Carnet de guerre d’André LESTY
Sous-officier
puis officier au 11ème régiment d’artillerie à pied (26ème batterie)
Puis à
partir de juillet 1915 au 14ème régiment d’artillerie (53ème batterie)
Publication :
Avril 2024
Mise
à jour : Avril 2024
Prologue
Jean-Pierre Michel V. nous dit en décembre 2023 :
« Le XX siècle a connu deux guerres mondiales au cours desquelles des membres de notre famille ont participé et certains ont donné leur vie comme Amédée Tivolle mort en 1914 ou se sont retrouvés gravement blessé comme Francisque Tivolle qui fut amputé d’une jambe.
Il est important pour la mémoire familiale de ne pas oublier les souffrances que nos parents ont endurées pour leur pays en englobant aussi bien les combattants que leur famille restée à l’arrière.
Pendant la première guerre mondiale ont participé la plupart des membres des familles Tivolle, Lesty et Michel-Villaz mais nous ne possédons que le journal et quelques photos pour André Lesty (notre grand-père maternel) et Louis Michel-Villaz (notre grand-père paternel).
Ni l’un ni l’autre n’ont fait état de leur guerre, mais grâce à leur carnet de notes journalières, il est possible de retracer quelques étapes de leur participation à cette terrible guerre.
Remerciements
Merci à Jean-Pierre Michel V. pour les carnets et les nombreuses
photos.
Merci à Philippe S. pour les
corrections éventuelles et certaines recherches.
Nous avons ajouté du texte en bleu pour la compréhension de certains termes
et pour aller « plus loin » dans l’analyse du récit.
Pour une meilleure lecture, j’ai
volontairement ajouté des chapitres, sinon le reste est exactement conforme à l’original.
Introduction
André Lesty est né
le 31 mars 1880 à Lyon. Sa famille est originaire d’Annonay, ville où travaille
son père Noël, représentant dans la vente de peaux (mégisserie). Sa mère
Françoise Joffmann meurt en 1884 laissant 3 enfants Jeanne (1875-1884), Pierre
né en 1878 et ‘’notre’’ André, né en 1880. Leur père meurt en 1890.
Orphelin donc très
jeune, à 10 ans, André est mis à l’orphelinat de Fourvières
chez les Frères des écoles Chrétiennes (les Lazaristes) à Lyon.
A l’âge de 14 ans,
son oncle Lacollonge, inspecteur chez Chatin, la grande maison grenobloise de tissus, accepte de
le prendre dans sa famille et l’inscrit à l’école professionnelle Vaucanson.
A 16 ans, il lui
faut travailler ; son oncle le fait entrer en 1896 comme employé chez Chatin. Remarqué pour son travail et ses capacité, il est
nommé directeur en 1912. L’année précédente, il a fait connaissance avec la
fille d’un fabricant de gants, Marguerite Tivolle avec laquelle il se marie le
23 février 1911.
De ce mariage
naîtront deux enfants Jean, né le 2 décembre 1911 et Madeleine appelé Mady née
le 6 janvier 1914.
Genèse succincte de l’artillerie à pied
Après la guerre de 1870, on décide
d’établir un système de défense constituée de forts et places fortes proches
des frontières. En 1883, on crée 16 bataillons
d’artillerie de forteresse (bataillons à 6 batteries) qui sont stationnés dans
les places fortes des frontières, de différents forts et les ports.
En 1894, l’appellation ‘’artillerie de
forteresse’’ disparait et est remplacée par ‘’ artillerie à pied ‘’. Deux
nouveaux bataillons sont créés. Lors de la réorganisation de l'artillerie
française de 1910 (loi du 24 juillet 1909), les 18 bataillons sont dissous et
forment 11 régiments d'artillerie à
pied (RAP). 9 régiments étant basés en France, 2 en Afrique du Nord. Ces 9 RAP
sont numérotés de 1 à 11 (n° 1, 3, 5 à 11) et comprennent de 4 à 13 batteries
de siège, de place ou de côte, servant des matériels très divers (canons de 75,
90, 120, 158, obusiers, mortiers..), tout cela en
temps de paix.
En temps de guerre toutes les batteries
actives doivent se dédoubler et former des batteries de réserves et de
territoriales. Au total plus de 320 batteries seront donc mobilisées en France
en août 1914. La moitié sera opérationnelle de suite.
Le 11e RAP d’André LESTY
Selon sa feuille de mobilisation, André
Lesty doit rejoindre Grenoble.
Dans cette ville stationnent plusieurs batteries et le 2ème groupe territorial.
Toutes les batteries du 11ème RAP sont
disséminées au sein des places fortes et les forts des Alpes (Grenoble,
Chambéry, Briançon, Gap…). On saura dans son récit qu’il rejoint la 26ème,
nouvellement formés par dédoublement de la 6éme batterie ; Cette batterie
occupera les forts d’Aiton, de Montperché
et de Montgilbert.
En octobre, l’Italie déclarant sa
neutralité, la plupart des forts dans cette région sont désarmés.
La 26ème batterie, quant à elle,
rejoint la 6ème pour occuper les forts de la région de Langres. C’est à cette
date que l’on rejoint le récit d’André.
Par chance, son épouse prend quelques
notes à partir de la mobilisation pour combler les lacunes du début de la
guerre.
Début des
Écrits de MArguerite et André LESTY
Désormais Marguerite, son épouse, du village de Gières où elle est en vacances avec ses 2 enfants chez
leurs amis Laforêt, note quotidiennement
les faits :
2 août :
André est arrivé cette après-midi ; ce soir Francisque (*) part. Où est
Amédée se demande-t-elle ? (l’un
de ses 4 frères).
(*)
: Son frère, Francisque Pierre Amédée TIVOLLE, né 1886, est adjudant engagé au
30ème bataillon de Chasseurs. Il passera sous-lieutenant en septembre 1914.
Nous en reparlerons dans le texte.
3 août :
Allée à Grenoble accompagner André pour son départ ; bien, bien
ennuyée ; pauvre petits. Arrivée de soldats ici (à Gières).
4 août
Il pleut ; trop triste ; un noir terrible. L’après-midi,
j’apprends la terrible nouvelle la mort de mon pauvre Amédée. (Son frère Amédée TIVOLLE. Elle
apprendra sa mort suite à une chute de cheval).
5 août
Est-ce possible ? Est-ce bien vrai ? Quelle horreur que la guerre.
Pleine maison de soldats et de chevaux.
6 août
Sans nouvelle d’André. Comment va-t-il ? Où est-il ? Je pleure, je
pleure ; pauvre Amédée.
8 août
Enfin une lettre qui date de mardi (4
août).
Il a faim ce pauvre petit ; il doit être bien las ; que faire pour lui ? Il n’a
pas reçu ma lettre ; il ne sait pas encore la nouvelle de la mort d’Amédée.
9 août
Papa (Joseph
Tivolle) est venu.
Départ de tous les militaires et de leurs chevaux ; quelle tranquillité.
Pauvres gens, où vont-ils ? Reviendront-ils tous ?
Hélas !
10 août
Reçu hier soir une carte-lettre. André change de fort et marches
sac au dos. Supportera-t-il ces grandes fatigues ?
13 août
Enfin ce soir reçu 3 lettres du 7, 8 et 9. Que je suis contente de
les lire ; orage épouvantable.
14 août
Papa venu hier matin ; Jean bien enrhumé.
16 août
Je reçois maintenant les lettres régulièrement.
18 août
C’est avec impatience que j’attends le soir pour lire mes lettres.
5 septembre
Dépêche d’André ; il arrive ce soir.
6 septembre
Bonne journée passés ensemble ; il va bien, et a bien bruni. Il
est parti à 6h du soir. Retour à la maison.
9 septembre
Fait vacciner Madi à la mairie de Gières.
13 septembre
Surprise ce matin ; je suis réveillée par André ; bien heureuse.
16 septembre
André est reparti ; il ne pourra plus avoir de permission !
17 septembre
La guerre, toujours la guerre. Quand cela finira-t-il ? C’est
épouvantable.
19 septembre
Il pleut ; nous partons ce soir (Marguerite regagne son appartement à Grenoble, 6 rue des Clercs).
18 octobre
Une lettre d’André annonce son départ pour Langres.
19 octobre
André parti aujourd’hui reçu dépêche ; bien désolée.
Départ pour Langres à 7h du matin (*). Arrivé à Culmont
(**) à 5h1/2, au Pailly
à 7h.
Couché dans la paille ; mal.
(*) : En train.
(**) Écrit Culmont : c’est la
gare de Culmont-Chalindrey.
Couché dans la paille ; mieux. Promenade au Cognelot (fort du Cognelot à 8 km de Langres). (*)
(*) : La seule batterie qui occupe ce fort est la 26ème batterie
Couché dans un lit, suis désigné pour la popote des sous-officiers.
Tout va bien.
Resté au Pailly faire mon marché.
Rien de nouveau ; je m’occupe toujours de la popote ; tout va bien.
Monté au Cognelot pour vaccin contre la typhoïde ; le soir mal à l’épaule.
Repos ; m’occupe toujours de la popote.
Départ de la 21ème. 23ème stationnée à Le Lay. (*)
(*) : C’est bien écrit ‘ Le Lay ‘ dans le carnet mais ce ne peut
être que Lecey comme écrit dans le JMO, car il n’y a
pas de Le Lay dans la région de Langres, même sur les anciennes cartes. Ce doit
être une erreur d’André. La 21ème batterie qui occupe en Savoie les forts du
Télégraphe et du Replaton a été dirigée sur le
secteur de Langres (à Lecey) le 19 octobre. Elle part
au front le 1er novembre.
La 23ème batterie qui occupe dans les Alpes de Hautes Provence
les forts du Cuguret, de Viraysse
et de la Rohe-le-Croix a été dirigée sur le fort de Tournoux le 17 octobre.
Les gradés vont à Langres pour instruction
Beau
temps ; revue par le commandant Novella ;
Installation
sur la route de ma pipe et du contenu de mes poches. (*)
(*) : Peut-être n’avait-il pas une tenue parfaite et le
commandant a voulu marquer le coup en lui demander d’étaler ses poches devant
lui.
M’occupe (*) toujours de la popote.
(*) : Mot deviné, les autres sont sûrs. Dans son courrier, André fait part à son épouse qu’il part bientôt pour le Nord.
Monté le
matin à Cognelot pour vaccin. Le Major n’a pas le
temps.
Le soir,
souper à Chalindrey avec Nicolas
et Lièvre et leurs dames, (Etienne) Ovise
et Dupont.
Bonne
soirée.
(*) : Etienne OVISE qui était au 11e RAP. Étant passé au 14ème
régiment d’artillerie de campagne le 16 juillet 1915 comme André, il devait lui
aussi être à la 26e batterie (aucun autre JMO de batterie du 11e RAP ne
s’arrête à cette date). Il était maréchal-des-logis comme André, ce qui
pourrait expliquer qu’ils se côtoyaient souvent.
Toujours popotier.
Reçois
lettre, suis content.
Arrivée de Madame Morian.
Visite du commandant Novella.
Temps gris ; tout va bien.
Attendons toujours notre départ.
Rien de
nouveau, nous attendons de partir.
Ordre de départ à midi ; départ à 1h30. Départ Culmont 3h30, Langres 6h33, Rolampont, Chaumont, Bricon, Maranville, Clairvaux, Bar-sur-Aube, Vendeuvre , Troyes 2h30. (*)
(*) : du matin
Marguerite note : « Une
carte d’André annonçant son
départ pour aujourd’hui »
Beau temps.
Départ 10h : Creney, Arcis-sur-Aube, Chalons,
St-Hilaire-le- Grand.
5h45
déchargement du matériel vite fait ; coucher en gare dans wagon 1ère
classe. Bien dormi.
A partir d’Arcis vu tombes, maisons détruites, pont démoli, aéros et entendu le canon à l’arrivée (à Saint-Hilaire-le-Grand).
Beau temps froid, popote en gare ; on part pour la ferme de Suippes ; mal couché.
La moitié de l’effectif part pour St-Hilaire-le-Grand. (*)
On passe la nuit dehors pour construire notre batterie. Deux pièces, pas chaud, mal mangé.
(*) : La 26ème batterie se fractionne en deux. La 1ère demi
batterie a l’effectif de 2 officiers et de 159 sous-officiers et artilleurs et
la 2ème demi batterie 1 officier et 156 sous-officiers et artilleurs, chacune
possédant 2 pièces (canons). Les 2 demi-batteries cantonnent à Suippes et les
pièces sont installées à proximité l’une de l’autre.
Elles sont nommées M et L.
On continue le travail ; nous prenons l’abri du 9ème. Pas mal couché.
Marguerite inscrit dans son carnet : « Madi a dit Papa pour la 1ère fois ; hélas,
il n’était pas là pour l’entendre. Je lui ai vite écrit mais ce n’est pas la
même chose. »
On s’installe pour la popote des sous-officiers. Le lieutenant GAVANIER vient avec nous. (*)
Bien nourri. La batterie est terminée. (**)
(*) : Il s’agit du lieutenant Henri GAVANIER arrivé à la 26ème
batterie le 7 septembre.
(**) : Il s’agit de la construction d’une batterie de
tir constituée d’une pièce (1 canon). La 26ème batterie du 11e RAP est
composée à cette date de 4 batteries de tir, 4 emplacements dissimulés aux yeux
de l’aviation. Mais les batteries de tir sont fréquemment déplacées d’une
centaine de mètres dès que l’on pense qu’elles sont repérées. Ce sont des
canons de 155mm, nous aurons la confirmation plus loin.
Le soir MOREAU et moi revenons à la ferme de Suippes ; mal couché
Reconnaissance du cantonnement à Suippes ; on trouve une cuisinière pour faire la popote pour nous. Il faut se soigner. La batterie devait tirer aujourd’hui mais elle n’a pas tiré.
On a eu froid toute la nuit dans notre chambre.
Attaque
générale. La batterie à St-Hilaire a tiré 80 coups. Suis allé avec (Etienne) Ovise voir leur batterie à Souain ;
ils ont tiré 12 coups. Suis revenu avec (Abel) Gauthier (*) et la garde. La
batterie doit encore tirer 12 coups. En revenant nous avons vu tomber 2
marmites (**) à 300 ou 400 m de nous ; avons allongé le pas.
Depuis 11h,
notre artillerie a donné un bon coup. Ca ne cesse de tomber. Les Allemands ont
peu répondu.
Toute la
matinée, il est tombé de la neige, environ 10 cm. J’ai acheté des galoches
montées et des chaussons ; suis bien.
(*) : Abel sera cité et décoré en 1916.
(**) : Marmite : obus de gros calibre en langage militaire.
Suis
toujours au repos.
A 15h15 vu
passer un enterrement de 4 militaires ; 3 de l’infanterie, 1 du
génie : blessés hier et morts à Suippes.
(*) : MdH (Mémoire des Hommes) identifie 4 fantassins tués le 25
à Suippes plus 1 capitaine (celui enterré le 27) mais aucun du Génie (et de
plus, aucun mort à Suippes les 23 et 24). Le 26, 2 autres fantassins (271e et
336e RI) sont morts des suites de blessure probablement lors de l’attaque du 25.
Toujours au
repos ; promenade en bicyclette jusqu’à la batterie de St-Hilaire où j’ai
vu les effets des obus allemands lors de l’enfer du 25.
L’après-midi,
visité le cimetière de Suippes qui commence à être bien garni de militaires.
Ce matin, on
a enterré un capitaine de fantassins. (*)
Départ de MOREAU et arrivée de (Marc Marius) BONNIER (**). Encore un enterrement de 4
fantassins.
(*) : Le seul capitaine tué à Suippes les jours précédents est
René Jacques GENDRIN du 336ème régiment d’infanterie (tué le 25 novembre 1914).
Sa
fiche.
(**) : Marc Marius BONNIER, né à St Étienne (42) en 1889, employé
de bureau dans le civil, a fait son service militaire en 1909 lui aussi au 11e
RAP. Brigadier-chef au 11e RAP en août 1914, il est donc à la même batterie
qu’André LESTY.
Promenade à St-Hilaire en bicyclette, porté teinture d’iode et éther.
En arrivant, la batterie venait de tirer 5 coups. Les Allemands n’ont pas répondu.
Retour à Suippes à midi ; bien mangé. De Jonchery à Suippes, vu une quinzaine de tombes. On dirait un petit cimetière.
A 15h, encore un enterrement de 2 fantassins du 336ème.
(*) : Il doit s’agir des 2 seuls fantassins morts à Suippes le
27 novembre des suites de blessure, tous deux du 336e RI : Edouard Alexis CAUMONT et Joseph
Marie GEFFROY.
André
Lesty fait un croquis montrant un
obus de 120 livres tiré par les Boches,
planté
dans un arbre après ricochet à St-Hilaire-le-Grand, situé à 200 m du gourbi.
En me
promenant du côté de l’église, je m’aperçois que c’est dimanche. Suis rentré un
moment dans cette église en ruines.
3 lettres
et une carte de Pierre (suis content).
Marguerite note dans son carnet : « reçu une lettre ; il est à
Suippes ; vit dans les tranchées ; pauvre petit ; comme il doit
être ennuyé il n’a pas de nos nouvelles »
Beau temps.
Notre
batterie* tire tous les jours et les Allemands répondent. Pas de mal pour aucun
de nous.
A 15h,
encore un enterrement de fantassins du 247ème. Arrivée d’une batterie du 1er
régiment d’artillerie de montagne avec leur canon de 80.
Aujourd’hui
les avions circulent, ils n’ont pas pu observer notre tir.
Je pars pour St-Hilaire avec BONNIER. Nous arrivons à bicyclette juste avant que les Boches commencent à nous arroser. Le détachement est obligé de s’abriter dans les bois. Pas très bien dormi ; lever à 5h.
Nous avons continué le travail dans la batterie à 8h30.
MOREAU m’apporte 6 lettres. Pas reçu l’ordre de tirer. Beau temps. Les Boches (ne) nous ont pas tiré dessus.
Bien dormi.
Levé à 7h30. Il pleut et fait un grand vent, mais le temps s’arrange et nous allons perfectionner notre batterie.
A 14h50, nous recevons l’ordre de tirer 10 coups sur St-Souplet-sur-Py à 15h.
Extrait du
JMO : Il fait donc partie de la batterie M
Rapidement avec BONNIER nous équipons ‘’la Vache’’ (*) et nous tirons. Au 6ème coup, les Boches nous répondent ; au 9ème coup nous arrêtons et rentrons dans l’abri juste au moment où une marmite vient d’éclater. Nous sortons pour tirer le 10ème coup et retournons nous abriter pour laisser passer la rafale.
Et c’est en
fumant une bonne pipe que nous écoutons éclater les marmites qui sont ma foi
bien en direction. Une de leurs marmites éclate contre un arbre à 3 m en
arrière de la culasse (de notre canon) et le feu de l’éclatement nous éblouit
dans nos abris.
Au bout d’une heure le feu ayant cessé, nous rentrons au pas de gymnastique dans notre gourbi (**).
A 16h45, nous allons voir les dégâts causés :
quelques arbres et branches cassés et plusieurs trous d’obus autour de la
batterie. C’est peu.
On signale
2 blessés à Suippes que l’on a bombardé.
Le soir
nous attendons le ravitaillement de 240 obus, nous pourrons fêter la Ste Barbe
demain. (***)
Enfin nos
obus sont arrivés à minuit, tout s’est bien passé.
(*) : Les canons seront dénommés ‘’Ste Lucie’’ et ‘’la
Vache’’
(**) : Gourbi : abri semi enterré constitué par de gros rondins
en bois.
(***) : St Barbe est la sainte patronne des artilleurs
Levé à 6h. Nous avons travaillé à la batterie.
A 15h, les hommes rentrent au gourbi, les Allemands leur tirent dessus. Le lieutenant (Henri) GavanIER, (Marc Marius) BONNIER et moi prenons les éléments pour tirer sur de nouveaux villages.
A demain pour la canonnade, en attendant, on va bien dormir.
Aujourd’hui
j’ai reçu plusieurs cartes et appris la mort de ??
(illisible)
Aujourd’hui
tiré 5 coups percutants à 15h non observés sur Vaudésincourt charge 0 - 3.200kg
(*)
non observés.
A 14h tiré
5 coups fusants observés en direction. Les Boches ont tiré quelques coups sur
nous pas très près. Nous sommes rentrés dans le gourbi où nous avons laissé
passer la rafale qui a commencée à 3h30.
Ce soir à
6h nous partons BONNIER et moi à Suippes. Repos 4 jours.
Reçu une
lettre du 26. Tout va bien.
La charge
spéciale 5,600 kg à obus M ch (**) a abimé ma plateforme.
Nous avons
eu la pluie tout le long de la route. La pèlerine m’a bien servi.
(*) : Il est écrit « ch 0 3k200, ce
qui correspond à la charge 0 (3.200kg de poudre BC) pour obus allongés : voir
le manuel d'artillerie lourde page 50
(**) : Il doit s’agir d’une charge 000 de 5,485kg prévue
d’être utilisée lorsque le canon est sur un affut Schneider à long recul (voir
le manuel p 161). Elle a peut-être été utilisée ici pour un obus à mitraille
(fusant) avec le canon sur affut rigide comme le montrent les photos ci-après,
ce qui pourrait expliquer l’endommagement de la plateforme.
Voici la
composition de l’équipe dirigée par André Lesty
pour assurer le fonctionnement de son canon d’abord appelée ‘’ Ste Lucie ‘’
puis dénommée ‘’ la Brutale ‘’ La Brutale était un 155 avec cingoli remplaçant Ste Lucie
Nota 1 : étant maréchal-des-logis, il n’aurait dû
commander qu’une seule pièce (Ste Lucie). Cependant, la 2ème ½ batterie M
n’ayant qu’un seul officier, André tenait peut-être lieu de 2ème officier.
Nota 2 : il semble y avoir utilisation du mot batterie pour la
batterie (4 pièces), la ½ batterie et peut-être parfois aussi la pièce.
Commandant 23ème batterie : Lesty
Chefs des
pièces : Dumesin
(brigadier)
(*)
Chef de pièce : (Charles) Trinquier (**) – MÉjat - Boujour
Pointeurs : Georges - Joly Fleury - Fournel
Chargeurs : Pommerol
– Berthet – Chapolard
Pourvoyeur de gauche : Berangeon
Tireurs : Longère – Avon - Eymin Petot
Manœuvres : Odin – Servattaz - Bougeat (originaire de St-Agnés, Isère)
Pourvoyeur de droite : Chamberod
Secrétaire du commandant de batterie : Brunes
Planton :
Téléphonistes de groupe : Issantial - Gojon
Observateurs : Devallet Pin - Duc
Signaleurs : Rosera - Thibaud
Secrétaires : Barange - Roby
Observateurs de groupe : Bolevy - Brunat
Les observations par aéroplane, avec pistolet
- 1 coup de pistolet : veut dire tir à droite long
- 2 coups de pistolet : veut dire tir à gauche court
- 3 coups de pistolet : veut dire tir en direction encadrant
(*) : Dumesin
était chef des pièces (des 2 pièces de chaque ½ batterie L et M ?)
(**) : Charles Louis TRINQUIER, 21 ans, est engagé volontaire à
18 ans et est affecté au 11ème régiment d’artillerie à pied. Blessé en octobre
1915, il finira la guerre dans l’artillerie lourde. Plusieurs fois condamné
pour vol, il décède en 1944. Voir sa fiche.
Carnet de
guerre d’André Lesty
J’ai écrit
une longue lettre à ma Margot.
Hier, on a
bombardé Jonchery et un fantassin a eu l’avant-bras
droit emporté. On signale encore d’autres blessés par un obus qui a éclaté au
moment d’une distribution de lettres aux fantassins.
Rien de
nouveau ; pris une bonne douche.
Marguerite : « Ai
reçu ce soir carte du 2 et du 3 ; il a bien tiré et les Boches ont tiré
également ; heureusement il va bien.»
Rien de nouveau.
Marguerite : « j’ai
prié la Ste Vierge pour lui. »
A 8h15,
enterrement d’un fantassin ; à 16h30 départ à St-Hilaire-le-Petit (*).
(*) : Il doit plutôt s’agir de St-Hilaire-le-Grand car
St-Hilaire-le-Petit était côté allemand (bien écrit « Petit » dans le carnet :
erreur d’inattention d’André ?)
Marguerite : « j’ai
reçu une carte du 5 ; il va toujours bien ; j’ai préparé un paquet pour
lui et pour Francisque (son frère.) »
Tiré 6
coups sur chacun des villages de Dontrien et St-Souplet. Les Boches n’ont pas
beaucoup répondu.
Reçu 3
lettres.
Tiré 5
coups sur St-Martin-l’Heureux et 5 coups sur
St-Souplet. Les Boches ont assez bien répondu.
Tout va
bien. Visite GAUTHIER et (Etienne) OVISE et POINGT.
A 9h, 5
coups sur Ste-Marie-à-Py et 7 coups sur St-Martin-l’Heureux ; les Boches ont peu répondu.
A 14h, 6
coups sur St-Hilaire-le-Petit. Les Allemands furieux, ont répondu
activement ; des branches coupées par les éclats et les balles tombaient
sur ma plateforme. Il y a eu une belle réplique de nos 75 et c’était joli
d’entendre cette réponse énergique. Enfin au bout d’un moment, nous sommes
rentrés au gourbi.
Vers les
16h, un obus a éclaté dans le bois ou se trouve notre batterie. Il a dégagé
beaucoup de fumée, n’avons pas pu nous rendre compte de ce que c’était.
Pas reçu de
lettre.
A 9h du
matin, alors que je constatais autour des pièces, les marmites de la veille, un
sifflement passe au-dessus de ma tête. Je me couche et leur projectile éclate à
150 mètres dans la clairière. A cet avertissement, je suis allé me cacher dans
un abri à personnel.
Ils ont
continué à tirer 15 coups. Pendant ce temps, je fumais ma pipe.
A 9h30,
ordre de tirer 8 coups sur St-Martin-l’Heureux. Nous
tirons rapidement et après nous nous mettons à l’abri.
Vers les
10h, une marmite éclate à l’embrasure, démolissant une partie de l’abri fusant déjà
atteint par un projectile avant que nous commencions notre tir. En somme, pas
de mal au personnel.
Le soir,
départ à 18h30 ; la pluie nous prend en route, temps affreux.
Passé une bonne nuit.
A 13h, un
ordre vient qu’on va nous changer nos 155 contre des 155 (*) avec cingolis (**).
Je suis désigné pour aller à la ferme de Suippes avec (Etienne) Ovise pour partager le matériel de chaque
batterie. Suis allé trouver les sous-officiers du 15ème escadron du train où
j’ai été bien reçu. (***)
Souper et
punch phénoménales, concert.
A 11h, contre-ordre ; les pièces n’ayant pas été déchargées à St-Hilaire-au-Temple.
Pendant ce
temps, les 2 batteries avaient commencé à désarmer ; il a fallu tout
rétablir. Il semble qu’il y a un manque d’entente dans le commandement.
Je rentre
me coucher à minuit.
(*) : Canon de 155mm long, modèle 1877, artillerie de siège et
place forte. Voir ici.
(**) : Couronne de plaques métalliques fixées sur les roues de l’affût pour empêcher le canon de s’enliser lors de son fonctionnement sur des sols boueux. C’est le nom italien qui correspond à "Chenille".
(***) : Le groupe d’attelage de la batterie appartient au
15ème escadron du train des équipages militaires (JMO).
‘’La Brutale’’ avec ses cingalis sur
les roues en janvier 1915
Nous prenons en subsistance près de 200 chevaux et le personnel.
A 13h, (Marc Marius) BONNIER et (Abel) Gauthier partent avec 15 hommes à la ferme probablement pour chercher nos pièces.
A 14h, un orage suivi d’une trombe d’eau transforme la rue St Antoine en ruisseau.
Nota : La composition de la 26ème batterie du 11e RAP est établie
le 15 décembre : 2 officiers (lt PONCET, s/lt Henri
GAVANIER,
18 sous-officiers, 260 hommes de troupe et 182 chevaux).
Le beau temps est de retour ; (Abel) Gauthier repart à St-Hilaire-au-Temple toujours pour les canons à cingolis. Je suis resté tranquillement à Suippes.
Le matin,
nous sommes allés à la ferme de Suippes pour répartir le matériel avec cingolis.
Le soir (*) à 13h, nous avons essayé, ça marche.
A 16h30, BONNIER et moi partons pour St-Hilaire.
Vers les
16h, deux pruneaux boches sont tombés à Suippes ; on parle d’un cheval tué
et d’un homme blessé.
Arrivé au
gourbi à 19h30 sans incident oublié mon passe-montagne. Reçu lettres et carte de ??. (**)
(*) : Écrit « le soir » mais c’était souvent auparavant utilisé
pour « l’après-midi ».
(**) : Probablement écrit « Pierre », comme la carte reçue
le 23
Réveillé à 7h ; pas très bien dormi.
Je fais un tour à la batterie. Les trous d’obus ont encore fait des petits. Reçu 200 obus. On n’a pas tiré, les Boches non plus.
Passé toute
la journée dans le gourbi. Nous apprenons que jusqu’à nouvel ordre, nous serons
BONNIER et moi permanents à la
batterie. MOREAU et POINGT
resteront avec les cingolis à Souain.
Nota : il semble que si la Brutale a remplacé Ste Lucie, la
Vache n’a pas été remplacée (elle tirera encore le 21 décembre …) et reste
prise en charge par André et Bonnier
Passé toute
la journée dans le gourbi. Nous n’avons pas tiré ; journée calme. Il est
arrivé pas mal de troupes dans le secteur, probablement en vue d’une attaque
qui aura lieu demain.
On a
baptisé le gourbi ‘’Villa Boum Boum’’, décrottoir à l’entrée et caillouté les
deux entrées.
Le soir,
reçu carte du 9.
Bien dormi.
Reçu à 9h30 l’ordre de tirer 6 coups sur St-Hilaire-le-Petit, 6 coups sur St-Souplet. Bien marché ; les Boches ont répondu trop longs.
Le soir, BONNIER a tiré 24 coups sur 2 batteries. On lui a peu répondu ; 10 sur St-Souplet et moi 12, en balayant de Vaudésincourt à Dontrien. Ma pièce a tiré trop long par la faute du tireur. BONNIER est venu et m’a aidé au pointage pendant que je donnais les éléments. Je pense que les avions ont pu observer notre tir.
Tir depuis
le matin. ‘’La Brutale’’ 12 coups, ‘’la Vache’’ 90 coups. Les Boches ont très
peu tiré.
A 7h, un
avion français a survolé la nuit les lignes allemandes. Le soir, on a bien
dormi.
Reçu lettre
du 14.
A 6h du
matin, ravitaillement de 100 obus ;
Le matin ‘’la
Brutale’’ tire 15 coups sur Dontrien et ‘’la Vache’’ 15 coups sur
St-Souplet ; Le soir (*) ‘’la Brutale’’ tire à nouveau 15 coups sur Dontrien, 2
sur St-Hilaire, et ‘’la Vache’’ 17 coups sur St-Souplet.
(*) : Écrit « le soir » mais c’était souvent auparavant utilisé
pour « l’après-midi »
L’avion a observé le tir sur St-Souplet qui était légèrement court. On l’a modifié.
Sur Dontrien, je tire toujours sans savoir ce que je fais.
Le soir, à 5h il y a eu attaque du côté de Mourmelon ;
à 5h30, ça chauffe du côté de Souain. Avec BONNIER,
je vais voir un peu ce qui se passe
en nous postant à la lisière du bois où sont nos voitures.
Nous voyons le véritable spectacle du champ de bataille : éclairs des coups de canons, fusées éclairantes à tout instant, mitrailleuses qui crachent la mort et coups de fusils ressemblant à un déchirement de toile. Nous verrons les résultats demain.
Dans la
journée, les Boches ont sérieusement tiré sur la batterie. Nous nous amusions à
entendre venir les marmites. Toujours pas de dégâts beaucoup de trous tout
autour, des arbres coupés, mais pas de blessés, c’est épatant.
Dans la
nuit, à 23h30, tiré 5 coups sur St-Souplet et 5 coups sur Dontrien. Autant à 1h
du matin et 2h30.
Les Boches
ont répondu de très loin par 4 ou 5 coups seulement en tout.
Journée
calme.
Avons tiré
6 coups sur la gare de Dontrien et 6 sur la gare de St-Souplet. Les Boches
tirent loin.
Le soir
encore tir de nuit.
A 19h30, on
reçoit un contre-ordre ; j’en suis bien aise et me suis couché avec
plaisir.
J’ai reçu
carte et lettres de ma Margot et carte photo de Pierre.
Ravitaillement
de 90 obus à 20h.
Bien dormi.
Tiré 13
coups sur Dontrien et 18 sur St-Souplet. Les Boches ont répondu une
cinquantaine de coups toujours sans résultat.
La nuit,
nous avons eu ordre de tirer 15 coups sur Dontrien et 15 sur St-Souplet à
23h30. Les Boches nous ont sérieusement répondu, heureusement sans nous faire
de mal. Encore un de nos avions qui a volé de nuit.
Le soir à
20h, nous avons eu un ravitaillement de 50 obus. On a bombardé Suippes.
Jean et Madi doivent être contents d’aller voir à la cheminée si le
petit Jésus s’est montré généreux. Bien dormi.
Levé à
7h45. Beau temps froid.
‘’La Vache’’
et ‘’la Brutale’’ ont tiré 42 coups. Les Boches nous arrosent tout autour de la
batterie. C’est garni de trous, les arbres coupés.
Pas reçu de
lettre
Suippes a
encore été bombardé (1 chauffeur blessé).
Marguerite : « j’ai
des enfants devant la crèche, des souliers bien remplis ; tristes
fêtes ! »
Bien
dormi ; avons tiré 35 obus. Ce qui est ennuyeux c’est que depuis 1 mois
qu’on est là, on n’ait pas trouvé le moyen de régler notre tir. Voilà plusieurs
fois que les avions volent pour nous et toujours rien de précis.
De temps en
temps un taube vient nous survoler et a l’air de très
bien se comporter.
Temps
splendide, froid. Avons fait installer 2 caisses à gargousses dans le gourbi
qui nous servent de placards. Les Boches n’ont pas ménagé leurs projectiles.
Quand je tire seul, ils répondent très peu.
Pas de
lettre, c’est ennuyeux.
Marguerite : « sorti
Madi au soleil ; cela lui a fait du bien. »
Bien dormi.
Je n’ai pas
tiré, BONNIER a tiré 15 coups.
Les Boches ont répondu. On s’est entendu avec d’autres batteries pour répondre
aux batteries boches qui nous tirent dessus.
Ce soir
encore pas de lettre. Comment va Madi ?
Ravitaillement
de 70 obus.
Bien dormi.
Ce matin,
nous avons tiré BONNIER et moi 35
coups. Les Boches ont répondu par quelques marmites. Il fait un temps
affreux ; pluie et vent font rage, aussi, on ne sort pas du gourbi.
Ce soir, à
21h, un de mes hommes est tombé d’un arbre en rangeant son téléphone cassé. On
vient m’appeler, je venais juste de me coucher. Dury s’est fait une bonne entorse.
J’envoie chercher un major à l’infanterie qui arrive un moment après. C’est
celui du 107ème qui est un jeune homme charmant. Il lui bande la jambe et fait
le nécessaire pour que cet homme soit évacué au plus tôt.
A 3h du matin, une voiture vient le chercher. On l’emmène au poste de secours du fort de St-Hilaire. Je me recouche jusqu’à 8h du matin.
Fort du camp de Châlons, construit
avant 1870 (bastionné), il était traversé par la route de Mourmelon-le-Grand à
St-Hilaire-le-Grand
A gauche : carte postale prise de ballon, postée en 1912 –
à droite : photo aérienne de 1919
Tiré 10
coups sur Dontrien et BONNIER 36
sur St-Souplet, Ste-Marie-à-Py et
Notre-Dame-des-Champs. Les Boches répondent moins que d’habitude mais ils ont
tiré admirablement sur un avion français qui a pu malgré ce feu, s’en aller
sans être touché.
Reçu 3
lettres et une carte.
Aujourd’hui
on a tiré sur St-Souplet et Dontrien. Les Boches n’ont pas répondu.
Le soir, à
16h30, BONNIER et moi sommes
allés au boyau qui relie les tranchées de première ligne.
Reçu une
lettre.
A 6h, suis
retourné avec Goyard au boyau
reliant les tranchées de première ligne en vue de trouver un observatoire pour
‘’la Brutale’’. Reconnaissance d’un chemin défilé pour communiquer avec la
batterie. J’ai ramené une chienne qui 20 minutes après, nous trouvait un lapin.
A 13h, un bi-plan a atterri à 600 m du gourbi. Les boches tirent
dessus. BONNIER va tirer 10 coups
sur la batterie boche pour détourner leurs tirs sur lui, c’est ce que nous
voulions.
A 13h30,
ordre de tirer 20 coups sur la batterie désignée. C’est encore BONNIER qui s’appuie ce tir. il n’a tiré qu’un coup parce que l’observateur était repéré
et les Boches lui tiraient dessus.
Ce matin, vu dans le bois qui est vers la route
d’Auberive à Mourmelon un grand carré et une croix au milieu ;
probablement des Boches qui reposent. Un peu plus loin vers un gourbi de
fantassins, se trouve la tombe d’un commandant, très bien entretenue.
Le soir, ravitaillement soigné pour le jour de l’an. Reçu paquet molletières et gants. Les Boches ont tiré une partie de la nuit sur la batterie M. Nous les avons laissé faire.
Marguerite : « fini
l’année bien tristement avec l’ennui dans l’âme. On devrait pouvoir revivre le
temps que l’on a passé à s’ennuyer ; espérons tout de même que 1915 nous
apportera la réunion avec ceux que nous aimons. Adieu 1914, année de misères et
de tristesse. »
Matinée tranquille ;
chasse aux lapins de 8h à 13h avec mon petit chien, gentille bête qui nous a
permis de prendre 8 lapins.
Le soir à
14h, BONNIER a tiré 19 coups sur
une batterie. ‘’La Brutale’’ se repose toujours. Bon dîner payé par le
ministre : jambon, noix, mandarines, pommes, cigares et champagne pour
quatre.
Le soir
reçu lettres et cartes ainsi que carte d’Obanel
et Colonel.
On prend
toujours des lapins.
BONNIER tire 5
coups sur la batterie le matin les Boches ne répondent pas.
Le soir, je
tire 14 coups sur d’autres batteries ; les Boches répondent et BONNIER qui
peut aussi tirer dessus leur répond. Toujours pas de mal.
Le soir,
une lettre ainsi qu’une carte de Pierre toujours à St Dié.
On a reçu
un paquet de noël pour 9, trouvé un billet du petit Dédé que j’ai renvoyé à
Grenoble. BONNIER a tiré 29 coups
le soir. Ravitaillement de 200 obus. Aujourd’hui les Boches ont bien répondu.
Reçu lettre
de Tremblay.
Oublier de relater.
Tiré sur les Boches ; rien de nouveau. Reçu gros courrier.
A 11h30, parti avec le lieutenant et Goyard pour observer le tir de ‘’la Brutale’’ sur Vaudésincourt. Nous sommes allés dans les premières tranchées françaises. Nous avons très bien vu Vaudésincourt, moins bien Dontrien.
Je suis revenu satisfait de voir que nous étions bien en direction.
De retour
au gourbi, Fradet nous signale
deux militaires faisant des signes avec un mouchoir. Je vais voir ;
c’était un brigadier-fourrier et un chef du 10ème escadron du train. Ils m’ont
dit avoir regardé notre tir et je remarquais que le tir des Boches ne leur
était pas indifférent.
Ils sont à
la ferme du Piémont et avaient laissé leurs chevaux à 2 ou 3 km du boqueteau.
Le chef parlait très peu. Ils ont fait la campagne de Belgique et actuellement,
sont chargés de ravitailler plusieurs régiments entre autres le 5ème lourd du
côté de Perthes. Ils m’ont paru d’allure louche, ai rendu compte au lieutenant
à mon retour.
BONNIER a
tiré près de 60 coups et on lui a sérieusement répondu.
Reçu lettre
du 30 décembre.
Aujourd’hui
BONNIER a tiré et les Boches ont répondu furieusement bien en direction. Ils
ont réussi à nous démolir un abri ensevelissant 6 servants et un brigadier.
Heureusement, ils ont eu plus de peur que de mal.
Bien mal aux
dents toute la journée.
Je n’ai pas
tiré, BONNIER seul a envoyé quelques coups sur St-Souplet et les
batteries. Les Boches nous répondent toujours sans nous faire du mal.
Ce matin,
j’ai tiré sur un train à Vaudésincourt à 9h. Les Boches m’ont bien répondu,
j’ai dû les embêter.
A 1h,
j’étais prêt à tirer à nouveau sur le train quand j’entends un coup boche
éclater à la batterie. Ils m’invitent à entrer dans la danse. Je commence
aussitôt et tire 10 coups. Comme les Boches continuent à tirer sur la Batterie,
BONNIER se met de la partie.
Juste nous venions de terminer à ‘’la Brutale’’ qu’un obus boche éclate à ma
plate-forme la garnissant d’une fumée noire. Nous étions à l’abri ; point
de mal.
Trois
autres éclatent encore très près. BONNIER
continue de me défendre quand un de ses servants vient m’avertir qu’ils sont
plusieurs blessés.
Je vais voir et trouve BONNIER blessé au genou droit, Ponthenier à la jambe gauche et Léon Baud au bras droit. (*)
Ces deux
derniers qui paraissent blessés plus sérieusement, ont été dirigés au poste de
secours de St-Hilaire. BONNIER a
voulu rester au gourbi ; il prendra ce soir conseil du major des
fantassins du 107ème, secteur de Mourmelon.
Le major
est venu ; ce n’est pas grave, quelques jours de repos.
(*) : Le maréchal-des-logis Marc Marius BONNIER est blessé au
genou, non évacué - PONTHENIER, maître-pointeur, est blessé au mollet gauche.
Léon BAUD, 25 ans, 2ème servant, est blessé au bras droit. Après
rétablissement, il sera affecté dans divers régiments d’artillerie lourde. Il
survivra à la guerre. Voir sa fiche.
Tiré 14
coups sur Vaudésincourt ; MÉJAT et Goyard
sont allés observer mon tir qui a été très bon. Les Boches ont répondu mais
j’avais pris toutes précautions utiles pour ne pas avoir de blessés.
J’ai fait
un tir lent en observant le tir boche.
Reçu lettre
du 6.
Levé à 5h
du matin pour faire construire une cabine téléphonique, arrêté le travail à
8h30 ça deviendrait dangereux.
A 10h, je
dois tirer 20 coups à ‘’la Vache’’ sur des batteries boches. Au 10ème coup, le sur-bande est cassé par notre tir. Je m’arrête.
Schéma p5 de 155 mm de Bange Mle 1877
A 13h, je
tire 10 coups sur Vaudésincourt et toujours avec prudence. Au premier tir, leurs
grosses marmites nous ne les craignos pas, au 2ème tir, ce sont leurs fusants
qui ne sont pas amusants. Aussi grande prudence en faisant un tir très lent.
BONNIER va
mieux.
Aujourd’hui,
j’ai tiré sur Vaudésincourt le matin. Mon tir a été observé par le capitaine et
le lieutenant.
Le soir, le
brigadier MÉjat tire encore 6
coups sur le même objectif. Avec le lieutenant, je suis allé l’observer au
poste de guetteur d’infanterie.
Bon tir.
Pas de
lettre. J’ai envoyé CART qui les rapportera demain matin.
Pluie toute
la journée ; pas tiré.
Reçu deux
lettres de Margot, oncle, Mme ARNAUD, oncle Francisque et enfin le fameux
paquet du 10 décembre. Nous nous sommes régalés.
Les Boches
ont envoyés 2 ou 3 marmites.
Tiré 10 (coups)
avec « la
Vache » sur Notre-Dame des Champs et 20 (coups) sur la route de Dontrien à
Vaudésincourt. Les Boches ont tiré plus de 80 coups mais pas à craindre ils
étaient long.
Depuis
plusieurs jours, je me lève à 5h30 pour construire la cabine téléphonique.
A 15h comme
je commençais un tir sur Vaudésincourt, au 3ème coup, on m’avertit de cesser le
tir pour désarmer la batterie. On vient chercher les pièces ce soir. On a fait
un travail de romain qui s’est terminé à 1h du matin. Tout va bien.
Reçu
lettres de Margot, Mme CALVAT et Jeanne DESMALLES. (*)
Adieu ‘’la
Brutale’’, adieu ‘’la Vache’’, toutes deux blessées.
(*) : 2e et 3e lettres peu lisibles mais parmi les possibilités,
c’est la seule dont des familles ont été identifiées dans l’Isère, en
particulier une dame Marie Rose Jeanne habitant Grenoble, née Rabatel en 1882 et mariée en 1902. Le 3e prénom étant
souvent le prénom usuel, il s’agit peut-être d’elle (c’est un nom peu répandu).
Levé à
8h30 ; j’ai attendu en flemmardant le repas de 11h.
Après, je
commençais à faire une longue lettre à Margot, quand un coup de téléphone
m’appelle. C’est le lieutenant qui me dit qu’on nous amènera ce soir même une
pièce de 155 avec cingolis. Il faut de suite préparer
le terre-plein à l’emplacement de ‘’la Brutale’’.
J’abrège ma
lettre, le canon arrive à 8h du soir et à 9h1/2, on se met dans la paille.
Bien dormi.
Continuation du travail pour placer notre 155 long ; en fin de journée, le montage n’est pas encore terminé. Reçu plusieurs lettres.
Nous avons
presque terminé ; nous aurions pu tirer mais le temps était brumeux ;
on n’aurait pas pu nous régler notre tir.
Cette nuit
je pense pouvoir dormir tranquille la nuit dernière, on est venu nous déranger
à minuit pour le ravitaillement en obus.
Encore reçu
un volumineux courrier ce soir et un paquet gâterie et pharmacie.
Nous avons terminé et nous pourrons tirer quand on voudra.
L’abri téléphonique est fini ; on y sera bien. Nous avons essayé de tirer 4 coups sur Vaudésincourt pour vérifier si les cingolis marchent bien. Nous en sommes enchantés.
Par suite du mauvais temps, nous n’avons pas tiré.
Tiré 8
coups sur Vaudésincourt observés par GOYARD et MÉjat. C’est bien ; ils ont vu le train qui s’amenait
juste comme nous finissions de tirer. Que n’avions-nous le téléphone ?
Les Boches
ont tiré des 150 explosifs pour la 1ère fois ; nos abris n’y résisteraient
pas. Ils ont fait des trous à côté de la pièce de l’abri téléphonique et de
l’abri des obus allongés. Aussi nous songeons à déplacer la pièce car on n’est
pas en sûreté. Nous avons trouvé un endroit au bois des voitures à 200 m en
arrière.
Nous
verrons demain ce qu’en pense l’état-major.
Journal du 26
janvier au 4 février 1915
Depuis
plusieurs jours, je ne pense pas à mon journal parce qu’on est très occupé à
changer d’emplacement. Nous étions véritablement trop repérés et on peut dire
qu’il a fallu avoir du courage pour continuer à tirer dans ces conditions
surtout ces derniers jours où des marmites explosives tombées à quelques mètres
de nos abris qui auraient résisté difficilement.
Enfin
aujourd’hui, on a commencé à tirer du nouvel emplacement à 350 m de l’ancien.
Ça me paraissait tout drôle qu’on nous réponde avec des éclatements loin de la
pièce. On va pouvoir rire quelques jours tant qu’on ne sera pas à nouveau repéré
à nouveau.
MOREAU et Poingt sont revenus ici avec leurs
équipes. C’est plus gai à 4 ; on rit des bons coups. Il reste encore à
faire le terre- plein de la 2ème pièce.
On a avancé le travail de la 2ème pièce.
On se dépêche de terminer les choses importantes : (nos) abris.
Pendant
qu’on tire sur la gare de Dontrien, une marmite de 150, tombe sur la pièce de
St-Souplet l’endommageant ; l’abri fusant est complètement dégringolé.
On parle
encore de nous faire changer de place.
Marguerite : « appris
la mort de Monsieur Jalliffier ; suis allée chez
Marcelle (Laforêt) ;
c’est affreux, j’ai le noir. »
Ce matin,
le lieutenant MoreAU et moi,
sommes allés à St-Hilaire-le-Grand reconnaître un emplacement de batterie. Avons
trouvé la place des 155 courts. C’est bien.
Avons été photographiés sur le perron d’une maison en ruine. (Photo)
Cette après-midi, j’ai tiré 8 coups sur Dontrien pour voir si les Boches nous avaient repérés.
Ils n’ont pas répondu. J’en ai été étonné ; nous verrons demain.
Hier, j’ai reçu une lettre du 7 décembre. J’ai envoyé une photo d’un obus de 150 non éclaté, dans ma lettre d’aujourd’hui.
Marguerite : « toujours
le noir ; je reçois toujours des nouvelles d’André ; il va bien mais
le temps dure. »
Je suis
allé à Suippes où j’ai passé une bonne journée ; on m’a traité de sauvage,
d’homme des bois.
L’après-midi,
j’ai vu Albert Raymond (*), GUignier
(**) (garage auto-La Mure). Nous sommes
allés entendre le concert sur la place de l’église.
Le soir,
j’ai couché.
(*) : 2 soldats Albert Raymond
ont été trouvé :
- Albert Joseph Marie RAYMOND, classe 1906 comme Guignier dont
il a eu le même parcours : 12e BAP puis 16e BAP, Maréchal des Logis en 1908,
puis 11e RAP mais il est passé au 4e RAC (51e bat.) fin novembre 1914 et était
donc dans les Vosges à cette date : Sa
fiche ici, page 1/136.
- Albert Marc RAYMOND, classe 1908, passé au 16e BAP puis au 11e
RAP à la mobilisation. Il est indiqué sur sa FM (p116/134
de A.M. Raymond) passé au 81e RAL au 1er décembre
1914 mais selon l’Historique des 4e, 81e et 281e RAL, le 81e RAL n’aurait été
créé que le 1er octobre 1915 à partir du 4e RAL. Il était donc bien au 4e RAL
début 1915, comme Guignier. Ce
pourrait donc être lui.
(**) : Le recensement de La Mure de 1906 (le dernier disponible)
indique une famille GUIGNIER voiturier et mécanicien (rue des Alpes p113/118).
Il pourrait donc s’agir de Pierre Auguste GUIGNIER, classe 1906, au 11e RAP à
la mobilisation puis au 4e RAL (peut-être au 3e groupe alors sur
Suippes/Laval). Il sera tué à l’ennemi le 24 septembre 1915 (sa
FM p122/134 de P.A. GUIGNIER). Ce n’est pas son frère Ernest classe 1907
qui lui était lui dans la cavalerie.
Je suis revenu à ‘’La Villa’’.
L’après-midi, j’ai tiré 10 coups sur la voie ferrée et la gare de Dontrien, Poingt a tiré 10 coups sur St-Souplet. Les Boches ont répondu furieusement mais sans nous faire de mal. Ils coupent du bois en quantité. Ils ont tué un artilleur du 75 au pont de la Suippe et un autre a été blessé.
(*) : écrit « …artilleur du 75 … » pour artilleur de canons de 75 (ce pourrait aussi
vouloir dire du 75e RA, mais je n’ai pas trouvé d’info sur ce RA : il y a bien
eu un 75e RAL mais a priori constitué en 1918).
Selon MdH, seulement 2 artilleurs ont été tué à Suippes entre le
31 janvier et le 3 février :
- l’un Gilbert LAUDIN
du 2e RAL (120 long) des suites de blessures le 3 février. Voir
sa FM. Peut-être est-ce celui blessé le 2 ?
- l’autre, seul
artilleur de RAC (donc probablement l’« artilleur du 75 »), Louis Marie FERRÉ,
(au 7e RAC bien qu’a priori équipé de 120 long), annoncé tué
le 3 février à droite de la route de Suippes à Souain, Sa
FM.
Peut-être n’a-t-il été déclaré que le
lendemain car le 7e RAC était sur Arras sauf un groupe à l’A.D.60 sur Suippes,
ce qui pourrait expliquer un retard dans la déclaration.
L’après-midi, ils ont bombardé Suippes ; il y a eu des morts et des blessés surtout dans les civils.
Nous avons continué à tirer ; les Boches ont l’air furieux. Ils répondent beaucoup.
Temps merveilleux.
J’ai tiré sur la gare de Dontrien. L’aéro a observé et d’après lui, le tir est bien.
Le soir, nous avons voulu faire une farce aux Boches. Nous sommes allés jusqu’au boqueteau allumer 2 bougies et placer des ruches à miel pour attirer leur attention et les faire tirer dessus. Nous avons bien ri en faisant cette opération.
Pas de lettre.
Ce matin, MOREAU a tiré sur St-Souplet, tir réglé par l’aéro.
Au 4ème coup, il y a eu 2 blessés : Descouture blessé à la cuisse au genou et au mollet et Bertin au mollet. On a suspendu le tir.
A midi, on recommence à tirer.
Je suis installé au soleil vers la cabane aux vivres. On est bien pour voir répondre les Boches. Les Boches viennent de démolir en parti la communication qui mène à l’abri de ‘’l’Indomptable’’.
MOREAU est revenu au gourbi. BONNIER continue à tirer avec ‘’Fantomas’’. Les Boches nous encadrent bien et les hommes commencent à avoir un peu d’appréhension.
Reçu lettres (du) 30 et 31.
Nous changeons encore d’emplacement. Nous allons à la batterie A, à St-Hilaire-le-Grand où nous serons plus entourés d’artillerie. Nous sommes toujours en travaux et j’ai peu de temps pour écrire.
Marguerite : envoyé un petit paquet ; il partira
demain 9 février.
‘’L’Indomptable’’ a tiré 21 coups ; les Boches n’ont pas répondu ; on travaille à l’installation de ‘’Fantomas’’.
‘’L’Indomptable’’ a tiré 8 coups ; pas de réponse. ‘’Fantomas’’ est prête. Je crois que les Boches ne nous trouveront pas facilement.
On continue à améliorer la batterie A ; ‘’La Brutale’’ a repris son nom. Elle n’a pas encore tiré.
Le 13, reçu un paquet ; bien fait plaisir.
‘’La Brutale’’ tire 1 coup et une roue se brise, pas d’accidents. C’est BONNIER qui l’a étrennée. à la batterie A. On se relève tous les jours, aussi la vie est plus agréable.
Marguerite : « reçu
une longue lettre (*) ; bien
contente mais j’ai pleuré en le sachant exposé ;
il a changé d’endroit car il était tout à fait bombardé. »
(*) : Toutes les lettres envoyées par André, précieusement
conservées seront brûlées des années plus tard sous l’inspiration malheureuse
d’une dame de compagnie qui voulait faire « du ménage »..
On a continué à améliorer la batterie. Du poste de commandement, on a installé une acoustique au moyen de conduites de chauffage ; ça marche bien.
Aujourd’hui, j’ai tiré 14 coups. C’est épatant
Les Boches ne nous répondent plus ou très mal. C’est St-Hilaire qui va prendre. Maintenant, on se repose un jour sur deux.
Nous avons placé un fauteuil dans notre chambre à coucher. C’est agréable d’avoir le grand bazar de St-Hilaire ça ne coûte pas cher.
On est toujours bien. Les Boches ne répondent pas.
Un train boche se dirigeant sur St-Souplet et Dontrien a été obligé de rebrousser chemin sur Sommepy par rapport à notre tir.
Le soir, je suis retourné à la batterie pour exécuter un tir de nuit de 22h à 2h du matin avec ‘’l’Indomptable’’ car ennuis de pointage à ‘’la Brutale’’.
Ça a bien marché, les Boches n’ont pas répondu.
Je suis rentré à ‘’La Villa’’ bien content d’aller un peu me reposer et j’en ai bien profité toute la journée Mon repos dure jusqu’à demain midi.
Voilà quelques jours que les Boches dépensent beaucoup plus de munitions en général.
Aujourd’hui par rapport au mauvais temps, nous n’avons tiré que 2 coups sur Dontrien pour commencer à régler ‘’la Brutale’’ mais nous n’avons pas pu continuer.
Le soir, en rentrant à ‘’La Villa’’, je regardais nos avions qui devaient surveiller les mouvements de l’ennemi, quant à un moment donné, les Boches ont tiré sur l’un d’eux. On voyait très bien les éclatements en feu grâce au crépuscule ; j’ai cru qu’ils allaient le descendre tellement il était bien encadré et en vitesse. J’ai eu peur pour lui.
Enfin, il a pu s’en sortir ; j’étais content.
Pas reçu de lettre.
On continue de tirer sans recevoir. On bombarde sérieusement Jonchery depuis quelques temps.
André Lesty (à gauche) et Marc BONNIER
derrière leur pièce
Suis allé avec le lieutenant à l’observatoire de la côte 147. On a un joli point de vue chez les Boches. Le bois B que nous bombardons tant, est à 500 m de nous.
On voit très bien Notre-Dame-des-Champs qui est à 9 km de là, mais on ne voit pas nos objectifs. Dans la tranchée qui nous y a conduit, il y a beaucoup de boue. Comme nous inspections l’horizon, une balle est venue frapper la terre près de nous. En revenant, comme nous étions au bord de Ain (*), un soufflement de marmite nous fit dresser les oreilles et instinctivement se baissait et cachait derrière un gros arbre.
Enfin nous arrivons à la batterie qui avait reçu l’ordre de tirer. MOREAU a fait le nécessaire.
Le soir, j’ai couché à la batterie mais on est moins bien qu’au gourbi.
(*) : Écrit « Ain », petit affluent de la Suippe,
à ne pas confondre avec la rivière qui se jette dans le Rhône près de Lyon
Marguerite : « reçu
lettre très intéressante mais le temps lui dure vraiment. »
Rien de nouveau ; les Boches ne savent toujours pas où nous sommes.
A 17h, nous sommes allés voir des collègues du 15ème (*), à 2 km du gourbi. Ils nous ont appris qu’il y avait attaque de nuit à l’arme blanche du côté d’Auberive, St- Hilaire.
Le soir à 21h on téléphone à pour que se rende à la batterie le matin à 5h pour être à la disposition de l’infanterie.
(*) : Le 15e RAC est alors sur Wargemoulin, avec des
cantonnements sur Somme-Tourbe et St Rémy, ce qui fait plutôt 6 à 8 km, mais
des éléments (train, échelon, ….) étaient peut-être plus près.
Marguerite : « 4ème
anniversaire aujourd’hui de notre mariage ; doux souvenir
L’attaque a, paraît-il réussi. Ils se sont emparés d’un
bois. (*)
Un commandant du 107e que je rencontre au pont de la Suippe me dit qu’il regrette notre départ parce que les Boches les bombardent davantage aux tranchées. En ce moment il est 14h, MOREAU tire 30 coups sur des batteries.
Les Boches nous répondent avec des marmites mais très court vers l’Ain.
Je n’ai pas tiré, on attendait que l’avion vienne pour régler sur Dontrien : il n’est pas venu. Ce sera pour demain.
(*) : Confirmé par le JMO du 12e CA
Marguerite : « j’ai
reçu une lettre d’André ; il a pensé à notre anniversaire. »
Je suis parti à la batterie à 5h du matin.
J’ai tiré 4 coups sur Dontrien ; ensuite, nous avons encore attendu toute la matinée un avion qui devait faire une boucle au-dessus de la batterie et ensuite observer le tir sur Dontrien. Les deux pièces devaient tirer ; je suis rentré au gourbi à midi.
La soirée s’est bien passée au coin du feu ; on est bien maintenant.
Marguerite : « Madi marche bien entre les chaises. »
J’ai passé une bonne nuit ; je suis au repos jusqu’à 11h où je vais remplacer BONNIER. J’ai tiré 16 coups.
Dans l’après-midi, on a appris la mort d’un de nos sous-officiers à Souain sans savoir lequel. Nous avons téléphoné à Suippes et nous avons appris que c’était ce pauvre Nestor Bornens. (*)
Hier, nous avions confectionné un bouquet composé d’une carotte entourée de feuilles de choux et de buis à l’occasion de sa fête. Le bouquet était parti à Suippes où on devait le lui remettre ce soir de notre part. Il en aurait bien ri et il meurt juste le jour de sa fête, tué par les éclats d’une marmite qui lui ont ouvert le côté gauche et enfoncé un œil.
Il voulait à ce moment se rendre compte de la grosse canonnade et voir ce qui se passait.
Tout l’après-midi ça a été terrible du côté de Souain et du 17ème corps. Poingt qui était allé aux nouvelles à Suippes, a fait le nécessaire auprès des camarades pour que nous participions à l’achat d’une couronne. L’ouvrier, en bois de la batterie, confectionne également une caisse.
On doit l’enterrer demain à Suippes.
En ce moment, c’est calme Il est 8h du soir, le canon s’est tu.
Je suis de service cette nuit aux pièces et vais me coucher.
Marguerite : « reçois
toujours de ses nouvelles ; il va bien ; mais ça chauffe. »
(*) : Nestor Nicolas BORNENS né le 2 août 1889 à Motz en Savoie ; tué à l’ennemi le 26 février 1915 à
Suippes, maréchal-des-logis au 11e régiment d’artillerie à pied.
J’ai passé une bonne nuit. BONNIER et Poingt partent à Suippes à l’enterrement de Bornens qui a lieu à 9h30. Ils en reviennent le soir à 5h et nous racontent combien cette journée fut triste. Son frère, maréchal-des-logis au 11ème aussi, qui se trouvait du côté de Beauséjour à Laval, fut prévenu et il assista aux obsèques.
Le colonel de la 60ème division et le lieutenant Poncet (*) ont fait un discours.
(André) Salmon qui avait été blessé hier (une partie des fesses a été emportée et il a un éclat d’obus dans le ventre) ne va pas très bien.
A Souain aussi, ils vont changer d’emplacement car ils ont été sérieusement arrosés et ils ont une pièce hors service.
Aujourd’hui, on a peu tiré à la batterie de St-Hilaire. Les Boches ne savent toujours pas où nous sommes. Ils tirent sur Jonchery et nous sommes bien placés pour voir. Nos aviateurs ont l’air de bien se démener et font user beaucoup de pruneaux aux Boches.
Je suis rentré au gourbi à 5h du soir et j’ai eu le temps de faire ma petite lettre à ma Margot.
(*) : Joseph Jean Baptiste PONCET sera cité à l’ordre de la
brigade en novembre 1916.
Ce matin, le lieutenant m’a téléphoné de la batterie A pour me dire qu’il nous tombait encore une tuile. Il faut encore déménager de la batterie A pour faire place au 220, capitaine Tenier du 11ème, qui s’amène de Lyon.
Pendant que MOREAU et Poingt s’occupaient de démolir la batterie, BONNIER, le lieutenant et moi, sommes allés en reconnaissance d’un nouvel emplacement de St-Hilaire à la route d’Auberive à Mourmelon.
Nous n’en avons point trouvé de bon et nous étions furieux que l’on nous fasse déménager à peine installés.
Enfin il n’y a pas à discuter et nos pièces viennent d’être transportées au bord de la Suippe. Nous verrons demain ce que nous ferons.
Le lieutenant vient à 8h du matin nous dire qu’il faut aller de suite commencer le montage de la batterie au bord de la Suippe et faire équipe de jour et de nuit. Avec MOREAU, nous partons et nous mettons en chantier, non sans trouver que les ordres sont drôles.
A 16h, nous allons à St-Hilaire faire charger les bois et ne rentrons qu’à 20h30 au gourbi où nous sommes contents de manger la soupe. Nous avons eu à 18h une bourrasque de neige.
BONNIER et Poingt travaillent une partie de la nuit ; demain nous continuerons.
Ai reçu lettre et paquets.
Nous avons continué à mener activement notre nouvelle batterie car nous sommes toujours réunis par l’état-major (colonel Babin).
Le soir, il a fallu encore envoyer une corvée à la ferme de Jonchery chercher nos 250 obus que l’on avait transporté la veille ; ce n’est qu’après les avoir déchargés à la batterie du pont de la Suippe que nous sommes rentrés, c a d vers 9h du soir pour souper et nous reposer.
A 11h (du soir), je recevais un message téléphonique du lieutenant me disant qu’il fallait absolument que la pièce de Dontrien soit prête à tirer le lendemain matin à 6h30. Alors il a fallu se relever pour prévenir le cuisinier et le brigadier du départ à 4h du matin.
Réveil à 3h15 ; peu dormi. Sommes allés travailler et après un bon coup de collier, nous étions prêts à tirer à 10h. Avons tiré un coup de suite. Après sommes venus au gourbi déjeuner. Et BONNIER, seul est retourné à la batterie. J’étais bien content d’avoir un moment à moi.
Nous avons tiré : toujours pas de réponses des Boches. On est bien.
Marguerite : « allé
au jardin de ville ; montée chez Mme Villard ; ai reçu lettre ;
André change de place ; bien ennuyée. »
Nous allons aller chacun à notre tour à l’observation. Poingt a commencé, Demain j’irai, c’est aux tranchées à la côte 116, face à Vaudésincourt.
Ce matin, j’ai tiré 32 coups. Les Boches n’ont pas répondu. Dupont a failli se faire écraser au moment du départ d’un coup tiré par le lieutenant. Il se trouvait sur les coins de retour et le canon en reculant, l’a couché par terre. Il s’est fendu la lèvre et la fesse a reçu un bon coup ainsi que le pied qui a été préservé par son talon.
Ce soir repos. Il y a eu une petite attaque côté Auberive.
Marguerite : « grande
pluie ; Jean est enrhumé, journée pénible ; reçu une carte. Il va
bien et donne l’espoir d’un grand coup. »
Parti à l’observation à 4h30 du matin, je suis arrivé à mon poste aux premières tranchées face à Vaudésincourt à 6h. Il faisait bien froid et la neige est tombée une partie de la matinée. Aussi j’ai fait très peu d’observations. J’ai quand même fait tirer 5 coups.
Vers les 16h30, les Boches nous ont envoyé une quinzaine de 105, ce qui n’a rien d’amusant quand on n’a pas d’abris bien sérieux. Enfin je suis rentré le soir à 18h30 au gourbi.
Repos le matin, retour à la batterie l’après-midi ; je n’ai tiré qu’un coup alors que le matin, BONNIER en a tiré 41. Les Boches ont envoyé quelques grosses marmites dont une à 10 m de ‘’la Brutale’’ ; les autres courtes.
Voilà 2 jours que le canon gronde furieusement du côté de Souain.
Repos toute la journée. BONNIER est à l’observatoire. Depuis 4 à 5 jours, le lieutenant reste ici ; où il s’est fait construire un gourbi.
Je suis allé à la batterie une demi-journée de chaque. Les Boches approchent de la batterie.
Parti à 3h à l’observatoire avec une corvée de 4 hommes et des bois. Sommes arrivés sans incident. Les Boches ont envoyé une dizaine de fusants (*) sur notre observatoire. Il y en a un qui est tombé sur l’abri pas de mal.
Suis rentré au gourbi à 6h, me suis couché de bonne heure.
(*) : Obus qui explose en l’air au-dessus des lignes adverses ;
pour cela il est muni d’une « fusée » réglée pour déclencher l’explosion de
l’obus au bout d’un temps calculé à l’avance. Le fusant est composé d’un
explosif et de billes de plomb ou d’acier (environ 2 à 300) appelées shrapnels
du nom d’un ingénieur anglais.
Le matin, repos.
A midi, j’ai tiré. Les Boches ont envoyé 3 marmites assez près ; il y en a une à côté du tireur de ‘’l’Indomptable’’ et une deuxième à 25m vers l’avant train de la même pièce.
Marguerite : « sommes
allés au jardin de Ville. Jean s’est bien amusé avec des petites filles. »
Repos.
Suis allé à Mourmelon-le-Grand.
Parti à 11h30, j’ai fait des achats carnet, papier à lettres, cigares. J’ai vu le baraquement où j’ai couché en 1902. Ça m’a fait plaisir de revoir ce coin.
Je suis rentré à la batterie à 14h.
Encore repos toute la journée. Me suis amusé à faire un jardin autour de la « Villa »
Suis allé à la batterie le matin ; n’ai pas tiré.
Le soir, repos.
A l’observatoire, j’ai fait tirer sur les cyprès de Vaudésincourt pour avoir la hausse du jour. Ensuite j’ai transporté sur Dontrien ; les trains ne circulent pas.
Marguerite : « souhaité
la fête de leur Papa; Jean a bien dit son
compliment. »
A la batterie, la matinée.
Le soir, avons continué le gourbi. Visite de (Abel) Gauthier. Suis retourné à Mourmelon j’ai vu RAYMOND (*) et GUignIER.
(*) : Sûrement Albert RAYMOND qu’il avait rencontré le 1er
février, déjà avec GUIGNIER
Toujours beau temps.
Le matin batterie le soir, j’ai jardiné. MOREAU qui était à la batterie a reçu 42 coups en 15 minutes autour des pièces de 105. Une balle, après avoir traversé une planche, l’a touché à l’aine et n’a percé que sa veste et le pantalon lui faisant un bleu. Il n’y a pas eu de mal.
A la batterie le matin. J’ai fait un tir de 15 allongé sur la gare de Dontrien observé par avion. Les Boches nous ont envoyé environ 25 fusants et marmites Renseignements donnés par l’avion : bonne direction mais un peu long du côté de St-Martin-l’Heureux.
Un train qui venait sur Dontrien s’est arrêté avant à ce moment. L’avion a eu un éclat.
Suis allé à la côte 116. J’ai vu quantité de trains mais la batterie était fortement arrosée et tirait difficilement. Ils ont reçu plus de 240 obus de tous calibres sans causer de mal. Trois saucisses boches et deux françaises étaient en l’air.
Les Boches ont envoyé quelques obus fusants sur les tranchées.
Le matin, repos.
A midi, à la batterie. J’ai tiré lentement en surveillant bien l’arrivée des pruneaux boches.
A 15h, je reçois l’ordre d’ouvrir un feu violent avec les 2 pièces sur Dontrien. Au début les Boches nous répondaient de la même façon mais ils ont été vite calmés par nos batteries françaises qui avaient reçu ordre de nous défendre. Tout s’est bien passé et je crois avoir fait du bon travail.
Pas de lettre.
Repos toute la journée.
A la batterie, on a très peu tiré. Les Boches n’ont presque pas répondu. J’ai eu mal aux dents toute la journée. Mauvais temps.
Pas de lettre.
Bonne nuit, mais le matin, j’ai eu encore un peu mal aux dents. Le 12ème corps étant allé à l’arrière, est remplacé par le 4ème corps et par suite, nous changeons de secteur postal, 71 au lieu de 88.
Ces jours derniers, les Boches ont bombardé Suippes aussi la demi batterie qui y cantonnait, va aujourd’hui à la ferme de Suippes où ils seront plus en sûreté. Il paraît qu’il y a eu pas mal de morts et de blessés civils et militaires. Les civils partent. Il y a longtemps qu’ils auraient dû le faire.
Le lieutenant Poncet (*) qui depuis quelque temps, a mal aux pieds, est évacué aujourd’hui.
Pas de lettre.
(*) : Il est évacué pour pieds gelés.
Allé à la batterie le matin et n’ai tiré que 8 coups. Les Boches ont peu répondu.
Le soir, repos.
Ai reçu volumineux courrier.
En observation à la côte 116 avec beau temps ; 5 trains seulement ai vu beaucoup de cavaliers, hommes et voitures. Une fumée du côté de St-Hilaire-le-Petit m’a intrigué longtemps.
Le soir, en rentrant, j’ai appris que l’avion avait signalé à 16h30 la gare de Dontrien en feu. Je crois qu’il s’est trompé. Avons un nouveau colonel qui veut que nous tirions au moins 50 coups par jour.
Ai reçu encore volumineux courrier et paquets de gâteaux et Joffrette. *
(*) : Joffrette désigne probablement
ici un petit réchaud à alcool solidifié pour les repas sur le front : voir
article « Les repas sur le front » en bas du Journal
officiel.
Ce pourrait aussi être une liqueur citée dans le livre : Autour
de la langue française (1921) : « La chanson de Madelon, née de la guerre, a eu
sa popularité dans le pays. Elle a même pris une importance commerciale. De même
que, au commencement de la guerre, nous avons eu une liqueur douce baptisée du
nom de Joffrette, nous avons actuellement un cigare
qui s’appelle Madelon ».
Matin, repos. BONNIER a bien tiré (42 coups). Les Boches lui ont envoyé au moins 80 coups. Suis à la batterie à partir de 11h30, c’était mon tour ; j’ai tiré quelques coups et les Boches ont été moins méchants que le matin.
Le soir pas de lettre.
Repos toute la journée.
A la batterie le matin, Poingt n’a pas tiré et MOREAU quelques coups l’après-midi. (*)
Les Boches lui ont répondu activement pendant une demi-heure.
Reçu lettre du 24/3, suis content.
(*) : POINGT et MOREAU sont les chefs de pièces. Il y a donc 4
pièces au total avec celles de BONNIER et d’André LESTY.
30 mars 1915,
3ème pièce de la 26ème batterie du 11ème régiment d’artillerie à pied
dans les champs en
face de la ferme de Jonchery (côté Souain)
Je suis à la batterie le matin (lieutenant à l’observatoire). Ce matin j’ai bien tiré sur Dontrien gare. Les Boches me répondent furieusement. En faisant attention, on ne craint rien.
Il paraît que dans le 75, il y a plus de 12 pièces qui ont éclatées. Ça provient d’un mauvais calibrage des obus.
Biplan
photographié en plein vol au-dessus de notre batterie
Je suis à la batterie le matin ; très peu tiré. Les Boches n’ont pas répondu un coup.
Le soir, repos.
Il a paru un ordre du 31 mars de la brigade félicitant la
26ème batterie pour avoir toujours été sur la brèche depuis 4 mois :
(colonel Lepelletier). (*)
Pas reçu lettre
aujourd’hui.
(*) : Le colonel LEPELLETIER commande l’artillerie du 12ème
corps d’armée
Le
sous-lieutenant Henri Gavanier à
la côte 116 dans une tranchée en 1ère ligne le 1er avril 1915
(Collection
privée)
Suis à l’observatoire ; le temps est splendide. Ai pu signaler des trains malgré la ruse du mécanicien boche qui coupe la fumée au point visible.
A 12h55, par suite de notre tir, j’ai vu un train boche allant sur Dontrien qui a jugé prudent de faire demi-tour.
A 13h30, un incendie se déclarait à la gare ou à ses environs vers les points de chutes de nos projectiles. Je n’ai pas pu savoir ce que c’était mais il y avait de grandes flammes.
A 16h30, heure à laquelle je suis parti, je remarquais encore de la fumée de ces incendies. Les Boches ont envoyés quelques pruneaux sur nos tranchées vers les 16h ; photographié par le lieutenant.
Encore point de lettre.
Le 2 avril
1915 dans un trou d’obus MOREAU, Poingt,
Lesty, BONNIER
Le matin, repos. J’ai voulu essayer de repérer la batterie d’Auberive qui nous tire dessus.
A 7h30, suis parti du côté de la Suippe, l’ai traversé et après des renseignements fournis par des fantassins, je suis monté à une échelle de perroquet mais je n’ai rien pu voir.
Alors, je suis allé dans les tranchées vers un autre poste d’observation. J’y ai trouvé un commandant, un lieutenant et un sous-lieutenant. Pendant que je causais au commandant, les Boches qui avaient dû nous remarquer, nous ont envoyé un 77 fusant qui n’a blessé que le commandant Creusy du 104ème au bras gauche. (*)
J’ai reçu un petit choc vers la hanche gauche et j’ai regardé de suite si ma veste était percée. Il n’y avait rien.
A ce premier avertissement, j’ai sauté dans la tranchée ainsi que les officiers. On a accompagné le commandant au poste de secours au bord de la Suippe et moi, je suis rentré au gourbi écrire à ma petite femme.
J’ai remplacé BONNIER à la batterie à 11h30. J’ai tiré 8 coups auxquels les Boches ont répondu.
Pluie une partie de l’après-midi.
Personne n’a de lettre.
(*) : Joseph CREUSY, classe 1886, officier de la Légion
d’Honneur : Son
état de service page 9 indique qu’à cette date il était au 130e RI entre 2
passage au 104e mais confirme qu’il a bien été blessé ce jour.
JMO du 104ème
régiment d’infanterie – Le maréchal-des-logis est André LESTY
Repos toute la journée. Pour un jour de Pâques, il fait bien vilain temps. C’est BONNIER qui était de garde à l’observatoire.
Toujours pas de lettre.
Repos toute la journée lieutenant à l’observatoire. Encore vilain temps.
Marguerite : « les
enfants tous deux bien enrhumés ; j’ai un noir épouvantable ; reçu lettre du
24. »
A la batterie, le matin, j’ai tiré une vingtaine de coups auxquels les Boches ont un peu répondu.
L’après-midi, suis au repos.
Marguerite : « arrivée
de tante Amédée, d’Andrine et Paulette. »
Toute la nuit il a fait mauvais temps. Notre cagnia a été inondée. Suis parti à l’observatoire par un vilain temps qui s’est modifié vers les 7h30. J’ai vu quelques trains. (Sur) les derniers, on n’a pas pu tirer parce que vers une pièce, il s’est produit une excavation et on est en train de vérifier ce que c’est.
J’ai vu de nombreux cavaliers qui montaient des bêtes très fringantes. Un capitaine Beguet dit « Binoclar » de l’infanterie nous a photographié, GOYARD, Noir et moi.
En revenant de l’observatoire, les Boches nous ont tiré quelques balles : heureusement que nous étions dans le boyau.
Le soir, j’ai appris que vers la pièce (dirigée sur) Dontrien, on avait trouvé plusieurs galeries creusées par l’eau ; mais la pièce ne reposant pas sur l’une d’elles, on pourra continuer à tirer.
Toujours pas de lettre. MOREAU seul en a une adressée au secteur 71. J’ai appris par le capitaine d’infanterie qu’on avait retardé le départ de nos lettres d’une huitaine de jours.
Marguerite : « Jean
est bien content d’avoir ses petites cousines pour s’amuser. »
Repos le matin. A 11h30, j’irai remplacer BONNIER.
J’ai vu les galeries creusées par l’eau. Heureusement qu’elles se trouvent en arrière du terre-plein ce qui ne nous empêchera pas de tirer ; j’ai tiré 6 coups dans l’après-midi ; BONNIER 10. Le matin, les Boches ont répondu par 4 seulement.
Hier reçu 5 lettres, Voilà plusieurs jours qu’il n’y en avait pas.
J’ai rapporté quelques plants de violettes que j’ai plantées dans notre jardin.
Repos toute la journée ; soins de toilette et travaux de couture.
Marguerite : « aujourd’hui
départ d’Andrine et Paulette ; Madi
a marché toute seule c’est la 1ère fois. »
Le matin à la batterie ; le Boches m’ont peu répondu. Le soir, repos.
Marguerite : « Madi continue à bien marcher ; reçu une lettre bien
intéressante. »
Le matin à la batterie. A la première salve, les Boches ont envoyé une dizaine de coups. Ils avaient l’air furieux ça n’a pas duré.
L’après-midi, repos.
A la cuisine, Ferroud a installé un moulin à vent qui fournit la force pour le moulin à café. Toute la journée, les officiers des chasseurs (alpins) viennent commander des bagues en aluminium à WIÉRING (employé chez Gabriel à St-Martin-d’Hères). (*)
Reçu lettre Margot, Pierre
Marguerite : « il
fait très froid ; pas sorti ; reçu photo du lieutenant. »
(*) : Léon Alexandre Charles WIÉRING, classe 1904, né à Paris
mais établi à St Martin d’Hères et sertisseur de métier (il savait donc
travailler les métaux). Il était bien au 11e RAP à la mobilisation puis est
passé au 14e RAL le 1er juillet 1915. Voir
sa fiche.
Suis allé à l’observatoire. J’ai reçu l’ordre de noter simplement le passage des trains.
L’après-midi, on a réglé par avion TSF ; et obus allongé. L’avion a signalé que 2 coups sont tombés sur dans la gare.
Repos le matin. POINGT est désigné par le lieutenant intérimaire PEYSSON pour s’occuper du matériel.
A 11h30, je vais remplacer BONNIER ; j’ai tiré 6 coups, les Boches n’ont pas répondu.
Reçu 4 lettres, suis très content.
A la batterie le matin. Visite du général Sabatié. On n’a pas tiré pour qu’il soit tranquille.
J’ai tiré (ensuite) 10 coups ; les Boches n’ont pas répondu. Le soir, repos.
Notre puit est terminé ; l’eau vient en abondance et très bonne. On continue par un petit abri où nous pourrons prendre des douches.
(*) : Il s’agit probablement du général Édouard Paul SABATIÉ de
CHAVARDÈS qui commandait la 30e DI peu avant la guerre
Marguerite : « reçu
photo d’André ; suis bien contente ; on le voit bien ; c’est bien lui devant
son gourbi. Je lui ai fait un gros mimi »
Suis allé à l’observatoire.
Au lieu d’emprunter le boyau, nous avons pris le chemin derrière la crête pour aboutir au cantonnement des fantassins. C’est moins fatiguant que le boyau.
Les trains se sont suivis de 15 minutes en 15 minutes jusqu’à 9h10. Nous n’avons pu tirer que sur le premier parce qu’un obus boche, a coupé la traverse de l’abri, fusant qui est tombé sur la pièce et il a fallu le temps de réparer. Le reste de la journée, aucun train.
Dans la nuit, le lieutenant Peysson est venu pour se rendre compte comment fonctionnait la garde. Et il faut absolument qu’il y ait un sous-officier.
Marguerite : « Jean
a bien reconnu son Papa sur la photo. »
Le matin, repos.
L’après-midi, à la batterie, nous n’avons pas tiré et MOREAU ne nous ayant signalé aucun train. On a creusé un petit gourbi pour le sous-officier de garde. Bellon a commencé aujourd’hui.
Repos toute la journée.
Le soir, à 18h, j’irai coucher à la batterie.
Hier on nous a donné à chacun un petit paquet : œuf de Pâques du soldat, envoyé par l’Union des Filles de France, 7 place de Metz à Grenoble.
J’ai étrenné le petit gourbi à la batterie et j’y ai passé une très bonne nuit.
Marguerite : « reçu
encore des photos, bien contente. J’ai des nouvelles mais malgré tout, je
m’ennuie beaucoup. »
Réveil à 4h30 dans mon gourbi ; je me suis promené en attendant que le service des pièces s’amène à 5h45. Je suis resté toute la matinée.
J’ai tiré une vingtaine de coups et les Boches en ont envoyé autant. Un même est tombé sur l’abri personnel coupant 2 ou 3 bois, c’est tout.
Le soir, repos. On reçoit normalement les lettres.
Marguerite : « allé
au Jardin des plantes ; pris photos des enfants »
À l’observatoire côte 116 ; je n’ai vu passer que deux trains. J’ai fait tirer sur des tranchées en construction à l’entrée de Vaudésincourt. Ça a dû émotionner les Boches.
A midi, les Boches ont envoyé 6 coups fusants de 77.
Repos le matin.
L’après-midi à la batterie. Les opérations paraissent toujours très calmes en Champagne.
La citation à l’ordre de l’armée de Bornens a été dénaturée ; il est dit qu’il a trouvé la mort en se portant au secours d’un homme enseveli dans un abri.
Citation à
l’ordre de l’armée de Nestor BORNENS
André LESTY a expliqué le 27 février, selon lui, les véritables
circonstances de sa mort : « Il voulait à ce moment-là se rendre
compte de la grosse canonnade et voir ce qui se passait »
A 14h45, un tir boche de 150 est réglé par un Taube sur notre batterie. Ils ont fini par mettre 3 obus à 3 mètres de la pièce (dirigée sur) St-Souplet et un en avant contre l’abri (anti-) fusants de la pièce (dirigée sur) Dontrien. Nous n’avons pas tiré, aucun train n’étant signalé.
Nous sommes restés dans les abris.
Taube survolant les tranchées
Repos toute la journée. Ce matin, les Boches ont encore marmité la batterie mais s’en sont moins approchés que hier.
Marguerite : « point
de nouvelle de Francisque ; André va bien heureusement. »
Suis parti hier soir avec Poingt et les voitures qui étaient venues nous amener du bois pour la batterie, à la ferme de Suippes où j’ai vu tous les copains.
Suis rentré prendre la garde à 6h du soir pour prendre la garde.
Bien dormi à la batterie où BONNIER est venu me remplacer à 11h30. J’ai tiré quelques coups Les Boches ont répondu au début seulement. Nous avons bien travaillé à la pièce de gauche pour se rendre compte de l’écart en degrés que nous pouvions faire sur la droite de Dontrien.
L’après-midi, repos.
Marguerite « J’ai
bien le noir et je suis un peu fatiguée. »
Je pars à l’observatoire. Temps frais ; et pluie l’après-midi.
(6 trains signalés). Suis rentré de bonne heure. Les Boches avaient bien arrosé de 77 la tranchée le matin de 4h30 à 6h. Il n’y a pas eu de blessés ni de tués, simplement un créneau démoli.
Dans la journée, 5 ou 6 (obus de) 77 et c’est tout.
Ici dans notre cagna, il pleut toujours ; c’est ennuyeux c’est surtout à la place de BONNIER. Sur mon lit, il ne tombe plus rien, aussi, j’ai enlevé ma couverture en papier goudronné.
Repos le matin.
A 11h, je vais aller remplacer BONNIER à la batterie ; temps gris et froid ; l’après-midi beau temps, peu tiré.
Marguerite : « allé
à Gières (la journée). »
Repos toute la journée. Beau temps
Réglage sur la batterie 158 boche. Ils nous ont bien répondu.
A midi, BONNIER m’a remplacé. Et a eu sa part de tirs boches qui tiraient encore le soir à 6h quand je suis allé prendre la garde.
A 9h30, je suis brusquement réveillé par des toc, toc, à ma porte. C’étaient BONNIER et MOREAU qui en se promenant, étaient venus jusqu’à la batterie. MOREAU m’a offert un cigare. Tous deux s’étaient dit : « nous allons surprendre Lesty ».
A 10h30, je me remettais sur mon lit pendant qu’ils regagnaient le gourbi.
Marguerite Jean et Madi, un peu
pénibles.
Réveil à 5h30. Un Taube passe à ce moment au-dessus de nous. Il est violemment canardé mais passe quand même.
J’ai tiré quelques coups les Boches répondent peu. A midi je rentre au gourbi après avoir passé à l’observatoire qui est au bord de la route de St-Hilaire.
Avec le lieutenant, nous observons deux fusants et deux obus ordinaires tirés de la batterie 158.
C’est mon tour d’observatoire ; je pars donc à 5h30 et nous prenons la hausse du jour à 6h15.
Un quart d’heure après, mon travail était terminé en quatre coups. J’ai laissé l’observatoire et le téléphoniste et j’ai pris le boyau en face de l’observatoire et suis allé aux tranchées de la 1ère ligne pour voir si on apercevait mieux notre objectif. Ce n’est pas mieux et plus exposé, alors je suis alors revenu et en me promenant dans un boyau qui va du côté de la Suippe ; Je trouve le colonel du 104ème (104ème régiment d’infanterie) qui me demande quelques explications et m’indique un endroit où l’on apercevait très bien le but auxiliaire. C’est à un poste d’écoute de l’infanterie vers le bois Magord.
Bois Magord
Je ne suis pas allé voir parce que cela nous plaçait trop latéralement à notre ligne de tir et puis très dangereux.
A 11h30, on a tiré deux salves sur le but définitif et je suis rentré au gourbi. On est plus libre avec ce nouveau travail.
Repos le matin, à la batterie le soir. Les Boches n’ont pas répondu aux 4 coups sur la batterie 158.
Vers 18h, au moment de partir, ils ont envoyé des fusants. Le 1er n’a pas éclaté loin de moi.
Repos toute la journée. Réglage par avion sur la batterie 77. Notre aéro, le lieutenant Hervien a été obligé d’atterrir en vol plané par suite d’une panne de moteur. Jamais je n’ai vu autant tirer de coups sur un avion. Il a atterri dans le champ en face de chez nous et les Boches y ont tiré dessus toute la journée. Les aviateurs n’ont pas eu de mal. L’avion a l’air d’avoir son plan inférieur abîmé. Je ne suis pas allé le voir ce serait dangereux. Ils ont continué (de tirer) une partie de la nuit mais on a pu l’enlever quand même.
Repos toute la journée J’ai expédié des colis d’effets avec une fusée 77 et une de 120 f…? (*) envoyés par les Boches. Le soir, garde à 6h.
(*) : fusant ?
A la batterie le matin et repos l’après-midi.
Marguerite : « départ
pour Gières, déménagement historique. »
A l’observatoire route de St Hilaire. Repose l’après-midi.
Repos le matin.
MOREAU revient de l’observatoire et à la suite de nouveaux ordres, part à la côte 116 pour observer sur Dontrien.
à 11h30 je vais remplacer BONNIER à la batterie et j’ai tiré environ 50 coups sur Dontrien et St- Souplet. Les Boches furieux, nous ont bien arrosé et j’ai eu un coup qui a démoli l’abri fusant de ma pièce; mais comme d’habitude, pas de mal au personnel qui, au sifflement, rentre dans l’abri.
Repos le matin.
Ce soit on a confectionné 2 claies qui seront portés ce soir à la batterie pour refaire l’abri fusant. BONNIER est parti pour la côte 116. Repos ce soir aussi.
Toute la matinée, les Boches ont envoyé des 88 un peu long. En ce moment, 11h20, les coups tombent sur le cantonnement. C’est la 1ère fois ; aussi tout le monde rentre dans les cagnas. Dans ces 88, beaucoup n’éclatent pas.
Marguerite : « premier
dimanche ici (à Gières) ; je n’aurai jamais pensé
revenir ici avant le retour d’André et la fin de cette guerre. »
A la batterie le matin ; pris la hausse du jour.
Repos l’après-midi De garde le soir, à 6h.
Visite le matin du commandant SAUVE, à la batterie.
A la batterie le matin, pris hausse du jour ; repos l’après-midi.
A l’observatoire à la côte 116. Le matin aucun train ; je n’ai vu que des lièvres dans ma lunette, 5 ou 6 à la fois. On les voit s’amuser entre eux comme des enfants.
A la batterie le matin ; repos l’après-midi.
Repos toute la journée. Les Boches ont bombardé la batterie de 10h à 12h 90 coups, des marmites de 150. Pas de mal, un coup sur l’abri fusant et un sur l’abri du personnel.
Nous ne tirons pas pour le moment sans ordre ; il faut économiser les munitions.
Repos toute la journée.
(Abel) Gauthier est venu me voir ; avons passé un bon moment.
Le soir, à 6h, je suis allé prendre la garde où je n’ai pas dormi de la nuit rapport à un rat ou taupe qui faisait dégringoler de la terre.
Marguerite : reçu nouvelles de Francisque ; il est à
l’hôpital.
Je n’ai pas tiré le matin.
BONNIER est venu me remplacer à 11h30. Il paraît que nous allons tirer sur les tranchées à l’est d’Auberive pour détruire des emplacements de mitrailleuses.
Jour d’observatoire, je suis resté au gourbi en attendant des ordres.
Rien n’est venu. Ça m’a fait un jour de repos.
Suis allé à la batterie à 11h30, croyant ne pas avoir à tirer.
Un ordre est venu à 13h30 pour tirer 50 (coups) et ensuite 30 de plus sur Dontrien. Ça s’est bien passé. Les Boches ont répondu sans faire de dégâts.
Repos. Toute la journée aux boules.
Matinée à la batterie sans tirer.
Le soir repos avec un orage, tonnerre et pluie.
A 6h le soir, de garde à la batterie. Le vaguemestre est venu à 9h50, eu lettre et photo de ma maisonnée. Suis bien content. BONNIER est allé à Suippes.
Dans la matinée, BONNIER m’a téléphoné de la ferme de Suippes qu’il ne viendrait que le soir par le ravitaillement. Alors je me suis fait porter à dîner à la batterie. Je n’ai pas tiré du tout.
Parti à l’observation côte 116, vu passer 6 trains ; on ne tire toujours pas mais on doit tirer sur Auberive pour démolir quelques maisons. Ça doit se faire aujourd’hui Renvoyé à demain.
Repos le matin. A 11h30, suis à la batterie. J’apprends que le tir sur Auberive est encore renvoyé.
Les Poilus du Rhône en Champagne 20 mai 1915
11ème régiment d’artillerie, 26ème batterie
Suis à la batterie le matin (Pentecôte). J’apprends que l’Italie a mobilisé. (*)
Nous ne tirerons pas sur Auberive.
Le soir, vers les 8h, les fantassins poussent des cris de joie (par ordre) de leurs tranchées pour faire voir aux Boches que l’Italie est aussi contre eux.
Des bords de la Suippe où nous nous étions approchés pour mieux entendre le clairon, BONNIER, Bellon et moi avons entendu siffler une balle près de nous. Aussi nous sommes rentrés au gourbi.
(*) : Entrée en guerre de l’Italie aux côtés des alliés.
Observatoire pour moi. Comme nous ne tirons pas, je suis
resté au gourbi (voyez boules).
Repos le matin, l’après-midi à la batterie. Nous ne tirons toujours pas.
Repos toute la journée.
A la batterie le matin. Repos le soir. Nous ne tirons pas.
Le soir, à 6h de garde que. Comme j’arrive à la batterie, j’entends siffler de mon côté mais le pruneau a eu la bonne idée de s’arrêter aux marais.
Passé une bonne nuit de garde. Me suis levé à 8h. Nous ne tirons toujours pas, boules l’après-midi.
Marguerite : « allée
au Chevallon (de Voreppe) voir Madame Christholomme (une amie) »
Jour d’observation pour moi qui a consisté en une journée complète de repos au gourbi. Le matin, pris une bonne douche et ensuite boules toute la journée.
A 20h, nous apprenons que BONNIER est cité à l’Ordre de l’armée. MOREAU, BELLON et moi partons à la batterie où il est de garde pour lui porter nos félicitations. Avons bien ri. Nous ne tirons plus.
Repos le matin. A la batterie l’après-midi. Ne tirant plus, les Boches nous laissent aussi en paix.
Perrier (Paris), Lesty
(Grenoble), Ruchalen, Vialle, Tarbonel, Chasserud,
Denier
André Lesty est à
gauche, veste ouverte.
La batterie a tiré 5 coups sur la batterie 158. Les Boches ont répondu par plus de 40 marmites dont une est tombée sur le terre-plein abîmant la glissière et un sous coin. Pas de mal au personnel.
(Joannès) Ruby a eu une petite écorchure à la joue gauche
Bellon commande la batterie.
(*) : Joannès RUBY, maître-pointeur de 31 ans, intègre le 11ème régiment d’artillerie à pied en août 1914 ne sera pas évacué. Il sera blessé mortellement à la fin de la guerre, le 7 novembre 1918, au 104ème régiment d’artillerie lourde Voir sa fiche.
Repos toute la journée.
La batterie a exécuté le tir à 7h sur les tranchées d’Auberive
pour démolir 3 embrasures 33 coups : à balles, ordinaires et 1 allongé
avec charge 4. (*)
Les Boches n’ont pas répondu croyant probablement que c’était le 155 C qui tirait. Un taube a réglé une batterie boche sur nous à 5h. Les coups étaient courts.
A 6h du soir, je prends la garde. L’adjudant (Jean-Baptiste) Serra (**) promu sous-lieutenant remplacera le lieutenant (Henri) GAVANIER à la batterie M.
(*) : La charge 4 est la charge la plus faible, utilisée pour
les courtes portées.
(**) : L’adjudant Jean-Baptiste SERRA revient de blessures. Il a
été blessé devant Souain le 30 avril 1915 au visage, principalement aux yeux.
Dans la nuit, le colonel du 104ème me fait demander pour exécuter un tir sur les tranchées d’Auberive (à 11h du soir). On ne peut lui donner satisfaction n’ayant pas de charge 4 (il s’agit de 4kg) prête à l’avance. Il est obligé de s’adresser au 75
Le matin nous n’avons pas tiré. Le soir, repos.
Étant d’observatoire, ça me fait une journée de repos. (Etienne) OVISE est venu nous voir.
Repos le matin, à la batterie l’après-midi.
L’adjudant (Jean-Baptiste) Serra est venu prendre des renseignements sur son nouveau de…(*)
Il restera définitivement demain. Suis parti ce soir à la ferme de Suippes.
(*) : « de… », probablement
« départ ».
Levé à 4h du matin.
Je suis allé chercher (Abel) Gauthier à la batterie I que j’ai visité et qui est très bien installée. J’ai causé longuement avec le lieutenant PONCEt au sujet ravitaillement, habillement, position plus défavorable de la batterie M.
A 9h, nous sommes revenus à la ferme et l’après-midi, j’ai assisté à la remise de la croix de guerre à MoeNe par le commandant Sauve.
suis rentré à 18h30 à la batterie M par la voiture de ravitaillement.
Le matin à la batterie, le soir repos. Nous ne tirons toujours pas.
(Abel) Gauthier est venu nous voir ainsi que Denier lieutenant au 13ème Chasseur. Nous avons passé un bon après-midi. Le soir, champagne.
SERRA d’observation (repos). Nous ne tirons plus.
Repos le matin. A 11h, je vais remplacer BONNIER, je n’ai pas tiré.
Repos toute la journée.
Repos toute la journée. Suis de garde ce soir à 6 heures.
Passé bonne nuit.
Ce matin, visite du lieutenant PONCET à 11h30. BONNIER vient me remplacer.
Observation (repos). Nous n’avons pas tiré.
BONNIER est à la batterie le matin et il nous apprend par téléphone que nous changeons de place.
A 11h30, je vais remplacer BONNIER et dans le courant de l’après-midi, j’ai une alternative de tir sans tirer cependant et j’ai eu confirmation que nous partirons le soir même à Suippes. Il a fallu désarmer la batterie et nous sommes partis à Suippes, la ferme, à minuit
Arrivés à 2h (du matin), nous en sommes repartis à 5h pour arriver à Courtémont à midi. Nous n’occuperons notre emplacement que ce soir à partir de 8h.
Nous sommes partis à 8h30 du soir pour arriver vers 22h30 en passant par Berzieux.
La 3ème pièce dont je fais partie, est arrivée la 1ère et il a fallu installer la pièce de suite sur son terre-plein. Nous nous sommes couchés éreintés à 2h du matin.
Levé à 6h.
Nous avons
travaillé à la batterie toute la journée. La 1ère et la 4ème pièce ont tiré le
soir à 6h30. J’ai pris la garde. Nous sommes très contents de cet endroit qui
ne parait pas marmité.
J’ai bien
dormi. Réveillé à 4h30 par un ordre de tirer.
La 1ère (*) pièce, seule, a tiré 3 coups. Nous
continuons à travailler à la batterie. Le cantonnement est à côté. Avec
BONNIER, nous occupons une petite cagna occupée précédemment par deux
officiers. Nous serons bien.
(*) : Semble plutôt écrit 4ème.
Juin 1915, à la batterie M dont les participants sont de bas en
haut :
Francillon, Rosera, Lefrère, Mère
Despierres, Davallet, Muzeau
Essarhal, Lesty, Boulle, MOREAU, Our
Nous continuons à améliorer la batterie. Les Boches ont bien envoyé quelques coups mais nous serons toujours mieux qu’à St-Hilaire (-le-Grand). Le secteur a l’air bien plus sérieux.
J’ai eu
l’occasion de revoir le colonel qui est venu me rendre ma visite.
Le 20, de
garde ce soir-là.
Les Boches ont tiré quelques coups ce matin. Ce n’est rien. Nous continuons nos travaux à la batterie.
Je suis monté à l’observatoire d’où l’on a un joli coup d’œil sur le territoire occupé par les Boches. On voit Cernay, Bouconville, Ville-sur-Tourbe, Fontaine-en-Dornois.
Dans la soirée visite de Rochas Joseph (*), que j’irai voir après-demain.
(*) : Il doit s’agir de Joseph Marius ROCHAS classe 1897 au
105ème régiment d’infanterie territorial (comme ceux qu’il verra le 10 juillet)
: sa FM
p16/134.
Départ de MOREAU. Ce dernier jubile. BONNIER passe à la 4ème pièce.
Je pars avec (Abel) Gauthier à Maffrécourt ou je vois beaucoup de camarades ; (Joseph Marius) Rochas, Allegret, Pinson du Pont-du-Drac, Portes professeur, Brun voyageur chez Charlon, Aubert de la classe 1895 (**), CharLot, Agnes.
Après avoir bien déjeuné, nous rentrons à Courtémont accompagnés de Ferroglio.
Là, nous voyons Leyssieux, Baret graveur à côté de …. (*), Perrin et Cochat de la mairie de Grenoble. Ferroglio nous photographie.
Le matin,
nous avons fait une superbe promenade au monument de Kellermann à Valmy.
Le soir, nous
sommes rentrés contents de notre journée. J’ai pris la garde à 6h.
Ravitaillement
de 190 obus.
(*) : Il semble écrit Limoges (nous n’avons pas trouvé d’autre
ville dont l’orthographe puisse correspondre), mais aucun soldat Baret n’était dans l’artillerie au
recrutement de Haute-Vienne. Il y a bien le soldat Étienne Barette (phonétiquement compatible),
classe 1908 qui était au 16e RAC, cependant sa FM et son acte de mariage (Janailhac - 1918) le désigne cultivateur et non graveur, et
le 16e RAC était alors plutôt dans la Somme … Peut être s’agit-il d’un graveur
installé près de Limoges mais venant d’un autre département.
(**) : Paul Cyprien AUBERT, classe 1895. Sa
fiche page 93/141.
Tous ces
jours-ci, nous bricolons à la batterie.
A ma 3ème pièce,
on tire très peu. C’est la 1ère section qui s’envoie la plupart des tirs.
Le soir, je
vais faire une petite promenade à la gare de Vienne-la-Ville. Les Boches
arrosent la route de Berzieux à Vienne-la-Ville
L’installation
est terminée ; nous sommes plus tranquilles Ma pièce ne tire pas. C’est
toujours la 1ère section.
Je suis parti avec (Abel) Gauthier à Massiges pour chercher la tombe de son beau-frère (*). Depuis Virginy, nous avons suivi le boyau qui nous a conduit aux tranchées des 1ères lignes faites avec des gabions. Les balles sifflaient et c’est en rampant dans le cimetière que nous avons fini par la découvrir.
Nous l’avons arrangé de notre mieux avec des briques pour que la croix ne soit pas abîmée et son nom mis dans une bouteille a été enfoui dans la terre.
Berzieux, Virginy et Massiges sont dans un état lamentable. A Virginy, les cloches gisent par terre.
Depuis hier, les Boches attaquent à Bagatelle (bois de la Gruerie). Ils se servent même de gaz asphyxiants. Enfin nous maintenons nos lignes mais certainement avec de grosses pertes de part et d’autre.
A 7h, je suis de garde ; à 9h, MÉjat tire à la 1ère section.
(*) : Il s’agit d’Émile Louis Marcel BROTEL (sa
fiche), frère de Marthe BROTEL, mariée le 17/08/1912 à Grenoble avec Abel
Clet GAUTHIER (sa
FM page 64/147).
.
Berzieux : Cantonnement de la 26ème batterie
Photo prise le jour où je revenais de Massiges
le 2 juillet 1915
Je me relâche pour mon journal.
Je suis bien content de notre nouvel emplacement ; on est bien tranquille.
Avec Bonnier et (Abel) Gauthier, nous sommes allés au bois d’Hauzy voir COLONEL. (*)
J’y ai trouvé aussi Borgeret, Allegret, Juvin, Brussion, Morel (d’Eybens).
Ce soir, je prends la garde.
(*) : Ce n’est pas « un colonel », mais COLONEL, un ami dont il
reparle plus loin.
A l’observatoire de notre batterie 6 juillet 1915, côte 171 Berzieux (*)
(*) : Selon les anciennes cartes d’état-major (1835 ou Géoportail), il y 2 côtes 171, l’une à 200m au sud-est de Malmy, l’autre plus probable 600m plus à l’est toute proche
du bois d’Hauzy (actuellement côte 167, lieu-dit « la
Sentinelle »), toutes 2 sur la commune de Berzieux (mais en limite)
Nous continuons d’être tranquilles. A ma pièce, je ne tire presque pas. Demain, j’irai voir les Grenoblois.
Repas aujourd’hui. Avec (Abel) Gauthier, nous sommes allés dans les tranchées de Ville-sur-Tourbe.
Nous avons
vu CUvier Camille (*), (Louis) Chaix
(**),
Peressin, Vasserot, (Ernest) Dumolard,
fils de l’ex-conseiller général.
Au poste
43, j’ai revu GUERRE, Bergeret, JUvin, Colonel, etc
La veille,
ils ont eu 1 mort et 7 blessés. Le soir, de garde à la 3e pièce, j’ai tiré 3
coups.
(*) : Il doit s’agir de Camille Eugène CUVIER, natif de Meurthe
et Moselle mais ayant déménagé à Grenoble et étant affecté au 105e RIT. Sa
FM.
(**) : Il doit s’agir de Louis Camille CHAIX du 105e régiment
d’infanterie territoriale qui était alors sur le secteur (nord-ouest bois d’Hauzy – Melzicourt). Ce régiment
a effectivement eu la veille 1 tué et 9 blessés (légers d’où peut-être la
différence 7-9), et le poste 43 est cité dans le JMO. Sa
FM, p33/134.
(***) : Ernest Joseph DUMOLARD a été conseillé général de
l’Isère en 1899. Il a eu 4 fils (et 3 filles). Parmi eux, seul Etienne DUMOLARD
était au 105e RIT comme CHAIX. Sa
FM p65 et 66.
Ce matin,
les Boches nous laissent la paix. C’est la position rêvée pour nous.
L’après-midi,
Bonnier a tiré plus de 45 coups à
la 4ème pièce sur le pont de la Chapelle.
Je vais
déjeuner au poste 43 avec Guerre et BERGERET. Très bien déjeuné. J’y ai
trouvé le caporal infirmier BONNOT, GOURNAIRE et VILLARET et Mr GANTIER. Nous
sommes revenus à la batterie avec GUERRE, Villaret,
et Velay (le) photographe qui a pris quelques vues.
De gauche à
droite Villaret, Vellay, Guerre, Lesty en
juillet 1915
Les Boches
ont envoyé des gaz asphyxiants vers les 7h et ça nous a fait un peu cuire les
yeux. Dans la journée, ils ont envoyé une vingtaine d’obus depuis la 1ère
section jusqu’au cantonnement. Gaillard
a légèrement été blessé à la fesse et à la tête.
Repos ; je suis allé porter la bague à Bergeret avec (Abel) Gauthier. Pendant ce temps, les Boches ont à nouveau tiré sur la batterie ; plusieurs obus n’ont pas éclaté.
Le soir, je
suis allé à l’observatoire, c’était calme. Toute la matinée, ça a bien donné
comme canonnade du côté de la Gruerie.
Reçu paquet
de MOREAU, lettre de ma Margot qui est un peu fatiguée.
Prend la
garde ce soir.
Il faut que
les 4 pièces soient à leur poste pour cette nuit on craint que les Boches
contre-attaquent. Nous aurions fait 2700 prisonniers.
Il n’y a
rien eu. J’ai donc eu ma nuit tranquille.
Il a plu
une partie de la nuit aussi ce matin, le terrain est épouvantable de boue
grasse.
A 8h, les :
1ère, 2ème et 4ème pièces tirent.
Repos ; la
pièce sonore a bien tiré ce qui a obligé la 3ème pièce à lui répondre. Les
Boches ont mis le feu à Vienne-la-Ville avec leurs obus incendiaires. Ils ont
tiré quelques obus le matin sur la batterie Plusieurs n’ont pas éclaté. Et se
sont enfoncés en terre de plusieurs mètres, faisant un trou rond de la largeur
de l’obus. Ce sont des 150.
A partir
d’aujourd’hui, nous
passons au 14ème régiment d’artillerie, 53ème batterie. (*)
Margot est
toujours fatiguée.
(*) : Le 16 juillet 1915, la 26ème batterie du 11ème régiment
d’artillerie à pied, devient la 53ème batterie du 14ème régiment d’artillerie.
Vilain
temps. Toute la journée aux pièces.
Berzieux, Vienne-la-Ville, Bois d’Hauzy 1915.
L’équipe servant le canon ‘’La Brutale’’
Repos.
Suis allé à Berzieux avec (Jules) Abondance et (Joannès) Ruby pour chercher une pompe. N’ayant pas trouvé, nous voulions aller à Virginy Dangereux nous nous d’ sommes arrêtés à une batterie de 75 et rentrons avec 2 mètres de tuyau de plomb. Le soir, suis de garde.
Toute la
journée aux pièces.
A 2h, les
Boches nous envoient des 150. Le premier tombe en plus sur une de nos cagnas
tuant Abondance (*) et COMBIER ; ce dernier sur le coup. (**)
Après ça, on se décide à faire des anti-marmites aux pièces.
Le soir
corvée de bois mais les 1ères voitures montant aux officiers plus soucieux de
leur bien-être que de mettre rapidement leurs hommes en sûreté. Nous nous
couchons à 1h du matin.
(*) : Jules César ABONDANCE, 25 ans, canonnier-servant du 14ème
régiment d’artillerie, mort pour la France à Berzieux (51) le 19 juillet 1915. Voir sa fiche.
(**) : François COMBIER, 25 ans, 2ème canonnier-servant du
14ème régiment d’artillerie, mort pour la France à Berzieux (51) le 19 juillet
1915. Voir sa fiche.
On me
demande à ma pièce à 5h30 pour exécuter un tir sur Bouconville (26 coups).
A 1h (de l’après-midi), on
a enterré à Berzieux nos deux pauvres victimes que l’on a mis
dans des cercueils. Le lieutenant a fait un discours. Nous continuons nos abris
anti-marmites.
Marguerite : « Papa
et Jean m’ont souhaité ma fête, fête bien triste. »
Tombes de Combier et Abondance
au cimetière de
Berzieux, enterrés le 20 juillet 1915
Quelques mois
plus tard les dépouilles de ces 2 militaires seront transportées dans la
nécropole de Minaucourt-le-Mesnil-les-Hurlus qui regroupera à la fin de la guerre les corps de 21
291 Français, 25 Tchèques et 1 Serbe tombés au combat, inhumés dans les
cimetières des villages alentours.
Continuation des gourbis faits à chaque pièce. Une fois fini, ce sera bien installé. Le soir, j’apprends que je partirai en permission autour du 15 août.
Toujours en travaux terrassiers ; ça prend de la tournure. Margot va mieux.
Devant leur 155
long, Guerre, Villaret et André Lesty (G à D)
Continuation du travail aux gourbis qui seront solides car il y a de beaux rondins. Le 105ème régiment (*) part aujourd’hui à 14h. J’ai déjeuné avec Bergeret, Guerre et Villaret.
(*) : Seul le 3e bataillon du 105e RIT part à la disposition de
la 4e armée pour construire une voie ferrée, les 1er et 2e bat. Restent sur Courtémont/ bois d’Hauzy. (JMO)
Les gourbis des hommes seront finis ce soir.
On s’occupe
de nos gourbis ; une fois finis, nous on sera tranquille. Nous sommes allés
passer la soirée chez les (….) (*).
Nous continuons à installer notre gourbi.
Marguerite
: André viendra peut-être en permission.
(*) : Illisible : Coloniaux ?
Nous avons couché dans notre cagna.
On continue d’aménager l’intérieur.
André Lesty et
Marc Bonnier dans leur gourbi à
Berzieux (51)
On ne sera pas mal. On se trouve bien dans la cagna.
Marguerite : « appris blessure de Francisque » (son frère)
Fêté la St
Abel tout l’après-midi à l’aube.
On commence
les travaux à la batterie vers La-Neuville-au-Pont. (*)
(*) : Le JMO indique côte 177, 1 km au nord-ouest de
La-Neuville-au-pont (maintenant côte 179 sur Géoportail).
Rien de nouveau
Marguerite (reçoit des précisions sur la blessure de son frère Francisque) : « bien blessé aux jambes, c’est affreux. André arrive vendredi 12 ; quelle joie mais une joie qui sera courte hélas ! »
Parti en
permission jusqu’au 25 août.
Marguerite : « André est là ; quelle joie, il va bien ;
que nous sommes heureux de nous voir. »
Marguerite : « tout à notre bonheur, les enfants
aussi. »
Marguerite : « appris mauvaise nouvelle ; Francisque plus
mal ; on pense lui faire l’amputation. »
Marguerite : « amputation retardée, tant mieux. André
est toujours le même ; nous nous aimons bien »
Marguerite : « avant dernier jour ; pense déjà au
départ. »
Marguerite : « il pleut un peu ; dernier jour ; hélas,
on ne se dit rien ; bien ennuyée; fait le paquet ce
soir. Francisque, toujours pas bien. »
Marguerite : « André est parti ce matin, désespoir.
Francisque pas bien ; soirée bien triste. »
En gare de Troyes, on veut m’envoyer à Noisy-le-Sec. Je me suis arrangé pour ne pas y aller et rejoindre ma batterie à Berzieux.
En
arrivant, surprise, de départ de la batterie. Je m’y rends et le soir nous
partons à Orbéval. (2km sud-est de Valmy).
Ça me fait ma troisième nuit blanche. Nous arrivons le 26 à 2h du matin.
Départ pour Bussy-le-Château. Nous bivouaquons dans un bois. Trajet en parti en voiture par Tilloy.
Nous
pensions partir hier soir à 2h ; nous avons reçu contre-ordre à 1h.
Ca fait une journée de repos.
Nous
partons ce soir à 7h pour mettre en batterie près de Jonchery.
Nous avons
travaillé sous la pluie hier soir pour mettre en batterie hier soir.
Marguerite : « Francisque
pas très bien ; toujours inquiet. »
Notre section est bien. Peu de travail ; la moitié de la batterie est partie à l’échelon à Vadenay.
En août 1915,
André a appris la blessure de son beau-frère Francisque Tivolle hospitalisé à Lyon à la clinique St Paul ; mais la
blessure s’est envenimée, l’amputation s’avère nécessaire.
On fait
partie du secteur 154 après le 88ème, 71ème, 127ème, 12ème corps, 4ème corps,
15ème corps et 32ème corps. On pense qu’il y aura une attaque courant septembre
et nous recevons l’ordre de construire une 2ème batterie.
Marguerite : « mauvaise nouvelle : Francisque amputé de
la jambe gauche, gros ennui. »
Francisque TIVOLLE après son amputation
Francisque TIVOLLE avec son père
Nous
travaillons activement au 2ème emplacement de la batterie. Le seul ennui, c’est
que les balles sifflent surtout la nuit.
Marguerite : « Francisque,
décoré de la croix d’honneur ; son état pas trop mauvais. André retourne dans
son ancien secteur. »
Devant notre
gourbi à Jonchery en septembre 1915
MÉJAT VERNET
BELLON
DECROUX Étienne OVISE
Marc
BONNIER André LESTY Abel GAUTHIER FINET
Notre travail est déjà bien avancé. Les Boches ont envoyé des 105 sur un boyau que font les fantassins à 200 m à droite de nous. Il y a eu 1 tué (*) du 60ème régiment d’infanterie et 4 blessés. Le pauvre homme a été ramené en bouillie ; c’est triste.
(*) : Le seul tué du 60e ce jour à Jonchery
est Claude Antoine JULLIEN. Sa
fiche.
On commence à être plus tranquilles ; nous continuons nos travaux.
Nous sommes tranquilles. Nous avons tiré le jour et la nuit sans être inquiétés. On voit de temps en temps des pertes chez les fantassins.
Marguerite : « retour
à Grenoble ; déménagement bien passé. »
Dans le
secteur de St-Hilaire, on continue les travaux : tranchées, abris, construction
de batteries en vue d’une attaque prochaine précédée parait-il d’un
bombardement de plusieurs jours. Les avions ont l’air de déployer aussi
beaucoup d’activité.
Ce matin, on commence l’attaque. De tous côtés, les batteries tirent dès nous commençons à 9h. (*)
Les Boches
nous envoient du 105 et du 120 français. Je cherche 2 fusées de 105 dans les
trous à 10 mètres de ma pièce. Je les conserverai. Un 120 est tombé sur notre gourbi,
a coupé la 1ère couche de rondins et fait un petit trou. Il n’y a pas de mal !
J’ai assuré le service aux pièces à 5h jusqu’à midi et maintenant, on se
relèvera toutes les 6 heures. Un fantassin du 18ème territorial a été blessé à
la cuisse ce matin à côté de ma pièce.
(*) : C’est le début de la bataille de Champagne, trois jours de
bombardement avant l’envoi de l’infanterie le 25 septembre.
Observatoire et
hameau de la ferme des Wacques, route Gouraud, et le
village en 1915
L’attaque continue ; on n’est pas trop fatigué.
Jamais on a
tant tiré qu’aujourd’hui de minuit à 6 heures (40 coups), de 6h à midi (72
coups), et de midi à 18h ( (*) coups). Les Boches ne répondent pas
beaucoup.
Le soir,
ils nous ont envoyé quelques obus asphyxiants mais sans trop nous incommoder.
(*) : Nombre pas indiqué
Jonchery : la cuisine
des hommes, septembre 1915
Ce matin, j’ai tiré plus de 100 coups.
Pendant ce
temps nos fantassins et cavaliers avancent depuis 9h où ils sont sortis des
tranchées.
A partir de
1h de l’après-midi, j’ai vu de nombreux blessés, trop nombreux même. J’ai vu
aussi des Boches qui se sont rendus. J’en ai vu un blessé d’un coup de
baïonnette au côté gauche. Il était ramené par celui même qui l’avait blessé et
fait prisonnier. Lui-même était aussi blessé. Il avait disait-il, tué quatre
Boches avant de ramener celui-là et de se faire blesser lui-même.
Nous avons
été ce matin assez incommodés par leurs obus asphyxiants.
En somme une journée mémorable.
Les Boches reculent. On fait de nombreux prisonniers. Nous allons prendre ce soir une nouvelle position vers le bois Y. Tout a l’air de bien marcher. Suis très content.
Nous ne sommes pas partis et nous continuons de tirer.
Suis allé visiter les tranchées conquises. J’ai vu un spectacle horrible. En revenant, j’apprends qu’on part ce soir au bois des Terribles Tauriaux. (*)
On part à
2h du matin et quand on a eu traversé St-Hilaire et Jonchery,
nous étions contents car c’est continuellement bombardé. Vers les marais la
1ère pièce se retourne sens dessus dessous. Plus loin, la 2ème faillit culbuter
dans une tranchée.
Enfin après
beaucoup de misère, on arrive à notre emplacement avec 3 pièces. On est en
plein champ à 1200 m des Boches.
Le soir les
Boches nous envoient une distribution. Heureusement qu’on a fait une tranchée
Les hommes sont dégoûtés de s’installer dans ces conditions.
Le soir je
vais coucher à la batterie de Jonchery.
(*) : Argot des soldats signifiant Territoriaux
On réussit à persuader le capitaine qu’il faut s’installer plus à gauche (plus à l’ouest). Bien on a fait car l’endroit ne vaut rien.
On change
les pièces qui sont maintenant dans un terre-plein et sont mieux défilées. Chessel est blessé par un shrapnel.
(*) : Octave CHESSEL a été blessé à la cuisse gauche par éclat
d’obus.
Nous tirons quelques coups ; pas de réponse.
A 2h, plus de 50 avions français passent au-dessus de nous ; c’est splendide.
On nous enlève nos 4 pièces pour nous en donner d’autres qui sont vérifiées.
RAQUETTE,
GAUTHIER et DEVENNA vont commencer, les autres vont à l’échelon.
Bonnier et Gay vont relever (Abel) Gauthier et Devenna.
Un avion boche profitant du brouillard nous descend une saucisse (*). Le capitaine m’envoie à Jonchery au parc du génie et de là, à Cuperly faire signer une pièce au colonel Letellier (**). J’ai fait une bonne promenade.
(*) : Ballon d’observation allongé.
(**) : Le lieutenant-colonel Edmond Alphonse Letellier a pris le commandement du
155ème régiment d’infanterie
L’échelon
déménage près de Vadenay. Nous sommes pour la 2ème
fois obligés de changer de cagnas. C’est curieux comme dans ce métier, on a des
ordres peu précis.
Nous allons
préparer le cantonnement à Jonchery et irons demain
occuper la batterie. Suis allé me promener à St-Hilaire ; vu un trou fait par
un 380.
Nous déménageons pour aller à Jonchery, au bord de la Suippe.
Les cagnas dans lesquelles nous dormons
Nous sommes
tranquilles. J’ai profité d’une journée pour aller voir Cohard (*)
sous-lieutenant au 340ème. J’ai passé une bonne journée ; j’ai vu également Bonnier (je lis plutôt BOUVIER) ainsi
que PoliCard ; ce dernier au
275ème.
(*) : Il s’agit de Paul COHARD, classe 1900, sous-lieutenant à
titre temporaire depuis avril 1915. Bien que sa FM (p
73/156) indique 140e RI, il était bien au 340e RI comme l’indique le JMO
au 24 avril pour sa citation et son passage s/s lieutenant (la plupart du
temps, le passage dans la réserve (n° RI +200) n’est pas mentionné dans les FM.
On nous annonce l’arrivée de 2 pièces pour demain, nous en avons une d’indisponible, l’affut s’étant fendu.
Les pièces sont arrivées et sont en place.
Nous sommes toujours tranquilles. On remet la batterie 556 en état. Nous tirons très peu. On fait de nombreuses parties de cartes. (Abel) Gauthier est en permission.
La 26ème
batterie du 11ème régiment d’artillerie à pied, après être devenu 53ème
batterie du 14ème régiment d’artillerie, devient à partir du 1 novembre 1915,
la 28ème batterie du 104ème régiment d’artillerie lourde.
On est tranquilles au bord de la Suippe.
On va commencer la construction d’un emplacement d’une pièce au bois Y. C’est Decroux comme volontaire qui la servira avec 8 hommes, si on en reçoit l’ordre.
Le bois Y est situé entre St-Hilaire-le-Grand au sud et
St-Souplet au nord
Novembre 1915 - Muzeaux
à côté de son canon
André Lesty, Marc Bonnier et Abel Gauthier le 13 décembre 1915 à St-Hilaire-le-Grand
André est souvent reconnaissable à sa veste ouverte
Départ à
Récy
André y restera jusqu’au 29 janvier, date à laquelle, il est
affecté au camp de Mailly (10). André a ramené un ensemble de photos
ci-dessous, d’abord de son départ de Récy, puis de son séjour dans le camp de
Mailly où il restera du 30 janvier au 9 février 1916.
Récy - En route pour le camp de Mailly, 22 janvier 1916 – 3ème
pièce
Stockage d’obus
- camp de Mailly (10)
Récy est un charmant petit village de 350 habitants situé
sur les bords du canal de la Marne. André va y rester près de deux mois, jusqu’au
9 février.
Récy en janvier
1916
De gauche à droite : Lt (Henri) GavanIER, aspirant Gérard, Lt Michel, maréchal-des-logis Vernay, (Albert) RÉby, maréchal-des-logis Decroux, brigadier Dessinge, Clément Eugène, maréchal-des-logis (Abel) Gauthier, maréchal-des-logis Bonnier, Bauche, Delavalle, Lefrère, Mielle, brigadier Noir.
En arrière : Rivoire
et le maréchal-des-logis Bellon.
23
janvier 1916 : Récy - Transport de la 3ème pièce
Encore quelques jours tranquilles avant de repartir sur le front.
Récy le 2 mars
1916 : l’équipe de Signaleurs
Départ pour le front (près du Moulin à St-Rémy-sur-Bussy) (dans la Marne, située au sud-est de Suippes.)
Decroux blessé, Clément Michel.
André Lesty et son groupe sont à nouveau affectés à la ferme des
Wacques, tout près de Souain-lès-Hurlus.
(Auguste) Biscarat, sous-officier, et SONIAC (Jean SAUGNIAC), conducteur, sont blessés à 15h30. Ce
dernier meurt un moment après. (*)
Les Boches
attaquant nous avons ouvert le feu ; chaque pièce a tiré 32 coups (2
objectifs). Bonnier est à
l’observatoire (à côté Ste-Marie-à-Py). Il débute
bien (batterie de la ferme des Wacques).
(*) : Les 2 hommes nommés au JMO sont :
Auguste Marius BISCARRAT, 27 ans, maréchal-des-logis, blessé
puis mort pour la France le 9 avril 1916. Voir sa fiche.
Jean SAUGNAC, canonnier-conducteur, 20 ans, mort
pour la France le 8 avril 1916. Voir sa fiche – Voir sa FM.
Dans un trou
d’obus près de la ferme des Wacques :
Moreau, Poingt,
André Lesty et Marc Bonnier (cité à l’ordre du jour de
l’armée)
Marc Bonnier devant son canon ferme des Wacques (1916)
Pâques
départ de Bellon au Mans.
A midi,
passage d’une escadrille boches (20 avions)
Jean est
malade depuis quelques jours
Jean va
mieux
A 18h, la
saucisse, route de Souain rompt ses amarres. L’observateur se tue.
Le dépôt de
grenades à la Cheppe explose : plus de 40 morts
à (9h du matin).
Les Boches
ont envoyé des gaz à 9h du soir. Aussitôt les fusées vertes sont lancées ;
l’artillerie a fait un tir de barrage soigné jusqu’à 11h. Le lendemain matin,
j’ai appris que beaucoup de nos fantassins avaient été tués par cette saleté.
Les Boches ont recommencé avec leur gaz à 9h du soir. Nous avons déclenché notre tir de barrage mais très peu de temps car le vent avait tourné, ce qui a rejeté les gaz dans les lignes boches.
Encore une
émission de gaz par les Boches ; même rafale de notre part toujours à 9h du
soir.
J’ai fini
mon observatoire aérien et l’abri à la ferme de Jonchery.
19 juin
Départ de notre batterie de la ferme des Wacques à 11h du soir pour aller paraît-il à Verdun. Première étape dans un bois près de la gare de Cuperly.
Passé la journée dans un bois.
Départ en
chemin de fer pour Revigny à 10h12 ; arrivée à 14h50.
Sommes allés coucher à Laheycourt
Sommes partis de Laheycourt et couchons à Orches. Demain, nous partons pour positionner la batterie au sud de Vaux.
Partis à
4h, nous arrivons à notre position à 8h trois quart.
Les Boches
tirent ; on y arrive quand même. La batterie arrive à 11h dans un désordre avec
la 27ème batterie qui s’est trompée de route. Nous recevons de bonnes averses.
Nuit très
mauvaise ; suis désigné observateur.
Verdun (Maubois) juin 1916-janvier 1917
Bonnefoy, Lavergne,
Descoutures, Joly, Noir,
Luc, Ressort
Pas d’eau pour
faire la soupe ; je pars à 4h à l’observatoire.
Suis arrivé
et ai été surpris par le beau point de vue. J’ai passé la nuit complète. On est
assez distrait mais pour le sommeil, il faudra se rattraper demain.
Suis content de mon nouveau poste.
Repos jusqu’à 16h.
En poste à
l’observatoire. .
Repos.
A
l’observatoire.
.
Observatoire
démoli par un 150 (GAUTHIER).
La nuit, je
l’ai refait et faisons la sape.
Encore bombardé
à l’observatoire (JAY).
André Lesty
est envoyé au fort d’Haudainville près de Verdun (à 7km au sud-est de Verdun)
pour suivre des cours d’observation.
Participants
aux cours d’observation à Haudainville (août 1916)
Puis André est envoyé
quelques temps à Pontarlier (qui possède depuis 1878 un champ de tir) pour un
stage d’entraînement au tir au canon entrecoupé de périodes de repos bien
méritées.
Les artilleurs français vont
s’exercer à la pratique du tir sur un champ marécageux de la Plaine de l’Arlier, près de Pontarlier. A quelque distance de ce site
se trouve le camp des Pareuses qui sert de logement des militaires dans des
tentes.
Au repos à Pontarlier
Pontarlier : entraînement au tir
Pontarlier : campement des artilleurs dont
ceux de la 3ème batterie, camp des Pareuses
André Lesty est versé dans la
seconde moitié de 1917 au 334ème régiment d’artillerie lourde, 27ème batterie.
St-Pécoud près de Vailly
en octobre 1917
Nous suivons André Lesty grâce à
quelques photos présentant le nouveau matériel militaire opérationnel aviation,
nouveaux chars probablement des Renault et de nouveaux canons
A Iserghem dans les Flandres en
janvier 1919
André Lesty sur sa
terrasse quelques mois avant son décès en 1958 dans sa propriété La Gravaude, 16, chemin du Coteau à La Tronche.
Il repose au cimetière St Roch à Grenoble.
Contacter le propriétaire
du carnet d’André LESTY
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des photos du 11ème régiment d’artillerie à pied
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des photos du 14ème régiment d’artillerie de campagne
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