 déc. 1917 : Humbeauville (Haute Marne), cantonnement

19 octobre 1917

Nous arrivons en gare de Sompuis (Marne) à 7h.

Nous débarquons avec le 16ème chasseurs et le 70ème d'infanterie. Nous sommes passés en revue à côté de la gare par le colonel commandant le Centre d'Instruction d'Infanterie.

Puis nous partons, le 16ème et le 25ème (car les biffins restent à Sompuis), au son de nos sept clairons, le 25ème en tête.

 

Nous arrivons à Humbeauville qui est à 3 km 500 de Sompuis. La fanfare vient nous chercher à 100m du village et nous défilons devant le commandant Boyer-Ressés, commandant le groupe des chasseurs, qui est amputé du bras gauche.

Nous formons les faisceaux à l'extrémité du village puis on nous classe par ordre de matricule et on me donne la 2ème escouade de la 1ère section. Le sergent Leclerc qui fait ce nouveau classement nous dit que nous serons les premiers à partir en renfort et que dans une dizaine de jours nous commencerons les stages.

Une fois classés, nous entrons dans une baraque où nous déposons nos sacs et équipements, puis nous allons chercher des paillasses et des couvre-pieds et un sac de couchage avec quoi nous faisons nos lits sur des cadres de bois avec un treillage de fil de fer qui sont placés dans la baraque.

Ensuite nous envoyons des hommes chercher la soupe et nous mangeons très bien (bouillon, bœuf, haricots rouges au lard, confiture, vin rouge).

 

L'après-midi, revue en tenue de campagne sans sac par le commandant. Il nous fait une singulière réception avec des expressions dégoûtantes, nous manœuvrons devant lui. Il nous fait un speech à nous et au 16ème, il nous dit qu'il y a une discipline de fer ici et  nous répète la devise du cantonnement, que nous avons lue en arrivant, au-dessus de l'entrée de la salle de service et qui est "marche ou crève".

 

Il nous dit aussi que les punis de la semaine font le dimanche une marche de 25 kms avec tout le barda complet. Il nous dit enfin qu'ici il n'y a pas de malades, qu'il n'en veut pas, qu'il faut « marcher ou crever», mais qu'on n'est pas malade.

20 octobre 1917

Le matin, douche et visite médicale d'arrivée.

L'après-midi, je vais au bureau car j'ai mal au pied.

21 octobre 1917

L'après-midi, au cours d'une séance de concert au foyer du chasseur, le commandant nous dit :

"Hein, les petits, les grognards sont des hommes qui se sont battus pendant vingt-cinq ans, alors vous en avez encore pour vingt-deux ans!"

22 octobre 1917

Je vais encore au bureau de la compagnie toute la journée.

23 octobre 1917

Je vais à l'exercice.

Le matin, école de section, et instruction du fusil-mitrailleur.

Après-midi, pluie, théorie sur le démontage du F.M. De 14h à 16h30, interrogation des élèves-caporaux des 8ème, 16ème, 19ème, 25ème, 26ème et 29ème B.C.P. par le capitaine adjudant-major Lhuillier.

De 17h à 19h, conférence par le commandant Boyer-Ressés aux officiers, gradés et élèves-caporaux de tous les bataillons.

24 octobre 1917

Matin, tir à 100m et à 300m en plein champ sur demi-silhouettes bleues.

Après-midi, défilé, manœuvre en lignes d'escouades et marche par Le Mextiercelin, de tout le groupe.

25 octobre 1917

Aujourd'hui, jeudi, repos et travaux de propreté.

A 7h, mon escouade est désignée de corvée de cuisine où nous nettoyons. Je passe la soirée avec l'adjudant Calviac et Jean Duchaussoy. Nous nous promenons sur la route de 18h30 à 20h15.

26 octobre 1917

Matin, tir à 100m et gymnastique Hébert. (*)

Après-midi, escrime à la baïonnette et gymnastique Hébert. Je suis proposé pour liaison.

27 octobre 1917

Matin, lancement de grenades O.F.

Après-midi, gymnastique Hébert et escrime à la baïonnette. Jean et moi allons voir l'adjudant qui nous fait lire des lettres qu'il a reçues de Lucien (Darry)  et du sergent Bocquené et nous en remet une du sergent qui nous est destinée.

 

(*) : La méthode Hébert propose des exercices collectifs pouvant rassembler plusieurs centaines de participants.

La méthode Hébert prétend aussi façonner les caractères autant que les corps et elle a connu un grand succès après la première guerre mondiale.

 

28 octobre 1917

Dimanche. Matin, nettoyage. Après la soupe, nous, les élèves-caporaux, déménageons toutes nos affaires y compris notre literie (pieds de châlit avec treillage, sac de couchage, 4 couvre-pieds, une paillasse et un polochon en paille dure comme du bois).

Nous nettoyons notre nouvelle baraque, et à 9h du soir (extinction des feux) nous n'avons pas encore fini. Après la soupe du soir, le capitaine Lhuillier (qui va nous diriger) nous rassemble et nous fait un speech encore plus singulier que celui du commandant. Il nous parle en brute et  nous traite pas comme des hommes mais comme des bêtes. Il ne parle que de nous boucler.

Le soir en me couchant, je suis bien fatigué.

29 octobre 1917

Première journée au peloton. Sommes commandés par un jeune lieutenant à deux galons de la classe 16.

Matin, tir à genou à 100m (7 balles sur 8 sur silhouettes).

Après-midi, formation de la section Pétain. Défilé devant le général Pershing qui dit qu'on "lui en a bouché un coin".

Aujourd'hui, je suis fonctionnaire chef d'escouade.

Le soir je vais avec Jean voir l'adjudant et nous lui contons notre martyre.

30 octobre 1917

Matin, gymnastique Hébert, préparation au tir, signalisation.

Après-midi, formation de la section Pétain, manœuvre sous bois, tir à genou à 300m sur silhouettes (5 balles mises sur 6 en 30 secondes). Nous ne sommes que deux qui avons 5 balles mises.

J'entends le capitaine Lhuillier traiter les élèves-caporaux de : cochon, salaud, bande de panouilles, lève ta patte, ferme ton museau.

Nous rentrons de l'exercice toujours après les autres compagnies, d’une demi-heure à une heure. Pouvons pas sortir ce soir, le sergent nous dicte une théorie sur le tir.

31 octobre 1917

Matin de 7h à 9h, exercice à 200m de notre baraque.

Nous mangeons à 9h30.

A 11h nous rentrons dans nos compagnies pour une manœuvre.

Départ à midi. Nous retraçons en manœuvre la marche des chasseurs pendant la bataille de la Marne (l'attaque de la ferme de la Certine).

Nous rentrons à 18h15, fatigués de la marche sous bois et en terrains cultivés. C'était intéressant, les deux vagues d'assaut en pleins champs devant les tranchées françaises, les tombes françaises et allemandes, en rencontrant des fragments d'obus et des trous d'obus.

Le soir, après la soupe, théorie sur l'alphabet Morse.

1er novembre 1917

Réveil aujourd'hui à 6h30 au lieu de 5h30. Je vais à la messe à 9h. Nettoyage du casernement et travaux de propreté jusqu'à 14h. Je vais avec Jean voir l'adjudant Calviac jusqu'à 16h30. Il nous apprend qu'il va partir dimanche à Saint-Hilaire-du-Temple, près de Châlons, pour faire un stage de signaleur.

Il nous donne également des nouvelles du sergent et de Lucien.

 

Après la soupe, j'écris pendant que dans la baraque, les camarades font un concert.

Nous entendons le canon du front qui gronde sans arrêt.

Alerte d'avions ennemis, durée une demi-heure.

2 novembre 1917

Jour des Morts. Je suis fonctionnaire sergent de jour.

Je commence par faire l'appel du matin dans notre baraque et au cantonnement où se trouve la 3ème section du peloton des élèves-caporaux.

Ensuite je vais prendre les ordres du lieutenant Perrot et les communique aux sergents et chasseurs. Je vais à la messe à 9h. C'est curieux de voir cette petite église remplie de bleu horizon, officiers et chasseurs, et au milieu de ces chasseurs, quatre femmes en noir.

Les civils sont rares à Humbeauvile qui n'a que 9O habitants.

 

Après midi, de 13h à 16h, visite des trois tombes du secteur du 25ème en tenue d'assaut (sans sac, toile de tente en sautoir).

Nous rentrons et remontons nos sacs.

3 novembre 1917

Matin, exercices divers.

Après midi, formation d'assaut et de renfort, gymnastique Hébert, corvée de bois. Nous revenons tous avec une grande branche de 3 à 4 mètres, nous faisons ainsi plus de 2 kms, ce qui est très fatiguant.

Le soir, je vais avec Jean voir l'adjudant et nous restons quelque temps avec lui. Ensuite je vais à l'église me confesser.

4 novembre 1917

Dimanche. Matin, 7h, l'adjudant passe devant notre baraque et nous fait appeler Jean et moi. Il part prendre le train à Sompuis et nous lui souhaitons un bon voyage.

7h20, je vais aux douches. 9h, je vais à la messe et je communie.

L'après-midi, je reste dans ma baraque et je travaille, je lis, j'écris des notes et j'écris quelques lettres.

5 novembre 1917

Matin, culture physique, méthode de Joinville.

Après-midi, tir et école d'intonation.

Soir, étude sur la signalisation. Départ de 400 chasseurs pour Poivre (préparation d'un terrain pour les tanks).

6 novembre 1917

Matin, travaux de campagne avec outils de parc.

Après midi, exercices de pas cadencé et formation de renfort de la section Pétain. Le lieutenant nous annonce que ceux qui se feront remarquer spécialement pendant le cours auront des chances d'aller à l'école des chefs de section où l'on peut obtenir le brevet de chef de section et sortir sergent.

Soir, je travaille la liaison.

7 novembre 1917

Matin, brouillard, exercice pendant environ deux heures, gymnastique Hébert. Pluie, nous rentrons.

Théorie du lieutenant sur la boussole.

Après-midi, travaux de propreté. Soir, théorie sur l'orientation.

8 novembre 1917

Matin, travaux de cantonnement du cantonnement. Nous allons chercher des genévriers dans les bois pour décorer notre baraque Adrian.

Après midi, manœuvre de midi à 17h30, vers la Certine.

9 novembre 1917

Matin, exercice. Après midi, théorie sur l'emplacement des hommes dans la tranchée.

10 novembre 1917

Matin, pratique de la théorie d'hier.

Après midi, théorie sur la sûreté en station. Exercice gymnastique de Joinville et service de petit poste.

Soir, notes sur cahier.

11 novembre 1917

Dimanche. Matin, revue d'armes à 9h30. Vais en corvée à la cuisine.

Après midi, j'écris lettres et cahier.

 

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70 ans après la revue d’armes du 11 novembre 1917...

12 novembre 1917

Matin, exercice habituel.

Après midi, le capitaine Lhuillier fait faire l'assouplissement des équipes, escouades, demi-sections, sections. Soir, théorie sur les sentinelles.

13 novembre 1917

Matin, culture physique de Joinville.

Après midi, exercice de petit poste.

Soir, théorie topographique.

14 novembre 1917

Matin, gymnastique de Joinville et tir à genou à 100m sur silhouettes couchées, signalisation.

Après midi, croquis de terrain. Exercices de tir. Jeu de barres.

Soir, étude.

15 novembre 1917

Matin, douches et travaux de propreté.

Après midi, étude.

Soir, devoir.

16 novembre 1917

Matin, gymnastique, assouplissement de groupe.

Après midi, exercice de petit poste, bonds de tirailleurs.

Soir, étude.

17 novembre 1917

Automatisme du lancement de grenades et du rassemblement d'escouade. Étude du F.M.

18 novembre 1917

Dimanche. J'écris et étudie.

19 novembre 1917

Travaux de campagne. Nous creusons une tranchée pour tireur debout avec boyau d'accès, au champ de tir. Déjeuner sur le terrain.

20 novembre 1917

Travaux de campagne. Même chose qu'hier. Déjeuner sur le terrain. Suis un peu fatigué dans les reins. Jean et moi passons la soirée avec Marcel (Calviac) qui revient de Nogent.

21 novembre 1917

Pluie. Théorie par le lieutenant sur la sûreté en marche. Causerie du capitaine.

Soir, je vais voir Marcel qui me parle de Lucien (Darry) et de Désiré (Bocquené).

22 novembre 1917

Matin, douches. Après midi, exercices.

23 novembre 1917

Je me fais porter malade et l'on me fait entrer à l'infirmerie pour une angine. On me pose un sinapisme, on me fait gargariser la gorge.

Le soir j'ai 39°6 de fièvre.

24 novembre 1917

Je reste au lit toute la journée.

Je suis au régime du lait et je ne prends que de la tisane, une potion et du lait chaud et sucre. J'ai 38°6 le matin et 39°1 le soir.

25 novembre 1917

Dimanche. Je reste couché mais vais mieux, le matin j'ai 37°8. Je mange un peu à 11h.

Vers 15h, Marcel vient me voir et me communique deux lettres de Désiré.

Le soir, j'ai 37°7, je mange.

26 novembre 1917

Je me sens beaucoup mieux, le matin j'ai 37°.

Le soir, j'ai 36°9, Marcel vient encore me voir.

27 novembre 1917

Ce matin, je vais tout à fait bien, j'ai 36°8.

Le soir, j'ai 36°8.

28 novembre 1917

Ce matin, je sors de l'infirmerie. Je vais très bien, j'ai 36°5.

29 novembre 1917

Je suis exempt de service et je vais passer la journée à l'infirmerie.

Soir, devoir sur un ordre.

30 novembre 1917

Exercice le matin jusqu'à 9h.

A 11h, départ pour une marche-manœuvre de 15 à 16 kms. Nous fêtons la Saint-André.

1er décembre 1917

Exercice et tir le matin.

L'après-midi, repos. Création du Club des Gens Polis et Distingués.

2 décembre 1917

Matin, prise d'armes sous la neige.

Après midi, je lis.

3 décembre 1917

Matin, exercice. Après midi, exercice d'attaque d'une compagnie.

4 décembre 1917

Matin, exercice de défense d'un mamelon en terrain bouleversé.

Après-midi, tir au F.M., à la mitrailleuse Hotchkiss, et à la mitrailleuse allemande Maxim, et au fusil.

5 décembre 1917

Matin, exercice et défilé devant des commandants américains. Après-midi, douches. Suis 17ème parmi 19 élèves-caporaux présentés au commandant pour suivre le cours de l'École des Chefs de Section. Soir, j'écris.

6 décembre 1917

Matin, interrogation des E.C.S. par le commandant.

Après-midi, désignation de spécialités (F.M., grenadiers, signaleurs).

Soir, j'écris.

7 décembre 1917

Matin, exercice devant notre baraque.

Après-midi, exercice de petit poste.

8 décembre 1917

Marche-manœuvre, départ 8h. Je suis à la liaison du 29ème B.C.P. formant 3ème compagnie.

Déjeuner pris sur le terrain de 10h à 11h avant la manœuvre qui se termine à 11h45. Nous avons marché environ 17 kms.

9 décembre 1917

Dimanche. Ce matin à 8h on nous annonce que nous partons en permission ce soir.

A 9h30, on nous donne nos titres de permission et nous passons la visite du major. Nous préparons toutes nos affaires pour faire nos ballots.

A 11h30 un planton de service vient nous dire de ne pas continuer nos ballots, qu'il y a un contre-ordre.

A 11h45 on vient nous lire le rapport disant que toutes les permissions, par ordre du colonel commandant le 5ème G.B.I., sont retardées de 3 ou 4 jours en attendant les ordres du général commandant la région. On nous dit que c'est à cause du transfert de troupes.

Le peloton des E.C. est dissous et nous rentrons dans nos compagnies. Nous transportons toutes nos affaires y compris la literie dans nos anciennes baraques.

10 décembre 1917

Réveil 5h20. Départ 6h15 pour le tir, ensuite traversée de bois par la compagnie en vagues d'assaut. Après-midi, exercice: escrime à la baïonnette, marche de 5 minutes avec masque, lancement de V.B.

A 21h, alerte d'avions; j'étais couché, dois me lever, m'équiper et aller au point de rassemblement, puis on sonne aussitôt la breloque.

11 décembre 1917

Réveil à 6h, départ à 7h (comme au P.E.C.) (*)

Matin et après-midi, nous allons tracer des bois et des boyaux sur un terrain pour faire des répétitions d'une manœuvre que nous devons faire à Poivres (à 17 kms d'Humbeauville) avec les tanks.

A 16h, première répétition.

A 17h30, tir de nuit avec fusées éclairantes. Nous rentrons à 19h15.

 

(*) : Peloton des Élèves Caporaux

12 décembre 1917

Matin, repos et travaux de propreté.

Après-midi, répétition de la manœuvre.

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13 décembre 1917

Matin, repos. Nous remplissons des paillasses.

Après-midi, répétition de la manœuvre.

Soir à 8h30, on nous annonce que la manœuvre de demain à Poivres avec les tanks n'aura pas lieu, mais que nous allons partir plus près du front pour creuser des tranchées.

Nos permissions sont encore une fois suspendues. 

Du 14 déc. 1917 au 7 janvier 1918 - Front de Champagne - Souain

14 décembre 1917

A 4h30 un adjudant vient nous réveiller en nous disant que l'on part à 6h30. Je laisse quelques affaires à un camarade qui reste à Humbeauville.

J'écris un mot à maman.

Tout le groupe s'en va, soit 1ère compagnie des 8ème, 16ème, 19ème, 25ème, 26ème, 29ème bataillons, plus un groupe cycliste de la classe 17. Nous partons à 6h30 et arrivons à Sompuis à 7h30. Tous les biffins partent aussi. Nous prenons le train et partons à 9h45.

Nous débarquons à Somme-Tourbe à 14h30 et marchons jusqu'au camp 4.5 situé à 15 kms de Somme-Tourbe, où nous arrivons à 21h15. Nous couchons dans des baraques Adrian, sur des lits en treillage métallique, sans paillasse et avec deux couvre-pieds et une toile de tente.

Il fait plus froid. Je suis couché à 21h45.

15 décembre 1917

Je me lève à 7h. J'ai eu froid toute la nuit. Nous avons repos toute la journée.

Hier soir nous avons fait 15 kms avec un sac bien chargé et je suis fatigué. Je mange un petit bout de pain avec un petit morceau de viande froide.

 

Le matin, je me promène autour des baraques du camp avec un camarade. Nous voyons des tranchées et des tombes datant du combat du 25 septembre 1917. Nous voyons également des avions boches canonnés et poursuivis. On m'a affecté chef de la 6ème escouade.

A 11h30 nous avons pour manger une cuillerée de viande cuite, sans vin ni pain.

A 14h, les gradés et chefs d'escouade sont rassemblés et nous assistons à une démonstration de pose de fil de fer par des soldats du génie.

Nous nous préparons à partir. Nous touchons des vivres de réserve (18 biscuits, 2 boites de conserve, 1 potage au lait, une demie-livre de chocolat en tablettes), un deuxième masque et un paquet de pansements. Nous mangeons la soupe et partons à 17h. Mon sac est encore plus chargé qu'en venant (2 couvre-pieds, toile de tente, 1 paire de chaussures, 1 chemise, 1 flanelle, 2 paires de chaussettes, vivres de réserve, etc.).

 

Il fait déjà nuit, nous pataugeons dans la boue crayeuse jusqu'à la cheville. Nous passons à travers champs et bois et au bout d'une heure nous avons fait 3 kms et sommes arrivés au camp des Deux Tombes où nous couchons dans des baraques très bien agencées. Nous avons tous des paillasses de foin.

Je suis couché à 19h.

16 décembre 1917

Le réveil est sonné à 6h30.

A 8h, nous avons un quart de café. Je fais un petit tour dans le camp et rencontre 2 poilus du 144ème d'infanterie qui viennent des lignes: ils ont mis une heure et demi pour venir.

Le camp est occupé par un bataillon du 123ème d'infanterie. Partout dans le camp il y a des abris de bombardement à proximité des baraques.

 

A 9h réunion des gradés au P.C. du capitaine qui nous explique que nous partirons ce soir à 16h30 pour aller toucher des outils à l'Opéra et travailler à remettre en état le boyau d'Uriage.

Il nous donne des ordres de détail pour le camp et les travaux.

 

A 11h, nous mangeons un tiers de boite de pâté de tête de porc avec le reste de notre pain d'hier et un quart de vin. Des hommes de mon escouade me donnent un peu de singe, de beurre, de compote de pommes.

J'écris jusqu'à 13h. Je vais me laver au lavabo. Je fais une visite au foyer du camp. Je rentre à la baraque préparer mes affaires.

 

15h30, nous mangeons: viande froide, haricots rouges cuits, vin, pain, café. Nous nous mettons en tenue pour 16h30. On rassemble à 16h45, départ à 17h.

Nous avons la toile de tente en sautoir, le fusil, l'équipement, les deux masques et nous touchons des outils de pionniers. Je touche une pioche mais l'adjudant Calviac (je suis de la 2ème section et il en est le chef) rassemble les chefs d'escouade et nous dit qu'il ne veut pas que nous travaillions mais que nous devrons diriger et surveiller le travail de nos hommes.

Nous marchons par section et en colonne par deux.

La route de Souain est toute camouflée par des bandes de toile grise de 1m50 de large sur toute la largeur de la route et placées environ à 4m de hauteur. Il y a également des toiles de 4m de haut placées à droite et à gauche de la route. Nous passons à Souain: c'est terrible de voir ce malheureux village, il ne reste pas une seule maison, il n'y a que des murs troués de toute part par des obus et on ne voit  que des amas de pierres, c'est qui reste du village, c'est une bien triste vision.

On nous avait prévenus avant de partir que Souain est repéré et bombardé presque tous les jours, mais nous sommes passés sans aucune difficulté. Environ 50 mètres après la sortie du village, nous descendons dans un boyau longeant la route.

C'est difficile de marcher dans ce boyau éboulé des deux côtés. Nous arrivons au commencement du boyau d'Uriage qui longe toujours la route. L'adjudant nous indique notre travail, il est 18h.

Mon escouade de 10 hommes doit creuser le boyau de façon à pouvoir y placer des caillebotis, faire des bermes de 1m, et déblayer le boyau de fil barbelé d'un ancien réseau de 1915 qui obstrue le passage.

Pendant que nous travaillons, on n'entend que quelque rares coups de canon et on voit quelques fusées éclairantes. Nous sommes à 1.500m des boches, mais on ne se croirait jamais sur le front tant la nuit est calme.

 

A 22h nous partons, nous retraversons Souain et rentrons au camp à 22h45. Nous touchons un quart de café bien chaud et nous nous couchons à 23h15.

17 décembre 1917

Je reste couché jusqu'à 10h.

A 7h30, je prends mon café au lit. J'ai eu bien chaud toute la nuit. Il a neigé depuis que nous sommes rentrés hier soir.

A 10h30 nous mangeons: soupe de haricots, viande froide, pommes de terre, vin, café. Je vais au foyer pour écrire.

Tous les poilus du 123ème qui sont là et qui vont monter en ligne ce soir portent 5 brisques de front.

A 13h15, on nous rassemble pour une démonstration de pose de fil.

A 14h je retourne au foyer où je continue à écrire et à lire.

A 15h: soupe, viande froide, pommes de terre, vin, confitures, café. 16h30, nous partons; nous passons par Souain et allons à l'Opéra chercher des pieux, du fil et des outils. Nous allons poser un réseau à la droite du boyau d'Uriage, au même endroit où nous avons travaillé hier.

La nuit est froide, il neige légèrement. Nous quittons le terrain à minuit et demi.

18 décembre 1917

Nous rentrons au camp à 1h15 et mangeons un casse-croûte composé de pâté de tête de porc et de pain avec du café au rhum.

A 8h: café. J'ai froid et reste au lit.

A 11h30 je mange au lit: soupe, viande froide, pommes de terre, vin, café. Je ne me lève qu'à 14h.

A 15h: soupe, viande, pommes de terre, vin, confitures, café. 16h30, départ, nous contournons Souain car le capitaine a défendu d'y passer. Nous allons à l'Opéra d'où nous prenons le boyau de Lorraine qui nous mène au boyau d'Uriage.

Nous creusons le boyau jusqu'à 10h.

Nous rentrons au camp à 11h45 et mangeons le casse-croûte.

19 décembre 1917

A 8h30, café. Je me lève à 10h.

A 10h30 nous mangeons. 16h30 à minuit pose de fils de fer.

Couché à 0h30.

20 décembre 1917

De 16h30 à minuit, nous creusons le boyau.

Mon ami Hervet part en perme, et Guirand en renfort au 65ème BCP.

21 décembre 1917

A 13h un camarade élève-caporal Garitan vient me prévenir que je dois partir en permission ce soir, mais il me demande de lui céder ma place car sa sœur doit se marier et le capitaine ne peut pas lui avancer sa perme mais l'autorise à permuter avec un camarade.

J'acquiesce à sa demande.

Je prends sa place et suis 14ème à partir.

A 14h je le vois partir, il me remercie. Nous ne travaillons pas cette nuit. Nous avons repos toute l'après-midi.

Je me couche à 21h. On commence à entendre un bombardement intense de grosses pièces sur notre droite, du côté de Massiges.

22 décembre 1917

Je me lève à 7h45.

A 8h nous partons sans avoir bu notre café qui n'est pas prêt pour aller au camp 3/5 passer aux douches. Au bout de trois quarts d'heure, nous arrivons, l'eau est gelée, on ne peut pas prendre de douches. Nous repartons et rentrons à 10h au camp Poggi (notre camp, ancien camp des 2 Tombes).

L'après-midi je vais écrire au foyer. J'écris à Désiré qui est parti à Mortagne.

Soir, curage de boyau et pose de fil barbelé. Nous rentrons à minuit 45.

23 décembre 1917

Dimanche. Repos toute la journée et toute la nuit. J'écris.

Hottold et Gosset viennent d'Humbeauville.

24 décembre 1917

Noël - Nous ne travaillons pas cette nuit. Nous faisons un petit réveillon, de 17h à 22h30. On chante, joue aux cartes, boit du vin chaud sucré et mange des biscuits avec de la confiture.

25 décembre 1917

Je vais au foyer pour écrire.

Soir, fil de fer.

26 décembre 1917

Soir, fil de fer. Deux obus de 105 tombent à 200m de l'endroit où nous travaillons.

27 décembre 1917

Nous déménageons de notre baraque pour que des menuisiers viennent y faire une deuxième rangée de planches qui permettra de loger 20 poilus de plus.

Soir, repos.

28 décembre 1917

Nous ré-emménageons dans notre baraque.

Soir, fil de fer.

29 décembre 1917

Ce soir, fil de fer.

30 décembre 1917

Dimanche. Je passe l'après-midi au foyer à jouer aux cartes et à écrire.

Le soir, repos.

31 décembre 1917

Soir, nous allons creuser et nettoyer le boyau de Lyon, à gauche de Souain. Pour y aller, nous traversons Souain et passons devant le reste de l'église.

Nous rentrons à 23h et attendons minuit pour nous souhaiter la bonne année.

1 9 1 8

1er janvier 1918

Nous nous apprêtons à faire un bon déjeuner.

A 11h, nous avons: soupe, bœuf, riz au lait, 2 oranges, 1/2 litre de vin, pain, 1 bouteille de champagne pour 4 hommes, 1 cigare. Je joue aux cartes toute l'après-midi.

A 17h, nous avons: soupe, saucisson, jambon, haricots blancs, 1/2 litre de vin, pain, confiture, rhum.

A 19h30 séance de cinéma et phonographe au foyer. Je bois encore du champagne avec des camarades. Je me couche à 22h.

2 janvier 1918

Ce soir nous allons travailler. Je reçois une lettre de maman me disant de voir mon ami l'adjudant Calviac pour demander que l'on m'avance ma permission parce que Jean (Langerey) est en perme du 17/12/17 au 6/1/18, après quoi il part comme aspirant en Italie à la Piave.

Je vais voir Marcel qui me conseille d'aller voir le capitaine de Rouyn. Je vais le voir, il me dit qu'il en parlera au lieutenant Durel ce soir et qu'il me donnera aune réponse ce soir en rentrant du travail.

 

A 15h, le capitaine me fait appeler et me dit de manger et de me mettre en tenue aussitôt pour partir au camp 4/5. Je m'apprête, vais dire au revoir à Marcel et à Jean Duchaussoy et d'autres camarades qui partent au travail au boyau de Lyon.

 

A 17h, je touche mon prêt au bureau et  je vais à la cuisine toucher des vivres pour la journée de demain. J'ai déjà du saucisson et une boite de pâté, quand le fourrier vient en courant  me dire qu'il vient de recevoir un coup de téléphone de 4/5 disant que le capitaine Lhuillier ne me laisse pas partir parce que ce n'est pas régulier.

Le capitaine de Rouyn avait cependant parlé en ma faveur  en disant que j'ai déjà cédé mon tour à Garitan, sans quoi je serais en ce moment en permission.

C'est la 5ème fois que je suis sur le point de partir et qu'il arrive un contre-ordre. Je vais rendre mon prêt et mes vivres, je défais mon sac et refais mon lit, puis j'écris aussitôt à maman et à Jean.

On entend une violente canonnade de 18h à 18h30, sur notre droite, vers Tahure.

 

Je me couche à 20h30, et suis réveillé à 22h30 par le retour des camarades qui sont étonnés de me voir là. Je parle avec mon voisin de lit le caporal Vital Grangé du 29ème, et nous chantons doucement quelques chansons de Paris jusqu'à minuit.

3 janvier 1918

Je me lève à 8h30 et vais voir Marcel.

Soir, nous allons au boyau de Lyon que nous creusons jusqu'au P.C. Dardanelles.

Nous rentrons à 21h50 ! C’est le record.

4 janvier 1918

Aujourd'hui repos. J'apprends à 14h par le caporal d'ordinaire du 19ème, Picot, que la capitaine de Rouyn a fait une demande à la division pour me laisser partir en perme, avant-hier, le 2 au soir, après avoir reçu le contre-ordre du capitaine Lhuillier. Cette information m'est confirmée à 14h10 par le fourrier qui me dit que :

"Le capitaine a fait une demande au-dessus du capitaine Lhuillier".

 

Je suis impatient de connaître la réponse.

L'après-midi se passe sans que j'aie de réponse.

5 janvier 1918

A 15h au moment de la distribution de la soupe, le cycliste du capitaine vient nous prévenir de ne pas partir et d'attendre. Il nous dit en même temps qu'il vient d'arriver une dépêche annonçant notre relève du secteur.

A 16h l'adjudant rassemble les chefs d'escouade et nous annonce que nous partirons très probablement Lundi pour Humbeauville.

6 janvier 1918

Dimanche.

A 13h revue d'armes et de vivres de réserve. L'adjudant nous dit de nous tenir prêts à partir à 20h.

Dans la soirée, on nous annonce que le départ aura lieu demain matin à 6h.

Du 7 au 11 janvier 1918 : Humbeauville, cantonnement

7 janvier 1918

Réveil à 4h30. Départ à 6h.

Il fait encore nuit, on glisse sur la route. Nous arrivons à Suippes (à 4 kms de notre camp) vers 7h15. Nous passons dans la ville et voyons quelques maisons démolies. Pendant que nous attendons devant la gare nous voyons deux civils! Les seuls depuis notre départ d'Humbeauville.

Nous embarquons à 9h. Nous passons à Châlons-sur-Marne et arrivons à Sompuis à 15h. Nous entrons à Humbeauville à 17h.

Je revois le capitaine Pinart et tous les camarades et gradés que j'avais laissés à Nogent-le-Rotrou. Je couche dans une grange.

8 janvier 1918

Nous avons repos aujourd'hui.

L'après-midi nous allons aux douches.

9 janvier 1918

Je suis instructeur au peloton des élèves-caporaux. Il y a quatre anciens élèves-caporaux par bataillon qui reviennent comme instructeurs.

Mes amis Jean Duchaussoy et André Hervet et René Carbonnier sont avec moi. Nous sommes là pour seconder les sergents instructeurs et sommes exempts de sac et de corvées.

Matin, de 7h20 à 10h gymnastique Hébert et marche par équipes.

Après-midi, exercices de "chiqué".

Soir, je demande ma permission au bureau du 25ème.

10 janvier 1918

Matin, tir par équipes et école d'intonation. Le sergent Netter nous dit que nous sommes considérés comme caporaux instructeurs.

Au bureau du 25ème on me demande mon adresse et la date de ma dernière permission.

Après-midi, repos de travaux de propreté.

Soir, je passe la visite avec les permissionnaires.

11 janvier 1918

Matin, repos. Je vais toucher des effets neufs et prépare mes affaires.

A 16h30 visite des permissionnaires à la salle de service et inspection de musettes. Nous partons pour Sompuis où nous prenons le train à 17h47.

Vers 18h30, nous arrivons à Vitry-le-François où nous attendons un quart d'heure.

Nous repartons vers Paris.

12 au 23 janvier 1918 : Paris, permission

12 janvier 1918

Vers 2h du matin nous arrivons à la gare régulatrice de Vaires-Torcy. A 4h j'arrive à Paris à la Gare de l'Est et à 4h50 je suis chez nous. Je vais déjeuner avec maman et Mme Gibert et je passe l'après-midi chez la cousine J. Scol avec maman qui donne son cours d'anglais. Le soir je vais avec maman et Denyse au Nouvel Ambigu voir "Le Système D". Très amusant.

13 janvier 1918

Dimanche.

Maman, Denyse et moi, déjeunons chez les cousines Wilhem où nous passons une agréable après-midi avec la cousine Scol et Yvonne Scol.

Le soir nous allons nous promener sur les boulevards.

14 janvier 1918

Le matin je reste chez nous.

A midi je vais attendre Andrée à Anvers. Je reste à la maison avec maman toute l'après-midi.

Le soir nous allons au Zénith Cinéma.

15 janvier 1918

Je vais accompagner Andrée à son bureau jusqu'à 9h30. Ensuite je vais voir la cousine Pittet vers 10h30. Je vais déjeuner et passer l'après-midi avec maman chez la cousine Scol.

Le soir je vais au Palais-Royal avec maman  voir "Le Compartiment des Dames Seules", très, très bien.

16 janvier 1918

Matin, coiffeur, bain.

A 14h j'accompagne Andrée jusqu'à l'Opéra.

A 15h je vais voir Mr. Secondigné et Mr. Pidwell.

Le soir je vais à l'Olympia avec Denyse.

17 janvier 1918

Le matin je reste dans mon lit.

Après-midi je vais au skating Veld'Hiv avec Denyse.

A 18h nous voyons Andrée au métro.

Le soir je vais au Casino de Paris avec maman.

18 janvier 1918

Matin, maman et moi allons voir Mme Launoy.

Après-midi je vais à l'Aubert Palace avec Andrée.

Le soir je vais seul aux Folies Bergères.

19 janvier 1918

Matin, je reste chez nous.

Après-midi, Désiré vient me voir et nous sortons et allons dîner ensemble ensuite nous passons la soirée à l'Alhambra.

20 janvier 1918

Dimanche.

L'après-midi, Denyse et moi allons sur les boulevards.

Le soir je vais à l'Eldorado seul.

21 janvier 1918

Le matin, maman et moi allons voir Mme Chaleyer. Je déjeune avec Mr. Horner. Après-midi je vais voir Borloz.

Le soir, maman et moi allons au Petit Casino.

22 janvier 1918

Matin, maman et moi allons chez Mme Clémentz, mais elle n'est pas là. Allons déjeuner chez la cousine Pittet.

Après-midi je vais au Théâtre Moderne.

Du 23 janvier au 1er février 1918 : Humbeauville

23 janvier 1918

Je pars de chez nous à 8h15 et arrive à la gare de l'Est à 9h.

Le train part à 10h25. Nous arrivons à Sompuis à 18h et à 19h à Humbeauville. A la salle de service on m'annonce ma nomination de 1ère classe et mon départ en renfort dans 8 jours.

24 janvier 1918

Je suis rentré au P.E.C.

L'après-midi je vais chercher mon ballot et arrange mes affaires.

25 janvier 1918

Je suis malade (bronchite). Mon ami André Hervet part en renfort au 65ème B.C.P. ce soir.

26 janvier 1918

Suis malade, pas reconnu par le major, parce que je ne suis pas venu à l'infirmerie hier après-midi avec les malades, j'étais resté avec André.

Le major me donne 8 jours de salle de police et ne veut pas me reconnaître.

27 janvier 1918

Dimanche. Je ne me suis pas fait porter malade, le major me fait appeler et me fait poser des ventouses. Je me fais exempter de l'appel des punis par le sergent de garde et ne m'inquiète plus de ma punition.

28 janvier 1918

Suis malade.

29 janvier 1918

Suis malade.

30 janvier 1918

Suis malade.

31 janvier 1918

Suis malade. Revue du renfort en tenue de départ.

Speech du capitaine de Crouez.

Du 1er au 28 février 1918 : Beaulieu, Roches, Monthureux, Martigny bataillon au repos

1er février 1918

Jean Duchaussoy vient avec moi au 25ème. Allocution du commandant Boyer-Ressès.

Départ à 18h. Nous sommes accompagnés par la fanfare jusqu'à Sompuis où nous prenons le train à 20h30 jusqu'à Sommesous.

Arrivons vers 21h.

Nous nous reposons dans une baraque. Rencontre d'un artilleur américain qui nous paie 5 bouteilles de champagne et 2 boites de biscuits.

A minuit nous repartons vers Gray. Suis dans un confortable compartiment de 2ème classe.

2 février 1918

  Nous passons par Troyes, Chaumont, Langres, Gray.

Arrivons à 14h30.

Avec Jean et René Carbonnier je dîne à la coopérative. Nous rembarquons à 20h.

Nous passons par Vesoul et Lure et arrivons à Belfort à 4h le 3/2/18.

3 février 1918

Nous reprenons un train à Belfort à 5h et arrivons à Montbéliard à 5h50. Nous allons faire un tour en ville.

A 8h nous repartons dans un fourgon à bagages pour Saint-Hippolyte où nous arrivons vers 10h.

Nous partons aussitôt à pied pour Chamesol où se trouve le dépôt divisionnaire. Nous prenons un sentier de chèvres qui grimpe une montagne pendant 3 kilomètres. Arrivons à midi 30 à Chamesol (Doubs). Nous sommes à 3 kms de la Suisse. Paysages très jolis.

Nous nous nettoyons et allons nous promener jusqu'au prochain village Montechéroux à 2 kms.

4 février 1918

Avons passé la nuit dans une ferme abandonnée sur de la paille.

A 8h nous allons à l'exercice en vareuse avec équipement sans sac. Nous allons à Montechéroux faire de l'utilisation de terrain et revenons à Chamesol à 10h30.

Après-midi, repos, allons nous promener. On nous annonce que nous allons rejoindre le bataillon demain.

5 février 1918

A 8h nous partons tous les onze avec deux sous-officiers et le détachement du 29ème. Les paysages sont merveilleux, mais la route est dure.

Nos sacs et musettes sont dans une voiture qui nous suit, et nous sommes encore fatigués de grimper et descendre les montagnes sous le soleil qu'il fait.

Nous arrivons à Beaulieu (Doubs) à 13h. Jean, André Duchénoy et moi sommes affectés à la 1ère compagnie qui est logée dans une partie des usines Peugeot. Les autres camarades iront demain rejoindre leur compagnie. Nous allons nous promener jusqu'à Valentignay.

Il s’agit du 29e bataillon de Chasseurs, qui lui aussi, début 1918, fait parti de la 127e division d’infanterie.

6 février 1918

Nous sommes libres le matin mais l'après-midi nous allons à l'exercice avec la compagnie. Je suis à la 1ère escouade 1ère section.

Rentrons à 16h.

7 février 1918

A 8h30 départ pour l'exercice.

Nous grimpons le montagne et allions lancer des grenades quand le lieutenant reçoit un pli secret et nous fait rentrer aussitôt pour faire nos préparatifs de départ. J'apprends que nous allons à 7 kms d'ici pour exécuter des travaux.

L'après-midi, j'écris.

8 février 1918

La 1ère compagnie part à 11h15. Il fait un soleil chaud. La route que nous prenons monte tout le temps et c'est fatigant.

A 13h, nous arrivons à Roches-les-Blamont. La 1ère section, dont je suis, est logée dans un appartement au rez-de-chaussée d'une ferme. Nous avons des couchettes et de la paille. Il y a deux cafés dans le village. Jean et moi y allons boire du vin et de la bière.

A 18h Jean m'annonce qu'il part à Meslières pour être dactylo au bureau du commandant. Il revient le soir même, la machine n'ayant plus de ruban.

9 février 1918

Je suis de garde de 11h jusqu'à demain 11h.

10 février 1918

Dimanche.

En rentrant de la garde je me nettoie et à 12h30 je vais me promener seul. Je vais à Hérinmoucourt, Meslières et à Glay.

11 février 1918

La compagnie ayant travaillé hier à couper des arbres et faire des pieux pour réseau de fil de fer, nous avons repos aujourd'hui.

Beau temps. J'écris au soleil à côté de notre ferme.

12 février 1918

La propriétaire de la maison d'à côté de notre ferme m'invite à aller à la veillée chez l'institutrice du village. J'y vais donc le soir à 19h.

Nous passons une charmante soirée jusqu'à minuit.

Il y a là trois dames: l'institutrice et sa mère, et notre voisine, un jeune homme du village, deux caporaux un chasseur et moi, soit 8 personnes. Nous jouons aux cartes, aux gages, ensuite Mme Moratin, l'institutrice nous sert du thé et des gâteaux et nous invite à venir tous les soirs passer la veillée chez elle.

13 février 1918

Comme hier, nous allons couper des arbres pour en faire des pieux.

Le soir, de 18h30 à minuit et demi, je retourne chez Mme Moratin qui est heureuse de nous offrir une agréable soirée.

14 février 1918

Nous nous attendons à partir d'ici demain.

Soirée chez l'institutrice.

15 février 1918

Je vais passer la dernière soirée chez Mme Moratin.

Après les jeux, nous prenons le thé avec gâteaux, comme tous les soirs. Je rentre avec un caporal à 1h30 du matin.

Comme il gèle, notre voisine nous invite à coucher chez elle. Nous avons un bon lit.

16 février 1918

Je vais faire mes adieux à Mme Moratin. A 13h30 nous partons, et arrivons à Dalle vers 16h. Nous embarquons à Beaucourt à minuit.

17 février 1918

Nous débarquons à 13h à Passavant et marchons 11 kms pour arriver à Monthureux-sur-Saône où nous sommes cantonnés dans une maison vide où il y  des couchettes et paillasses.

18 février 1918

Nous avons repos. Il y a un foyer des Y.M.C.A. J'y vais passer la soirée à écrire.

19 février 1918

Nous avons encore repos. Je vais lire et écrire au foyer.

20 février 1918

Exercice dans la campagne.

21 février 1918

Nous allons au tir. Je vais lire le soir au foyer.

22 février 1918

Nous partons à 8h et marchons 17 kms jusqu'à Martigny-les-Bains où nous devons manœuvrer avec des tanks.

23 février 1918

Nous avons repos. Le village est plein de boue. Je suis appelé au bureau du commandant Lamarche qui m'interroge pour être proposé au cours d'élèves-aspirants.

24 février 1918

Dimanche. Nous allons au camp d'A.S. où un officier d'artillerie nous fait une théorie sur ce que doivent faire les hommes de la section d'accompagnement.

Après-midi, manœuvre avec tanks.

25 février 1918

Matin et après-midi, manœuvre avec tanks.

26 février 1918

Matin, manœuvre.

27 février 1918

Nous partons à 7h et retournons à Monthureux où nous reprenons notre ancien cantonnement.

 

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Curieusement, il manque encore 3 mois…

12 mai 1918 Grivesnes, les Éparges

2 juin 1918

Nous sommes aux Éparges depuis le 12 mai 1918.

Neuf jours de 2ème ligne, neuf jours de réserve. En première ligne à la crête de Sonvaux depuis le 29 mai 22h.

 

Ce matin, dimanche 2 juin à 2h15, les boches déclenchent un très violent tir de barrage de torpilles et obus et gaz sur le ravin de Sonvaux, le village des Éparges, les 2èmes lignes et les réserves en même temps qu'une compagnie de slosstruppen de 120 hommes attaque toute la crête de Sonvaux tenue par deux sections de chez nous.

Les boches attaquent par les deux côtés et essaient de contourner la crête. Je suis tout au sommet avec  ma demi-section. Les obus et torpilles éclatent de tous les côtés, nos 75 de barrage rasent le haut de la crête où je suis, les éclats sifflent de partout autour de moi, lez fusées font un véritable feu d'artifice au-dessus du ravin de Sonvaux lequel est rempli de fumée et de gaz.

Nous avons mis nos masques.

Les Boches étaient devant nos fils de fer et ont sauté dans nos tranchées à ma gauche et à ma droite, à contre pente, au moment où leurs premières torpilles ont explosé sur nos tranchées de 2ème ligne. Ils ont attaqué avec des paquets de grenades, faits de 6 grenades dont le manche était coupé, attachées autour d'une 7ème avec manche, qu'ils portaient dans des sacs à terre sur leurs épaules.

Ils n'ont pas réussi à aborder le sommet de la crête étant contre-attaqués par notre 2ème section de droite.

Ils sont repartis avec 7 des nôtres prisonniers dont deux blessés.

 

Nous avons 1 tué du 172ème d'infanterie et 4 ou 5 blessés sur la crête. Ils ont dû avoir des tués et blessés aussi, mais ils les ont tous remportés avec eux.

Nous avons fait un prisonnier, un sergent du 372ème d'infanterie.

A 4h15, tout était fini, et nous n'avons pas entendu un seul coup de canon de toute la journée.

A 21h, au moment où nous prenions nos emplacements de nuit, les Boches déclenchent un tir de barrage avec gaz sur notre droite, secteur du 172ème d'infanterie.

Cela dure jusqu'à 22h10.

 

Fin du carnet…

 

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