CARNETS DE ROUTE de Louis FAURE

du 47ème régiment d'artillerie de campagne, 5ème batterie

 

« Mes impressions de guerre du 1er mars 1917 au 23 septembre 1919 »

 

 

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En mai 2019, Marie France FAURE m’écrit :

« La célébration du centenaire de la Première guerre mondiale est terminée. Je vous ai fait savoir en 2014 que j’avais publié les « Carnets de route » rédigés par mon père, Louis FAURE, né le 1er février 1896, artilleur au 47ème RAC, de 1916 à 1919. J’ai effectué des présentations dans le département de Saône-et-Loire et participé à des séances de signatures et à des expositions à Dijon et au Creusot. Je joins un article du Journal de Saône-et-Loire présentant les Carnets, à l’occasion d’une séance de dédicaces. Toutes personnes voulant acquérir ce document peuvent me contacter ici. »

 

 

 

 

 

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Article du journal de Saône-et-Loire présentant les carnets, à l’occasion d’une séance de dédicaces

Cliquer pour agrandir

 

 

 

 

 

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Prélude

Les 3 premiers groupes d’artillerie du 47e régiment d’artillerie (RAC) font partie de la 14e division d’infanterie, dont ils composent à eux seuls l’artillerie de cette division. D’autres groupes du 47e RAC seront formés avec l’appellation du 47e RAC, mais iront constituer d’autres unités d’artillerie (comme les 201e, 204e et 247e RAC). Louis FAURE est, au début, « conducteur de milieu au 6ème caisson » de la 5e batterie (batterie du 2e groupe d’artillerie du 47e RAC)

 

Des termes spécifiques concernant l’artillerie apparaissent fréquemment dans les écrits de Louis. Termes comme caissons, trains, avant-trains, échelon, pièce, batterie. Pour les comprendre, vous pouvez en savoir plus ici.

 


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Début du carnet

 

10 novembre 1917

Depuis longtemps j'avais l'intention d'écrire mes impressions vécues de la guerre. Le surmenage de l'entrée en campagne d'un "bleu" m'a empêché jusqu'ici de commencer le fameux carnet de route rêvé.

Après huit mois de guerre, je crois être assez dégrossi pour mettre mes projets à exécution. Le début sera certainement laconique, ce sera un résumé succinct de mes pérégrinations jusqu'à aujourd'hui ; par la suite, j'espère pouvoir fournir des détails plus complets, surtout lorsque j'aurai quitté mes fonctions de brigadier-fourrier dont le champ d'observation est forcément limité. Mon rêve serait d'obtenir un poste plus actif d'éclaireur ou agent de liaison pour suivre de plus près les opérations et non subir brutalement les événements sans chercher à les comprendre.

Plus de risques certes, mais combien plus d'intérêt pour moi.

En attendant, "Faisons comme le nègre".

 

 

 

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Besançon 3 novembre 1916 - 47e régiment d'artillerie

On distingue une pièce (le canon) et son caisson (à gauche). Louis Faure tiens l’obus

 

 

3 mars 1917

Je débarque, après trois jours de cahotage, avec une trentaine de camarades à la gare de MUIZON. Nous arrivons à la nuit aux échelons du 3ème groupe stationnés au Camp du Vivier à 600 mètres de TRIGNY. On nous envoie coucher au 1er groupe à 2 kilomètres d'ici, au nord de CHALON-sur-VESLE.

 

Ce n'est que le surlendemain que nous sommes affectés ; je suis désigné pour le 2ème groupe alors que JODON qui est venu avec moi reste au 3ème. On nous conduit au commandant MASSON du 2ème groupe qui m'affecte à la 5ème batterie, ainsi qu'une dizaine de camarades entre autres JACOTTOT, FONTAINE, BRASIER, DEVAUX, GUINET H. et GUINET P. et MERLE.

 

Du P.C. on nous expédie à la position de la 5ème batterie qui se trouve à la ferme de la Tuilerie au nord d'HERMONVILLE. Nous sommes présentés au capitaine de CARCOUET, commandant de batterie qui après nous avoir souhaité la bienvenue nous renvoie à l'échelon qui est logé dans les grottes du château d'HERVELON à côté de la Ferme Saint-Joseph. Je suis de suite affecté à la 5ème pièce et je commence sans délai mon métier de conducteur de milieu au 6ème caisson avec TIRLEMONT et MILLOT comme CCrs (*) et DRAGON et VOLÉE comme attelage.

Le secteur est alors relativement calme. Des travaux gigantesques se poursuivent pour préparer une attaque dont chacun parle à mots couverts.

 

(*) : Canonniers-conducteurs

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47e régiment d'artillerie - Veille d’entrée en campagne, Besançon, début mars 1917.

 

 

Le 15

Je marche pour la première fois "à deux" pour faire deux voyages d'obus à la position et pour déplacer le lendemain l'échelon qui va rejoindre les autres au camp du Vivier. A ce moment tous les échelons du régiment sont réunis et je retrouve tous les camarades en particulier JODON. C'est alors que commencent les grands ravitaillements d'obus et de matériaux pour les approvisionnements en vue de l'attaque.

La route de MARZILLY-HERMONVILLE à CORMICY devient mauvaise. Les Boches la "sonnent" fréquemment. Je tombe une fois sous mon cheval dans le chemin de terre détrempé qui va de la route à la position ! Bel amas de boue...

C'est à ce moment que je fais connaissance d’E. MARSOT de GIROMAGNY. Excellent garçon.

16 avril 1917 ! ...

Quelle date mémorable et que de flots d'encre elle a fait couler ! Pour moi, comme pour bien d'autres, ça a été une grosse déception. Je m'attendais tellement à chevaucher à la poursuite des Boches dans la direction de RETHEL et de la Belgique qu'il ne me venait même pas à l'idée que nous pourrions nous arrêter en chemin et pourtant, quel fiasco !...

 

Depuis quelques jours on ne parle que de l'attaque que nous sentons prochaine. Les 340, 380 et 400 font rage sur le fort de BRIMONT, la batterie tire continuellement du moins dans les jours qui précèdent le 16.

N'ayant jamais vu d'attaque, je ne doute pas un instant qu' "on ne les ait" et j'essaie d'en persuader les vieux qui eux sont plus sceptiques ! Pourtant on sent que le moral est à un diapason assez élevé. Si seulement on pouvait en finir !

Le dimanche 15 se passe entier en préparatifs de toute sorte. Je puis néanmoins accrocher une messe dite par l'Abbé PAILLON, notre aumônier de camp qui nous fait un speech tout à fait de circonstance. L'heure est grave, dit-il. Certes elle l'est, le roulement perpétuel de la canonnade en est l'indice. Les avions, par leur ronflement, ponctuent les paroles de notre cher aumônier que nombre d'entre nous entendent pour la dernière fois... Impression forte qui reste longtemps gravée à la mémoire.

Pas de peur, non certes, je ressens plutôt pour ma part un redoublement de confiance en la Providence.

 

 

Carte de l’attaque de la 14e division d’infanterie du 16 avril (MDH)

 

La nuit qui précède l'attaque, je dors peu, une bonne partie est d'abord occupée par un dernier convoi d'obus à la batterie de tir, ensuite une heure occupée comme faction de garde d'écurie. Il nous faut nous lever de bonne heure le lendemain, à 1 heure au moins. Je dors environ une demi-heure mais à poings fermés.

A 2 heures du matin on forme la colonne de route. Désarroi indescriptible dans la nuit. Pour comble une pluie fine se met à tomber et nous exaspère. Pour ma part je suis diablement excité.

En cours de route ça va mieux, je me sens heureux et entrevois déjà notre galop de poursuite...

 

Arrivée à la position à 5 heures. La canonnade est forte, sans doute, mais pas autant que je me la représentais. C'est très ordinaire. Nous accrochons les pièces et à 7 heures au moment où les fantassins sortent des tranchées, le capitaine commande d'une voix forte : "A cheval".

Dans cet instant, toutes mes énergies se concentrent vers le but, mon sang bout, je suis heureux, je vous assure et ne donnerais pas ma place "pourtant peu importante" pour gros. Je ne pense qu'au plaisir mêlé d'orgueil que nous aurons tout à l'heure à escalader les tranchées boches pour aller mettre en batterie et talonner les "cousins" dans leur fuite.

 

7 heures 15, 7 heures 30, rien, 7 heures 45, 8 heures.

Encore rien. 8 heures 30, 8 heures 45, toujours rien. "Pied à terre" commande à 9 heures le capitaine ! On commence à douter. Pourtant jusqu'ici les renseignements parvenus sont assez bons. Nous suivons pas à pas la progression de nos fantassins.

Ils sont à BERMERICOURT qu'ils dépassent déjà. Ils ont donc dépassé en une heure l'objectif qu'on leur demandait d'atteindre en trois heures.

Parfait.

 

Alors, pourquoi ne partons-nous pas ? Mystère. Bientôt des bruits circulent, tous plus variés les uns que les autres. La 37ème division à notre gauche ne parvient pas avec ses zouaves à escalader le Mont Spin dont les pièces prennent en enfilade les ponts de bateaux du Godat que nous devons prendre pour traverser le Canal et l'Aisne. Après sept attaques infructueuses, les "Kakis" en ont marre. D'autre part la droite composée des Russes et de la 41ème division s'épuise en vain sur BRIMONT. On dit bien un instant que les Russes sont entrés à BRIMONT. Est-ce vrai ?

En tout cas, nos troupes l'ont dépassé et tourné. Le 229 (régiment d’infanterie) tire sur les Russes,... bon, c'est le bouquet, il ne manque plus que nous !...On commence à sentir le flottement, la pagaille.

 

Vers 10 heures, comme l'ordre de partir ne vient pas, la colonne de voitures est rompue pour offrir moins de prise aux jumelles des aviateurs boches. A ce moment un avion boche volant très bas est mis en feu par une "cage à poules". Un des aviateurs saute et s'écrase sur le sol, l'autre grille avec l'appareil, le tout immédiatement pillé et mis en pièces par les poilus environnants qui poussent des bravos retentissants.

 

Vers midi, l'ordre est donné de décrocher les pièces et de former le parc dans le bois qui entoure la ferme. Ça sent mauvais. Bientôt notre infanterie demande le soutien d'artillerie que nous ne pouvons lui fournir étant donné la distance à laquelle elle se tient. Nous tirions déjà auparavant à 4800 et nos "bobosses" sont au moins à 4000 plus loin.

Les lourds (l’artillerie lourde) ne grognent pas plus que nous. Ils manquent d'obus, paraît-il... Serait vrai ?...

 

Ce n'est que vers 5 heures que nous commençons de tirer, nos fantassins étant revenus à leur point de départ ou à peu près et combien n'ont pas rejoint leurs anciens parallèles ? Pénible. Très pénible. Je n'ose admettre un tel fait et pourtant c'est l'évidence même. Les nouvelles deviennent de plus en plus mauvaises.

Le maréchal-des-logis LUTZ, éclaireur de la 5ème batterie, mon chef de pièce (*), est tué d'une balle au front en avant de CERNAY. Le commandant du 2ème groupe et les officiers de la 4ème batterie qui persistent à vouloir demeurer près du canal ont failli être prisonniers. On n'a pas de détail sur les suites. Et bien d'autres choses encore. On en raconte de toutes les couleurs.

Maintenant l'artillerie fait rage. Français et Boches "barrent" à tour de bras.

 

Vers 20 heures ordre est donné d'aller ravitailler le 1er groupe en obus. Mon caisson est le seul qui rentre directement. Nous allons reprendre nos anciens cantonnements. Naturellement rien à manger. Les vivres de réserve sont absorbés depuis le matin et on parle de ne rien toucher d'ici trois jours. C'est le moment de s'abattre sur ce qu'on trouve. Pour ma part je fais une razzia de biscuits barbotés de-ci de-là. Je ne mourrai tout de même pas de faim. Mais quelle pénible impression de se retrouver dans ses anciens cantonnements quand on croyait si bien coucher le soir en terrain reconquis.

C'est l'abattement complet. Je comprends facilement que par la suite plusieurs régiments se soient mutinés. Rien n'est aussi déprimant qu'une telle séance, surtout quand on ne fait rien pour relever le moral du poilu - au contraire.

Les jours qui suivent sont mornes. On ravitaille en masse.

 

Jusqu'au 19, on croit encore que nous pourrons nous repêcher. Ce qui est perdu est bien perdu. C'est un fiasco complet. Les nouvelles du côté russe ne sont pas davantage faites pour nous rassurer. En attendant, les barrages vont leur train. C'est bien temps ! C'est avant l'attaque qu'il eût fallu ce bombardement et non maintenant.

 

(*) : LUTZ Émile Albert, maréchal-des-logis du 47e régiment d’artillerie, mort pour la France le 17 avril 1917. Voir sa fiche

19 avril 1917

Au matin du 19 nous déplaçons la batterie de tir qui vient prendre position à la cuvette de VILLERS-FRANQUEUX en avant du château de TOUSSICOURT. L'échelon demeure au Camp du VIVIER.

C'est en ce jour que j'entends pour la première fois les obus éclater assez près de moi. Les Boches ayant remarqué notre mouvement de la journée ne manquent pas de nous "sonner" le soir au ravitaillement. Justement nous avions ce soir plus de quarante caissons d'obus à conduire à deux voyages. J'arrive dans les premiers. Nous achevons à peine de décharger nos caissons qu'un premier obus de 105 tombe à l'entrée du bois que nous devons traverser, suivi bientôt d'un deuxième puis d'un troisième et d'un 150.

"A cheval et au trot !", commande GRIMAUD, le CCr (*) de derrière mon caisson. A ce moment les 105 et 150 rappliquent par quatre de chaque côté de notre chemin. JACOTTOT, CCr de devant, hésite et au lieu d'accélérer l'allure, retient ses chevaux et se couvre des éclats de son bras devant les yeux. L'instant devient critique, les obus arrivent maintenant sans discontinuer et éclatent un peu partout.

GRIMAUD hurle "Au trot". Comme JACOTTOT persiste à ne pas vouloir avancer, je fouette violemment ses chevaux, pique en même temps les miens et c’est au galop que nous enlevons nos caissons et traversons la zone dangereuse. Ce n'est qu'arrivés au-dessus du château que nous ralentissons l'allure et faisons l'appel des abatis. Personne n'est touché.

C'est miracle ! Impression assez forte, mais pas de peur. L'intention première a été de faire une rapide invocation au Sacré-Cœur en l'assurant de notre confiance complète en lui. Le deuxième voyage s'accomplit sans incident. Tout le monde rentre sain et sauf à l'échelon mais "on a eu chaud".

 

La fin du mois d'avril et le début de mai s'écoulent en ravitaillement de toute sorte. On parle de relève. Chacun s'en réjouit intérieurement. Les servants en ont marre, la position étant bombardée continuellement.

 

(*) : Canonnier-conducteur

9 mai 1917

Enfin nous quittons ce coin peu sympathique de VILLERS-FRANQUEUX, il est temps. Destination inconnue, mais c'est l'arrière, c'est l'essentiel. Nous nous arrêtons à BLIGNY. C'est la première fois que je vais au repos et pour un début ce n'est pas brillant. On m'a balancé à la 8ème pièce où j'occupe le début du repos à soigner les chevaux malades !

Vers la fin je passe sur ma demande à la batterie de tir comme CCr de milieu à la troisième pièce. C'est un peu plus relevé !... Je taille néanmoins de longues babilles avec l'ami MARSOT. Nous assistons à la messe le dimanche avec assez de facilité. Malgré les bruits les plus variés de déplacements plus considérables, nous reprenons le 19 le chemin du front et nous reprenons les mêmes échelons à TRIGNY que nous trouvons naturellement en piteux état.

Le soir même nous allons prendre position.

 

(Note en fin de carnet : le 10 mai, avons tiré dans le dos du 229 qui refusait de monter sur le plateau).

20 mai 1917

La batterie de tir se met en position en avant de SAINT-THIERRY dans le parc du château de Mgr l'Archevêque de Reims. Je passe CCr de devant à la quatrième pièce avec SATAN et COMPÈRE. Position assez calme que je ravitaille à mon tour pendant un mois.

 

Le 18 juin en suite de ma demande au sous-lieutenant DEBRABANT de monter à la batterie, je suis expédié le soir même et de suite classé comme servant à la quatrième pièce.

Mes débuts de servant me plaisent, l'existence est moins épaisse qu'à l'échelon, on sent davantage qu'on travaille plus directement au matage progressif du Boche. L'effectif de la pièce étant restreint, on me donne les fonctions de tireur. Je ne suis pas transcendant dans ces fonctions, mais l'avenir me le fera devenir.

J'ai le maréchal-des-logis PERRUCHE comme chef de pièce et BOILEAU comme chef de section, M.P. BALANDRAS, puis ÉMORINE de MONTCEAU avec moi, De TURCKHEIM, MOURET, REIHEM et LEFEBVRE. J'admire l'intimité qui règne entre tous.

 

 

 

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Champagne juin 1917

 

 

 

 

24 juin 1917

J'abandonne provisoirement la batterie pour quinze jours à ma première permission du front.

 

 

              

 Le frère aîné avec ses sœurs et deux serbes hébergés par la famille.

À l’usine Schneider du Creusot, les hommes étant partis, ils ont été remplacés par des ouvriers étrangers,

dont ces deux Serbes, que les employés de l’usine étaient chargés d’héberger.

 

 

 

 

Le permissionnaire avec ses parents et ses sœurs

 

 

De retour le 7 juillet, je reprends ma vie de servant avec plaisir. Le coin est particulièrement gai.

A notre droite REIMS dont nous distinguons nettement les vestiges de la cathédrale. Assez beau point de vue sur la ville. En avant de nous, vue sur les tranchées. Plus près, à un kilomètre de la batterie, "Ribouldingue", la deuxième pièce de notre batterie qui harcèle nuit et jour les Boches et gagne la croix de guerre ainsi qu'un fanion.

Le 13 juillet

Nous quittons SAINT-THIERRY pour descendre à l'échelon et le lendemain 14, nous mettons en batterie à LA FALAISE, un demi-kilomètre au sud de BERRY-au-BAC. L'échelon demeure au camp du VIVIER bien qu'il soit distant de plus de dix-sept kilomètres de nous.

Nous ne devons pas rester longtemps car le coin n'est pas fameux, paraît-il. Pourtant le début donne confiance.

22 juillet 1917

Le sous-lieutenant DEBRABANT me désigne le 21 à 23 heures pour monter en liaison avec l'infanterie pour quatre jours. Ce sera l'occasion, me dit-il, "de voir la guerre de plus près".

Enchanté de cette mission. Je pars le 22 à 8 heures avec le sous-lieutenant ROUX de la 6ème batterie qui doit plus tard passer à la 5ème. J'ai avec moi ÉTIENNEY de la 6ème et ce vieil ami HUMBERT de la 4ème qui est tout heureux de monter aux tranchées avec moi. Justement le colonel d'infanterie chez lequel nous allons est son oncle. Chouette !

Nous sommes installés au P.C. ROUVIÈRE, une formidable organisation boche que ces messieurs nous ont abandonnée à l'attaque du 16 avril, car c'est dans cet endroit que l'avance fut le plus sensible. Nous occupons une partie très habitable de la confortable sape qui servit de P.C. à un Ober-Leutnant ou Hauptmann quelconque. Belle construction. Ces messieurs n'économisent pas le bois. Huit sorties connues. Salle à manger. Chambre à coucher avec lit de fer et cuivre et armoire à glace. Cuisine intérieure. Vastes chambres d'officiers. Central téléphonique. P.O. blindé etc., etc.

 

C'est là que nous passons quatre jours pleins à inspecter les environs, donner des communications téléphoniques et... chasser le toto et la puce qui nous taquinent ignominieusement ! La becquetance est assez soignée, nous la réchauffons à l'alcool solidifié. Nous faisons de même le thé pour nous distraire pendant nos fonctions de nuit.

Le ravitaillement arrive chaque soir vers minuit. C'est au cours d'une distribution que j'ai un poilu blessé à mes côtés, d'une balle mitrailleuse à la jambe.

Je pousse une expédition à l'avant pour reconnaître un peu les environs. A notre droite la fameuse cote 108 que les Fritz ont fait sauter. A gauche le CHEMIN des DAMES qui s'embrase chaque soir.

Devant, la plaine au travers de laquelle gisent, essoufflés, les tanks attendant une nouvelle attaque.

27 juillet 1917

N.B. C'est au cours de l'étape SAVIGNY-CUMIÈRES que l'on nous remet la fourragère :

 

Grand Quartier Général - État-Major - N°32861/31/7/17

G.Q.G. 31 juillet

Ordre Général n°43

 

Le Général Commandant en Chef décide que le 47è Régiment d’Artillerie de Campagne, qui a obtenu deux citations à l’ordre de l’armée pour sa belle conduite devant l’ennemi, aura droit au port de la fourragère.

Le général Commandant en Chef

Pétain

 

Nous sommes relevés le 26 au matin de nos fonctions d'agents de liaison. C'est la relève générale. Nous descendons à pied dans l'après-midi à l'échelon, d'où nous repartons le lendemain pour gagner par étapes la zone de repos.

 

Nous sommes le 28 à SAVIGNY et arrivons à CUMIÈRES le 29. On m'a redonné mes deux chevaux de la quatrième pièce pour les étapes, ce qui gâte quelque peu mon repos. Néanmoins je ne m'en fais pas. De bonnes trempettes quotidiennes dans la Marne. Messe de communion le dimanche. Ce n'est pas de trop ! Longues bavettes avec E. MARSOT et quelquefois, M. DEBARD, l'aumônier du groupe. Franche gaité, un peu même d'exubérance durant un ou deux soirs !

Nous quittons CUMIÈRES le 3 août pour gagner d'une seule étape LA NEUVILLE où s'installent les échelons.

3 août 1917

Nous mettons le soir même en batterie à cinq cents mètres au sud de PUISIEUX (droite de REIMS) dans un verger ravissant que nous nous mettons de suite en devoir de mettre à contribution. Position excellente. Cagnas assez bonnes que nous perfectionnons. Abri de deuxième pièce à reconstruire. Travail paisible...comme le secteur. A peine si nous entendons quelques coups de canon de temps à autre. Une batterie à notre droite se fait "biller" d'importance. Je passe à la troisième pièce. VERMOT  brigadier nommé par la suite sous-officier est mon chef de pièce. Nous faisons une véritable cure de pommes. Un pressoir barboté à une ferme voisine nous donne l'idée de faire du cidre - excellent.

Le 15 août le Sous-lieutenant DEBRABANT m'adjoint à PRENEY qui vient d'être nommé brigadier pour me mettre au courant du boulot de Brigadier-fourrier que je dois empoigner seul à la prochaine position. Liaisons au P.C. à CHIGNY-les-ROSES. Temps superbe.

17 août 1917

Nous sommes relevés le 17 au soir et arrivons à l'échelon vers minuit. Nous continuons notre route directement et nous arrêtons à CHAMPILLON à trois heures du matin.

Je suis enfin débarrassé complètement de bourrins pendant le repos. Je travaille au bureau de la batterie avec le chef, le fourrier étant en perm. Pays de vignoble. Toujours la Champagne. Je me promène en discutant avec E. MARSOT. Je rencontre LAVOUELLE, Br éclaireur de la 7ème batterie. Nous grappillons quelques raisins.

Nous devons quitter CHAMPILLON d'ici peu pour gagner par étapes le secteur de VERDUN, du moins c'est la rumeur du jour.

 

Je me débine le 24 pour ma deuxième permission du front.

A mon retour, j'apprends en cours de route que le régiment a gagné VERDUN par VILLERS-en-ARGONNE et BEAUZÉE. Après deux jours de pérégrinations par REVIGNY je rejoins mon échelon au BOIS-la-VILLE.

19 septembre 1917

Je monte le soir même pour le ravitaillement à la batterie de tir qui est en position au Ravin des Trois Cornes en face de la cote 344. Je reprends mes fonctions de brigadier-fourrier et occupe une sape assez confortable à côté de la cuisine. La batterie tire beaucoup. Attaques et contre-attaques diverses que je ne puis suivre de près contre mon gré. Le P.C. n'est pas très éloigné.

 

Au bout d'une huitaine les Boches se mettent à bombarder les environs du P.C. du groupe ainsi que la 4. Je suis surpris à deux ou trois reprises au cours de mes liaisons par des 150 et 210. J'essuie un bombardement assez long au cours d'une station à la 4ème batterie pour des questions de papiers.

 

Vers le 20, les Boches retournent littéralement le terrain environnant le P.C. du groupe. C'est à ce moment qu'une partie de la batterie se rend à la CAGE pour préparer une position que nous devons occuper d'ici quelques jours.

Dans la nuit du 21 au 22, nous recevons des gaz.

22 septembre 1917

C'est le 22 au matin (après un bombardement à gaz de près de deux heures par les Boches) que je quitte LES TROIS CORNES.

Je me rends d'abord au P.C. du groupe installé sur le flanc de la Cote du POIVRE que j'ai assez de peine à découvrir. Les bas-fonds empestent les gaz. Je suis à plusieurs reprises obligé de mettre mon masque, c'est, je crois, la première fois. Du P.C. je me rends à la position de la cage sise au flanc de la Cote du TALON que nous avons prise aux Boches à la dernière attaque.

A notre droite, VACHERAUVILLE, patelin affreusement massacré. J'occupe 1,50 mètre de boyau avec planches comme toit et toiles de tente pour fermeture. Heureusement que le temps est de la partie. Nous mangeons de bonnes fritures de la Meuse et faisons aussi de délicieuses trempettes. Les Lourds qui nous entourent sont très bombardés.

Vers la fin les Boches s'excitent sur notre batterie.

28 septembre 1917

Nous quittons sans regret la position de la CAGE à 5 heures du matin. Il est temps : ça allait sentir mauvais ! Nous passons deux jours aux échelons et partons le 1er pour le repos. Je fais le logement pour la première fois. Grande joie pour moi de refaire du cheval "à un".

Le pays dans lequel nous passerons notre repos n'est pas épatant : PRETZ, affreusement démoli. Trois ou quatre maisons sont encore debout.

Je travaille une petite demi-heure par jour au bureau, loge dans une grange avec le cabot rata et becquette à la roulante. Beaucoup de babillages avec E. MARSOT. Visite à Monsieur l'Abbé VINCENT, aumônier du 3ème groupe à un pays des environs. Longues discussions avec M. DEBARD, notre aumônier infirmier qui commence à se plaire avec nous.  De notre côté, nous le gobons un peu mieux. Il nous dit la messe le dimanche. Trente civils présents, autant de poilus. Chic.

La pluie gâte la fin de notre repos.

8 octobre 1917

Le logement quitte PRETZ à sept heures du matin, la colonne doit partir à dix heures. Nous errons assez longtemps avant de découvrir le camp des CLAIRS-CHÊNES où doit s'installer l'échelon.

Nous le découvrons enfin.

 

Deux ou trois heures après, la colonne arrive. Je suis chargé de faire placer la roulante, les fourgons et le tonneau à eau. Les mouvements dans une boue impossible sont très durs. La pluie se met à tomber comme nous dressons les toiles de tente, je préfère dormir dans un fourgon en attendant le départ qui est fixé pour minuit. Une pluie battante nous accompagne, la route est déplorable, la seconde moitié est un cahotage perpétuel dans les trous d'obus !

Enfin, nous arrivons à notre nouvelle position. Nuit noire. Quelques filets de lampe électrique pour nous diriger donnent l'éveil aux Fritz qui saluent notre arrivée par une salve de fusants.

Je dors quelques heures sur une table avec mon manteau seul.

9 octobre 1917

Au lever du jour, nous poussons une reconnaissance dans les environs immédiats de notre position pour essayer de nous situer. Nous avons devant nous, un peu à droite le MORT-HOMME dont nous distinguons très bien le versant sud particulièrement bouleversé.

A gauche, la cote 304 dont nous sommes séparés par le ravin de la HAYETTE. Je m'installe dans l'ancien P.C. de la batterie abandonné pour insécurité. Je m'en contente à bon compte ! Cagna très confortable que le sous-chef, les éclaireurs et les infirmiers viennent bientôt partager avec moi. Nous installons "Kubilot", éclairage à l'acétylène. Grande table de travail, ... et de becquetance ! Téléphone à la tête de mon lit.

C'est parfait, je n'osais espérer une telle installation.

 

Nous sommes un peu loin de la batterie par suite beaucoup plus de tranquillité. Je fais installer les cuisines à côté de moi et organise une salle à distribution. C'est le rêve.

J'assure tous les deux jours la liaison avec le commandant qui a son P.C. à la cote 275. Le secteur est assez calme, du moins au début, nous y passerions volontiers l'hiver. J'assiste chaque dimanche à la messe du G.B.D. à huit cents mètres en arrière de nous.

 

Le 2 novembre, nous chantons un service solennel pour nos morts dans une sape abandonnée. Très impressionnant. Nous mettons de même un peu d'ordre dans les tombes qui nous entourent. C'est ainsi que nous réussissons à identifier un poilu mort depuis décembre 1916.

12 novembre 1917

Voici dans les grandes lignes mes aventures de guerrier jusqu'à ce jour. Naturellement les impressions n'ont pas la vie qu'elles auraient eue à être écrites sur le champ. Cela manque forcément de souffle. J'essaierai par la suite de refléter exactement des impressions vivantes et consignées immédiatement.

 

 

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19 novembre 1917

Voici déjà une semaine que mon carnet n'est pas sorti de son gîte pour enregistrer les nouvelles sensationnelles de la guerre. Preuve qu'il n'y a pas eu grand événement à signaler.

Les Boches ont bien tenté au cours de cette semaine un coup de main pour essayer de faire sauter des pièces de 105 abandonnées par eux au moment de leur fuite. Ils ont échoué sous nos feux de barrage. Nous devons même aller prochainement chercher ces pièces. On parle aussi beaucoup de nous expédier une huitaine au repos. Voici à peu près tout ce qu'il y a de nouveau. Je ne parle pas des événements russes, italiens et gouvernementaux. Moins que jamais ces choses sont dignes de notre intérêt. Nous suivons vaguement les débuts de CLEMENCEAU dans le nouveau ministère. Encore un qu'on verra à l'œuvre.

22 novembre 1917

Cette nuit notre groupe est encore allé en première ligne pour enlever une partie du matériel abandonné par les Boches. Partis à 4 heures de l'après-midi, nos attelages ont attendu la nuit sur la route de CHATTANCOURT et à la faveur de la brume ont traversé les crêtes et ont pu atteler deux mortiers de 105 dont un complet et un crapouillot. Dix attelages ont été nécessaires pour sortir les pièces de leurs positions. Les chevaux étant fourbus, les pièces ont été abandonnées dans le ravin des CAURETTES d'où elles seront prises ce soir pour être conduites à l'arrière.

On distingue nettement le roulement d'une préparation d'artillerie de notre part sur 344. Est-ce le prélude d'une grande attaque ? Nous ne le pensons pas. Un simple coup pour améliorer les positions actuelles.

Aviation très active. J'avais projeté depuis longtemps une excursion à 304, je n'y puis parvenir. Tant pis.

25 novembre 1917

Aujourd'hui temps affreux, pluie et vent font rage. Ce temps n'est pas favorable à l'attaque prévue sur notre droite et dans laquelle nous devons participer en aveuglant (si le temps le permet) avec des obus à gaz les postes d'observation boches situés devant nous.

 

A midi les lourds commencent leur refrain ininterrompu jusqu'à 2 heures. Nous n'intervenons pas. On se passe de nos services...

 

Dans l'après-midi, on nous annonce que l'attaque a réussi. Ce sont nos zouaves qui en ont fait les frais. On annonce six cents prisonniers boches. Pas de détails complémentaires. On doit nous réserver pour les contre-attaques. Attendons !...

On parle d'une forte bamboula à 344. Les Boches auraient, paraît-il, réussi à prendre pied sur cette crête et les contre-attaques iraient leur train. Sous toutes réserves.  Ça ne vaut pas les Anglais. Nous continuons nos préparatifs de départ au repos.

26 novembre 1917

Lever comme de coutume vers... 9 heures ! Nous ne sommes pas encore avertis officiellement de la relève. Mais les indices sont certains.

Notre journée est occupée par l'emballage de notre bazar.

 

Dans l'après-midi, arrivent les servants de la 2ème Bie qui doivent occuper notre position pendant notre séjour dans la zone de repos. Nous n'emmenons que le strict nécessaire qui est entassé pêle-mêle dans un chariot, lequel doit filer directement au repos.

 

Départ à 21 heures. Coup d'œil pittoresque. Qui pourrait reconnaître une batterie d'artillerie en vadrouille en voyant ce chariot au dessus du chargement duquel se juchent une partie des servants pendant que les autres "tracent" derrière "pedibus cum gambis".

Très curieux.

Ce qui l'est moins, c'est une arrivée de 150 qui nous salue à un kilomètre de la batterie, le monstre tombe à une centaine de mètres de nous et n'est heureusement pas suivi. Mauvais présage.

Le temps est favorable à la relève. Nuit claire et moins froide que d'ordinaire, c'est ce que nous apprécions le plus. En traversant DOMBASLE, nous rencontrons d'abord deux chevaux étendus sur la route. Les Boches ont fait des leurs. Mais nous avons la confirmation pratique en entendant peu après les "Pjim poum" classiques de l'arrivée du trop fameux 130 autrichien.

Les salauds, ils tapent à l'endroit précis que nous occupions deux minutes auparavant. Trois autres suivent bientôt. Le premier surprend mais au deuxième, chacun est "planqué" qui sur la voiture (dont votre serviteur) qui dans les fossés. Après le quatrième, nous prenons le trot que nous conservons jusqu'aux échelons.

Je termine la nuit pour ma part sur un grillage de lit où je gèle littéralement.

27 novembre 1917

Un imprévu nous est réservé pour notre réveil. La neige a fait son apparition, ce qui explique la baisse subite de la température pendant la nuit. Nous nous levons pour nous... réchauffer !

Une petite balade et un quart de jus suffisent pour nous mettre en forme.

 

A 9 heures et demie, le chef me prévient qu'il m'attend pour l'accompagner au logement. J'abandonne la soupe que je commençais de m'offrir et saute sur le cheval du Br éclaireur (*) pour rejoindre le chef et son trompette qui sont partis dans la direction de SOMMAISNE. La neige fait place à une pluie fine, froide et cinglante qui nous accompagne jusqu'à SOMMAISNE où nous arrivons à midi, transis mais contents tout de même d'en être quittes alors que la colonne que nous précédions n'arrive que vers 3 heures.

Comme logement, je commence à repérer épicerie et bistrot et y faire une visite. Le Chef qui a expédié en vitesse son logement vient m'y rejoindre en me donnant tous renseignements quant aux chambres d'officiers que je n'ai pas besoin de chercher à ma grande joie. Un kil fera plus de bien qu'une balade dans la mélasse.

A l'arrivée de la batterie, nous nous précipitons en dehors du bistrot et orientons les différentes pièces. Le commandant nous offre un quart de vin chaud qui est accueilli chaleureusement. Puis soupe et nous nous balançons au pageot à 6 heures. Grange confortable. Paille abondante. Nous roupillons comme des bienheureux et faisons paisiblement le tour du cadran et même au-delà. Quinze heures de sommeil ! Rien de trop pour nous remettre !!!

 

(*) : Brigadier éclaireur

28-29 novembre 1917

Lever à 9 heures.

Une bonne séance de toilette à la rivière qui coule à nos pieds ne nous fait pas de mal. Je travaille au bureau, du moins théoriquement, en pratique je m'occupe de ma correspondance, lis les "canards" du jour dans les quotidiens différents que nous recevons et me chauffe tranquillement ; je tiendrai.

 

Après la soupe du soir, je fais un stage au bistrot avec mon ami MARSOT qui part en perm le lendemain.

 

Le 29, même emploi du temps.

On annonce pour l'après-midi une revue du commandant. Le temps est meilleur, pas de flotte durant ces deux jours. Mais une boue dans tout le pays à enliser toutes les voitures du régiment. Avons avec nous les deux derniers obusiers de 105 que nous avons pris aux Boches.

1er décembre 1917

Le 30 s'est écoulé sans événements importants à signaler et le 1er allait faire de même lorsqu'à midi, un avion qui exécutait mille pirouettes et loopings depuis un instant pique brusquement du nez et vient s'abattre en tournoyant à une distance qui au début ne nous paraît pas énorme.

Nous nous y transportons et sommes un peu étonnés d'être si loin du lieu de l'accident. Nous arrivons enfin au moment où l'on sortait l'aviateur des débris de son appareil. C'est le capitaine commandant l'escadrille de BEAUZÉE à deux kilomètres de nous. Il est tombé par suite de la chute de l'un des plans stabilisateurs. Le malheureux est en loques. Quatre avions s'envolent pour rendre hommage par leurs prouesses à leur chef disparu.

Rien autre de neuf. J'attends HUMBERT.

 

(*) : Capitaine-aviateur GUILLOU Marcel, escadrille SPA81, mort pour la France le 01/12/1917. Voir sa fiche

4 décembre 1917

Rien à signaler jusqu'au 4 sinon une visite de mon ami HUMBERT de la 4è avec lequel nous liquidons une bouteille de champagne pour arroser notre rencontre en brisant quelques biscuits et en grillant moult sèches.

Revisite du même le 4 décembre à la recherche de "becquetance" pour marquer un peu Sainte Barbe : canards, poules, dindes, oies ou lapins. Il n'a d'ailleurs pas de succès car il arrive un peu tard. Nous n'en cassons pas moins le cou à une bouteille de Pommard avant son retour.

Pour fêter Sainte Barbe, notre ordinaire est un peu plus soigné : desserts, un litre de pinard en plus de la ration habituelle, plus une bouteille de "bouché pour deux". Si bien que le soir... il y avait du tangage.

Je citerai pour exemple tel de vos serviteurs qui eut bien de la peine à rejoindre sa grange !

5 décembre 1917

Le 5, je me lève d'abord à 4 heures, le goulot emporté et sous l'impulsion d'autres besoins pressants... Un quart de jus est le bienvenu, il calmera pour un instant la G.d.B.

Au clair de lune, je me regarde dans ma glace pour voir si vraiment j'ai une sale gueule. Je me retape jusqu'à 6 heures et me relève tout étonné de me trouver tout habillé ! Phénomène bien explicable par la pression qui existait la veille. C’est ce qui explique également pourquoi je n'ai pas eu trop froid cette nuit.

 

Le 5 s'écoule en préparatifs de départ.

Nous devons partir le lendemain à 9 heures. Pour ma part je ne serai pas couché tard. Nous liquidons les vieilles bouteilles de "bouché" afin qu'il n'y ait pas de reliquat. Quant à moi, le sommeil me force à tout plaquer.

6 décembre 1917

Départ à 9 heures après la soupe. Quelques-uns montent directement à la position en camions. Moi j'hérite du bourrin de l'adjudant. J'en suis d'ailleurs enchanté car il fait un temps sur commande pour faire des étapes. Froid sec et sans vent.

 

Nous gagnons l'échelon des CLAIRS-CHÊNES par BEAUZÉE, JULVÉCOURT, IPPÉCOURT, SAINT ANDRÉ et RAMPONT. A l'échelon, un quart de vin chaud nous attend pour nous donner des forces afin de ne pas geler dans le camion qui va nous conduire à la position. Un peu de marche nous réchauffe les pieds de temps en temps. Les Boches sont calmes. Tout est pour le mieux, même la soupe qui nous attend à notre arrivée à la position de batterie.

Avec quelle joie nous apprécions les douceurs de notre home pour en avoir été sevrés huit jours.

7 décembre 1917

Sous les marmites. Nous roupillons d'un sommeil lourd et réparateur dans la nuit du 6 au 7.

 

Au matin du 7, nous commençons par reconnaître les abords immédiats de notre logement pour nous rendre compte des changements survenus pendant notre absence. Toute la batterie est maculée de taches sombres dont nous découvrons sans peine la provenance en constatant que ces cochons de boches en ont fait des leurs dans un coin qu'ils paraissent affectionner particulièrement pour s'y acharner avec une régularité étonnante. Ils n'ont pourtant balancé qu'un obus, ils ont réussi à le placer en plein dans nos feuillées...

Ah, les salauds !!! Erreur de pointage. D'vait être saoul, le type..

Par exemple, dans l'après-midi, ce ne sont plus des erreurs de pointage ! Vers 13 heures, les boches se mettent à nous balancer toutes les trois minutes un fusant en même temps qu'ils appuient des percutants en avant de la batterie. Justement, je suis obligé d'aller à la 6ème batterie chercher un papier urgent. Quatre "plats ventres" me sont nécessaires pour parvenir jusque là. Un 150 tombe à une quinzaine de mètres de moi.

Heureusement le boyau fait une foule de zigzags. Je me relève couvert de terre et de boue. Je puis rentrer à ma cagna avant l'exécution du tir d'efficacité que nous prévoyons depuis un moment, un avion boche réglant le tir de la batterie qui s'intéresse à nous.

 

A 14 heures, les Fritz commencent à biller ferme. Trois à quatre coups par minute, jusqu'à 16 heures 15. Pas de blessé. Pour ma part, j'observe de ma cagna chaque éclatement qui se produit à proximité de nous. Une centaine de mètres au minimum. Nous n'avons donc, je crois, rien à craindre pour nous et pouvons continuer tranquillement notre observation. Toutes les lignes téléphoniques sont coupées. Un maousse dans les feuillées des officiers (décidément les boches en pincent pour cet article). Un autre sur leur sape, un sur la cagna des téléphonistes. Dégâts insignifiants. La majeure partie des coups a porté dans le bled.

 

A 18 heures 30, alors que nous écrivions tous dans notre abri, les Boches nous remettent ça. Ne pouvant repérer les éclatements, faute de clarté, je compte paisiblement les coups pour les porter sur le rapport.

 

A 18 heures 45 : Halte au feu. Cinquante coups sont tombés. Nous continuons nos babilles en attendant une nouvelle salve.

8 décembre 1917

Les Boches nous sonnent un réveil en fanfare dans le plus grand tralala.

De 5 heures 45 à 6 heures, les 150 rappliquent autour de nous à la vitesse de trois ou quatre à la minute. Aucun dégât. Nous nous retapons sur l'autre oreille en pestant contre ces chameaux de Fritz qui nous réveillent à des heures impossibles.

 

A 9 heures, nous nous décidons à nous extraire des toiles et poussons une petite reconnaissance dans les environs. Un obus à vingt mètres de notre abri, les autres dans la zone de batterie. Tranquillité parfaite le restant de la journée.

 

A midi, j'ai une discussion assez chaleureuse avec le lieutenant, au sujet de la popote de la batterie dont je suis chargé de la surveillance et qui n'est pas très soignée depuis quelque temps. Naturellement comme je suis bleu, on ne peut me donner gain de cause complet ; néanmoins le lieutenant avise le chef de ma réclamation.

11 décembre 1917

Pas de changement dans la situation jusqu'ici.

Aujourd'hui nous réglons le tir d'une des pièces boches de 105 que nous avons ramenées des lignes il y a quelque temps. La manœuvre de l'obusier boche de 105 est assez simple et avec un peu de pratique doit donner assez de rapidité. Nous nous amusons à suivre des yeux l'obus dans son trajet dans l'air. Doivent plutôt faire une sale gueule, les cousins, de voir rappliquer leurs maousses personnels sur le coin de l'œil. Trois salves de quatre percutants et une de trois fusants. Nous distinguons très bien les éclatements.

Un nouvel aspirant à la 5ème batterie, impression vague. La suite nous fixera sur son compte. Je suis salué par les Fritz en allant au rapport. Une vingtaine de 150…

13 décembre 1917

Comme début de journée, je me fais "sonner" en revenant du rapport chez le commandant. Heureusement que le boyau est profond et sûr. Présage d'événements importants.

 

A midi, les "cousins" nous expédient quelques fusants ; pas de doute, c'est un réglage.

 

A 13 heures 45, ils s'y mettent pour de bon, pendant 45 minutes. Ils nous balancent des 105 et 150 à la vitesse de cinq à la minute en moyenne : 225. Un quart d'heure d'entracte et ils nous remettent ça, la séance recommence. C'est le coup du brancardier. Soixante coups de 14 heures 45 à 15 heures. Impression très ordinaire. Les points de chute sont dans l'entourage direct de la batterie. Nous ne sommes pas dans le tir et pouvons à notre aise observer le résultat entre deux salves.

Rien de cassé pour aujourd'hui. Les Fritz en sont pour leurs frais (deux pièces amochées à la 6ème batterie voisine de nous ; feuillées bouchées ; comment donc !!!).

21 décembre 1917

La neige a ralenti la marche des opérations. Aujourd'hui seulement les boches commencent à reprendre de l'activité. Activité traduite immédiatement par des barrages de notre part sur 344. Faut croire que la perte de cette cote fameuse leur a fait mal au cœur pour qu'ils s'y acharnent avec tant d'âpreté. L'aviation n'est pas moins active. Comme toujours, les Boches dominent. On craint aussi une attaque par tank.

Pour ma part, je ne vois pas bien sur quoi ces craintes sont fondées, je serais curieux de voir le tank qui traverserait les marécages entourant le ruisseau de FORGES. De l'avis de tout le monde, même de nos "huiles", nos grands chefs "chient dans leur culotte" pour s'exprimer correctement ! Ils prévoient une ruée sur notre front en suite de la libération des troupes du front russe et des prisonniers boches lâchés par la séquelle de LÉNINE. En tout cas, je ne pense pas que les Fritz s'attaquent à nous, ils se porteront plutôt sur les Anglais qui sont fin gros pour encaisser ; cela ne leur fera pas de mal. Et nous tirera une épine du pied.

 

Depuis huit jours j'attends une perm avec une impatience qui va chaque jour grandissant. Au début, j'espérais arriver pour Noël, maintenant, je me rends compte que ce n'est plus beaucoup la peine d'y compter. Je me contenterai du jour de l'An, mais je suis de plus en plus énervé. Ah, ces jeunes !!!

23 décembre 1917

Décidément je puis me fouiller pour être en perm à Noël. Tant pis ! Je me rattraperai sur le jour de l'An et la Fête des Rois. Néanmoins cela me chiffonne, je n'ai pas le cafard mais cette petite déception se traduit plutôt par de l'énervement. Ce sont mes copains de piaule qui encaissent, les pauvres, ils n'en sont pourtant pas la cause.

A part ça, rien de nouveau. Les Boches sont de plus en plus actifs depuis le beau temps. Les avions n'abandonnent pas souvent le ciel. 344 est de nuit une vraie fournaise, de jour, c'est un roulement perpétuel. Devant nous, pas de changement.

Bonsoir.

24 décembre 1917

Un clair de lune superbe favorise les randonnées d'avions pendant la nuit du 23 au 24. On entend les bombes éclater dans la direction de VERDUN, quelques-unes dans nos parages. Les Boches trouvent très intelligent de nous préparer à la fête de Noël en arrosant tout notre secteur de superbes maousses de 150 et 210 de 8 heures du soir à 6 heures du matin.

Résultat : un sommeil loupé. On se rattrapera en permission !...Bien que ladite perm n'avance pas vite, je suis disposé à tenter un grand coup auprès du chef.

Attaque brusquée, attendons la suite. Cependant il faut se préparer à fêter Noël de notre mieux. L'ordinaire restant non tapable, nous nous rattrapons sur la "Copé" qui ne peut pas nous offrir quelque chose de bien relevé. Nous nous contentons d'un petit poulet, de pâté, jambon et boudin reçus dans divers colis et de pinard. Ce vieux pinard.

Nous commençons notre veillée en bavardages divers, puis nous entamons le réveillon, façon bien profane de fêter Noël, mais impossible de faire mieux.

 

Pas de messe de minuit à moins de sept ou huit kilomètres. Après notre plantureux repas...ô combien... échauffés par le pinard qui a coulé assez abondamment, les bavardages tournent à la discussion. Politique, religion, monde, tout y passe. C'est la première fois que je discute un peu sérieusement depuis que je suis à la position de batterie.

Je tiens tête en particulier au sous-chef artificier qui loge avec nous. Ouvrier de Paname, il a forcément des idées socialistes mais qui ne sont pas les rabâcheries habituelles de nos bons sociaux ; il a des idées justes et raisonne assez bien ; il admet que je ne sois pas de son parti et m'approuve même de soutenir avec autant d'énergie mon opinion. Nous discutons ainsi jusqu'à minuit. Il est bien décidé à s'intéresser encore à la question sociale et à la solution des problèmes ouvriers. Mais avec moins d'emballement qu'avant la guerre. Ce sera maintenant d'une façon beaucoup plus égoïste.

Chacun pour soi. Je le comprends assez, mais pour ma part, je crois que j'éprouverai après la guerre encore plus le besoin de m'intéresser et de me devoir aux autres.

25 décembre 1917

Heureusement qu'un de mes camarades de piaule me réveille assez tôt, autrement, j'étais de la revue pour le rapport. En ceci, je ne suis pas le seul. Tout est d'un calme splendide. Un temps épatamment clair, on voit MONTFAUCON comme si nous y étions. Je crois que si les Boches avaient pris l'idée d'attaquer cette nuit, ils seraient bien allés en peu de temps au faubourg pavé comme lors de la première attaque. Heureusement que les fantassins sont un peu plus sérieux que les artilleurs, chez nous tout le monde est mort, depuis le commandant de groupe jusqu'au dernier servant de batterie. 

On m'a vaguement dit qu'il devait y avoir une messe dans les environs. A 9 heures et demie je vois enfin rappliquer notre aumônier de groupe qui m'annonce sa messe. J'y cours, bien entendu, entre le rapport et les distributions, cela fait du bien de se retrouver en intimité avec le Maître, les instants sont toujours trop courts car le service ne laisse pas de loisirs suffisants. Une trentaine d'assistants à cette messe de Noël, dont le Colonel Antoine, commandant l'I.D. 14 (*) ; belle tête en bon papa, ainsi que trois ou quatre officiers d'infanterie.

 

Dans l'après-midi, le chef me téléphone de me préparer à descendre aux échelons demain pour partir en perm. Enfin. Je commençais à désespérer.

Nuit superbe, un clair de lune qui donne des reflets splendides sur le manteau de nuages qui recouvre la terre depuis la nuit.

 

(*) : Infanterie divisionnaire de la 14e division d’infanterie.

26 décembre 1917

Dès mon lever, je commence mes préparatifs de départ.

 

A midi, je quitte la position de batterie pour descendre à pied à l'échelon, je préfère ainsi que d'attendre le fourgon du ravitaillement qui ne vient que la nuit et sur lequel on gèle littéralement par ce temps-ci.

Je passe par MONTZEVILLE et DOMBASLE. Les Boches sont assez calmes. Un barrage se déclenche bien dans le secteur au moment où je traverse MONTZEVILLE mais les Fritz sont trop occupés par 344 et la rive gauche pour répondre.

Je mets trois heures pour abattre mes 18 kilomètres. Le temps est bien propice à la marche.

 

Le soir, je bavarde longuement avec MARSOT et notre cabot rata qui m'héberge pour la nuit.

27 décembre 1917

Lever à 4 heures pour prendre les autos à BLERCOURT qui doivent nous emmener à LEMMES. Bien qu'étant assez en avance, nous manquons louper la commande. Alternative assez désagréable !

A LEMMES, nous prenons un croûter en vitesse suivi d'un "jus". Puis en voiture à 7 heures pour n'arriver à REVIGNY que vers 13 heures 30. Wagon chauffé mais pas de vitres. Nous sommes six du même groupe, dont quatre de ma batterie. JACOTTOT viendra avec moi jusqu'au CREUSOT.

 

A REVIGNY, nous faisons quelques emplettes et cassons la croûte en attendant l'heure du train.

Départ à 16 heures 49. Arrivée à CHALON-sur-SAÔNE à 4 heures du matin au lieu de 2 heures. Un ou deux jus en ville et nous revenons en gare attendre notre train qui n'arrive qu'à 8 heures passées avec une foule de retards.

 

Arrivée à CHAGNY à 9 heures. Nous avalons deux œufs sur le plat et nous mettons en devoir de nous faire raser pour faire bonne impression sur les civils. Départ de CHAGNY à 10 heures 20. J'arrive au CREUSOT à 12 heures 50. Enfin, je n'en suis pas fâché. A la maison, on ne m'attendait plus !

Le 1er janvier, séance de patinage avec CATTIER et Cie. Le 2 idem avec G. GABON. Un peu d'excitation produite par une absorption inaccoutumée de boisson.

 

 

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1er janvier 1918

En permission depuis le 28 décembre, je quitte LE CREUSOT le 10 à 8 heures 54. Arrivée à REVIGNY par GRAY, CHAUMONT à la nuit. Nous couchons, ou plutôt nous battons la semelle dans les baraquements jusqu'à 8 heures. Dans la seconde moitié de la nuit, nous faisons une flambée de fagots pour nous empêcher de frigorifier ! Dehors un miroir.

On nous expédie à LIGNY-en-BARROIS, centre de ralliement des permissionnaires de la 14ème D.I. On nous donne un cantonnement que nous ne prenons même pas la peine de visiter, vite à la recherche d'une chambre que nous découvrons après quelques insuccès.

Pays superbe de franche Lorraine, civils énormément sympathiques. Quelle différence avec la Meuse ! Nous passons là quatre jours des plus agréables, en compagnie des Américains qui nous offrent le champagne...

On pourrait tenir ainsi !

14 janvier 1918

Après quatre jours délicieux que nous ne craindrions pas de voir se prolonger, nous nous mettons en route le 14 au matin.

Arrivons à NANCY à midi pour en repartir à 16 heures. Gare de NANCY assez amochée, impossible de sortir en ville.

 

Débarquons à BAYON à 18 heures. Allons coucher à ROVILLE dans les cantonnements du 1er groupe. Venons rejoindre nos batteries dans la matinée du 15.

Au repos à VILLACOURT. Epatant comme retour de perm. Pays très chic pour les Poilus. On n'a pas tort de dire "notre bonne Lorraine".

Nous restons à VILLACOURT jusqu'au 2.

 

Au matin du 2, nous nous mettons en route pour GIRIVILLER où nous passons la nuit pour repartir le lendemain direction BURIVILLE où seront cantonnés les échelons.

 

Dans la nuit du 3 au 4, nous prenons position à un kilomètre au nord de DOMJEVIN. Je demeure à DOMJEVIN avec les cuisines.

4 février 1918

Voilà le secteur rêvé.

Les boches sont d'un calme. Je suis installé de façon pépère. Toujours fonctionnaire brigadier-fourrier. Occupation : rapport, distribution des vivres que nous conduisons ainsi que la soupe à la batterie avec une voiture à mule. Très drôle ! Distribution et expédition du courrier. Réception du ravitaillement. Surveillance des cuisines et papelards divers. Une seule fois au bout de la semaine, les Boches me font courir en descendant de la batterie pour le courrier.

 

Vers le 12, ils bombardent une nuit les abords du pays avec des gaz asphyxiants. Prévenus par téléphone, nous n'avons même pas mis nos masques. Malgré cela il ne faut pas s'éterniser sur la route, on s'attend à la voir biller par les Fritz.

13 février 1918

Mercredi des Cendres.

Ai découvert un salut donné le soir par un aumônier de fantassins. J'ai même assez de facilités pour assister à la messe le jour des Cendres. J'en suis heureux, c'est la meilleure façon de commencer le Carême. Très imposant, cette messe dite dans un coin moins démoli que le reste de l'édifice. C'est le seul monument que les Boches aient atteint, le pays est à peu près intact.

Ces bobosses sont épatants, beaucoup plus dégourdis que ces embusqués d'artilleurs.

 

Le 17 au soir, les Américains commencent à arriver : ils doivent être répartis dans notre division.

23 février 1918

Jusqu'ici nous n'avions vu que de l'infanterie américaine. Aujourd'hui notre arme commence à être représentée. Une section américaine relève une section de notre batterie qui va occuper une position sur la route de DOMJEVIN à VEHO. Beaucoup d'allure, nos frères d'armes américains.

L'infanterie nous donne des concerts splendides, un en particulier lors de la remise de leurs drapeaux à la demeure de leur chef de corps. Très imposant. Hymne américain, Marseillaise (séparés par la Madelon...), Sambre et Meuse. Excellente harmonie.

Le temps seul ne leur fait pas fête. Vaseux, dégel, les bottines surfines de nos Sammies disparaissent dans les flaques de boue ! Néanmoins, leur moral paraît excellent.

1er mars 1918

Relève de notre 2ème section qui s'accomplit sans incident. Les Embusqués demeurent à DOMJEVIN. Dès le lendemain de la relève, coup de main de notre part et contre-batterie boche sur notre ancienne position. Les Américains ne doivent pas rigoler. Deux nuits de suite, les Boches s'excitent et sont reçus par des barrages de 75. Ils prennent leur revanche par les contre-batteries avec accompagnement de gaz. Un officier américain et trois poilus tués à la batterie qui nous a relevés. Plusieurs blessés. Savent ne pas se planquer, ces gens-là. Faut qu'on leur apprenne à faire la guerre !

Rien d’autre à signaler, à part quelques plats-ventres au cours de liaisons avec l'ancienne position.

Tout rentre dans le calme.

7 mars 1918

Au cours du dernier coup de main de notre part, la patrouille française forte de trente-cinq hommes s'est heurtée à une centaine de Boches. Le sous-lieutenant chef de patrouille et sept poilus sont restés sur le terrain, tués ou grièvement blessés.

Les Boches continuent leurs contre-batteries. Cette nuit, un groupe du 107 lourd vient prendre position pour exécuter un coup de main. Il a six cents coups à tirer par batterie et doit se débiner avant la réponse boche. L'affaire sera, je crois, pour demain.

Nuit calme. Temps relativement beau.

Deux ou trois jours après notre prise en possession de la nouvelle position, les Boches nous ont balancés, sans résultat d'ailleurs.

9 mars 1918

Depuis deux jours, l'annonce d'un coup de main de notre part est sur toutes les lèvres. Les lourds sont arrivés depuis la veille et cette bamboula ne peut tarder.

Vers 17 heures, les gros maousses commencent à tourner sur les batteries boches, puis sur les tranchées.

 

A 17 heures 35, c'est toute l'artillerie du secteur qui crache à toute allure. Ça fait plaisir d'entendre nos 75, 90, 105, 120 et 155 ouvrir leur gueule contre les Fritz. Ce tonnerre dure une bonne heure. Nous nous postons sur une hauteur pour jouir du coup d'œil qui est absolument féerique. Cela rappelle, sans en avoir l'importance toutefois, les barrages que nous exécutions à VERDUN.

 

A 18 heures 35, l’artillerie allonge son tir et une compagnie composée de fantassins de notre division et d'Américains avance sous la protection de ce rideau d'acier. Stupéfaction des nôtres quand ils constatent que la tranchée visée est absolument vide de Boches. Pas même un bouton de culotte à offrir à nos braves bobosses qui reviennent navrés à leur point de départ sans avoir pu faire un seul prisonnier. Le coup de mains est raté quant aux renseignements qu'on voulait en obtenir malgré cette folle dépense de munitions et l'entrain de nos fantassins tous volontaires pour cette opération.

 

Dès 19 heures, avant même la fin des tirs, les avant-trains des lourds viennent chercher leurs pièces pour éviter aux Boches la peine de les bousiller.

Nous sommes surpris que durant cette quinzaine les Boches n'aient pas tiré sur notre position qu'ils connaissent très bien et ne se gênaient pas auparavant pour marmiter de temps à autre.

11 mars 1918

Dès l'aube quelques 105 fusants éclatant au-dessus de la batterie nous permettent de pénétrer les intentions des Boches. Les percutants ne tardent pas et un avion volant bas au-dessus de la batterie en dit assez pour nous confirmer dans notre raisonnement. Un servant est blessé à la tête par un éclat d'obus et évacué immédiatement. Néanmoins les Boches voulant s'en tenir là avant leur déjeuner nous laissent le loisir de distribuer la soupe sans incident.

Mais à peine étions-nous de retour au pays que les Fritz nous remettent ça avec leur trop fameux 210. D'abord un coup toutes les cinq minutes, puis toutes les deux et bientôt, c'est toute une batterie qui prend part à la danse. Pas de doute, c'est le tir d'efficacité qui commence.

 

18 heures.

Toute la soirée, les obus ont rappliqué sans interruption. Nous ignorons les résultats étant donné que nous sommes totalement isolés par suite de la rupture des lignes téléphoniques. Inutile de dire que la soupe ne sera pas à l'heure ce soir à la batterie.

C'est la réponse à notre bombardement d'avant-hier. Ce qu'il est pénible de constater, c'est que nos lourds ne répondent pas, ne fût-ce qu'un instant pour nous libérer. Ils nous laissent encaisser sans nous venir en aide. Quatre coups de 90 et un de 155 dans la soirée ! N'est-ce pas pour se foutre de nous ?

Pas d'obus, disent-ils. Oh, les salauds ! Qu'attendent-ils pour s'en procurer ? Mais c'est à charge de revanche.

 

6 heures 30.

Pas de ralentissement dans le tir boche, au contraire ; les "fouilleurs" ont succédé aux instantanés.

12 mars 1918

Ainsi qu'il fallait s'y attendre, les Boches font suivre leur tir à obus explosifs d'un tir à obus à gaz. C'est ainsi que nous nous réveillons ce matin-là dans une atmosphère de gaz suffocants. Les Boches avaient bombardé toute la ligne d'artillerie et les gaz s'amassaient dans la plaine qui environne DOMJEVIN. Le brouillard assez intense favorise l'action des gaz qui se font sentir pendant une heure au moins.

Nous sommes obligés de mettre le masque durant une demi-heure. Le soleil et le vent font disparaître les dernières vapeurs délétères.

13 mars 1918

Tout l'après-midi, les Boches s'excitent sur les batteries au nord du pays.

Vers 5 heures 45, ils allongent le tir et quelques coups tombent à l'entrée du pays. Inutile de nous inviter à déguerpir. Mieux vaut se débiner inutilement que de risquer d'encaisser un bombardement sérieux. Plutôt que de nous réfugier dans les abris du centre du pays, nous prenons le bled, plus efficace contre les maousses que les abris. Un 105 tombe à vingt mètres de notre voiture à soupe.

Pendant une heure, les 105 tombent dans le centre. Plusieurs poilus de tués, quelques-uns de blessés. On ne connaît pas exactement le nombre.

18 mars 1918

Les Fritz prennent l'habitude de faire du tir au lapin à toute heure dans toutes les directions. Chaque voyage à la batterie est maintenant agrémenté d'une série  de plats-ventres plus ou moins rapprochés. Il ne se passe pas de journée sans que nous n'ayons à enregistrer de nouveaux exploits boches.

 

Le 16, ils nous sonnent le réveil à 5 heures 45 par une contre-batterie énergique pour empêcher nos 75 de faire barrage sur leur infanterie qui exécute un mouvement. Trois 105 arrivent à l'entrée du patelin que nous habitons. Nous décidons de nous lever avant l'arrivée du quatrième qui d'ailleurs reste en panne.

Fausse alerte.

19 mars 1918

J'apprends aujourd'hui seulement que le bombardement boche de l'autre jour a fait une victime parmi nos amis : Monsieur l'Abbé VINCENT, brigadier-brancardier du 3ème groupe, du diocèse d'AUTUN, volontaire pour le front comme aumônier. Blessé grièvement d'un éclat d'obus dans les reins et mort le lendemain. J'étais surpris de ne plus le voir de temps en temps comme j'en avais l'habitude. Monsieur VINCENT était très estimé de tous et est unanimement regretté. (*)

Renseignements complémentaires dès que possible.

Des bruits sérieux de relève circulent dans l'air. Qu'y a-t-il d'exact ?

 

(*) : VINCENT Jules Stanislas, brigadier-auxiliaire, mort pour la France le 14 mars 1918. Voir sa fiche.

20 mars 1918

Notre infanterie doit exécuter un coup de main ce soir, probablement toujours dans l'intention de connaître les effectifs que nous avons en présence de nous. Cette opération, dont les Boches sont certainement informés, coïncide justement avec la relève des Américains.

 

Vers 13 heures 30, je montais du groupe à la batterie pour porter au Capitaine les derniers ordres concernant le coup de main. Arrivé à la sortie du pays, chemin que je prenais habituellement, les Boches commencent un tir d'arrosage sur toute la vallée allant de la batterie au pays. Une maison a déjà fait le plat-ventre quand je m'enfonce précipitamment dans une cave avec une section de fantassins.

Il était temps, un 150 arrive juste au pied du mur de la maison qui m'abrite. Trois quarts d'heure durant, les 150 se succèdent sans intimider nos fantassins qui ont encore le courage de monter chercher le pinard qu'ils avaient abandonné... Nos lourds se décidant à ouvrir leur gueule, les Fritz interrompent un moment leur tir, juste le temps de me permettre d'arriver à la batterie. Aperçu au passage un fantassin se rendant au GBD, le poignet coupé et un éclat dans la caisse. (*)

A peine arrivé à la batterie que les Boches remettent ça sans même me laisser le temps de parvenir au capitaine. C'est le tir d'arrosage nourri, mille coups en deux heures ! Je ne puis remettre mon pli au capitaine qu'à 16 heures seulement, alors qu'il avait déjà évacué son P.C.

Tout rentre dans le calme, si ce n'est quelques obus à gaz qui tombent dans différents points. Cette fois, je prends le bled pour rentrer !

Inutile d'ajouter que le ciné n'a pas de succès ce soir-là.

 

(*) : Dans le ventre

22 mars 1918

Ah non, passez-moi le secteur pépère !!!

Impossible de monter une seule fois à la position de batterie sans se faire maousser en cours de route. Depuis plusieurs jours, l'artillerie boche crache fortement.

 

Ce matin, comme les Boches visaient la droite de la batterie, je me disposais à suivre la route quand une rafale de quatre 155 suivie bientôt d'une autre s'écrase à la sortie du pays dont je suis à deux cents mètres. Je prends vivement le bled avec la batterie de 155 comme point de direction. C'est plus franc que le "patelin".

Dès 13 heures, les Fritz commencent un bombardement de zone dans tout le secteur de DOMJEVIN. Les maousses pleuvent quatre heures durant, dont plusieurs dans le pays. Plusieurs poilus de mouchés. Interruption du tir vers 17 heures pour permettre à ces messieurs de croûter.

 

A 18 heures, la fête recommence avec accompagnement d'obus à gaz. Jusqu'ici nous ne connaissons rien de ce qui est arrivé à la batterie. Une pièce est hors service, paraît-il. La voiture à soupe qui est partie comme de coutume à 17 heures n'a pu rentrer avant la reprise du feu. Essayons tout de même de souper. Notre voiture ne rentre qu'à 20 heures. Les Boches balancent toutes les demi-heures des rafales de 77 et 105 au travers du pays. Comme toujours, au matin, gaz.

La cuisine au patelin devient de plus en plus problématique. Les Boches ne se contentent plus de nous empêcher de la conduire à la position, ils nous interdisent de la faire.

23 mars 1918

Cette fois, c'est une habitude prise, il faut nous attendre à voir le patelin encaisser tous les après-midi.

Jusqu'ici, le tir était plutôt concentré sur le centre et la gauche du pays. Aujourd'hui, c'est la droite uniquement qui prend. Une maison derrière la nôtre fait le plat-ventre. Un 150 rapplique à trois mètres devant nous. C'est la dernière fois que nous voulons faire la cuisine au pays.

 

Au soir, nous roulons paillasses et couvertures et allons coucher dans un abri construit dans le centre du village par le génie.

Toute la nuit les Boches bombardent le village, avec accompagnement de gaz sur le matin. Nous dormons paisiblement, beaucoup mieux que la nuit précédente au cours de laquelle nous avions été continuellement éveillés.

24 mars 1918

Dès le matin nous avons décidé d'évacuer le pays. Après entente avec notre "Gouvernement", nous attelons notre bagnole et en trois voyages transportons notre barda à la ferme de La BARAQUE à 1,5 kilomètre de DOMJEVIN. Nous y resterons jusqu'à ce que les Boches nous en fassent déménager.

C'est plus sympa que le patelin. Nous logeons chez un brave civil avec ses trois mioches. La mère est morte au début de la guerre.

J'installe mon "burlingue" pendant que les cuistots commencent la soupe qui parvient comme de coutume à la batterie. Nous dormons en pépère et ne sentons aucunement les gaz dont les Boches font grand emploi cette nuit sur les batteries et le pays de DOMJEVIN.

25 mars 1918

A 6 heures, après un fort bombardement des tranchées, les Boches attaquent devant nous sur un front assez large. Notre vaillant 350 suffit à les recevoir et à les reconduire à leur point de départ avec perte et fracas.

 

Vers 10 heures, les réserves montent pour parer à toute éventualité. Le colonel du 60 monte à son poste de combat.

Calme complet le 26.

 

Le 27, quelques réglages de 130 sur le patelin que les Boches ne se résignent pas à laisser en paix. Nous avons bien fait de nous en débiner.

On parle de plus en plus d'une relève comme très prochaine. Ce n'est certainement pas pour un secteur pépère...

Les ordres arrivent le 28. Impossible de monter maintenant une seule fois à la batterie sans se faire sonner en cours de route.

 

Dans la nuit du 28 au 29, la première section se débine sans incident.

 

Dans la nuit du 29 au 30, c'est le tour de la deuxième section qui a moins de chance que la précédente. Les Boches sonnent sérieusement la route à son départ. Personne de mouché heureusement.

L'effectif est très réduit par suite de l'évacuation de quatorze servants intoxiqués par les gaz. Trois téléphonistes ont été enterrés pendant une heure dans leur abri. Je suis obligé de monter à la position le 28 pour tenir le central téléphonique.

En somme, nous ne regrettons pas ce secteur qui pour pépère qu'il était à notre arrivée est devenu rudement moche.

31 mars 1918

Nous passons la fête de Pâques aux avant-trains à VATHIMÉNIL. J'ai le bonheur d'assister à la messe.

1er avril 1918

Départ de VATHIMÉNIL à 10 heures par une flotte comme il est de coutume aux relèves. Passons par MOYEN, GIRIVILLER.

Arrivons à SAINT-RÉMY-aux-BOIS à 14 heures après une étape de trente kilomètres.

3 avril 1918

Nous passons de notre mieux les quelques jours de repos que nous accrochons en passant. Je loge au bureau assez confortablement installé.

Aujourd'hui remise de décorations par le commandant MASSON. Notre départ est fixé au 5 à 4 heures 38.

Embarquement à CHARMES, pour une direction inconnue. Certainement pour un secteur pépère. Suis proposé pour le grade de brigadier.

5 avril 1918

Départ de SAINT-RÉMY-aux-BOIS à 2 heures par temps assez bon. Faisons la route à pied par suite de manque de place sur les voitures.

Arrivons vers 4 heures à CHARMES après une étape de dix kilomètres.

Embarquons à 6 heures pour partir à 8 heures. Nous tournons CHAUMONT, passons à TROYES, LA COURNEUVE, CREIL et arrivons le 6 à 10 heures. Faisons à pied l'étape de quinze kilomètres qui nous sépare d'HOUDAINVILLE avec halte en cours de route pour la soupe.

 

J'apprends le 7 au rapport que je suis nommé brigadier depuis le 4. Je conserve provisoirement mes fonctions de brigadier-fourrier.

 

Faisons étape le 8. Trente kilomètres d'HOUDAINVILLE à AUCHY-la-MONTAGNE.

8 avril 1918

Le manque de sous-officiers et gradés par suite de la dernière intoxication par les gaz nécessite un bouleversement général de la batterie. Quatre brigadiers monteront à la position faire fonction de chef de pièce. Je suis du nombre.

9 avril 1918

Je commence mes fonctions aujourd'hui. MARSOT, mon copain, me remplace comme brigadier-fourrier. Je me trouve dans une situation cocasse. Ayant avec moi comme cabot (*) de pièce un vieux poilu de deux ans de grade plus vieux que moi.

Heureusement qu'à la guerre, blaireaux et anciens sont égaux devant les Boches !!!

 

(*) : Cabot = Caporal

10 avril 1918

Départ d'AUCHY-la-MONTAGNE pour RAMBESCAMPS à 7 heures.

Je pilote ma pièce pour la première fois. Pas trop de gaffes pour un début.

11 avril 1918

Départ de RAMBESCAMPS à 12 heures pour BLANGY-sur-POIX. Je pars avec le logement.

Le pays vaut le précédent, c'est la Somme, quoi !...

12 avril 1918

Départ de BLANGY-sur-POIX à 6 heures 45 pour QUÉVAUVILLERS.

13 avril 1918

Départ de QUÉVAUVILLERS à 2 heures pour POULAINVILLE. Assez bien logés. Nous remplaçons des Anglais.

14 avril 1918

Départ de POULAINVILLE à 4 heures pour RAINCHENAL.

Voyage assez mouvementé, nos chevaux en ont marre. On s'aperçoit tout de même que nous ne sommes pas des machines qui fonctionnent jour et nuit. La division doit stationner quelque peu par ici. Déjà on parle de nous faire faire de la manœuvre.

24 avril 1918

Notre séjour se prolonge. J'ai laissé mes fonctions de chef de pièce pour celles de cabot de pièce. Nous continuons nos manœuvres. Nous sommes ici en réserve pour agir derrière les Anglais en cas de grabuge.

Révisons l'instruction de nos Bleus de la 18ème.

27 avril 1918

Départ de RAINCHENAL à 6 heures 15 avec le logement. La colonne part à 7 heures 30.

Nous atterrissons à ORVILLE, patelin assez chic à cinq kilomètres de DOULLENS. Je retourne le soir à RAINCHENAL pour ramener du matériel oublié.

28 avril 1918

On parle vaguement de se déplacer, ce n'est qu'à 10 heures 30 que nous sommes certains de ne pas changer. Le Q.G. de la 14ème division vient s'installer au pays.

29 avril 1918

Départ d'ORVILLE à 14 heures pour HÉRICOURT.

30 avril 1918

GOURNAY.

1er mai 1918

WAVRANS.

3 mai 1918

ZUYPENNE.

4 mai 1918

WEMAERS, CAPPEL. Ai visité CASSEL à deux kilomètres du cantonnement. Gentil pays.

Point de vue superbe sur la plaine environnante, depuis la terrasse qui domine la ville. Un monument rappelant les grandes batailles de l'histoire dans la région des Flandres. Dernier vestige du Château des Comtes de Flandres.

6 mai 1918

Nous déménageons de notre cantonnement pour occuper une ferme plus sympa à un kilomètre. Très bien. Je fais connaissance avec les vrais Flamands. Drôles de gens. Assez bien.

Nous prenons position dans la laiterie pour nous gaver de toutes ces bonnes choses dont nous sommes si gourmets.

7 mai 1918

Alerte à 12 heures. Départ à 13 heures.

Direction HAZEBROUCK d'abord, puis POPERINGUE ensuite. On entend davantage le canon, nous nous rapprochons du front. Nous traversons la frontière de Belgique par la route d'YPRES et cantonnons dans des baraquements de tôle aux environs de POPERINGUE.

8 mai 1918

Alerte à 12 heures.

Nous devons monter prendre position. Nos fantassins ont déjà relevé une autre division qui a pris pas mal. Nous mettons pied à terre à la ligne d'artillerie pour agir au moment opportun au point menacé. Nous y passons la soirée dans l'attente et à 19 heures l'ordre est donné de rejoindre les anciens baraquements. On n'a pas besoin de nous aujourd'hui.

Cela prend la couleur d'une manœuvre pour compléter l'instruction de la classe 18 !

9 mai 1918

Aujourd'hui pas de doute possible : ce sera pour ce soir.

 

A 12 heures, ordre est donné de se préparer à partir. Nous ne démarrons qu'à 19 heures 30.

Les Boches paraissent calmes. Cependant de nombreux bourrins gisant en pagaille sur la route témoignent de l'agitation du secteur. Nous prenons position dans un champ de blé qui a pour toute organisation un boyau et une tranchée. C'est ce boyau qui nous hébergera pour cette nuit.

Nous y roupillons assez bien.

10 mai 1918

Au lever du jour, nous nous mettons au boulot. J'ai repris depuis trois jours mes fonctions de chef de pièce en remplacement du mien permissionnaire. Toujours à cette vieille deuxième pièce. Trois hommes creusent l'abri de pièce pendant que je vais avec trois autres battre le bled pour dégotter des matériaux car il ne faut pas compter en obtenir autrement.

La rafle est bonne, outils, tôles, bois, matériel de toute sorte sont amenés par un wagonnet de voie anglaise de 60 circulant devant notre position. Nous n'oublions pas même la table, les bancs, chaises et fauteuils traditionnels découverts à OUDERDOM, petit patelin à deux cents mètres devant nous qui a été évacué précipitamment. Le soir notre abri de pièce est terminé.

11 mai 1918

Maintenant à notre tour.

Puisque les Boches nous foutent la paix nous serions bien ballots de coucher plus longtemps dans le boyau. Quelques voyages de matériaux, de nombreux coups de pioches et de pelles et le soir nous éprouvons la satisfaction de coucher sous des tôles en plein secteur d'attaque.

Nous commençons de tirer.

12 mai 1918

Aménagement de notre cagna qui est décidément épatante. Bien nous en a pris. La flotte fait son apparition et... les obus aussi. Les Fritz, fâchés de ce que nos bobosses leur ont barboté du terrain et des prisonniers, contre-attaquent sans succès.

On se pose un peu là. Jamais je n'avais entendu tonner autant d'artillerie.

15 mai 1918

Nous barrons régulièrement chaque nuit.

Attaque et contre-attaque boche ou française soir et matin. Les saucisses boches nous faisant de l'œil, nous ne pouvons plus travailler la journée à découvert ; nous bosserons la nuit et en écraserons le jour.

18 mai 1918

Depuis le 16 je suis passé en second plan par suite du retour de mon chef de pièce. Je demeure à la pièce en attendant une autre affectation. Aujourd'hui nous raccourcissons notre hausse de barrage. Les Boches auraient-ils avancé ? C'est bien possible.

 

Cet après-midi, les Boches sont bougrement excités : ils placent un superbe 210 à cinquante mètres de notre cagna et plusieurs dans les environs. Nous auraient-ils repérés ? Ou bien seraient-ce les coups longs dans OUDERDOM ?

19 mai 1918

Le capitaine donne ordre de déplacer la section par suite de l'arrivée des 210 à proximité de nous. Je demeure à la cagna avec un poilu pendant que le chef de pièce et six de ses hommes creusent nos abris de matériel et d'hommes. Nous gardons l'ancienne position. Je bats de nouveau le bled pour nous procurer des matériaux.

J'ai le bonheur d'assister à la messe en ce jour de Pentecôte. C'est la seule façon de m'unir avec ma sœur CHARLOTTE qui fait sa première communion. J'ai fait depuis longtemps le sacrifice d'assister à cette fête de famille. Très impressionnante, cette messe dans le bled en pleine vue des saucisses et des crêtes occupées par les Boches. Heureusement qu'ils nous foutent la paix pour l'instant.

20 mai 1918

Les Fritz intensifient leurs bombardements.

Ce soir ils mettent le feu à une maison de chaume. Je demeure à l'ancienne position jusqu'à nouvel ordre.

22 mai 1918

Plus de doute sur les intentions fritz, ils préparent une attaque. Les bombardements augmentent chaque jour.

Dans la matinée du 22, plusieurs coups fusant au-dessus de nous nous mettent en éveil sans cependant nous étonner outre mesure. C'est le réglage.

 

A midi, le tir boche est nourri en avant de nous puis tout d'un coup ils allongent le tir sur le boyau que nous occupons sans l'atteindre heureusement.

Nous finissions de dîner et prolongions la séance en bavardage lorsqu'un 150, le dernier comme toujours atterrit à deux mètres de notre abri. Deux de mes hommes sont touchés sérieusement. Nous les transportons au poste de secours ; l'un d'eux expire en arrivant, l'autre s'en tirera à notre avis. (*)

 

Sans attendre d'autres bombardements, le capitaine nous donne l'ordre d'évacuer la position. Nous emmenons notre tribu dans la nuit et nous nous installons dans le bled à un kilomètre en arrière. Nous dormons durant la journée pour ne pas nous faire repérer et au soir nous nous mettons à creuser nos trous. Ce n'est qu'à 2 heures du matin que nous pouvons nous coucher.

Pas pour longtemps car à 4 heures on nous alerte : les Boches montrent des velléités d'attaque.

 

A 9 heures, tout danger disparu nous allons réintégrer nos cagnas. Horreur, notre litière nage dans le bouillon. Tout est à refaire. Mais cette fois nous nous installerons au rez-de-chaussée. Le sous-sol est malsain.

Nous nous couchons de bon cœur le 24 au soir car on commence à en avoir marre. Heureusement la flotte s'arrête de tomber.

 

(*) : Il y a qu’un seul mort du 47e RAC ce jour-là : il s’agit de ROURE Émile Eugène Marius. Voir sa fiche

26 mai 1918

Nous faisons quelques tirs de harcèlement pour empêcher Fritz de creuser des tranchées.

27 mai 1918

Après un bombardement de toute la nuit à gaz et à explosifs de tous calibres, les Boches attaquent vers 4 heures. Nous barrons jusqu'à l'épuisement complet de nos munitions. Plus de quatre cents coups pour ma pièce. La peinture coule. C'est la première fois que je le vois.

Résultats non connus mais devant nous les lignes n'ont pas dû changer beaucoup. Sur YPRES l'avance a atteint un kilomètre. Une compagnie de 404 prisonniers. Pas mal de déficit chez nos fantassins.

Nous évacuons deux fois notre position en cours de journée, notre tôle étant vraiment trop mince pour résister aux 380 ! Moral excellent malgré ça.

28 mai 1918

Nuit assez calme.

Au matin nous faisons une heure de préparation d'attaque. Les nôtres doivent contre-attaquer. Pas de tuyaux sur le résultat. Chacun se ressent un peu des gaz absorbés la veille.

Voici deux jours que je dirige ma pièce sans commandant supérieur, les liaisons étant toutes difficiles à entretenir.

Toute la batterie est assez fortement indisposée : gaz, eau, fatigue ?... Le climat doit y être pour beaucoup.

31 mai 1918

Les Boches bombardent beaucoup l'arrière.

Vers le soir nous sommes obligés d'évacuer momentanément la position. Un obus de 150 tombe à trois mètres de nous. Personne de mouché.

Après quelques contre-batteries, Fritz se calme sans déclencher d'attaque.

1er juin 1908

D'après les derniers tuyaux les Boches seraient à CHÂTEAU-THIERRY. Il est bien rare que nous n'allions pas y faire un tour. Des bruits de relève circulent. On craint une attaque boche devant nous.

2 juin 1918

De minuit à 3 heures nous faisons du tir de harcèlement. Le matin arrive sans que les Boches déclenchent d'attaque.

 

L'après-midi, je bats le bled avec PRENEZ. Nous rentrons vers 3 heures sans avoir rien découvert quand PRENEZ reçoit un éclat qui lui traverse la joue droite. Evacué de suite.

 

A 21 heures, à l'arrivée du ravitaillement les Boches commencent un tir de zone dont les trois premiers coups sont pour notre cuisine qui devra chercher un autre établissement. Au bout d'une demi-heure tout rentre dans le calme et les Fritz nous fichent la paix jusqu'au lendemain.

J'apprends avec peine la nouvelle de la mort de Noël GUILLOT.

3 juin 1918

Le lieutenant m'annonce que je suis cité à l'ordre du régiment. Je ne possède pas encore le motif de citation. Je ne l'ai sûrement pas fait exprès.

Comme notre infanterie est partie du secteur et que par suite de l'offensive boche notre repos prévu est supprimé, le lieutenant décide de nous envoyer à tour de rôle passer quarante-huit heures aux échelons. Comme chef de la 1ère pièce, j'ouvre le ban le soir.

4 juin 1918

La batterie est relevée dans la nuit pour passer la journée du 5 à l'échelon.

6 juin 1918

Départ de l'échelon à 5 heures 30 pour cantonner à REXPOEDE.

8 juin 1918

Départ de REXPOEDE à 14 heures pour la gare d'embarquement.

Nous embarquons à 16 heures et partons à 18 heures 30. Passons à DUNKERQUE, CALAIS, LE TRÉPORT et débarquons le 9 au soir à SAINT-PAUL à 21 heures. Arrivée à BONNIÈRES à 23 heures.

12 juin 1918

Départ de BONNIÈRES à 8 heures. Je fais le logement. Arrivée à LIHUS à 12 heures.

13 juin 1918

Départ de LIHUS à 5 heures. Arrivée à BONNEUIL à 10 heures. Nous nous rapprochons du Front tout en le longeant. Suis proposé pour FONTAINEBLEAU, cours d'Aspirant.

14 juin 1918

Je suis désigné comme Chef de la 4ème Pièce en remplacement d'un de mes copains blessé à côté de moi au KEMMEL.

Départ de BONNEUIL à 17 heures. Halte dans un bois qui sera notre échelon à deux kilomètres de CHAUSSOY, le pays où nous habiterons en attendant que notre position soit en état de nous recevoir. Nous prenons position à deux cents mètres de ce pays le long de la route qui va à EPAGNY.

15 juin 1918

C'est la position de tout repos. Travail de 5 heures 30 à 9 heures 30 et de 17 heures 30 à 20 heures 30. Nous commençons des sapes par pièce. N'étant pas encore bien remis de notre surmenage du KEMMEL, je me contente de mettre mes poilus au boulot et d'aller me balader. Ce n'est pas chic, mais j'ai le temps de me rattraper plus tard.

16 juin 1918

Nous sommes au nord-ouest de MONTDIDIER, en arrière d'AILLY. Secteur assez calme d'apparence. Sommes chargés de défendre coûte que coûte la 3ème ligne de repli. Les Boches sont bien à neuf ou dix kilomètres. Comme repos, c'est rêvé. Je passe mon temps à lire, écrire et me balader. Ce matin dans ma promenade matinale j'ai repéré une petite église épatante à cinq cents mètres de la position, Saint Denis. J'y entends la messe du dimanche et pourrai y assister quotidiennement. Désormais j'aurai un but à mes promenades.

Garde à la position tous les cinq jours.

17 juin 1918

Baignade à une petite rivière délicieuse.

22 juin 1918

Prise d'armes à 8 heures 30 pour la remise par le Colonel des Croix de guerre des Flandres. Après nous avoir salués, le colonel prononce l'allocution suivante devant le fanion du régiment qui paraissait pour la première fois :

 

       "Officiers, Sous-officiers, Brigadiers et Canonniers du 47ème,

       Aujourd'hui quelques-uns d'entre vous vont recevoir la récompense de leur belle conduite pendant la bataille des Flandres en mai 1918.

       Tous vous avez bien mérité de la Patrie : les servants pour leur courage stoïque pendant les plus violents bombardements par obus explosifs et toxiques ; les conducteurs pour leur vaillance pendant les ravitaillements qu'ils ont toujours assurés malgré les plus violents tirs de harcèlement. Malheureusement plusieurs sont restés là-bas dormir leur dernier sommeil. Ceux-là, je les salue bien bas.

       J'adresse également un souvenir ému à toux ceux du 47ème qui sont morts pour la Patrie depuis le commencement de la guerre, en particulier au colonel BERNARD, mon vieil ami de trente ans qui est tombé il y a juste un an à pareille époque.

       Tous nos remerciements vont à sa vaillante épouse qui, émule des femmes de l'Antiquité, a brodé pour le régiment le fanion qui se présente pour la première fois devant vous. Je n'oublie revenir pour recommencer avec nous tous les exploits des anciens du 47ème."

 

Puis les trompettes ouvrent le ban et le colonel commence la remise de la croix de guerre dans tout le cérémonial prévu. Lecture de la citation, accolade et coups de plat de sabre sur l'épaule.

 

       "Brigadier FAURE Louis n°mle 6302, classe 1916, 5ème batterie, ordre 125 du régiment du 1er juin.

       Brigadier d'une belle tenue au feu. Sert depuis son arrivée à la batterie de tir. Étant chef de pièce, vient de se distinguer par son calme et son sang-froid en assurant la continuité du tir malgré des pertes sévères."

 

Puis défilé devant le colonel et le fanion et dislocation.

Je rencontre un de nos anciens miliciens, BOUILLET, qui assistait par hasard à la prise d'armes. Enchanté de le revoir.

23 juin 1918

Avons repos complet ; en profitons pour assister à la grand-messe et aux vêpres à l'église Saint Denis.

27 juin 1918

Alerte à midi. Nous devons monter en position en avant pour un coup de main. Départ à 21 heures. Passons par AILLY-sur-NOYE. Douze kilomètres.

Prenons position en avant de la Noye, à trois kilomètres des lignes. Position terminée qui nous paraît excellente.

28 juin 1918

Alerte à 4 heures ; on craint une attaque boche et de peur que Fritz nous tire par les pieds..., nous nous barrons. Les avant-trains enlèvent les pièces à 5 heures. Nous suivons.

Rassemblement dans le bois de l'autre côté de la Noye. Là commence le flottement. Nous attendons des ordres pendant une heure. Puis tout le régiment se déplace en colonne dans la direction de... l'arrière. Halte dans un bois où cantonne le 240ème R.A.C. Nos cuistots nous préparent le jus que nous renversons deux fois par suite de fausses alertes de départ. Enfin vers 10 heures, nous pouvons le boire.

A 11 heures départ. Nous prenons position dans le bled à cinq ou six kilomètres des lignes. Cantonnons sous la toile de tente dans un bois assez feuillu.

J'attends ma perm.

29 juin 1918

Nous complétons notre installation plutôt précaire quand à 18 heures, on nous donne l'ordre de nous préparer à faire mouvement. Peu de temps après les avant-trains accrochent les pièces. En attendant l'arrivée des caissons, nous chantons à notre tour pour nous empêcher de dormir. Ce n'est qu'à minuit que nous quittons la position.

30 juin 1918

Nous reprenons à 2 heures nos anciennes positions entre CHAUSSOY et ÉPAGNY. Nous passons une bonne partie de la journée à roupiller. Ce qui ne nous empêche cependant pas d'assister à la grand-messe à Saint-Denis. L'après-midi nous avons le spectacle d'un superbe combat aérien. Deux Boches descendent en flammes. Un Français subit le même sort, un autre atterrit avec une blessure légère. En me promenant je vais visiter le Boche tombé à 2,5 kilomètres de nous. Un tas informe de ferraille et de viande grillée qui exhale une odeur de roussi.

Je m'attendais à faire demain mes préparatifs de départ en permission, mais non, ce ne sera pas avant le 4. Cela me chiffonne un peu, d'autant plus qu'au lieu de partir en perm, c'est au poste d'observation que je monte et on parle sérieusement de décoller en auto. J'attends cependant avec la même confiance. J'ai la visite de JODON et BOUILLET avec lesquels nous bavardons un peu.

1er juillet 1918

Poste d'observation. Cote 146. Nord de CHIRMONT. Nous découvrons LOUVRECHY, le Bois FILIFORME, le Bois d'AUDRICOURT, le Bois 109, etc. Visibilité moyenne. Nous y passons la journée et nous préparons à rentrer vers 9 heures lorsqu'on nous alerte. Toute la Division, comme l'armée d'ailleurs qui se trouve en réserve, doit occuper ses emplacements d'alerte. Nous restons au poste.

2 juillet 1918

A 1 heure du matin on me donne l'ordre de rejoindre la batterie. Je rencontre tous les fantassins qui attendent dans les bois que Fritz s'approche ou qu'on annonce la fin de la manœuvre si manœuvre il y a. Le Génie se tient près des ponts pour les faire sauter à temps. On se croirait à la guerre !!! A la batterie j'apprends que le pays a été bombardé par avions. Aucune victime à déplorer. Nous prenons des dispositions pour demeurer continuellement à la position et moi j'attends ma perm qui cette fois est de plus en plus proche

 

 

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20 juillet 1918

A mon retour de permission je suis cueilli à la gare de CROISSY-sur-CELLE (Oise) par le Centre de Ralliement de la 14è D.I.

Nous passons là une existence assez tranquille, un peu monotone cependant par suite du manque d'occupation. Nous ne connaissons de la guerre que ce que nous racontent les journaux et communiqués que nous avons tout le loisir de lire. Nous tiendrons.

24 juillet 1918

Nous avons vu passer hier en gare un train de blessés venant du secteur que j'ai quitté pour aller en perm. En particulier trois wagons de blessés boches qui ne font pas mauvaise figure du tout. Au contraire ils paraissent contents de leur sort.

Je connais les pays que nous avons repris pour les avoir vus à la jumelle : MAILLY, RENEVAL, SAUVILLE, AUBVILLER.

26 juillet 1918

Je passe chef cantonnier ; ça devient intéressant !... Oh on ne se casse rien, on aurait tort de bosser comme des nègres pour des embusqués !

2 août 1918

Départ de CROISSY au train de midi. Nous passons une nuit horrible entassés à quarante dans un wagon de bestiaux.

3 août 1918

Débarquons à NOGENT-sur-SEINE et par une pluie d'orage gagnons SAINT-LOUP (*) à 12 kilomètres.

Cantonnement bien organisé avec Y.M.C.A. Salles de lecture. (**)

Passons deux bonnes nuits.

 

(*) : Saint Loup de Buffigny (Aube).

(**) : YMCA (Young Men's Christian Association : Les YMCA françaises, américaines et britanniques apportent confort et récréation aux soldats alliés (bibles, livres, équipements sportifs…)

5 août 1918

Embarquons en camion à 7 heures. Arrivons à DAMMARIE à 14 heures. De là nous allons à la division et couchons à BELVAL ne voulant aller plus loin.

Véritable visite en pays reconquis. Nous trouvons quatre pièces de 75 sautées par nous à l'avance extrême boche.

6 août 1918

Nous atterrissons enfin aux échelons de notre batterie à midi. Nous apprenons la blessure du lieutenant commandant et la mort d'un servant. Je passe brigadier de la 1ère pièce. Nous couchons sous la toile de tente.

7 août 1918

Les Boches ayant aperçu du mouvement dans notre bois nous suivent pendant une heure avec du 130 et 240.

Un servant tué au groupe et deux à un autre régiment.

9 août 1918

Relève des pièces dans la nuit. Nous allons bien quitter le secteur sans que j'aie connu la position sinon de nom.

10 août 1918

Départ à 7 heures.

Nous faisons un véritable pèlerinage en pays reconquis. CHAMBRECY, CHAUMUSY, CHAMPLAT, LA NEUVILLE, BELVAL, FLEURY-la-RIVIÈRE, VENTHEUIL. C'est dans ce dernier pays que nous devons cantonner. Les maisons étant pour la plupart en ruines nous montons la toile de tente. Les vignes ne sont pas trop saccagées bien que les Boches y soient passés.

De nombreux cadavres alliés ou boches non relevés témoignent de l'âpreté de la lutte.

11 août 1918

Mon chef de pièce partant en permission, je le remplace tout en cumulant les fonctions de brigadier de pièce.

15 août 1918

Départ de VENTHEUIL.

16 août 1918

Arrivée à ALLEMANT à 8 kilomètres de SÉZANNE après avoir traversé les fameux Marais de SAINT-GOND (*). Nous sommes assez bien installés. J'ai même un lit avec des draps. Nous devons faire des manœuvres.

 

(*) : « Fameux » car c’est à cet endroit qu’en septembre 1914, s’est joué un épisode de la bataille de la Marne.

20 août 1918

Nous commençons les tirs. Je suis chef de la 1ère pièce.

21 août 1918

Je marche comme chef des avant-trains. Je suis avisé que je dois partir à la fin du mois à FONTAINEBLEAU (*). Je n'y comptais plus.

Nous continuons les manœuvres sans grand nouveau à signaler.

 

(*) : Il existe à Fontainebleau une grande école d’artillerie.

29 août 1918

Cette fois, je suis fixé. Je pars demain matin. Je fais mes adieux aux copains.

30 août 1918

Je quitte ALLEMANT à 4 heures pour me rendre en voiture à SÉZANNE où je dois prendre le train de 5 heures 30. J'arrive à PARIS à 11 heures. Je me rends immédiatement à la Gare de Lyon pour potasser les correspondances avec LE CREUSOT. Impossible. A peine dix heures à rester et encore faudrait-il que les trains collent bien. Plus deux nuits à l'œil. J'y renonce.

Je descends à l'Hôtel Palym et commence par me bien "taper la cloche". Dans l'après-midi je rends visite à Marthe PIGNAUD qui m'invite à dîner. Je termine la soirée à me balader au travers de PARIS.

31 août 1918

Je continue ma visite de PARIS. Trocadéro, Tour Eiffel, Arc de Triomphe, Tuileries, Avenue des Champs-Élysées, Panthéon, Académie, etc.

1er septembre 1918

Départ gare de Lyon à 6 heures 30. Arrivée à FONTAINEBLEAU à 8 heures. A l'école, nous remplissons de nombreuses formalités et de non moins nombreuses paperasses de tous ordres comme l'administration française sait si bien en créer. Nous déjeunons au mess. C'est potable. Une chambre personnelle, ça c'est gentil. On tiendra.

Je suis affecté à la 72è brigade. Lieutenant DUPASQUIER du 47è. J'en suis heureux.

2 septembre 1918

Nous commençons notre journée à 9 heures 30 par un jus ultra puissant sur la discipline.

 

Après midi, suite du même jus mais plus calme. Causerie du capitaine commandant de groupe sur la morale. Amphi de maths pour terminer.

8 septembre 1918

Le premier dimanche que nous passons à BLEAU. J'assiste à la messe de 10 heures. Agréablement surpris de l'assistance à la messe des élèves de l'école.

 

L'après-midi, je visite le fameux Palais qui est très intéressant. Malheureusement les plus belles pièces manquent ; elles ont été expédiées à TOULOUSE lors de l'avance boche.

12 septembre 1918

Notre travail suit son cours. Nous sommes plongés dans les maths jusqu'au cou. Faisons également manœuvre à pied et artillerie ainsi que deux heures de cheval par semaine. Très intéressant.

 

Jeudi soir, je me rends à la réunion de la conférence Saint Vincent de Paul de Bleau. Une trentaine d'élèves de l'école présents. Assez bonne impression. Une causerie très bien faite sur le rôle d'un officier. Un peu de chiqué cependant.

20 septembre 1918

Assisté hier conférence Saint Vincent de Paul. Causerie sur la Prière. Jeudi prochain causerie sur le Sillon.

Les maths commencent à se tasser. Trigo terminée. Nous entrons dans la mécanique.

21 septembre 1918

Départ de BLEAU à 19 heures 57. Deux heures d'arrêt à MONTEREAU. Arrivée à SENS à minuit.

22 septembre 1918

J'assiste avec mon oncle à la grand'messe à la Cathédrale. Après déjeuner nous visitons les fameux bourdons de la Cathédrale plus gros, paraît-il, que la Savoyarde. Beau coup d'œil en effet. Les cloches d'abord, puis de la Tour, sur la ville de SENS.

 

L'après-midi nous visitons deux musées ; assez intéressant. Retour BLEAU 21 heures.

23 septembre 1918

Les cours proprement dits commencent cette semaine. Le boulot augmente mais devient plus intéressant. Aujourd'hui exercice de topo au Polygone. Demain service en campagne en camion à MORET.

24 septembre 1918

Nous allons en auto à MORET. Faisons un tour d'horizon depuis l'aqueduc qui domine MORET et les environs. Vue superbe.

On découvre CHAMPAGNE, LA CELLE, SAINT-MAMMÈS, ÉCUELLES, etc. Nous faisons un croquis de la cote 101 et rentrons par LES SABLONS.

25 septembre 1918

Nous nous rendons à SAMOIS par AVON. Rentrons comme à l'aller par chariot de parc et fourragères. On se croirait à une relève en Lorraine !

28 septembre 1918

L'examen probatoire de math est décidé pour lundi prochain. Seuls le passeront ceux qui n'ont pas 12 de moyenne jusqu'ici. J'ai heureusement des notes au-dessus de cette moyenne, ce qui fait que je suis admis sans passer l'examen.

 

A 15 heures 30, j'ai la visite de M. DELORME que je devais rencontrer le soir à PARIS et qui a préféré venir me chercher pensant que je pourrais quitter plus tôt. Impossible. Je l'envoie visiter le palais en attendant que je sois libre.

Nous partons ensemble à 7 heures 30 et débarquons à la Gare de Lyon à 9 heures. Nous dînons rapidement puis nous mettons en quête de séance quelconque de théâtre. Rien de fait, trop tard. Nous rentrons paisiblement nous coucher Place de la République.

29 septembre 1918

De bonne heure nous nous mettons en route pour visiter PARIS. Champ de Mars, Grande Roue, Tour Eiffel, Pièce Bertha de 250, Trocadéro, l'Etoile, Avenue des Champs-Élysées, La Madeleine, Les Invalides, La Chambre des Députés, l'Élysée, l'Opéra, les Boulevards.

Nous dînons fameusement Place Gaillon et montons à Montmartre dans l'après-midi. Impressions diverses.

Beaucoup de visiteurs, peu de ferveur. Nous vadrouillons un peu au travers de Montmartre et redescendons dîner Place de la Bastille. Je prends le train à 7 heures 30. Retour BLEAU 9 heures. Enchanté de ma journée.

3 octobre 1918

Journée particulièrement sportive.

Le matin excellente ballade à cheval au polygone et dans la forêt.

L'après-midi service en campagne en vélo. Point de direction : VULAINES. Faisons là-bas un croquis perspectif. Rentrons en groupes par BASSES-LOGES et AVON. Enchanté de la journée.

9 octobre 1918

Exercice de logement à MEUN près d'ACHÈRES. Assez intéressant.

13 octobre 1918

En 24 heures à Paris. Assisté à la grand'messe à Notre-Dame.

21 octobre 1918

Reconnaissance de position de batterie sortie N.E. de LA GENEVRAYE. Assez intéressant. Au retour nous passons par MONTIGNY et MARLOTTE, deux pays des plus pittoresques que j'aie traversés jusqu'ici. Presque uniquement composés de chalets et châteaux.

Aux lisières de la forêt qui est superbe à cette saison. Les arbres avec leurs teintes jaune clair donnent l'illusion d'un rideau d'or.

2 décembre 1918

Mes impressions d'embusqué devenant de plus en plus monotones, j'ai abandonné depuis longtemps mon journal. Je n'ai pas même eu un mot à l'occasion de la signature de l'Armistice (11 novembre). Cela a beaucoup moins de saveur que les impressions vécues aux armées.

J'ai eu un instant l'intention de plaquer l'école pour assister aux journées inoubliables de l'entrée en Alsace. Quelle joie de pénétrer en vainqueur en Bochie ! Comme on nous diminue nos cours, je préfère attendre, d'ailleurs il est probable qu'on ne me lâcherait pas. Mes notes se maintiennent normales. Il est à présent officiel que nous ne serons pas nommés aspirants. Seulement un Brevet d'aptitude au grade de sous-lieutenant de réserve. Cela nous indiffère.

Nous continuons cependant à travailler tout doucement. Nous avons commencé les tirs au polygone. C'est ce qui m'intéresse le plus. J'ai assisté à plusieurs manifestations à PARIS, mais sans y voir grand chose ! Comme tous les badauds.

19 décembre 1918

Malgré un temps exécrable, je vais à PARIS assister à l'arrivée du Roi d'Italie. J'avais pourtant bien décidé que je ne prendrais plus part aux manifestations. C'est ainsi que j'ai laissé passer les arrivées des rois d'Angleterre et de Belgique et de Wilson sans y assister.

N'ayant plus rien à faire à BLEAU, je préfère passer mon temps à PARIS. Je prends position Place de la Concorde, face à l'Avenue de l'Élysée, juché sur un 150 boche en compagnie de quatre ou cinq gosses qui en sont déjà à leur troisième averse et supporteront celle-ci avec stoïcisme ! La pluie a facilité le service d'ordre en retenant un peu de Parisiens à la maison mais à 3 heures tout est noir de monde.

 

A 3 heures 10 les canons commencent de tirer leurs salves. Bientôt les voitures arrivent précédées d'une compagnie de gardes républicains à cheval et de la fanfare. Première voiture : Victor Emmanuel et Poincaré, deuxième voiture : le Prince de Piémont et Clemenceau. Derrière la suite.

Acclamations. Ensuite défilé d'un régiment d'infanterie du front avec drapeau. Le colonel encadré de deux capitaines, un vieux pépère et un jeune imberbe. Le drapeau avec musique en tête fait beaucoup d'impression.

27 décembre 1918

Séance d'affectation. Je suis classé 20ème du groupement. Je demande à retourner au 47, à l'indignation du commandant qui ne peut l'admettre.

30 décembre 1918

Nous sommes nommés Aspirant à cette date (Journal Officiel du 11 janvier 1919). Départ de BLEAU à 14 heures.

Je joins mon oncle en cours de route.

Nous partons ensemble de SENS à 23 heures. J'arrive au CREUSOT à 6 heures.

1er février 1919

Départ du CREUSOT à 18 heures.

2 février 1919

Arrivée à BESANÇON. Affecté à la 65ème batterie.

4-6 février 1919

Départ de BESANÇON à 8 heures 56. DIJON, TROYES, CHALONS, ÉPERNAY. Classé le 6 à la 4ème batterie Champillon.

10 février 1919

Je prends le commandement de la deuxième section de la 4ème batterie.

13 février 1919

Excellente balade à cheval à ÉPERNAY. Enchanté de ma monture.

14 février 1919

On me colle la popote.

18 février 1919

Promenade à cheval dans la forêt de NANTEUIL d'où la division est partie à l'attaque du 18 juillet. Que de souvenirs se rattachent à chaque mouvement de terrain, chaque lisière de bois !

19 février 1919

DIZY, AIY, AVENAY.

20 février 1919

A pied dans la Forêt d'HAUTVILLERS.

21 février 1919

A cheval. Bois d'HAUTVILLERS, CUMIÈRES.

5 mars 1919

La vie de CHAMPILLON se continue monotone et sans changement. Nous avons assez bien fêté carnaval hier. Aujourd’hui Mercredi des Cendres.

8 mars 1919

Départ CHAMPILLON 7 heures 45. La pluie nous accompagne. Cantonnons à SAINT PIERRE aux OIES.

9 mars 1919

Cantonnons à COUPETZ.

10 mars 1919

PRINGY. Pays plus grand et confortable que les précédents. Parfait pour 48 heures.

12 mars 1919

BLAIZE-sur-ARZILLIÈRES.

13 mars 1919

DROSNAY.

14 mars 1919

VILLEMBLAISON.

16 mars 1919

SAINT-URBAIN.

17 mars 1919

ÉCHENAY.

19 mars 1919

CHERNISEY. Visite à cheval à DOMRÉMY.

20 mars 1919

AUZAINVILLIERS.

21 mars 1919

MONTHUREUX-le-SEC.

22 mars 1919

GRUAY-les-SURANCES.

Je répartis les éléments de ma section au mieux des ressources du pays et du bien-être des poilus. Comme je fais ma tournée une heure après dans les cantonnements, le maréchal-des-logis chef de la troisième pièce me rend compte que son propriétaire a dépendu le harnachement et l'a jeté dehors ainsi que les couvertures de la pièce et menace de lâcher les chevaux.

Je le trouve gueulant comme un âne après les poilus puis se retournant contre le chef de pièce et moi. De colère il jette à la rue les plats et gamelles de la pièce. J'interviens à ce moment mais ne puis lui tenir tête tant il a de la gueule. Mes galons m'empêchent de lui taper sur le nez.

Je viens en rendre compte au lieutenant avec l'intention de le faire conduire au poste par quatre hommes. Nous allons trouver le maire et verbalisons pendant que la femme pleure comme un veau et le type plat comme une punaise. Tableau !!!...

Je ne regrette qu'une chose, c'est de n'avoir pas commandé à deux types de lui taper sur la gueule. Une bonne distribution lui aurait fait du bien. J'en prends note si pareil événement (ce qui j'espère n'arrivera plus) se reproduit.

24 mars 1919

MANIONCOURT.

25 mars 1919

MAILLERONCOURT.

26 mars 1919

LES AYNANS.

28 mars 1919

LE VERNOIS. Nettoyage et préparation du défilé du lendemain. Espérons que le temps sera de la partie.

29 mars 1919

Départ du VERNOIS à 9 heures.

Le colonel nous attend à l'entrée de la ville pour nous présenter l'étendard et prendre le commandement du régiment. Nous passons sous l'Arc de Triomphe qui nous souhaite la bienvenue au milieu d'une haie compacte des habitants qui ont jour férié pour la circonstance. Des Alsaciennes offrent des bouquets au colonel, à l'étendard, aux commandants de groupe et de batterie et à tous les gradés. Des enfants des écoles fleurissent les poilus le long du parcours. Au quartier, salut à l'étendard et dislocation.

 

L'après-midi nous assistons à la plantation d'un arbre de la Liberté et subissons de nombreux discours. Puis réception de tous les officiers et sous-officiers par la Municipalité. Re-discours bien entendu mais accompagnés cette fois de gâteaux et champagne. Le soir réjouissance générale. Je loge au quartier dans une chambre que je meuble et orne de mon mieux.

Je suis chez moi.

5 avril 1919

Je quitte ma section pour passer à l'état-major comme adjoint au Chef d'escadron.

 

 

 

 

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7 avril 1919

Je suis allé à BELFORT à cheval. Bien.

Nous commençons à nous faire à la vie de quartier. Pour moi ce n'est pas trop pénible. Je fais une apparition de cinq minutes matin et soir au bureau du groupe et monte à cheval.

Visité MONTBÉLIARD. Belle église Renaissance. Musée assez intéressant. Je pars en permission le 15.

 

Je rentre de permission le 7 au matin et reprends de suite mes fonctions d'adjoint à l'état-major du groupe. On me laisse de plus en plus travailler seul, un des adjoints devant être mis en sursis et l'autre devant partir en permission.

C'est un bouleversement général. Les classes 16 à 19 sont expédiées en occupation. Nous recevons des renforts divers de vieilles classes. C'est pénible de voir ainsi désorganiser et probablement dissoudre un des plus beaux régiments de France. A quoi ont servi tous ces braves qui se sont fait tuer pour obtenir au régiment ses belles citations et sa renommée ? On se moque absolument du poilu. Qui donc a puissamment contribué à gagner la guerre, sinon cet esprit de corps élevé à un si haut point dans ce 47 ?

1er juin 1919

Nous avons eu plusieurs fausses alertes. Nous sommes d'abord partis le 15 avec BESANÇON comme destination.

Contre-ordre le lendemain.

Nous n'avons pas dépassé l'ISLE-sur-le-DOUBS et sommes rentrés à HÉRICOURT pour changer de bâtiments. En ce moment nous sommes assez bien logés. Espérons que ce sera stable. Je passe ma journée à lire, écrire dans le bureau occupé par le Commandant et ses adjoints. Comme travail deux ou trois notes à signer matin et soir aux heures de courrier.

Nous avons quitté la popote pour entrer en pension à la cantine. Mess des adjudants, aspirants et chefs. Nous y sommes assez bien.

 

Notre vie s'écoule ainsi avec monotonie jusqu'au 19 juillet, date à laquelle nous sommes nommés sous-lieutenant. Du moins nous croyons l'être car huit jours après, on nous annonce que le ministre de la guerre n'a pas ratifié notre nomination. Gros Jean comme devant.

Nous continuons cependant à vivre avec les officiers qui sont gentils avec nous.

En permission du 10 au 30.

1er septembre 1919

Une heureuse nouvelle m'attend à mon retour de permission. Le Ministre de la Guerre a ratifié notre nomination de sous-lieutenant avec rappel du 1er juillet. Journal Officiel du 29 août 1919.

Cela ne m'empêche pas de compter les jours avec entrain car il est temps de reprendre une vie régulière. Il ne se passe pas de journée qui n'entraîne avec elle un arrosage quelconque, nomination ou départ. Que de mortifications en perspective pour effacer ces jours de Purgatoire !

Une bonne retraite suivie de la ceinture complète s'imposera là-dessus.

 

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14 septembre 1919

Je me disposais à faire un grand voyage circulaire avant ma démobilisation lorsqu'on me désigne pour prendre le commandement d'un camp de prisonniers à échéance plus ou moins brève.

18 septembre 1919

N'ayant pas encore reçu mon affectation pour le camp de prisonniers de CHALONS, je me débine au CREUSOT et à CHAUFFAILLES.

23 septembre 1919

Rentré de CHAUFFAILLES le 22 à 7 heures. Au CREUSOT, je reprends le train de 22 heures qui m'amène à HÉRICOURT à 7 heures. Je me fais démobiliser dans la matinée.

A midi je suis civil.

Mais avant de rentrer au CREUSOT, je veux aller faire un tour en Champagne. Je me joins à une délégation qui quittera HÉRICOURT demain à 8 heures.

 

 

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POSTFACE

 

 

Louis FAURE après la guerre :

 

De retour au CREUSOT, il s’emploiera à relancer le groupe de la Milice Saint-Michel qui rejoindra la Fédération des Scouts de France. Louis sera nommé Scoutmestre en 1921. Le groupe participera au Camp national de Chamarande en 1922. Le District du Creusot sera créé en 1922, Louis FAURE en sera le Commissaire. Il entrera au Comité directeur des Scouts de France. On peut dire que, de son retour de la guerre à 1948, il consacrera tout son temps libre au mouvement scout dont le développement au CREUSOT et dans sa région sera intense. En 1929 Eugène SCHNEIDER mettra le Château du Breuil, à proximité du Creusot, à disposition des scouts à condition qu’ils organisent des colonies de vacances pour les enfants de la ville. La province de Bourgogne-Nivernais sera créée en 1933, Louis FAURE en sera le Commissaire. Le centre scout du Breuil devient un centre de formation des chefs du mouvement scout et acquiert une réputation nationale.

 

Sous-lieutenant en 1919, Louis FAURE effectuera des périodes militaires pendant l’entre-deux guerres. Il sera mobilisé en 1939, Lieutenant au 248ème R.A.C. Un anthrax le conduira à l’hôpital de BAR-LE-DUC, ce qui lui évitera d’être fait prisonnier avec son unité.

De retour à la vie civile, il reprendra son activité professionnelle. Secrétaire du chef des services administratifs des usines Schneider, il sera à son poste à la Direction des Usines lors de l'arrivée des Allemands en tant qu'occupants.

 

LE CREUSOT étant en zone occupée, le scoutisme devient clandestin pendant la guerre. Louis FAURE relance le mouvement dès la Libération du CREUSOT en septembre 1944 et conserve sa charge jusqu’en 1948.

Il se consacre alors aux anciens scouts et participe à la création à PARIS en mars 1961 de l’Association des Amitiés de France dont il sera président jusqu’en 1976.

En parallèle à son action au sein du scoutisme, il tiendra sa place à la Fédération Nationale des Organismes de Sécurité Sociale et de l’Union des Sociétés Mutualistes de Saône-et-Loire ainsi qu’à l’Amicale Creusotine des Anciens Combattants. Ces choix dénotent un constant souci de servir, d’aller vers les autres, de prendre des responsabilités et lui permettront de participer à de nombreuses réunions en divers lieux tant en France qu'à l’étranger.

L’activité associative aura tenu une place prépondérante dans sa vie, le conduisant sans doute à négliger une évolution professionnelle à laquelle il aurait pu prétendre.

La vie familiale avec quatre enfants et quatre petits-enfants sera l’autre volet réussi d’une vie bien remplie. Il s’éteindra le 9 avril 1989 à l’âge de 93 ans.

 

 

 

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Louis en 1932.  D’autres photos apparaissent dans le livre.

 

 

 

 

Description : Description : Description : Louis FAURE Carnets de route  couverture - Copie

 

Remise d’une médaille et d’un diplôme d’honneur à l’occasion du 70ème anniversaire de l’armistice.

 

Commentaire du récipiendaire, alors âgé de 92 ans : « Il était temps ! »…

 

 

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