Bertin
TABACCHI sous-lieutenant du 83ème régiment d'infanterie
Bertin TABACCHI était sous-lieutenant à la 10ème compagnie du 3ème bataillon du 83ème régiment d'infanterie, commandé par le lieutenant-colonel PÉRIER D'HAUTERIVE. Il était le beau-frère de Désiré SIC, adjudant à la compagnie 19/2 M du 2e régiment du génie, au moment du décès. Désiré SIC a écrit son journal de guerre (voir ici).
Le journal des marches et opérations du régiment nous relate les circonstances de l'attaque au cours de laquelle il a trouvé la mort, le 16 juin 1915, dans le cadre de l'offensive de l'Artois (JMO J N 665/6). On note que Désiré SIC a participé à la même offensive au sein de la division marocaine, à quelques kilomètres de l'endroit où Bertin a été tué :
« Le
14 juin 1915 à 20 h, le régiment quitte son cantonnement de Wanquetin
et de Berneville, à une dizaine de kms à l'ouest d'Arras, pour se diriger sur
Arras où il cantonne.
Le 15 juin
à 19 h 30, en vue de l'attaque projetée, le régiment abandonne ses
cantonnements et va occuper les tranchées face à ses objectifs. L'ordre
d'attaque était le suivant: la 10ème armée reprend l'attaque d'ensemble sur
tout son front pour compléter les résultats déjà obtenus. le
but est toujours d'enfoncer la ligne ennemie, sans laisser l'adversaire se
ressaisir.
Dispositif
d'attaque: l'attaque doit avoir lieu par brigades accolées, et dans chaque
brigade, par régiments successifs. Les régiments de tête (88ème et 83ème)
auront chacun:
- 2
bataillons 1/2 dans la parallèle de départ
- 2
bataillons 1/2 dans la tranchée de 1ère ligne
Le 3ème
bataillon prendra place dans les places d'armes de 1ère ligne (...). Toutes les
troupes devront être en place le 16 avant 2 heures.
L'attaque
d'infanterie sera exécutée par surprise, sans préparation immédiate
d'artillerie, à l'heure H, chaque unité se portant droit devant elle, et
continuant résolument le mouvement en avant, sans temps d'arrêt.
Mission du
régiment: le 83ème régiment d'infanterie a comme zone d'action la partie du
front d'attaque comprise entre les sapes S1 et S4, avec comme objectifs
particuliers pour le bataillon du nord 405 et 406, et pour le bataillon du sud
440 et 450 (numéros des
tranchées allemandes).
En
exécution des ordres ci-dessus et des instructions verbales reçues, le régiment
était placé de la façon suivante:
- 3ème
bataillon au nord, de S1 à S2 , à cheval sur la route
de Bailleul, en 1ère ligne, 10ème Cie au sud de la route, 11ème au nord, (..)
objectifs 405 et 406. » (actuelle RD 919)
(...)
« 3ème
bataillon : la 10e Cie (sous-lieutenant TABACCHI), la droite appuyée à S2 et la
11e Cie (lieut ROUSSEAUX) sa gauche à S1, quittent la
parallèle de départ, suivie par la 9e (lieut FOURNIÉ)
et la 12e (captne EYCHENNE).
* La
colonne de gauche a à peine parcouru quelques mètres qu'elle est en butte à un
violent feu de mitrailleuses venant de la 2e ligne. Malgré ce tir, une section
de la 10e (lieut BIGNAUX) longeant le talus nord de
la route de Bailleul, continue sa marche en avant jusqu'au réseau de fil de
fer, où elle est obligée de se terrer. Grâce à ce mouvement de diversion, le
reste de la 11e et 12e franchit la route et se dirige sur 405. Malgré les
pertes, la progression se fait jusqu'à 10 ou 15 mètres de la tranchée ennemie.
Là, arrêt forcé, un double réseau de défenses accessoires arrête le mouvement
en avant. On se terre, et on organise une tranchée derrière le réseau, pour lutter
à la grenade. »
« Quelques
groupes cependant utilisent une petite brèche tout à fait à droite, continuent
à avancer et sautent dans la tranchée allemande (boyau 408). On songe à
organiser la résistance, mais le manque de direction se fait sentir, les chefs
(officiers et chefs de section) sont tombés.
Les
Allemands tentent une contre-attaque, elle échoue, on lutte vaillamment à la
grenade, mais les bombes sont épuisées, la plupart des défenseurs sont tués ou
blessés, les quelques hommes encore valides se reportent à l'arrière à hauteur
de leurs camarades déjà en position. Le combat continue sur ce point. Les
Allemands échouent dans toutes leurs attaques, et partie vers 17 h, partie vers
20h les fractions non soutenues et épuisées rejoignent la parallèle de départ.
La colonne
de droite quitte la parallèle avec le même entrain et parvient jusqu'au réseau
allemand sans un coup de fusil et sans une perte. Mais là, elle doit s'arrêter
et se terrer devant un violent feu de mousqueterie et de mitrailleuses venant
de la 2e ligne allemande. Quelques éléments appuient à droite, utilisent une
brèche, et gagnent sans trop de mal la tranchée ennemie. Elle est vide. Le
mouvement en avant est aussitôt repris par les hommes qui courent sur la 2e
ligne allemande, mais celle-ci, fortement défendue par des fantassins et des
mitrailleuses, ne peut être enlevée. Il faut reculer, et la défense est
organisée dans la 1ère tranchée conquise. On lutte vaillamment, mais là aussi
le manque de chefs se fait sentir. Les deux cdts de
Cie, la plupart des chefs de section, sont tués ou blessés. Quelques
sous-officiers tentent d'unir les efforts en un faisceau commun, mais en vain.
Jusqu'à 15
heures, on tient bon, mais à ce moment débouchent des boyaux une forte
contre-attaque allemande, c'est la fin de la lutte, il faut reculer et revenir
à la hauteur des fractions arrêtées devant les défenses accessoires. La
résistance continue sur ce point, et ce n'est qu'à la nuit que les unités
fortement éprouvées rejoignent la ligne française. »
(...).
« En
résumé, malgré le courage, le dévouement des troupes et la lutte vraiment
héroïque menée surtout par le 1er bataillon, la journée du 16 fut sans
résultats directs et immédiats sur le front d'attaque du régiment. Il faut en attribuer
la cause à l'encombrement des boyaux, ce qui empêche l'arrivée en temps
opportun des renforts, et surtout aux barrages crées
par une violente canonnade qui arrêta net toutes tentatives successives
d'assaut. »
(...)
«L'ordre
est donné de reconstituer les unités avec tous les éléments disponibles, et
d'exécuter dans les premières heures de la nuit l'enlèvement par surprise de la
1ère ligne allemande (...) L'assaut sera donné à 24 heures.
Le
lieutenant-colonel rend compte aussitôt au commandement de la situation
précaire dans lequel est le régiment, après l'effort donné dans la journée. Les
1ers et 3èmes bataillons n'ont plus que la moitié de leur effectif. Tous les
chefs sont tombés (20 officiers et tous les chefs de section). Seul le 2ème
bataillon peut encore tenter quelque chose avec chance de succès.
L'attaque
projetée est retardée, et décidée pour 2 h30. »
(...)
« L'élan
des 3 Cies du 2e bataillon est vite arrêté par le feu
des mitrailleuses et de l'artillerie ennemies. En outre, les quelques brèches
qui existaient dans les défenses accessoires ont été réparées par l'ennemi
pendant la nuit. Il est impossible d'aller plus loin (..). L'attaque échoue
complètement, et les Cies d'assaut regagnent les
parallèles de départ par petits groupes pour diminuer les pertes. (...)
Devant cet
insuccès, une nouvelle attaque est préparée pour l'après-midi du 17 juin
(nouvel insuccès)
Le 18
juin, le régiment est relevé et envoyé au repos à Simencourt,
pour s'y reformer et s'y reconstituer.
Les
journées des 16 et 17 juin, durant lesquelles de l'avis de tous, le 83è RI se
conduit vaillamment, coûtèrent au régiment de grandes pertes (...) »
Il s'agit en fait d'une véritable hécatombe, avec 103
tués, 307 blessés, et 436 disparus !
Citation de Bertin à l'ordre de la 10ème
armée, à la date du 7 juillet 1915 :
"Jeune officier d'une grande bravoure et de beaucoup d'entrain, commandant une Cie, a brillamment enlevé son unité à l'assaut des tranchées allemandes, le 16 juin. Arrêté devant les réseaux de fils de fer, s'y est retranché et est tombé glorieusement frappé en organisant le lancement de bombes sur la tranchée ennemie ".
Je désire contacter le propriétaire des documents de Bertin TABACCHI et Désiré SIC
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