Notes de guerre de Paul CHAMPDAVOINE

Du 4e zouaves

 

« Paul et Jean CHAMPDAVOINE sont allés au bureau de recrutement pour s’engager au 4é zouaves à Tunis, en septembre 1913.

Paul a été reconnu bon mais son frère (classe 1915) a été refusé malgré son brevet d’aptitude militaire, de sorte que Paul n’a rien signé et préfère partir en même temps que les jeunes gens de sa classe.

Il part finalement en décembre 1913, pour Tunis, à 17 ans.

Il est affecté à la 11eme compagnie du 4e régiment de Zouaves.

Paul, après une blessure, intégrera le 18e RI. »

Merci à Gilles, pour nous présenter les notes de son grand-père.

 

 

      

 

Paul CHAMPDAVOINE (le barbu) avec un camarade. Sur les photos, ils se sont curieusement échangés les uniformes.

Prise à Paris "AM.photo-studios, 18 rue de la gaité Paris ". Pas de date.

 

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Sommaire

(N’existe pas dans le carnet)

 

Ø  Juin 1914 : Tunisie

Ø  Juillet 1914 : La permission, retour en France

Ø  Août 1914 : La mobilisation générale

Ø  Août 1914 : Retour au régiment, en Tunisie

Ø  Août 1914 : Retour en France

Ø  Septembre 1914 : Paris

Ø  Septembre 1914 : Bataille de la Marne ; Chambry

Ø  Septembre 1914 : Bombardement de Soissons.

Ø  Autres récit

§  Exécution sommaire d’un Allemand

§  Le zouave blessé

§  Le zouave blessé sur le pont

§  Le sergent Paul LAGARDE

§  Attaque du 27 novembre 1914

§  La blessure

Ø  Notes sur le journal du père de Paul sur cette période le concernant

 

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Début du carnet

Juin 1914 : Tunisie

 

Tir de guerre pour Kamar.

Départ le 13 juin 1914 à 2 h 45.

Passage du Bac. Nous avons bivouaqué à Menzel Djemmid cela fait 4 à 5 km.

Le départ : le 14 réveil 2h moins le quart, départ 3h 22 ou 23. Nous avons fatigué assez, il en est tombé 3 ou 4 de coups de chaleur. Ils tombent comme morts puis ils se reviennent tout doucement, ma corvée journalière est de monter et de démonter la tente du lieutenant.

Le 15 juin

Réveil à 1 h 30 départ à 3 h moins le quart, nous avons fait 23 km, il fait chaud, nous sommes campés sous les oliviers.

Le 16 juin

Arrivé à Kamar vers 8 h, nous avons fait 25 km, nous sommes bien campés avec de la paille. J’ai vu VILLEVALOIS et BRACQUEMOND (*) le soir, mais il faut user de ruse pour aller d’un camp dans l’autre, car c’est consigné pour plusieurs cas de rougeole.

 

(*) : Des amis du même pays que Paul

Le 17 juin

J’ai bien dormi, repos, c’est fête du régiment mais jusqu’à midi ça été moche comme fête, il y a eu seulement remise de prix de tir par le commandant.

 

Après-midi, petit théâtre pas mal par les anciens mais comme amélioration de l’ordinaire on la saute toute la journée.

Le 18 juin

Tir à 1200-1300 puis 900-800-700 etc. jusqu’à l’assaut à la baïonnette. On tire sur cavalier aussi bien que sur fantassin autant de balle comme on vous en donne.

Le 19 juin

Tir avant midi comme hier avec le même procédé à la fin on n’ajuste plus on fout le coup de doigt et on tire dans la lune n’importe où, il y en a même qui visent autre chose que le but indiqué, ils tirent à 20 m devant eux, la poussière vole.

 

L’après-midi, corvées diverses, mais la vie du camp, ce n’est pas ça on est plus em… qu’à la caserne aussi pour la propreté que pour les corvées.

Le 20 juin

Réveil à 1 h 45, nous sommes partis à 3 h en laissant à Kamar la 9è et la 12è compagnie pour les isoler à cause de la rougeole. Arrivée au Bardo vers 8 h et quelque chose 20 km.

Nous sommes bien campés à l’ombre des arbres, on voit le train qui passe auprès de nous.

 

Le soir, au rapport, on nous a dit de mettre sur le sac la demi-couverture et on nous a donné à chacun 7 paquets de cartouches.

Le 21 juin

Il est tombé de l’eau cette nuit, les toiles sont toutes mouillées, on a démonté les guitounes à 1 h 30 à la lueur des éclairs car il faisait un orage terrible.

Le long de la route on a été rincés comme des soupes, le sac et le chargement étaient tout mouillés, on a fait 28 km et on en avait tous marre, il en est tombé 23 ou 24 types le long de la route de chaleur et de fatigue.

 

Le soir, j’étais de corvée pour moudre le café, j’y ai été toute l’après-midi.

Le soir j’ai vu FRANÇOIS, à part cela, jamais je n’avais passé un dimanche aussi triste.

Le 22 juin

Réveil à 2 h à peu près. Comme il y a des hommes fatigués, on met tous les jours des sacs sur l’araba, 3 ou 4 par section.

Aujourd’hui, c’était mon tour, car on les met chacun son tour et ensuite on se change les sacs l’un et l’autre, on a fait 21 km, on était campé pas trop mal dans un champ de chaume près d’une ferme.

J’ai manqué d’attraper 2 mois de privation de permission, rapport que j’avais mis 3 couvre-pieds sur mon sac dans l’araba, celui de GUAY et de VALANGEON, eux ont attrapé la privation de permission.

 

Le soir PAROT a attrapé 6 jours de prison comme le sergent BAILLY félicitait BOUTIBOUT de son astiquage en disant :

« Prenez modèle sur celui-là, il a trouvé moyen d’astiquer en campagne »

PAROT a répondu :

« Quel est ce con là ».

 

De ce moment le lieutenant ne dessoule pas, il distribue de la prison comme des petits pains pour des bricoles de rien.

Le 23 juin

Arrivée à Mateur, nous avons fait 18 km.

En arrivant Zwalen et Alletric nous ont rejoint de retour de permission, nous sommes bien campés dans un champ de chaume avec de la paille.

 

L’après-midi, nous avons lavé dans un oued, c’était All-Kif on allait dans l’eau comme des canards depuis le temps qu’on en était privé.

Le 24 juin

Jour de Saint-Jean au pays.

Repos, nous avons décoré nos tentes avec des roseaux, des espèces de joncs, je suis même tombé dans l’eau en allant trop près du bord, j’en avais jusqu’à la ceinture.

Il fait une chaleur terrible et étouffante.

 

Après-midi, revue par le commandant.

Le 25 juin

Manœuvre. Ce n’est pas rude, on a été presque toujours couchés.

Le 26 juin

Manœuvre sans sac derrière les jardins de Mateur, si ça continue, c’est la vie, on a tiré chacun 1 ou 2 paquets de cartouches et on a fait à peu près 100 m. de pas, gymnastique.

 

Après-midi, corvée, il est arrivé un tourbillon qui a enlevé plusieurs tentes, on nous a tirés en photo.

Le 27 juin

Manœuvre comme hier après-midi revue.

Le 28 juin

Dimanche.

Jamais, on a été emmerdé comme ce jour-là pour faire des cordées depuis le réveil jusqu’au soir on a été emmerdé et pas moyen de sortit car la compagnie était de jour.

Le 29 juin

On a pris une bonne piquette malgré que l’on n’avait pas le sac, il faisait chaud.

 

Après-midi, revue d’armes et de chaussures.

 

Le soir, j’ai vu Clovis VILLEVALOIS et FRANÇOIS qui sont campés auprès de nous.

Le 30 juin

Manœuvre le long de la route de Bizerte, on représentait l’ennemi, on a bardé car la compagnie était déployée en tirailleurs en attendant l’ennemi. Derrière une ferme un peu plus loin que la station du chemin de fer Michaud.

 

Après-midi, revue de cuirs à présenter au rapport.

 

Le soir, je suis sorti avec FRANÇOIS et TUFFÉ, nous avons été voir CHAMPENOIS qui est campé auprès de la gare puis nous sommes sortis en ville et nous sommes rentrés pour 8 h.

Le 1er juillet

Ce matin, réveil à 1 h 20, nous avons fait une belle manœuvre dans les côtes, nous avons tiré chacun 40 à 50 cartouches.

 

Après-midi, corvée de lavage.

Le 2 juillet

Repos, c'est-à-dire revue

Le 3 juillet

Départ à 3 h et quelque chose arrivée à Cindja, étape 18 km ce n’était pas rude.

 

Le soir, revue de cuirs et de campement.

Le 4 juillet

Réveil 3 h.

Arrivés à Bizerte vers 8 heures moins le quart l’étape n’a pas été rude.

 

Le soir je suis sorti en ville, j’ai été voir Georges.

Le 5 juillet

Dimanche j’ai été chez Georges avec TUFFÉ, il y avait Mr et Mme TERSOU.

 

Ce soir, je suis de patrouille en ville avec un second maître de la marine.

Près 5 heures, je suis sorti de nouveau j’ai été sur la plage, j’ai retrouvé TUFFÉ et nous avons soupé aux frites.

Lundi 6 juillet

Travaux de propreté.

Mardi 7 juillet

Idem, ce soir il est parti pour la France un convoi de permissionnaires de 30 à 35 par compagnie.

Mercredi 8 juillet

Ce matin, exercice de défilé sur le terrain de manœuvre.

 

Ce soir, je suis de garde rue du Camp.

Jeudi 9 juillet

Corvées toute la journée et le soir peut-être une heure de gymnastique.

 

Après la soupe, je suis allée chez Georges.

Vendredi 10 juillet

Je suis nommé permissionnaire pour partir le 14 juillet.

Nous sommes 8 ou 9 seulement à la compagnie ce matin, j’ai été passé la visite avant midi, exercice sur le terrain de manœuvre au geste.

Samedi 11 juillet

Mêmes exercices qu’hier et après-midi travaux de propreté et revue d’effectif.

Dimanche 12 juillet

Ce matin, je suis sorti vers 7 h, j’ai été chez Georges, je suis resté avec eux jusqu’à 3 heures et demi ensuite, j’ai été voir BATAILLE puis je suis rentré 5 h 10 car je suis de piquet et 7 h et demi.

Le sergent de semaine m’a fait appeler pour accompagner un autre sergent qui était de service en ville, j’y suis resté jusqu’à minuit.

Lundi 13 juillet

Ce matin, nous sommes allés aux bains de mer à la plage de Sidi Salhem, on s’est bien amusé, ensuite j’ai été de corvée pour la décoration de la caserne pour la fête de demain.

Pendant la sieste, j’ai lavé mon phalzar et briqué mon fusil et mes cuirs.

 

Après-midi corvée, le soir retraite.

Juillet 1914 : La permission, retour en France

Mardi 14 juillet

Revue, défilé du 14 juillet sur le boulevard front de mer ; revue par le vice-amiral, ensuite dîner épatant, sardines, frites, fayots avec du mouton, quart de vin, beurre, petits gâteaux, quart de café, cigare.

 

Après-midi, je suis sorti en ville acheter quelques petits souvenirs pour emporter au pays. J’ai été chez Georges et Maria a apprêté ma valise. Ils sont venus tous deux m’accompagner au bateau.

J’ai embarqué vers 10 heures sur le transatlantique « Eugène Péreire » qui est parti du port vers minuit moins dix.

Mercredi 15 juillet

J’ai bien dormi sur le pont.

La mer a été calme, très calme toute la journée. Il y a beaucoup de passagers et beaucoup de permissionnaire surtout zouaves et génie, il y a encore des tirailleurs, des marins et des tringlots.

On a bien diné, la nourriture est bonne sur le bateau.

Jeudi 16 juillet

Cette nuit, j’ai couché dans la cale, la mer a monté, le bateau a commencé à danser, à tanguer, on a tous été malades comme des chiens, on a vomi, on roulait dans l’eau dont la cale était pleine.

 

Enfin vers 6 heures, on a aperçu Notre Dame de la Garde et on a bientôt accosté et débarqué et on était content de remettre le pied sur la terre française.

Puis un caporal nous a conduit au fort Saint Jean.

Là, on a vu de tous les corps de troupe qui partaient pour l’Afrique ou qui en revenaient. Nous avons attendu que nos permissions soient signées puis un sergent nous a conduit à la gare, nous a remis nos permissions et nous a laissé libres.

Ce sergent est justement un nommé HAYE qui a été élevé à Gidy (Loiret) chez la famille FOUCAULT. Nous sommes restés à Marseille jusqu’à 8 h 25 du soir pour prendre le rapide qui est plus direct que le train omnibus qui part à 11h 25. Nous étions restés 4 qui allaient jusqu’à Paris : CHAPLIN, DROLET, BARRIER et moi.

Nous avons visité un peu Marseille et ensuite nous avons fait un bon somme à l’ombre d’un jardin public.

 

C’est l’arroseur qui nous a réveillés puis avant de prendre le train, on a mangé une bouchée et à 8 h 25, on embarquait sur le rapide qui ne s’arrête que 3 ou 4 fois jusqu’à Paris, à Avignon, Valence, Lyon, Dijon, Laroche.

 

Nous arrivons à Paris à 10 h 30.

 

Le lendemain matin, après avoir pas mal roupillé, on a diné puis BARRIER nous a quittés pour aller chez eux. Tous trois DRALET et CHAPLIN, nous avons visités le jardin des Plantes puis nous prenions notre billet à la garde d’Austerlitz pour Orléans ou on arrivait vers 5 h 30.

 

On est sorti de la gare prendre un verre et on s’est quitté. Eux prennent le tramway d’Ouzouer direction de la Bagatelle et moi je suis retourné à la gare prendre la ligne de Chartres, direction de Coinces.

En descendant à Coinces, j’ai dit bonjour à Melle BRAUN qui était avec la femme du chef de gare puis ma valise à la main, j’ai pris la route de Chesne.

 

En arrivant à Chesne, j’ai vu Mr FAUCHEUX puis CHAU, GUISET, Henri, Julien qui a pris ma valise dans sa voiture en me disant :

« Si tu veux attendre 10 mn, je vais t’emmener également »

Alors, je l’ai attendu un peu, le temps qu’il range ses outils, puis m’a conduit jusque chez nous ou mes parents étaient contents de me voir arriver et moi encore plus content de les retrouver et de revoir le pays.

Depuis le 4 décembre 1913 que j’en étais éloigné.

Août 1914 : La mobilisation générale

Mardi soir 28 juillet 1914

Comme il a des bruits de guerre, les gendarmes sont venus donner l’ordre à tous les permissionnaires de rejoindre leurs corps. J’ai été averti vers 8h 30 du soir par le brigadier.

Après avoir fait ma valise et dire adieu à mes parents, j’ai été prendre le train de 10 heures à Patay, avec François VILLEVALOIS dans la voiture de M. BRIOCHE, mon père m’a accompagné jusqu’à la gare.

Nous prenons le train pour Paris vers 11 heures et quelque chose en changeant aux Aubrais. J’ai été appelé par André CHAMPENOIS et GAUCHARD qui rejoignaient aussi leur corps, nous avons depuis fait route ensemble.

Nous arrivons à Paris à 1 h du matin.

Mercredi 29 juillet

En arrivant, nous filons vers la gare de Lyon, mais tout est fermé. Paris est calme.

Nous entrons chez un bistro qui est resté ouvert pour passer le temps car le train part à 7 h seulement pour Marseille. Ensuite, nous mangeons et on prend les billets qu’il a fallu payer et on s’embarque. Le train est plein de soldats, on ne s’est pas ennuyé du tout dans le trajet, nous arrivions seulement à Marseille vers 12 h 18.

Un détachement nous prend et nous conduit aux Incurables (*) ou l’on a dormi 3 sur 2 lits et beaucoup par terre.

 

(*) : La caserne des Incurables se trouvait à Marseille

Jeudi 30 juillet

Rassemblement et en route pour le fort Saint Jean. On est resté toute la journée sans presque manger et toujours ennuyés par les rassemblements.

On se promenait ou on roupillait, enfin on était libres en dehors de cela.

Enfin, on nous conduit en détachement aux Incurables. Nous avons dégoté tous deux, François et moi, une petite chambre de sous-officier avec 1 lit.

On a roupillé tranquille.

Vendredi 31 juillet

Réveil 5 h.

Rien de nouveau nous partons pour le Fort Saint Jean après nous être réconfortés à nos frais à la cantine puis au fort, ils nous ont payé un demi quart de jus chacun et le prêt 0.10 fr tout en gros.

Ensuite, on nous conduit en détachement au bateau « Eugène Pereire ».

On s’y installa tant bien que mal et nous avons boulotté ce qu’on nous avait donné au fort Saint Jean, une boîte de sardines et un morceau de fromage pour 4.

TUFFÉ m’a rejoint sur le bateau car il était parti seulement mercredi de Paris et pendant toute la traversée, on ne s’est pas quitté. Il y avait également GAUCHARD, CHAMPENOIS, VILLEVALOIS et BRACQUEMOND, car tous les pensionnaires de Tunisie étaient embarqués et descendaient à Bizerte.

Il y avait quelque chose, on se marchait les uns sur les autres.

Samedi 1er août

J’ai passé une nuit pas trop mauvaise, quoique je n’aie pas beaucoup dormi et toute la journée ça a bien été car la mer était bonne. Nous sommes partis de Marseille à 2 h hier.

Arrivés à Bizerte à 11 h du soir.

J’ai laissé mes copains de Tunis et nous sommes partis en détachement jusqu’à la caserne.

J’ai vu Georges et Maria qui étaient à leur porte, tous deux, TUFFÉ et moi, nous sommes sortis des rangs pour leur serrer la main.

Août 1914 : Retour au régiment, en Tunisie

À Bizerte, tout est mobilisé tout le monde 120 cartouches et sac en tenus de campagne et tous les postes autour de Bizerte sont occupés.

En arrivant dans les chambres, les camarades dormaient et ils n’étaient arrivés que depuis quelques heures de Ferryville. J’ai pris un lit d’absent, j’ai quitté mes godillots et mes molletières, et je me suis endormi vers 1 h.

Dimanche 2 août

Je me suis réveillé dispos, j’avais dormi d’un bon cœur car depuis mon départ, il y avait longtemps que je n’avais pas dormi tranquille.

Ensuite rassemblement des permissionnaires, et on nous fait mettre sac et tenue de campagne et rendre nos paquetages au magasin, on venait seulement de les toucher.

J’ai vu Georges, il venait me demander comment j’avais passé ma permission. J’en ai profité pour lui remettre ma valise.

Toute la journée, préparatifs de guerre, changement d’effets et d’équipement, enfin de tout ce qui était médiocre, après l’appel, distribution de paquets de pansements, de fils, d’aiguilles, etc

Lundi 3 août

Nous avons rendu ce matin nos vieux souliers au magasin et on habille les réservistes avec les effets, puis on a doublé les lits (*) dans les chambres et après-midi.

On a descendu les caisses individuelles avec le nom des parents dessus. Les chevaux sont également mobilisés comme les hommes. Les Joyeux et la Légion sont arrivés tout à l’heure à la caserne Jappy.

Il n’y a plus à la 24è que le premier peloton, le deuxième étant parti occuper des postes ou accompagner des convois.

 

(*) : Pour dormir à deux soldats

Mardi 4 août

Ce matin, on a fait appeler les permissionnaires au bureau pour leur demander où ils s’étaient embarqués et où ils étaient en permission, sans doute pour rembourser leur voyage.

Les réservistes arrivent toujours, il y en a un qui a couché à côté de moi cette nuit qui est de la classe 1903, il a fallu dédoubler les lits.

Le Fort d’Espagne vient de tirer 21 coups de canon pour saluer un navire anglais qui rentre au port.

 

À Bizerte, le bruit court que les Français sont déjà en Alsace qu’il y a 4 navires allemands prisonniers des Anglais et un aéroplane français qui a crevé un ballon allemand.

 

Après-midi, corvée de flingots, on a été chercher au moins 500 fusils à l’arsenal, les réservistes arrivent toujours.

TUFFÉ est venu me dire au revoir car demain, le 3e bataillon part en France.

Mercredi 5 août

Le 3e bataillon est parti en France ce matin à 8 heures.

Le commandant BALIVET a fait à ses hommes un petit speech qui se termina ainsi :

« Les Allemands nous ont fait un affront brutal. »

« Eh bien ! Mes enfants en avant : point de direction : le Rhin. »

« Vive la France ! »

 

Il a été applaudi et ils sont partis avec la clique en jouant le refrain du régiment. Les larmes vous montaient aux yeux, eux pourtant avaient l’air content.

Point de direction, le Rhin

Ils seront escortés par des torpilleurs jusqu’au lieu de débarquement. Tous mes camarades du Loiret qui se trouvent au 3è bataillon sont donc partis.

Au tour du 6e bataillon dans quelques jours. J’ai été, avant midi, chercher des chevaux au contrôle civil pour les amener à l’écurie de la caserne Farre et l’après-midi, c’étaient des arabas.

J’ai vu entrer au port un cuirasse anglais et 2 contre-torpilleurs qui parait-il, ont capturé avec un cuirassé français un navire allemand.

Jeudi 6 août

Ce matin, j’ai été chez le capitaine avec BOURREAU porter une malle, on a fait un petit tour en ville, on a même entré chez un bistro.

Ensuite, nous sommes rentrés.

En passant, j’ai vu Maria qui était à sa porte, j’ai parlé un instant avec elle, ensuite j’ai balayé les chambres de la 11è et retiré ce qu’ils y avaient laissé.

Il y avait de tout : sacs, brosses, bidons, gamelles, courroies, etc … tout ce qu’on peut imaginer.

 

Après-midi, je me suis embarqué pour Djedeida, nous devons gardé les ponts. On a vivres de réserve, sac et tout le tremblement, cartouches et nous avons débarqué à Djedeida qui est gardé par un détachement de joyeux commandé par un lieutenant.

Après avoir bien soupé, nous avons étalé nos couvertures et couché dans la salle d’attente.

Vendredi 7 août

Réveil 4 heures et demi, nous avons bien dormi. Après avoir fait le café, mangé du raisin à l’œil, nous prenions le train qui nous a conduit chacun à notre poste.

Il y a 4 ponts, nous sommes 12 donc 3 par poste. La consigne est sévère, il ne faut laisser approcher personne.

 

En arrivant, il y en a un qui est resté de garde puis BAILLY et moi, nous sommes allés chercher de l’eau et du pain à une ferme arabe car on croyait ne pas en avoir assez.

Ensuite, nous fait la popote avec des patates et du lard, on a bien bouffé même que l’on a fait du café pour boire et ensuite on est venu nous relever, c’est des types de la 23è qui nous ont remplacés.

Les postes sont doubles, au lieu de 3, on est la maintenant tous les trains qui passent sont bondés de réservistes.

Enfin notre faction s’est bien passée, c’était la vie. Nous sommes partis à la gare de Tindja pour prendre le train quand il passerait.

Il nous a passé en chemin, on lui a fait signe d’arrêter mais le chauffeur n’a pas vu, il a donc fallu aller jusqu’à la gare et prendre le train de 10 heures.

Nous avons fait 8 km sans pause, nous arrivions à 11 heures et demi à Bizerte.

Samedi 8 août

Il est encore arrivé au moins 180 réservistes hier soir, j’ai été de garde d’écurie toute la journée.

 

Le soir, il a fallu que je monte le sac au sergent de garde car je lui ferai désormais son truc.

Dimanche 9 août

Toute la matinée, j’ai tiré ma flemme dans la chambre du sergent BAILLY, j’y ai mis tout en ordre.

 

Après-midi, revue de départ, on touche les vivres de réserve, tout ce qu’il faut pour partir en campagne. Je suis nommé fonctionnaire caporal de la 4è escouade.

J’ai été voir Georges et Maria vers 8 heures le soir pour leur dire au revoir. J’ai diné au galop, je les ai remerciés de ce qu’ils avaient fait pour moi et à 11 heures, je commençai mon sommeil.

Départ de Bizerte

Lundi 10 août

Réveil 1 heure.

Rassemblement puis départ. Nous embarquons à la gare pour Tindja et de Tindja nous partions pour Ferryville à pied, on a à peu près 5 km à faire, Ferryville est un joli patelin français.

 

Nous arrivons à une très belle petite caserne, on a vu sur le lac, on aperçoit les bateaux arriver : il y en a 30 qui entrent de ce moment au port.

C’est là qu’il y a les prisonniers allemands. Ils sont au nombre de 80, on les emploie à divers travaux. Ils sont gardés par des factionnaires, le fusil chargé, baïonnette au canon, nous sommes à cette caserne à peu près 2 compagnies.

Toute la journée, nous avons crevé de faim.

 

Le soir à 6 heures, il a fallu se mettre en tenue de campagne et partit occuper un poste dans le bled, nous sommes une section, c’est pour surveiller des travailleurs qui font des tranchées, des terrassements pour l’État.

Nous couchons sous des grands marabouts.

Mardi 11 août

Réveil 5 heures et demi.

J’ai bien dormi quoiqu’ayant eu un peu froid. Nous buvons le café bien chaud, il y en a qui partent accompagner les travailleurs à la besogne et nous autres, nous partons chercher de l’eau, des tomates, des figues de barbarie.

Il y en a qui vont en ville chercher du vin, du tabac, de l’huile, des poules, c’est la bonne vie car nous sommes avec réservistes algériens, des anciens légionnaires qui sont débrouillards.

 

Quand l’araba nous a eu apporté nos vivres, il a fallu aller ravitailler un petit poste de 8 hommes qui se trouve à 8 km dans le bled. Nous sommes partis 3 et un caporal, nous avons mis 3 heures et demie.

Ce petit poste est bien installé, il y a de l’eau et de l’ombrage et il y a des arabes qui vendent des œufs, des poulets, etc

 

En revenant, nous avons bien boulotté, dormi un somme et ensuite nous retournions surveiller les travailleurs.

 

À 6 heures, le lieutenant est venu puis il a dit au sergent VAYSSIÉ de nommer 6 hommes pour renforcer le petit poste du caporal NOTELET (*) où j’avais déjà porté la soupe le matin.

Nous partons donc du chantier, nous mangeons puis les hommes désignés ; AUTIAN, ANGE, VENIC, BONNET, SALA et moi nous partons en laissant notre sac au poste central et nous prenons le chemin du petit poste qui est éloigné de 8 km, nous arrivons à la nuit après avoir manqué de se faire bouffer par les képis de gourbis.

Il a fallu mettre baïonnette au canon pour s’en débarrasser.

 

En arrivant, le caporal NOTELET (*) nous a placés tous les 6 à un réservoir d’eau, à 2 km du poste central.

 

(*) : NOTELET Jules Paul, sergent au 4e Zouaves, sera tué à Roclincourt le 17 décembre 1914. Il était né à Bierry-les-Belles-Fontaine (Yonne) le 7 juillet 1891.

Mercredi 12 août

Nous avons passé la nuit à la belle étoile, je n’ai pas beaucoup dormi, nous avons allumé du feu, pour nous réchauffer.

 

Le matin, comme jus, il y avait zobi. (*)

Il a fallu que l’on mange des figues de Barbarie et des œufs achetés aux Arabes.

Avec 10 sous, j’ai eu 5 œufs et un poulet car il y en avait 1 couvé.

 

À 8 heures, relève du poste, nous sommes repartis à la côte 102 pour reprendre nos sacs et de là à la caser.

Nous avons fait une pause dans le jardin public auprès du « Farfadet » et nous avons fait remplir nos bidons de vin, nous entrions à 12 heures, nous avons mangé puis repos jusqu’au soir.

J’ai été à la bourre, de mon bidon de mon quart d’une ceinture, d’une gamelle ; en 1 heure j’ai été au courant de tout mon mobilier.

 

Je me suis couché à 8 heures et je m’endormais à 10 heures et demi.

 

(*) : Il n’y avait rien à boire

Jeudi 13 août

Réveil à 5 heures et quart.

Nous partons manœuvrer avec le sac, tenue de campagne, on recommence les classes pour entraîner les réservistes.

Ca chie, la prison tombe dure comme grêle aujourd’hui, les Pruscos prisonniers sont partis pour Sousse, gardés par les créoles.

 

Ce soir, je vais être de garde à la côte 102. Si ça continue à marcher comme cela, ce n’est pas la vie, je vais devenir antimilitariste.

Vendredi 14 août

Cette nuit, j’ai pris la garde de 3 ou 4 heures aux faisceaux.

 

Réveil 5 heures, on est plus tranquille de garde qu’à la caser et on blague toujours, le temps passe plus vite, on est plus libre en plein bled qu’au quartier.

Samedi 15 août

Aujourd’hui, grande fête en France, ici, nous sommes obligés de rester à la caserne, toujours au moins dans la matinée car à 8 heures, revue de détail et travaux de propreté, je ne me suis pas lavé depuis mon départ de Bizerte.

 

Après 5 heures, je suis sorti en ville avec Bourreau, on a soupé à l’hôtel de la Poste pour 30 sous.

Dimanche 16 août

Revue de départ car demain on quitte Ferryville pour partir en France.

lundi 17 août

Réveil 4 heures.

Distribution de vivres de réserve, vers 9 heures départ. Le sac était au grand complet, la musette également, c’était si lourd que je n’ai jamais pu prendre le pas cadencé pour traverser Ferryville.

 

En arrivant à Tindja, nous avons fait la popote puis nous embarquions dans le train, nous avons pas mal boulotté à 5 heures, puis vers 10 heures, on s’est endormi comme l’on a pu car on était 8 par wagon.

Le paysage est montagneux pas trop fertile à ce qu’on peut en juger par les broussailles.

Mardi 18 août

Même paysage qu’hier, nous descendons à presque toutes gares environ 10 mn. Elles sont espacées d’une heure ou d’une demi-heure l’une de l’autre.

A Guelma, les dames françaises nous ont distribué du pain et du fromage.

 

À 10 heures, nous arrêtons à une gentille gare qui s’appelle l’Oued Zenati, on a pris de l’eau fraîche. Le village est gentil et le sol a l’air d’être fertile car on voit beaucoup de meules de paille et de grands troupeaux.

La ligne est gardée à chaque pont que l’on rencontre et à chaque gare. Il y a soit des zouaves, des joyeux ou des spahis.

 

A Oued Zenati, c’est des spahis.

À Krouls, nous nous arrêtons environ 1 heure et demi pour boulotter, le pays s’aplanit et a l’air plus fertile, on s’arrête également vers le soir à Sétif à peu près une demi-heure mais il n’y a pas moyen d’emporter des provisions.

Mercredi 19 août

J’ai assez bien dormi car il y a la première escouade qui est de garde dans les wagons de tête cela nous fait de la place, on est moins gêné.

Cette nuit, il est tombé de l’eau.

 

À 6 heures, arrêt à Palestro, le terrain est cultivé, on voit beaucoup de vignes.

 

À 7 heures, arrêt à Menerville qui est assez importante, vers 10 heures, arrivée à Alger.

De la gare à l’école de filles, on a pris une piquette comme si on avait fait 30 km, il faisait une chaleur étouffante, nous sommes casernés dans une salle de classe, il y a des soldats plein les salles et la cour.

 

À 5 heures, je suis sorti en ville, on a monté à la Kasba d’où on a une belle vue sur Alger et ensuite on s’est promené en ville jusqu’à 8 heures et demi. La ville est imposante et assez jolie, il y a beaucoup d’escaliers à monter et à descendre si on veut tout visiter la ville. J’ai soupé avec BERTHIER pendant que les autres buvaient un coup.

Il y avait BEAUDOIN, MICHELET, BOURREAU, BERTHIER et moi, on a fumé pas mal de cigarettes, car le paquet de 20 vaut 2 sous puis nous sommes rentré à 8 heures et demi.

Jeudi 20 août

Cette nuit, il a plu mais ce matin, c’est arrêté.

Ce matin, le 1er zouave part pour la France. On nous a donné les vivres de débarquement puis on a formé les faisceaux de sacs, de fusils et d’équipements dans le vieux cimetière juif cela vers 3 heures de l’après-midi.

 

Quand tout a été prêt on est sorti en ville, je suis sorti avec BOURREAU, MICHELET, PROUST en treillis, on est rentré à l’appel de 8 heures et demi et nous sommes allés coucher dans la même chambre qu’hier sur la paille.

Août 1914 : Retour en France

Vendredi 21 août

Réveil 4 heures. On s’équipe, on s’harnache et en route pour le port. Il y avait les femmes et les enfants des réservistes qui pleuraient. Nous embarquions à 8 heures acclamés par la foule.

Toute la journée la mer était bonne.

Samedi 22 août

Mer toujours bonne, nous boulottons bien, on est tranquille.

 

À 6 heures et demi, nous débarquons à Cette (*), petit port assez bien au milieu des bravos de la population, nous traversons la ville pour aller caserner dans une grande école sur de la paille.

J’ai été nommé cuisinier de la 4è escouade.

 

(*) : Ancien nom de Sète, jusqu’en 1928

Dimanche 23 août

Commencement de mon nouveau métier, je m’en suis assez bien tiré, j’ai seulement brûlé un peu le rata mais il était encore bon, je suis sorti en ville le soir avec BOURREAU, BILLY.

Lundi 24 août

Départ de Cette le matin, nous traversons des salins puis des vignes, nous passons à Agde, à Béziers et nous arrivons à Narbonne à midi.

Nous cantonnons au Théâtre et on fait la cuisine sur la rue, les femmes et les enfants nous aident et nous apportent du bois.

 

Le soir, je suis sorti avec les mêmes copains qu’hier.

La ville de Narbonne est assez jolie et les habitants aimables.

Mardi 25 août

Marche, manœuvre et service en campagne de Narbonne à Courson.

C’est plus all-kif qu’en Tunisie, on ne voit plus des Arabes c’est des Français, femmes et jeunes filles, qui nous encouragent. On est revenu vers 10 h moins le quart, on n’avait pas froid quoique la température soit plus douce qu’en Afrique.

 

Après-midi, escrime à la baïonnette sur le boulevard.

 

Le soir, je suis sorti en treillis malgré que j’étais de piquet.

On était une bonne équipe, MICHELET, VUÉ, BONNET, LAISNE, SERDAN etc .. on a été se placer au milieu d’une petite rue, en cercle, on a chanté en arabe, les habitants nous ont donné au moins 20 litres de vin, à l’œil, on a bu jusqu’à plus soif et on a manqué l’appel.

Mercredi 26 août

Ce matin, déploiement en tirailleurs au champ de manœuvre charge, escrime à la baïonnette, école de section et de compagnie à midi, corvée de lavage.

Au rapport, j’ai récolté 8 jours de consigne pour la tournée d’hier soir.

Jeudi 27 août

J’ai cuisiné toute la journée, les cuisines sont au long du mur. Dans la rue, on est toujours en compagnie, les femmes nous donnent des conseils et nous apportent du bois et les gosses font les commissions.

Vendredi 28 août

Même chose qu’hier, mais il a fallu faire la viande pour demain car c’est demain que l’on quitte Narbonne, nous n’avons pas fini de bonne heure.

Samedi 29 août

Je me suis levé de bon matin pour faire chauffer le jus.

 

À midi, au milieu des souhaits des habitants nous quittons Narbonne et on embarque pour une destination inconnue.

 

À 5 heures, nous descendons à Carcassonne. Avec nos ceintures que nous attachons l’une au bout de l’autre et que l’on descend ainsi le long du pont, les habitants nous donnent du pain et du vin, nous passons à Castelnaudary.

Dimanche 30 août

J’ai dormi un peu quoiqu’étant assis, mais il ne fait pas chaud.

Vers 6 heures et demi on passe à Brive, à 11 heures on s’arrête à Limoges.

Des Dames de la Croix-rouge nous donnent des cigarettes et des cigares puis des cartes postales. Il paraît que cette nuit, il a passé un train de 800 prisonniers allemands et un train de blessés français.

Un peu avant d’arriver à Châteauroux on a rencontré un train de blessés français qui avaient des casques, des sabres, un tas de trophées.

 

Vers 7 heures du soir, à Vierzon, on croise des joyeux sortant du dépôt du 4è bataillon d’Afrique qui partent au Maroc.

 

Cette nuit vers 10 heures et demi, on s’arrête aux Aubrais gare d’Orléans et on boit un bon quart de jus.

Lundi 31 août

Je n’ai pas beaucoup dormi, cette nuit quoiqu’il fasse moins froid qu’hier, vers 3 heures.

Nous arrêtons à Ivry-sur-Seine puis nous passons à Wissous où on s’arrête dans un champ près d’une ferme pour faire le jus ensuite nous sommes entré à Anthony et nous autres la 1ère section, nous avons campé dans un haras, nous faisons la cuisine à l’ombre de grands arbres et nous couchons dans un grenier.

Mardi 1er septembre.

J’ai passé une bonne nuit quoique pas chaude.

Ce matin, on voit beaucoup de parisiens qui quittent la ville par peur des Allemands.

Septembre 1914 : Paris

Mercredi 2 septembre.

Ce matin, réveil 4 heures et quart.

Concentration de troupes en avant de Longjumeau. Il y a l’entrée du pays des arbres coupés prêts à faire une barricade et aussi une redoute.

 

À 7 heures du soir, nous partons par la grande route, nous traversons Paris.

Jamais, je n’ai vu une réception pareille souhaits, embrassades, etc…. tant que la traversée a duré. Je me rappelle pas avoir tant souffert pour marcher, c’est comme si je marchais sur des charbons.

Durant la traversée, j’ai bu au moins 1 litre de vin reçu 50 000 poignées de main si j’avais voulu, nous marchons toute la nuit. Nous nous arrêtons 2 heures pour faire le café, j’étais vanné, il a fallu que MOINE me porte mon sac pendant une couple de kilomètres.

Jeudi 3 septembre.

Le matin nous continuons notre route, nous rencontrons les Parisiens qui déménagent et les bœufs et les bestiaux qui entrent à Paris.

Quand nous avons dépassé Paris de 10 km, nous nous arrêtons derrières les buissons, mon escouade la 1ère est désignée pour être de patrouille pour couvrir la troupe à droite, nous avons été 8 heures en plein soleil arrêté dans un champs de pommes de terre et le restant de la journée à marcher sans manger une bouchée, j’en avais marre comme jamais j’en avais eu marre.

 

Vers le soir, nous regagnons le camp, nous mangeons une bouchée, on est un peu plus gaillard mais je ne me tiens plus sur les jambes.

Comme nous étions de patrouille, nous avons mangé des navets, des artichauts pour ne pas crever de faim : c’est là que l’on apprend à connaître le prix du pain et nous buvons de l’eau de la petite rivière qui passe auprès des maisons.

Nous avons entendu 15 ou 20 coups de canon et une ou deux fusillades en tout. Je pense que les Alboches ne sont pas à 30 km.

De nous, les aéroplanes sillonnent la nue, il y a avec nous : tirailleurs, 1 – 2 – 3é zouaves, artilleurs, coloniaux et la section d’artilleurs de la Manouba.

Il y a André, je l’ai vu à Antony hier midi, on était heureux de se retrouver.

 

Vers 5 heures, nous repartons, nous retraversons encore les alentours de Paris, nous marchons jusqu’à 11 heures du soir, je n’en pouvais plus en arrivant, nous couchons sur le carreau dans une école.

Vendredi 4 septembre

J’ai dormi comme un bienheureux, je me suis réveillé dispos, on nous a donné un bon jus, on a bien mangé et toute la fatigue s’en es allée.

 

Vers 4 heures, nous a retiré les 14 paquets de cartouches que l’on nous a donné hier.

Samedi 5 septembre.

Départ 4 heures, on a marché toute la journée.

 

Le soir, nous sommes arrivés dans une ferme, on a fait la popote, tout le pays est dévasté et pillé, on prend les lapins, les poules, on trait les vaches, toutes les maisons ouvertes, les habitants partis.

 

La nuit nous dormons dans une bergerie, on a été réveillés par des coups de feu éloignés, mais ce n’a rien été.

Dimanche 6 septembre.

À 5 heures, départ, on nous a redonné toutes les cartouches, on a marché jusqu’au soir.

On était esquinté, vanné, le canon tonne sans interruption, on a marché toujours sans manger. Le capitaine et le lieutenant ont dit qu’ils brûleraient la cervelle au premier qui s’arrête.

 

Vers 4 heures, on a commencé à rencontrer des sacs, des équipements abandonnés, puis des Allemands blessés et tués, il y en avait des tas, des chevaux, des caissons, des obus allemands.

Ah ! Quel carnage que la guerre ! Que c’est triste ! Puis on est arrivé ou les tirailleurs marocains ont chargé à la baïonnette les malheureux couvraient la terre de leurs morts et de leurs blessés.

Il paraît que les Allemands ont été frottés comme il faut.

 

On a fait le café le soir dans une pièce d’avoine, on a dormi en attendant la journée de demain.

Septembre 1914 : Bataille de la Marne ; Chambry

Lundi 7 septembre.

Baptême du feu

Réveil 2 heures et demi, on se secoue, on met sac au dos et on part, nous marchons une heure environ, on ne voit que morts et blessés enfin la séance commence.

Les Allemands nous envoient une grêle d’obus, il fallait se carapater les balles sifflaient et toute la journée ça été un feu d’enfer. On est déployé en tirailleurs à la sortie d’un village, les hommes ont commencé à tomber.

Jamais de ma vie, je n’avais vu pareil, les balles et les obus volaient, un moment à côté de moi dans une pièce d’avoine, un obus en a descendu 4 ou 5.

On commence à voir les Alboches à peut-être 1800 mètres et on leur a envoyé des pruneaux à volonté puis les artilleurs ont commencé et ils leur ont envoyé quelque chose de soigné, ils ont délogé et tombaient comme des mouches.

On a tiraillé un peu, puis l’artillerie a toujours donné et les Alboches ont été repoussés, mais on a eu des pertes à la 4è compagnie 7 morts et 65 blessés jusqu’à 9 heures la fusillade a duré.

 

Vers 9 heures et demi, les Allemands étaient repoussés, nous retournions au village de Chambry, il en manquait beaucoup à l’appel. J’ai remercié Dieu de m’avoir protégé et la compagnie a campé le long d’une route, content d’être sorti sans blessure de cette terrible journée que je me rappellerai tant que je vivrai.

Mardi 8 septembre

Nous nous rassemblons où on a cantonné aux premiers coups de feu.

Tout le jour, il n’y a que l’artillerie qui a tonné toute la journée et je vous promets que les Alboches ont reçu une séance.

 

Le soir, on a fait la popote à son aise au village et on a couché dans nos retranchements.

Mercredi 9 septembre

Le bombardement recommence mais moins intense, les Allemands sont retirés, nous allons au village qui est bombardé, on tue poules, lapins, etc

 

Enfin vers 3 heures et demi ou 4 heures, les obus s’arrêtent de pleuvoir, nous sommes contents, nous allons dans le village librement, heureux de voir finir cette canonnade et vers 5 heures, on se prépare à quitter les tranchées où la mémorable bataille de Chambry s’est terminée à notre avantage mais combien de camarades et d’ennemis dormant du sommeil de la paix dans la plaine.

Que Dieu protège leur âme !

Nous couchons le soir dans nos retranchements.

Jeudi 10 septembre

Vers 5 heures du matin, nous traversons le champ de bataille qui est jonché de morts, équipements, de sacs, de fusils, d’obus.

Ensuite, nous passons où les Allemands étaient retranchés dans des jolis retranchements bien organisés.

Il n’y avait pas beaucoup de morts, mais beaucoup d’effets, équipements de chevaux morts. Il paraît qu’avant qu’ils enlèvent leurs morts, les tranchées étaient pleines.

 

Nous passons ensuite à Lizy-sur-Ourcq qui est canton, toutes les maisons ont été livrées au pillage.

Ce ne fut pas un combat qui fut livré dans ces jours mémorables, ce fut un carnage. J’ai oublié de dire qu’hier les camarades de la 1ère section ont été enterrés dans un jardin de Chambry avec l’inscription suivante sur la tombe dans une bouteille :

« Ici reposent les zouaves morts pour la Patrie ».

 

Le 7 septembre 1914, Cathelineau, Allier, Hartmann, Barbé, etc , il y a également un tabor marocain.

Pour aujourd’hui, nous marchons toute la journée sans pouvoir atteindre les Allemands et nous cantonnons dans un village. Je parie que nous avons fait de 50 à 55 km.

 

(*) : CATHELINEAU Léopold Armand, 21 ans, 2e classe au 4e zouaves, mort pour la France le 7 septembre 1914 à Chambry (Aisne), tué à l’ennemi. Il était né à Cours, Deux-Sèvres.

Vendredi 11 septembre

La poursuite recommence, on ne rencontre que débris de toute sorte abandonnés, des Allemands, chevaux, voitures, vélos, autos, etc … tranchées, caissons.

Nous avons au moins 50 km dans les jambes sans beaucoup manger et on force à marcher les traînards en les menaçant du révolver.

Samedi 12 septembre

Nous avons dormi dans un petit village, le matin, nous marchons sur Soissons qui est pris avec plusieurs coups de canon, les habitants sont contents de nous voir.

Les Allemands font sauter le port fort en se sauvant et bombardent Soissons.

Dimanche 13 septembre

Nous restons à Soissons toute la journée à nous reposer. Nous étions dans une usine d’automobiles. On nous a fait venir dans les caves et les bûchers d’une maison voisine.

Septembre 1914 : Secteur de Soissons.

Lundi 14 septembre

Nous nous réveillons de bonne heure des écuries du château et nous partons vers le pont de chemin de fer puis nous occupons des tranchées vers la ligne du chemin de fer.

Moine et Dafour blessés, nous couchons au château vive fusillade.

Mardi 15 septembre

Nous quittons Soissons de bonne heure et nous repassons le pont au milieu des obus. Nous traversons les espaces découverts au pas gymnastique et nous gagnons St Paul.

Mercredi 16 septembre

Nous restons à St Paul de … nous occupons un plateau.

 

Nous quittons à 11 heures du soir et nous passons la nuit dehors.

Jeudi 17 septembre

Nous prenons l’offensive et nous chargeons les Allemands à la baïonnette et ils abandonnent leurs tranchées c'est-à-dire les avant-postes ; il y avait les tirailleurs en première ligne.

Il n’y a que la première section de la 4ème compagnie qui a pris part à l’assaut.

Ce fut une tuerie.

 

Le soir, nous reculons un peu pour nous reprendre ce fut une pagaille. Nous couchons dans un fossé toute la nuit. Il était tombé de l’eau toute la journée nous n’avions pris aucune nourriture pas moyen de fermer l’œil de la nuit.

Vendredi 18 septembre

Nous avons fait des bonnes tranchées pour nous abriter et de la cuisine et le soir nous sommes descendus à Crouy, nous avons couché dans une cave et bien dormi.

Samedi 19 septembre

Nous restons à Crouy, nous faisons la popote et on se repose toute la journée.

 

Le soir, nous allons prendre possession des avant-postes à 200 m. de l’ennemi.

 

Toute la nuit, nous entendons les Alboches discuter et frapper et même chanter, il a fallu ouvrir l’œil et défense de tirer un coup de fusil sauf cas sérieux, observer et prévenir seulement.

Dimanche 20 septembre

Nous occupons les tranchées toute la journée on a tiré sur les Alboches qui se baladaient sur leurs tranchées, on en a descendu 3 ou 4, moi je n’ai pas tiré.

Nous n’avions pas dormi de la nuit et pas beaucoup boulotté.

 

Le soir, nous avons été relevés par le 1er zouave vers 8 heures du soir, on a traversé le bois à la nuit, on a pris la piquette, nous reprenons notre cave à Crouy et nous dormons bien toute la nuit.

Lundi 21 septembre

Nous faisons la popote et vers 7 heures et demi, nous partons enterrer les morts.

Il y en a 4 du 3è Zouaves auprès de la gare. Nous trouvons sur un 30 fr, sur l’autre 1fr et comme on était prêts à les ensevelir, nous recevons 3 ou 4 coups de canon et on a déguerpi sans les enterrer.

Le sergent LAGARDE est nommé adjudant à la 23è.

 

Vers 8 heures, nous repassons le pont de Soissons et nous allons passer la nuit dans une ferme qu’on appelle je crois « Villeneuve, la Chaumière ».

Il est arrivé du renfort d’Algérie et même du Canada.

Mardi 22 septembre

On a bien dormi dans la paille dans une grange et on s’est reposé toute la journée.

On a distribué les pantalons rouges.

Hélas ! Il y en a beaucoup de rabiot (*).

Il tombe toujours des obus.

 

(*) : Car les effectifs du 4e Zouaves ont bien diminués…

Mercredi 23 septembre

Ce matin réveil 5 h.

On est réveillé par les grosses pièces françaises qui bombardent les tranchées, on s’est reposé comme il faut toute la journée.

On a vu passer beaucoup d’aéroplanes. Il parait qu’un bataillon du 3è Zouaves a fait prisonnières 2 compagnies allemandes et 2 mitrailleurs.

Jeudi 24 septembre

Réveil 6 heures.

Bien dormi il y en a qui partent faire les tranchées.

J’ai reçu quatre lettres de chez nous qui me donnent de bonnes nouvelles de chez nous.

Il y a DENIAU qui a été blessé à la cuisse. Quant à DOLBEAU et FAUCHEUX, ils sont en bonne santé.

 

À 3 heures, revue en tenue de départ par le lieutenant, ensuite repos.

Vendredi 25 septembre

Réveil 5 heures.

J’ai bien dormi quoique le mal de dents me gêne depuis plusieurs jours.

 

Ce matin, corvée de patates avec BERTHIER. Le canon anglais tonne fort.

 

Après-midi, nous avons été faire des tranchées à 2 km de la ferme.

Il nous est arrivé 3 obus, alors on s’est caché et ensuite on nous a fait mettre les bouts de bois.

Samedi 26 septembre

Corvée de légumes avec BERTHIER.

Le canon tonne fort ce matin, on voit beaucoup d’aéros.

Quand c’est un allemand, les Anglais le tirent avec ce canon révolver, chaque coup fait un nuage blanc.

Dimanche 27 septembre

Réveil avant 5 heures, corvée de légumes, repos.

J’ai reçu une lettre de mon frère. Je me suis promené autour de la ferme, j’ai visité les instruments, j’ai passé ce dimanche à me repose et à penser à la paix et au pays.

Lundi 28 septembre

Réveil 4 heures et demi, nous allons faire des tranchées à peut-être une lieu de la ferme.

 

Après-midi, revue d’effets de corps, hier c’était revue d’armes et aussi d’effets. Le lieutenant a distribué 8 jours de prison à 3 ou 4 poilus parce que leur pantalon était sale et j’étais du nombre, heureusement que je ne m’en fais pas pour cela.

On n’a pas entendu de la journée le canon allemand ; les Anglais par exemple bombardent fort.

 

Ce soir, il est venu des sous-officiers de la Garde Républicaine.

Vers 8 heures, nous quittons cette ferme où l’on s’était bien reposé pendant huit jours. Nous repassons le pont de Soissons pour prendre possession de tranchées occupés par le 2ème Zouaves à 700 mètre des lignes allemandes.

Nous avons maintenant le couvre-pieds sur le sac en plus du pantalon rouge, ça commence à peser.

 

La nuit, j’ai été de faction en avant des tranchées. Il y avait le caporal LINARÈS et 8 hommes. Je prenais la faction avec BERTHIER.

On entend le bruit que font les Alboches dans leur camp toute la nuit.

J’ai eu mal aux dents.

Mardi 29 septembre

Ce matin, les aéros volent et le canon se fait entendre mais ça n’arrive pas jusqu’aux tranchées.

Ce matin, nous avons bu le jus froid. On n’est pas à même de croûter comme à la ferme, on n’a que ce qu’on vous envoie.

 

Dans la journée, entre les heures de gardes, j’ai poussé quelques roupillons. Nous avons la consigne de surveiller sans tirer.

Si on voit quelque chose, il faut avertir mais ne pas tirer.

Mercredi 30 septembre

Nous avons été assez tranquilles jusque vers 1 heure ensuite l’artillerie anglaise et le 75 ont donné et il a fallu attaquer mais nous étions soutien d’artillerie, on n’a pas monté le talus.

Les Alboches ont été repoussés de quelques tranchées, nous n’avons pas eu de pertes.

 

Le soir, nous retournions à nos tranchées. Il y a plusieurs compagnies qui ont pris des tranchées tout à fait en première ligne.

Jeudi 1er octobre

J’ai pas mal dormi, j’ai pris 2 heures de faction dans la nuit, la journée s’est passée telle qu’elle.

Le canon tonne et les balles sifflent.

 

Le soir, j’ai été de patrouille avec Azéma, nous avons été à 6 ou 700 mètres, nous avons rencontré des morts allemands baïonnette au canon, jugulaire au menton puis nous avons aperçu les Allemands se promenant sur leurs tranchées à 800 mètres de nous.

Nous sommes rentrés en essuyant seulement 3 coups de feu mais personne ne fut atteint.

Vendredi 2 octobre

La journée s’est passée comme d’habitude.

 

Vers minuit, les fantassins du 204ème et du 89ème nous ont remplacés.

Samedi 3 octobre

Nous marchons depuis ce matin 2 heures sans manger.

Nous faisons 30 km à pied, puis 25 km en camions automobiles ensuite en chemin de fer. L’auto nous débarque dans la jolie ville de Compiègne, nous embarquons à la gare.

Nous passons à Amiens.

Dimanche 4 octobre

Nous avons passé la nuit en chemin de fer.

Nous débarquons à 9 heures dans un patelin, nous faisons 7 à 8 km et on s’arrête toujours sans bouffer, on est las, on n’en peut plus.

Enfin, on s’arrête pour manger et on repart. On fait 5 km et on cantonne dans une grosse ferme on dort bien au grenier.

Octobre 1914 : Secteur d’Arras

Lundi 5 octobre

On repart en avant car les ennemis avancent. Nous arrivons dans un pays où il y a de forts hommes et de belles femmes.

Nous avons fait de solides tranchées : on reçoit seulement des balles perdues.

Beaucoup de paysans s’exilent de peur des Alboches, nous passons la nuit de garde.

Mardi 6 octobre

Nous allons vers le soir attaquer l’ennemi derrière le bois. Nous faisons des tranchées de suite en arrivant et bien nous en à pris car ceux qui ont leurs tranchées pas assez creuses ont tous été blessés.

Ce fut terrible à la section, il y a 1 mort Auffray et 6 blessés Berthommoix ?, Billy, Guay, Bonnet, Angibault, Bindinelli.

 

Le soir, le bombardement s’étendait. J’ai été de garde une bonne partie de la nuit et on a recreusé les tranchées et vers le matin, nous quittons la tranchée remplacés par le 44ème chasseurs.

Mercredi 7 octobre

Nous sommes ce matin au village de Mont-Saint-Eloi.

On se repose de l’assaut d’hier, vers 2 heures, nous nous reportons sur Mareuil où on passe une nuit tranquille sauf que le canon tonne toujours.

Jeudi 8 octobre

Vers 4 heures, nous repartons en avant car il paraît que les Allemands ont reculé. On est de réserve derrière des meules en attendant les ordres.

 

Le soir, nous cantonnons au prochain village après avoir fait de fausses tranchées en avant.

Vendredi 9 octobre

Nous repartons en réserve un peu plus en avant et le soir nous rentrons cantonner au village.

Samedi 10 octobre

J’ai passé une bonne nuit mais on entend une fusillade terrible qui s’arrête au matin.

On part vers 6 heures, encore de réserve à la même place qu’hier, il fait du brouillard.

 

Le soir, nous faisons des tranchées de réserve le long d’une grande route et le soir nous cantonnons à un petit village.

Dans la journée, nous avons vu plusieurs prisonniers allemands dont un officier et un espion.

Dimanche 11 octobre

Réveil 5 heures, j’ai bien dormi, continuation des tranchées, il passe des habitants qui regagnent Arras toute la journée.

 

À 10 heures, nous revenons manger la soupe et nous prenons le chemin de Mareuil où nous arrivons dans l’après-midi, nous formons les faisceaux dans la cour d’une grande usine de velours et revue d’armes.

 

Nous passons la nuit dans l’usine même qu’il n’y faisait pas chaud. Il y a eu une scène entre l’adjudant Tournier et Jacoma.

Lundi 12 octobre.

Travaux de propreté : lavage, couture, etc

 

Le soir, nous allons cantonner à Anzin-Saint-Aubin.

Mardi 13 octobre.

J’ai passé une bonne nuit, mon mal de dents est calmé et ma joue enflée un peu.

Nous repartons en avant des positions de l’autre jour comme soutien d’artillerie. Comme nous étions groupés près des meules de paille, il est arrivé 12 obus allemands auprès de nous, le plus près est tombé à environ 1 mètre de l’adjudant Tournier et de Piquet qui a eu son sac, son fusil et son équipement brisés, mais personne n’a eu de mal.

 

Ensuite, nous nous sommes reportés environ 1 km en arrière à 30 m. des tranchées, pas gymnastique

 

Le soir, nous sommes revenus au village coucher dans une grange, on n’a pas pu faire la distribution, tellement il est arrivé une forte fusillade.

Mercredi 14 octobre

Nous avons été occupé une tranchée en arrière de la ligne de feu, nous avons reçu quelques coups de marmites sans résultat.

Jeudi 15 octobre

Nous quittons nos tranchées à 3 heures du matin pour remplacer le 1er Zouaves dans d’autres retranchements en première ligne. On est bien abrités à ce que je crois, les Allemands sont calmes pour le moment.

 

Vers 7 heures du soir, il y a eu une fusillade nourrie de part et d’autre, nous n’avons pas tiré car on ne voyait rien, puis ça s’est calmé vers 10 heures.

Il n’y a pas eu de blessés mais les obus sont tombés près des sentinelles.

Vendredi 16 octobre

Le reste de la nuit s’est bien passé, nous avons tendu un grand réseau de fil de fer devant les tranchées, il fait un brouillard épais.

Samedi 17 octobre

Ce matin à 3 heures, nous avons été relevés par le 1er Zouaves et nous sommes allés à Anzin-Saint-Aubin, nous avons été de corvée toute la journée et revue d’armes le soir.

J’ai couché dans un hangar enterré dans la paille.

Dimanche 18 octobre

Revue d’armes et repos.

 

Le soir, nous partons dans la direction d’Arras, nous cantonnons dans une grande bâtisse moitié usine, moitié ferme.

Lundi 19 octobre

Nous avons passé une bonne nuit malgré le bombardement et la fusillade au loin. Il paraît que les Allemands ont reculé un peu.

 

Vers 10 heures, nous repartons en avant ou l’on s’arrête à un petit village ou les marmites allemandes répondent aux 90 pendant un moment, ensuite ça s’arrête.

 

Nous passons la nuit tranquille.

Mardi 20 octobre

J’ai reçu une lettre de chez nous, nous avons touché des gilets de laine, des chaussettes, des allumettes, des bougies, de la chandelle hier, nos pantalons rouges ont été refendus.

Avant midi, revue d’armes par le lieutenant.

Mercredi 21 octobre

Nous partons à 2 heures et demi du matin remplacer le 1er Zouaves tout à fait en première ligne.

Pas moyen de sortit la tête de la tranchée sans essuyer des coups de feu.

Toute la journée canonnades de fusillade continuelles. Nous avons tiré quelques coups de feu.

 

La nuit, en faisant les travaux d’agrandissement de la tranchée, nous avons été canardés ; une balle m’a passé si près de l’oreille qu’elle m’a ronflé pendant un moment.

Il a fallu interrompre les travaux à peu près une demi-heure ensuite on a repris et on s’est arrêté à 2 heures du matin.

Jeudi 22 octobre

La canonnade et la fusillade continuent sans intermittence, on voit quelques Boches se balader au pas gymnastique devant les premières maisons du village.

 

La nuit pendant que nous travaillions aux tranchées, il est nous est arrivé une rafale d’obus.

Il a fallu cesser le travail momentanément

Vendredi 23 octobre

Nous avons été relevés pour aller prendre les tranchées en arrière.

Il a fallu que je retourne aux avant-postes en plein jour accompagner un logis du 5ème groupe (*) qui a repéré les tranchées allemandes, ça canarde toujours.

 

(*) : Maréchal des logis du 5e groupe d’un régiment d’artillerie. Lequel ?

Samedi 24 octobre

Le matin, de corvée pour couper des arbres à Saint Aubin pour abriter le commandant.

Dimanche 25 octobre

Ce matin, nous avons été relevés, nous allons cantonner à Saint Aubin.

Quelle journée !

Un bombardement terrible, une porte de grange m’est tombée sur la tête sans me faire de mal et à manquer d’écraser Gervais, j’ai eu la frousse toute la journée. Le soir nous retournons aux tranchées en seconde ligne que l’on avait quittées le matin.

Lundi 26 octobre

J’ai passé une bonne nuit et une bonne journée.

Mardi 27 octobre

Nous avons attendu toute la nuit qu’on nous relève, ce n’est qu’à 1 heures de la journée que l’infanterie alpine nous relevés.

Nous avons gagné Aubin en plein jour, en colonne par 4 sans être inquiétés. Le canon tonne toujours très fort surtout le nôtre.

Mercredi 28 octobre

Après avoir passé la nuit tranquille, nous partons à Roclincourt en tranchées en première ligne, nous avons été reçus par une belle fusillade, nous sommes à 300 m de l’ennemi.

En travaillant AGRICOLE (*) a été blessé mortellement par une balle qui l’a traversé.

 

(*) : AGRICOLE Henri, 21 ans, 1e classe du 1e zouaves, mort pour la France le 29 octobre 1914 à Roclincourt, tué à l’ennemi. Il était né à Vaunac (Dordogne) le 22 octobre 1893.

Jeudi 29 octobre

Nuit blanche à cause de la proximité de l’ennemi, tiroche de part et d’autre toute la journée et la nuit.

Vendredi 30 octobre

Nuit blanche, nous avons été relevés à 3 heures du matin, nous allons nous reposer à Roclincourt dans une cave ; ça bombarde toujours.

Un obus a traversé la cave où nous étions. Il en est arrivé une cinquantaine, le cuisinier de la 23ème a été mis en morceaux.

Quelle terrible journée ! Elle restera gravée dans ma mémoire, nous attendions tous la mort.

Enfin, le soir nous sommes plus tranquilles.

Samedi 31 octobre

En première ligne, à 150 m de l’ennemi les coups de fusil et de mitrailleuse par intervalles rasent la tranchée.

Dimanche 1er novembre

Nous sommes relevés vers 3 heures, nous regagnons les caves de Roclincourt sans pertes, nous passons la journée tranquille.

Lundi 2 novembre

Nous partons en réserve dans un chemin creux, nous faisons des tranchées assez confortables.

Mardi 3 novembre

Nuit tranquille, pas chaude, nous passons une bonne journée.

Le soir, nous sommes relevés, nous allons à Roclincourt dans une cave de la sucrerie.

Mercredi 4 novembre

Nuit bonne, revue d’armes, journée tranquille ; dans la nuit, nous allons renforcer les premières lignes attaquées.

Jeudi 5 novembre

En première ligne, journée mémorable, bombardement terrible et dans la nuit 2 attaques acharnées des Allemands, fusillade qui restera gravée dans ma mémoire.

Vendredi 6 novembre.

Journée assez calme, fusillade le soir, nous sommes relevés vers 7 heures.

Samedi 7 novembre

Nous sommes en repos à Anzin, nous sommes esquintés des journées de tranchées.

Dimanche 8 novembre

Mon camarade BERTHIER a été évacué, les embusqués ont été relevés.

Journée paisible.

 

Le soir en premier secteur d’Écurie avec 12 hommes de renfort à notre section.

Lundi 9 novembre

Nuit paisible, nous arrangeons nos tranchées qui sont tout à fait dangereuses, car on est pris par devant et par derrière, nous sommes relevés le soir.

Mardi 10 novembre

En seconde ligne, nuit paisible, le matin, nous allons dans les caves à Écurie.

Nous repartons en première ligne à gauche de Roclincourt.

Mercredi 11 novembre

Journée ordinaire, mauvaise nuit, pluie, froid, obscurité et fusillade constante.

Andrieux tué et Roch blessé, les tranchées deviennent intenables, les balles sifflent dans les plaques, en avant, en arrière et d’enfilade.

Les Anglais bombardent fort.

Jeudi 12 novembre

Soleil le matin pour nous réchauffer un peu de notre manque de sommeil et de nourriture, nous sommes pleins de boue comme les sangliers.

 

Après-midi, Azéma et Carel blessé, nous avons eu du renfort du 7ème bataillon.

Vendredi 13 novembre

Nuit assez paisible et froide, journée sombre, nuit froide.

Samedi 14 novembre

Nous sommes relevés au jour par la 23ème ligne, nous sommes vus au départ Moreau blessé et TichIT tué (*), pluie et bombardement, le soir nous allons à Anzin en repos.

 

(*) : TICHIT Léon, 23 ans, 2e classe au 7e Zouaves, mort pour la France le 14 novembre 1914, à Roclincourt (Pas-de-Calais), tué à l’ennemi. Il était né à Aumont (Lozère) le 1 janvier 1891.

Dimanche 15 novembre

Pluie et froid, même neige, nettoyage, j’ai changé de souliers et pris une chemise neuve. Le soir en seconde ligne, pluie, froid.

Bourreau blessé aux yeux.

Lundi 16 novembre

En première ligne, le matin, pluie, froid.

Mardi 17 novembre

Froid, pluie, boue, journée de canonnade.

Mercredi 18 novembre

Nuit froide, en seconde ligne, vers 7 heures.

Journée assez belle.

 

Le soir, nous sommes relevés pour aller à Anzin nous reposer cette nuit.

Jeudi 19 novembre

Bonne nuit, le matin, gelée.

J’ai reçu un joli colis de mes parents, cache-nez, chocolat, carnet, noix, mouchoirs, enveloppes, etc ..

Journée assez paisible, le soir en seconde ligne, la 3ème section reste à Roclincourt.

Vendredi 20 novembre

Nuit glaciale en première ligne. POUILLADOU blessé au ventre. Mort.

Je suis nommé cabot. (*)

 

(*) : Caporal

Samedi 21 novembre

La neige ne fond toujours pas, nuit et journée glaciales.

Dimanche 22 novembre

Même temps en deuxième ligne le matin et repos à Anzin le soir.

Lundi 23 novembre

Même température, je suis caporal depuis deux jours.

Nous retournons ce soir aux tranchées.

Mardi 24 novembre

Nuit glaciale passée en troisième ligne à creuser un boyau.

 

Le matin à 7 heures, en première ligne, beaucoup de zouaves sont enrhumés ou ont des rhumatismes. THAUVIN m’a écrit et m’a donné l’adresse de TUFFÉ :

Mr Gilbert TUFFÉ, Caporal 4è Zouaves 9ème compagnie Bataillon H.

Mercredi 25 novembre

Nuit calme, en troisième ligne à Roclincourt à 7 heures du matin, puis nous revenons en seconde ligne puis en troisième enfin toute la journée sac au dos de boyau en boyau de tranchées en tranchées.

 

Enfin le soir, comme nous étions bien en train de dormir, en tranchées de réserve, on nous fait mettre sac au dos et nous repartons à Roclincourt dans une cave de l’usine.

En somme, sale journée à vous dégoûter de vivre.

Vendredi 27 novembre

Réveil à volonté, nuit bonne, faisceaux formés dans la cour, prêts à partir, car ça chie toujours du côté d’Écurie tous les jours, attaques, fusillades.

 

Ce matin, en me levant, j’ai été boire un café au lait dans un estaminet.

Les douleurs dans les reins recommencent à m’empoigner et des fois, je suis obligé de me lever, les malades pour rhumatismes sont très nombreux et ne sont plus exempts de coucher aux tranchées comme auparavant.

Maintenant, depuis quelques jours, on crève de faim car on n’a pas la demi-boule.

 

À 2 heures de l’après-midi, distribution de chacun 300 cartouches par homme.

On en a une charge à ne pas traîner et en route pour la troisième ligne, car il va y avoir une attaque de notre part et forcer les lignes vers le soir.

 

Sitôt que nous voyons la première ligne partir à la baïonnette et les Boches se cavaler, nous sautons le talus de notre tranchée et nous voilà partis en avant, mais nous sommes obligés de nous arrêter à deux meules de paille placées 200 mètres en avant.

 

Enfin, les tranchées allemandes sont remportées par le 1er Zouaves et la 21ème du 4, il y a eu pas mal de pertes de part et d’autres.

 

Pour la 3ème section, nous avons vu notre adjudant BESSON tué d’une balle à la tête et 2 blessés.

Moi, j’ai été coti un peu aux côtes par un shrapnell ensuite nous retournons aux 3èmes lignes emmenant notre adjudant et les blessés.

 

Vers 5 heures du matin, nouvelle attaque, forte, fusillade, nous restons de réserve, nous avons passé toute la nuit debout, en somme, triste journée pour nous et bonne si on regarde le résultat.

Que Dieu nous évite le plus possible ces attaques.

Samedi 28 novembre

À 7 heures, en première ligne, les Boches canonnent fort.

 

Le soir, vers 6 heures et demi, en seconde ligne.

Dimanche 29 novembre

Nuit presque blanche car nos cahutes sont humides et froides et on est serré.

Le matin à 9 heures, nous retournons prendre notre place en première ligne, l’eau de la nuit a fait ébouler plusieurs guitounes.

J’ai reçu deux cartes de chez nous.

 

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Paul sera blessé ce 29 novembre. Je pense que la suite du récit a été écrit dès qu’il fut à l’hôpital. Il s’agit en fait de revenir sur certains moments qui l’on marqué et qu’il retranscrit :

Ø  L’exécution sommaire d’un Allemand

Ø  Le Zouave blessé

Ø  L’autre Zouave blessé sur un pont de Soissons

Ø  Le sergent LAGARDE

Ø  L’attaque du 27 novembre

Ø  La blessure

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Exécution sommaire d’un Allemand

Le 6 septembre.

Du côté de Penchard, en traversant le champ de bataille, comme des coups de feu avaient été tirés et que presque tous les blessés ennemis avaient leurs armes près d’eux, on envoya des patrouilles en avant, à droite et à gauche pour retirer les fusils de ces blessés.

Sur notre droite, une patrouille ayant rencontré un Allemand dans un trio d’avoine, l’a interrogé. Je ne sais pas si le soldat a résisté ou qu’est-ce qu’il y a eu car c’était à une certaine distance et les gerbes d’avoine nous gênaient pour observer, toujours est-il que les patrouilleurs lui ont fait quitter ses vêtements pour qu’il montre où était sa blessure.

Il paraît qu’il n’était nullement blessé.

 

Alors un zouave, le caporal, je crois, l’a fait coucher et lui a tiré une balle dans la tête. Presque aussitôt un autre blessé allemand sort d’un trio d’avoine en face notre section. Aussitôt les camarades de crier tiens en voilà encore un, il faut le tuer aussi.

Il y en avait qui avaient déjà armé le fusil. Le Boche disait d’une voix étranglé avec un visage exprimant la terreur :

« Kamarades, pas capout, père famille » et montrant sa main en écartant les doigts, voulait nous faire comprendre qu’il avait 5 enfants.

Puis montant sa jambe toute sanglante, entortillée avec un mouchoir et baragouinant je ne sais quoi, demandait grâce sans doute, car il levait les mains puis nous faisant le geste de lancer quelque chose, nous fit voir qu’il avait balancé ses cartouches et son Mauser au loin.

Ce qui était la vérité, car il était sans armes et complètement déséquipé.

Mais les camarades l’auraient sans doute fini, car il y en avait un qui s’apprêtait en disant :

« Cochon, va, tu dis cela parce que tu es pris »

 

Naturellement, je m’approche pour voir ce qu’il y avait et quand j’ai vu cet homme blessé, tout ensanglanté et sans armes, qui demandait grâce, j’ai dit aux camarades :

« Vous n’auriez quand même pas le courage d’achever un blessé, peut-être demain vous trouverez vous dans la même position que lui. »

« Je sais que c’est un ennemi mais quand même un ennemi blessé sans défense doit être respecté. »

« S’il n’en claque pas, le moins qu’on puisse lui faire c’est de lui couper la jambe »

 

Car il était en plein soleil, depuis la veille, sans pansement, sans boire, ni manger. On a discuté quelques instants, certains disaient :

« Il n’avait pas qu’à venir en France, on ne l’avait pas demandé, etc .. »

 

Je leur ai fait entendre que s’il était là, il ne l’avait peut-être pas demandé et qu’on l’avait envoyé contre son bon gré. Toujours est-il que j’ai eu plusieurs partisans et que le blessé a eu la vie sauve.

Quand il nous a vus repartir tous, il a paru étonné car depuis quelques instants, il paraissait résigné à son sort et me faisant le salut militaire en me regardant, il a dit :

« Merci Kamarade ».

 

Je reverrai toujours cet homme dans mes souvenirs quoiqu’étant assis, il paraissait avoir une bonne taille moyenne.

Il n’était pas de forte corpulence, la figure exprimant la souffrance et le découragement, les cheveux d’un blond rouge, les moustaches idem, tombantes et peu fournies, la jambe ensanglantée et liée avec son mouchoir et quelques chiffons.

 

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Le zouave blessé

Vers le milieu de septembre, je ne me souviens pas du jour exactement, c’était vers midi.

 

À Crouy, étant en sentinelle presque à l’extrémité de la Grande Rue avec mission de surveiller devant moi afin de voir s’il ne venait pas d’Allemands pour contourner le village, et entrant précipitamment dans une maison pour éviter d’être atteint par les éclats d’une rafale d’obus qui venaient de tomber sur un toit de tuiles tout près de moi, j’entendis un blessé couché sur un lit me dire :

« Dis donc mon vieux, viens donc me faire mon pansement, je souffre trop, je ne peux plus durer. »

Je lui réponds :

« Mon pauvre vieux, attends que j’aie finie ma faction dans une demi-heure, on vient me relever alors je vais revenir. »

Il dit :

« Tu diras aux brancardiers qu’ils viennent me chercher »

Je lui réponds :

« Oui »

 

Et je suis sorti reprendre ma place au long du mur dans l’encoignure d’une porte.

À chaque rafale d’obus, je rentrais précipitamment un instant et bien m’en prenait car j’entendais les éclats de fonte et les morceaux de briques et d’ardoises frapper sur le mur, la porte et les volets pendant qu’une fumée jaune envahissait la rue.

Et à chaque fois, le pauvre zouave répétait ses supplications et se plaignait.

 

Le propriétaire de la maison, un homme âgé qui habitait la cave avait mis le blessé dans son lit dans la chambre et depuis deux jours, le pauvre zouzou était là sans soins, avec une balle au bras, une dans la cheville et une au côté et toutes non extraites.

Il souffrait terriblement et avait toujours soif.

Alors, le vieux lui faisait boire vin, eau de vie, café, enfin tout ce qu’il pouvait pour le calmer, moi-même, ignorant cela, je lui avais donné ce que j’avais dans mon bidon de sorte que le pauvre diable était presque ivre mais souffrait toujours.

Quand on est venu me relever, j’ai été le voir.

Je lui dis :

« Mon vieux, c’est fini, je vais pouvoir aller chercher les brancardiers »

 

Il voulait que je lui fasse un pansement avant, mais je lui ai fait entendre que je ne savais pas et je lui ferais plus de mal que de bien, car il y avait sur ses plaies, des chiffons collés avec le sang.

 

Alors, je suis parti chercher les brancardiers, que j’ai tout de même trouvés tout tremblants avec leur brancard, car on les avait dénichés dans les caves où ils étaient terrés et on leur avait signifié qu’il fallait aller chercher le blessé quoique le bombardement fût assez violent.

J’ai emmené donc un avec moi et nous arrivons à la maison avec le brancard.

Le blessé se traîne dessus comme il peut, nous le couvrons de son capuchon, on prend son livret militaire et on se prépare à partir quand une nouvelle explosion d’obus suivie de plusieurs autres éclatements se rapprochant de plus en plus nous force à déposer le brancard avec le pauvre type par terre dans le milieu de la place et à nous gare par précaution tout le long du mur.

Le blessé étant exposé aux éclats, je le couvris d’un édredon et nous le mime derrière le poêle qui était de force à parer même de gros éclats et nous attendîmes ainsi au moins 20 mn que ça chauffe un peu moins fort.

 

Ensuite, nous partons emportant notre blessé à deux dans une grange à l’autre extrémité du pays et quoique le fardeau fut pesant, on marchait bon pas car les marmites rappliquaient drues, tout tremblait. Le sergent Lagarde m’a félicité quand je suis rentré car il a dit :

« Vraiment, vous avez du courage, car ce n’est pas un temps à rester dehors »

Et depuis ce jour, il m’a toujours eu en estime.

 

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Le zouave blessé sur le pont

Le même jour se trouvait sur un pont un zouave du 3ème régiment qui avait été blessé par une mitrailleuse et qui restait étendu sur le pont exposé au feu de l’ennemi et qui criait depuis le matin, mais personne ne pouvait approcher car l’ennemi tirait continuellement.

Le soir à la nuit, le sergent Lagarde dit :

« Il faudrait bien aller chercher ce blessé, car si on le laisse il va être tué d’un moment à l’autre ou il va mourir là tout seul comme ceux qui sont étendus près de lui »

 

Personne ne soufflait mot car ce n’était pas amusant d’aller sur ce pont continuellement balayé pas des salves d’infanterie ou d’artillerie.

 

Prenant pitié de ce malheureux qui se plaignait toujours, je dis :

« Moi, j’irai »

Et un autre zouave de la section, un agent de liaison me dit :

 « Si tu y vas, j’irai avec toi ».

 

On part tous les deux avec chacun notre fusil pour servir de brancard et un bourgerons qui pouvait nous servir au besoin car on ne savait pas quel genre de blessure il avait.

On s’avance jusqu’à la maison la plus proche du pont, on s’arrête, on laisse passer deux ou trois obus et on se lance sur le pont.

C'est-à-dire, je me lance seul, car l’autre hésitait.

Le blessé qui entendait venir vers lui se met à crier. Je lui dis :

« Arrête-toi, tu vas nous faire bombarder ».

 

Je me couche à côté de lui : je lui demande où il était blessé. Il me répond qu’il est là depuis le matin sans bouger, que sa section en passant le pont a été fauchée par les mitrailleuses, ce qui est facile à constater par les cadavres qui sont là tout près de lui et lui a une balle dans les reins, il ne peut pas faire un mouvement sans crier.

Puis j’appelle le copain qui était toujours le long du mur de la maison en lui disant :

« Dis donc, tu vas t’amener, tu te figures pas que je vais l’emporter tout seul »

 

Il s’amène au galop en rampant, on passe les deux fusils dans le bourgeron, on met le blessé dessus et on veut l’emporter, mais ça lui faisait très mal, il a fallu le lâcher et mettant chacun notre fusil à l’épaule, on se place de chaque côté du blessé qui nous prend par le cou.

Nous lui tenions chacun une jambe et tant bien que mal, nous l’emportons comme cela pendant 200 mètres puis les camarades étant venus au-devant de nous, sitôt que nous eûmes franchi la zone dangereuse, nous ont aidé à le porter dans une grange un peu à l’abri des projectiles.

 

C’était un homme de bonne taille moyenne qui m’a semblé rudement lourd à porter. Il avait, je crois 26 ou 28 ans, il se nommait Berger et était du recrutement d’Alger. Il était temps qu’on le sorte de sur le pont car les obus rappliquèrent de nouveau aussitôt après.

Le sergent Lagarde m’a félicité une seconde fois ainsi que mon camarade et il a inscrit nos noms sur son carnet.

Quelques jours après, il passait adjudant et changeait de compagnie.

Le sergent Thomassi son successeur, un jour qu’il m’entendait nommer devant lui me dit :

« Ah, c’est vous Champdavoine, j’ai vu votre nom sur le carnet du sergent Lagarde, vous êtes un bon soldat ».

 

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Le sergent LAGARDE

 Le brave sergent LAGARDE a été blessé mortellement un peu plus tard du côté de Mont-Saint-Eloi par un obus qui lui avait décollé le sommet du crâne.

Il est mort, je crois à l’hôpital d’Amiens.

Il était de la réserve avait fait la campagne de 1910 au Maroc. Il était je crois à la déclaration de la guerre établi commerçant à Bône.

C’était le type du vrai sous-officier français, brave, courageux, ayant toujours un bon moral et résistant à la fatigue. Il savait prendre les hommes et les apprécier à leur juste valeur, on aurait été avec lui au bout du monde.

Jamais, les balles, ni les obus ne lui ont fait baisser la tête

Chaque fois qu’il rencontrait son ancienne section, il nous donnait à tous une poignée de main et il disait que c’étaient ses hommes qu’il avait regrettés quand il était passé adjudant.

 

L’adjudant Paul  LAGARDE décède à l’hôpital d’Amiens le 18 octobre 1914.

Il était né le 1e juillet 1888 à Saint-Pétersbourg (Russie). Il est dit être du 1e Zouaves à la date de sa mort.

Sa sépulture se trouve à la nécropole de Saint Pierre, près d’Amiens

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Attaque du 27 novembre 1914

Adjudant Besson tué

Sitôt la nuit venue, nous quittons un par un notre abri et on emmène nos blessés et notre adjudant qui avait été tué, moi j’accompagne un camarade qui avait une balle dans la cheville, je marchais courbé le plus possible en faisant des crochets et lui marchais sur les genoux, il a fait ainsi les 200 m qui séparaient les meules de paille de nos tranchées car nous avions ordre de réoccuper les tranchées que nous venions de quitter.

Pour apporter le corps de l’adjudant, ils se sont mis plusieurs, il y avait Marti, De Fontane, Notelet et quelques autres qui apportaient son équipement et comme tout cela se faisait sous les balles, il fallait se dépêcher.

Ils l’ont déposé quelques mètres en avant de la tranchée en disant :

« Maintenant, quand ça grêlera moins fort, on ne sera pas loin pour aller le prendre et le déposer dans la tranchée. »

 

Une heure ou deux après le sergent NOTELET qui commandait maintenant la section et qui avait la possession de tout ce qui appartenait à l’adjudant est venu me trouver et on a causé un moment ensemble.

À la fin, il me dit :

« Mon vieux CHAMPDAVOINE, tu ne sais pas comme ça me fait de la peine de voir ce pauvre BESSON exposé aux balles après sa mort, il faudrait aller le chercher.

Si je pouvais y aller tout seul, j’irais, mais il faut être deux et personne ne voudra venir avec moi ».

 

En effet, ce n’était pas engageant car ça sifflait toujours .Je lui réponds :

« Mon vieux Notelet, moi aussi ça me fait de la peine. Tu ne sais pas, on va aller le chercher tous deux »

Il dit :

« On va peut-être se faire zigouiller mais tant pis »

Je lui réponds :

« Mais non ».

 

Nous sautons par-dessus la tranchée après avoir averti les sentinelles de ne pas tirer sur nous. Notelet prend l’adjudant par les bras, moi par les pieds et on l’emporte, on le descend dans la tranchée, on le met de l’autre coté sur le bord et on le couvre d’un couvre-pied.

Dans la nuit, vers le matin, Alasseur est allé chercher un brancard à Roclincourt, puis avec Balester, il l’a emmené à l’usine de Roclincourt et il a été inhumé je crois dans le jardin.

Nous avons passé cette nuit sur le qui-vive, sans manger dans l’attente d’une contre-attaque allemande qui ne s’est pas produite

 

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Dimanche 29 novembre 1914

La blessure

L’attaque de notre part devait avoir lieu à midi, aussi l’artillerie préparait le terrain depuis un moment.

On mange la soupe de bonne heure, on s’arrange chacun un créneau à son idée et les paquets de cartouches défaits. Dans la musette chacun prend son poste pour canarder les renforts allemands qui ne manquent pas d’arriver quand un bombardement un peu intense leur indique qu’une attaque est imminente.

 

Au loin, dans un espère de bouquet d’arbres, il nous semble voir remuer aussi se met-on plusieurs camarades à tirer dans ce bouqueteau.

Moi, je visais consciencieusement, je lâchais mon coup de fusil et je retirais vivement la tête puis, je rechargeais mon arme, je ne mettais ma tête en face du créneau que pour viser, car plusieurs camarades avaient été tués à cet endroit en tirant ou en observant.

Je tirais mon 3ème coup de fusil.

 

À peine, avais-je retiré la tête que je ressens sur l’avant-bras droit, une commotion violente, comme si j’avais reçu un fort coup de bâton et je dis simplement :

« Ça y est, les cochons ne m’ont pas manqué, heureusement que je n’étais pas en train de viser »

 

Mon fusil que je retirais pour recharge me tomba des mains et mon poignet pendit inerte. Avec ma main gauche, je le soutins et je vis alors que j’avais ma manche de veste fendue jusqu’au coude ainsi que le gilet de laine et la chemise, la chair du bras déchiquetée, le sang bouillonnait.

Les camarades de chaque côté de moi veulent me faire un pansement.

Je leur dis que ce n’était rien que j’irais bien comme cela jusqu’à Roclincourt et que je savais que pour l’attaque, on avait fait venir les brancardiers qui se trouvaient dans une petite cahute dans le boyau.

En un clin d’œil, les camarades s’amènent, me font leurs adieux au galop, me souhaitent bonne guérison et repartent à leur poste.

Le sergent Notelet et le sergent Baudin me donnent plusieurs quarts de café et de rhum ainsi que mon livret militaire et tout ce que je leur demande de dans mon sac et je leur dis que ce qui restait, conserves, gilet de laine, mouchoirs, etc … c’était pour eux.

Ils me serrent la main et me voilà parti.

 

Je dégotte les brancardiers dans un trou, au galop un camarade brancardier nommé Mèche me fait un pansement sommaire avec mon paquet individuel.

Je bois encore un coup de rhum, on cause un instant puis les voilà partis à la tranchée et je reste seul allongé dans un coin de la cahute, car le bombardement allemand commençait à devenir intense et je n’avais pas envie de me faire achever en allant au poste de secours.

 

Un instant après, un nommé Cerdan s’amène en geignant, il avait été attrapé aussi en tirant et avait l’index de la main droite fendu dans toute sa longueur et le coin du sourcil enlevé.

Puis le lieutenant Proal vient s’enquérir de notre blessure, il nous conseille de rester là jusqu’à la fin et de s’en aller que le soir.

Moi, je patiente assez facilement car ma souffrance est très supportable mais Cerdan malgré toutes les recommandations part pour le poste de secours.

 

 

Puis à midi, c’est un bombardement intense et une fusillade effrénée, tout tremble, c’est un bruit assourdissant, quelque chose de sinistre, puis une détonation formidable, c’est une mine française qui vient d’exploser sous la tranchée allemande.

Il arrive jusque vers moi des débris informes d’équipement aussi bien que des débris d’humains puis des pierres, de la terre et on entend des cris.

La fusillade devient moins forte et le lieutenant revient près de moi.

Il me dit :

« Champdavoine, vous êtes vengé, tous vos camarades sont dans les tranchées allemandes. »

 Il y en avait, je crois, deux lignes de prises.

 

Il me demande :

« Souffrez-vous beaucoup ? »

Je luis réponds :

« Mon lieutenant, je vous remercie, mais ne vous occupez pas de moi, retournez là-bas avec mes camarades »

 

Ensuite, il est arrivé d’autres blessés, puis quand j’ai jugé le moment propice pour partir, je suis sorti de la cahute, j’ai suivi le boyau, j’ai gagné le chemin creux et je suis arrivé au poste de secours qui était à l’usine de Roclincourt.

 

Un infirmier défait le pansement, me lave la plaie, le major regarde me fait mouvoir les doigts, examine s’il n’y avait pas de fractures, m’arrache quelques fragments de veste, puis me passe la plaie à la teinture diode et ajoute :

« Il faudra faire à cet homme-là une piqûre antitétanique.

 

L’infirmier fait un pansement et je descends à la cave avec les autres blessés. Je m’assieds le long du mur sur la paille comme les autres blessés et ne pouvant pas dormir ni rester inoccupé sans m’ennuyer, j’appelle un infirmier de ma section nommé Raygrobellet, surnommé « Petit Gobelet » et je lui dis :

« Prends mon tabac et mon papier dans ma poche et fabrique moi une sèche ».

 

Alors ce brave copain me fait une cigarette et me l’allume.

J’étais tranquille ou presque, car je craignais qu’une marmite rapplique sur le bâtiment qui ne trouve pas, à plus d’un kilomètre et demi des lignes allemandes. Quand un autre infirmier nommé Proust d’Orléans, descend et dit :

« Quels sont ceux qui se sentent capables d’aller jusqu’à il y a au moins 15 km à faire à pied bien entendu »

Alors tous les blessés de bras et même quelques-uns de la tête répondent tout de suite :

« Moi, moi »

 

Car on sentait bien que moins longtemps on resterait là, mieux ça vaudrait car pour être emmenés en voiture, il fallait attendre au lendemain, vu qu’il y avait trop de blessés.

 

Nous remontons donc de la cave, le major nous signe notre ordre d’évacuation et nous voilà partis.

Nous passons près des cuisines de ma compagnie, je me dérange pour dire au revoir à Aumont et à Lichtemstéger autrement dit « chemin de fer »

Aumont me donne son capuchon et « chemin de fer » me donne un quart de jus et me voilà parti avec les autres sous la conduite de deux infirmiers qui nous conduisent à Anzin-Saint-Aubin.

 

Là, on inscrit notre nom sur un registre, on nous met dans une salle où des religieuses nous donnent un bol de bouillon et où on ne reste à peu près 1 heure.

Ayant vu des artilleurs du 5è groupe, je demande à l’un d’eaux s’il connaissait Champenois.

À sa réponse affirmative, je le charge de lui dire que son cousin est blessé au bras. Il me répond je vais lui dire tout de suite qu’il vienne me voir.

Mais pendant ce temps, on nous a réunis, tous ceux qui pouvaient marcher et en route pour…

 

J’ai souffert un peu pendant le trajet car bien que n’étant pas chargé, je n’avais plus de force, le sang ayant traversé mon pansement, tombait goutte à goutte, nous nous arrêtions souvent pour nous reposer, enfin nous arrivons à …, on nous met dans une espèce d’étable, puis un major arrive et nous fait monter dans une ancienne salle de bal où on nous couche sur la paille.

 

Au matin, les ambulance automobiles arrivent et nous conduisent à la gare d’Aubigny où se trouve l’ambulance divisionnaire.

On fait l’appel des blessés puis on nous conduits au pansement dans une salle de la gare.

Un infirmier défait mon pansement qui était collé, je serre les dents mais je ne dis rien, puis me met encore de la teinture d’iode.

Comme je lui fait savoir qu’il fallait me faire une piqûre antitétanique, il va chercher ce qu’il faut pour cela et me fait une injection puis me met une écharpe et me dit :

« Vous avez été courageux »

Je lui réponds :

« Oui, mais je l’ai senti quand même »

 

On nous embarque dans le train vers 10 heures du matin et nous ne partions qu’à 4 heures du soir.

À toutes les gares, nous avons été comblés de cigarettes, de cartes postales, de bouillon, de lait, etc … enfin, nous avons été très bien.

Moi, je devais descendre à la gare de Saint Pol pour entrer à l’hôpital de ladite ville, mais il n’y avait plus de place, j’ai donc continué à voyager toute la nuit et toute la journée du lendemain.

 

Le soir, en arrivant à Juvisy comme le bras me faisait mal, était très enflé et qu’une forte odeur s’en dégageait, je suis descendu et j’ai été faire refaire mon pansement à la gare dans une salle exprès.

Le major a dit :

« Cet homme, il faut le laisser là, demain on l’enverra à Paris »

 

Donc, on me panse comme il faut et on me conduit dans une salle ainsi que plusieurs autres, je bois un bol de bouillon, un infirmier me quitte mes souliers et je m’étends sur un lit.

J’ai passé une bonne nuit, car j’étais fatigué, j’ai dormi pas mal.

 

Le matin, après avoir pris encore un quart de bouillon, je monte dans une auto ambulance de la Croix Rouge avec deux camarades et en route pour Paris.

Vers 4 heures du matin, nous arrivions à l’École Normale Supérieur 45, rue d’Ulm, qui s’appelle Hôpital auxiliaire 103.

J’étais donc enfin arrivé à destination.

 

 

 

Paul CHAMPDAVOINE, au fond (le barbu), hospitalisé à l'école normale supérieure, 45 rue d’Ulm à Paris, jusqu'au 6 décembre

 

FIN DU CARNET

 

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Notes sur le journal du père de Paul sur cette période le concernant

Jeudi 11 septembre 1913

 

Paul a passé en revue et a été reconnu bon, c’est la 1é fois qu’on prend les jeunes gens à 20 ans.

Paul a demandé à aller au 4é zouaves à Tunis

Lundi 13 octobre 1913

Paul et Jean sont allés au bureau de recrutement pour s’engager au 4é zouaves à Tunis.

Paul a été reconnu bon mais son frère (classe 1915) a été refusé malgré son brevet d’aptitude militaire, de sorte que Paul à rien signé et préfère partir en même temps que les jeunes gens de sa classe

(Jean affecté le 8 mars 1916 au 2é zouaves 1é bataillon 1é compagnie, blessé le 12 juin 1916 à l’attaque du fort de Vaux)

Jeudi 4 décembre 1913

Bureau de recrutement d’Orléans, une trentaine de jeunes gens dont Gilbert Tuffé de Gidy partiront à 3 h.

Le major a simplement demandé s’ils n’étaient pas malades.

Ils ont été remboursé de leur billet de chemin de fer quart de place jusqu’à Orléans. On leur a dit que ceux qui voudraient attendre recevraient du pain, un caporal du 4é zouaves originaire de Châteauroux est chargé de conduire la petite troupe à destination.

 

 Il était 2h et demi ; c’est là que j’ai embrassé mon fils.

Avant de monter dans le train les jeunes gens ont touché chacun 0.f55, ils avaient en outre 3 pains de 4 livres pour 2 et du chocolat : ils se sont placés dans un wagon à couloir

Samedi 13 décembre 1913

Lettre de Paul de Tunis :

La traversée a duré 35 h. arrivé le 7 à 10h affecté provisoirement à la 11é Cie. Bizerte

Samedi 10 janvier 1914

Majorité de mon fils Paul, soldat à la 11é Cie du 4é zouave à Bizerte

Samedi 14 février 1914

Paul Champdavoine, 24é Cie 4é régiment de zouaves

Vendredi 17 juillet 1914

Arrivée de Paul, permission de 36 jours. Il s’est embarqué le mardi 14 juillet, il doit se présenter à Marseille le 21 août avant 7 h pour s’embarquer le même jour à midi

Le 1é zouaves a le tombeau rouge, le 2e blanc, le 3e jaune

Vendredi 24 juillet 1914

Lettre du caporal de Paul, Jules Notelet datée du 20 juillet.

Tirage au sort pour remplacer les zouaves du Maroc de la classe 1911 qui doivent rentrer chez eux, son nom est sorti et alors il partira le 25 août.

Ceux de la classe 1912 doivent former le 1é convoi et embarquer le 15 août.

La ceinture bleue de Paul a 4 m70 de long

Mardi 28 juillet

À cause des bruits de guerre très alarmants résultant du différent austro-serbe les gendarmes ont passé chez tous les permissionnaires leur enjoignant de rejoindre directement leur corps par le plus prochain train.

Paul averti vers 8h et demi à pris à Patay le train de 10h08 avec François Villevalois

Les chevaux des gendarmes harassés étaient à bout de forces et c’est à bicyclette que la tournée du soir a été faite

Paul a été tiré dans le jardin en uniforme

Lundi 10 aout 1914

Dépêche de Paul qui est toujours à Bizerte. Notre incertitude à son égard a donc cessé pour l’heure actuelle      

Dimanche 16 aout

Reçu 2 lettres de Paul l’une datée du 2 et l’autre du 5.

Il était arrivé à Bizerte le samedi 1 août à 11h du soir .Il avait toujours voyagé avec CHAMPENOIS, Gauchard, FRANÇOIS et Tuffé

Il nous annonce que les zouaves reviennent en France dans sa lettre du 5.

Le 3e bataillon où sont Tuffé, Chaplin et Dralet était parti le 4 en passant par Alger.

Jeudi 27 aout

Paul nous écrit de Cette : sa lettre est datée du 23

Vendredi 11 septembre

Toussaint Perdereau m’a montré une lettre datée du 5 à Sevran, où Émile qui conduit des colonnes de munition a rencontré Paul en bonne santé

Mardi 29 septembre

Reçu une lettre de Paul datée du 21 nous disant être en bonne santé

Vendredi 23 octobre

Nous avons reçu une lettre de Paul.

Il se trouve à 5 ou 6 km d’Arras, lettre datée du 9 octobre. Le 8 octobre un obus arrivé dans les tranchées où ils se tenaient, leur a tué 1 homme et blessé 7 autres, rien que dans sa section et cela parce qu’ils avaient voulu voir l’effet de notre artillerie et s’étaient ainsi montrés sans nécessité.

Mercredi 11 novembre

Paul nous a informé dans sa lettre du 4 novembre qu’il avait été proposé pour être caporal mais il a remercié.

Jeudi 26 novembre

Datée du 19 novembre

Paul nous raconte une attaque et fait connaitre que Berthier a eu mal à un œil et Bourreau a eu les yeux frôlés par une balle et on craint qu’il reste aveugle. Il va être malgré lui nommé caporal ces jours ci.

TUFFÉ est à Craonne, André CHAMPENOIS est agent de liaison

Le 21 novembre 1914

Paul a été nommé caporal

1e régiment de marche de zouaves, 3e bataillon, 4e compagnie 89e brigade, 45e division, matricule : 12827

Jeudi 3 décembre

Paul nous a envoyé de Paris ou il est soigné dans un hôpital une carte datée du 2 nous annonçant qu’il a eu l’avant-bras labouré par une balle le 29 à midi, en tirant au créneau

Samedi 5 décembre

Je suis allé à Paris École normale supérieure hôpital auxiliaire N 103

Mon Paul était bien content et moi aussi il a pleuré un peu et le rouge lui a monté à la figure

Il a bien cru à certains moments qu’il ne nous verrait plus.

Il n’a pas de fièvre et sa figure n’est pas trop amaigrie, il m’a dit ne pas trop souffrir ; sa blessure commence plus loin que le poignet et s’étend sur une longueur d’une quinzaine de cm sur le dessus du bras plus profond vers l’articulation avec une largeur d’au moins deux doigts.

Des fragments de vêtements ont été entrainés dans sa blessure. On lui a radiographié le bras, les os ne sont pas atteints et un chirurgien m’a dit qu’il s’en tirerait avec le minimum de dégâts

Dimanche 6 décembre

On voit les blessés de 2 h à 4 h et demi

Mon Paul a un peu de fièvre parce-qu’il avait un peu causé la veille, il était levé et on ne dirait pas à l’entendre parler qu’il est blessé

Il sortira le 30 avril 1915

 

Également :

Contrôle de la 10e escouade

 

Mle

Noms et Prénoms

Grade

Profession

Lieu d’origine

Recrutement

Adresse des parents

12827

CHAMPDAVOINE P

caporal

cultivateur

St Péravy-la-co.

Orléans

St Peravy la C (Loiret)

 

GRÉGOIRE Jules

1 cl

cultivateur

Menerbès

Avignon

Menerbès, père

13401

MALARD François (*)

1 cl

cultivateur

Machecoul

Nantes

St Blaise, père

11781

AUPIN Émile

 

cycliste emp. de Cie

Marseille

Marseille

 

06348

BALESTER Baltazar

2 cl

garde champ.

Oued el

Alger

Ouedelalleug, G Père

12546

ROBERT Charles

2 cl

cultivateur

Marsauceux

Dreux

Marsauceux, père

14019

PATISSIER

2 cl

peintre

Pont Rousseau

Nantes

Pont Rousseau, père

14003

PORCHER

2 cl

perruquier

Bourg s Roche

La Roche

Laroche s Yon, mère

3650

CORDINA George

2 cl

journalier

Bone

Bone

rue Philippe, sœur

06621

BEAUDOIN (évacué)

2 cl

hôtelier

Orléanais

Alger

rue de Bone, père

 

                                         

(*) : MALARD François sera tué à l’ennemi aux tranchées de Bully-Grenay (Pas-de-Calais), le 11 octobre 1915. Il avait 22 ans, et était né à Machecoul.

Il faisait parti du 4e mixte de Zouaves et Tirailleurs.

 

9e escouade

LINARÈS, caporal, ALLASSEUR, TOINET, REGROBELLET, TILLOT, LICHTEMSTEGER, MOREL, RICQUELMS, GENISTARS, LAPAIN

 

 

Paul continuera la guerre au 18e RI, vous pouvez retrouver ses notes de 1918  >>> ici <<<

 

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Vers le second carnet de Paul CHAMPDAVOINE

Vers d’autres témoignages de guerre 14/18

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