Les carnets de guerre du capitaine Charles DEVANT

Officier d’approvisionnement du 2e régiment d’artillerie de campagne

1914-1918

 

Mise à jour : Février 2022

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3a

Charles DEVANT alors lieutenant

 

Catherine nous dit en juin 2021 :

« J’ai retrouvé les carnets de guerre 1914-1918 de Charles Devant, mon grand-père paternel.

Ces carnets présentent l’intérêt de couvrir quasiment toute la guerre, d’août 1914 à fin 1918, hormis quelques périodes de permission, et une période de quelques mois du fait de la perte de ses notes.

Charles Devant, était un jeune ingénieur, diplômé de l’école Centrale de Paris , entré comme sous-lieutenant au début de la guerre au 2ieme d’artillerie de campagne, puis nommé capitaine peu avant la fin de la guerre.

L’autre intérêt de ces carnets réside dans le fait que mon grand-père a par ailleurs pris des photos (plus de 200) pendant toute cette période et réalisé un album quand il a été démobilisé.

J’ai scanné toutes les notes, et l’album photos. Si un internaute retrouve le nom d’un ancêtre, je serais heureuse de communiquer avec lui »

 

 

Merci à Philippe pour la vérification du récit et le temps passé sur certaines recherches très approfondies pour retrouver le parcours de soldats dont on ne connaissait que le patronyme.

 

Tous les récits d’artilleur, comme celui de Charles DEVANT, utilise des termes propres à l’artillerie, comme " batterie ", " groupe ", " échelon ", " pièce ", " avant-train " , pour comprendre ses termes, allez voir sur mon site ici.

J’ai ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit.

 

Prélude

Le 2e régiment d’artillerie forme l’artillerie de la 27e division d’infanterie. Cette division est composée de la 53e brigade d’infanterie (75e et 140e régiments d’infanterie et un groupe de chasseurs alpins du 14e chasseurs), de la 54e brigade d’infanterie (52e régiment d’infanterie et un groupe de chasseurs alpins du 7e chasseurs), du 2e régiment d’artillerie, d’une compagnie du 4e régiment du génie.

 

Le 2e régiment d’artillerie, quant à lui, est composé de 3 groupes d’artillerie, chacun composé de 3 batteries de 3 canons chacune.

Charles DEVANT est sous-lieutenant affecté à l’état-major du 2e groupe d’artillerie et il y est officier d’approvisionnement. L’état-major (EM) est rattaché administrativement à la 4e batterie, donc au 2e groupe d’artillerie du régiment, comme l’indique le journal des marches et opérations du régiment (JMO) :

 

 

                 

                           

Son curriculum vitae rédigé de sa main

 

Fascicule de mobilisation.

 

 

 

DEBUT des ÉCRITS

1914 : Vosges - Somme – Picardie

 

Charles DEVANT a 27 ans

Dimanche 9 août

Nous sommes à Lépanges dans les Vosges, tout près de Remiremont et Épinal.

Présents à table :

Commandant …

Capitaine…

Lieutenant CHEVANT …

Mines : Sous-Lieutenant …

Centrale : sous-lieutenant TAILLON

Versailles : sous-lieutenant PONSON

Docteur DOUCET-BON.

Vétérinaire BUTTIN.

Lieutenant LE CORNEC.

 

Mangeront tous à la même table.

Arrivés à Laveline hier matin à 5 heures après 26 heures de train. Accueil frénétique de la population, tous contre l’envahisseur.

Revu les 2 CLARET de Cluses (*), BARDON, TERRIER d’Annecy.

J’envoie une lettre par 1 s/lieutenant qui la mettra à Lyon.

 

5h du soir. Troupeau de bétail arrivant pour être abattu. Des autobus parisiens arrivent pour emporter viande aux troupes de tous côtés. On entend le canon vers le nord-est. Les Français sont entrés vendredi soir dernier à Mulhouse.

 

(*) : Il s’agit des frères CLARET, tous les 2 nés et habitant à Cluses et tous les 2 bouchers :

- Lucien Marie  CLARET, né en 1886, incorporé au 14e escadron du train des équipages militaires. A survécu à la guerre.

- Claude Angel CLARET, né en 1891, incorporé à la 14e section des commis et ouvriers d’administration. A survécu à la guerre.

10 août

7 h matin. Le groupe (*) est parti ce matin à Corcieux où je le rejoindrai à 2 heures après notre approvisionnement ici à Lépanges. Je remets des lettres pour Cluses à un lieutenant d’administration qui fait le train de ravitaillement Lyon-Lépanges et mettra à la boîte à Lyon.

Temps splendide.

 

(*) : Groupe : Groupe d’artillerie. Un groupe d’artillerie comprend 3 batteries de canons chacune.

 

Avant- hier vu passé un Zeppelin. Le même jour un aéro allemand a laissé tomber une bombe sur le train amenant la première troupe. Je pense à Cluses, à tous ceux que je laisse. Quel bonheur si je puis les revoir. Quelle fierté du devoir accompli. Je pense à ma femme, à mon gosse, à tous ceux que j’aime. Je faiblirais si d’autres comme moi n’étaient là, tous pour la même cause. Regrets de ne pas avoir le verascope. (*)

 

 

Joséphine et Alfred DEVANT

Une vieille paysanne amène son gamin (son taureau) à la réquisition. Elle pleure en le quittant. Il était si gentil. Elle a 4 fils sous les drapeaux.

 

17 heures. Sommes à Corcieux.

La 6e batterie vient de partir au feu, au col du Bonhomme, soutenir le 11e chasseur alpin, qui tape déjà. Les batteries de montagne sont aussi là. On se montre pendus à la fenêtre de la mairie, les vêtements d’un chasseur à cheval allemand tué par une patrouille il y a 8 jours.

 

(*) : C’est un appareil photo stéréoscopique.

13 août

Une bataille devait s’engager aujourd’hui au col Sainte-Marie. Sommes cantonnés depuis 2 jours près de Ban-Laveline. Couché sur le foin, sommes 1 heure, vanné, comme d’ailleurs les copains. Écris chaque jour à mes parents - me ravitaille à Saint-Léonard à 2h 1/2 à cheval à travers bois très jolis.

 

À 9 h l’attaque au col n’a pas encore eu lieu - Nombreuses troupes - 2 chevaux malades - je retrouve ce vieil accent lorrain : « nenni ! roitez ! »

Les hommes tout éreintés ; officiers idem-comme aussi les chevaux.

Ce matin, j’ai réquisitionné une voiture et 2 chevaux.

17 août

Sainte-Marie-aux-Mines occupé depuis hier soir par les Français. Joie de tout le monde. Toujours des blessés, avant-hier un convoi de 480 prisonniers Allemands, hier 108 du 99e de Saverne avec officiers, drapeau. Aujourd’hui encore 800 avec 3 pièces d’artillerie et mitrailleurs.

Ici village frontière-nombreux espions ou suspects-tirs Allemands, on fusille beaucoup. Succès de notre artillerie qui a tout démoli sans tranchées alsaciennes.

Vu TRIER Gaston en hussard.

18 août

Hier ravitaillement à St Dié. Couché à Ste Marguerite chez Mr CUNY. Avant-postes français à 1 km de Ste-Marie. Couché avant-hier à Wisembach, ce soir idem.

Ravitaillement en viande par autobus de la CGO de Paris.

 

Autobus de la Compagnie Générale des Autobus (C.G.O.)

Demain commenceront les convois administratifs de corps d’armée pour prolonger le train. (*)

Moral bon des troupes aujourd’hui, après nouvelles de l’entrée des troupes à Sainte-Marie. Je vais bien. Nous n’avons pas de nouvelles bien exactes sauf par journaux de Lyon que je trouve au train de ravitaillement.

De même je fais porter chaque jour une lettre à Lyon en la confiant au convoyeur militaire du train. Puissent-elles toutes arrivées. Je pense souvent à la famille. Mais c’est une pensée qu’il faut refouler pour être fort. Triste chose que la guerre.

 

Passé à Corcieux, Fraize, Laveline, Saint-Léonard. Vu aujourd’hui CONS d’Annecy qui est dans le génie. (**)

Vois parfois l’adjudant 11e chasseurs, marié à fille GONDOLFO de Cluses. Mon gradé le plus dégourdi est FROMENT, élève des Mines de Saint-Etienne.

Notre artillerie a littéralement abruti les Allemands - au Col des Bas Genêts (***) notamment - des tranchées ont été prises en enfilade. On retrouvait près de leur pièce 5 servants ennemis fauchés et dans leur position de manœuvre. On attribue ces effets à l’obus à mélinite qui asphyxie et tue.

Nombreuses fermes incendiées par nous où se réfugiaient les ennemis. Nos fantassins ne veulent plus marcher sans nos canons.

 

Mon ordonnance CLAIRENS de Saint-Didier bien gentil. (****)

Nombreux prisonniers Allemands et des blessés que nous n’achevons pas comme eux, mais que nous transportons en auto à St-Dié. Pas encore reçu de lettres de chez moi.

 

(*) : Il s’agit du train régimentaire (train hippomobile).

(**) : Il s’agit très certainement de Jean Jacques CONS, né et habitant Annecy. Né en 1888, il fait partie du 4e régiment de génie dont une partie est rattachée à la même division d’infanterie que Charles DEVANT. Plusieurs fois cité pour bravoure, il a survécu à la guerre. Voir sa fiche.

(***) : Écrit Bas-Genelles et Bas-Genettes au JMO (en 1 seul mot au JMO du 9e Hussards), c’est le col des Bagenelles entre les cols de Ste Marie et du Bonhomme.

(****) : Théophile CLAIRENS, né 1888 à Saint-Didier, a effectué son service militaire au 2e régiment d’artillerie de campagne (2e RAC). En août 1914, il est affecté au 1e régiment d’artillerie de montagne, régiment qui fait aussi de la 27e division d’infanterie comme le 2e RAC. Cité pour bravoure, il a survécu à la guerre. Voir sa fiche.

 

Son ordonnance le soldat Théophile CLAIRENS - Photo de juin 1915 d’une partie du personnel du train régimentaire du 2e régiment d’artillerie

23 août

Suis à Senones. Retourne par le passé à 1 an en arrière. Avant-hier à Saales.

Ste-Marie serait repris. Tout ne va pas merveilleusement.

24 août

Toujours à Senones.

Pas de nouveaux biens précises, à peine sait-on ce qui se passe tout près de nous. Animation dans la commune. Bien reçu chez le secrétaire de mairie. 3 jours de suite dans mon lit. Beau temps. Beau soleil.

Quand tout cela sera-t-il fini ? Blessés nombreux, on oublie qu’on les a vus. Pierre BARDON est (*) à Fraize où on l’opère d’une hernie. Je mange souvent avec la sous-intendance où l’on est très gentil. (Mr LOYSEAU, s/intendant).

 

(*) : Pierre BARDON est au 11e bataillon de Chasseurs jusqu’en décembre 1914, passé au 28e, puis 14e bataillon de Chasseurs, sergent puis sous-lieutenant en juin 1915, il sera tué un mois plus tard en Alsace. Voir sa fiche.

25 août

Coucher dans un fourgon près de Saint-Michel-sur-Meurthe. Mal dormi. Froid.

Aujourd’hui grosse bataille d’artillerie tout près de nous entre Raon-l’Étape et Etival. Issue mal connue.

S/lieutenant ROZAY tué hier au combat (*). 1 an de mariage. Un bébé dans 8 jours. Son frère à la même batterie est ici dans l’incertitude.

 

Le canon tonne sans interruption depuis 3 heures du matin. Triste chose que la guerre.

Mis le feu à Plaine, à Petite-Raon etc…

Les Allemands sont tapis dans leurs tranchées d’où on n’a pu les déloger. On les attend dans la vallée chez nous où nous aurons la part plus belle. La 1ère batterie a été atteinte rapidement hier, par le feu ennemi.

Aujourd’hui les pertes doivent être grosses des 2 côtés.

 

(*) : ROZAY Marcel, sous-lieutenant au 2e régiment d’artillerie de campagne, mort pour la France  au col de Hantz (Alsace), le 24 août 1914.

                                          

 

 

Carte - photos de Joséphine envoyée le 23 août 1914

Mon chéri,

« Tu vas me trouver bien souriante, mais j’étais si heureuse à l’idée du plaisir que te ferait notre visite. J’ai oublié hier de te dire que Fredy te ressemblait toujours plus. Toutes les personnes qui le voient sont frappées de cette ressemblance. Je suis sûre que ta pensée est doublement près de nous aujourd’hui. Nous étions si heureux il y a un an. Tes lettres nous arrivent régulièrement, mais je comprends que maintenant cela sera plus difficile. J’ai moi aussi tu penses bien très grande envie de te revoir. Aussi dès que tu seras sûr que l’on me laissera arriver jusqu’à toi, dis-le-moi, et j’irai. Espérons que cette guerre se terminera vite et que tu nous reviendras sain et sauf. N’oublie pas que je te l’ai recommandé avant ton départ. Tout le monde va bien, et l’on me charge de 1000 choses pour toi. Soigne-toi bien et écris si tu as besoin. Toutes mes pensées et tout. »

Joséphine

29 août

Sommes à Vervezelle cantonnés près d’une ferme où j’écris. Près de Bruyères et Brouvelieure.

Bonnes nouvelles. Toujours des malheureux qui fuient leur village incendié par … avec de pauvres gosses, laissant leurs bêtes à l’écurie.

Pas revu les batteries depuis quelques  jours déjà.

Reçu hier lettres de Cluses et de Mr Barnett très aimable. Vu Popol de Cluses.

Dure chose que le métier d’approvisionnement.

Vu aussi Revel (*) de Cluses et Reiginer (**), docteur de St-Jeoire.

St Dié avait été pris par les Allemands puis repris par nous. C’est une ville ouverte. Pas d’importance stratégique. On laisse entrer les Allemands du côté de cette plaine pour les repousser, cela paraît réussir.

Train régimentaire en pagaille. Les sous-officiers se disputent entre eux (Laydernier (***), Froment), et chacun prétend ne vouloir faire que son métier de sous- off. Comment bien marcher de la sorte ? (****)

 

(*) : Revel est très probablement Edmond Felix REVEL né à Cluses le 01/04/1890 et affecté au 30e régiment d’infanteriequi était bien sur le secteur St Dié / Saulcy. Sa fiche matriculaire ici.

(**) : Reiginer non trouvé : personne de ce nom au recrutement militaire du 74 toutes classes depuis 1878. Par contre, Reignier est un nom assez courant : n’y aurait-il pas eu une confusion « in » « ni  » (mais je n’ai pas trouvé dans le recrutement militaire du 74 d’étudiant ou de médecin du nom de Reignier à partir de la classe 1878, seulement un préparateur en pharmacie mais qui habitait Lyon et non St Jeoire …). De plus, au recensement de 1911, les seuls docteurs habitant St Jeoire sont les docteurs Jean-Marie Boismond né à St Jeoire en 1854 et Jean Besson né en 1856. Peut-être venait-il d’un autre département et s’est installé après le recensement ?

(***) : Il pourrait s’agit de Georges François John LAYDERNIER, né à Annecy en 1886. Voir sa fiche. Seul sous-officier de ce nom.

(****) : Rappel : il est l’officier d’approvisionnement de la 4e batterie. Fonction très importante au sein d’une batterie d’artillerie. Prévoir les munitions, vivres pour hommes et chevaux, et leur transport.

30 août

Dimanche, des cloches, du canon, des aéros qui passent blancs dans le ciel bleu. Des femmes qui vont à l’église, des chants, des blessés et des morts. Le capitaine Bissonnet (*) de la 5e mort hier ainsi que 2 sous-offs (*) et 17 servants, blessés. Lecornec, Dardant blessés.

Mr Thomé sous-intendant de Lyon très amusant avec son histoire de gendarme etc…

Reçu aujourd’hui lettres de Cluses, cela me rappelle tant de choses, tant de beaux souvenirs. Fasse le ciel que je les vive encore. Clairens mon ordonnance très dévoué, très consciencieux.

Hier ravitaillé l’échelon à 1h matin. Convois en files interminables. Les gens continuent à fuir l’ennemi. Quelle misère. Ils s’obstinent à rester près des troupes où ils n’ont rien à manger plutôt que d’aller dans le centre.

 

(*) : Capitaine BISSONNET Charles, commandant de la 5e batterie. Voir sa fiche.

(**) : L’un des sous-off doit être le maréchal-des-logis Aimé Sylvain MAURICE. Voir sa fiche matriculaire. 

Pas d’autre tué le 29 dans mémoire des Hommes, mais ce pourrait être un maître-pointeur blessé le 28 et décédé à l’hôpital le 1er septembre : Louis Albert PITTET. Voir sa fiche matriculaire.

31 août

Toujours à Fays.

Reçu aujourd’hui photo du gosse bien réussie. Pauvre petit comme il est beau.

Lecornec a été blessé à la figure assez gravement. Le capitaine (Charles) Bissonnet est enterré sur le col de Rouges-Eaux près d’une petite chapelle. (Route de Brouvelieure à la Bourgonce). (*)

Été en moto ce tantôt à cet endroit. Interrogé prisonnier allemand de Dresde (garde d’élite de saxe). Pas d’Autrichiens avec eux. Les aéros passent toujours. 2 Blériot cet après-midi. Les hommes sont gars insouciants. La mort passe près d’eux sans qu’ils la regardent passer.

 

Vu au déjeuner avec l’intendant, Périer, député de l’Isère, qui est cycliste de l’état-major. (**)

Falliot de Centrale est blessé lui aussi. Toujours des femmes, des gosses qui fuient. Monté en moto aujourd’hui (4 cylindres réquisitionnée à Moyenmoutier). Les vivres arrivent par convoi administratifs abondamment. Les Allemands semblent en manquer beaucoup.

Vu quelques tranchées allemandes au col dans la direction de Saint-Michel-sur-Meurthe. Nos chasseurs alpins en tirailleurs, déployés, avançaient pendant qu’une de nos tranchées était bombardée. Les obusiers Allemands paraissent leur être d’un grand secours car ils portent très loin. Mais l’efficacité du tir n’est pas très grande.

 

Aujourd’hui on essaye les soi-disant obus Turpin (***), en réalité inventés par un commandant d’artillerie. Ils portent à 9 km, soit 3 km de plus que les autres, gros ravages parait-il.

..?… occupé par les Allemands, avant-hier dans la nuit, grosse lueur rouge arrière la crête. Ils devaient bombarder la ville. Terreur des femmes quand elles parlent d’eux, (viols dans l’église de Brouvelieures), nombreux blessés. L’adjudant Hort du 11e m’a dit que Pierre Bardon était légèrement blessé. Je suis allé aux 3 hôpitaux de Bruyères pour le voir mais en vain. (****)

On m’a dit que le 7e corps était ici, mais pas encore vu le 4e, c’est à dire Émile. Quelle joie si je le revoyais !

 

Beaux couchers de soleil. Beaux paysages, noirs sapins sur le ciel rose du soir. Des trains qui passent avec la croix rouge peinte sur le wagon  interminables pour les blessés. Des autos, des charrettes, des éclopés-des troupeaux de bœufs, des convois de fourgons, des réveils à 1 h du matin, des départs précipités, des cris, 3 heures dans le jour. Où est le bon lit de l’avenue du lycée ?

 

(*) : C’est très probablement la petite chapelle au col de Mon Repos sur la D7 entre Les-Rouges-Eaux et La Bourgonce (semble être la seule dans tout ce secteur).

(**) : Léon PERRIER sera député de l’Isère de 1910 à 1919.

(***) : Eugène Turpin inventa la mélinite (acide picrique refondu) en 1881 et aida à la conception du détonateur adéquat au fulminate de mercure vers 1885.

(***) : C’est exact, c’est indiqué sur sa fiche matriculaire.

2 septembre

Le 2 septembre 1914, Charles DEVANT est promu lieutenant de réserve. Cette promotion sera entérinée par décision présidentielle le 8 février 1915. (Fiche matriculaire)

 

Sommes cantonnés à Domfaing. Le capitaine N(UGUES) de la 3ième batterie est mort hier. (*)

Reçu lettres de Cluses avec photos du gosse et de ma femme. Quel bonheur de les revoir tous deux !

Revu quelques hommes du dépôt de Grenoble. Parmi eux des compatriotes.

Toujours le beau temps. Je monte un bon cheval pur-sang de Grenoble.

 

Charles DEVANT, du 2e régiment d’artillerie de campagne

 

Distribution des lettres ce matin et des cartes-franchises.

Hier, été en moto le soir aux batteries. Revenu par beau clair de lune dans la forêt. Passé au col près de la chapelle où est enterré le capitaine Bissonnet. Des chevaux morts, des trous d’obus. Un chasseur à cheval étendu raide les bras en croix dans un fossé. Des blessés toujours. Des doigts coupés, des pieds abimés. Des horreurs partout.

Le capitaine Binet mène le convoi. Froment monte à la batterie comme chef de section. Le commandant Desprez rentre à Grenoble. Pas vu Pierre Bardon, ni Émile qui cependant est dans le voisinage. (**)

 

La bataille continue. On a surpris une dépêche du corps allemand où on lui donne la mission de couper à tout prix le 14e du 21e corps. On lit dépêches et bulletins des armées. Je mange ici avec les territoriaux de Moussey, Senones, qui ont tout perdu car les Allemands y sont. Quelle misère. Combien ils subissent plus âprement le coup de pied ennemi. Combien ils peuvent être plus patriotes.

 

Passé hier à Bruyères.

Mangé à l’hôtel de Paris à 2h 30 avec lieutenant …  et commandant du 140, qui ne s’était pas déshabillé depuis 18 jours.

Au 1er groupe Gaillot, à l’approvisionnement … à Grenoble, pas très sympa. Je gobe assez (voir les X). (***)

Domfaing, joli petit pays tout vallonné de forêts de sapins. De tous côtés, de l’eau, de jolies petites sources claires tombant par un tuyau de fer dans des bassines de bois. Des fermes aisées. Toutes les bêtes sont parties. Il reste un peu de lait et quelques œufs (0,10 à 0,15 franc pièce).

Les hommes ont confiance en général dans le succès, mais la plupart ne raisonnent pas. Le bulletin des armées les intéresse. Ils se précipitent sur les cartes franchise. Quelques-uns comprennent mal leur devoir. Il s’en est trouvé du 4e corps pour dire aux habitants des villes frontières :

« Ça nous dégoûte de nous faire tuer pour les Vosgiens ».

Leur excuse réside dans ce fait que nous avons été trahis très souvent par des Vosgiens (mais allemands).

 

La 4e batterie reste au-dessus de La Salle depuis 2 jours dans la même position sans avoir été démasquée. Elle est au milieu d’un champ de blé et les pièces se confondent avec les gerbes restantes.

Les autobus de la C.G.O. continuent leur transport de viande fraîche, 2 à 400 kg chacun. Jadis les Parisiennes ! Aujourd’hui bœuf et vache ! Quel changement.

Bu le café avec le sous-lieutenant. Toujours charmants, tous ceux de la table.

 

(*) : Capitaine NUGUES-BOURCHAT Henri, commandant de la 8e batterie. Voir sa fiche.

(**) : Son frère, Émile Hippolyte DEVANT s’est engagé volontairement, à 19 ans, pour trois ans en juillet 1913. Il est au 4e régiment d’artillerie de Besançon comme canonnier-conducteur. Il passera brigadier en septembre 1914.

(***) : « X » : élève de l’école de Polytechnique

3 septembre

Été sur ligne de feu en moto. Vu le colonel qui est marié lui aussi. Les obus tombaient. Nombreux morts. Les nôtres surpris au village de St Rémy ce matin, ont dû déloger rapidement.

Situation toujours la même. On tient. On fait le mur de pierre en attendant le rouleau à vapeur comme dit le « Times ».

4 septembre

Sommes toujours à Domfaing. Rien de changé.

Hier le canon a tonné tout le soir de 11h à 2 h du matin par le clair de lune, avant que le brouillard ne tombe sur les vallées. Le matin les grosses pièces se font entendre. Bruits sourds dans le lointain. On annonce des nouvelles épatantes : 40 000 prisonniers Allemands dans le nord, Cosaques à 80 km de Berlin. Mais que croire.

Claret qui se rend au ravitaillement a vu Louis Vernier blessé à la main.

Vu sergent et 3 soldats allemands prisonniers. Interrogé, ne dit que ce qu’il veut bien dire. Vient de Dresde, air assez distingué.

5 septembre

Revenons hier soir à Fays où j’ai bu ce si bon petit vin rouge du Jura. On se replie un peu en arrière. Les batteries sont descendues à Brouvelieure pour se reformer. La 4e (batterie) a eu hier 12 blessés dont 2 tués. (*)

Reçu hier une lettre d’Émile datée du 25 août et de Guebwiller (Alsace). Je lui envoie aujourd’hui 50 frs. Reçu aussi hier carte photo de Jo et du gosse. Les jours passent. Le canon tonne toujours. Des mères pleurent leur fils. Le soleil brille toujours.

Quelques physionomies : Garin maréchal-des-Logis, Jance brigadier, représentant en bijouterie, qui a la frousse intense de monter à la batterie.

Je fais de la moto 4 cylindres à toute allure.

Vu les batteries 2 fois aujourd’hui. Capitaine CHAVELET très gentil. Mangé avec Vacher ce matin.

 

(*) : Les 2 tués sont, par éclats d’obus, Paul Joseph JOURNET (FM) et Victor Henri ROUSSEAU, blessé le 4/09 mais décédé le 5 à l’hôpital de Bruyères (sa FM)

6 septembre

Toujours à Fays.

Reçu hier lettre de Jo (*) qui m’a fait grand bien. J’y réponds.

Clairens a pris cette nuit la garde d’écurie pour une vétille. Il pleurait en me racontant que c’était la première observation qu’il recevait. Aujourd’hui mouvement d’offensive.

Les Allemands ont beaucoup de pertes, dit-on, quelques régiments où il reste un capitaine. D’autres composés en tout de 200 recrues.

 

C’est dimanche. Des robes blanches, des petites filles qui vont à la messe. J’ai mangé avec Buttin le vétérinaire.

Le 109ième régiment de réservistes est passé. Tous me semblent bien. Cependant en général, l’infanterie ne rend pas ce qu’on attendait. Il est vrai que sa position est plus périlleuse. Tâches rouges de leurs pantalons dans les prés verts si jolis en cette saison.

Les bois de sapins des Vosges sont merveilleux.

Hier soir au clair de lune, vers 9 h, contre-attaque d’artillerie des Allemands qui a échoué. Quelques Chasseurs faisaient un chœur et chantaient joyeux pendant que d’autres tombaient là-haut.

 

(*) : Rappel : « Jo » est le diminutif de « Joséphine », sa femme.

7 septembre

Sommes venus coucher à Champ-le-Duc.

Le chef de la 5ième (batterie), brute épaisse devenu adjudant, veut faire remonter Guiguet et Jance à la batterie par l’intermédiaire du lieutenant Mathenet (demi-brute). J’espère que le capitaine CHAVELET ne laissera pas cela se faire.

Toujours pas de nouvelles sur la guerre. Cependant l’issue nous paraît sûrement favorable et tourner à notre avantage.

8 septembre

Été, hier, ravitailler les batteries. Revenu par un joli clair de lune dans la vallée de Mortagne. Reçu 2 lettres de Cluses.

Le commandant Rochas a été blessé assez grièvement. (*)

Sommes toujours à Champ-le-Duc.

 

(*) : Il s’agit du chef d’escadron Victor ROCHAS décédé à l’hôpital de Bruyères le 12 septembre.

9 septembre

Restons au même endroit. Bonnes nouvelles en général. On semble vouloir prendre les Allemands dans leur mouvement tournant.

Reçu bonne lettre de papa hier et de ma femme. Les émigrés errent toujours. Je leur ai donné un restant de viande qui a été bien accueilli.

Toujours pas beaucoup de nouvelles. Carte de Chométy.

Le 5ième (groupe ?) a essayé de se mettre en batterie mais a été démasqué et a dû s’arrêter dans son mouvement. Le 62ième a une batterie abîmée par faute de l’infanterie qui l’avait mal soutenue. Ceci est hélas arrivé souvent et l’infanterie n’a pas toujours été à la hauteur de sa tâche. Les Chasseurs ont toujours marché avec courage.

Ce que beaucoup n’ont jamais compris, c’est qu’après avoir (15 à 20 août) pris les cols d’Alsace (Sainte-Marie etc.), on se soit avancé en Allemagne. Jusqu’à Sainte-Marie par exemple , pour ensuite être obligé de se retirer et laisser les Allemands venir se battre chez nous.

Le commandant du 14ième corps l’a, il est vrai, payé chèrement (relevé de ses fonctions). (*)

Le colonel, commandant le 2ième  a lui aussi été déplacé. Actuellement le commandant JACQUOT commande le 3ième groupe, Froment monté aux batteries depuis 6 jours paraît heureux, il a une section. Capitaine CHAVELET commande 2ième groupe et fait fonction de lieutenant-colonel.

Le 2ième a aussi subi pas mal de pertes morts ou blessés. Col Sainte-Marie où tant de victimes (7ième,14ième). Les Allemands ont enterré nos morts là-haut en mettant le nom sur l’arbre le plus voisin. Parfois : « namen imbekannt » pour les inconnus. (**)

 

Aujourd’hui un Blériot passe tout blanc dans le ciel et laisse tomber des prospectus qu’hélas le vent emporte trop loin pour qu’on en profite.

Suis logé ici chez 2 braves vieux qui n’aiment pas leur bru. Ah ! Ces belles-filles ! Elle veut aller retrouver son mari malade à Lyon dans le dépôt du …Heureusement disent-ils, que le maire s’y oppose.

Le vétérinaire Buttin se plaint des façons d’agir de ses collègues. Il n’est qu’adjudant. Le major Doucet le lui aurait, dit-il, rappelé durement en lui disant qu’il ne savait pas distinguer le galon. Il y a bientôt 8 ou 10 jours que les batteries sont au même endroit et tiennent le col de Bourgonce (***) que les Boches voudraient à tout prix reprendre.

Avant-hier on avait parait-il donné ordre au colonel du 14ième de reprendre la Croix Idoux prise la nuit par les Allemands, ou d’être relevé de son commandement. Le commandant des convois d’Hauferville met un peu de discipline aux T.R. (****). On fait prendre la garde aux servants, etc…

 

(*) : Le général POURADIER-DUTEIL a été relevé de ses fonctions (limogé) le 23 août 1914. Il avait à cette date 66 ans.

(**) : unbekannt (probable confusion « im » « un  » )

(***) : Il s’agit du col de Mon Repos (JMO)

(****) : TR : Train régimentaire.

10 septembre

Toujours à Champ-le-Duc. L’ennemi n’avance pas. Nous tenons. C’est l’essentiel. La grande bataille paraît se livrer loin de nous. (*)

Chaque jour j’attends ma lettre de Cluses qui me fait tant de bien.

Le vaguemestre, (Georges) Laydernier, s’en va vers 1h et revient à 5. Il va à Brouvelieure où la poste se trouve installée depuis 15 jours. Première pluie hier au soir. Revenu avec Claret et Clairens dans un fourgon par une pluie battante.

Rentrés à minuit.

 

Les batteries sont toujours à Mortagne. Elles viennent cantonner chaque soir près d’une ferme où sont des émigrés de la vallée. Le commandant Chevant commande la batterie.

J’ai hâte de voir se terminer cette guerre. J’ai la sensation de perdre de belles heures qui seraient si bien employées à mon travail, auprès des miens. Je vis en pensant dans un oubli considérable de moi-même et de tout ce qui pourrait faire mon bonheur. La mort, la misère passent de tous côtés, sans que mon égoïsme me permette de prendre part aux chagrins des autres. Tous en sont là. A la guerre, c’est chacun pour soi. Sauvegarder sa vie, sans nuire à celle des autres, tout se tient là. Je pense à mes parents, à ma femme, à ce pauvre Émile parti lui aussi.

Hier j’ai envoyé le motocycliste (Guiguet) à Épinal où il a salué les Albert dont le gendre a été assez blessé.

 

(*) : La bataille de la Marne.

11 septembre

Toujours à Champ-le-Duc.

Il pleut pour changer. Reçu aujourd’hui 2 lettres de Cluses (papa et Jo) datées du 5. Vu sur la route une pauvre femme avec 7 enfants, seule, sans un sou, couchant dans le foin et ayant fui Saint-Dié qu’on dit aujourd’hui évacué par les Prussiens.

Toujours même vie au T.R. Les batteries vont toujours cantonner à Mortagne.

D’ici on ne se croirait pas en guerre depuis quelques jours. Pas de canon, pas de bruit. Aujourd’hui pas d’aéro. Il y a davantage de discipline au T.R.

Hier contre-appel à 9h. Les journaux venus hier d’Épinal par le motocycliste. Que d’opinions sur la fin possible de la guerre. Mon sentiment est que si nous tenons, dans 1 mois ½ à 2 mois la guerre sera finie.

 

Une page du carnet de Charles DEVANT, du 2e régiment d’artillerie de campagne

12 septembre

Partout ce matin le champ libre pour aller à la Bourgonce. Les Allemands ont reculé en vitesse. Ils ont tout abandonné.

J’ai eu à la Bourgonce le spectacle le plus terrible et triste qu’il m’a été donné de voir. Dans la forêt près du chemin, le cadavre décomposé d’un pauvre chasseur alpin. Plus de figure. Rien que des vers formant une masse grisâtre et grouillante, prête à s’étendre et à descendre sur tout le corps. Des cadavres de fantassins dans les tranchées des Allemands ; des photographies de femmes qui les attendent là-bas. Des chevaux morts partout. Des maisons incendiées et ruinées. Des vaches errant dans les champs, l’œil lamentable. Une grange où furent tués 5 infirmiers du même obus. Des bras et des morceaux de chair restaient collés au mur. Des tranchées où restent des quantités d’obus non éclatés. Des sources empoisonnées. Des femmes qui rentrent de Bruyères et qui trouvent leur maison saccagée.

 

Il pleut.

J’ai couché dans une maison dont il ne reste que les murs et le toit, sur la paille avec les sous-offs. Des débris de journaux allemands, de cartes postales.

13 septembre

Aujourd’hui dimanche.

Réveil attristé par le spectacle désolant du village abandonné et ravagé. Des tombes allemandes soignées avec croix piquetées de clous jaunes. Les casques posés par-dessus. Les hommes font d’amples moissons de tout ce qu’ils trouvent. Fusils, cartouches, casques. Des obus Allemands non employés restent par centaines dans les tranchées. Le village voisin  … est complètement incendié. Des tombes où gisent par centaines des soldats français ou allemands.

Pas reçu de lettre hier.

14 septembre

À Rambervillers où nous ravitaillons.

Les Allemands sont venus à 2 km d’ici. Ils ont bombardé. La plupart des habitants sont partis. Maisons éventrées. Avons dormi aux nouvelles casernes (artillerie). Retrouvé là les batteries. Mis à leur disposition.

 

Ce tantôt partons pour Fontenoy-la-Joute à mi-chemin de Lunéville et à 15 km de Leintrey. Bonnes nouvelles générales. Les Allemands reculent sur toute la ligne.

Vu hier Pépin de Cluses qui est maréchal-ferrant au 2ième.Les hommes reprennent de l’allant. Ravenaz (plongeur à Vienne) est toujours aussi sale, mais dévoué. Bonne brute.

 

1h1/4, partons pour Fontenoy-la-Joute.

Pluie fine qui transperce. Je regrette bien mon caoutchouc. La plaine à perte de vue.

Des champs où s’est déroulé un combat sanglant. Des tombes d’artilleurs. Des trous d’obus de tous côtés. La route coupée. Des arbres fauchés en 2 par des éclats. Des chevaux morts. Tout cela près de la route à 2 km de Rambervillers.

Il pleut toujours. Je suis monté sur la voiture à viande près de Graby, celle qu’affectionne Claret. Je viens de rencontrer David au 13ième infanterie en bonne santé, reste seul officier de sa compagnie qu’il commande.

15 septembre

Parcouru champ de bataille entre Rambervillers et Fontenoy. Des trous d’obus où sont entassés 7 à 8 Allemands. Des tranchées où restent des fantassins à nous. Partout dans le champ vert du rouge et du bleu, des fusils, des sacs etc…Des chevaux dans le fossé le long du chemin, à l’orée des bois, partout. Des cadavres blanchis, tête noire aux chairs décomposées. Des tombes hâtivement commencées et que l’on n’a pu terminer.

Partout la misère, les villages abandonnés, incendiés. Près de Saint-Pierremont derrière une haie, un petit caporal, à genoux dans la position du tireur, reste là, mort. L’église éventrée, des rues entières dont il ne reste que des murs. Des croix partout, des sabres baïonnettes, des fusils plantés dans le sol, seuls vestiges de ceux qui vécurent. Triste spectacle, que ne se représenteront jamais ceux qui ne l’ont pas vu. Triste destinée de l’homme !

Près de Xaffévillers le 4ième d’artillerie allemande a dû recevoir un coup formidable. Partout des manteaux gris à patte rouge, des casques, des paniers à osier avec leurs obus tout prêts. L’odeur pestilentielle qui fait fuir et tourner en rond les chevaux.

 

Après 3 jours, pas de lettre de Cluses. Rien.

Rencontré hier, peu après David, à Fontenoy, Laporte d’Aix-les-Bains (*), simple soldat au 52ième qui s’est débiné et voudrait bien voir la fin de la guerre.

 

(*) : Laporte non trouvé au recrutement ni de Savoie ni de Haute-Savoie ni de Grenoble (mais pas au 52e). Le 52e RI cantonnait bien à Fontenoy-la-Joute les 14 au soir et 15 septembre.

16 septembre

Ravitaillé idem hier. Mangé avec popote ainsi qu’hier et avant-hier.

Écris à Émile à Cluses.

Plus de vin, plus de tabac ; villages dévastés. Couchons à Flin près de la Meurthe. Pont détruit par les Boches. Le génie reconstruit. Belles photos si je pouvais. Reçu carte photo Cluses.

Toujours même spectacle de désolation. Plus rien. L’eau elle-même est contaminée, on la boit bouillie. Rencontré le 5ième régiment…

17 septembre

Suis à Xermaménil.

Passé à Gerbéviller. Spectacle inoubliable dans son horreur. Pas une maison ne reste debout. Tout est brûlé, saccagé. Des civils restent dans les décombres ou dans leurs caves. D’autres ont été fusillés. La rue Gambetta n’est plus qu’un amas de ruines. Plus d’habitants, plus d’église, plus rien. Quelle tristesse. Ponts coupés. Voie ferrée coupée etc…

J’ai attrapé 8 jours d’arrêt parce que le 3ième groupe qui suivait le mien était en pagaille sans mousquetons ni bidons. J’ai réclamé au capitaine adjudant major qui fera lever ma punition.

Plus de vin. Plus de vivres hors ceux du TR. Plus de conserves, plus rien.

 

Depuis hier je me rapproche de Blamont. Les paysages de Leintrey deviennent nombreux. De petites collines derrière lesquelles on croit avoir de larges vues sur de grands horizons, et quand on arrive c’est à recommencer.

Mauvais temps depuis 5, 6 jours. Pluie. Froid le matin.

Hier couché à Flin chez une vieille et sa fille, dont les Allemands avaient voulu…

Bien dormi.

 

Ce matin départ rapide à 7h ½, arrivés ici à 14h.

Sommes avec le groupe qui est en avant dans le bois de L. à  2 km. Larmaz a le cafard. Un peu de coliques. Beaucoup sont dans ce cas-là. Ils boivent de l’eau sans prendre garde.

Pas de nouvelles d’Émile.

18 septembre

Arrivés hier soir à Ortoncourt - Essey-la-Côte après avoir marché depuis 15 heures.

Pluie effrayante avec un vent terrible. Rentré gelé. Heureusement un bon plumeau. Sur les routes, toujours même spectacle. Un seul obus allemand avait fait 5 ou 6 dragons morts avec leurs chevaux, qui restaient encore sur la route dans le fossé. Ailleurs un pauvre chasseur les bras en croix. Partout des tombes, triste preuve que beaucoup sont tombés.

 

Ce soir l’étape fut très longue, très dure pour les servants qui pataugeaient dans une boue de 10 cm dans des chemins défoncés. Ravitaillé à midi à Moriville.

J’écris 2 cartes à Cluses pour demander différentes choses indispensables (caleçons etc…).

Embarquons peut-être demain pour aller on ne sait où, dans le Nord sans doute. (*)

Le commandant ROCHAS (Victor) est mort il y a quelques jours. (Éclat d’obus au crâne). (**)

Les fantassins défilent toujours sur les chemins lamentables et accrochés à nos fourgons.

 

(*) : Le 2e régiment d’artillerie de campagne fait partie de la 27e division d’infanterie qui fait partie du 14e corps d’armée (14e CA), lui-même partie de la 1e armée française. Le 14e corps d’armée est rattaché à la 2e armée à partir du 20 septembre 1914. L’ensemble du 14e CA part pour la Somme, où va se dérouler la bataille dénommée « la course à la mer ».

Le mouvement du 14e corps d’armée s’effectue sur trois jours aux gares de Bayon, Charmes, Châtel et Thaon. Il nécessite 32 trains…pour embarquer environ 40.000 hommes, 8000 chevaux et 400 voitures hippomobiles… (JMO)

(**) : Victor ROCHAS, chef d’escadron au 2e régiment d’artillerie de campagne. Mort pour la France à Bruyères (88). Voir sa fiche.

20 septembre

Parti d’Ortoncourt à 11h soir par pluie battante pour emmener T.R.  embarquer à Charmes, près d’Épinal.

Arrivés à 4h matin.

Cherché sergent de distribution pour vivres chemin de fer. Embarqué hier au soir à minuit avec la 6ième, la 4 et la 5 ayant  embarquées dans la journée. Fatigué, couché vite dans le wagon, pendant que les autres officiers font le bridge et mangent. Couché avec le vétérinaire.

Le lendemain les autres rouspètent qu’on a pris leur place tout en mangeant sans nous le dire. Partons pour destination inconnue. Passons à Jussey, Gray, pour aller sans doute à Dijon et Creil.

Reçu avant-hier 6 lettres ou cartes dont 3 de Cluses, une d’Aussedat, une de Barnet, une de Berthet.

Passons à Dijon à 2 heures soir. Filons sur Paris. Et dire qu’on se plaint après 12 h de trajet dans le civil.

 

Rencontré à Dijon, Hugues de Centrale, qui est à la gare. Écrit à Jo (Marie-Pignard) et à Cluses. Trouvé journaux, pain d’épices à Dijon, ce qui m’a fait croire que je devenais civil. Respiré un peu cet air inconnu depuis des mois, de civilisation.

Appris mort de SUATTON le lieutenant (*), qui faisait des assurances à Annecy, de FALLETI, le fils de l’entrepreneur, de GUINONT, le sous-intendant voisin à Annecy.

Commence un peu à souffrir du froid et de la pluie. Écrit lettre longue à Jo, carte à Émile. Arriverons vers Creil à 5 ou 6 heures.  Passerons sans doute par Villeneuve-Saint-Georges pour bifurquer. Les hommes ont toujours de l’entrain….20 hommes tués dans notre régiment. Par contre 4 officiers tués et pas mal de blessés. Dans l’infanterie c’est d’ailleurs pire.

 

Nous sommes heureux de changer de pays. C’est notre second embarquement.

Puissions-nous n’en faire plus qu’un et puissions-nous tous revenir. Ce qui est attristant, c’est la facilité avec laquelle on oublie ceux qui ont disparu. Tout passe, tout se perd. Il n’en reste rien, il le faut d’ailleurs, car si l’on voulait philosopher à quoi arriverait-on ?

 

(*) : Trouvé un SUATTON (profession employé : FM), mais pas lieutenant…

21 septembre

Passons à Paris par la grande ceinture à 8 heures matin. On nous distribue du café, des cartes, des journaux. Montmartre dans le lointain, la Tour Eiffel, tant de beaux souvenirs. Ma femme, l’école !!

Allons sur Creil. Venons de débarquer à Montataire, marchons avec l’aile gauche de l’armée du Nord et avec les Anglais.

22 septembre

Avons débarqué à Montataire près de Creil à 11h.

A midi, partons pour une étape de 30 km. On signale dans le voisinage une division de cavalerie allemande qui rend la route peu sûre.

Arrivons après pluie et soleil le soir à 9 heures à Ravenel. Joli petit village cossu tout en briques avec de belles villas, de grandes propriétés. Je loge et mange chez un Mr. Forcher qui a livré de l’avoine à A. de Cluses et qui a connu son frère marchand d’huile.

Tous les villages respirent le bien-être et l’élégance. Les boches ont passé par là. Ils ont incendié quelques usines. Près d’une fabrique de chaussures des dégâts, parce que l’arrière- garde française s’était cachée tout prés. Partout des traces de leur passage. Des aéros toujours.

 

Nous partons à 4 h pour un CT voisin : Maignelay. Le canon tonne au voisinage à 25 ou 30 kilomètres. Le général Pau commande notre armée. On le déplace et on l’envoie partout où il y a un bon coup à donner.

Vu hier quelques officiers anglais impeccables dans leur uniforme kaki avec casquettes à galon rouge et jugulaire. Tous bons soldats, intrépides jusqu’à la mort.

Rencontré le fils 2ième des RAymond à Cluses au 14ième chasseur. (*)

 

(*) : Il s’agit très certainement de Joseph RAYMOND, 23 ans, de Cluses, qui est au 14e bataillon de chasseurs. Voir sa FM.

23 septembre

Partons pour Ételfay où nous cantonnons. Ravitaillé ce matin à la gare.

24 septembre

Avons couché hier à Arvillers.

Reçu une lettre de Jo du 14 septembre. Vais bien. Reçu 46 hommes de l’échelon.

24 septembre

Couché à Arvillers.

Pas reçu de lettres aujourd’hui car pas de distribution. Tout l’horizon est sous le feu. Au loin on aperçoit au bout de la plaine des colonnes de fumée qui montent dans le bleu du ciel. Ce sont des fermes, des villages qui flambent. Le canon tonne sans discontinuer.

Vu ce matin les tirailleurs sénégalais, les autres mitrailleuses, un poste de TSF. Paysans de l’Oise très curieux. Parlent tous patois. Grandes fermes. Très intéressés mais ils aiment cependant le soldat auquel ils donnent tout ce qu’ils peuvent.

Couchons ce soir à Warvillers. (Contre-ordre).

 

Tirailleurs sénégalais.

 

25 septembre

Après contrordre, sommes venus coucher à Fresnoy-en-Chaussée sans avoir pu distribuer aux batteries.

Je fais évacuer Gentil Perret à l’hôpital de Hangest.

 

Groupe d’indigènes au repos

 

26 septembre

Cantonnons à Beaucourt.

Beaucoup de pertes hier. Capitaine Bouchon tué (*). Arnaud logis à 5ième tué (**).

Envoyé 2 lettres Cluses. Jolies fermes variées, mais toujours le fumier au milieu des cours d’où puits voisin fournissant de l’eau jaunâtre. Pas de cabinets. On va dans les jardins où l’on peut.

Reçu 4 lettres de Cluses aujourd’hui avec photos etc…

 

(*) : Louis BOUCHON, capitaine commandant de la 2e batterie, mort pour la France le 25 septembre 1914 à Lihons (80). Voir sa fiche.

(**) : Émile ARNAUD, maréchal-des-Logis, mort pour la France le 26 septembre 1914 à Lihons (Somme). Voir sa fiche.

 

 

 

 

26 septembre 1914 – Sur la place principale de Cluses.

Noémie et Alfred Grisel, Joséphine, Jean-Pierre et Julie DEVANT

27 septembre

Cantonnons encore à Beaucourt(en-Santerre).

28 septembre

Toujours à Beaucourt.

Très bien reçu chez un gros fermier. Mangé poules et poulets.

Ecrit à Cluses. Rien reçu hier.

La bataille continue. Aujourd’hui la canonnade recule et les Boches paraissent avoir…

A l’arrière pas de dégâts. Mais ils ont tout réquisitionné. Plus de 400 000 cigares. Du chocolat en quantité. Revenu hier au soir des batteries en moto.

Mangé ces 2 jours avec Lignon, sous-lieutenant du 54ième. Le 30ième d’infanterie a écopé beaucoup hier et avant-hier. (Envoyer un mot à M. Serpette Abel à Beaucourt après la guerre). Bien reçu chez lui.

Envoyé Guignet à Amiens aujourd’hui. Acheté boussole etc…

Pas de nouvelles d’Émile depuis longtemps déjà.

Le beau temps continue. Notre artillerie lourde donne beaucoup. On prétend qu’en face de nous il n’y a que des jeunes gens et des territoriaux. Les aéros passent tout près et atterrissent dans la plaine voisine.

29 septembre

Reçu 2 lettres de Cluses. Partons ce soir pour Le Quesnel.

Été ce matin à Amiens. Vu la cathédrale. Belle ville. Été  là-bas en moto.

30 septembre

Cantonné à Le Quesnel. Eté hier aux batteries en moto. Pas de changement.

Les marocains (spahis) auraient pris ce matin les batteries allemandes et les corps bavarois, devant nous, battraient en retraite. Tournier de Scionzier mort à Méharicourt. (*)

Pas reçu de lettres hier. Vais bien.

Maisons où nous cantonnons toutes en terre épaisses  de 10 cm à peine, comme murs. Portes mal jointes. Fenêtres idem. Parquet en briques. Ça doit être bien froid l’hiver.

Ce soir la canonnade a duré moins longtemps. Toujours les mêmes marmites boches. Deux sont tombées hier sur deux pièces de la 4ième batterie au moment où le capitaine Chevant avait donné l’ordre de s’abriter.

 

Lu quelques journaux ces jours. J’ai bien dans l’idée maintenant que la guerre durera au moins trois mois encore. Où en serons-nous à ce moment-là. Je me suis fait à cette idée de la mort possible, si grande que soit ma douleur en songeant à tout ce que je devrais laisser. Mais j’espère. Je vis de cet espoir de revenir, qui me fait oublier tous les tourments.

 

Logé ici chez Me Veuve Duflot avec son père, un vieux tout rasé dont je ne parviens pas à débrouiller la conversation. (**)

Dans ces contrées pas d’électricité, pas de cabinets. Dans les châteaux cossus pas de pétrole, mais des lampes à huile.

 

(*) : Victor Alexis TOURNIER né à Scionzier.

(**) : S’agit-il de la Veuve Julia DUFLOT (née BAILLET) habitant 26 rue de Beaufort à Le Quesnel ? Recensement de 1911. Ses 3 fils devaient être partis à la guerre.

 

1 octobre

Toujours à Le Quesnel.

2 octobre

A Le Quesnel.

Partons pour Cayeux. Été hier ravitaillé batteries, toujours à R(osières-en-Santerre). Les marmites boches pleuvaient tout près avec un gros bruit sourd.

Ici bien reçu chez une brave femme Mme veuve Duflot qui pleure en me racontant les mésaventures avec sa belle fille qui lui fait des misères. C’est la seconde maison où je trouve ainsi une belle-mère en guerre avec sa bru (voir Champ-le-Duc).

 

Reçu hier lettre de Jo, réponse à celle du 6 septembre et partie de Cluses le 25, avec la petite faveur bleue que je demandais. Chère petite gosse. Comme c’est beau d’avoir tant d’amour.

Hier soir dans une grange à Lihons un seul obus boche a tué 16 fantassins et en a blessés 32. Triste fatalité.

Un général près de Chaulnes était allé en auto se jeter en pleines lignes prussiennes. Tué ainsi que son chauffeur. (*)

Beaucoup de spahis, de marocains et de tirailleurs algériens.

Hier 3 aéros boches poursuivis par canon automobile ont failli être descendus. Appris par journaux mort de G. de Cassagnac. (**)

Disparition d’un fils Eymard-Duvernay de Grenoble. (***)

Engueulé ce matin pas mal de gens qui nous faisaient courir pour du foin. Hommes toujours bien nourris. Ration de sucre doublée.

Chevant très gentil (X).

 

(*) : Il s’agit du général Marie Joseph Eugène BRIDOUX commandant le 5e corps de cavalerie, tué dans une embuscade le 17 septembre près de Poeuilly.

(**) : Sous-lieutenant Guy Paul Marie Julien GRANIER de CASSAGNAC

(***) : Plusieurs EYMARD-DUVERNAY de Grenoble. Charles avait dû faire connaissance avec Félix Joseph Paul EYMARD-DUVERNAY de la classe 1906 (né en 1887) et ayant fait Centrale tout comme lui (FM page 98/170). De plus, étant au 1er régiment d’artillerie de montagne, celui-ci était dans la même région que Charles fin août et, ayant été mis à la disposition du 14e CA auquel appartenait Charles, était dans la Somme fin septembre (JMO 2e batterie). C’est donc lui qui a dû informer Charles en le rencontrant début octobre que son frère Célestin Marie Joseph EYMARD-DUVERNAY avait disparu.

En fait ; il avait été fait prisonnier à la Crois-Idoux le 8 septembre (voir sa FM page 29/192).

Nota : son ami Félix sera lui tué à l’ennemi le 8 mars 1916.

3 octobre

Toujours  à Cayeux.

Reçu 2 lettres, de Jo et 1 de maman.

4 octobre

Cayeux.

Bien reçu chez Mme Delaval, une brave femme veuve, grand-mère d’un X. (*) 

 

(*) : « X » : élève de l’école de Polytechnique

5 octobre

Reçu paquet de Cluses et lettre de belle-maman. Le combat continue toujours au nord de Lihons, mais plus lointain.

Sommes stationnaires ici où je fais mes comptes récapitulatifs.

6 octobre

Toujours à Cayeux.

La pluie recommence à tomber. Je finis mes comptes. Le canon tonne fort vers 5 heures. On prétend que de fortes troupes allemandes progressent vers Fouquescourt et qu’un gros combat est imminent.

7 octobre

À Cayeux.

Rencontré ce matin le général de Castelnau en auto avec général anglais.

Reçu ce matin 6 lettres (Dubuis, Albert, papa, 2 de Jo, 1 d’Émile). Vais toujours bien.

8-9-10 octobre

Toujours Cayeux.

Hier vu attaque de nuit des Boches à Lihons.

Envoyé avant-hier les lettres de Fifine et envoyé le 6 les 470 francs. Mangeons chez Mme Delaval avec lieutenant Sandt et un commandant du 6ième (Commandant Coppelani) très gentil.

Bien reçu par cette brave dame qui a le cœur sur la main.

Attendons résultats attaques qui ne viennent pas vite.

11 et 12 octobre

Toujours à Cayeux.

Reçu deux lettres de ma femme aujourd’hui. Répondu en commençant à numéroter mes lettres et cartes pour elle et pour mes parents.

Calme complet autour de nous. Quelques aéros Allemands dont un a été descendu, parait-il. Dans le lointain des lignes allemandes apparait leur ballon blanc « draken » qui leur rend pas mal de services. Hier ils ont tiré une 20aine d’obus sur sucrerie de Rosières et tué un civil.

Mange toujours avec commandant et SANDT. Pas de nouveaux détails aux batteries, qui cantonnent à Rosières et ne font rien tous ces jours. Les Allemands essayent de contre attaquer le soir quand la journée a été calme.

Il y a 4 jours à Maucourt, ils ont été étrillés terriblement. On comptait 130 cadavres dans un champ de betteraves devant les tranchées des chasseurs alpins.

Toujours logé chez la marquise au château.

13 et 14 octobre

Partons ce soir 14 à 2 heures pour Wiencourt-l’Equipée. Un mouvement vers le nord se dessine.

Rien de nouveau.

15 octobre

Sommes à Wiencourt.

Mangeons chez une brave femme ancienne cuisinière d’a…,très cancanière ,qui raconte des tas d’histoires sur la femme du garde ou sur Charlotte la couturière…Buvons toujours du kummel, liqueur exquise, avec l’ami Sandt.

Hier au soir, équipée amusante dans la maison du garde où on nous avait désigné un soit-disant prussien égaré, mais on n’a rien trouvé, naturellement.

A 9h1/2 soir, j’ai fait chercher la femme du garde qui nous a suivis et a dû nous ouvrir ses portes.

Reçu carte Émile hier.

16 octobre

Toujours à Wiencourt-l’Equipée.

Rien de nouveau. A part quelques coups de canon isolés. Fort glissement des Allemands vers le nord.

Mange toujours avec lieutenant Sandt.

17 octobre

À Wiencourt.

Ecrit hier à Jo réponse à sa lettre où elle me demande elle aussi une faveur bleue.

Sandt quitte le 14ième corps et ne mange plus avec moi. Je reste aujourd’hui seul avec le commandant Coppelani du 6ième. Aujourd’hui une attaque a été ordonnée sur le front du 14ième corps. On espère percer après avoir tenu. Les batteries stationnent toujours.

Vu Gros ce matin qui va bien. Pas encore reçu paquets, demandé mon caoutchouc. (*)

 

(*) : Son imperméable.

18 octobre

À Wiencourt.

L’attaque commencée hier n’est pas terminée et continue aujourd’hui.

Rien reçu de Cluses.

 

 

Charles Devant du 2e régiment d’artillerie à Wiencourt (Somme) - 1914

19-20-21-22 octobre

Toujours à Wiencourt. Rien de nouveau.

Reçu hier 3 jolies photos de Cluses. Mange à Wiencourt chez une vieille cuisinière qui me raconte ses disputes avec sa belle-fille qu’elle ne peut pas voir. C’est la troisième belle-mère qui me parle de la sorte.

On annonce ce matin une grande victoire russe sur la Vistule. En face de nous les Boches sont sans mordant, à Chaulnes ils occupent toujours le château. On prétend que la propriétaire est une vieille allemande qui avait tout préparé pour la guerre et fait venir dès les temps de paix des munitions.

 

L’effectif du groupe actuellement est le suivant :

Commandant CHAVELET, avec BESSON, DOUCET, CAILLON, BERNARD, DEVANT, BUTTIN, BON.

4ième  CHEVANT, FROMENT, CITERNE.

5ième MATENET, LUNEL, GACON.

6ième BARLET, DALSACE.

Péguin à l’E.M.

Bien changé si on le compare à celui d’il y a 3  mois.

 

Nous stationnons toujours ici sans avance sans changement. Les cultivateurs (vieux et femmes) battent le blé à la machine à 10 km de l’ennemi.

Ici nous sommes cantonnés dans une grande cour. Je loge dans une chambre qui donne sur la cour et appartient au domicile d’un vieux rentier phtisique qui se fait soigner à Paris.

Une italienne fait loucher tous les soldats (Brun, Tournay et compagnie). Claret s’en mêle aussi. Tous donnent le coup de main. Aujourd’hui je fais mes comptes. Jance me donne la main. Le vétérinaire est venu voir les chevaux.

Nombreuses maisons à Cayeux, au Quesnel où l’on remarque l’inscription allemande : « Schönen bitte gute leute ». Epargnez, je vous prie bonnes gens, ils ont tout donné.

23 octobre

À Wiencourt.

Envoyé à Jo 150 francs. Envoie demain 30 francs à Émile. Reçu lettre …y répondre un de ces jours.

24-25-26 octobre

Toujours à Wiencourt.

Rien de bien nouveau. Quelques coups de canon de temps à autre.

Hier 25, j’ai demandé à aller à mon tour comme observateur dans les tranchées en face des Boches, mais comme il faut y rester au moins 24 heures, ça ne m’est pas possible.

 

Lieutenant Charles Devant du 2e régiment d’artillerie de campagne dans une tranchée

On trouve difficilement du foin qui s’épuise dans la région. On donne conseil de le remplacer en partie par des betteraves, mais les chevaux n’y tiennent pas.

Je suis dans les comptes avec Jance qui me donne la main efficacement. Les hommes à la ligne de feu jouent aux cartes dans les tranchées. Les officiers font de même. Tous trouvent le temps long dans cette sorte d’inaction et de stationnement. On dit qu’en ce moment la lutte est importante du côté d’Arras.

Le commandant Coppelani est toujours ici.

27-28 octobre

Même cantonnement. Mêmes observations.

Hier suis allé au poste de commandement du commandant CHAVELET.

Reçu lettre de Perrichon et Bardot. Ne reçois rien de ma femme depuis 3 jours, ce qui est dû à la nouvelle adresse par Paris où il y a encombrement.

Folliot est revenu hier de Grenoble.

Vie toujours la même. Je fais remonter à la batterie, Brun, conducteur qui s’était absenté tout l’après-midi pour aller à Harbonnières voir une femme (8 jours de prison).

 

Sur le front, les officiers du groupe s’ennuient n’ayant rien d’intéressant à faire, qu’à rester dans leur trou. Dans leurs tranchées les fantassins ne font guère plus. Les meilleurs tireurs s’amusent à faire mouche sur les casques qui dépassent de l’autre côté. Un sergent comptait 24 dans sa journée, mais ayant voulu danser sur la tranchée, ne revint plus.

29-30 octobre

À Wiencourt.

Grosse canonnade aujourd’hui 30.

Rien de particulier du côté de Rosières. Envoie à Cluses colis de 9 kg (fumigène, souliers etc…) toujours pas de lettres de Cluses ou de mon frère qui ont l’adresse par Paris laquelle est peu rapide.

Toujours réunion des officiers du TR (train régimentaire) le matin à 7 h1/2 à la mairie. Le Commandant COPPELANI est toujours ici.

31 octobre

Les boches commencent aujourd’hui le bombardement de Rosières. Depuis ce matin les obus tombent durs et drus. Exode lamentable de la population. Petits gosses dans leurs voitures !

1 novembre

Hier Folliot tué. Pauvre camarade revenu 2 jours avant (sur sa demande) de convalescence pour une balle à l’épaule. (*)

 

(*) : Le sous-lieutenant Alphonse FOLLIOT est blessé mortellement au crâne par un éclat d’obus le 31 octobre à Lihons. Voir sa fiche.

2 novembre

Hier avant ravitaillement je l’ai échappé belle. 4 obus à l’emplacement que je venais de quitter depuis 5 minutes. Toujours à Wiencourt.

Les boches continuent à inonder Rosières et environ de projectiles.

3 novembre

FOLLIOT enterré ce matin. COLOMB mort hier au 6ième artillerie devant Le Quesnoy. (*)

CAPPOLANI parti le 4 à 1h ½.

 

(*) : Sous-lieutenant Jean COLOMB, 6e  régiment d’artillerie de campagne, tué à Rouvroy le 2 novembre 1914. Voir sa fiche.

5 novembre

Toujours à Wiencourt.

Hier quelques obus sur église de Rosières dont 1 a décapité un chasseur à cheval. (*)

D’autres sur la fonderie qui ont tué une trompette de la 6e : PETIT. (**)

Le cheval de BERNARD a reçu hier un coup de pied qui lui a cassé la jambe. Enterré aujourd’hui.

BUTTIN le vétérinaire prévenu depuis hier à 10 heures n’est pas encore venu.

Reçois toujours pas de lettres de Cluses, sauf 1 carte égarée, de Mme GROSGURIN, par le bureau central militaire.

 

On touche à Amiens culottes velours pour les hommes.

Des artilleurs du dépôt ont remplacé les chasseurs et fantassins aux trains régimentaires. Envoyé ce matin dépêche du commandant CHAVELET à Grenoble. Pas de nouvelles de LAPORTE 1ère Cie 52ième.

L’attaque des boches sur la …leur a coûté cher. Donné quelques lettres au train de ravitaillement pour Jean.

 « Arraisonner un vaisseau »- « le vrombissement d’une hélice ».

 

(*) : Un seul Chasseur à cheval a été tué à Rosières-en-Santerre à cette date : Joseph Gustave ZEPP soldat au 13e régiment de chasseurs à Cheval. Voir sa fiche.

(**) : Il s’agit du trompette François PETIT de la 6e batterie tué le 3/11 par éclat d’obus. Voir sa fiche.

6 novembre

Reçu lettre Fifine n°12.

Envoyé carte Ninette : « Victoire attend toujours insigne militaire promis. Son maître attend un petit mot de toi ».

 

 

 

Schémas d’avions insérés dans le carnet de note                     

Toujours à Wiencourt.

Fatigué ces jours derniers surtout énervé (mort de 20 camarades, pas de nouvelles). J’ai le torticolis, pas très prononcé. Mange presque rien, le soir pas faim.

Brouillard le matin, mais pas encore froid. Beau temps depuis quelques jours. Je termine petit à petit mes comptes. C’est long.

7-8-9 novembre

Toujours à Wiencourt chez maman BOULOGNE.

11-12 novembre

À Wiencourt.

Pas de gros changement pour nous. Calme sur le pont en face de nous. Les chasseurs (7ième et 14ième) sont partis hier pour le nord sans doute.

13 novembre

Il y aura un mois demain soir que nous sommes arrivés à Wiencourt.

14 novembre

GUIGUET motocycliste m’apporte la nouvelle que nous partons peut-être pour Ypres. Les Boches ont tiré aujourd’hui quelques marmites sur Rosières.

 

Déclaration de versement de 5000 francs à la date du 14 novembre 1914

15 novembre

Le matin à Wiencourt.

Premiers flocons de neige. Le froid commence à venir.

16 novembre

Toujours à Wiencourt.

Même vie. Rien de nouveau. On va ravitailler chaque soir vers 3 heures en passant par Harbonnières. On attend la nuit et file sur la fonderie à Rosières où se tiennent les échelons et où tombent parfois des marmites.

Les officiers sont tous réunis à la popote vers 6 heures, sauf ceux dont la batterie est de garde, ou ceux qui vont dans les tranchées pendant 24 heures comme observateur. JANCE m’aide à débrouiller mes comptes.

J’ai touché beaucoup de paquets individuels pour les hommes qui sont tous munis ou presque. Le poids commence à se faire sentir. On s’habitue au manteau.

 

La neige d’hier s’est vite transformée en pluie. Il pleut. Hier Michel est allé à Amiens avec un fourgon. Le propriétaire de la maison où je suis, qui s’appelle MÉRELLE, n’est pas de retour encore. Mais la voisine d’en face Mme DEMAICHY se charge de ses intérêts, la garce. Elle refuse tout. Je l’ai envoyée coucher. Elle a enlevé le balai.

Elle nous dit : 

« Pourquoi avez-vous laissé entrer les Prussiens jusqu’ici ? ».

 

La mère BOULOGNE dit qu’elle couche avec le père MÉRELLE depuis fort longtemps , que le mari le sait , que c’est pour faire une situation à ses enfants etc…

Les mœurs sont identiques dans tout le village. C’est du propre.

Le maire, vieux goujat froussard, à la face de crapaud, couche avec l’institutrice etc…

 

Nouvel aide -major arrivé au groupe. Commandant CHAVELET toujours très gentil. BETTON son officier adjoint. (Georges) LAYDERNIER vaguemestre.

Reçu carte de PAUCHET à Ravenel (Oise), celui qui avait abattu un prussien pillard qui lui demandait son porte-monnaie. Discussion avec FRANGÉ officier …du 3ième groupe, à propos de son photographe.

Il n’a pas voulu qu’il vienne me photographier. Je l’ai envoyé promener. Je lui revaudrai la monnaie de sa pièce.

 

 

Charles (à gauche) en compagnie d’un autre officier (Lieutenant GACON ?)

17-18 novembre

Le froid continue, surtout le matin où tout est gelé. Reçu hier 300 francs comme prime de harnachement (*) que je renvoie aujourd’hui à ma femme pour ne pas m’encombrer. (*)

Beaucoup d’avions Allemands ce matin et cet après-midi ! Encore des obus sur Rosières. Beau Temps, ciel bleu superbe. Le ballon à Caix remonte chaque soir.

 

Hier au Trésor et Postes un sac de lettres en souffrance appartenant au 52ième infanterie. Il y avait au moins 5 à 6000 lettres avec mandats, lettres recommandées, tout cela par la faute de 3 vaguemestres, qui, s’ils avaient pu, se seraient débarrassé plus simplement encore du sac !!

Reçu hier lettres Jo, maman, photo. Comme tout cela est loin ! J’ose à peine penser au retour, tant il y a d’inconnues à résoudre encore.

 

(*) : Prime distribuée pour subvenir à l’entretien du cheval.

19 novembre

Aujourd’hui première neige persistante à 4 heures tantôt. La cour est toute blanche. Il fait froid. Je suis au chaud en faisant mes comptes dans l’appartement.

20-21-22 novembre

À Wiencourt.

Le froid est venu très intense. Il gèle fort, - 4° et -7° ces jours. Mis mon chandail avec mon tricot. Heureux avec un cache-nez.

Hier ANJELIER (*), adjudant de la 6ième, tué d’une balle au front dans une tranchée avant-postes. (*)

Le docteur VARAY est à l’ambulance 7 à Harbonnières. Envoyé hier photos à Cluses.

Aujourd’hui vers midi les Boches sont parvenus à détruire le ballon captif observatoire, situé près de Caix. Ils ont même tiré dans Caix où un postier a été blessé.

Nous stationnons toujours ici où nous menons une sorte de vie de garnison. La vie devient toujours la même et les soirées longues prêtent à l’ennui et à la tristesse.

 

(*) : Il s’agit de l’adjudant de la 6e batterie Antoine Pierre Claude ANGELIER. Voir sa fiche.

22 au 30 novembre

À Wiencourt.

Suis allé à Amiens le 25 pour y toucher des culottes. Y retourne aujourd’hui 30 à 10 h dans le train pour Amiens.

1er -2 et 3 décembre

Nous continuons ici le même stationnement.

Tous ces jours ici rien de particulier. À peine quelques coups de canon. Offensive prise par nous du côté de Fay. Pas très réussie je crois. On attend que les Russes avalent le gros morceau.

Ce soir et demain les camarades fêtent la Sainte Barbe. Nouvel aide-major au groupe (FAYOLLE) et nouveau sous-lieutenant un jeune X (TOINET). J’y mange quelquefois.

Temps doux tous ces jours, un peu de pluie, beaucoup de vent. Les hommes ont pris une douche hier. On a constitué pour cela tout un appareillage ingénieux (locomobile, réservoir etc…)

 

 

BUTTIN (état-major), CHEVANT (capitaine commandant le 4e batterie), TOINET (le X) et GACON (5e batterie)

4-5 décembre

Hier fêté la Sainte Barbe tant pour les officiers que pour les hommes. À la popote à Rosières boulot copieux, chansonnettes du docteur etc …Invités de marque : général, colonel SOUVERIN et tout l’E.M.

6-7 décembre

Été hier à M. Vu Mr DÉTAILLE, charmant pour ce que je lui demandais. La mère BOULOGNE en est ravie.

Grand vent tous ces jours. Pas froid. Beaucoup de grippes, indispositions. Pas de courrier Cluses ni aujourd’hui, ni hier. Écrit longuement à Jo et aux 2 familles (61 et 62). (*)

Énervé ces jours. Dors peu.

 

(*) : Très certainement le numéro des lettres.

8-9-10-11-12-13 décembre

Journées d’attente. Rien de particulier.

Vu aujourd’hui Mr DÉTAILLE. Toujours le même.

À peine quelques coups de canon de temps à autre. L’échelon couche tout entier dans la fonderie où il n’y a eu qu’un seul jour 4 marmites (1 trompette tué).

Ici mes hommes se sont fait de vrais nids dans la paille avec cloisons en paille etc…Tous s’engraissent.

Chevaux en bon état.

 

Avant-hier déjeuner offert par le commandant D’HAUFERVILLE des T.R., à tous officiers d’approvisionnement. Très  gentil. Capitaine BINET, chez l’adjoint au maire Mr DUBOIS.

Vu à Marcelcave 1 gosse de l’âge du mien, mais malade et bien moins gros à ce qu’il m’a semblé. Jean m’écrit souvent. Reçu aussi lettre de Boiselle. Émile écrit très rarement.

14-15-16-17-18-19 décembre.

Toujours à Wiencourt.

Arrivée heureuse pour moi mardi soir 15 décembre.

Se prolonge. Mère BOULOGNE toujours aimable. Détaille idem. (Du 15 au 23, dates à retenir).

20-21-22-23-24-25-26-27-28-29 décembre

Départ triste mercredi matin 23 à 9 heures. Toujours même vie à Wiencourt.

Noël pas gai. Pas d’entrain. On pense à tant d’autres choses ! Nouvel an sera pareil.                                                                          

1915 : Somme – Champagne - Stage

30-31-décembre 1914/ 1-2-3-4-5-6-7-8-9-10-11 janvier

Passé 1er janvier monotone. Mr MERELLE mort le 5.

Venu à cette date chez Mme BOULOGNE pour manger et coucher. Laissé place au 1er groupe et 3ième.

Du 11 au 25 janvier 1915

vie identiquement la même, sans variété, sans charmes. Toujours chez Mme BOULOGNE qui me soigne bien. Parfois quelques invités (Docteur, CHEVANT, BUTTIN, etc…). Rien de nouveau au groupe. Composition n’a pas varié.

Un aide-major en plus : FAYOLLE. Ils font popote à Rosières à 18 à table. Parfois repas reviennent à 3 francs par jour.

Jusqu’au 1 février

Pas de changement. Alerte un de ces jours pour moi.

VERMIOLLET me demande pour aller à l’E.M. du régiment. Pas collé.

Hier déjeuner offert par les officiers d’approvisionnement au commandant et sous-lieutenant = 27 f par tête. LUNEL passe à l’E.M. BALVAY vient au groupe comme officier-téléphoniste.

Du 1 au 10 février

Un peu fatigué ces derniers jours. Je craignais un point pleurétique. Tout s’arrange.

Rien de nouveau. Calme complet.

Le 18 février

Revu DOMENGE pour la 1ère fois de ce mois. Reçu 2ième galon le 15 au soir à la date du 2 septembre. (*)

DOMENGE est à Marcelcave, équipe de réparations de mitrailleuses.

 

(*) : De sous-lieutenant, il passe lieutenant (à titre officiel ce jour et a daté du 2 septembre 1914)

Le 21 février

Me suis pesé tout nu : 65 kgs. J’ai donc augmenté depuis l’an dernier je crois.

Le 23 février soir

CLAIRENS a quelques relâchements dans ses fonctions d’ordonnance. Mais vite remis. Un peu de négligence pour mon harnachement.

Les belges émigrés de Lihons sont toujours en face dans la cour de la mère BOULOGNE.

J’ai devant mes yeux à gauche de la fenêtre la photo de Jo et bébé.

Vais voir DOMENGE assez souvent. Vu cet après-midi ainsi que GROS.

 

Demain dîner chez FRANGÉ, GALLIOT et DE VERDIÈRE. Actuellement nous sommes au groupe 19 officiers.

4ième : CHAVELET, DOUCET, BON, CAILLON, BERNARD, DEVANT, CHEVANT, FROMENT, MEUNIER, BUTTIN, FAYOLLE, BESSON (*)

5ième : MATHENET, TORNET, GACON, BALVAY.

6ième : FARGES, CITERNE, BARLET, PÉGUIN.

 

(*) : Il y a beaucoup plus d’officiers à la 4e batterie, car l’état-major du 2e groupe d’artillerie du régiment y est rattaché administrativement.

Le 2 mars

Rien de neuf. Le capitaine BINET a été envoyé à D. et remplacé par un autre, sur la demande du commandant D’HAUFERVILLE pour incompatibilité d’humeur ! On n’est pas plus chic !

Les copains du groupe vont à tour de rôle à Amiens, très souvent.

Aujourd’hui FROMENT et GACON à déjeuner chez mère BOULOGNE.

Le 11 mars

Conduite de PÉPIN et BRUN lors de mon voyage à Amiens le 6 mars !! (Essai de chantage).

Aujourd’hui 2 servants de la 4ième à Rosières dans une écurie ainsi qu’un …de 4 ans.

 

(*) : 2 servants de la 4e batterie ont bien été tués mais le 15 mars et non le 11 (la façon d’écrire le 5 à cette époque pouvait faire confondre) :

Henri Albert DUROUSSET. Voir sa fiche.

Maurice Antoine Alexis PASCAL. Voir sa fiche.

 

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De mars 1915 à août 1915, notes égarées.

 

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1915 : Ninette GRISEL, Joséphine et Alfred DEVANT sur la place de la mairie à Cluses – Vue actuelle

 

Joséphine et Charles DEVANT - Août 1915

8 août

Revenu hier de permission. Bruits de départ de Marcelcave. CLAIRENS pas encore revenu.

10 août

On ravitaille à Hargicourt où nous étions il y a 10 mois.

13 août

Entre Châlons-sur-Marne et Épernay (13 heures). Parti hier matin 12. Avons embarqué à Hargicourt à 9 h soir.

Passé à Paris à 4h ce matin. Quitté H. le 12 au matin.

14 août

BALVAY se tue hier en tombant d’une grange par accident. (*)

Aujourd’hui on ravitaille à Châlons.

 

(*) : Lieutenant Georges BALVAY, de la 2e batterie du 2e régiment d’artillerie de campagne, mort accidentellement pour la France le 14 août 1915 à Saint-Memmie (51). Voir sa fiche.

15 août

Ravitaillement à Châlons.

16-17-18-19- et 20 août

Restons à Courtisols.

Hier soir, 20, à minuit les batteries partent pour bivouaquer près de la Croix-en-Champagne. Nous restons aujourd’hui 21 pour rejoindre ce soir.

21 août

Couchons le soir dans un bivouac près de Somme-Suippes. Couché dans un fourgon.

22 août

Ravitaillé ce jour à Somme-Suippes. Couchons dans un petit bois près de la gare. Mangé à midi avec 1er groupe.

Ce soir, reprenons la popote avec MASSON.

24 août

Aujourd’hui à 6 h, venus nous installer à la place du 3ième artillerie. Formons un bivouac nègre pittoresque.

COSTENOBLE à la place de DURETZ comme aide-cuisinier.

22 à 27 août

Restons au bivouac.

Quelques obus boches près de nous (200 m), 2 tués. (*)

COSTENOBLE remplacé par COUILLOUD puis par PERRIN. Rien de saillant.

 

(*) : Pas de tué au 2e RAC, probablement à une autre unité.

27 à 31 août

Bivouac au même endroit.

Idem.

Reçu des couvertures le 31 août.

Rien de saillant.

3 septembre

Un territorial tué hier à 200 m de notre bivouac par un obus  (à 1 m de lui). (*)

 

(*) : Pas de territorial tué le 2 septembre à Somme-Suippes (lieu du bivouac) mais un le 3 septembre du 94e régiment d’infanterie territoriale : Jean Antoine BERNAERT. Voir sa fiche.

15 septembre

PÉPIN, après avoir fait du scandale, étant viré, monte hier aux échelons.

J’attends solution AUSSEDAT - COIGNET.

20 septembre

Avons quitté le bivouac de Somme-Suippes.

Sommes venus hier dans les bois au sud de Suippes à la côte 169. Attendons l’attaque (*).

J’ai reçu lettre d’AUSSEDAT le 10. Ai écrit le jour même à COIGNET en signant mon engagement. Attends la réponse !!

Obus à 20 m, sans casse heureusement.

Grand beau temps ces jours. Avons toujours PERRIN comme cuisinier à notre popote. Hier déjeuné avec CHARVET. Suis allé voir le commandant au bois Gauthier près des batteries.

 

(*) : La grande attaque de Champagne du 25 septembre.

22 septembre

Aujourd’hui une grosse canonnade du côté de Souain (Perthes-lès-Hurlus) depuis 6 h du matin. La bataille paraît engagée.

Avant-hier bombardement de Suippes avec 106 obus de 147 mm (autrichien) en acier spécial. Un aéro ramène un observateur tué (JACQUEMOND). (*)

Je vais voir le commandant à son poste. J’attends toujours la solution AUSSEDAT.

 

(*) : Il s’agit du Lieutenant Joseph JACQUEMOND du 1e groupe d’aviation. Il venait du 54e régiment d’artillerie de campagne. Tué par éclat d’obus à la tête le 20 septembre 1915 à Somme-Suippes. Voir sa fiche.

24 septembre

Aujourd’hui 3ième jour de bombardement. Demain le grand jour ! (*)

Hier au poste commandement vu Perthes et les tranchées boches volant en poussière. Roulement continu du canon. 155 long ! 194 de marine. Tout crache.

JANCE remonte à l‘échelon. Je vais causer à DIDDET, son capitaine, pour le garder. Mais je doute. Les hommes voient-là un coup monté par l’adjudant CHALLIER.

 

(*) : Début de l’offensive de la bataille de Champagne.

26 septembre

Hier l’infanterie est sortie des tranchées vers 8h du matin. Beau succès. Tahure pris le soir Nos fantassins à 10 km en avant des lignes. Pas trop de pertes. REBIÈRES tué. (*)

Plus de 10 000 prisonniers à Cabane-et-Puits. J’en ai vu au moins 3000.

La bataille continue. Canonnade lointaine qui s’éloigne.

 

(*) : Marcel Louis Charles REBIÈRE. Voir sa fiche.

27 septembre

Triste temps depuis 2 jours. La pluie.

Le canon tonne toujours. Les trains blindés sont à côté (canons de 19). L’avance n’est pas encore rapide (Trou Bricot, Tahure, tranchées de la Vistule).

Les servants de la 4ième ont fait 12 ou 15 artilleurs prisonniers dont 1 capitaine blessé, et tué le commandant, qui ne voulait pas se rendre. Pas mal de pertes chez nous (415, 75, etc…(*)) il le faut !

Hier suis allé à Perthes, près des échelons qui étaient marmités.

Ce soir verrai sans doute le commandant aux positions de batterie.

 

(*) : 415e et 75e régiments d’infanterie

29 septembre

Quittons notre bivouac pour aller à Cabanne-et-Puits. 5 servants montent à la 5ième batterie où il y a de la casse. Vial monte à l’échelon.

Vu avant-hier le commandant. Installé dans une batterie boche de 77. Cadavres. Chambre luxueuse. Photos, cantines du capitaine parti en laissant tout. L’avance est lente (tranchées de la Vistule etc …).

Pluie tous ces jours, triste temps.

9 octobre

Vu hier CAILLES et Lamy à leurs batteries. Été au poste du commandant. Pris quelques photos.

Auvrey et Rollier (*) tués tous les deux.

Ce matin un aéro boche est venu planer au-dessus de notre bivouac et a descendu la saucisse à 300 m à travers les nuages en lançant une fusée après quelques balles de mitrailleuses. Je l’ai vue tomber en flammes. Par un hasard fantastique, les godets de direction ont formé parachute et le sous-officier s’en tire avec de fortes brûlures.

 

(*) : S’agit-il de Pétrus Louis ROLLIER, capitaine au 416e régiment d’infanterie, mort pour la France le 26 septembre 1915 ?. Voir sa fiche.

 

11 octobre

Reçois ordre de me tenir prêt à partir.

Envoyé ce matin Pernet à Châlons, qui nous rejoindra facilement j’espère.

 

Artilleurs PERNET et VIAL - Photo de juin 1915 d’une partie du personnel du train régimentaire du 2e régiment d’artillerie

13 octobre

Suis à Courtisols, point de jonction des routes Châlons et Bussy-le-Château (près du vieux moulin à vent).

Parti ce matin à 11 heures de bivouac Cabanne-et-Puits. Vu sur la route Majorel, en auto.

15 octobre

Avons quitté Vitry-la-Ville où nous étions depuis le 13 au soir, pour embarquer aujourd’hui à Vitry-le-François via Chaumont…

Ai failli me tuer ce matin à cheval.

16 octobre

3 heures matin. Débarquons ce matin à Lure, jolie petite ville ensoleillée. Accueil cordial de la population.

Venons coucher à Plancher-Bas à 18 km vers l’Est.

18 octobre

Toujours à Plancher- Bas. Beau soleil.

19-20-21 octobre

Sommes venus le 19 au matin à Chaux à 8 km de Belfort. Y suis allé deux fois déjà.

Aujourd’hui 21, le groupe va en promenade au ballon d’Alsace.

26 octobre

Toujours à Chaux.

Mange ce jour avec Lamy. Larmaz parti il y a 4 jours, appelé dans une usine à Grenoble.

Passé une revue hier. Sur la route de Giromagny rencontré un capitaine du 54, que j’ai dépassé sans le reconnaître, et qui m’a arrêté. Le commandant est en permission.

Mangeons popote avec Barlet. Le champagne coule à tout propos.

Ils sont jeunes et gais ! Il leur suffit de peu pour s’amuser. Aujourd’hui à Giromagny, revue par colonel et remise de décorations. Résumé des attaques par le commandant CHAVELET (*) :

« Des lions commandés par des ânes ! »

 

Manque d’artillerie pour démolir les 2ièmes retranchements. La grosse artillerie ne s’est pas déplacée assez vite. D’où fils de fer pas détruits, fantassins arrêtés. Manque de liaison  et pas de représentants des grands chefs sur place, c’est-à-dire sous les marmites.

Logé chez le maire Mr Didier. Très aimable. Couche dans mon lit chaque soir.

 

(*) : Anatole Joseph Edmé Félix CHAVELET. Nous verrons par la suite que Charles DEVANT va côtoyer souvent ce commandant, puis lieutenant-colonel, (jurassien de 47 ans).

29 octobre

Mesures rigoureuses de la censure. Matenet pris à dire dans une lettre où il se trouvait.

Majorel, le sous-intendant, cité à l’ordre du jour, pour être resté 3 jours à Perthes, dans la cave, ainsi que Lallemand, Jay, Oscan, officiers.

7 novembre

Toujours à Chaux.

Je pars peut-être en permission de 6 jours le 9. Quelle joie !

Aujourd’hui bon déjeuner avec le maire et Mr Bardot, le propriétaire de notre popote. Laporte, grâce à ma recommandation auprès de Toscan, a pu devenir son secrétaire. Quel changement pour lui.

19 novembre

Parti en permission le 9 novembre.

Rentré le 18 novembre.

 

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20 novembre 1915 : Congé sans solde accordé à Charles DEVANT

 

 

Parti le 27 novembre 1915 pour 5 mois de stage à l’usine à Annecy. (Aux Forges du Fier et Usine Coignet (phosphore). (*)

 

(*) : Comme il le dit, Charles DEVANT fût détaché pour plusieurs mois à l’arrière du front.

Sa fiche matriculaire indique : « Dirigé sur l’usine de la société des produits chimiques Coignet à Brassilly par Poissy, Haute Savoie, le 27 novembre 1915 – Passé le 4 février 1916 à la société des forges du Fier – Rentré au dépôt le 1 mai 1916. »

On fabriquait de la poudre à Brassily.

 

 

 

 

 

 

 

 

Prolongation du congé sans solde

 

 

 

 

Dessins de Charles Devant pour son fils Alfred.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Seconde prolongation du congé sans solde

                 

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1916 : Retour au front

6 mai

Départ de Grenoble à18h40.

Fifine m’accompagne à la gare et part à 18h50 sur Chambéry. Quelques pleurs.

Arrivée à la Roche-sur-Yonne le 7 mai à midi. (*)

Départ pour Troyes.

Pluie diluvienne. Voyage avec Chollier adjudant. Bon  séjour à Grenoble, en face la gare (Hôtel Suisse et Bordeaux).

Je pars content sans appréhension, plein d’espoir. Noter à Fifine le petit artilleur de 15 ans et son histoire (départ à Salonique, sac à viande, retour etc…).

Suicide de ChamarEt à Grenoble, ancien médecin auxiliaire du groupe à Chaux. (**)

 

(*) : La-Roche-sur-Yonne s’appelle maintenant Laroche-St-Cydroine (à côté de Joigny, 89).

(**) : Jean Artur CHAMARET. Sa fiche -- Sa FM.

Il est curieux qu’en étant noté « suicidé », il a été déclaré « mort pour la France ». Des soldats suicidés sont généralement « non morts pour la France ». Mais lui était officier….

11 mai

Arrivée à Dugny le 7 au soir.

Vu colonel au fort de Belrupt. Affecté au 3ième groupe.

Puis vu commandant JACQUOT le 10. Affecté par lui soit à l’approvisionnement soit aux échelons. J’accepte tout d’abord, puis je réfléchis et aujourd’hui lui demande à être à une batterie. Ceci pour ne pas obliger GROSJEAN à quitter sa place. Masson très gentil. Ballade très mouvementée pour aller à la redoute du commandant.

Mangé hier soir chez Majorel, attends décision commandant qui suivra ma démarche.

12 mai

Le groupe est relevé ce soir et rejoint Senoncourt par Dugny. CAILLES légèrement blessé à la cuisse aujourd’hui. Evacué. Je fais l’intérim à l’approvisionnement.

Pas encore fixé sur ma situation.

13 mai

Vu commandant ce matin. Demandé la batterie. Pas accepté pour diverses raisons. Affecté au commandement des échelons. Suis satisfait.

Le groupe est au repos à Senoncourt. Pluie cet après-midi. Routes boueuses et glissantes.

Mon ordonnance : Rambaud, 35 ans, 3 enfants, fille de 10 ans, 14 frères et sœurs, dont 9 vivants, 2 frères tués à la guerre.

Beau-frère du boxeur Carpentier dont le frère a épousé la sœur de sa femme, a une marraine. (*)

 

(*) : Après de nombreuses heures de recherches, par Philippe, ce RAMBAUD n’a pas été retrouvé. Archives SGA, archives des morts pour la France, archives et état-civil, recensement du Pas-de-Calais (pour le boxeur)…

Si un internaute a une piste, il sera le bienvenu. Merci

14 mai

Mal reçus ici par les habitants dont certains nous disent qu’ils aimeraient mieux avoir les Boches.

Mauvais temps. Pluie désagréable pour les hommes qui venaient au repos et pour les chevaux. Le commandant est bien cousin des JACQUOT qui connaissent les Humbert.

16 mai

Toujours à Senoncourt où arrive et passe le 4ième corps. On parle de notre embarquement dans l’Oise. Le soleil revient.

Je couche dans une grange sur de petits lits de paille. Nous sommes 7.

17 mai

Mangé dans les bois avec Vacher et Pigay.

Le commandant va en auto à Bar-le-Duc. Visité cet après-midi avec le docteur l’escadrille MF20.

Vu FAYET.

 

La composition du groupe est :

E.M. : Commandant JACQUOT, Lieutenant FrangÉ, Devant, Masson, Docteur BouilloC, Docteur Luquet, Vétérinaire Bisset.

7ième batterie : LÉpeule (*), (Marius Antonin) LARDIN, BERNARD, LATIL.

8ième : BERTHAUD, VIAL, DUFOURNET, TOSTAIN. (**) 

9ième : GREBUS, GROSJEAN, JOUVENT.

 

(*) : Lieutenant Paul Max LÉPEULE commande la 7e batterie. Il a 33 ans, né à Frasne (Doubs). Il sera cité 3 fois durant la guerre, obtention de la croix de guerre et chevalier de la légion d’honneur en 1923.

(**) : TOSTAIN lieutenant à la 8e batterie ; très certainement Paul Louis Constant TOSTAIN né à Caen en 1888 qui est devenu le gendre du colonel Fromheim le 5 novembre 1917 (état-civil ici). Il a reçu la Légion d’Honneur (ici) alors colonel d’artillerie, il doit probablement s’agir de lui (mais Philippe n’a pas retrouvé sa fiche matriculaire pour le prouver, ni à Caen, ni à Grenoble, ni à Versailles). Les recherches pour avoir une certitude sont toujours en cours (janvier 2022).

18 mai

Toujours Senoncourt chez la vieille du n°12 qui voudrait tant être boche. On parle de nous relever pour nous mettre à la disposition de la division Mangin qui attaque Douaumont.

19 mai

Été hier à Belrupt un peu marmité ainsi que ses environs. Vu PALLIERES.

Grand beau temps.

Les camions ne cessent de défiler emportant des hommes et des munitions. Poussière. Chants des hommes.

                               

Les comptes de la popote du 16 au 19 mai  1916 (sur un autre carnet)

 

20 mai

Arrivée hier soir à 11 heures pour faire logement du groupe qui cantonne ici.

Hier soir, nuit splendide, fusées vertes et rouges, éclatements, obus éclairants ; escadrilles d’avions passant dans le ciel, invisibles ; projecteurs boches.

Eté ce matin à l’écluse du canal de Belleray pour voir colonel DE LACOMBE. Mangeons avec 1er groupe.

Ce matin vu tomber un avion boche.

21 mai

Suis allé à Verdun ce matin. Rue Mazet, rives de la Meuse. Intérieurs. Celui du commandant de la place ! Chemises, jupons, caoutchoucs, salles de bains !! Pillards.

Gendarmes à l’eau, et gendarmes condamnés. Bijoux, argenterie, lustrerie !!!

Perdu mon lorgnon (2 dioptres et demi, soit n°13). Nombre de dioptries = 1/f en mètres. N° = nombre de pouces (33m/m) contenus dans f. Demander par lettre, lorgnons et plaques photos.

24 mai

Enterré hier ce pauvre LARDIN, tué avant-hier à la batterie par un éclat d’obus qui lui a traversé le corps. Je commandais le piquet ; Colonel a pas pu venir, ni le commandant. (*)

Hier, prise du fort de Douaumont, en partie. Vu abattre un avion boche, sans doute. C’est le 2ième que je vois.

 

(*) : Marius Antonin LARDIN, sous-lieutenant au 2e régiment d’artillerie, mort pour la France le 22 mai 1916 à Douaumont. Voir sa fiche.

26 mai

Quittons ce soir Belrupt pour arriver vers 11 heures à Senoncourt. Vu LARNEY hier, va bien.

Fort de Douaumont repris par les Boches hier. Ils ont aussi le Mort Homme et cote 304. On a l’impression que leur artillerie lourde est écrasante par rapport à la nôtre et qu’il nous manque encore des camions et des obus lourds. Il ne suffit pas d’avoir la supériorité des effectifs. Il faut avoir celle de l’acier et de l’explosif.

Vu COCAGNE hier.

27 mai

Arrivés hier au soir à 11h30 à Senoncourt où nous cantonnons à nouveau. Popote au n°85. Sommes couchés dans une grange sur paille.

28 mai

Toujours à Senoncourt.

1er groupe arrivé en partie hier et cette nuit. Rien de nouveau. Je prends la popote. Sommes au 85. Les gens paraissent mieux disposés qu’au 12, sauf la patronne, qui commande et ronchonne.

Avons touché hier un nouveau sous-lieutenant nommé LATIL. (*)

ROSTIN revient aujourd’hui. Recevons ordre de partir demain matin 29 pour aller à Érize-Saint-Dizier (lundi).

 

(*) : Il vient du 16e régiment d’artillerie de campagne

29 mai

Quitte ce matin Senoncourt à 6 heures (lundi).

Arrivé à 13 heures à Érize-la-Brûlée où nous cantonnons. Joli petit village, arrosé, verdoyant, sur la grande route à 12 km de Bar-le-Duc. Braves gens. Logé chez Mme Veuve MOULLIN dont le fils se bat au Mort Homme et a été cité 2 fois déjà.

Ignore ce que nous deviendrons. Popote bien placée. Bureau à la mairie. Couche dans la même chambre que MASSON. 2 lits. Je prends la popote à partir du 27 mai.

30 mai

Commandant et FRANGÉ partis ce matin en permission.

31 mai

Ce matin 1er départ de permissionnaires par autobus-camions jusqu’à Bar. Sommes bien cantonnés dans joli pays. Gens sympathiques. Suis allé faire petite balade avec MASSON.

3 juin

Toujours à Érize.

Avant-hier à midi bombardement de Bar-le-Duc par avions boches. Pas mal de permissionnaires tués. C’était juste l’heure de leur train que ces cochons de boches ont choisi. (*)

Nos aviateurs déjeunaient en partie à Bar-le-Duc. Vilain temps aujourd’hui. Ciel couvert. Je me ressens de la nourriture échauffante que nous avons aujourd’hui.

Ce matin exercice-manœuvre de la pompe à incendie, devant la mairie.

 

(*) : On recense 36 hommes tués (dont des civils répertoriés) le 1e juin 1916 à Bar-le-Duc. Tous suite à ce bombardement ?

5 juin

Permissionnaires toujours chez eux. Demain revue pour remise des décorations.

6 juin

Ce matin à 8 h, revue des décorations. Discours du colonel.

 

 

Feuille de comptes de la popote du 6 au 22 juin 1916

 

On peut y identifier comme personnes :

Le commandant (commandant JACQUOT) – Lieutenant MASSON – Lieutenant Charles DEVANT – Lieutenant GRANGÉ – Vétérinaire aide-major BISSEUX – Le docteur (BOUILLOC) – LUQUET – Capitaine BERTHAUD – Lieutenant TOSTAIN – Sous-lieutenant VIAL – Sous-lieutenant DUFOURNET. Les officiers du 3e groupe représentent la majorité. Voir ici la constitution du groupe à la date du 13 mai 1916.

 

9 juin

Toujours à Érize où passent et repassent des camions.

Ce matin, suis allé au ravitaillement où je remplace MASSON qui est en permission. Hier mangé le soir à la popote de la 8ième batterie.

11 juin

8h1/2 du soir. Viens de quitter popote. REVUZ (Marius Henri) revenu ce jour de permission de Cluses. (*)

Rapporte paquet. Tous vont bien. PERTIN (Théodore Joseph Victor) parti aujourd’hui pour Cluses. (**) 

Le 2ième groupe reçoit ordre partir demain pour les Monthairons près du fort de G.

Je laisse mon tour de permission à TOSTAIN. Le commandant m’ayant offert le prochain tour.

Rien de nouveau. Sommes toujours à Érize. Touchons nouveau docteur (RISSERT) qui remplace BOUILLOQUE (BOUILLOC ?).

 

(*) : Il n’existe qu’un seul REVUZ de Cluses et du 2e régiment d’artillerie de campagne : Marius Henri REVUZ. Voir sa fiche.

(**) : Théodore Joseph Victor PERTIN est de Cluses, lui aussi. Plusieurs fois blessé et décoré, il survivra à la guerre et sera déclaré invalide à 100 %.

13 juin

Temps détestable tous ces jours. On ne peut sortir sans la pluie. Dépery arrivé aujourd’hui. Ci-joint plan d’une maison d’Érize. Toutes se ressemblent ici.

A : chambre - B : chambre - C : cheminée - D : cuisine - E couloir d’entrée                            

15 juin

Toujours le mauvais temps.

                                 

Autre feuille de comptes de la popote…du 6 au 16 juin

 

20 juin

Le beau temps arrive petit à petit. Hier soir allé me promener avec LÉpeule sur l’éperon de Belrain.

Ai pris une pelle à cheval en sautant un fossé. Le soir n’ai pas mangé et ai eu très mal à la tête.

27 juin

Quittons ce matin Érize pour venir à Ancemont où nous arrivons à 12h30. Je suis resté à Érize jusqu’à 9 heures pour faire le bien-vivre. Je suis venu ici en camion et auto.

Passé à Souilly bombardée. Ici Ancemont bombardée aussi. Nous sommes mardi. Le fourgon arrive en retard. Je vais demander de la boustifaille à GACON. (*)

Vu photos de BUTTIN. (**)

 

(*) : Le sous-lieutenant GACON occupe la même fonction que Charles DEVANT, mais au sein du 2e groupe. (JMO 2/07/1916)

(**) : BUTTIN est vétérinaire aide-major du 2e groupe

29 juin

8ième batterie remontée hier au soir. Remplace la 3ième batterie du 1e artillerie. La 9ième monte ce soir. Remplace la 2ième batterie. La 7ième montera aussi ce soir, sauf son échelon qui montera demain matin avec moi.

MASSON a fixé son T.R. à Récourt près de la Meuse. Eté ce matin reconnaître emplacement des échelons. Confortable mais pagaille au 1er. Mauvaise tenue des hommes.

30 juin

17 heures. Sommes arrivés à 13h30 au bivouac des échelons. Bonnes petites cagnias où nous serons très bien.

1 juillet

Suis allé déjeuner aujourd’hui au P.C. prés carrefour des 3 Jurés. Suivi tranchée de Calonne sur 4 km. Quatre obus éclatés pas loin (feuilles des arbres tombées), mais sans danger. Tranchée Calonne = grande route spacieuse dans une forêt.

Quelques trous d’obus. Quelques arbres coupés. Quelques tombes sur le bord de la route. Cagnia du commandant très bien aménagée, avec abris à proximité. Quelle boue ! 20 à 30 cm, de quoi enliser un cheval.

Aujourd’hui grand beau temps. Ciel bleu. Avions en masse.

 

Ordre de bataille  à la date du 2 juillet 1916 – Liste des officiers - Ceux entourés sont cités dans le récit

4 juillet

Hier 29 ans ! Apprends hier  que les permissions sont rétablies. Quelle veine. Espère partir demain.

4 juillet

Soir 7h : j’apprends que ma permission est signée. Je vais pouvoir partir demain. Quelle veine ! MASSON me remplace. Temps pluvieux toujours. Grosse boue.

5 juillet

Pars ce matin 10h.

 

………………………………………………………………………………………………………………………………………………

 

17 juillet

Rentré ce matin à 10h de permission. Rencontré FOURNIER à Paris, COLLIARD (ECP 1911). Vu NOBLE.

Taverne alsacienne avenue Opéra.

18 juillet

Suis allé au P.C. JACQUOT. Le commandant était ce jour-là à la 7ième batterie. (*)

Rencontré PICHOT sur tranchée de Calonne.

 

(*) : Commandant JACQUOT qui commande le 3e groupe

26 juillet

Soir 9h.sommes toujours au bivouac de Saint Amanville (*) dans les bois où nous nous installons peu à peu  (chemins, écuries, abris pour hommes). Toujours aussi beau depuis 5 jours. Grand soleil avec ciel bleu. Fais quelques photos intéressantes.

Peu d’avions maintenant. A peine quelques-uns en reconnaissance.

 

(*) : Saint-Amanville ne semble pas exister. Allant à la tranchée de Calonne (18/07) et à une batterie de 155C tirant sur l’est de Combres (JMO au 30 juillet), compte tenu de sa portée (maxi 11km), il pourrait être dans la forêt d’Amblonville près de la ferme (d <9km)

31 juillet

Rien de saillant depuis 8 jours. Le beau temps continue et nous comble de chaleur et de poussière.

13 août

Quittons ce soir bivouac pour aller sur route de Dieue-sur-Meuse à Haudainville-aux-Bois-Secs. En plein bled. Arrivés dans la nuit. Installons nos cagnias ce matin.

14 août

Attendons commandant etc…Position de batterie, sans doute au Cabaret, près caserne Chevert à Verdun. Pluie hier.

17 août

Installés depuis le 14 au matin. Cagnia en feuilles et cartons. Batteries pas encore en position.

 

Une des  cagnas de Charles DEVANT (à droite)

25 août

Suis allé ce matin voir commandant au P.C. prés caserne Chevert. Quelques obus. Vu un aéro Farman tomber en flammes les ailes repliées après avoir, je crois, reçu un obus boche …pauvres aviateurs. Ils observaient les tirs pour régler une batterie à 1 km du P.C.

Beau temps maintenant mais nuits fraîches. Belles vues sur Verdun. Temps clair ce matin.2 obus à 50 m de moi près de Chevert.

 

Hier on ramène le corps d’HINTERLAND, lieutenant au 1er groupe, tué au fort de Souville. 24 heures pour le retrouver ! (*) Tué avec un officier d’infanterie. (**)

Je couche avec BISSEUX. FREBUS, RISSER sont malades hier.

 

(*) : Le lieutenant Jules Antoine HINTERLANG a bien été tué le 23 août en première ligne, avec les fantassins,  très certainement en tranchée comme observateur des tirs de son régiment. Voir sa fiche.

(**) : Le seul autre officier tué ce jour est le lieutenant Auguste SCHUVER du 367e régiment d’infanterie. Voir sa fiche.

 

28 août

(Jules Antoine) HINTERLAND enterré le 25 août au matin. GROSJEAN vient passer 24 heures au bivouac. Il est déprimé. Les officiers d’artillerie (lieutenants) deviennent les otages de l’infanterie. On les envoie dans les tranchées parce que les coups de 75 sont trop courts et tuent des fantassins !!

On parle d’un départ prochain.

Soir 5 heures ; nous apprenons que Roumanie marche. Quel bonheur.

Le docteur RISSER apprend sa mutation. Il est nommé chef de service au 415ième régiment d’infanterie. BERNARD descend pour un jour.

29 août

RISSER mange avec nous à midi et part à 14 heures rejoindre le 415ième régiment à Rambluzin.

Le capitaine BERTHAUD (cousin du colonel AUGÉ), revenu hier de permission, nous donne des tuyaux merveilleux : fin de la guerre pour novembre.

 

Nous recevons ordre de quitter bivouac le 30 ou le 31 au soir pour aller cantonner à Courcelles. On dit que nous irons à la 4ième armée en Champagne.

31 août

Quittons demain matin 5h30 le bivouac, pour aller à Courcelles-sur-Aire par Souilly.

1er septembre

Au lieu de Courcelles nous filons sur Longchamps-sur-Aire, d’où nous devons repartir demain. Mal logé. Pas de draps propres. Vu CAILLES, LANNY.

Affaire MASSON avec des hommes ivres de la 2ième batterie. Triste chose que l’alcool.

Mangeons chez le maire.

2 septembre

Partis ce matin de Longchamps, environ à 11 heures à Hargeville où nous cantonnons. Joli petit pays. Bien logé chez Mme TRICHOT.

Envoyé ce jour colis d’effets divers à Cluses. Popote au même endroit que ma chambre. (à 11 km de Bar-le-Duc).

3 septembre

Arrivons ce matin à 10 h30 à Hargeville. Bon petit pays. Bonne popote chez Mme LECOQ.

Un tas d’embusqués par ici. (T.P.- sanitaire). Embarquons cette nuit à minuit pour l’Aisne ou la Champagne ??

Visité Revigny. Bien abîmé par les boches. Pris photos avec FRANGÉ et MASSON. Y suis allé en bécane.

4 septembre minuit- ¼ (*)

Commençons l’embarquement dans la nuit noire. Fait la route à cheval depuis Hargeville. Vers luisants tout le long comme jadis en revenant de la côte d’Hyot ! Sommes 4 dans le wagon ; LÉPEULE voulant donner de la place à ses sous-officiers !

 

(*) : En fait le 3 à minuit ¼ ou le 4 à 0h15

4 septembre

9 h. Passons à Château-Thierry où le commandant JACQUOT descend pour voir les siens et reprendre le train de la 9ième 6 heures après.

Beau temps.

Allons, parait-il, du côté d’Oulchy-le-Château puis direction Berry-au-Bac. Avant-hier RAMBAUD avait bu un petit coup ! Mais ça ne sera rien, m’va-t-il dit. Arrivée à Fismes à 12h45.

5 septembre

Sommes partis hier illico de Fismes en avant avec MASSON et FRANGÉ pour arriver à Treslon à 3 heures soir. Joli petit village de Champagne. Riche, accueillant. Excellents crus. A 2 francs la bouteille qu’on servira dans 5 ou 10 ans, dans la belle bouteille à 10 francs.

Aujourd’hui reconnaissance

15 heures. Suis allé d’un saut à cheval près de Rosnay pour découvrir Reims à 12 km. Coup d’œil superbe. Cathédrale très visible. Plus de toiture. Reste les 2 tours. Sommes mardi 5 septembre.

Ici bon vin de Champagne qu’on vend aux fabricants 2 francs le litre et dont la bouteille se revendra 5 à 10 fois plus tard. Adresse prise. (Instituteur).

Hier maux de tête violents. Pas mangé le soir. Nourriture échauffante. Cuisiniers POULARD et JACQUET. Ce dernier peu propre et paresseux.

6 septembre

Partons demain matin à 7 heures pour ferme de Luthernay où je suis allé en reconnaissance ce matin.

8 septembre

Arrivés hier matin 10h à ferme Luthernay. Mangé à position avec Mohrange.  Voir photo.

11 septembre

Mangé hier chez commandant. Suis allé ce matin à Jonchery pour me commander une vareuse 95 francs.

13 septembre mercredi

Hier soir, petite séance de chansons et monologues dans un baraquement voisin de la ferme. Bien réussi si l’on tient compte du peu de choix.

Hier été à ferme Saint Joseph avec LUGERET pour voir Boches.

Joli coup d’œil. Vu fourgons, cavaliers etc

 

Convois de chevaux et fourgons du 2e régiment d’artillerie de campagne. Très certainement l’échelon d’une batterie.

Photos Charles DEVANT

 

 

 

 

15 septembre

Suis allé aujourd’hui à Reims.

16 septembre

On cause de Verdun. On me rappelle ce triste coup qui incendia la manutention où étaient couchés 1 régiment et qui fit 250 victimes brûlées et restées sous les décombres. (*)

L’aumônier mange avec nous ces jours. Sommes logés chez Mme GRAUX, fermière de Luthernay. (**)

Je couche au premier dans chambre voisine de BISSEUX. Au bas salle à manger près de laquelle couchent LUQUET et l’aumônier.

RAMBAUD nous sert toujours à table et lave souvent nos serviettes. Grosse ferme. 300 pigeons. Détails envoyés par lettre.

Mangeons le jeudi et le dimanche chez le commandant.

 

(*) : Il parle probablement de l’accident du tunnel de Tavannes le 4 septembre 1916 qui fit officiellement 475 victimes mais estimé plus probablement entre 500 et 600.

(**) : Le recensement de 1921 comptabilise 3 Graux à Luthernay. GRAUX Émile (né 1881), Hélène (née 1891) et Paul (né 1918). : Il semble que la ferme de Luthernay soit toujours gérée par la famille Graux.

 

27 septembre

Mange seul depuis 3 jours, BISSEUX étant en permission ainsi que CULLERI. Ai eu capitaine LALLEMAND à diner quelque fois. M’a parlé de Mr LOISEAU, l’ancien sous intendant de la 27ième, qui pour lui est une canaille, qui serait voleur s’il le pouvait. C’est du beau.

Dimanche dernier mangé au P.C. GROSJEAN venu pendant mon absence faire remarques caustiques sur échelons. Lui ai répondu non moins caustiquement. JOUVENT revient aujourd’hui de permission.

4 octobre

BISSEUX revient de permission. On a demandé hier des officiers volontaires pour diriger une équipe de réparation de 75. Je me suis présenté.

Le capitaine LALLEMAND mange avec nous le soir depuis quelques jours. Mme GRAUX a le cafard.

 

 

Cantonnement dans une ferme. Les canons sont démontés des affûts, certainement pour leur entretien ou leur remplacement.

Photos Charles DEVANT

                      

9 octobre

Soir 8 heures 30. Finissons le repas avec LUQUET et papa BISSEUX.

Je reçois aujourd’hui 22 chevaux que nous conduisent des bleus de la classe 17. Pris des photos ces jours. Pris le petit Jacques GRAUX avec appareil de FOLLET. Mangeons demain un lapin offert par Mme GRAUX.

11 octobre

Je prends l’heure chaque jour au poste goniométrique de T.S.F. près de la ferme de Luthernay. (*)

 

(*) : Prendre l’heure = prendre sa faction pendant une heure au poste TSF

 

Téléphonistes du 2e régiment d’artillerie de campagne

13 octobre

Reçu aujourd’hui de Fifine réponse à ma lettre au sujet de Jean. Hier visite du colonel qui a déclaré être satisfait des échelons. MASSON parti hier en permission.

25 octobre

J’attends mon départ en permission avec impatience=vendredi 27 novembre. Quel bonheur !

Toujours même vie.

Du tirage entre F. et le commandant d’échelons (ANSELME en particulier), qui a été impoli envers moi hier, mais dont j’ai accepté les excuses. Il était sur le point de passer adjudant et j’aurai pu lui nuire étrangement, si j’avais insisté pour qu’il soit puni. Enfin…

J’ai toujours BOUVIER comme planton. Il fait bien l’affaire, ainsi que MOURGNY comme téléphoniste.

J’ai renvoyé GINET, ce minus habens (*), brave type, mais si peu intelligent.

 

J’emporte en permission l’appareil de FOLLET. (Le Follichon FOLLET = MONTFOLLET 8ième batterie).

MASSON revenu hier de perme. Flapit le pauvre. Ereinté. Discussions avec sa mère. Affaires à traiter. Ses fiançailles ! Son mariage futur avec sa petite marraine. Quel fourbi ! Et quelle gaffe aussi !

 

Mangeons toujours avec BISSEUX, LUQUET  et capitaine LALLEMAND. Invités 2 fois par semaine au P.C. JACQUOT.  Très gentil.

 

Parti en permission le 26 au soir.

Retrouvé Josie à Paris au Little.

 

Rentré de permission hier au soir lundi 6 novembre. Quelle patache pour aller et pour venir ! Josie ne m’attendait pas. Je l’ai surprise au lit. Sommes allés au théâtre Bouffes Parisiennes. Acheté un burberry. (**)

En permission, trouvé bébé bien développé. Revu en revenant, au restaurant Boyer, le garçon qui me servait il y a 6 ans quand j’étais à Centrale. Bien mangé.

 

(*) : « Minus habens » : Personne d'une intelligence faible, d'une grande médiocrité intellectuelle.

(**) : Thomas Burberry fonda en 1879 la devenue célèbre maison anglaise  d’imperméables. Inventeur du tissus « gabardine » en 1888  puis, pendant la grande guerre, du « trench coat » (littéralement  « manteau de tranchée »)

10 novembre

Depuis 2 jours l’affaire ANSELME bat son plein.

Accusé de faux, de vols etc… LÉpeule fait son enquête. Ça n’est pas commode. Deux jours avant mon départ en permission, j’avais déjà failli le punir sévèrement.

12 novembre

Hier mangé avec MASSON à Pévy, petit village voisin. Présents ses sous-officiers (MONTFOLLET) LÉpeule et FRANGÉ.

LUQUET, BISSEUX mangent toujours avec moi.

18 novembre

Ai obtenu 24 heures pour aller voir Jean à Saint-Just.

Passé journée mercredi 15 avec lui.

 

Demande de permission express – 12 novembre 1916

Jean et Charles DEVANT à Saint-Just-en-Chaussée

Nota : Jean DEVANT est né 2 ans après Charles. Il est de profession chirurgien-dentiste. A cette date, adjudant, il est dentiste militaire au 14e corps d’armée. Voir sa fiche

 

Bon voyage.

Rencontré à Paris : LAPORTE d’Aix et Mr L. d’Annecy.

Aujourd’hui samedi, première chute de neige à Luthernay. Manœuvre projetée n’a pu avoir lieu. Sale temps.

Sommes avec MASSON, aumônier, BISSEUX, LUQUET.

24 novembre

Demain marche manœuvre.

25 novembre

Ce matin marche de 7h30 à 11 heures. Assez longue. Rien de neuf.

Madame Graux, la proprio, partie il y a 3  jours chez ses parents pour 2 semaines. Anselme attend toujours décision. Mangé avec CHAVELET (Anatole) chez commandant dimanche dernier. Le commandant va en permission à Château-Thierry.

GrangÉ, GROSJEAN sont en cours de perfectionnement à Château-Thierry et à Sainte-Restitue.

28 novembre

Rambaud revient ce matin de permission. Il est question que j’aille dimanche faire un stage à Arcy-Sainte-Restitue. Quel nom !

Brouillard intense depuis quelques jours. Sale temps.

Masson est au P.C. où il remplace GrangÉ. J’ai relu hier « Fort comme la mort », de Maupassant.

2 décembre

Froid toujours, il gèle assez souvent. Anselme toujours en prévention de conseil de guerre. Le colonel vient le voir aujourd’hui. Je devrais aller demain passer 15 jours à Arcy-Sainte-Restitue, mais c’est LÉpeule qui ira. J’irai plus tard.

9 décembre

Aujourd’hui exercice d’alerte. Nous embarquons tout le matériel, tous les bureaux, popotes etc…comme si nous partions.

Toujours à Luthernay, séjour des dieux !! J’envoie par la poste à Jean, les journaux illustrés que nous lisons et les livres que j’achète.

Rien de saillant tous ces jours.

Le 4 (lundi)

Nous avons fêté (si l’on peut dire !) la Sainte Barbe. Bon petit dîner correct chez le commandant, comme d’habitude. Pas de chahut.  Dansé avec Masson un ou 2 bostons !! Depuis 3 ans ça ne m’était pas arrivé.

16 décembre

Bisseux en perme, rentre demain soir 23. Luquet part en perme le 24 au matin.

Demain pas de marche. Manœuvre. Je remplace par une revue.

Mr Braux reparti. Quel bileux ! Ici : « il n’arrête pas de se décacher » se dit en parlant d’un bébé au lit = il ne cesse pas de se découvrir !

30 décembre

Revenant ensuite aux 26, 28 et même 22, il a dû rajouter après coup les éléments ci-dessous.

 

Passé un noël calme. Pas de réveillon, pas de messe. Mangé le 25 avec Lamy et Masson ici.

Hier avec Charvet et Masson. Bruits de départ pour le 3 janvier 1917 !!!

Hier évacué 30 chevaux galeux qui partent ce matin. Reçu il y a 3 jours (le 28) ma montre- bracelet, étrennes de ma femme.

 

Le 26, je reçois l’ordre d’aller suivre les cours à Arcy.

Le 28, contr’ordre, on m’annonce que je prends commandement de l’E.M…. du groupe.

Un jour après, le 29 contr’ordre encore. Quel fourbi ! Comme disait bébé à ma dernière permission !

 

Vers le 22 décembre, reçu lettre d’Aussedat qui envisage mon rappel à Annecy au cas où ses projets se réaliseraient.

Jacquet le cuisinier, malade du 13 environ au 26 (bronchite). FrangÉ part en perme demain soir 31. J’ai un nouveau planton téléphoniste qui se nomme PÉgaz.

 

Nous sommes toujours à Luthernay où madame Graux n’est pas des plus charmantes. Les salades du jardin qui sont à la veille de pourrir se payent ! Un morceau de beurre se paye ! Et cependant nous lui rendons des services.

Bisseux a soigné 400 moutons, son ordonnance les a traités pied par pied (ils avaient le piétin (*)) et on ne lui a pas donné un sou d’étrennes.

Le capitaine Poiget (capitaine-curé) est reparti à la batterie. Pupin lieutenant est nommé à Chalais Meudon pour la fabrication des aéros ! Il n’a jamais vu tourner une machine ! Et sortait de l’X à la guerre ! (**)

Luquet est en perme et rentre le 3 janvier. L’aumônier est aussi en perme. Jacquet fait toujours ce qu’il peut. Leverve brigadier est toujours un charmant garçon mais tête en l’air !!

 

(*) : Maladie bactérienne des sabots des ovins.

(**) : A Chalais –Meudon avait été créé dès 1877 l’Établissement Central de l’Aérostation afin de coordonner les différentes études et essais aéronautiques (ballons et avions).

31 décembre

Reçu lettres Cluses. Émile est arrivé en permission vers le 27 je crois. Je n’ai pu le rejoindre.

Le petit Graux est toujours assez en retard. Il ne parle pas, il ne comprend que peu ce qu’on lui dit et n’est pas encore bien sûr de ses jambes. Je me souviens qu’à son âge Bébé se rendait déjà compte du bouchon de carafe mis à l’envers et me disait : « pas ça bouçon papa ! touné bouçon ! » (Tournez le bouchon).

Quelle différence avec le petit Graux !

1917 : Somme – Champagne – La Malmaison

1 janvier 1917

Premier jour de l’année ! Ordres de départ de Luthernay et Hermonville le 3 au matin. Pour aller à Marfaux près Ville-en-Tardenois. Une seule étape !

Mangé avec GRÉBUS qui est venu aux échelons aujourd’hui.

3 janvier

Partis ce matin à 7 heures de Luthernay. Arrivés à Pourcy où nous cantonnons à 12h30. Etape au pas sans encombre.

Traversée Marfaux où cantonne la 8ième batterie. En partie détruit.

Rencontré (Eugène) Chambard au camp d’aviation de Rosnay. (*)

Arrêté 10 minutes pour biberonner un café noir et pain au beurre. Le commandant, Masson, sont restés à Hermonville pour passer la consigne au 30ième artillerie qui nous relève (9ième division-Orléans).

 

(*) : Eugène Chambard, né à Beaucroissant (Isère) le 9 janvier 1881, était lieutenant au 2e régiment d’artillerie jusqu’en août 1916, passé observateur puis breveté pilote et affecté à l’escadrille 60 dans l’aviation. 7 citations et légion d’honneur en juillet 1918. Décédé en juillet 1955.

5 janvier

Sommes à Pourcy chez Mme Mansion avec GROSJEAN. Avons popote chez Mme Vély  dont le mari mobilisé est maréchal. ClÉment brigadier 9ième est évacué pour délire de la persécution.

9 janvier

Toujours à Pourcy. Quel patelin ! On signale 29 femmes dangereuses !!

Touché le gala du nouvel An par intendance : 1 bouteille de champagne pour 2 officiers, ou 4 hommes. J’ai engelures aux pieds (1ère fois de ma vie).

Vaudet brigadier 7ième se casse la jambe. Jacquet et Poulard s’entendent bien pour la popote. Je joue au bridge. Masson est mon éducateur.

12 janvier

Aujourd’hui manœuvre. On continue la désinfection du harnachement par le formol.

Le commandant part en permission demain matin. FrangÉ revient cet après-midi. Je porte des sabots de bois pour lutter contre mes engelures. J’envoie MOLLIN à Épernay pour ma lampe de poche. C’est mon nouvel ordonnance.

Vial et Bernard (*) ne sont plus au groupe depuis longtemps. Rousset, ancien adjudant au 2ième groupe, est lieutenant à la 7ième batterie. (**)

 

(*) : Le lieutenant BERNARD est parti dans l’aviation comme observateur. (JMO 17/10/1915)

(**) : Il a été nommé sous-lieutenant à titre temporaire le 22 octobre 1915 (JMO)

14 janvier

Partons demain sans doute pour l’Oise (Ribécourt) par étapes.

Constaté hier 2 phénomènes curieux :

1) ma lampe électrique étant allumée, puis éteinte, le réflecteur reste fluorescent 2 ou 3 minutes. C’est le vernis émaillé qui doit jouir de cette propriété.

2) mon bracelet-montre, lumineux le soir, est rendu bien plus lumineux quand je l’éclaire 2-3 secondes avec ma lampe. Il y a absorption de lumière.

 

Nous faisons la popote avec la 9ième depuis 3 jours (GrÉbus, Jouvent, GROSJEAN, Rainouard). Bisseux s’est fait engueulé hier par le véto principal, à cause de ses chevaux galeux.

15 janvier

Arrivé ce matin à Festigny où j’ai fait le logement. Mangé chez Mme Piot, où sera notre popote.

600 habitants avec 30 morts. A Pourcy, il y avait 6 morts sur 200 habitants. Presque tous du 6ième corps ou 20ième corps.

16 janvier 1917

Partis ce matin à 8 heures pour arriver à 12 heures à Connigis. Petit pays poissonneux. Etape agréable, mais froide.

Hier j’avais violent mal de tête.

Logé hier chez Mme Calot Nanteuil. Pris camomille qui m’a calmé. Logé aujourd’hui dans 1 grande ferme.

17 janvier

Arrivés par étapes à Epaux-Bézu à 10h30. Passé par Mézy (Moulins) sur-Marne, par Gland, Château-Thierry, Étrépilly. Etape par neige et froid. Logés ici chez la comtesse de Lostanges, superbe château très décoré intérieurement. Belles fermes aux environs. La 9ième batterie est logée avec nous. La 8ième est à Etrépilly.

Ce soir arrive au groupe SIBRE un nouveau sous-lieutenant. (*)

Notre salle à manger est constituée dans le salon du château.

 

(*) : Il s’agit du sous-lieutenant CHOISY venant de l’école d’application de Fontainebleau. Il est, en effet, affecté à la 6e batterie du régiment, 2e groupe. (JMO)

19 janvier 1917

Avons cantonné hier, aujourd’hui et demain à Rozet-Saint-Albin, village aux petites maisons isolées, sans écuries. Ai été appelé hier à 6h par le colonel CHAVELET (*) qui est à la Ferté Milon d’où j’écris ces mots (Hôtel Sauvage).

Arrivé à 9h hier soir, ai cherché pendant 1 heure le colonel qui ne m’attendait plus. Finalement échoué à l’hôtel.

Dans 1 heure je dois aujourd’hui aller le voir. (**)

Hier popote au château de Saint-Albin, superbe. Vieux meubles, les plus beaux que j’ai jamais vus.

 

(*) : Le commandant CHAVELET vient d’être nommé lieutenant-colonel (11 janvier) et devient le nouveau commandant de l’artillerie divisionnaire de la 27e division d’infanterie (qui comprends entre autre le 2e régiment d’artillerie de campagne). Il a remplacé le colonel FROMHEIM qui part détaché à l’artillerie du 14e corps d’armée.

(**) : Il ne dit pas le sujet de l’entretien avec CHAVELET. Nous le saurons quelques jours plus tard.

 

Henri Jules FROMHEIM a 57 ans en 1917. Né en 1860 à Strasbourg,  il aussi fait toute sa carrière dans l’artillerie en commençant par l’école polytechnique à 18 ans. Il gravit tous les échelons en passant par de nombreux régiments d’artillerie. Il est chevalier de la légion d’honneur (LH) en 1905. Officier de la LH en octobre 1915. Présent souvent en première ligne, il est blessé 2 fois par éclats d’obus en 1914 et 1915. Il est décédé à Nancy en 1942.

 

Anatole Joseph Edmé Félix CHAVELET a  48 ans à cette date. Né en 1868 à Ornans dans le Jura, il a fait toute sa carrière dans l’artillerie en commençant, à 18 ans, comme simple canonnier-conducteur. Entré à l’école militaire d’artillerie en 1891, il gravit tous les échelons en passant par de nombreux régiments d’artillerie. Il est chevalier de la légion d’honneur en juillet 1910, certainement suite à sa période en Tunisie (1904-1907), puis officier de la légion d’honneur en avril 1918. Il était à cette époque lieutenant-colonel d’artillerie à la mission française en Russie. Décédé en octobre 1963.

 

Commandant Anatole CHAVELET à Rosières-en-Santerre (80) - Décembre 1914

20 janvier

Partis à 6 h de Rozet-Saint-Albin.

Arrivés à 12 h à Gondreville où logeront les 7ième et 8ième batteries. Loge à Plessis-aux-Bois, infâme petit village.

Ici E.M. logé dans un superbe château (Mme RICHEFEU), remarquable surtout par ses tapisseries et ses tableaux.

Vu Lamy en cours de route. (Partis de Gondreville à 7h30 ce matin).

22 janvier

Arrivés à 13h à Balagny près Creil. Je repars à 18h pour Saint- Just  voir Jean, mon frère.

25 janvier jeudi

Sommes à Laboissière près Méru.

Arrivés hier à 11 h après étape très dure par neige et glace (16° au-dessous). Passés à Ully Saint Georges et Sainte Geneviève. Logé ici chez un ECP Monnet 1886. Très aimable. Grand confort. Avons popote chez sa belle-mère très gentille aussi.

Fabrique de boutons de corrozo. (*)

Visité. Acheté aussi tire-bouchon et tête grotesque en corrozo, sculptée par un bonhomme du pays. Un nouveau lieutenant, Collonges, est arrivé au groupe il y a 3 jours.

Il me remplacera. (**)

 

(*) : Le corozo est de l’ivoire végétal (graine d’un palmier d’Amérique tropicale)

(**) : Il sait déjà qu’il va certainement être muté…

 

Suis allé voir Jean entre 2 trains (10h à 4 h) le 23 janvier. Heureux de se revoir.

Passages de troupes fréquents à Saint Just. Nous sommes fait photographier.

 

Jean Devant (dentiste militaire)

 

Chemins glissants. Chevaux cramponnés souvent. Crampons cassant fréquemment.

Mme Monnet a son fils blessé, soigné à Amélie-les bains.

26 janvier

Toujours à Laboissière bon cantonnement.

Commandant rentre aujourd’hui de perme. GrÉbus part.

29 janvier

Arrivée hier à Noailles à l’E.M. du colonel CHAVELET. Vu cousin Poncet au groupe automobile.

31 janvier

Départ de Noailles demain matin pour région à l’est. Mal logé ici chez Mme Autin, une vieille sorcière, avare, méticuleuse à l’excès, etc

 

(*) : Pas trouvée sur le recensement de Noailles de 1911.

3 février

Arrivé le 31 janvier à Warvillers après 8 heures de camion-auto.

Passé à Saint Just à 11 heures devant popote de Jean. Pas pu m’arrêter, mal de tête. Lamy malade aussi.

Arrivés à 2 heures soir au P.C. de Warvillers = commandant de Chaunac du 57ième artillerie.

Parti au P.C. TANtin à Folies où j’ai pris contact et couché (commandant Schyry - Lieutenant Horst (colonial), Lieutenant Vigot).

Revenu hier au soir 2 février au P.C. de Chaunac à Warvillers. Cagnia dans le parc sous terre.

 

Aujourd’hui samedi. Toujours froid (-12°) dans endroits couverts. Je chauffe le cagnia le soir par feu de cheminée. Le propriétaire du château, Mr le Comte de LUPEL, est resté ici.

Le colonel FROMHEIM est arrivé hier au soir à Plessier-Rozainvillers où se trouve l’A.D. (*)

Dupin reçoit ordre de rejoindre Chalais Meudon !!! Folies très démoli !

 

(*) : Pierre de Lupel (1880-1929) étant sur le front, il s’agit de son père Marie Arthur Guillaume de Lupel (1854-1919)  qui a été maire de Warvillers (voir aussi au 23 février). Voir sa généalogie.

(*) : AD : Artillerie divisionnaire.

 

 

 

 

 

Extrait du JMO.

Henri FROMHEIM est le commandant de l’artillerie de la 27e division d’infanterie qui regroupe le 2e régiment d’artillerie de campagne (2e RAC), les 124e et 174e batteries du 6e régiment d’artillerie lourde, l’artillerie de tranchée, le parc d’artillerie, les sections de munitions…

Anatole CHAVELET commande le groupe de campagne, c’est l’artillerie de campagne de l’artillerie de la 27e division d’infanterie, c’est le 2e RAC + 1 groupe du 43e régiment d’artillerie.

 

 

3 février

21h30

Cet après-midi visité G2 c’est-à-dire poste du capitaine Favre (2ième groupe) et la meule observatoire. Commandant de Chaunac très gentil. N’aime pas Ch. Humbert (affaire Letellier et 2 sous-intendants).

4 février

Arrivée du colonel CHAVELET. Déjeuner avec FROMHEIM.

 

Nota : à la date du 5 février Charles DEVANT devient le second de CHAVELET qui est le chef d’état-major de l’artillerie de campagne de la 27e division.

8 février

Toujours à Warvillers (P.C.H.).

Beaucoup de travail. Téléphones etc…reçu hier 5 nouveaux téléphonistes (classe 17.18).

Mangeons avec Mr de Lupel dans la cagnia elle-même. Avant, nous avons mangé pendant 3 jours au château, mais il y faisait trop froid et nous y avons renoncé.

9 février

Toujours le froid -12° 15°. Le maximum l’autre jour -17°.

Je couche au fond d’une sape où j’ai chaud, mais où les rats font une sarabande terrible. (Robert) Falque est arrivé hier au soir à l’E.M.

Aujourd’hui visite d’(Eugène) Chambard et d’un aviateur de l’..F20 : (Pierre Simon) Jacob ! (*)

Reçu ce jour le verre de ma montre bracelet. Lu étude brigadier Charvet, 7ième, sur canon 57 lance-messages et fusées multicolores. Calme toujours par ici.

Le remplaçant de Molin, mon ordonnance, se nomme Bermont et sert à table. C’est l’ancien ordonnance du général Pierrot à Annecy.

Vu Masson ce matin. Eymoz (dit Piet) fait notre cuisine. Pris quelques photos.

 

(*) : Lt Pierre Simon JACOB (Cl 1912. Il deviendra pendant un court moment en mars 1917 commandant de l’escadrille 20 (ce nom étant passé de MF20 à F20 depuis janvier 1916 étant alors équipée d’avions Farman 40 – voir photo ci-après), avant de s’appeler DR20 en août 1917 après être équipée d’avions Dorand AR1). Il pourrait avoir été blessé en tant qu’observateur le 6/10/1918 à bord d’un SPAD XVI (L'escadrille_20 (free.fr) )

 

 

Très certainement le lieutenant GACON

14 février

Rien de saillant. Nous attendons l’arrivée des Anglais, annoncés pour nous remplacer le 24 février. Après quoi nous irions à Crèvecœur-le-Grand.

(Robert) Falque nous a rejoint le 10, fait partie de l’E.M. du groupe AC/27 !

15 février

Aujourd’hui à 19h, bombardement asphyxiant boche sur bataillon de gauche du 140. Déclenché tirs de barrage et renforcements de tirs de barrage. Le 3ième groupe coupé avec Balambois : Les boches voulaient attaquer P.A.3.

17 février

Aujourd’hui les 3 adjoints des groupes mangent avec nous au château !! Avant d’aller à la conférence sur la photo aérienne. Le dégel commence. Il pleuvote ! Les Anglais nous auront relevés le 28. Demain j’irai voler.

18 février

Suis allé hier à Wiencourt. Revu la mère Boulogne après plus de 2 ans ! Wiencourt est bien changé ! Une grande gare à nombreuses voies. Joyeux m’a reconnu !

Rencontré beaucoup d’Anglais qui arrivent peu à peu.

21 février

Hier 3 officiers anglais à déjeuner. Très chics. Surtout l’écossais qui se rapproche beaucoup de nous (rasage, intonations etc…).

Pris photos ainsi que d’obusiers de 150 (15 cm- 6 pouces) manœuvrés par Anglais avec un sous-off à l’air énergique.

Toujours à P.C.H. Le commandant (Augustin) TaNtin, vieux colonial, a mangé avec nous ainsi que son adjoint Horst. (*)

Bonnes histoires.

Demain GrÉbus et Favre tous deux passés chefs d’escadron. LÉpeule et Lamy nommés capitaine. (**)

Je suis à l’E.M. avec (Robert) Falque et KLAINE. Le 1er, sous-lieutenant, fils d’un général. Très gentil, jeune, un peu léger. L’autre, ancien adjudant vieille manière.

Mr de Lupel mange toujours avec nous.

Le groupe Dubois remplace le groupe TaNtin. Nous avons toujours 4 sous-groupes sous nos ordres. (***)

Ce soir, le colonel envoie une lettre un peu verte à FROMHEIM en réponse à la sienne.

 

(*) : Le chef d’escadron Augustin Henri TANTIN (né à Royan le 10/08/1869) est en effet un ancien colonial. Il est passé par le Soudan, La Nouvelle Calédonie, le Tonkin, La Cochinchine. Légion d’Honneur en 1912. Il est en février 1917 commandant d’un groupe du 43e régiment d’artillerie depuis juin 1916. Voir sa fiche.

 

(**) : Après sa promotion le commandant (chef d’escadron) GRÉBUS passe au 21e régiment d’artillerie. Les autres officiers promus restent au 2e régiment d’artillerie.

Contrordre quelques jours après, C’est le commandant FAVRE qui part au 21e régiment d’artillerie.

 

(***) : Le chef d’escadron DUBOIS est le commandant du 5e groupe d’artillerie d’Afrique. Ce groupe remplace le groupe du 43e régiment d’artillerie de campagne commandé par le chef d’escadron Augustin Henri TANTIN. Le Lt colonel CHAVELET a donc sous ces ordres toujours 4 groupes d’artillerie ; les 3 du 2e régiment d’artillerie de campagne et celui du 5e d’Afrique. Le groupe du 43e régiment d’artillerie ira constituer un groupe du tout nouveau 270e régiment d’artillerie.

23 février

Aujourd’hui à déjeuner Jouvent qui part à Saint-Just pour 2 jours, le colonel anglais  Fitz-Morice, et son adjoint. Pris photos réussies.

Il est arrivé JACQUOT, PICHOT, Nègre, réunis par le colonel.

Très gentils ces Anglais. Cordialité. Beaucoup de délicatesse.

 

Charles DEVANT (à droite) avec le sous-lieutenant LUMB, l’adjoint du colonel anglais cité dans le texte

 

Relève sera terminée le 28 au matin. KLAINE parti en perme le 21. Affaire Charbonnet, brigadier 7ième, qui écrit son intention de déserter en Suisse (Céligny où il a des parents).

Aujourd’hui vers 17h50 les 3 troupes font partiellement barrage, obus boches sur compagnie de gauche du 140 (fusants, beaucoup).

Mr de Lupel est parent avec de Saint-SernNn, mon camarade de promo tué (*), dont le frère a épousé sa fille. Il restera avec les Anglais, en subsistance chez Fitz-Morice, le colonel commandant  les 3 batteries du nord (à 6 pièces chacune).

 

(*) : Le camarade de promo de Charles est Jean Louis Théophile LAPPARRE de SAINT SERNIN, mort le 18/04/1915. Voir sa fiche.

Son frère Louis Fernand avait épousé en 1913  Marie Mathilde Marguerite de LUPEL (dite Daisy), fille du comte Marie Arthur Guillaume de LUPEL.

26 février soir

Avons mangé hier au soir avec le colonel Fitz-Morice, ses adjoints Lumb et Bel au château.

Aujourd’hui pris le thé.

Mangeons ce soir encore. Whisky-soda ! Confitures !

 

Réception des officiers anglais chez Mr DE LUPEL

Les Anglais ont fait leurs réglages dans la journée (obus de 15, de 10, 8, et canons 80). Demain (Robert Antoine) Falque fait le logement à la Faloise où nous allons (25 km de Saint-Just).

Demain commandant JACQUOT mangera avec nous. Officiers anglais charmants. Hommes bien tenus en général. Paraissent disciplinés.

Partirons après-demain pour la Faloise. Espère partir en permission le 4 au soir.

27 février

Partons demain 12h  pour la Faloise. Mangeons aujourd’hui chez le comte avec commandant JACQUOT. Les Anglais se sont avancés à Rouvray pour être plus près.

28 février

Partons ce matin. Château vide et Mr de Lupel seul.

Hier au soir, boches ont tiré quelques obus sur Warvillers. Ramené ici un officier anglais blessé au bras et à la figure. Pendant la nuit les Anglais tirent beaucoup sur ravitaillements, villages etc..Boches répondent un peu.

1er mars

Sommes à la Faloise.

Arrivés hier au soir vers 17 heures après être partis à 12 h de Warvillers. Étape très dure pour les voitures et chevaux. Chemins très mauvais cisaillés par les charrois. Sommes ici logés au château. Grandes salles froides.

Vu CAILLES aujourd’hui. Voiture téléphonique versé hier dans un champ = 2 roues brisées.

2 mars

Guinard rentre ce soir à 18 h à notre E.M.

Partons demain pour Offroy. Serons après-demain à Crillon. Je pense partir ce jour-là pour Paris en m’embarquant à Saint-Omer-en-Chaussée. Mais il faudra pour cela que KLAINE soit rentré.

4 mars

Arrivés hier à Offroy, petit village, mauvais cantonnement. Partons ce matin pour Crillon.

KLAINE pas rentré. J’espère qu’il sera de retour cet après-midi. Envoyé ce matin d’Offroy un télégramme à ma femme annonçant arrivée probable.

Guinard, aspirant, fait partie de notre E.M. depuis avant-hier au soir. A l’air très sérieux.

Colonel ne me laisse pas partir avant arrivée de KLAINE.

 

Permission

 

16 mars

Revenu ce matin à 9 h30 de permission. Étais parti le 5 mars. Passé 3 jours à Paris.

Trouvé le régiment en position de batterie devant Villers-les-Roye. Prêt à une attaque. Les boches reculent par ici. On a pris cette nuit (l’Échelle) St Aurin et Beuvraigne.

 

Nota : On retrouve la composition en officiers de l’artillerie de la  27e division d’infanterie ici.

18 mars

Partons à 5 heures pour la marche en avant. Couché cette nuit à Roye, à l’entrée route d’Amiens.

Bernard attaqué hier par un Fokker, avion tombé en flammes. Son pilote carbonisé repose dans une maison voisine. On dit que Bernard a été sauvé, mais rien de certain. Je l’ai vu attaqué, et tomber en flammes, depuis la 3ième ligne boche que nous occupions hier à 12 heures au moment de l’accident. Pas de boches.

Trouvé 800 civils à Roye. Tous vieux, femmes et hommes. Roye abimée. Les rues sont minées, ponts coupés, arbres fruitiers et autres tous systématiquement sciés à hauteur du tronc. Quel triste spectacle !.

Les boches reculent sur leur ligne arrière de défense. Nous avançons partout dit-on. Nous allons chercher ce matin la liaison avec les Anglais qui sont à gauche. Gruny est la limite de nos avant-postes ce matin à 9 heures.

19 mars

18 heures : Arrivés cet après-midi à Créssy-Omencourt où nous bivouaquons au lieu de Moyencourt. Toujours des maisons brûlées, détruites. Des arbres sciés. Les vandales !

21 mars

Coucher ce soir à Ollezy après reconnaissance faite en avant de Saint-Simon. Clastres est à nous.

Troupe JACQUOT prend position ce soir. Ravitaillement difficile. Mangeons peu.

Passé 2 nuits précédentes à Créssy-Omencourt dans un fournil de boulanger. Tout est détruit à peu près partout. Une rage sans pareille chez les boches, qui ne laissent rien. Sommes allés en avant de Saint Simon près cote 93 d’où vue splendide : cathédrale de Saint Quentin la Fère  etc…quelques obus de ci de là.

Beaucoup d’avions boches volent bas. On leur tire des coups de fusil et mitrailleuses. Ils tirent sur nos échelons. Quelques blessés au 30ième infanterie. La 3ième artillerie coloniale est passée par là. Je ne l’ai pas vue.

Beaucoup de réfugiés laissés par les Allemands. Près de 600 au château de Bonneuil qui étaient heureux de nous voir arriver. Routes difficiles. Ponts coupés. Carrefours minés.

22 mars

Sommes venus ce matin à 12 heures établir notre P.C. à Flavy-le-Martel près d’une grande distillerie complètement ravagée. Rien de bien particulier sauf une attaque ce matin sur la ferme La Motte (*) qui a été reprise par les boches, ainsi qu’une partie du village d’Artemps.

KLAINE et ses papiers sont à Cugny dans une jolie ferme que les boches n’ont pas eu le temps d’incendier, comme tout ce qui se trouve par ici. Coffres-fort, literie, jolis meubles, tout a été pillé ou incendié.

Toujours des avions boches volant assez bas et bombardant parfois les échelons. Vu commandant GRÉBUS et capitaine Didelet qui recherchent observatoire à Flavy près du colonel Pierlot (75 U). Sommes près de l’I.D. (**) (colonel Husband, lieutenants Melchior et Claveine.

Commandant JACQUOT toujours à Saint-Simon très marmité. Le groupe Sudan est à sa droite. (**)

 

(*) : Il doit s’agir de la ferme « la Motte de Clâtres » qui se trouvait dans l’actuel bois de la Motte à ~1km à l’ouest de Clastres

(**) : ID : Infanterie divisionnaire

(***) : Le commandant SUDAN est le chef d’un groupe du 20e régiment d’artillerie (33, 34 et 35e batteries) qui est rattaché temporairement à l’artillerie de la 27e division d’infanterie.

23 mars

18 heures.

Toujours à Flavy-le-Martel où j’ai pris photos.

Hier et ce matin avons progressé vers Saint-Simon. Montescourt, Clastres.

Artemps perdus, puis repris par 140ième, 20 tués dont 2 officiers dans un des régiments d’infanterie. Tout près une sucrerie dévastée à fond et beau travail!

Le zinc des toitures est arraché, on retrouve des tombereaux chargés de vêtements et de zinc que les boches n’ont pu emporter et qu’ils ont incendiés.

24 mars

21h45

Partons demain matin à 9 heures pour Lizerolles où nous logerons. Aujourd’hui petites attaques pour prendre Gibercourt, ferme Le Fay Benay que le 140ième n’a pu occuper.

Colonel FROMHEIM a mangé avec nous. Comme il sait peu se rendre sympathique.

A midi, ponts se construisent sur canal Crozat (*) : il est franchi à 18 heures par GRÉBUS et son groupe ainsi que Sudan. Quelques bombes près de notre P.C/ACD à Flavy. Avions boches très actifs. Pris photos sucrerie bien détruite ! Logerons demain près du colonel Husband.

 

(*) : Le canal Crozat était alors le nom de la partie du canal de ST Quentin entre Chauny et St-Simon.

25 mars

Sommes arrivés ce matin à Jussy. Installés sur sortie est après le canal. Avons été marmités avec du 130 et obligés de nous transporter ailleurs. Tout est rasé comme jamais encore je n’avais vu. Il reste 3 ou 4 caves seulement dans le village et nous en occupons une ce soir où nous sommes à l’abri, mais où nous n’avons pas très chaud.

Sommes tous réunis. Notre antenne TSF a été brisée par un des 130. Bien vu cathédrale Saint-Quentin depuis Saint Simon (cote 93) l’autre jour. Un avion boche abattu à 2 km de nous par un ….

Avons félicité l’aviateur rencontré tout à l’heure.

26 mars

Sommes dans notre cave.

Il pleut depuis la nuit, triste temps. Cuisine en plein vent sous une bâche.

Hier Essigny (*) flambait à l’horizon ainsi que d’autres villages.

 

(*) : Il s’agit surement d’Essigny-le-Grand, Essigny-le-Petit étant bien plus au nord, après St Quentin

29 mars

Ce matin arrive l’A.D. 121 qui va nous relever cette nuit. (Colonel SCHÉRER). (*)

Nuits et journées calmes. Dormons bien. La nouvelle heure en vigueur depuis le 25 (avance d’1 heure) nous trompe le matin et nous fait réveiller à 8 heures. Je parle en rêve la nuit et réveille les camarades.

Hier j’ai crié : « Mon colonel, les fantassins sont repérés !que faut-il faire ? »

 

Le soir en me couchant, j’avais téléphoné au groupe Sudan qui devait appuyer les fantassins allant chercher leurs camarades blessés restés en avant dans ferme Lambay. (**)

Toujours la pluie.

Nous irons sans doute plus au nord, relever le 28e  bataillon d’infanterie sans passer par cantonnements de repos comme on le croyait. Sommes toujours dans notre cave voutée à Jussy, dans un jardin.

Le colonel va en reconnaissance du côté d’Artemps se mettre en contact avec colonel Tisserand.

Des fantassins, qui creusaient une tranchée près du canal, à 50 m du pont détruit, ont découvert une réserve de bouteilles de vins fins et liqueurs (curaçao, bénédictine etc…). Il y en avait au moins 2000. C’est la cave d’un château démoli et brûlé. La plupart des fantassins étaient ivres-morts. Aussi on garde maintenant l’emplacement : 4 hommes, baïonnettes au canon.

 

20h30 : conséquence du vin trouvé par les fantassins : quelques-uns de nos hommes se sont enivrés et deux ont cassé une jambe du cuisinier Marchand, qu’ils ont roué de coups. Triste humanité ! (ce sont Perrier et Seigle).

 

Joly téléphoniste s’est enivré lui aussi. Comme il serait indiqué d’en revenir au knout ! Pour des brutes pareilles !

 

(*) : Selon l’Historique des 5e/205e RAC (p5, 33, 35), le Chef d’Escadron SCHÉRER commandait en 1914 le 3e groupe du 5e RAC.  L’AD 121 a été créé le 15 juin 1915 à partir des 3e et 4e groupe du 5e RAC puis, après avoir reçu fin 1915 l’adjonction d’un groupe de renforcement du 30e RAC, s’appellera l’ACD 121 en janvier 1916. Le 17 janvier 1917 (JMO 205e RAC) son EM est alors divisé en 2 : l’AD121 (Colonel ÉTIÉVANT) et l’AC121 dont le Lt-colonel SCHÉRER prend le commandement et qui s’appellera le 205e RAC le 1er avril 1917.

 

(**) : Ferme située à 2km à l’est d’Essigny-le-Grand et 1km au sud d’Urvillers.

 

 

Lettre de Charles Devant à ses parents - 29 mars 1917

« Mes chers parents,

Bien que je vous écrive peu, je pense souvent à vous. Fifine a du vous donner de mes nouvelles qui, vous le savez, sont toujours bonnes. Je vais très bien, ai un excellent moral, et supporte très vaillamment les petites fatigues du métier. Notre vie est un peu plus calme ces jours-ci, et cela nous permet de prendre un peu de repos et des forces nouvelles. Car il en faut plus que jamais.

Le Boche s’est arrêté un peu, mais continuera peut-être à s’en aller d’ici quelque temps, sous la pression que nous lui ferons subir. Nos troupes sont épatantes, et les ravages qu’elles ont vus, n’ont fait que les enflammer davantage  et les rendre plus résolues à aller jusqu’au bout.

Je pense que vous allez tous bien. J’ai de vos bonnes nouvelles par ma femme qui m’écrit chaque jour. J’espère aussi que vous êtes tous… »

30 mars

1/2 section par batterie a été relevée cette nuit. La seconde le sera ce soir. Les échelons 1er groupe vont à Saint-Simon.

Le colonel est parti à 13 heures pour la reconnaissance des positions au N.E. d’Artemps. Nous sommes tout près du château de Montescourt-Lizerolles appartenant au sénateur Sébille, je crois, dont le journal a parlé hier (29) et qui est mort de chagrin devant la dévastation de sa demeure.

Nous irons probablement établir notre P.C. à Avesnes-ferme. Toujours la pluie.

Les 2 conscrits Perrier, Pernet nous quittent ce matin avec 30 jours de prison. Marchand a eu la jambe cassée.

Joly, Seigle s’en tirent avec 8 jours à cause de leurs bons antécédents.

 

On dit que nous allons à la place de la 28ième pour soutenir une attaque. La division aurait eu 60 à 80 morts devant Jussy en 3 ou 4 jours.

Cette nuit la pluie tombait, filtrait à travers la voûte et ces gouttes d’eau tombant sur ma tête m’ont réveillé. C’est le colonel SchÉrer, 121ième division, qui nous remplace ici. Nous serons là-bas avec lieutenant-colonel Tisserand.

 

Nous nous couchons vers 22h30 et dormons bien. Ravitaillement assez facile. Beaucoup de légumes dans champs des environs. Mangé 2 fois à Flavy-Martel avec colonel FROMHEIM= pas agréable du tout !

31 mars

18h30 : avons quitté ce matin Jussy pour venir provisoirement coucher ce soir à Avesnes (grande ferme) prés Saint Simon.

J’ai fait ce matin une reconnaissance avec Guinard nommé hier sous-lieutenant.

Vu 4 positions à l’est de Séraucourt bien défilées mais boueuses. Trouvé déjà du 105 et du 155 Schneider en batterie. Vu 2 cadavres boches, tous deux face à l’ouest et deux belles têtes, jeunes, et pas l’air boche du tout.

Revenu pour midi ici à Avesnes où nous avons mangé avec Sudan, GRÉBUS et PICHOT.

 

Parti cet après-midi à Artemps avec colonel. Vu colonel Tisserand, Husband etc

Toujours le temps de mars, neige, soleil, pluie. Le colonel se plaint un peu de (Robert Antoine) Falque qu’il trouve gentil léger ; je ne sais pas s’il le gardera.

Vu Lamy.

Jance parti en permission à 14 heures. Aperçu cathédrale Saint-Quentin.

 

Charles vers Séraucourt et Saint-Quentin

1er avril

Nous voici à Artemps dans une cave près de l’église et à l’ouest. Suis allé en reconnaissance avec groupe JACQUOT pour lui désigner son emplacement. Quelques obus sur la gauche.

Vu GRÉBUS, PICHOT, Meunier, Revrier en revenant. Le groupe JACQUOT s’installe ce soir pour la nuit et sera relevé demain. Les hommes sont tous fatigués et n’en peuvent plus, depuis 8 jours. Ils dorment à peine et se déplacent fréquemment, couchant sans abri et par la pluie. Le commandant ne se rend pas compte de la fatigue qu’il impose ainsi.

2 avril

Cette nuit dernière, ordre de départ. On prévient les groupes. En particulier le 3ième qui s’en va à midi.

Puis à midi 30 contr’ordre nouveau : nous restons 24 heures de plus à Artemps et en position.

3 avril

14h : aujourd’hui à 15h attaque sur Grugies pour se rapprocher de la ligne Hindenburg (*) sur laquelle on suppose que se trouvent les boches. Suis allé dans clocher d’Artemps.

Belle vue.

 

(*) : La ligne Hindenburg est un vaste système de défenses et de fortifications au nord-est de la France pendant la Première Guerre mondiale. Il est construit par les forces armées allemandes pendant l'hiver 1916-1917. La ligne s'étend sur près de 160 km, de Lens, près d'Arras (Pas-de-Calais), jusqu'à l'Aisne, près de Soissons. Elle a été construite en cinq mois par 500 000 ouvriers dont des civils allemands et des prisonniers de guerre russes. Les Allemands voulaient mettre en œuvre une stratégie défensive fondée sur la fortification de leur ligne. Ils s'installent donc en hauteur pour pouvoir tirer en contrebas sur les troupes des Alliés. (Wiki)

4 avril

Nouvelle attaque ce matin à 10h pour prendre Grugies, cote 103 etc…

Ce matin il neige fort. Tout est blanc.

J’ai vu Saint-Quentin hier depuis clocher. Beau paysage de guerre. Les batteries tirant, les patrouilles de chasseurs à cheval, nos sections infanteries marchant en avant. Les Anglais marmitaient le nord de Saint-Quentin. Je voyais très bien les coups tomber près des usines de Rocourt où était Masson et dont la fille du propriétaire, Mr Deckle, épousa, dit-on, un boche.

Ceci me rappelle les déclarations d’évacués qui concordaient toutes pour nous dire que cette demoiselle était fiancée et même mariée. Je me souviens de cette petite femme d’un capitaine, qui resta avec ses trois enfants 18 mois chez les boches à Saint Quentin et que nous rencontrâmes à Rozet-Saint-Albin. Elle disait aussi la même chose et nous confirmait (comme bien d’autres) la conduite ignoble de tant de femmes de haute, moyenne, petite bourgeoisie avec les officiers ou soldats boches. Beaucoup avaient leur mari au front ou tué.

Au château de Bonneuil, parmi 600 ou 700 évacués de la région Saint Quentin, il y avait 6 ou 7 femmes enceintes de boches. L’une qui avait avant la guerre 3 enfants, en avait eu un 4ième en pays envahi, et en attendait un 5ième. Tous disent que c’était général dans les villes et les villages et que beaucoup de celles-là ne demandaient qu’une chose, c’est que la guerre continue. Elles espionnaient d’ailleurs leurs camarades.

Les hommes au contraire, frayaient peu avec le boche. Tous gardaient la haine profonde. Les femmes, elles, oubliaient bien plus vite.

6 avril

Après un nouveau contr’ordre sommes arrivés hier à 15 heures à Marest-Dampcourt entre Noyon et Chauny, au lieu d’aller à Ville…comme nous l’espérions.

Le groupe JACQUOT n’a pas suivi ici les 2 autres et reste au bivouac à Faillouël. Suis venu avec le colonel à cheval en passant par Ham pas trop abîmé, ainsi que les villages environnants.

Suis allé ce matin à Chauny complètement démoli sauf le faubourg de Noyon. Triste spectacle. Pris quelques photos.

Sommes ici chez jeune femme ayant 2 enfants et dont le mari a été emmené prisonnier chez les boches. Village pas détruit, mais tous les beaux arbres de la route Noyon sont coupés. Avons été relevés par groupe Rayne du 16ième  artillerie (13ième corps).

Nous apprenons, aujourd’hui 6 avril, que le Congrès (Chambres + Sénat) a voté hier la guerre de l’Amérique avec l’Allemagne.        

7 avril

contr’ordre. Nous partons en position près de Ly-Fontaine, Remigny.

8 avril

Arrivés hier dans le P.C. dans le bled absolu près de Ly-Fontaine.

Cette nuit 2 fantassins tués dans le village à 200 m de nous. Sommes dans 1 cave de 3,00 mx 2,35 m où nous couchons à 4.

C’est Pâques aujourd’hui. On ne le dirait guère !

 

Ce soir à 6h30, nous assistons à la lutte de deux fokkers contre une saucisse. Nous voyons l’observateur sauter en parachute et tomber doucement jusqu’au sol. La saucisse est ratée par l’avion boche, qui revient une 2ième fois, a raté encore et repart.

Deux heures avant, j’ai vu une saucisse tomber en flammes et l’aviateur s’élancer en parachute ; tous deux ont pu atterrir sans incident.

 

Le colonel Pouillat de l’A.D./62 a déjeuné avec nous aujourd’hui. (Robert Antoine) Falque est en liaison à l’A.D. auprès du colonel Defrasse. Nous n’avons pas de commandant.

C’est Pouillat qui a celui de nos 3 groupes.

9 avril

La pluie est revenue hier au soir et ce matin c’est la boue et l’eau.

Le colonel Pouillat reçoit du général l’ordre d’aller 2 fois par jour le voir, bien qu’il soit relié par téléphone. C’est l’infanterie qui embête l’artillerie ! Jalousies bien excusables d’ailleurs chez le soldat, mais moins chez l’officier général.

J’écris à CAILLES, à Besson pour tâcher d’avoir 1 ou 2 bâches car nous sommes dans l’eau et au vent. Quel sale temps. On ne se croirait pas au printemps.

On continue à faire des brèches dans la ligne Hindenburg pour percer et poursuivre. Mais y parviendra-t-on ?

10 avril soir

Suis allé aujourd’hui à Benay, Hinacourt, Cerizy et 3ième groupe.

Quelques obus. Une pièce éclatée au 2ième groupe. Pris photos.

Vu le général Bulleux, ses officiers, colonel Le Gallois.

Toujours la pluie, le froid, la neige. Nombreuses batteries tout autour de Cerizy où les pièces tiraient tellement qu’on s’entendait à peine et que j’avais les oreilles cassées.

Nous irons sans doute après-demain (jour J) à Cerizy dans une cave que j’ai reconnue et où les marmites ne tomberont pas trop je crois. On nous annonce un succès des Anglais (40 canons et 10500 prisonniers).

Nous dormons 3 dans la cave maintenant. Le poêle nous est utile.

11 avril

Le jour J est remis au 13.

Aujourd’hui, quelques obus près de la carrière. Visite du général Barthélémy. Vent très violent. J’écris à Flammarion pour commander 1 livre.

9h du soir. Il neige et il pleut à la fois. Canonnade vers le sud.

12 avril

Sommes allés à P.C. JACQUOT près ferme Caponne. (*)

Pendant que nous y étions, il y a eu 3 hommes tués à la 1ère batterie et 1 sous-officier : Lachenal. (**)

Les boches faisaient un tir de réglage (11 heures) et font maintenant tirs d’efficacité (14h).

Les hommes, chevaux sont fatigués. Les téléphones ne marchent plus. Nous envoyons un rapport au colonel. Le général Barthélémy est venu nous voir hier. Il prend en considération nos réclamations.

Vu ce matin les 3 chefs d’escadron.

 

(*) : 1.5km est d’Hinacourt

(**) : François Camille LACHENAL, maréchal-des-logis au 2e régiment d’artillerie, mort pour la France le 12 avril 1917 à la ferme Caponne. Voir sa fiche.

Pour les 3 artilleurs :

Jean Baptiste FAYARD. Voir sa fiche.

Auguste SAVOYE. Voir sa fiche.

Henri Louis MARTINET. Voir sa fiche.

13 avril

Ce matin, attaque du 13ième corps sur le sud-est de Saint-Quentin. On ne connaît pas encore le résultat. Grosse canonnade depuis 4 h du matin. Le groupe JACQUOT est marmité violemment de 17h30 à 18 heures. On croit qu’il y a des blessés.

Nous quittons ce soir à 20 heures notre P.C. dans la carrière de Ly-Fontaine, pour aller à Cérizy dans 2 caves.

Beau temps aujourd’hui.

Le colonel Pougat reste ici. Jance rentré aujourd’hui de permission reste à Remigny.

14 avril

Avons quitté hier au soir P.C. Ly-Fontaine.

Vers 18 heures, 3 saucisses françaises furent abattues par deux avions boches. Des deux dernières nous vîmes les observateurs s’élancer et retomber à terre sains et saufs.

Sommes ce matin à Cérizy.

Devant les batteries qui crachent toute la nuit et nous empêchent presque de nous entendre. L’attaque du matin est remise une fois encore.

Grand beau temps aujourd’hui ! Couchons tous alignés dans une cave avec les cuistots. Les téléphonistes sont de l’autre côté. Sommes allés ce matin à la guinguette voir le colonel ROUX.

Très jolie vue sur la ligne Hindenburg, cote 116, etc…Peu d’avions. Peu d’obus sur la route.

Sommes allés à Remigny avec le colonel. Quelques fusants aux alentours de notre cave. Rien de particulier. Le jour J est toujours retardé. Canonnade violente vers Reims. Un journal raconte comment au début de la guerre, pour 84 pièces lourdes françaises il y avait 700 pièces lourdes boches. Et on a tenu !!

Consommation des pièces réduites à 110 coups par 24 heures et par pièce !

16 avril

Nicoli signale ce matin un aéro boche que des boches démontent près de l’arbre de Sissy. Le 120 tire dessus. Je vais donner des indications au lieutenant qui commande la batterie.

En revenant, je reçois deux obus (150 à phosphore) dont l’un à 6 m de moi. Plat ventre.

Pas de mal. Au même moment un homme est tué dans la maison en face de la nôtre (fantassin de 35 ans). (*)

Hier sommes allés voir les groupes et chaque commandant de groupe. Retournons sans doute tous à Remigny car Cérizy est trop malsain et il est inutile que nous y restions.

 

(*) : Le seul tué à Cérizy de cet âge du 15 au 17 avril est Edmond François Marie JOULIN (264e RI, Cl 1900). Voir sa fiche.

17 avril

Changeons ce matin de P.C.

Sommes arrivés dans la carrière à 600 m de la ferme Caponne et au sud-ouest. Il y a un mois que nous sommes partis de Warsy pour marcher en avant.

Nos P.C. ont été Warsy-Ravin sec-1ère ligne boche-moulin de Villers sur Roye-Roye-Cressy-Ornencourt-Ollezy-Flavy le martel-Jussy-Avesnes-Artemps-Marest Dampcourt-Carrière-Ly-Fontaine-Cerizy-Carrière S.O. Caponne.

Toujours du mauvais temps.

Chevant, capitaine au 113ième lourd, nous rend visite cet après-midi.

Nous avons établi notre cagnia le long d’un talus, sous une bâche usagée à Charvet.

Nous apprenons ce matin par le communiqué de 23 heures, l’avance entre Soissons et Reims, Mais nous nous étonnons qu’il n’y ait eu que 10 000 prisonniers sur 40 km de front d’attaque, et nous sommes un peu déçus. L’avenir nous montrera peut-être qu’il faut savoir attendre.

19 avril

18h : nous nous organisons un peu dans notre carrière. Je reçois aujourd’hui mon lit pliant.

Cet après-midi vers 16 h, violent marmitage boche sur Cerizy et les environs. Beaucoup de becs à gaz et à phosphore.

Après ¾ d’h, le marmitage s’arrête sans que nous sachions à quoi il correspondait.

Toujours la pluie. A peine 2 ou 3 heures de temps sec ce matin.

 

Nous mangeons dans la cagnia du colonel, mais nous couchons dans la nôtre, sous la bâche.

Gagné hier un pari avec (Robert Antoine) Falque et aujourd’hui avec KLAINE, sur les positions respectives de nos cagnias. Masson  évacué pour anthrax.

 

Hier, 94 blessés au 2ième groupe, dans le ravin. En particulier Froment, un ancien servant 5ième batterie au T.R., Guinard,4ième officier de l’E.M., est l’officier téléphoniste.

Nous avons toujours les 2 communiqués par T.S.F. (Berthet, Dalaison, Juget).

Déjeuné hier avec CHEVANT, qui est capitaine batterie de 105 près Fort Vendeuil.

Près  de 2 ans sans se voir depuis Rosières.

20 avril

Sommes allés ce matin aux 3 groupes. Mangé chez commandant JACQUOT. Les groupes ont été assez marmités par du 150 sans retard, qui ont causé des dégâts surtout cet après-midi (8 à 10 fantassins tués).

Un tué au 2ième groupe, juste comme nous arrivions (fantassin). Il s’était baissé, mais avait voulu voir où était tombé le coup : un éclat d’obus au crâne.

Meilleur temps aujourd’hui, soleil. Nombreux plat ventre avec le colonel en allant aux groupes.

 

(*) : Très certainement le 2e canonnier-servant Noël Armand Exupère VIDAILHET. « fantassin », car il n’était pas cavalier ou conducteur, mais servant. Voir sa fiche.

22 avril

Sommes allés hier à Noyon. Pris auto colonel Picot à Remigny.

Trouvé à A.D./27 Mr CAILLES père qui rencontrait là par hasard son fils !

Noyon très jolie ville, pas abîmée du tout sauf quelques mines. Belle église, vieille bibliothèque, vieux cloître, bel hôtel de ville.

Etions dans une DFP rapide. Beau voyage par Chauny, Marest-Dampcourt.

Lot de chevaux arrivés avant-hier et hier au régiment.

Encore une saucisse en feu par un avion boche ce matin. Belle manœuvre : descente de l’aviateur en parachute.

Nous venions d’avoir la visite du nouveau colonel commandant l’A14 : colonel Hédrard avec ses adjoints Pizon et Puiseux.

Gros marmitage à notre gauche aujourd’hui. Une compagnie de fantassins vient dans notre carrière.

23 avril

Hier de 14 à 18 h : violent marmitage sur 7ième batterie. 300 obus de 210. Trous 4m10 diamètre et 1,70 m profondeur. Gros éclats. 1 maréchal-des-logis (Perret) et 2 hommes ensevelis et morts sous une cagnia. Un homme, Revenaz, blessé grièvement. (*)

Hier à 8h du soir, on retirait les cadavres, mais les boches continuaient à tirer du 210 et du 77 qui heureusement était court. Je m’y trouvais avec (Robert Antoine) Falque.

 

17h45 : temps splendide.

J’assiste à la chute d’un Spad abattu par les boches. Descente en spirale, à 3 ou 4 m de nous.

Ramassé hier les premières violettes. Envoyées le soir à Jo.

Aujourd’hui vu la première hirondelle. GrÉbus mange ce soir avec nous.

 

(*) : Le JMO écrit : « à 6 heures, après repérage par avion, la (7e) batterie est bombardée. Dégâts importants et pertes sensible : un obus défonce l’abri de la 1ere pièce, le maréchal-des-logis PERRET, les servants FERRAT et MARTIN sont tués, broyés et déchiquetés, le servant REVENAZ est grièvement blessé (…) »

Jules Balthazar PERRET, maréchal-des-logis au 2e régiment d’artillerie, tué le 22 avril 1917 à Benay (02). Voir sa fiche.

Antoine FERRET, 2e classe à la 7e batterie du 2e régiment d’artillerie, tué le 22 avril 1917 à Benay (02). Voir sa fiche.

Gabriel MARTIN, canonnier-servant à la 7e batterie du 2e régiment d’artillerie, tué le 22 avril 1917 à Benay (02). Voir sa fiche.

25 avril

Suis allé avec (Robert Antoine) Falque aux batteries. Hier suis allé à Frières-Faillouël, représenter le colonel à l’enterrement des victimes de la 7ième batterie. Mangé avec Bisseux, Choisy, Cullère.

Vu Bouvier, mon ancien planton. Vu et causé à l’aumônier : « communis vitae officia » !!!! Pour me tranquilliser ainsi que ma femme.

Ce soir, les boches tirent sur le bois d’Hinacourt.

26 avril

Beaucoup de laisser-aller chez les fantassins. Peu de commandants chez leurs officiers. Le lieutenant est un instituteur de la Vendée, qui est très gentil, mais paraît avoir peu d’autorité sur ses hommes. Nous les entendons chaque soir de notre cagnia rouspéter avant de partir au travail de nuit, se faire porter malade, etc…Fusils mal entretenus. Cheveux d’une longueur !

Malgré cela le moral reste, je crois, assez bon.

27 avril

Quittons ce soir notre P.C. carrière pour destination inconnue.

Coucherons ce soir à Remigny. Un temps froid, brumeux. Jamais on ne se croirait fin avril.

Lamy a mangé avec nous à midi ainsi que le commandant Bourboulon (114ième lourd).

Rien de saillant aujourd’hui.

Les fantassins quittent eux aussi la carrière, remplacés par ceux du 219ième. Nos groupes sont relevés cette nuit.

28 avril

Partis ce matin à 9h1/4 de Remigny où nous avons couché hier dans la cave des ordonnances. Mangé le pâté avant le départ.

Arrivés à 14 heures à Cuts (route de Noyon à Laon) où nous coucherons. Popote au N°5 chez une demoiselle restée avec les boches. Château détruit en 1914. Tout pillé. Les habitants enfermés du vendredi au dimanche dans l’église.

Grosse étape ce matin (38 km) faite avec le colonel.

29 avril

Partons ce matin à 8h pour Soissons. Il est probable que nous serons « prêtés » au corps colonial pour une petite affaire sur le Chemin des Dames (nord-est de Vailly).

Grand beau temps ce matin. Cela réjouit un peu.

KLAINE, (Robert Antoine) Falque partent en avant prendre des ordres à la 6ième armée où nous allons, chez le chef de district de Soissons.

29 avril

 

 

Rue de l’Échelle du Temple à Soissons – 29 avril 1917

Vue actuelle – Les 2 murs sur les côtés sont toujours les mêmes..

 

 

Arrivons ce matin à 12h à Soissons.

Ville pas trop abimée. Suis allé à la cathédrale.

Ai oublié mon carnet (celui-ci) et vient de l’y retrouver.

Vu église Saint-Jean-des-Vignes abîmée en 1870. Des groupes bivouaquent dans le faubourg ouest et au nord, près de l’Aisne.

(Louis Antoine) Montpellaz, notre agent de liaison cycliste, m’apprend qu’il est le boulanger de Dunoyer, le restaurateur  du Mont-Saxonnex !! Je l’ignorais. (*)

Avons mangé sur le pouce rapidement.

 

(*) : Louis Antoine MONTPELLAZ est en effet boulanger. Agé de 30 ans, il a fait son service militaire dans la cavalerie (Hussards). En août 1914, il est affecté au 2e régiment d’artillerie. Il sera cité en août 1917 à l’ordre du régiment en ces termes élogieux :

« S’est distingué à maintes reprise en assurent sous les bombardements violents la transmission des ordres, se présente toujours souriant comme volontaire dans les moments critiques. A accomplis une mission avec gaité et insouciance complète du danger »

Croix de guerre, étoile de bronze. Il survivra à la guerre.

1er mai

Arrivés hier aux carrières  NO de Celles-sur-Aisne où nous installons notre P.C. Dans une carrière immense de pierre à bâtir où étaient les boches. Grandes salles. Eclairage électrique établi par les boches etc…

Couché avant-hier à Soissons, 13 rue de l’échelle du Temple, où nous avions notre popote.

Rencontré hier CrÉmiÈRE, lieutenant du 2ième, qui est observateur dans un ballon captif n°49 et qui partait en auto. Causé quelques instants avec le colonel :

« On nous abat peu de saucisses par ici disait-il ! Les groupes de chasse font bonne garde ! D’ailleurs ce n’est pas grave pourvu que le parachute ne prenne pas feu ! Je n’ai pas encore essayé ! Ça viendra peut-être ! »

 

18 heures : j’apprends que ce matin le ballon 49 a été attaqué , brûlé , que l’observateur s’est lancé en parachute, mais que la saucisse en feu est tombée sur le parachute , l’a enflammé  et que l’observateur s’est tué , dans une chute de 300 mètres.

Cet observateur, c’était CrÉmiÈRE lui-même ! Fatalité ! Pauvre vie humaine. Comme c’est peu de chose ! (*)

 

(*) : Léon Henri Jean CrÉmiÈRE, lieutenant au 2e régiment d’artillerie, Mort pour la France le 1 mai 1917 à Chassemy (02).

2 mai

CrÉmiÈRE avait reçu aussi une balle en plein cœur tirée par un pilote boche alors qu’il descendait en parachute.

A ce propos un aviateur me disait ce matin : 

« Nous, nous n’avons pas cette barbarie-là. Quand un de nos copains eut abat un dracken un jour, et qu’il vit le pilote descendre en parachute, il lui dit bonjour de la main et s’en alla ! »

Comme nous sommes poires, nous autres français.

 

Suis allé avec Guinard à la tranchée du Filet près poste colonel Hardy. Vu tranchées boches, fils de fer, tirs de torpilles. J’ai vu nettement 20 ou 30 torpilles monter, descendre et éclater. Temps ascension + descente = 13 secondes. Hauteur sur sol : 130 millièmes ; distance à nous : 2400 mètres. Le colonel est au fort de Condé pour observer.

Nous sommes toujours dans notre carrière humide et froide, qui risque à chaque instant de nous tomber sur la tête.

4 mai

Suis allé hier avec colonel en reconnaissance nord-est de Nanteuil-la-Fosse. Vu le chef de bataillon 329 : aux carrières à 200m des boches. Pas d’incidents.

Le soir, dans la nuit, patrouilles pour aller reconnaître les brèches : avec un officier ou sous-officier d’artillerie.

Dernière lettre reçue le 29 à Soissons. Pas de lettre aujourd’hui, ce qui fait 5 jours sans courrier. C’est demain le jour J. Heure H= 4h45. Nous avons pondu tous les ordres. C’était compliqué et laborieux.

Peu dormi ces 2 nuits. Demain ce sera la même chose sans doute ! Sommes toujours dans notre carrière bien humide. Le colonel a reçu à 18h l’ordre fixant le jour J, mais il l’a rendu par mégarde au planton avec l’enveloppe à signer. Il a fallu envoyer Fournier au galop pour la retrouver.

5 mai

8h 25. L’attaque a commencé ce matin à 4h45. Sommes levés depuis 4 h, couchés à 23h30. Téléphone toute la nuit. 6 tanks avec les fantassins. 1 en flammes. Assez de résistance boche.

7 mai

Reçu enfin courrier avec 7 jours de retard. J’ai des lettres du 5 mai. L’attaque est dure par ici. Les boches résistent sur la tranchée de la rade. Ils se rendent peu en général.

Le 4, pris photos Nanteuil avec colonel et caporal Reibel-CHR-329ième RI-S.P.212.

8 mai

Aujourd’hui pluie.

Le commandant JACQUOT vient manger avec nous. On continue les destructions sur 2ièmes lignes boches, etc…

11 mai

Rien de saillant ces jours. Assez calmes.

Vu Passerat avant-hier à sa position de batterie (120 m long). Pas revu depuis 12 ans ! nous nous sommes reconnus quand même. Il  a fait les colonies : Guyane etc. …

Je développe quelques photos.

Les permissions reprennent à 5%, soit 55 pour le régiment. On parle de relève ; La division où nous sommes (158ième D.I) s’en irait et serait remplacé par la nôtre. Sommes toujours dans notre creute, près de Celles-sur-Aisne.

Grand et beau ciel ce matin.

Masson a été évacué il y a 3 semaines pour un anthrax. Il est toujours à l’hôpital.

13 mai

Aujourd’hui nous partons pour aller coucher à Acy près Soissons. Puis nous filerons sur Blanzy-les-Fismes.

 

14 heures. Avons mangé à Missy-sur-Aisne chez Chollier au château !! du général Meunier (de Lyon).

Dans quel état d’ailleurs !! Les 1ères lignes boches passaient devant.

Étions avec PICHOT, Lévy, Larmonnette, docteur de Nantua, Chollier, Sagnier, le colonel.

 

En ce moment, sur le bord de la route, au bout de l’allée principale du château, nous attendons une auto, offerte par le général 158ième DI (Priou) qui doit nous conduire à Blanzy-les-Fismes, où nous serons demain. Soleil, chaleur, on sue ! Les pommiers sont en fleurs, nous avons  mangé des asperges, des morilles, de la chicorée, le tout venant du pays et ramassé par Forgeot, le vétérinaire à 3 galons du 1er groupe.

Guinard est avec nous. (Robert) Falque, KLAINE sont à Acy.

14 mai

Arrivons ce matin à 11h à Blanzy-les-Fismes où sont près de 10 000 hommes et chevaux.

16 mai

Profitons un peu de notre repos ici. Bivouac pour les 3 groupes.

Sommes au 28 et au 31. Suis allé hier à Fismes-presque plus rien  à acheter, car les bombes d’avion ont chassé les habitants. Affaire Deric qui ne s’entend avec personne au 1er groupe. Vu hier CAILLES et FrangÉ.

18 mai

Partons demain à  9 h pour aller à notre futur P.C. de la ferme Cuissy (*). Nous relevons le 35ième artillerie, c’est à dire 22ième division où se trouve Morhange. Tout comme l’an dernier à Hermonville ! Quelle coïncidence.

De la boue et de la pluie ces 2 jours.

Le colonel m’a proposé hier pour le grade de capitaine avec des notes aussi bonnes que possible. La proposition est revenue avec un non énergique et malhonnête de FROMHEIM, qui ne veut pas laisser commettre d’injustice à l’égard de GROSJEAN, plus vieux que moi, et qui surtout prie le colonel CHAVELET de ne pas écouter son intérêt personnel.

Vraiment c’est exagéré.

CHAVELET est furieux et est allé aujourd’hui même voir H…à Merval pour lui signaler ce manquement à la politesse de FROMHEIM à son égard. Et bien d’autres aussi ! qui rendent FROMHEIM insupportable à tous !

 

(*) : Historique 2e RAC ; 1km sud de Jumign). Certains JMO indiquent Cuisy, d’autres Cuissy mais celui de l’AD27 signalant le 24 mai 17 un bombardement de la route Vassogne-Jumigny jusqu’à la ferme Cuisy, il s’agit bien de Cuissy qui portait déjà bien ce nom sur les anciennes cartes d’état-major.

19 mai

Partons ce matin. Pluie encore aujourd’hui, ce mois de mai n’est pas plein de soleil.

H =HÉbrard, colonel commandant artillerie du 14ième CA.

Les groupes se relèvent N° par N° comme l’an dernier à Hermonville. Le 3ième groupe relève groupe Wurtz où se trouve Mohrange. A la ferme Cuisy, se trouvent encore une fermière et sa fille. L’homologue du colonel est le colonel Julliard.

20 mai

Avons relevé hier le 35ième artillerie dans les mêmes conditions qu’à Hermonville.

Téléphoné à Mohrange que je n’ai pu voir. Mais chose curieuse, mon conjugué à l’ACD/22 est Nicaise, un de mes copains de promo, le même qui jouait le rôle de Métayer dans la revue de Centrale. Toujours très chic, plein de verve. Il est l’adjoint du colonel Julliard.

 

Aujourd’hui attaque des boches qui nous ont pris le saillant du monument ! Contre-attaque par le 75 !

Un commandant blessé (Ferrand). Son adjoint tué ainsi que de nombreux téléphonistes.

Sommes dans la ferme de Cuisy, grande ; bien logés. Mais quel vacarme. Chaque coup de canon donne un quadruple écho !

Notre camionnette et notre camion sont arrivés hier. 2 chauffeurs âgés (plus de 40 ans)

22 mai

Quitterons demain soir notre beau et confortable P.C. pour aller aux creutes de Vassogne, auprès de l’ID (colonel Husband, Melchior etc…). Nous serons moins bien qu’ici. Marmitage de temps à autre !

Je me suis fait couper les cheveux aujourd’hui. Philippe arrive de permission.

Petite attaque aujourd’hui à H=16,25 sur notre droite. Ignorons les résultats.

23 mai

On enterre aujourd’hui 23 artilleurs du 54ième, dont 1 auxiliaire et 1 aspirant, asphyxiés dans une creute près de Paisy à la suite d’un 201 tombé en plein devant. (*)

On a essayé de les dégager, mais les boches ont tiré sur les travailleurs des obus toxiques ; Il a fallu attendre la nuit. On entendait causer les enterrés vivants ; ils piochaient.

A un moment donné ils annoncent la mort du médecin. On creusait toujours pour les dégager. Peu à peu on n’a plus rien entendu et le lendemain seulement on a pu les dégager. Ils étaient 28, tous asphyxiés. Quelques-uns s’étaient déshabillés, croyant pouvoir respirer plus facilement.

 

Je pars ce soir vers 17 heures au nouveau P.C. Nous serons plus près de l’infanterie, et plus loin de nos groupes.

 

21h45 : Sommes arrivés à 20 h dans notre creute. P.C. éclairé à l’électricité. Petit moteur à essence. Galeries de communication etc…Tir de barrage. Les boches cognent un peu sur la crête au-dessus de nous.

Vu des hommes du 24ième territorial qui nous suivent au 14ième CA et qui étaient à Verdun avec nous. Ils nous racontaient que l’accident du tunnel de Tavannes avait fait près de 800 morts dont un général (**) (munitions et fusées qui prirent feu).

 

(*) : Mémoire des Hommes recense 29 tués à Paissy au 54e d’artillerie

(**) : Pas trouvé de trace d’un général tué dans l’accident du tunnel de Tavannes (4 septembre 1916), mais le général Ernest Jean AIME a été tué le 6 septembre en se rendant, pour reconnaissance avant attaque, à la tourelle est du fort de Souville (situé à ~1km à l’ouest de l’entrée du tunnel), d’où peut-être la confusion.

25 mai

Ce matin marmitage intense de notre carrière avec 150 obusiers. 250 coups environ de 8 à 10 heures. Alaverine blessé très légèrement à l’épaule. Pas de dégâts importants chez nous. Beaucoup d’éclats qui tombent à nos pieds.

Hier marmitage du village de Vassognes.

Aujourd’hui à déjeuner Colonel Perard, Capitaine Bellini, Commandant Touveret. Le moteur qui nous éclaire continue son tac-tac régulier…

Guinard parti hier en permission.

27 mai

Toujours marmités. Hier un peu de répit, mais pas beaucoup. Des fusants bas. Nous commençons un petit rempart de sacs à terre.

Le colonel est allé en 1ère ligne aujourd’hui. J’irai demain près de l’Eperon.

28 mai

Allé ce matin en 1ère ligne, petits postes, sapes, boyaux (0216,0317). Vu colonel Destez et commandant Longin, lieutenant Gouin, capitaine Chipaux. Vu 2 boches à 30 mètres !! Très intéressant. Ferme de la creute ! Une série d’entonnoirs !! (*)

 

(*) : Se situait à la caverne du Dragon, 500m à l’ouest de la ferme d’Hurtebise

30 mai

Le colonel mange au 2ième groupe. Les boches nous marmitent toujours un peu.

31 mai

Bermont aide-cuisinier part en perme. Toujours marmités. Pas drôle la vie ici.

L’I.D. s’en va à Bellevue. Je vais bien. Suis allé le 30 mai à tranchée d’Ems au petit poste d’où l’on a une vue épatante sur l’éperon, le Réton, la vallée de l’Ailette et surtout la grotte des Saxons où j’ai vu des boches apporter la soupe, circuler. Des officiers même sortir pour le petit besoin etc…

Et cette grotte est en contre-bas de nos tranchées à 200 m à peine. Mais à l’abri des coups à cause de la pente rapide et de la creute où ils se réfugient.

 

Sommes toujours marmités.

Hier relève de la 6ième batterie, ce soir du 1er et 2ième groupe.

Cette nuit dernière a été agitée. Petite attaque des boches puis marmitage avec des obus à gaz dans la vallée de Vassognes. Nous avons mis nos masques pendant ce temps. L’AD/27 m’a téléphoné à maintes reprises. Le colonel a mangé chez Mme Bellin.

4 juin

Le colonel part demain en permission. Nous quittons demain la creute de Vassogne pour retourner à la ferme Cuissy.

Le commandant JACQUOT prend le commandement du régiment.

6 juin

Sommes à Cuissy depuis hier. Ce matin marmitage intense de la ferme Cuissy. Le cuisinier du 1er groupe a été blessé au bras et sera sûrement amputé. Pas de victimes chez nous. Nous nous carapatons en vitesse car l’endroit devient malsain ! La fermière et sa fille sont au fond de leur cave !

alque parti ce matin en permission.

8 juin

Sommes aux creutes de l’Yser, bien installés près du 102ième lourd (commandant Deval). Les boches sont devenus calmes, mais on signale chez nos fantassins un peu d’exaspération. Le moral baisse. Il y a quelques jours, ils manifestaient (le 75) pour avoir des permissions auprès du général (qui les a portées illico à 130%).

Hier le 75ième a refusé de monter aux tranchées. (*)

Commandant Faure, du 140, tué avec son ordonnance dans un boyau en descendant de 1ère ligne (ils étaient relevés).

Visite d’(Eugène) Chambard, Lunel, Cullère, aumônier.

 

(*) : Le journal du 75e régiment d’infanterie fait pas mention de ces évènements. Mais la base des fusillés de Mémoire des Hommes recense 6 fusillés au 75e RI dont 1 seul en 1917 (le 18 juin), ce qui permet de remonter au Conseil de Guerre de la 27e DI du 10 juin qui a jugé 12 soldats des 2e et 3e Cie pour refus de marcher à l’ennemi dans la nuit du 7 au 8 juin.

11 juin

Ferme Cuissy, toujours marmitée à intervalles variables dans la journée. (Louis Antoine) Montpellaz part en perme ce soir et emporte un paquet pour Cluses. Suis allé hier en 1ère ligne avec Bernard.

17 juin

Le colonel rentré le 15 au soir de permission.

Le 16

Déjeuner avec l’I.D. que nous avions invitée. Grand beau temps toujours.

Je vais cet après-midi à l’escadrille où Chambard m’a promis de me faire voler.

19 juin

(Robert Antoine) Falque rentré hier de permission.

La proposition du colonel relative à ma nomination de capitaine est revenue ce matin. Refusée !! Tant pis.

21 juin

Suis allé hier au camp d’aviation où je suis monté sur un Farman. Belle impression mais j’ai eu le mal de mer à cause des nuages, de l’heure peu propice et du temps orageux.

Crétinon a pris son service ici, hier matin, en remplacement de Gance. MOLLIN parti hier en permission.

25 juin

Les Boches ont pris il y a 6 jours le bout du Doigt de l’Éperon. (*)

Nous attaquons aujourd’hui pour le reprendre.

 

(*) : C’est le côté nord légèrement surélevé de la route au niveau de la grotte du Dragon (voir Caverne du Dragon) et Collectif de Recherche International et de Débat sur la guerre de 1914-1918 (crid1418.org) qui donne aussi des éléments sur le Conseil de Guerre du 10 juin)

27 juin

L’infanterie relevée demain pour aller au camp de Lassigny où nous les rejoindrons. Partirons sans doute le 1 ou 2.

L’attaque d’hier a réussi. Nous avons fait 300 prisonniers, 9 officiers pris dans la grotte du Dragon. Repris tranchées Fichou et une partie de tranchée d’Heidelberg.

Le colonel a déjeuné hier chez notre nouveau général, Roux. Il présidait le conseil de guerre. Les petits flottements moraux ont disparu. Quelques condamnés, dont 1 caporal à mort. (*)

L’esprit redevient meilleur. On sent que la réaction des autorités est efficace.

Il y a lieu de remarquer aussi qu’on fait des efforts pour améliorer le sort du soldat (chose qu’on aurait pût et dû faire il y a longtemps). Mais il est écrit que nous aurons toujours la guigne et que nous saurons faire la guerre quand elle sera terminée.

 

Sommes toujours dans notre creute nord de ferme Cuissy. Je compte être à Paris le 11 au soir et arriver à Cluses dans la journée du 13.

 

(*) : C’est le Lt colonel PICARD du 52e RI qui le présidait, alors que le nouveau général n’est arrivé que le 14 juin (JMO 27e DI) donc ultérieurement.

28 juin

Pluie. Sale temps.

Je téléphone à A.D./6 où se trouve un de mes copains de promo, Thibier.

Cet après-midi, nous voyons tomber un boche, en vrille, derrière Craonne. Abattu par un de nos spads.

29 juin

Suis allé ce matin au village avec BERNARD.

Quelques fusants. Taupiers dans le ravin de Vassognes et sur boyau Bove. KLAINE est parti hier en permission. Il compte revenir le 9 juillet. Je partirai le 11. Depuis 8 jours Crétinon remplace avantageusement Gance à notre E.M.

1er juillet

Cette nuit passée, attaque des boches sur la Bovelle, Baja, et la tranchée Camberg. Ils viennent jusqu’à tranchée Franconie. Nous tenons la tranchée de Berne (chemin des Dames).

Pas de courrier postal pendant 3 jours. Pluie depuis 2 jours. Temps froid et humide. Nous faisons un feu dans notre creute.

3 juillet

Nous apprenons la mort de Lestapie (*), le petit sous-lieutenant de Curis à la 124ième A.T., tué à l’entrée de la grotte du Dragon hier au soir. (*)

Nous quittons demain notre P.C.

Nos relevants de l’ACD/6 arrivent aujourd’hui. 22ième régiment Colonel Collady.

 

Philippe nous dit :

(*) : Il s’agit de Adrien Marie François Henri Victor DE LESTAPIS sous-lieutenant au 6e RAC tué le 2 juillet 1917 à la caverne du Dragon par éclats d’obus.

(**) : Pierre Laurent François CURIS sous-lieutenant de la 124e AT (artillerie de tranchée de 58mm).

Pierre CURIS de la classe 1910 (né à Lyon le 17/12/1889) sous-lieutenant affecté en juin 1915 au 6e RAC (comme de LESTAPIS tué le 2/7/1917) et dont la  fiche matriculaire (5 pages) montre une citation à l’ordre de la 3e armée du 03/08/1917 de la 124e batterie de 58 sous les ordres du lieutenant CURIS. Il ne peut s’agir que de lui. Il n’a donc pas été tué (ni blessé) en juillet 1917 et était ensuite passé à la 101e bat du 2e RAC. Chevalier de la légion d’honneur, croix de guerre 3 palmes, Military Cross.

Je n’ai pas trouvé dans MdH d’autre tué le même jour que de LESTAPIS à la caverne du Dragon (mais beaucoup à Ailles pas très éloigné).

6 juillet

Cantonnés aujourd’hui à Ciry-Salsogne, près Sermoise. Ces 2 derniers jours,  avons bivouaqué aux échelons près Barbonval. Mangé avec la 2ième batterie. Nuit dernière agitée (50 bombes d’avion) près de notre bivouac.

Temps superbe aujourd’hui. Nous mangeons des cerises dans une des rares maisons échappées au bombardement.

7 juillet

Arrivons à Ressons-le-Long. Commune de 613 habitants qui compte 36 morts.

8 juillet

Cantonnons à Trosly Breuil. Vu en passant le hangar de Clément Bayard et l’usine de Breuil. Invitons Commandant de Corlien du PAD/27 et PICHOT.

16 juillet

Arrivés hier matin à Marest-sur-Matz où nous resterons quelques jours.

Revue du général. Sommes logés chez Mme Lenglen dont la fille a été championne de tennis de France. (*)

Je pars demain en permission par Compiègne.

 

(*) : Née à Paris en 1899, Suzanne LENGLEN a grandi à Marest où s’étaient installés ses parents en 1906. Après des débuts prometteurs à 12 ans, elle devint à 15 ans championne du monde sur terre battue en juillet 1914 à Paris et eu une carrière surtout après l’interruption par la guerre.

 

 

Charles, Alfred et Joséphine

 

Charles, Alfred et Émile

 

Émile

 

Alfred et Émile

 

Charles Devant en 1917

24 juillet

Rentré avant-hier au soir de permission. Sommes à Marest.

Partons demain 2 jours en secteur près de Benay Hinacourt. Cantonnons le 25 à Baboeuf et Appilly.

Suis allé en reconnaissance aujourd’hui.

Rencontré à Noyon mon cousin Pillot qui commande une R.V.F. et ne s’en fait pas !

A Paris, passé 2 fois 24 heures avec Jean et cousin NOBLE, rencontré par hasard : Périal au Brébant. GUELFUCCI (*) sur les boulevards, les Pertuis père et mère sur les boulevards, Chambard place de l’Opéra, Valéry docteur et sa femme au Little Palace.

 

(*) : Antoine André GUELFUCCI est né à Besançon (25) en 1889. Il réside en Corse à ses 20 ans et est avocat à la cour de Paris. Engagé volontaire à Bastia en 1910, il part au 2e régiment d’artillerie de campagne. De simple artilleur, il finira la guerre lieutenant. Recrutement de Bastia, classe 1909, n° de matricule : 764

25 juillet

Arrivons à 10h15 à Appilly.

Fait étape à cheval avec (Robert) Falque. Le colonel en auto avec KLAINE et commandant JACQUOT (auto à 6 places) !!

Passé à Ribecourt. Les tranchées françaises passaient au nord du village qui n’est pas trop démoli. Logeons ici chez une vieille qui était restée chez les boches et dont le mari est mort tué par une bombe française dans son lit. Passé à Noyon qui se repeuple petit à petit mais qui a été dévasté, pillé.

Le commandant JACQUOT commande le régiment. Beau temps tous ces jours.

 

 

Charles Devant (droite) du 2e régiment d’artillerie en 1917

26 juillet

Arrivons aujourd’hui 15 heures à la ferme Le Fay où se trouve l’ACD/121 (colonel SchÉrer) ancienne AC. 7ième corps. Que nous relèverons.

Revu Jussy, Faillouël, Montescourt qui présentent un aspect moins triste qu’il y a 3 mois car la nature a tout recouvert et tout reverdi.

Mangé à midi à Villequier-Aumont avec CAILLES. Quitté la vieille à Appilly. Elle nous racontait que les boches faisaient payer 3 marks d’amende à tout civil qui oubliait sa carte d’identité et ne l’avait pas dans sa poche.

En cas de récidive : prison ! C’était la manière forte !

Je suis venu en auto avec JACQUOT et colonel. Le secteur paraît calme. Quelques avions. 3 boches viennent de passer.

Le 5ième artillerie devenu le 205, avait en mai 1917, 48 officiers tués (pour 18 batteries).

30 juillet

Ceux que nous avons relevés sont partis ce matin, emportant une bonne partie de leur mobilier !

Suis allé hier en ballade à l’observatoire Folie et avant-hier à Noyon avec le capitaine Gouniot de l’ACD que nous relevons.

2 août

Le colonel a repris son poste ici hier matin.

Depuis 2 jours souffle un vent froid et violent, on se croirait en hiver !

7 août

Rien de saillant. La pluie et le vent continuent.

(Robert Antoine) Falque suit un cours d’antenne à Noyon. Berthaud quitte le régiment pour aller au cours d’état-major à Senlis. Chambard vient faire un stage de 8 jours auprès de nous. Guinard va partir à Liancourt (Oise) suivre un cours de téléphonie (3 semaines).

 

Sous-lieutenant GUINARD et sa famille en août 1917.

Nous faisons quelques reconnaissances aux observatoires. Secteur très calme. Quelques coups de canon. 200 à 300 coups toutes les nuits. Les lourds sont près de nous à la ferme même.

Revu un de mes copains de promo, capitaine Nibaut, au 51ième artillerie ACD.

 

Cantonnont à Artemps.

Revu Coutrot, promo 1910, au 121ième Lourd. Josie a vu Mr Humbert il y a 10 jours au sujet du rappel de Julien par Lazare Weiller, s’il veut s’en occuper.

Elle attend réponse. J’y compte peu. Julien est philosophe d’ailleurs.

Sommes logés ici dans une petite cagnia sur le bord de la route en face de la ferme le Fay. Colonel au 1er, moi au rez-de-chaussée près du bureau-salle à manger. Piet est en perme. Bernoud, Falcoz font les cuisiniers.

17 août

Avant-hier marmitage de la 9ième. Un sous-officier (Barbarin) tué. Elle change de place.

Avant-hier au soir, incendie de la cathédrale de Saint-Quentin  que nous voyons flamber !

Toujours la pluie ou le vent. Quel triste temps. Bernoud en perme ainsi que Falcoz.

Dîné avant-hier soir à l’artillerie lourde (AL-121).

Aujourd’hui visite du général avec Auburtin, décoré de la croix de guerre, ce qui me décide à parler au colonel à ce sujet. Rien de saillant. Josie m’a annoncé le bébé en perspective (permission du 13 au 21 à Cluses).

Guinard est depuis le 12 au cours de télégraphie à Liancourt, Oise. Il est volontaire pour Salonique.

Le colonel l’a été aussi, ainsi que pour la mission en Russie à cause de ses histoires avec FROMHEIM. J’espère qu’il ne partira pas.

 

(*) : Maréchal des Logis Alfred Joseph BARBARIN tué à Cerisy le 15 août 1917. Voir sa fiche.

20 août

Rien de nouveau.

Un avion de photo abattu par le boche avant-hier : un coup dans l’aile. Tombé dans leurs lignes. Hier la saucisse boche de Villers-le-Sec, abattu par nous !

Nous approvisionnons les batteries en spéciaux ! Avant-hier avec FrangÉ au carrefour Benay / Cerizy un obus de 105 à 8 m de nous ! L’avons entendu venir et avons eu le temps de nous coucher !

24 août

Cette nuit nous avons fait attaque par les gaz. Emission à 1h30 ! J’ai peu dormi. Bons résultats dit-on ! 21 bouteilles de 33 litres, pour un front de 15 mètres !! Bon vent. Itancourt flambe !

Les boches préparent, dit-on, 1 offensive avec 1 gaz très mauvais qui tue par les pores, 1 ou 2 jours après respiration cutanée. C’est du sulfure d’éthyle dichloré + tétrachlorure de carbone.

J’ai eu la croix de guerre il y a 2 jours. Le colonel me l’a remise à table ce soir. J’en suis heureux.

 

29 août

Serons relevés complètement demain matin par le 270ième artillerie (AD.81), commandant Arnaud.

J’ai revu Horst, ancien adjoint du commandant Tantin, que commandant PICHOT avait relevé à Folie ! Ainsi que son camarade Robert.

Partons demain matin pour zone à Noyon (Larbroye) où nous cantonnerons.

Le colonel a été appelé hier d’urgence à Paris aux Invalides, au sujet sans doute de son départ en Russie. Je l’ai accompagné jusqu’à Compiègne en auto (140 km, aller-retour). IL est parti par le train de 15h25. Nous connaîtrons le résultat dans 32 jours.

 

Depuis 2 jours il fait un vent fantastique, qui correspond à une bourrasque. Le commandant JACQUOT commande provisoirement le régiment. Le commandant GREBUS est toujours dans l’incertitude de son départ possible pour Salonique et cela l’ennuie, nous disait le capitaine NEGRE ce tantôt.

Bernard et Cherrier de notre équipe ont eu la croix de guerre en même temps que moi. MOLLIN est en permission depuis 4 jours. Rien de saillant à part cela. Je vais bien. Josie m’écrit que LUTAUD est au Mont-Saxonnex et qu’elle a été reçue chez eux.

31 août

Cantonnons aujourd’hui à Larbroye à 3 km de Noyon. Suis logé chez un vieux gendarme de l’Empire (86 ans). (*)

Suis allé hier tantôt à Noyon. Rien de saillant. Attendons le colonel qui doit rentrer aujourd’hui.

 

(*) : Une seule personne pourrait correspondre à ce vieux gendarme : selon le recensement de 1911 de Larbroye. En effet, il n’existe qu’un seul couple dont l’homme est né en 1831 : Léopold BOURNIZIEN.

2 septembre

Toujours à Larbroye, pour quelques jours je pense. Les paysans qui restent sont tous des vieux qui ont beaucoup souffert, mais qui paraissent écrasés sous le destin. Ils bénissent presque les boches de ne pas leur avoir fait plus de mal. Drôle de mentalité que celle de ces pseudo-esclaves qui n’ont presque plus de haine pour leurs oppresseurs (je parle ici de quelques vieux. Les jeunes auront j’espère d’autres sentiments).

3 septembre

De Creil, hôtel du chemin de fer où je viens de diner, en attendant le train belge qui m’emmènera à Saint-Just où je vais voir Jean. J’ai quitté ici le colonel qui a été appelé à Vitry-le-François et qui nous quitte définitivement pour partir en Russie courant octobre. (*)

Suis heureux d’aller voir Jean, mais triste d’avoir vu partir le colonel, un vrai camarade pour nous. Les hommes le regrettent. JACQUOT le remplace pour le moment. Nègre prendra le 3ième groupe.

Je paye ma note ici : 4 francs 50 ! pour un dîner bien quelconque. C’est la guerre !

 

(*) : Rappel : Anatole CHAVELET va partir comme lieutenant-colonel d’artillerie à la mission française en Russie

6 septembre

Suis rentré hier à midi de Saint-Just où j’ai trouvé jean en bonne santé.

Mangé à sa popote. MOLLIN rentre aujourd’hui de permission.

7 septembre

Vais à Noyon m’acheter 1 paire de souliers : 28f.50, qui paraissent très bons. On nous annonce que 2ième groupe part à Hangest au cours de tir.

8 septembre

Toujours à Larbroye.

Le 2ième groupe parti ce matin au cours de tir d’Hangest. On annonce que commandant JACQUOT ne gardera pas le régiment et on parle d’un commandant MALRAISON ! Attendons !

(Robert Antoine) Falque en permission parti hier. Rien de nouveau. Suis rassuré sur sort de Josie. Tout va bien maintenant.

Toujours logé chez bon vieux et bonne vieille !

9 septembre

Suis allé église Noyon entendre la messe ce matin avec commandant JACQUOT et Guinard. L’âme remuée : vieux chants, vieille musique, qui a bercé les premières années de jeunesse. Vieux souvenirs qui reviennent en foule, parents, amis, défunts ; tous ceux qui prennent le cœur !

Commandant MALRAISON annonce son arrivée ce soir pour commander le régiment. Mangeons des écrevisses qui pullulent dans les ruisseaux.

Comme nous sommes loin de Cluses.

10 septembre

Commandant MALRAISON arrivé hier. Excellente impression. Paraît très aimable etc…

12 septembre

Nous racontait hier ce drame poignant : un observateur à 1200 m en ballon saucisse. Sans parachute. Pris par une tempête. Impossible de faire fonctionner le treuil en bas pour descendre le drakken. L’orage fait sauter une 1ère corde de la nacelle. L’observateur téléphone en bas : « Descendez-moi, une corde coupée ».

Toujours impossible. Puis une 2ième, une 3ième. L’observateur se sent perdu. Il téléphone qu’il écrit à sa femme, à son capitaine qu’on retrouvera ses lettres dans la nacelle après la chute. On essaye toujours en bas de le descendre.

Après 1 heure c’est encore impossible. Finalement les dernières cordes claquent et on retrouve le cadavre et les lettres après la chute.

12 septembre

18h. Guinard part demain en permission pour rejoindre Salonique à partir du 20. Le général ROUX nous a réunis aujourd’hui à 16 heures (tous les officiers des 2 groupes).

15 septembre

Avons quitté ce matin Larbroye pour venir cantonner à Vieux Moulins. Pas de place.

Allons cantonner à Berneuil. Venu en auto par Ribécourt …Filé à gare Compiègne à 10h attendre colonel CHAVELET.

Revenu manger rapidement à Berneuil. Puis filé à nouveau à Salency par Tracy-le-Val. Revenu à Compiègne à 15 heures où nous lâchons le colonel, puis retour ici. En tout 150km depuis ce matin. C’est plus qu’il n’en faut pour vous donner de l’appétit !

Colonel CHAVELET heureux de nous revoir, mais ennuyé quand même de nous avoir quittés. On dit que dans quelques jours, nous prendrons position près de Laffaux pour une affaire de moyenne envergure.

17 septembre

Partons ce matin à 10h30 (étape de 8 km) pour aller à Croutoy et Jaulzy où nous cantonnerons. Devic, retour de perme, vient se présenter au commandant, lequel part à Crouy voir FROMHEIM, là-bas depuis 3 semaines. Le commandant a l’intention de remplacer Guinard par (Antoine) GUELFUCCI. Vial était candidat. Malherbe était pressenti. L. s’est rallié à l’avis du commandant PICHOT.

Mangé hier premières noix vertes.

 

18 heures : arrivés à 11 heures à Croutoy.

Logés au château du général de France. Le commandant MALRAISON est allé à Crouy. Bellen, Bly, Courtil voir colonel FROMHEIM et états-majors.

 

18h soir- Le commandant JACQUOT revient de permission de 24 heures, rappelé par message du commandant MALRAISON. Sommes allés cet après-midi à Crouy pour y demander des ordres. Partons demain en reconnaissance région de Vrégny -Chivres où nous prendrons position. (Robert) Falque rentré ce matin de permission. (Antoine) GUELFUCCI désigné pour remplacer Guinard.

21 septembre

Sommes prés château de Quincy (*) dans une creute.

Relevons le groupe Vial du 54ième artillerie (2ième groupe) et un autre groupe du 54. Creutte humide. Enfoncée, sautée par mine boche lors de leur retraite. On dit que 2 compagnies d’infanterie sont restées ensevelies.

Départ reconnaissance avec commandant MALRAISON.

 

(*) : 1.5 km nord-est de Vrégny

22 septembre

Le 2ième groupe arrive ce soir. J’ai conduit les officiers à leurs futures positions de batterie qui sont près de notre ancien P.C. de Celles sur Aisne. Barlet est revenu de l’hôpital. Didelet est toujours capitaine commandant 5ième  batterie. Toinet commande 6ième batterie.

30 septembre

GUELFUCCI arrivé il y a 3 jours à l’E.M. Nous préparons toujours l’attaque. Belles journées.

Nous installons nos lignes téléphoniques. Près de 25 lignes partant de notre P.C..2 francs le mètre ! Quelque chose comme 150 à 200 km de câble, rien que pour notre liaison d’E.M. Ça ne représente quelque chose ! Je ne parle pas des munitions à 50 francs pour le 75 et 235 pour le 155.

GRÉBUS en position depuis ce matin, PICHOT depuis hier matin à l’est de Nanteuil-la-Fosse.

Payé popote quinzaine écoulée 88 francs. L’autre idem à peu prés.

 

(*) : Selon sa fiche matriculaire, Antoine GUELFUCCI était parti au 1e régiment d’artillerie de montagne le 22 juillet 1917. Il y est aussi précisé qu’il revient au 2e régiment d’artillerie de campagne le 16 septembre 1918.

Se sont-ils trompé de date ? 1918 au lieu de 1917 ?

 

 

2 octobre

KLAINE part en perme demain. On demande capitaines volontaires pour E.M. du 14ième C.A. GROSJEAN volontaire.

Avant-hier, avons vu s’abattre un avion boche tout près de nos échelons. 2 observateurs tués, dont 1 lieutenant qui avait encore photos d’il y a 8 jours sur lui (sa famille).

Hier petite alerte aux gaz qui n’a rien été. Un tué et 2 blessés au 1er groupe de ravitaillement.

4 octobre

Rien de nouveau. Attendons toujours en nous préparant.

Hier le commandant est allé à Osly-Courtil, à une conférence du général Pétain où assistaient Maistre, d’Esperey  etc…

Demain, je vais à une conférence contre les gaz, au même endroit, par le docteur Paul, le médecin légiste de Paris.

L’automne arrive tout doucement. On s’habitue petit à petit à la lumière, à la chaleur. C’est l’hiver qui vient, quoi !

FROMHEIM a mis l’autre jour 4 jours d’arrêt à Barlet. Quelle méthode !

Masson est toujours au dépôt. Jeune marié !

FROMHEIM l’a demandé, en prévoyant le départ éventuel de FrangÉ qui prendrait une batterie au régiment. GROSJEAN volontaire pour l’E.M. du 14ième C.A.

 

                  

Lettre du docteur Alfred Grisel à propos des gaz allemands.

«  Mon cher Charles,

Comme tu as manifesté le désir de savoir avec quels gaz les Allemands cherchent à vous empoisonner congrument, je me suis mis en devoir de te répondre. J’avais eu la visite d’un savant de l’Institut Pasteur, dans le courant d’août : j’avais fait sa connaissance au congrès  de climatothérapie de 1914, et de passage à Cluses il était venu me voir, et m’avait parlé précisément de la fabrication de ces gaz, dont il a le contrôle et la surveillance en France. Comme il villégiature dans les environs, je suis allé lui rendre sa visite hier, pour l’interwieuver à ton intention. Je l’ai tenu dans son cabinet pendant une heure en le harcelant de questions, car la conversation était intéressante au possible, surtout quand il a abordé le sujet de la fabrication de ces gaz.

 

C’est une industrie qu’il a fallu créer chez nous de toutes pièces. Il y a eu au début beaucoup d’à coups, d’essais infructueux, car on s’était adressé aux savants de l’Académie des Sciences, très calés sur les réactions de laboratoire, mais parfaitement ignorants des procédés industriels, puisqu’ils n’existaient pas chez nous. Comme me disait mon interlocuteur qui a vécu pendant des années dans des fabriques allemandes où on l’avait envoyé en mission ,on s’est ensuite décidé à s’adresser à des compétences effectives et documentées , et alors tout a mieux marché.

Au début il s’est passé des choses lamentables, qu’on ne peut écrire, et dont je te parlerais de vive voix seulement : il fallait faire des essais sur ces gaz, trouver des réactifs pour les neutraliser, et dans les laboratoires plusieurs ont payé de leur vie et beaucoup de la faute de leur santé la mise en action et la fabrication de ces gaz et de leurs antidotes. Mon interlocuteur lui-même est atteint de troubles cardiaques, consécutifs à ces essais faits dans des chambres closes, avec des masques insuffisants. Aujourd’hui cette période est close, la mise au point parfaite, et nous fabriquons les gaz aussi bien que les Allemands, en appliquant d’ailleurs leurs procédés.

 

Voici la classification de ces gaz, en 3 séries :

-Gaz asphyxiants : chlore (très employé)-brome (peu employé, parce que trop cher).

-Lacrymogènes : chlorure de benzyle (peu employé) - bromure de benzyle (très employé) tous deux très lacrymogènes - chloracétone (un peu moins lacrymogène, moins employé) - l’aldéhyde formique, employé au début est délaissé.

-Poisons du sang : les plus redoutables par leur action plus ou moins retardée, symptômes apparents et nocifs : oxychlorure de carbone, acide cyanhydrique associé généralement au chlorure d’arsenic ou à d’autres vapeurs arsénieuses, puis l’orthoformiate de carbone chloré qui agit comme l’oxychlorure de carbone.

L’action de tous ces gaz se porte d’abord sur les globules sanguins dont ils altèrent le fonctionnement, puis ensuite sur le cœur, qui le paralyse plus ou moins vite, sous l’influence de l’empoisonnement du sang.

 

Quant à vos masques, on ne se sert plus d’hyposulfite de soude pour imbiber les tampons de coton. Ils sont imprégnés d’un mélange de divers réactifs, spéciaux à chaque gaz , tous en solution avec de l’huile de ricin , formant ainsi des ricinates qui les rendent moins volatiles , plus adhérents aux tampons.  Ces divers réactifs sont tenus secrets, parce que nous les avons découverts depuis une année qu’on ne veut pas que les boches se les approprient.

En outre recommande bien à tous tes camarades et à tes hommes de ne jamais mouiller les tampons avec de l’eau. Beaucoup ont succombé au début, parce que des instructions mal interprétés les avaient engagés à mouiller leurs tampons, ce qui neutralisait les réactifs. La vapeur de la respiration est déjà nuisible, mais l’application des réactifs sous forme de ricinates, élimine en grande partie son action.

 

2 modes d’emploi de ces gaz :

Par les obus, dont le rayon d’action ne dépasse pas, en circonférence de 50 mètres de diamètre. L’action nuisible se dissipe rapidement par dissémination dans l’air.

Par nuages artificiels : le plus souvent avec du chlore très lourd, servant de véhicule aux autres gaz qu’on lui mélange et qui plus volatiles sont retenus par sa densité. Pour réussir le nuage, il faut trois facteurs réunis :

Vent propice, degré hygrométrique favorable et température favorable

Avec ces 3 facteurs réunis, on obtient des nuages allant à plusieurs kilomètres, en roulant à terre, et remplissant les excavations qu’ils rencontrent.  Les chances de bonne réussite sont plutôt rares. Actuellement on peut prévoir les émissions de gaz par les renseignements des stations météorologiques à l’arrière du front, qui enregistrent ces facteurs, qui indiquent la possibilité d’envoyer les gaz, comme l’éventualité probable d’en recevoir.

En attendant de te revoir, mon cher Charles, je t’embrasse cordialement, ton bon papa.

Alfred Grisel. (*)

 

(*) : Alfred GRISEL est le beau-père de Charles DEVANT

 

 

7 octobre

Cette nuit marmitage des échelons 1er groupe. 22 chevaux tués. 7 blessés.

8 octobre

Rien de saillant. Du travail. Je ne puis pas sortir beaucoup. Sauf ces 2 derniers jours, voyage à Crouy à l’A.D.

Il pleut à torrents aujourd’hui.

15 octobre

Attendons toujours la préparation. Ne sommes pas encore à J-4. Rien de saillant.

J-4 : bombardements commencés ce matin.2 saucisses boches abattues. J’en ai vu une en flammes à 12 km. Etant dehors avec le commandant MALRAISON. Le 370, tiré sur les carrières de F. (Fruty) terres soulevées jusqu’à 150 m de hauteur.

KLAINE rentre de permission ce soir.

Soissons a été bombardé. 20 morts. Barral l’officier de la coopérative de la 28ième D.I.ne vient pas manger avec nous. Nous recevons quelques travailleurs du 140. (Dépôt divisionnaire) avec le sous-lieutenant Moireau que nous hébergeons.

La consommation prévue pour notre régiment pendant 4 jours de préparation et le jour de l’action est d’environ 100.000 coups au total. Sans compter les imprévus : barrages, coups de mains etc …soit pour 6 millions de francs environ.

Une pièce éclatée aujourd’hui à la 1ère.Il est à noter dans ces consommations que nous ne sommes qu’une petite unité, qu’il y a sans doute 8 ou 10 A.D. comme nous et de nombreuses artilleries lourdes et qu’enfin notre coup de canon coûte 60 francs ,celui de 155 coûte 220 francs, celui du 370 : 2700 francs.

J’ai calculé que les destructions,…en 155 seulement atteignent 7 millions (septembre) pour environ 31500 coups pour la division.

19 octobre

Aujourd’hui = J- 3.

On recule d’un jour le Jour. Temps pas fameux. Les réglages se font difficilement.

20 octobre

Nous sommes à J-2 car il y a eu 2 jours J-3.

La brume continue et nous empêche de faire les réglages. La 9ième et le 1er groupe ont été marmités avec des toxiques gaz moutarde.

22 octobre

Suis allé ce matin entendre la messe au P.C du 3ième groupe. Nous étions 6 présents sur un effectif de 2 P.C. c’est à dire 30 à 40 hommes. Demain Jour J.

Le bombardement continue très violent. Les boches réagissent sur les premières lignes. Je viens de voir les tanks prêts à partir. Font partie d’un groupe qui comprend 13 tanks. Vu « la Pieuvre ». Pas de volontaires. 1 officier, 7 hommes. 1 moteur à essence, 1 dynamo ou alternateur, 2 moteurs continu ou monophasé (130 amp-190 volts). D’où 2 puissances possibles.

P= 2x130x190x1, 4 = 35 chevaux - Ou  P= 2x130x190x racine carrée de 2 x 1,4= 48 chevaux - Chaque moteur attaque le Caterpillar droit ou gauche. Consommation 25 litres à l’heure. Vitesse 8 à 10 km maximum.

22 octobre

Soir 8 heures. L’attaque est fixée à demain matin à 5 heures 15 ! Nos fantassins sont confiants. Les destructions ont été bien faites. Seul le temps est nuageux, sombre, antipathique. La guigne !! Beaucoup vont partir. Combien ne reviendront plus. Triste question que chaque jour il faut se poser ! puisque chaque jour il en est  qui ne reviennent plus !

Le commandant Frechez du 140 est venu nous voir ce soir. Il est plein de confiance.

23 octobre

L’attaque a eu lieu ce matin à 5h15. Bons renseignements. Il est 8h30 et l’objectif est atteint. Des prisonniers viennent de défiler près de nous. En général jeunes et éreintés par 3 jours sans ravitaillement et sous le feu.

 

Prisonniers boches

Colonel Destezet est en 144 (2ième P.C) avec Vial comme liaison. Le maréchal-des-logis CezillY tué (*), 2 blessés (liaison avec Blunat en avant). 3 tanks sont arrivés en 1542. 2 pièces sautées depuis hier à 18 heures. 2 gonflées.

Nous avons une liaison sûre par Vial (fil téléphonique) avec colonel Destezet. C’est nous qui renseignons le général de division qui n’a pas de liaisons avec ses colonels et l’I.D qui n’en a pas non plus ! C’est énorme !! Leurs postes de T.S.F. ne fonctionnent sans doute pas !

Temps gris.

L’avion d’infanterie nous envoie quelques tuyaux par T.S.F. Un avion boche a été descendu près de Pont Rouge où se trouve l’A.D.

A droite nous tenons tranchée du Lézard. Troupes amies en 1947 dit l’avion. L’infanterie demande des modifications mais le général de division les refuse toutes ! Il faut marcher selon le programme.

 

(*) : Marcel Joseph Louis CEZILLY (4e bat.) tué le 24 à la ferme Mennejean. Voir sa fiche.

25 octobre

Bons résultats de l’attaque hier.

Ce matin nous essayons d’avancer. Les boches reculent derrière l’ailette dit-on. Nous poursuivons. Mais peu de troupes par ici malheureusement.

Suis allé hier sur les 1ères tranchées. Quel beau travail a été fait ! Les entonnoirs se touchent tous. Quelques tanks en panne. La route de Maubeuge est un véritable champ labouré.

Le commandant va faire citer SIBRE (*), Bidal, Vial. Peut-être aussi (Antoine) GUELFUCCI, parti hier à 5h30 du P.C. pour aller en 1ère ligne derrière les fantassins reconnaitre lieu central téléphonique.

 

(*) : Le sous-lieutenant SIBRE vient du 3e régiment d’artillerie de campagne (JMO 16/01/17)

25 octobre

soir- arrivé à 13 h à GB et à Sainte Blaise (*) où nous occupons le P.C. Sirot et où le colonel va nous rejoindre. Grande creute en partie effondrée par les boches, mais encore très vaste.

La poursuite continue. Les boches sont dit-on derrière le canal et l’Ailette. On aurait pris des batteries.

 

(*) : GB ??? St Blaise est une carrière de Nanteuil-la-Fosse (600 m au nord, chemin proche de la cote 148)

26 octobre

16h. Nous apprenons que Challamel vient d’être tué à l’observatoire où il se rendait sans mission. Un obus en plein sur lui. Déchiqueté affreusement. Nicoli, Devec, …qui étaient près de lui, n’ont par miracle rien reçu ! Toujours la fatalité, la guerre, ses rançons ! (*)

 

(*) : Pierre Armand Alexandre CHALLAMEL, sous-lieutenant au 2e régiment d’artillerie de campagne, mort pour la France le 26 octobre 1917 à Vaudesson (02). Voir sa fiche.

27 octobre

Aujourd’hui on décore SIBRE de la légion d’honneur, (Antoine) GUELFUCCI, VIAL,…de l’ordre de l’armée.

Suis allé aux carrières de Fruty. Belle démolition. On se stabilise devant l’ailette.

(Robert) Falque en reconnaissance au nord de Vauxaillon pour une section à placer ce soir. Pas de troupes derrière. Rien à faire pour poursuivre.

Pertes du 140ième  depuis 2 août 14 : 3000 hommes tués-1300 prisonniers. Il reste 2 officiers du début.

Hier les avions boches ont apporté des victuailles à leurs hommes, mais elles sont tombées chez nous !

28 octobre

Suis allé le matin dans Gobineaux. Beau travail. On aura peu de peine pour y faire du bois : les arbres sont coupés d’avance ! Le boche réagit un peu maintenant, sur route Maubeuge et sur premières lignes.

1er novembre

Sommes toujours creute St Blaise avec 1500 hommes. Aussi quelle atmosphère et quel chahut.

Je compte partir en permission après-demain 3 novembre et revenir le 19 par Soissons. Le commandant PICHOT remplacera le commandant MALRAISON, lequel remplacera le colonel FROMHEIM, lequel va en perme marier sa fille.

Rien de nouveau. On s’organise pour la défensive le long du canal. Nous avons appris les beaux succès des Italiens. 700 canons, 100000 prisonniers. Cela nous rapproche encore de la fin de la guerre !

14 novembre

En permission depuis le 3 novembre, date de mon départ du front. Retrouvé le soir Fifine à Paris. Passé journée du 4, ma fête à Paris.

Appris le 5 à 16 heures chez NOBLE la chute mortelle de mon frère Émile, tombé à Pau, de 1000 mètres, une aile brisée s’étant détachée ! Mort instantanée. Mes parents partis là-bas, le revoient, revoient sa figure écrasée, son corps brisé, et reviennent à Annecy le samedi suivant où nous allons les attendre avec Tante Marie. Le corps revient à Cluses le dimanche soir.

Enterrement le mardi, au milieu d’une foule recueillie et nombreuse.

J’ai 3 jours de prolongation. Jean repart samedi.

 

(*) : Maréchal des Logis Emile Hippolyte DEVANT. Voir sa fiche.   

 

 

       

Lettre envoyée à Charles par un camarade de son frère Émile, tué en avion

23 novembre

Arrivé hier au soir ici, à Châtenay(-en-France) où se trouve l’A.C., dans un joli château, appartenant à un capitaine d’artillerie. Passé à Paris, mangé chez BERTHELET. Pas vu NOBLE. Pas vu LUTAUD. Vu les Dubuis dont le père est presque ataxique.

25 novembre

À 14h30. Représentation du théâtre aux armées. Nous avons à déjeuner 5 des acteurs dont Vieuille de l’opéra-comique qui nous chante le cor et « Te souvient-il » ! d’A. Holmes.

Je reste avec KLAINE près de la cheminée pendant que tous partent à la représentation. Lamy mange avec nous, ainsi que le frère de (Antoine) GUELFUCCI. Je pense passer la journée de demain avec Jean à Saint-Just.

27 novembre

Suis allé passer la journée hier avec Jean (son frère) à Saint-Just. Y retournerai si je le puis. L’ai trouvé courageux et en bonne santé. Mangé tous deux au « Cheval Blanc ».

2 décembre

Suis allé hier et il y a 3 jours à Paris. Mangé avec Prélinski. Vu NOBLE, LUTAUD, toujours incertain  du succès. Rencontré Bullier sur le boulevard. La 1ère fois ai passé la matinée à Paris et soirée à Saint-Just où suis allé rejoindre Jean.

5 décembre

De St -Just où je passe la journée avec Jean.

Hier on a fêté la Ste Barbe. Grand repas où assistaient FROMHEIM, Fly Ste Marie, Roy, et 4 actrices du théâtre aux armées.

N’ai pas assisté à la représentation qui s’est terminée à 3 heures du matin ; je dormais bien à cette heure-là et j’ai quitté mon lit à 6 heures pour aller prendre le train.

Retrouvé Jean en bonne santé. Mangé à sa popote.

KLAINE est en perme de 3 jours pour naissance d’un bébé. MOLLIN en perme régulière. Le commandant a été nommé hier lieutenant-colonel. Grange veut à tout prix quitter l’A.D./27. Il a écrit dans ce but une lettre à FROMHEIM.

On continue à chasser dans le parc. Hier faisan. Il y a quelques jours lièvre, mais il ne valait pas celui que maman m’a fait manger à la dernière permission.

6 décembre

Suis allé hier à St-Just passer journée avec Jean. Bonne santé. Bonne journée. Bruits de départ pour demain ou après-demain. Direction inconnue.

8 décembre

Quittons ce matin le château et le village de Chatenay. Le colonel a tué hier un lièvre, KLAINE un lapin.  Nous allons région de Nanteuil-le-Haudouin, E.M. et 1er groupe Versigny, 2ième Baron, 3ième Montlognon. Suis allé hier reconnaître ces villages. Bon accueil des habitants.

Aujourd’hui temps de brouillard. Partons en auto à 9 heures ainsi que les colonnes.

9 décembre

Sommes arrivés hier ici à Versigny où logeons au château du comte de Kersaint avec vieux donjon. Date de renaissance. Payé hier popote pour mois de novembre 49+19= 70 francs pour 2+8= 10 jours.

Pluie, mauvais temps. Partons demain pour région de Crépy-en-Valois où je suis allé hier en reconnaissance. Reçu par le colonel Lyautey, frère du général, qui est là-bas major du cantonnement.

Avons visité cet après-midi les chambres principales du château. Remarqué des marbres, des tapisseries, le lit de Mme la comtesse et un canapé au salon. Beaucoup de jolies petites gravures anciennes notamment Loti Filias. Le colonel attend sa permission, qui est chez le général.

Reçois lettres Cluses. Josie a mal au cœur. Attend bébé. Pris 3 photos du château avec (Robert Antoine) Falque.

Commandant GRÉBUS évacué il y a un mois pour entorse n’est pas encore revenu. Est toujours à Céret.

10 décembre

Cantonnons aujourd’hui à Crépy-en-Valois et environs. Sommes dans un château dont le propriétaire capitaine a été tué à la guerre à Dixmude. Suis allé en reconnaissance à Trosly-Breuil, avec Falque.

Toujours mauvais temps ou plutôt toujours le froid. On gèle dans ces grandes pièces où l’on ne peut faire que du feu à la cheminée. Colin notre cycliste, se brûle la figure avec bidon carbure qui explose (bougie). Évacué.

11 décembre

Arrivons à Trosly-Breuil. Logeons au Val Fleuri où nous avons déjà logé il y a 6 mois. Il fait froid.

Avons vu en passant le château de Pierrefonds, magnifique, style renaissance.

Rien de saillant tous ces jours. L’hiver arrive sérieusement.

14 décembre

8h30 soir. Toujours à Trosly. Le colonel est en permission depuis 3 jours. JACQUOT le remplace. En ce moment tous les 4 font la manille dans la salle à manger. MOLLIN rentre ce soir de permission.

On discute à table sur les parents qui, par relations financières ou autres, font revenir leur fils prisonnier d’Allemagne en Suisse. On les condamne ! Mais comme je les excuse ! L’inégalité et l’injustice ne règnent-elles pas en maitre partout.

Grange prend ce matin la 5ième. Puis bientôt la 8ième. Il quitte l’AD/27 où il est remplacé par Meunier. Genin reviendrait à la 5ième.

15 décembre

Cantonnons à Villers-Cotterêts où sommes mal logés, mal reçus. Ordre de départ arrivé hier à minuit.

16 décembre

Cantonnons à Marolles près de la Ferté-Milon. Sommes bien. Bon bureau d’étapes à Ferté-Milon.

Les ordres de départ sont arrivés hier à 10h du soir. Le commandant JACQUOT commande tous les éléments montés de la division (PAD-CVAD-santé). Première neige ce soir à 17 heures.

17 décembre

Cantonnons aujourd’hui à Essômes près de Château-Thierry où je suis allé avec le commandant JACQUOT. Vu sa grand-mère (94 ans).

Maison de La Fontaine. Maison de Lermite le peintre connu, et usine où un aviateur venait d’atterrir et d’être carbonisé il y a 2 jours. Eté à Crézancy.

18 décembre

Cantonnons aujourd’hui et demain  à Crézancy (11 km de Château-Thierry).Gens aimables nous recevant bien en général. Je suis logé chez l’institutrice. Ces 2 derniers cantonnements sont parfaits soit comme gens soit comme officiers majors de zones. Il n’en est pas de même pour tous. A Villers-Cotterêts nous fûmes mal reçus.

Un gamin dans une librairie essaye de me voler 10 sous. Ça n’a pas pris heureusement ! Et je suis allé le dénoncer à la gendarmerie. Le commandant JACQUOT commande toujours.

19 décembre

Cantonnons ici aujourd’hui encore. (Antoine) GUELFUCCI est à Paris pour la journée.  (Robert) Falque s’occupe de classer les cartes dans leur boîte.

20 décembre

Cantonnons à Orbais l’abbaye dans la Brie. Major de zone très intéressant et très gentil. Commandant au 1er zouave : Boudehaut. Bien logés au château à 1200 m du village.

21 décembre

Arrivons aujourd’hui à 9h30 à Etoges où nous restons un jour. Sommes dans une bonne popote chez la belle-mère d’un médecin de Paris, Cunéat, qui a laissé ici beaucoup de photos d’Ostende etc…

23 décembre

Arrivons à Lhuitre.  Dans le bled absolu où nous logeons.

Hier à Fère-Champenoise. Il y a 3 jours à Orbais, dont le major de cantonnement nous citait une épitaphe très curieuse d’une vieille dame du moyen âge : 

« Ici repose en une paix profonde, Une dame de volupté, qui pour plus de sûreté, fit son paradis en ce monde. » (*)

 

(*) : Cette épitaphe dont l’origine serait de Marie-Françoise-Catherine de Beauvau, marquise de Boufflers, se retrouve sur beaucoup de sépultures en France.

26 décembre

Toujours à Lhuitre, aménageons le cantonnement. Hier le feu prend dans une écurie à St Nabord. 6 chevaux asphyxiés. Le commandant quitte ce soir l’A.C. Colonel rentre ce soir. Hier noël. Triste. Pas de messe de minuit.

27 décembre

Colonel rentré hier de permission. Suis allé à Arcis-sur-Aube attendre avec le commandant JACQUOT. Ai conduit la De Dion à l’aller et au retour. Commandant JACQUOT a rejoint Torcy-le-Grand. Vais bien. Il fait froid toujours.

1918 : Alsace – Belfort – Flandres françaises et belges

1er janvier

Grosse neige ce matin. Bien commencé l’année. Manœuvre demain au camp St Tanche.

Colonel FROMHEIM évacué à Arcis-sur-Aube pour une bronchite.

3 janvier

Payé hier popote 190 francs pour mois décembre, y compris 25 pour Ste Barbe.

Ce matin – 21° dehors. Il n’avait pas encore fait aussi froid. Rien de nouveau. Grangé part au cours de tir.

6 janvier

Ce soir fête du 75ième R.I. ! Je n’irai pas.

GOURAUD, général commandant 4ième armée, y assistera, dit-on. On parle de bruits de départ : le 10 pour Lure et l’Alsace. Le froid diminue un peu. Dans la lettre n° 31, je demande à ma femme d’appeler l’enfant qui viendra : Émile ou Juliette. Je lui annonce départ de Julien pour Lure.

7 janvier

Aujourd’hui pluie qui fait fondre toute la neige. On a 4° dans la journée. Le lieutenant Mahul (Central 14) arrive au régiment.

Hier séance du 75 très réussie.

8 janvier

Aujourd’hui la neige retombe. Toute la plaine est blanche. Manœuvre à 11 heures avec le 52ième R.I. Bruits de départ se confirment pour le 10 et le 11.

9 janvier

Embarquons le 11 à 9h30 et à Sommesous. Voyageons avec 2ième batterie. Train comporte 17 trucs, 2 fourgons, 1 wagon à voyageurs, 30 wagons couverts.

10 janvier

Sommes à Fougerolles joli petit pays, riche, accueillant, où les gens ne savent comment faire plaisir. Suis venu en auto  depuis Lhuitre par étapes.

Au départ avons failli être tous écrasés, à la descente sur une route verglacée et sur laquelle il avait plu. L’auto a fait un tête à queue complet. Un coup de volant heureux, l’envolée dans le fossé, d’où un cheval l’a retirée.

Puis passage à Bar-sur-Aube où nous mangeons.

A Chaumont, où je ne puis m’arrêter. A Bourbonne, où nous arrivons à 6 heures le soir et où nous couchons et mangeons avec l’E.M.de la division. Passé en auto dans un chemin où nous sommes descendus 8 ou 10 fois pour pousser la voiture.

 

Arrivé le 11 à Luxeuil où séjourne la division. Acheté là de la dentelle chez Mme Saint, femme d’un professeur de Chaumont qui connaissait les JACQUOT, les Humbert, les Bardon et avait mangé en compagnie de Ninette à Chaumont. Quel hasard 

Arrivé enfin à Fougerolles, où j’ai pris 3 repas pantagruéliques et fameux chez le père Ruhlmann, hôtel du Commerce. KLAINE arrive aujourd’hui à 14h. Il était parti hier à 11 heures de Lhuitre.

15 janvier

Partons demain pour la région de Quers-Citers. Serons le 23 dans celle de Chevremont 6 km est de Belfort. Passé soirée hier chez Mr Grandgérard, route de Luxeuil. Possède 2 beaux bull dogs blancs de France (3 couleurs, pas noirs complètement, mais noir roussi près de la tête. Tout le reste blanc. Dents non apparentes. Petite langue. Pattes droites très râblées) Possède aussi un P…qu’il manie assez bien. Vit avec sa femme et sa belle-sœur. 40 ans environ. Fils unique. N’a pas d’enfants et n’en veut pas, car il n’aime pas les bébés et trouve que c’est encombrant.

Je lui ai dit que tout cela était anormal. Je n’ai pas osé lui ajouter que c’était égoïste et que ça me dégoutait. Je ne m’étonne pas que les 2 bulls couchent dans les lits mêmes de Mr et Mme. Quand on n’a pas d’enfants…

17 janvier

Arrivés ce matin à Clairegoutte sud-est de Lure, où nous cantonnons (AC+2 batteries). Fait hier reconnaissance en auto avec le commandant JACQUOT. Panne de 3 heures, l’auto ayant glissé par suite du dégel et de la glace. Paysans, chevaux bœufs, leviers, tout a été essayé. On y est arrivé tout de même à la sortir. Ici très bien reçus à Citers où nous avons cantonné hier. Bonne chambre.

Ici tout le pays est protestant. Il y a un pasteur et un temple. C’est curieux.

20 janvier

Suis allé en reconnaissance au sud de Belfort pour les cantonnements.

21 janvier

Partons aujourd’hui de Clairegoutte pour Meroux au S.E. de Belfort.

23 janvier

Sommes à Méroux. Relevons la 70ième division dans 2 jours. Aurons notre P.C. à Traubach-le-Haut.

Ecrit hier à papa pour 2 spécialistes à consulter. Panne de 2 heures ce matin en auto près de Novillard. Le commandant JACQUOT commande toujours l’A.C., FROMHEIM rentrant après-demain. On commence à organiser les groupes d’après nouveaux principes. Le 1er groupe a terminé son organisation.

24 janvier

Grand beau temps aujourd’hui. On se croirait au printemps. On se promène tête nue dehors. Il fait bon au soleil. Nous partons après demain pour le secteur (Traubach-le-Bas).

27 janvier

Arrivés hier à Traubach-le-Haut. Visité un observatoire (52).

Eté ce matin à la messe. Entendu le sermon en 2 langues (allemand et français). Messe très suivie par toute la population, ainsi que les vêpres à 13 heures. Service religieux parfait, ordre, méthode. Grande attention de tous. On ne rentre jamais pendant le sermon : le curé crierait ! Les chants sont chantés plus rapidement. Les autels sont très ornés, peut-être même trop. Au fond sur un vitrail, le vieux bon dieu très barbu. Ici les gens parlent tous leur dialecte. Ils se tiennent en général avec nous sur une sage réserve, nous aussi. Il y a une sorte de méfiance de part et d’autre et c’est inévitable. Qui peut dire que les boches ne seront pas là dans 3 jours !! Et puis les langues ne sont pas les mêmes. Tout cela finit par créer une atmosphère spéciale.

 

Maisons construites suivant le modèle classique alsacien : pans de bois à 2 étages, parfois même à trois. Avant-toits, cheminées. On couche dans des lits de plume comme ceux de Lorraine. Il n’y a pas de draps comme en Savoie ou ailleurs en France, mais une sorte de grand édredon doublé d’une toile blanche formant drap. Nous avons relevé ici le 208ième artillerie de l’A.C.D./70. Colonel Solante. Capitaine Bertholin. 2 camarades Roux (16) et Bair (14). Rencontré ce brave Rulland que je n’avais pas vu depuis 4 ans.

30 janvier

Le froid est revenu. Temps gris avec beaucoup de brume. Je me suis enrhumé. J’attends réponse de CAILLES au sujet de ma demande pour la radiotélégraphie où je désire entrer si cela est possible. Car j’ai l’impression de ne pas rendre ici tous les services que je puis rendre. Je suis ici, un paperassier confectionneur de beaux schémas et c’est tout.

Le colonel a en main toute la question tactique et fait beaucoup lui-même. J’ai peu d’initiative. J’ai l’impression de n’être qu’un rouage de transmission. Je crois pouvoir mieux faire. De plus je remplis la fonction de capitaine sans en avoir les galons, c’est-à-dire l’autorité et la responsabilité. Cela me désavantage auprès des camarades ; bref je m’ennuie là où je suis et d’une façon comme de l’autre je vais chercher à en partir.

Le colonel est certes aimable pour tous. Il l’est beaucoup pour GUELFUCCI, tous le savent. Malgré son amabilité et son bon caractère, le mien semble peu lui plaire. Je suis taciturne, renfermé. Je me dépense peu en dehors du service. Je ris assez rarement. Je ne fume pas. Je ne joue pas aux cartes. Je n’aime pas les fêtes, je traîne comme un boulet cette obligation d’être en guerre ; je ne m’amuse pas à la guerre, et ce qui parait naturel aux uns comme de sabler du champagne dans un gueuleton, me semble odieux et pas de saison. Je songe que trop de malheureux souffrent et que l’argent pourrait être mieux placé. Tous ces traits dominants de mon caractère font que tous les camarades ou supérieurs ne s’accommodent pas forcément de moi (bien que je me croie en général sympathique : Rulland, JACQUOT, CHAVELET, CAILLES, Meunier, Lunel, Charvet etc…)

Le colonel est de ceux qui me reconnaissent peut-être des qualités de travail et de sérieux, mais qui apprécient peu mes façons de voir et de comprendre les choses. J’ai pour cela l’impression de ne pas être «  bien dans sa manche », si je puis dire. Il est hors de doute qu’il aimerait mieux un adjoint ayant mes qualités de sérieux au travail et les qualités de façon de vivre de GUELFUCCI par exemple.

 

Tout cela fait que je ne me sens pas à l’aise dans cette atmosphère, autant que je le désire, autant que je le serais par exemple avec JACQUOT ou CHAVELET. Certaines choses ne m’ont pas plu : affaire GROSJEAN pour Senlis, palme GUELFUCCI pour l’Aisne, etc…chauffeur Nicoletta.

Je serais heureux de changer et de me rendre plus utile.

2 février

Suis allé hier avec Meunier visiter quelques batteries  2-4-5-6 2ième groupe -7.

Meunier nous quitte demain pour aller au cours de Senlis. GROSJEAN évincé !

Vu Lamy. Toujours le même ! On ne sait jamais s’il parle pour rire, ou sérieusement. M’a-t-il posé des questions il y a un an sur Barnet, pour savoir ce que j’en pensais. Il est fiancé presque officiellement et déjà pense à l’ameublement, si cher hélas ! Avec 40.000 francs on s’en tire à peine…

Comme cela sent les B…et le parvenu !...

13 février

Viens de voir Piguet à l’EMR -14. Vu aussi Blaise de Cluses. Pas revu depuis 2 ans.

Pluie aujourd’hui après 7 ou 8 jours de grand beau temps. J’apprends la mort de Vigroux, lieutenant au 416, ancien instituteur d’Émile. (*)

Avant-hier les boches incendient 2 saucisses. Les observateurs sautent en parachute sans aucun mal. J’apprends il y a 3 jours par papa qu’Aussedat s’occupe de me rappeler à l’usine où il aura besoin de moi.

Nous avons reçu hier une motocyclette. Colin la conduira.

Vu hier Charvet, toujours brave garçon. Chambard, qui est venu déjeuner avec nous le 10, toujours à l’escadrille. KLAINE rentre de perme le 17. J’espère partir le 18.

 

(*) : Lt Paul Hilaire VIGROUX tué le 18 janvier à Clastres. Voir sa fiche

15 février

La permission approche. Je compte toujours partir le 18, m’arrêter à Annecy pour y voir Aussedat et essayer d’avoir des tuyaux sur mon rappel possible à l’arrière.

Rien de nouveau par ici. Les civils sont très réservés, et surtout parlent mal le français, ce qui rend les contacts peu agréables. Mentalité spéciale. Ils ont tout du boche. Chaque dimanche soir, cantiques chantés en chœur par la famille et les amis qui viennent veiller. Chants très lents, endormeurs, rappelant ceux du boche. Cependant ne sont pas boches en général et paraissent aimer les français.

Beaucoup d’anciens immigrés dont il faut se méfier. Cécile, Lina, Elisabeth sont des noms de jeune fille.

 

Peu de travail intéressant pour nous. Beaucoup de papiers, d’ennuis pour des mesquineries. On compte les coups boches ; on compte les rondins remués en un jour à une position etc …Ce n’est pas la guerre ! C’est la paperasse.

Avons touché de nouveaux masques, analogues au masque boche (comme par hasard avant on s’était tant moqué !). Ils sont très bons paraît-il.

17 février

Je pars demain.

Je viens de télégraphier par Dannemarie (autorisation chef de corps + celle major de place).

Le froid est revenu très dur, mais beau temps.

Hier j’ai pris une douche aux échelons 2ième batterie. Bonne installation. Je suis invité à 2ième batterie où je mangerai avec CAILLES qui s’est invité lui aussi.

Je pars avec plaisir demain. Jamais je n’ai tant attendu une permission. Je compte peu sur mon rappel à l’arrière. C’est difficile et je crains que la demande ne soit pas rédigée avec assez d’insistance par Aussedat. Certes, si cela réussissait, quel changement dans ma vie ! Comme je serais heureux de me remettre au travail, à un travail véritable, dont les effets sont palpables tandis qu’ici, cette paperasserie…

26 février

En permission depuis le 23. Je vote pour 3 délégués de promotion : Bodin, Calmels, Jacobson.

 

 

 

 Croix de guerre de Charles                          Février 1918 - Alfred à  son cher papa

5 mars

Suis rentré hier de permission. Retard de trains, petits accidents, mais bon voyage. Parti par train permissionnaire, chauffé, avec garde, express etc. .marchant bien. Ai trouvé ici Masson retour de l’intérieur et affecté à l’AD/27 avec CAILLES.

Ici, rien de changé depuis 15 jours. Toujours la même vie, sauf que le boche est un peu plus excité et lance beaucoup de toxiques (40 à 50 évacués pour le régiment en 2 jours). Le commandant JACQUOT est parti en Italie commander le 202ième.

Lefèvre prisonnier pendant 3 ans et revenu en France, est cité à l’ordre de l’armée. Il était agent de liaison du colonel avec le 3ième groupe. Un nouveau commandant (qui est capitaine) est arrivé au 3ième groupe.

8 mars

Le colonel part en perme aujourd’hui. Le commandant PICHOT le remplace. Rien de nouveau.

Le temps se met au beau. Je fais connaissance avec Grandrue le lieutenant, chef du service auto de la 27ième DI, camarade d’Ostermeyer chef des autos sanitaires américaines, lequel est un ancien Centrale et habite l’Amérique.

9 mars

Ai vu Blaise aujourd’hui. Toujours le beau temps.

Rien de neuf sauf qu’on parle de notre départ prochain.

10 mars

Souvent j’ai dit que la vie d’officier dans une batterie n’était que peu intéressante moralement pour 1 officier de mon âge parce qu’on avait comme lieutenant de tout jeunes gens (20 à 22 ans) aspirants ou autres.

C’est ce qui se passe un peu ici , où mes camarades (Robert) Falque et (Antoine) GUELFUCCI sont charmants mais combien jeunes , ignorants de la vie pratique et n’ayant que peu connu la vie de simple soldat ! Ils tutoient tous les hommes.

C’est chic paraît-il. Ils ne se rendent pas compte que s’ils n’avaient pas leur galon et s’ils avaient affaire à des civils ouvriers ou autres, ils ne pourraient pas les tutoyer longtemps. Ils arrivent au bureau entre 9h30 et 10h alors que le colonel et moi y sommes depuis 8 heures tous les matins (tout comme lorsque j’étais à l’usine).

Parfois même (Antoine) GUELFUCCI n’est pas levé à midi ! Là encore, s’ils étaient dans le civil ou même à leur compte ils ne continueraient pas longtemps. Il n’y a que le métier militaire qui laisse de tels loisirs !

Encore faut-il que MALRAISON ferme les yeux, ce que n’aurait pas fait CHAVELET. Je cite pour mémoire, la façon luxueuse dont GUELFUCCI dirige notre popote. On arrive à payer 180 à 200 francs de popote par mois, alors qu’on achète à l’état la plupart des choses chères et à bas prix (sucre 1,50 le kg). Mais il est vrai qu’on mange parfois des boîtes de pâté de foie à 18 francs la boîte dont deux servent à peine à satisfaire nos appétits quand nous sommes 8 ou 10 c’est à dire quand nous avons 4 ou 5 invités. Je ne parle pas non plus des bouteilles de champagne !

ces jeunes ne connaissent pas le prix de l’argent, ni ne savent quel triste exemple c’est pour les hommes, dont quelques-uns ont tant à souffrir de la guerre. Cependant très gentils garçons tous, mais jeunes !

 

12 mars

On a demandé des noms de lieutenant aptes à commander une batterie et n’ayant pas encore de commandement. Le commandant PICHOT a désigné Choisy et GUELFUCCI. Il ne m’a pas désigné parce que je lui ai dit que je préférais ne pas être désigné et parce que le colonel MALRAISON préférait me garder.

Puis hier FROMHEIM est venu et a paru étonné que PICHOT ne m’ait pas désigné. Il lui a dit : 

             « J’ai désigné Devant ! »

 

Finalement j’ai su que non, heureusement, car cela m’exposait à quitter le régiment d’un jour à l’autre et à quitter MALRAISON sans qu’il l’ait voulu. Toujours le même, ce FROMHEIM.

A part cela rien de nouveau. Apparition du commandant Bourboulon qu’on avait rencontré devant St Quentin à la carrière Pouyat.

Le beau temps continue.

17 mars

Suis allé hier à Belfort faire quelques achats. Tenue sera prête samedi, comme c’est long ! Arrivée de Philippe retour de Fontainebleau.

Payé popote pour la quinzaine = 76 francs 30.

19 mars

Aujourd’hui fête de ma femme. Suis allé hier au 3ième groupe aux observatoires 69 et en 70 celui de 1ère ligne. On va à cheval jusqu’aux premières tranchées. Les petits postes sont à peine occupés tant le secteur est tranquille.

Beau temps continu. On se croirait au mois de juin. Piguet est venu avant-hier faire un petit tour à Traubach ! Blaise travaille toujours à ma lampe !

21 mars

La 5ième batterie a subi avant-hier un sérieux tir de destruction. J’y suis allé hier pour me rendre compte. J’ai vu de nombreux trous 150 et 210. Beaucoup de taupiers qui pénètrent à 4 ou 5 mètres sous terre. 2 abris défoncés, 3 plateformes volatilisées. Heureusement que Trillon qui commande provisoirement la batterie avait fait évacuer cette position pour aller à celle de rechange.

Terrisse lieutenant du train vient faire un stage à la 2ième  batterie.

Le beau temps continue.  Le colonel rentre ce soir de permission. (Robert) Falque part demain 22.

25 mars

Grosses nouvelles ces derniers jours, avance des boches sur le front anglais. Ils ont repris Ham, Péronne, Chauny. Ils ont bombardé Paris avec une pièce tirant à plus de 100 km ! Quel bluff. Mais leur avance est une chose plus sérieuse.

 

Hier dimanche le 52ième a donné un concert avec sa fanfare. Il a commencé à la sortie de vêpres à 2h30 du soir. Choses curieuse et remarquée : pas un civil ni homme ni femme pour l’écouter. Tous sont sortis de l’église en rangs serrés et se sont réfugiés chez eux. Ces gens-là se méfient encore du boche. Il est resté ici des suspects, des espions même, puisqu’on a vu un chien porter des plis de Burnhaupt, qui est boche, à Soppe qui est dans nos lignes. Et les gens ont peur de se compromettre car ils craignent un retour du boche.

Premier aveu hélas de notre impuissance. Et pis nous ne savons pas les prendre. Ces gens-là sont catholiques d’abord, alsaciens ensuite.  Tous vont à la messe. On compterait ceux qui n’y vont pas et s’il y en avait et le curé les stigmatiserait en chaire. Avec quel recueillement ils ont porté hier à l’église le bouquet de buis  enguirlandé de rubans et porté au sommet d’un bâton ! Avec quelle ferveur ils suivent l’office, écoutent le sermon, interdisent l’entrée ou la sortie quand le prêtre parle !Il

eût fallu que nous tenions compte de tout cela, que nous sacrifions un peu à nos idées démocratiques et sociales et que nous organisions à l’église des services officiels où seraient commandés des officiers, des chanteurs ; il faudrait, pour nous attacher ces gens-là, que nous les comprenions, que nous prenions en considération leurs croyances etc. Nous n’en faisons rien.

C’est une des raisons pour lesquelles nous leur sommes indifférents.

 

Le boche continue à avancer vers Chauny-Noyon. Il a pris Guiscard, Ham, Nesle, pays où nous étions il y a un an. Qui aurait supposé un tel retour des choses ? Quel tour nous ont joué les Russes ! Et qui peut dire où cela nous mène.

27 mars

l’I.D. s’en va aujourd’hui et va à Soppe-le-Haut.

29 mars

Nous allons nous installer ce matin à Soppe-le-Haut.  Je conduis la De Dion car un des chauffeurs est malade, l’autre en permission.

Pluie aujourd’hui. J’espère aller demain, à Lure, passer un examen pour être reçu officier radiotélégraphiste et être attaché à une D.I. ou à une escadrille. Grosse importance pour moi de la réussite. C’est tout un changement de situation, une préparation à ma vie d’ingénieur etc

Je pense que ça collera. Je me suis recommandé à ce brave ami CAILLES qui téléphonera au C.A. à Puisieux et à l’armée à Pélissier. Déjà un malentendu avait surgi à la D.I. qui n’avait pas transmis mon nom. CAILLES a rattrapé la chose. J’attends donc impatient.

 

Aujourd’hui vendredi saint : les gens vont aux offices du matin, du soir hier et demain. Avec quelle ferveur. Pas un absent dans le village. Ca n’est pas comme à la musique dimanche où pas un n’assistait.

31 mars

Suis allé à Lure. Rien  de fait. Toutes les permissions sont suspendus. Toutes les propositions sont annulées. Je reste où je suis.

1er avril

Beaucoup d’officiers détachés reviennent.  Tous seront d’ailleurs bientôt rentrés. Meunier arrive. Valette aussi ! Didelet demande à revenir.

GUELFUCCI m’a fait un tour de 1er avril en m’envoyant mon affectation come officier radio, tapée à la machine. La farce m’a vexé un peu. Je ne le lui ai pas caché. Il l’a regretté je crois.

Nouvelles meilleures du front de bataille. Nous gardons bon espoir comme aux premiers jours. Le boche ne passera pas. La pièce à longue portée continue à bombarder Paris. 75 morts hier à l’église St Gervais qui a été éventrée. (*)

J’ai touché ce mois 589 francs de solde car j’avais un rappel depuis le 1er juillet 17 à cause d’un enfant.

 

(*) : Bilan officiel d’alors, ré-estimé ultérieurement à 91 ou 93 morts.

3 avril

Ce matin Mr Schlumberger, l’officier interprète alsacien (de Mulhouse), interroge un prisonnier boche évadé du camp de Lure et qu’on a retrouvé en 1ère ligne dans les fils de fer. Je prends une photo du pauvre bougre, lamentable devant tous ceux qui l’interrogent et lui signifient que le boche est un tueur d’enfants. C’est pourtant exact ! Mais c’est égal, celui qui d’en haut nous voit peut-être, doit penser que l’humanité est encore tombé bas ! O ! Civilisation !

Beau temps aujourd’hui. J’attends Masson qui dit venir voir des observatoires avec moi. MOLLIN ira à Retzwiller voir si mes bottes sont terminées. (Robert) Falque rentre demain.

5 avril

Lisons toujours avec intérêt les communiqués qui nous arrivent par radio (boche et français). Voyons souvent les officiers de l’I.D.. Melchior en particulier, toujours nerveux et qui n’aime pas beaucoup Aumoët.

Sommes bien logés ici. J’ai ma chambre au-dessus du bureau, près de la chambre bureau de GUELFUCCI. Les gens paraissent plus sympathiques qu’à Traubach, moins méfiants, moins bochisés ! A Traubach, Cécile, la fille de la popote, a demandé à Ligozat, si les boches n’étaient pas à Paris : parce qu’avec les boches elle payerait moins d’impôts qu’avec les Français. .

Pas de nouvelles de Jean depuis quelques jours. Son corps d’armée a été engagé dans la Somme prés de Moreuil sans doute. Mauvais temps toujours. Suis allé avec Masson aux observatoires avant-hier. Ce brave petit père ne s’entend pas du tout avec FROMHEIM qui le terrorise !

9 avril

Suis allé hier à Lutran, voir Jean qui venait d’arriver de la Somme avec le 31ième infanterie et son régiment (10ième division). Heureux de nous retrouver sur ce front d’Alsace après 4 mois

Avons parlé de la famille. Jean est très bien portant : c’est ce qui m’a fait le plus plaisir. Le grand air, le mouvement lui ont fait grand bien. Sommes allés ensemble à Retzwiller où je réglais mes bottes, puis à Montreux Vieux où j’ai téléphoné au colonel.

J’ai eu quelques tuyaux sur la retraite de la Somme. Ces messieurs (E.M. du colonel) avaient invité Jean à déjeuner avec eux. Mais voyant que je repartais à 7h soir pour faire 20 km à cheval, ils n’ont jamais eu l’idée de m’inviter avec lui. Comme on peut gaffer à tout âge et en toute circonstance.

 

14 heures : J’essaye d’obtenir la permutation entre Jean et Perret qui est au 52ième R.I. Je remue ciel et terre pour cela mais en vain. Perret ne veut pas se décider. Tant pis. Mais il faut se consoler, on ne peut pas tout avoir.

10 avril

Nous avons 3 Américains à déjeuner aujourd’hui.

12 avril

Suis allé hier à Gommersdorf près Dannemarie revoir Jean. Passé 8 heures avec lui. Mangé ensemble au café de l’Ange à Dannemarie. Heureux de nous retrouver. Toujours en bonne santé et bon moral.

Sommes relevés demain ou après par la 9ième division (conjuguée de la 10ième) c’est-à-dire par le 30ième artillerie (la 10ième D.I. est appuyée par le 13ième artillerie).

14 avril

Sommes relevés hier et aujourd’hui par le 30ième d’artillerie de la 9ième division(5ième corps). Général Gamelin qui était avant la guerre commandant des 11ièmes chasseurs à Annecy.

Suis allé hier en reconnaissance à Vézelois où nous irons cantonner demain. Ai pu passer vers Jean à Manspach et compte aller demain coucher près de lui et passer la matinée avec lui.

Ai photographié ce matin une jeune fille de Soppe en alsacienne (auberge du Soleil).

Nous embarquerons un de ces jours et il est probable que nous irons dans la Somme, pour débarquer à Marseille-le-Petit.

15 avril

Je reste seul ici. Le colonel pari ce matin en passant par Massevaux pour le visiter. J’ai photographié ici une alsacienne costumée au soleil. (café de Soppe-le-Haut).

 

 

Groupe d’Alsaciens

16 avril

Ai couché ici à Manspach à l’infirmerie 31ième R.I., où est Jean. Rejoindrai les camarades ce soir à Vézelois.

17 avril

Sommes à Vézelois avec 1er groupe.

22 avril

Toujours à Vézelois. Allons cet après-midi (colonel et moi) en reconnaissance près de Retzwiller pour un exercice d’alerte. Commandant PICHOT nommé à T.D. hier.

23 avril

Partons ce soir en chemin de fer avec 48 heures de voyage.

 

 

                 Territoriaux GVC : Gardes des voies de communications

 

         

Le wagon des officiers du groupe de Charles DEVANT

 

Direction inconnue sans doute Dunkerque. J’étais logé au 41 à Vézelois avec GUELFUCCI. Un portemonnaie a été perdu par le propriétaire qui a accusé de suite hommes et officiers, disant que le boche ne ferait pas mieux.

Une heure après, le portemonnaie était retrouvé inopinément par un homme de la 2ième batterie. Le propriétaire n’a jamais voulu faire d’excuses. D’ailleurs il paraît qu’à Vézelois on n’aime pas la troupe, ni les hommes ni les officiers.

Nous avions la popote au 44 chez Mr Schwartmann ancien capitaine très aimable. Très bien reçu chez ces braves gens.

Embarquons ce soir à 22 heures.

25 avril

13 heures. Passons en ce moment à Aumale sur la ligne Paris-Le Tréport. Allons débarquer près de Dunkerque où nous arriverons demain sans doute, après 55 heures de voyage. Le plus long de la guerre et de ma vie. (*)

Avons pris la ligne d’Aboncourt, la seule qui marche puisque celle d’Amiens-Paris est sous le feu des boches. Avons croisé en gare d’Aboncourt des trains sanitaires (du 54ième, blessés avec lieutenant Lignon tué, près de Bailleul. (**)

Trains de réfugiés. Lamentable spectacle de vieux, de vieilles, d’enfants. Croisé aussi un train emmenant la clientèle d’un asile d’aliénés, vieux, vieilles aux yeux hagards. Quelle triste chose la guerre et comme ceux qui ne l’ont pas vécue sont loin de se l’imaginer.

 

(*) : Il le savait déjà ?

(**) : Lt Joseph Marius Lignon tué le 18 avril au combat de Locre en Belgique (5km de Bailleul). Voir sa fiche.

26 avril

6h du matin. Arrivons à Bergues au sud de Dunkerque.

Après un déraillement à la sortie de Dunkerque où nous l’avons échappé belle ! Tout le milieu du train a été arraché d’une voie sur l’autre. Le déraillement s’est arrêté juste à notre wagon. Nous n’avons rien senti. Dégâts matériels.

Temps brumeux aujourd’hui. On nous dit que la 28ième D.I. est engagée fortement.

26 avril

15h. Sommes arrivés à midi à West-Cappel où nous sommes logés dans un très joli château plein de vieilles choses. Gens aimables. Bonne sœur, encore jeune et mondaine. Parc et pièce d’eau autour de la bâtisse.

Vu le pays belge, plantation de houblons, longues routes droites, terrains humides, fermes coquettes  et très propres à l’intérieur comme en Hollande. Avons débarqué ce matin à Rousbrugges en Belgique !

29 avril

10h. Cantonnons à Oudzeele après reconnaissance près de Boeschepe, qui est bombardé avec du 210 et 280 canon.

Repartons à 10h pour Herzeele où nous allons bivouaquer.

30 avril

10 heures. Avons cantonné ici. Situation améliorée. On tient Locre.

Avons dormi quelques heures cette nuit. Tout va bien. Eté hier au Mont des Cats pour observatoire.

Payé popote avril 200 francs.

1er mai

Venons cantonner ce soir dans une ferme à l’est d’Oudzeele. Irons demain en reconnaissance. Relevons à partir du 2 mai la 34ième division devant Dranoutre. Rien de nouveau.

Spectacle quotidien des Anglais ; toujours propres, rasés, astiqués ; pas vu un seul avec une barbe ! Ils font de tout un sport. Avec quelle agilité ils évoluent sur leurs motos. Beaux chevaux, bel harnachement. Des camions puissants de 5 t. Matériel superbe.

Il ne leur manque que l’habitude des guerres.

3 mai

Arrivons au secteur près de Boeschepe.

Grand chahut. 2 boches abattus. 150 dans le ravin des Monts en face de nous. Relevons le 23ième artillerie de la 34ième division.

4 mai

Avons terminé ce matin la relève. Avions eu une nuit agitée. 2 téléphonistes de l’ACD-34, blessés par le même obus à 25 m de notre cagnia de chaume. J’ai pansé l’1 deux de 1h du matin à 2 heures : blessure grave à la cuisse qui était traversée, avec fracture du fémur.

Boche excité toute la nuit. Pas mal d’obus autour de nous. A gaz et explosifs.

6 mai

Boche assez calme. 1 cycliste tué à l’ID et 1 blessé. Nous habitons pendant le jour, la ferme.

La nuit couchons dans une cagnia sous terre.

9 mai

Calme relatif. Avons de la veine malgré tout, car sommes dans un assez bon secteur. Suis allé à l’observatoire mont Noir il y a 2 jours. Au 1er groupe aujourd’hui touchons peu de matériaux. Avons 2 vaches qui nous donnent du lait ! Aperçu troupes 168ième DI(20ième corps).GROSJEAN, LÉPEULE ont été marmités. Lamy aujourd’hui.

12 mai

Harcèlement du boche cette nuit. 2 maréchaux-logis tués. (Mojon à la 5ième et Chatelain à la 8ième) (*). 2 blessés, dont Pertin de Cluses (**), pas grièvement.

La bataille semble se déplacer vers le N. ou le Sud, mais ici le calme renaît. L’infanterie a l’impression que l’activité boche diminue beaucoup. Nous avons sommes toute de la veine jusqu’à présent.

Hier au soir vers 20 heures, notre petit échelon a été bombardé à la ferme la Loye. Mon cheval a été tué. Celui de KLAINE aussi, celui de (Robert) Falque abîmé. Pas d’accidents d’homme.

 

(*) : François Joseph MOJON,  maréchal-des-logis à la 5e batterie du 2e régiment d’artillerie, mort pour la France le 12 mai 1918 à Boeschepe (59). Voir sa fiche.

Marius Claudius CHATELAIN, maréchal-des-logis à la 8e batterie du 2e régiment d’artillerie, mort de ses blessures pour la France le 12 mai 1918 à Godewaersvelde (59). Voir sa fiche.

(**) : Théodore Joseph PERTIN : Sa blessure : Blessé au thorax et à l’abdomen par éclat d’obus. Par cette blessure, il obtient sa seconde citation et l’étoile de bronze sur sa croix de guerre acquise en octobre 1917. Voir sa fiche.

 

15 mai

Déplacement du 1er groupe pour venir en avant vers le Kokereel.

Ce soir vers 20h20 une patrouille de 5 chasseurs anglais biplace passe au-dessus de nous très haut. Tout d’un coup, 2 d’entre eux se rencontrent et je les vois tomber en feuilles mortes l’un après l’autre et venir se briser sur le sol. Le passager de l’un deux a sauté avant d’arriver au sol. La queue arrière d’un appareil, brisée, est tombée seule après les deux appareils. Quel triste spectacle !

Aujourd’hui visite de FROMHEIM. Boutry, colonel 75, a mangé avec nous. Le boche a marmité hier la 1ère  avec du 210 et 240, aujourd’hui la 5ième.  Les éclats arrivaient jusqu’à nous.

17 mai

Hier marmitage 8ième avec canon de 210, identifié par Falque avec un culot. Avons tous été plus ou moins malades depuis 8 jours : fièvre, grippe, maux de tête, c’est le paludisme des Flandres !

Le 4ième artillerie est à côté de nous. Je viens de téléphoner à Lambourd qui est près du groupe GRÉBUS. Je tâcherai d’aller voir le capitaine Louis 7ième batterie, en batterie près de nous. CAILLES a mangé ici hier. MOLLIN et Bermond travaillent à notre cagnia.

SIBRE blessé ce soir à 17h30 à l’épaule droite, poumon légèrement atteint je crois.

20 mai

Petites attaques sur Locre cette nuit, par nous, assez bien réussie.

Pas dormi la nuit. Avons eu les gaz. Obligé de mettre le masque pendant ½ heure. Avons été encadrés à 6, 10,20 mètres par du 105.

Suis allé hier à 7ième batterie du 4ième voir le capitaine Louis, ancien camarade d’Émile. Camarade charmant, qui m’a dit tout le bien qu’il pensait d’Émile au moment où il allait partir pour l’aviation. Vu son ami Frémiot.

Passé ensuite à batterie LÉpeule qui a eu 2 tués (*) cette nuit par harcèlement. Un coup en plein sur une tranchée. Rencontré CAILLES et colonel FROMHEIM. (Robert) Falque candidat pour canevas de tirs.

Rien à faire toujours pour radio ! Nos vaches continuent à paître insensibles aux obus ! Apparemment du moins !

 

(*) : Paul Théodule DUCHE, voir sa fiche. Et Jules Joseph THOMAS. Voir sa fiche.

21 mai

Suis allé ce matin au 2ième groupe, ai vu les 2 capitaines de l’ACD/31 et ACD/41, c’est-à-dire Doucet qui était soldat avec moi à Castres et Lamboux du 4ième régiment d’Émile, et qui fut si gentil avec lui. Heureux de revoir ces deux camarades d’école.

Ai posé hier une demande écrite au colonel FROMHEIM pour suivre les cours de radiotélégraphie  de Plessis-Belleville. Le colonel m’a demandé de la remettre jusqu’à la fin de la bataille en cours. Il ne se doute pas qu’il m’ôte du même coup la seule chance que j’avais d’être admis à suivre ce cours. Mais il a 5 galons, je n’en ai que deux, il a donc raison. je m’incline une fois de plus.

 

Hier petite action de la division voisine sur Locre. Bien réussie. Mille prisonniers. Mais contre-attaques boches assez violentes.

Dans l’avant dernière nuit, gaz ! Nous avons dû mettre le masque.

Le paludisme des Flandres continue à sévir un peu. On croit même à une sorte d’influenza ! Maux de tête, fièvres etc…

Le boche est excité depuis ce matin. Tirs de 150 et de 210 sur la route en face de nous et à gauche. Quelle veine que notre ferme ne figure pas sur le P.D.

22 mai

Sommes toujours encadrés. Rien sur nous. Continuons à avoir de la veine.

(Robert) Falque va passer demain à Steenwoorde l’examen pour le canevas de tirs.

Je réponds à ma femme au sujet de l’invitation Nègre.

3 tués aux échelons du 2ième groupe. GRÉBUS évacué pour bronchite. 2 avions boches abattus ce matin sur nos lignes par anglais. La fièvre influenza sévit aussi en Alsace où est Jean. Elle serait générale sur le front.

25 mai

Suis allé ce matin voir les 2 colonels d’infanterie, l’ID, et l’observatoire. Meunier part à Senlis. Genin est nommé capitaine. PICHOT, les 3 capitaines du 3ième groupe cités à la division. KLAINE au régiment.

Vu ce matin Lamy qui est dégoûté et ne songe qu’à s’en aller car il en a assez (PICHOT, citations, etc…). J’ai posé à FROMHEIM ma 3ième demande pour officier radio. Il l’a enfin acceptée. J’ignore quel avis il mettra, ni quelle suite lui sera donnée. En tout cas, je tenais à bien marquer le coup pour le principe car si j’échoue ce sera par sa faute et par le temps qu’il ‘aura fait perdre.

 

GRÉBUS est évacué. (Grippe). Genin commande le groupe. Terris est venu nous voir aujourd’hui. Il est au PAD et il espère venir au régiment.

Cette nuit quelques obus dans notre région, un à 10 m de la cagnia. Les ordonnances continuent à travailler aux cagnias. MOLLIN est monté aujourd’hui.

La 45ième et la 46ième revenant d’Italie sont derrière nous. Ce sont des chasseurs.

Sommes toujours dans notre chaumière. Tout le monde nous  demande pourquoi nous restons dans un endroit si peu indiqué…Couchons dans les sapes et cagnias voisines.

27 mai

3h05 : sommes dans cagnia avec le masque. Marmités depuis 1 heure.

Fontaine et Bayol ensevelis dans un abri ont pu être retirés, sont contusionnés et intoxiqués. Venons de les évacuer.

Bermond le cuistot et Cherrier ont été chics ! Beaucoup d’ypérite et de sternutatoire. Ça cogne surtout sur notre gauche.

Hier au soir à 6 h, 2 obus dans notre chaumière (à gaz). Tout a été massacré. Nous venions de la quitter quelques minutes avant. MOLLIN n’est pas rassuré. Ça se comprend car ça n’est pas gai. On ne sait pas encore ce que veut faire le boche !

28 mai

Hier au soir, notre chaumière a été incendiée.il n’en reste plus rien, ni rien de tout ce qu’il y avait dedans.

Appris hier au soir la mort de ce pauvre Bayol. Pas de nouvelles de Fontaine. (*)

Ce matin marmitage serré de 210, sur Gilar et dont nous écopions tous les coups courts. Pas drôle la position ! Aussi nous la quittons demain ! Pour aller dans une ferme derrière le 2ième groupe. Toinet a été blessé au genou hier.

 

(*) : Ernest BAYOL, 21 ans, 2e canonnier-servant, mort pour la France par intoxication par gaz le 27 mai 1918 à l’ambulance d’Ecke (59). Voir sa fiche.

Louis FONTAINE décédera aussi le 27 mai à Terdeghem, ambulance 2/16. Sa fiche ne semble pas exister sur mémoire des Hommes, mais existe sur l’historique du 2e RAC, avec une erreur de lieu de décès (confirmé plus loin dans le récit).

29 mai

Quittons ce soir notre PC sans regrets bien entendu !!

Allons nous installer derrière le groupe dans une ferme qui a été bombardée pas mal mais qui ne l’es plus et qui le sera sûrement moins que notre région.

31 mai

Sommes installés à notre nouveau P.C. en 5967 près de la ferme Loye, depuis avant-hier au soir. Souffrons tous plus ou moins soit des gaz soit de la grippe (colonel, (Antoine) GUELFUCCI) en particulier.

J’apprends la mort de ce pauvre petit Fontaine, tué par le même obus que Bayol.

Apprenons le recul en Champagne. Les boches sont à Fère-en-Tardenois ! Décidément ils savent faire la guerre ! Ça n’est pas une qualité bien enviable en temps de paix, il y a mieux à faire qu’à s’entretuer, mais certes ils nous apprennent à nous battre. Qui aurait cru il y a un an alors que nous en étions aux méthodes de pilonnage d’art pendant des journées entières, que le boche inaugurerait une méthode nouvelle, pilonnage de 4…assauts d’infanterie et qu’elle lui réussirait !!

Vraiment on doit reconnaître que leurs généraux sont à la hauteur ainsi que leurs E.M. ! Ils savent faire la guerre. Nous savons nous faire tuer !

1er juin

Hier à 16h un albatros 3 abattus par une patrouille anglaise. Suis allé ce matin voir les débris (sous l’œil insolent des Drakkens alignés derrière Bailleul). Construisons un abri dans notre ferme sous notre chambre.

Rien de nouveau. Tous les officiers sauf moi (jusqu’à présent) sont malades. Grippe, toux etc…provenant plus ou moins de la nuit des gaz, peut-être n’ai-je rien parce que je ne fume pas ce qui rend mes bronches moins sensibles.

Valette (5ième batterie) évacué pour pneumonie. Toinet blessé va assez bien. Pas de nouvelles de SIBRE.

Calme ce soir.

2 juin

Je paye demi-quinzaine de popote mai à 76 francs. Avons à peu près terminé le bas de notre abri. Coucherons dedans ce soir.

Le beau temps continue.

Le boche s’excite assez souvent sur fermes près de GRÉBUS (lequel est à Argentan où il a été évacué).On continue à apprendre des nouvelles peu rassurantes qui donnent le cafard. Vraiment on a été surpris et joliment, dans cette offensive de Champagne ! Quel recul !

4 juin

Suis allé hier en auto avec Van Deursen, passer mon examen de radio à Esquelbeck près de Worhout. Ai assez bien réussi, pas comme je l’espérais, car j’étais fatigué. Mais la guigne veut que le cours soit peut-être encore remis et que Plessis Belleville déménage.

Pas de chance ! Enfin il n’y a qu’à attendre.

 

Ai passé à Cassel sur ce haut piton perché au milieu de la plaine. Vue magnifique. Ai vu Dunkerque au loin et devine la mer, les dunes etc à 40 km, tout autour c’est une immense plaine riche qui se déroule aux yeux, avec ses moulins à vent si pittoresques.

Ai rencontré à Cassel  même, Vabre qui était brigadier à Castres et qui est de ma promo. Il est lieutenant au CA du 16ième corps (artillerie). (Robert) Falque malade depuis deux jours est descendu aux échelons.

Ai vu la tombe de Fontaine qui est enterré à Terdeghem près Steenvoorde. (*)

 

(*) : Là, pas de problème, il s’appelle Louis Amédée FONTAINE, 21 ans, mort à Terdeghem, inhumé à Hazebrouck. Sa sépulture est répertoriée dans la base ici, mais avec une erreur de date de 2 ans !!!

Sa fiche retrouvée indique bien une mauvaise date. Voir sa fiche matriculaire.

La correction sur sa fiche été demandée et elle a été effectuée ne décembre 2022.

5 juin

Suis allé aujourd’hui avec Kunel, en auto, faire la reconnaissance de nos futurs cantonnements prés de A. Passé à Cappel. Pris quelques photos. Vue superbe.

7 juin

L’infanterie de notre D.I. a été relevée hier. L’AD est partie ce matin pour aller à  Oudezeele. Nous restons ici après un contrordre, à la disposition du 16ième corps.

L’autre jour, de Cassel, ai vu St Omer-Béthune, les crassiers des mines !

Hier pendant la nuit CAILLES a eu une veine fantastique sous sa tortue de tôle à la carrière de la montagne. Entendant siffler un obus, il se met assis sur son lit : l’obus éclate à la tête même du lit et ne fait que lui roussir un peu le dos !! Inouï comme veine !

8 juin

Attendons toujours notre départ pour le repos. En avons besoin. Sommes énervés, abrutis. Pour un peu, je deviendrai misanthrope, je n’ai plus goût à rien.

Rien ne m’intéresse.

J’attends avec anxiété mon affectation dans la radio. J’ignore où reprendront les cours de Plessis, qui, m’a-t-on dit, aurait déménagé. Quelle guigne encore.

10 juin

Arrivons ce jour à Arnèke où nous cantonnons. Pluie hélas ! Pas de veine ! Sommes logés au château.

12 juin

Suis allé hier à Dunkerque et Malo-Les-Bains. Vu le port, destroyers anglais, gros monitors avec canons de 305 et reluisants de propreté. Ville pas trop abîmée malgré bombes et 380 ! Reste 6 à 8000 habitants sur 40.000.

13 juin

Allons en reconnaissance du côté d’Abeele (en cas de repli). Continuons notre repos. Excellent cantonnement. Bon petit village.

Sommes en contact journalier avec les Anglais. Bonne impression ; discipline, tenue. Combien leur tenue est pratique à côté de la nôtre, autant par sa couleur que par sa forme. Comme en tout, ils sont plus pratiques que nous. Nombreuses formations : le Royal Flying Corps qui se tient très bien. Hôpitaux : 2500 lits. Infirmières nombreuses : les plus beaux noms de France !

 

J’ai expédié d’Arnèke 2 colis de 5 kg à destination de Cluses, vieux effets. Les colis circulent facilement.

Recevons le jeune Ritter, de Lunéville, aspirant qui vient faire un stage de 15 jours, avant de passer comme observateur en avion. Logeons ici au château des « Bonnes », le châtelain ayant fait cadeau du château à une de ses bonnes ; la tradition s’est continuée et le château se passe de bonne en bonne.

16 juin

Hier, remise de décorations. Je suis cité à l’ordre du régiment.

 

 

Aujourd’hui réunion colonel FROMHEIM et général Roux à déjeuner.

Le 3ième groupe montera demain prendre position en 2ième ligne. Le colonel est cité à l’ordre de la division.

Notre repos se continue.

19 juin

Le 2ième groupe prend position ce soir. Sommes allés à Bergues à la coopérative.

20 juin

Partons demain pour un demi-repos à 2 km sud Watou (Belgique).

21 juin

Partons ce matin pour la ferme 1716 près de Watou.

22 juin

Nous voici au sud de Watou depuis hier. Les groupes travaillent à leurs positions de batteries. Nous sommes logés dans des baraques en planches.

25 juin

Embarquons demain sans doute à Proven pour quitter les Flandres.

Je le regrette d’une façon. C’était un pays hospitalier, riche, et surtout un secteur où malgré nos fatigues, malgré nos pertes, nous avons eu beaucoup de veine. Qui sait si nous retrouverons le pareil dans les régions où l’on nous emmènera.

29 juin

Avons embarqué hier à la gare de Leysele en Belgique.

Sommes en route pour Pantin, puis X ? Il est 16h20, nous voyageons depuis minuit et passons à Cerqueux en Normandie.

Bien reçus par les belges, civils et soldats, qui paraissent nous aimer et nous admirer. Sommes allés en auto à Furnes, évacué, triste et bien abimé.

30 juin

Sommes arrivés hier à Vaudoy où nous cantonnons.

Avons passé par pantin juste au moment d’un tir de barrage contre les avions boches qui venaient sur Paris. Suis allé ce matin à Coulommiers. Vu CAILLES, Mahul etc…

Attendons notre entrée en secteur. La 46ième DI revient par ici.

On dit que tout le D.A.N. nous suit. (*)

 

(*) : Détachement de l’armée du Nord.

1er juillet

Drôle de mentalité du pays (Vandoy), ainsi que des environs. En tout, il y avait 10 femmes à la grand-messe, pas un enfant et pas un homme. Le curé disait que sur 3 communes, depuis 10 ans, pas un paroissien n’avait fait ses Pâques. Pays de grosses cultures très riches. Immenses champs de blés et d’avoines. Mais ils semblent ne pas aimer beaucoup ni l’officier ni le curé ! Ce sont eux qui ont fait la guerre, signe des temps !

2 juillet

Recevons ce matin à 5h l’ordre de s’embarquer par camions, hommes, chevaux, canons, caissons ! Tout le barda. La colonne lourde est partie à 9 heures. Tout le reste partira en camions l’après-midi.

Nous ferons voyage en auto. Nous ignorons notre destination.

3 juillet

J’ai 31 ans !

Nous sommes partis hier au soir en auto (homme, matériel, chevaux, tout en camions). Voyagé une partie de la nuit et arrivons ce matin à Mourmelon-le-Grand après un voyage de 150 kilomètres. Toute la division a été embarquée en camions-auto. Pourquoi ? Nous l’ignorons encore.

6 juillet

Sommes au quartier national casernes au sud de Mourmelon-le-Grand  depuis le 3.

Hier alerte générale. Les groupes ont pris position. Chacun des 1er, 2ième, 3ième est sous les ordres des 124, 163, 132ième divisions. Nous restons sans commandement.

Aujourd’hui nous avons à déjeuner le capitaine CAILLES et le commandant Piet du 134ième lourd où il commande un groupe de 105.

Visite du colonel FROMHEIM. On annonce Clémenceau pour cet après-midi. Aperçu en auto le général Margoulet, commandant le 14ième C.A.

Du 3 au 4, j’ai fait en auto près de 300 kilomètres.

8 juillet

Levy s’en va.

Il s’est fait réclamer par le directeur du cours de CTA (canevas tir armée) et malgré toutes les oppositions (PICHOT, FROMHEIM etc …) quitte ce régiment. Toujours rien de nouveau pour nous. On continue à dire l’attaque boche imminente, nous l’attendons de pied ferme je crois, car il y a pas mal de divisions derrière nous.

11 juillet

Je suis allé hier à Châlons avec CAILLES. Me suis acheté lunettes jaunes d’auto. Avons causé tous les deux. (Cuvilly –Aix les bains).

Rencontré Chambard. Mangé à midi à l’AD/27. Toujours pas d’attaque boche. On attend.

13 juillet

Je suis à Châlons où je viens d’acheter le stylo convenu pour ma fête. Châlons a bien changé depuis 2 ans alors que j’y passais allant et revenant de l’offensive de Champagne.

Mangé aujourd’hui avec Masson qui était notre invité.

15 juillet

Je suis au P.C. Picardie, P.C. de combat du 3ième groupe.

L’attaque boche a été déclenchée ce matin à 4h45 devant notre secteur après une préparation commencée à 0h10.

A 10 heures du soir, on avait fait 27 prisonniers. Ce sont eux qui ont donné le tuyau de l’attaque, avec préparation à minuit 10. C’était exact, je l’ai vérifié à ma montre.

J’ai vu hier Jean à Trépail. Il avait débarqué la veille venant de l’Oise. Quel bonheur nous avons éprouvé tous deux de nous retrouver. Il y avait environ 3 mois que nous nous étions quittés en Alsace.

7h20 : l’attaque se poursuit. Le boche occupe notre ligne intermédiaire sur laquelle nous nous repliés volontairement. Il ne paraît pas l’avoir franchie jusqu’à présent. Je crois que nous l’arrêterons et qu’il tombe sur un « bec ». Tous ici avons bon espoir.

15 juillet

12h15 - Sommes venus au PC du colonel Vuillet ACD 132 au nord de Mourmelon.

Rencontré l’ancien adjudant du commandant de Chaunac, que nous avions relevé à Warvillers. La situation paraît calme en ce moment. Nous sommes au fond d’une sape avec 8 m de terre sur la tête. Ordre de tenir sur la position intermédiaire. Faire sauter les canons et combattre avec l’infanterie !

Les évènements nous dicteront ce que nous avons à faire.

18 juillet

Le boche n’a pas réussi à franchir notre position intermédiaire. Partout il a été repoussé. On cite des prodiges d’héroïsme, comme ce bataillon encerclé au Mont sans Nom et qui réussit à s’échapper. Comme cette pièce du 257ième artillerie qui, marmitée et détériorée, est remplacée de suite par des servants qui vont à 300 mètres chercher un autre canon et le ramènent à bras, sous le marmitage.

On a l’impression nette que le boche est tombé sur un bec. Le général Gouraud est content et félicite la 4ième armée.

 

Nous sommes toujours au PC du colonel Vuillet à 10 m sous terre au milieu d’un tas de fantassins qui, comme nous, dégagent du  CO2 tant qu’ils peuvent. Il y avait un moteur à essence qui alimentait une dynamo d’éclairage et qui a failli nous intoxiquer. Il y a eu 10 évacués. On a transporté le moteur à la surface.

Pas de pertes au régiment. Mais au 257ième, on cite 12 tués et 75 blessés. Ou évacués. Avant-hier visite de CAILLES et de FROMHEIM.

18 juillet

15h : Nous apprenons notre contre-offensive dans la région de Soissons. Nous aurions avancé de 15 km et serions à Oulchy-le-Château. C’est joli. Mais il faut attendre pour être fixés.

En tout cas le boche devient de plus en plus calme sur notre front qui tend vers le secteur ACD, Vuillet-257ième artillerie -132ième D.I. Lieutenant Legrand, Cazottes, Mariani, De Motard. AD- Colonel Maison –DI Général Huguenot.

Le tout appartient au 4ième CA.

Jean m’a téléphoné hier en me donnant de ses bonnes nouvelles et me disant qu’il était au Trépail. MOLLIN ira le voir et lui donner de mes nouvelles.

19 juillet

3 h du matin. Je suis de garde dans la sape (de 2 à 4). Rien de neuf. Calme sur notre front.

MOLLIN a vu Jean. Bonnes nouvelles. J’ai écrit à Lévy pour qu’il fasse appuyer ma proposition comme officier technicien aviation.

20 juillet

Toujours avec l’ACD Vuillet au fond de cette sape inconfortable où les allumettes ne s’enflamment qu’avec peine tellement il y a de CO2 !!

Je m’y abrutis. On y dormirait sans trêve, tellement on y respire de saletés.

Le boche est calme. Nous apprenons les résultats de notre contre-offensive = 17000 prisonniers. C’est joli et cela fera du bien au pays.

 

Je trouve le temps long, toujours plus long des miens. Jamais je n’ai tant souffert de la séparation qui rend si difficile cette union des âmes. J’attends le résultat de la désignation comme officier pour les cours d’aéronautique, mais viendra-t-elle jamais ?

Pertes de l’ACD-132 = 13 hommes tués, 75 blessés +  8 officiers blessés.

21 juillet

Demain, relève de la 132ième par la 27ième.

22 juillet

Nous sommes installés à la surface et nous avons pris le commandement ce matin à 8 heures.

27 juillet

3h30 : Je suis au bureau où j’attends le déclenchement de notre barrage pour un coup de main sur notre secteur.

Ritz a déclenché sa CPO. On dit qu’un sergent a disparu ce qui donne des doutes sur le secret de l’opération.

Toujours au P.C. où nous vivons à la surface. Rien de nouveau. Secteur assez calme. Les permissions sont rétablies. C’est un des évènements importants de cette vie, toujours la même, bien que cependant si variée. Mais elle est toujours la même parce que toujours, elle nous sépare de ceux qu’on aime.

 

6h00. L’opération ci-dessus a réussi. Objectifs atteints. Prisonniers. Nous cessons nos tirs d’encagement.

 

7 heures. Les prisonniers boches défilent près de nous. Environ 300 qui arrivent par paquets. Remarque l’un deux qui avait une tête de boche réussie ! Beaucoup n’ont rien de particulier comme tête.

28 juillet

Notre opération a réussi. Nous avons avancé de 1km sur un front de 1,2 km. Nous avons fait prisonniers 9 officiers et 300 boches. Le bataillon principal d’attaque (Sabattier) qui comprenait 420 attaquants a eu : 1 officier et 30 hommes tués, 121 blessés, 48 disparus. Au total dans les 3 bataillons d’attaque, il y a eu 1 officier et 35 hommes tués, 8 officiers et 182 blessés, et 48 disparus.

On se demande si tout cela était bien nécessaire.

29 juillet

Ce matin attaque locale boche pour reprendre ce qu’on avait pris hier. Le bataillon Croilier a souffert, a dû abandonner la tranchée Barnay.

Nuits agitées, on dort peu.

30 juillet

Le 257ième et l’ALC (commandant Leullier) nous quittent cette nuit. Ils ne sont pas remplacés.

2 août

Sommes toujours au P.C. Beaucoup de travail. Barrages à refaire tous les 3 ou 4 jours. Avions bombardant Châlons et alentours. Gros dégâts. De plus, depuis 2 nuits, marmitage tous les soirs près de chez nous. J’attends mon départ en perme pour 3 jours. J’ai retrouvé Bonnal de la 46ième division, secteur 184, qui nous a vendu les bottes lacées dont il nous avait parlé dans les Flandres.

4 août

Nous recevons des ordres d’après lesquels nous partons le 7 août. Nous allons au sud de Châlons. Destination ultérieure inconnue…Rien de nouveau.

Tir boche de surprise il y a 3 jours. Boche très excité pendant la nuit. Beaucoup de nuits sans sommeil !! J’ai couché 2 jours au fond de la sape, bien humide toujours.

Sommes relevés par 124ième division (44ième artillerie). Rien de bien saillant dans le secteur. Sommes près de l’I.D. Voyons souvent Melchior dont l’humeur varie chaque jour…Il voulait quitter le colonel Husband il y a quelques jours…

Je reçois une lettre de Jean qui me parle de l’histoire ennuyeuse arrivée à son ami Saint Just. Nous avons souvent ici la visite du colonel Geismar, bon type, mais … !

6 août

Suis allé ce matin en reconnaissance au sud de Châlons.

Revenu par Bouzy. Acheté vin champagne pour popote. Fait 140 km.

16 août

5 heures. J’arrive de perme.

Je suis à Châlons au pavillon des officiers, en gare. J’étais parti le 9 pour 3 jours, pour aller voir ma fille. Trouvé tous en bonne santé, sauf papa beaucoup amaigri. Maman bien remise, a repris le dessus.

Alfred bien grandi, plus raisonnable et affectueux, me sens de plus en plus attaché à lui.

 

 

Télégramme du docteur GRISEL (son beau-père) annonçant la naissance de sa petite-fille Juliette à son père Charles DEVANT

 

 

Alfred et sa sœur Juliette

 

Charles, Julie, Jean-Pierre et Jean Devant

 

 

 

Ai pu passer 24 h avec Jean arrivé en permission la veille de mon départ. Va bien lui aussi. A solutionné la question qui l’intéressait.

Ai vu NOBLE au passage. Se marie mardi.

Pris bon bain au hammam. Rencontré BERTHELET à Cluses. Nombreux trains américains entre Châlons et Paris. Beaucoup d’Américains à Paris qui n’a pas changé de physionomie du fait des bombardements.

Rencontré au départ le 9, Périal. Voyagé ensemble, couché au Little Palace. M’a donné le tuyau de voir Leyat pour passer à l’aéronautique (section technique). Suis allé aux bureaux.  Y ai rencontré Leyat et Gonard de ma promo de Centrale. M’ont promis de faire ce qu’ils pourront.

Rejoins ce matin Mairy, puis le cantonnement où rien n’est changé, m’a écrit Falque.

18 août

Suis allé en reconnaissance ce matin à Vouzy où nous cantonnerons ce soir, quittant Saint Quentin-sur-Coole où nous aurons passé près de 10 jours. PICHOT commande l’ACD. MALRAISON remplace FROMHEIM. Rien de nouveau au régiment.

Sauf cette lamentable histoire du capitaine Varsin de l’aviation, dénoncé par nos canonniers.

20 août

Suis allé hier en reconnaissance au Baizil (s.o. d’Épernay) avec Masson revenu par Epernay bien démoli.

Quittons ce soir Vouzy pour aller à 1 km est du Baizil (ferme la Croisée), où nous cantonnerons quelques jours. Quittons ainsi la Champagne Pouilleuse pour rentrer dans la Brie (limitée au Nord par la Marne et à l’est par la montagne d’Epernay et de Reims). Au nord se trouve le Tardenoy.

21 août

Cantonnons aujourd’hui à la ferme de la Croisée près de Mareuil-en-Brie à l’orée d’une forêt. Sommes logés dans un pavillon de chasse bien aménagé. Calme, silence, verdure.

25 août

Ce matin messe au Baizil, village voisin dont le curé a fait une brochure intéressante sur la bataille de la Marne.

Cet après-midi sommes allés à l’AD à Cumières. Passé par Épernay bien démoli par bombes d’avions. Le boche s’est acharné sur la ville, en particulier sur la rue très riche des marchands de champagne (maison Moët etc …). Mais quel beau pays !

Ces vignes près de Dizy plantées sur des collines aux ondulations très douces. On croirait voir le tableau d’un impressionniste.

Vu CAILLES, Masson. Nous embarquons après-demain parait-il !! Nous n’aurons pas fait un long séjour par ici.

26 août

Nous embarquons demain à 14 heures à Avize. GUELFUCCI part avec la 1ère batterie pour faire le cantonnement.

Nous croyons aller en Lorraine, en tout cas rejoindre les américains qui, dit-on, vont donner un coup de massue quelque part. Il se confirme que nous débarquerons en Lorraine (prés Blainville dit on). Pays connu de moi ! 1908 !

29 août

Après un voyage qui a duré près de 22 heures pour 180 km, nous avons débarqué à Rambervilliers où nous passions il y a 4 ans.

Cantonnons aujourd’hui à St Maurice-sur-Mortagne, village de 200 habitants où il y a déjà 16 morts. Voisin de Xaffévillers où j’avais vu tant de cadavres il y a 4 ans et voisin aussi de St Pierremont  etc.

Sommes à 40 km de Leintrey. Passé à Nancy où j’ai bu une bénédictine, passé à Gondrecourt où j’ai envoyé une carte aux Simon.

30 août

Suis allé à Gerbéviller par St Pierremont. Ville bien détruite. A peine reconstruite.

Ai appris que nous prendrons dans 2 jours, secteur en face de Leintrey par une coïncidence vraiment curieuse puisque c’est le village de mes cousins Boiselle. Ils l’ont quitté il y a 2 ans !!

KLAINE rentré hier de permission. Le colonel partira peut-être le 5 ou le 6.Mon tour de départ se trouve ainsi décalé en arrière. Il y aura dans 2 jours 6 mois que je suis rentré de perme.

31 août

Nous venons en reconnaissance à Benamenil (est de Lunéville) où nous relèverons le 251ième artillerie(61ième D.I.).

2 septembre- allons prendre position à notre P.C. demain à 7 heures.

Sommes à proximité du camp anglais d’aviation de bombardement. Pour les villes du Rhin. Par Handley Page de 30m d’envergure, 2 moteurs de 300 chevaux. Accidents fréquents à l’atterrissage. Souvent aussi des avions qui ne reviennent pas.

Ce soir partons au futur P.C. en reconnaissance.

4 septembre

Suis allé aujourd’hui à un observatoire près de Vého. Ai vu Leintrey. Grand calme dans ce secteur où nous sommes depuis avant-hier ! Suis allé aussi au fort de Manonviller, démoli par mines lorsque les boches ont été contraints de l’abandonner !

8 septembre

Rien de nouveau depuis quelques jours. La pluie est venue. J’attends toujours le départ en permission du colonel qui me précède.

12 septembre

Suis allé avant-hier à Lunéville. Revue ville où j’étais passé il y a 10 ans avec les miens.

Toujours calme par ici. Le colonel part en perme demain vendredi treize.

18 septembre

Avant-hier coup de main sur Leintrey. 6 prisonniers. Le boche n’a pas réagi. Seules les mitrailleuses avancées ont arrêté notre avance. Tranchées peu occupées. Quelques petits postes en avant. Dans quelques jours, nouveau coup de main dans le Rémabois. (bois en bordure ouest de Leintrey)

24 septembre

Suis allé hier à Lunéville et avant-hier aux positions de batteries avancées avec Van Deursen et MOLLIN. J’attends ma permission qui s’approche j’espère, le colonel rentrant le 28.

Rien de nouveau par ici. Toujours le calme, sauf 150 coups de 150 aujourd’hui sur 4ième avancée.

27 septembre

Le colonel MALRAISON rentre demain et selon toute probabilité je compte partir après demain matin en permission.

17 octobre

Rentré de perme le 16 à 2 h du matin. Appris le 11 à Cluses ma nomination de capitaine.

 

 

 

 

 

 

 

 

Aujourd’hui matinée du théâtre aux Armées. J’ai appris aussi en perme que nous avions la Fourragère. Lamy nous quitte demain ou après-demain pour aller à Lunéville au C.A. s’en va lui aussi au cours d’EM à Melun.

Aperçu Jeanne Hatto venue pour la matinée du théâtre aux armées. KLAINE parti le 19 matin en perme exceptionnelle chez lui : femme et 2 enfants malades. (Robert) Falque en perme  depuis le 18. Restons SIBRE et moi avec le colonel.

25 octobre

Ce matin coup de main par le bataillon Klein des 52ièmes R.I., 2ièmes et 3ièmes groupes y prennent part avec batteries portées en avant. Jusqu’à présent (8h) rien de nouveau.

Prêté à FrangÉ « La vie des vérités ». Le bon MOLLIN parti hier en permission. KLAINE doit rentrer ce soir de perme exceptionnelle. CAILLES malade de la grippe depuis plusieurs jours.

L’hiver arrive. La Vezouze déborde et les champs sont inondés devant nous.

Nous allumons le poêle dans la salle à manger. J’ai de temps en temps du feu dans ma cheminée, dans ma chambre. Bermond souffre d’un anthrax à la jambe.

SIBRE remplace (Antoine) GUELFUCCI qui était parti, mais revenu et commande la 5ième (*).

Genin passe au 3ième groupe et commande la 9ième. GROSJEAN parti à Melun au cours E.M. Lamy au 5ième C.A. (1er bureau).

Temps couvert ces derniers jours. Un de nos téléphonistes est allé à Lunéville faire des achats.

26 octobre

J’apprends la mort de Miard, ancien sous-officier 9ième batterie, à la suite de la grippe. (*)

L’autre jour c’était capitaine Nègre. Tous deux avaient fait toute la campagne. (**)

 

(*) : Le seul soldat de ce nom, mort en 1918 avant ce jour de maladie, est le sergent Ernest Joseph Auguste MIARD mort le 5 octobre mais annoncé au 28e BCP.

Mais sa  fiche matriculaire ne mentionne pas de passage au 2e RAC. (p103 de GAIA 9)

 

(*) : Concernant le capitaine NÈGRE aucun officier de ce nom autre que le capitaine Louis Léon Pierre NÈGRE n’est recensé en 1918 dans Mémoire des Hommes. Il est mort de maladie le 18 octobre mais était au 222e RAC / EM de la VIIIe Armée.

Sa  fiche matriculaire ne montre pas de lien avec le 2e RAC (archives départementales du Gard).

Une hypothèse pourrait être la suivante : comme écrit dans le carnet, le 2e RAC a relevé le 24 août 1915 le 3e RAC auquel appartenait alors le capitaine NEGRE (FM). Le JMO du 3e RAC indique qu’à cette période (6 septembre…), des éléments du 3e RAC ont été mis à la disposition de l’AC14. Peut-être Nègre a-t-il alors été détaché à l’AD27. Ce serait cohérent avec le fait que plus tard (le 3/9/1917), le capitaine Negre avait pris le commandement du 3e groupe du 2e RAC lorsque le commandant Jacquot prenait celui temporaire du 2e RAC (carnet). Lorsque ce dernier est revenu après permission le 17/09, le capitaine Nègre libéré de son poste serait alors retourné au 3e RAC pour passer le 21/09 au 222e RAC.

29 octobre

Nous sommes relevés par 2ième corps, 3ième division ici, 17ième artillerie.

Je vais cet après-midi en reconnaissance pour les cantonnements. Le colonel est à l’A.D. depuis hier matin, FROMHEIM étant parti en permission.

30 octobre

Les remplaçants (ACD.3) sont arrivés ce matin et repartis.

Les nouvelles sont chaque fois meilleures. L’Autriche prête à capituler ! On attend les évènements avec une grande impatience. Relevés par lieutenant-colonel Noguès. Remplacé par commandant Babron qui connaît commandant Favre. Capitaine Dubarry (ECP-1907) - Lieutenant Bonnefon (1909) - Lieutenant De Nantois.

2 novembre

Sommes arrivés hier à Damas-au-Bois (prés de Charmes).

Apprenons aujourd’hui à 13 heures la reddition de la flotte autrichienne. Le colonel part à Vitry-le-François. Reviendra le 25. Commandant PICHOT commande A.C. et D.C.

Je paye ma popote pour quinzaine octobre. (Dernière) 175,00 francs ! Fantastique !! Mangeons chez l’instituteur.

Le docteur : Dr Grandin est arrivé ! Nous sommes maintenant au complet, sauf SIBRE en permission. Un aumônier nous est arrivé : Garry Nicoletta part en permission ! Le froid arrive. Humidité. Pluie. Je loge au n°88 et je n’ai pas chaud.

3 novembre

Passe fête Toussaint à Damas. Suis allé à la messe ce matin, messe des morts, à l’autel tout en noir, où j’ai pensé à ceux des nôtres qui ne sont plus, à mon frère Émile et où par un hasard curieux, je me suis trouvé dans un banc en face d’une place, où était gravé par un gosse, le nom de « Mémile » cad Émile en Lorraine ! Cela m’a fait penser plus encore à lui.

5 novembre

Sommes toujours à Damas. Rien de nouveau. Colin va à Nancy changer sa moto.

7 novembre

A 14 heures, nous captons le message TSF du G.Q.G. boche au G.Q.G. allié demandant la cessation du feu à partir de 15 heures en face de la Capelle depuis Ertreung jusqu’à Ohis, pour permettre le passage de la délégation chargée d’aller négocier les conditions de l’armistice.

Vraiment ! On se demande si l’on ne rêve pas ! C’est à ne pas croire. Sommes toujours à Damas où j’ai fait cet après-midi visite à mes propriétaires.

9 novembre

Suis allé hier à Epinal chez les Albert où nous nous trouvions tous cinq réunis en 1905. Heureux de retrouver ces braves amis. Y compris leur fille, Mme Borner, dont le mari est en Algérie. Mr Albert n’a pas changé depuis 14 ans ! Mme Albert vieillie davantage.

Hier message à 14 heures, des plénipotentiaires boches au Chancelier disant que Foch repousse la proposition d’armistice momentanée et donne au gouvernement allemand 72 heures pour accepter ou refuser, soit jusqu’à lundi onze heures (heure française).

Quelles journées inoubliables nous vivons. A Senlis où se négocient les propositions d’armistice au G.Q.G.A. de Foch !

11 novembre

Sommes venus cantonner après une dure étape la nuit passée à Vigneulle, près de Blainville.

Avons appris ce matin à 10 h l’armistice…La joie ne s’écrit pas !.......

13 novembre

Avons quitté ce matin Vigneulle pour venir à Clayeures mi-chemin de Gerbéviller à Bayon. Mauvais cantonnement où les hommes sont mal logés.

Toute l’armée Mangin qui devait attaquer il y a quelques jours est rassemblée par ici, ce qui congestionne les cantonnements. J’ai fait la reconnaissance ce matin. Le froid arrive. Il gèle la nuit. Les hommes auront froid.

Le colonel est à Vitry. C’est le commandant PICHOT qui commande le régiment. On dit que nous allons filer sur Strasbourg …(10ième armée Mangin) pour y faire de l’occupation. Nous appartenons au 1er C.A.C.

A signaler la sortie que m’a faite le général Roux : « j’ai fait 2000 km et je n’ai pas eu de panne !l’essence est chère ! Je veux qu’on l’économise » et il arrivait de Fontainebleau en auto !!!

17 novembre

Avons traversé ce soir la frontière et arrivons à 16 heures à Avricourt en passant par Vého, Goudrexon, Autrepierre. Il ne reste  que 40 civils ici, qui nous ont accueillis avec enthousiasme mais que sera la réception dans les autres villages !...où ils seront plus nombreux. Demain entrée à Metz des troupes françaises !Passé pas loin de Leintrey, des souvenirs reviennent en foule à mon esprit !J’étais ici en 1905 !avec tous les miens lors de notre voyage.

Le colonel MALRAISON est rentré hier de Vitry, on dit que FROMHEIM est mis à la retraite aujourd’hui. Vraiment c’est triste pour lui, un Lorrain après 4 ans de guerre !...

19 novembre

Sommes entrés hier à Sarrebourg.

Accueil enthousiaste. Toute la population était là pour nous recevoir sauf l’élément boche ou bochisé. Des gens pleuraient !...La place était noire de monde !

20 novembre

Aujourd’hui Te Deum à l’église noire de monde ! Hier messe des morts. Le curé a prêché et nous a dit la joie de la population en des termes qui sont allés au cœur de tous les soldats.

Le soir, vin d’honneur aux officiers avec le général Lebrun commandant le 3ième C.A. qui marche avec nous.

Après le vin d’honneur, musique, la marseillaise en chœur et bal !! J’ai dansé ! Les plus vieux même fêtaient cette journée comme jamais ils n’avaient fêté quelque chose.

J’ai pris des photos.

 

J’ai vu remonter les cloches que le boche avait fait descendre aux frais de la paroisse ! J’ai causé à beaucoup de vieux français, ou de Lorrains tout de cœur avec nous. Ils nous attendaient depuis 4 ans ! Tout était prêt. Tous les costumes ont été sortis !on a teint des draps pour faire des drapeaux !

Sommes logés chez une vieille demoiselle. Très  française. Sommes en popote chez un boche pur-sang, un badois marié à une lorraine, et qui se fait petit et plat en ce moment ! Il craint qu’on l’évacue mais nous sommes trop bons et même ceux qui ont souffert à cause de ses dénonciations ne songent pas à se venger ! Vraiment comme nous forçons tout le monde à nous aimer. Nos petits soldats sont épatants de tenue et d’allure !

Toutes les dames admirent leur légèreté de marche et leur trouve bonne franchise ! On nous avait si mal dépeints !...

21 novembre

Arrivons ce soir à Monswiller près de Saverne que nous avons traversé au milieu d’un enthousiasme sans nom.

Partis ce matin à 8 h de Sarrebourg. Arrivés ce soir à 16 heures.

Mangé à midi chez un brave lorrain qui ne parlait qu’allemand, qui revenait de Russie et des Flandres où il était artilleur boche, mais qui avait de nombreux parents dans l’armée française et dont le cœur était resté bien français. Lui et sa femme avaient tout préparé pour notre arrivée : tartes, café, jambon etc …Ils ne savaient pas comment nous dire  leur joie de nous voir, après tant d’années d’esclavage. Vraiment cela fait plaisir et console de 4 ans de guerre, on ne s’est pas battus pour rien…

 

Du haut de Saverne, vu la plaine d’Alsace s’étendant à nos pieds …Beau spectacle.

Ici les habitants n’avaient plus de café et ne mangeaient que du pain noir ! Ils trouvent une différence ! Maintenant et ne savent comment dire leur joie.

Logé à Sarrebourg chez Mr Kemmer directeur du gaz, 9 rue Sudgraben.

A Monswiller près Saverne chez Mr Christmann directeur usine, à Monswiller chez Mr Ott, maire du village, 23, rue Tornhoff.

22 novembre

Arrivons aujourd’hui à 15 heures à Ettendorf.

 Logé près de la gare à l’hôtel. Accueil toujours le même, plein d’enthousiasme.

Avons passé à Buchswiller où, près de 50 jeunes filles étaient costumés en alsaciennes et où la réception a été on ne peut plus gaie. Ici les gens ne parlent qu’allemand ou le patois alsacien. Mais comme ils sont heureux de nous voir arriver !

23 novembre

Avons cantonné hier et ce matin à Preuschdorf, près de Wörth et Reischoffen, seul village où ne trouvions pas de drapeaux ni de gamins venant à notre rencontre.

C’est que presque tout le village est protestant et que leur pasteur leur a fait croire que nous arrivions comme des oppresseurs. Il leur a rappelé les guerres de religion, le palatinat etc…si bien que ces gens-là, favorisés par le boche, nous craignent et ne sont pas heureux de nous revoir. Il y a comme cela en Alsace quelques villages ! Ils faisaient autrefois partie des propriétés d’un prince allemand qui s’était fait protestant  et tous ses sujets ont dû en faire autant.

Ici l’instituteur est charmant. Sa femme est de Schleschtadt.

24 novembre

Soir : arrivons ce matin à Oberseebach, village demi-protestant, demi catholique. Les uns à un bout, les autres à l’autre bout. Par conséquent accueil épatant d’un côté, nul de l’autre ! 2 églises, 2 écoles. Parfois ailleurs, une seule église mais 2 offices. Très drôle !

Passé à Wissembourg et à Schleithal tout catholiques. Par conséquent accueil épatant. Pris quelques photos. Costumes très curieux des gosses et des vieux. Vrais silhouettes de Hansi !... Tous parlent allemand, très peu connaissent le français.

Expressions du docteur Grandin : avoir les circonvolutions frontales peu frisées = être peu intelligent. Etre éthylique = être alcoolique.

29 novembre

Sommes toujours à Oberseebach, nous causons un peu allemand avec les propriétaires de la popote qui ne connaissent pas un mot de français.

Il pleut depuis plusieurs jours. Après le temps sec et froid de la semaine dernière. Les permes sont portées à 20 jours. KLAINE part le 3 décembre. Le colonel part vers le 5. Je partirai sans doute à sa rentrée vers le 30 ?

Le ½ est venu cantonner aujourd’hui avec nous. Ferons sans doute mouvement après demain pour aller vers Lauterburg.

1er décembre

Arrivons aujourd’hui à Seltz où nous cantonnerons quelques jours. Suis allé voir le pont de bateaux sur le Rhin. Les français étaient d’un côté et les Allemands de l’autre. Tous avec leurs armes. Curieux vraiment !!

5 décembre

Hier fête de la Ste barbe sans grande pompe. Avions les colonels d’infanterie à déjeuner.

Le matin remise de la fourragère par le général Gouraud. J’ai pris quelques photos, non réussies hélas, de cette cérémonie.

Vu figure martiale de Gouraud qui boîte et n’a que son bras gauche. Remarqué son salut au drapeau. Le curé de Seltz, l’abbé Lorber, m’avait prié de signaler sa présence au général. Le général avait été l’élève du frère de l’abbé Lorber à Stanislas. Il a été heureux de serrer la main au brave curé.

Le colonel FROMHEIM nous quitte demain soir.

La veille je suis allé avec lui au pont du chemin de fer sur le Rhin. Le docteur Grandin remplace Faure en 2ième groupe.

9 décembre

Hier à 14h30 réception officielle du général Roux par la municipalité et le curé. Petite fête très réussie. Speech du curé, du maire, du général. Nombreux costumes. Te Deum. Rien ne manquait.

Le curé est ici une puissance à ne pas négliger :

« Nous avons fait l’opinion ici, dit le curé, c’est par nous que l’Alsace est restée française Si vous étiez venus, vingt ans plus tard, notre génération ayant disparu, tout était compromis pour vous. »

 

La division est à Wissembourg depuis hier. Le 3/2 à Neeweiler près de Lauterburg. Notre division occupe le « cercle » de Wissembourg et garde le Rhin depuis le nord de Lauterburg jusqu’au sud de Seltz. Sentinelles sur les ponts. Toute circulation interdite. Des boches cherchent à venir en barque se ravitailler. On a placé des embuscades pour tâcher de les dépister.

Temps pluvieux depuis quelques jours.

 

 

 

 

 

Carte postale de Charles pour Joséphine -12 décembre 1918

 

Mon amour,

« Deux mots seulement avant de partir pour Strasbourg où je passerai la journée et penserai bien à toi. Reçu ta lettre du 6. Merci ma jolie. J’espère que ta mère souffre moins et que bientôt tu me diras qu’elle est complètement rétablie. Dis-lui que je pense à elle. Embrasse tout le monde pour moi.

A bientôt. A toi mes baisers les meilleurs. »

Charles

14 décembre

Suis allé avant-hier à Strasbourg où j’ai passé la journée. Monté sur la plateforme de la cathédrale. Vu le kaiserplatz, l’hôtel des postes, où les têtes de 2 statues ont été brisées parce qu’elles représentaient le kaiser et son fils. Vu les vieilles maisons. Respiré cette atmosphère de patriotisme si particulier à l’alsace. Vu des boches qui paraissent bien contents de nous voir là !

Mangé très mal chez Gruber en face la gare pour 7 francs. Eté au café. Tziganes. Airs patriotiques. Des mères de familles sont là avec leurs filles pour applaudir la Madelon et pour prendre du français plein leurs yeux et leurs oreilles.

 

Voyagé avec un prêtre alsacien, qui avait été aumônier en Macédoine, dans un camp de prisonniers italiens et français, et qui a vu en 1 an, mourir 900 prisonniers sur 3000 par suite de manque de nourriture et de mauvais traitements. Ces pauvres diables couchaient sur le sol sans paille ! Pas de bougies ! Presque rien à manger.

Quand l’aumônier se plaignait (il avait le grade de commandant) on lui répondait :

« Ça ne vous regarde pas »

 

Trouvé Strasbourg bien joli. Plus peut-être que Nancy. Et puis il est vrai de dire que je l’ai vue peu de jours après les réceptions enthousiastes, encore tout vibrant pour la mère patrie.

Le colonel ira demain. SIBRE y est aujourd’hui.

20 décembre

Le curé de Seltz a vu arriver hier son neveu venu de captivité chez le boche (prisonnier à Verdun 16).

Avons été invités aujourd’hui. Le 2ième neveu est arrivé lui aussi ce matin. Il ne les avait pas vus depuis 5 ans. Ils sont entre eux tous trois comme des camarades. C’est joli de voir le vieux prêtre alsacien prés de ses neveux officiers et soldats français. Nous les aurons demain à notre tour.

(Robert) Falque est allé à Strasbourg où il a mangé chez un cousin de (Antoine) GUELFUCCI en compagnie du Dr Siferman et de Mme Butcher femme du Dr, connu en Alsace.

23 décembre

Suis allé avant-hier à Strasbourg avec l’espoir d’y faire quelques achats à la coopérative. La vie est toujours la même là-bas. Très active. Des uniformes partout.

L’aumônier (abbé Garry de Pontoise) est avec nous ces jours. Le neveu du curé revient demain.

26 décembre

Passé la Noël sans choses bien particulières. Réveillon et arbres de noël dans toutes les familles, de la plus riche à la plus pauvre. Avons été invités chez les Haare qui demeurent au n°206, en face de chez le curé, pour réveillonner et danser. Je n’y suis pas allé.

Je suis allé à l’arbre de noël des enfants ; très amusant. Nous leur avions acheté des jouets.

27 décembre

Partons demain pour Gundershofen prés Reischhoffen où nous cantonnerons 3 ou 4 jours ; Espère partir en perme le 4 ou le 6 janvier.

Rien de neuf. Le Rhin est en pleine crue.

1919

4 janvier

Cantonnons aujourd’hui à Wimmenau, ayant quitté ce matin Mulhausen, où nous sommes venus cantonner hier, après avoir quitté Gundershoffen.

Je pars demain matin en permission par Mulhouse-Belfort. Le colonel est parti le 30 à 10 heures de Gundershoffen où j’ai revu un groupe du 9ième de Castres et un capitaine Lunet, ancien sous-officier qui m’a rappelé de nombreux souvenirs.

 

Le 31 décembre, je suis allé avec lui acheter un phare pour la moto (35.00 francs) et là, j’ai rencontré devant la cathédrale le commandant JACQUOT et le capitaine MOLLINiÉ de Castres, actuellement commandant.

10 janvier

Suis en perme. Ai mangé à la maison aujourd’hui.

12 février

Suis en perme avec 2 prolongations. Ai la grippe.

Repart après-demain. On parle d’arrêter la démobilisation !!

Je suis affecté aux chemins de fer. Je dois aller me présenter 20, rue de Rome à Paris !

14 février

À 21h30. Suis de passage à Bellegarde filant sur Paris. Venu avec Jo et Alfred à Annecy.

Vu les Aussedat très gentils. Pas pu voir les Lamy, ni Barnet.

 

Fin du récit

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