Les fraternisations durant 14-18, trêve de noël 1914, 1ère étude :

Fraternisation du secteur de la 28e division d’infanterie

Secteur de Dompierre-en-Santerre, Foucaucourt, Fay, Bois Commun, Bois Touffu. Somme, décembre 1914

 

 

 

Mise à jour : novembre 2019

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Introduction

 

En décembre 1914, la 28e division d’infanterie (28e DI) se positionnait dans la Somme, secteur Fay-Dompierre-Foucaucourt. La 28e DI faisait partie du 14e corps d’armée. La 28e DI comprenait les 55e brigade d’infanterie (22e et 99e régiments d’infanterie) et la 56e brigade (composé du 30e régiment d’infanterie et le 1e bataillon du 3e régiment de marche du 1e étranger - Polonais, Russes, Belges – nouvellement affecté à cette brigade).

Le 101e régiment d’infanterie territorial fait aussi partie de la 56e brigade, chaque compagnie est mélangée à chaque bataillon du 30e régiment d’infanterie.

Le 9e régiment de Hussards fournit 70 hommes de son 5e escadron qui prennent les tranchées dans le même secteur.

 

J’ai donc « fouillé » dans tous les JMO (Journaux de Marches et Opérations) de ces unités et les témoignages des soldats au travers de leurs carnets de guerre ; Voici ce que j’y ai déniché :

 

Extrait du JMO de la 28e division d’infanterie

Extrait du JMO de la 55e brigade d’infanterie

JMO du 22e régiment d’infanterie

Extrait du JMO du 99e régiment d’infanterie

Soldat Frédéric BRANCHE, acteur de ces fraternisations

Extrait du JMO de la 56e brigade d’infanterie

Extrait du JMO du 30e régiment d’infanterie

JMO des 9e Hussards et 101e régiment territorial

 

 

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JMO de la 28e division d’infanterie :

28 décembre 1914

« Dans le secteur de la 55e brigade, des relations de tranchée à tranchée se sont engagées entre nos troupes et des Bavarois.

Un certain nombre de nos hommes et des Bavarois sont sortis de leurs tranchées et se sont rencontrés à mi-distance environ, se sont serrés la main, échangés des journaux, des cigarettes et provisions de diverses natures. Invités par nous de se rendre, les Bavarois ont déclarés en avoir assez ; mais ont refusé de se rendre pour l’instant, et vouloir réfléchir avant de prendre une décision.

Les relations et pourparlers se poursuivront les jours suivants. »

 

 

 

29 décembre

« Rien à signaler sur le front de la division »

 

30 décembre

« Vers 13h30, entre la ferme Brûlée de Fay et la Palmeraie (secteur de la 55e brigade), un soldat allemand, porteur d’un fanion blanc et accompagné d’un sous-officier sortait des tranchées et se dirigeant vers les nôtres.

La sentinelle leur fit signe de s’arrêter à 250m de notre ligne, un officier, le capitaine MICHOUX (*), accompagné d’un homme parlant couramment allemand, se portèrent en avant et engagèrent une conversation avec le sous-officier et l’invitère à se rendre.

A ce moment 300 hommes environ sortirent sans armes des tranchées ennemies.

Sur l’invitation du capitaine MICHOUX, le sous-officier fit signe à tous les hommes de s’arrêter. Ce qui fût fait sur le champ.

La conversation se poursuivit, le sous-officier déclarant qu’ils en avaient tous assez, que nous devions d’ailleurs être comme eux, et que nous aurions fait la paix si nous n’étions poussés par les Anglais qui sont la cause de tout le mal.

Le capitaine MICHOUX répondant que nous tiendrons 3 ans s’il le fallait, qu’il ne pouvait être question de paix tant qu’un seul Allemand resterait sur le territoire français et ajoutant que la meilleure façon de terminer la guerre pour les Allemands était de se rendre, qu’ils pouvaient venir en toute sécurité chez nous où ils seraient bien traités.

Le sous-officier ne répondit rien et demanda qu’on leur fit venir quelques journaux et des renseignements sur la situation du point de vue politique et économique, afin de les comparer avec ceux qui leur parviennent d’Allemagne.

Bien qu’il ait été impossible de reconnaître le N° de régiment auquel appartenaient les Allemands, l’endroit où s’est engagée la conversation a été reconnu comme étant le front tenu par des troupes Prussiennes.

Cet incident n’en est pas plus significatif » (…)

 

(*) : Le capitaine MICHOUX sera promu capitaine à titre définitif le12 mai 1915. Le 17 novembre 1916, il sera désigné pour suivre un cours spécial des officiers d’état-major. Il quittera définitivement le 99e régiment d’infanterie.

 

31 décembre 1914 :

« Dans la nuit du 30 au 31, à la suite de pourparlers engagés en pleine nuit, dans le 1er secteur de la 55e brigade, les Bavarois ont laissés des fractions du 99e travailler à la pose de réseaux de fil de fer, sur l’assurance que nous n’exécutions que des travaux définitifs et que nous ne nous proposions de ne pas couper leur propres réseaux.

Un Bavarois a adressé à nos hommes des cartes postales contenant des vœux de nouvel an et des remerciements pour le pain et le cognac qu’ils ont reçu d’eux. Une de ces cartes est ainsi conçue :

« Aux camarades français :Nous ne tirons que si un officier est à (auprès de) nous. Seulement notre lieutenant est toujours en rage et tire quelquefois ! Une bonne année, merci beaucoup pour le cognac, il a bien goûté. »

 

1er janvier 1915

« Vers 23h00, deux sous-officiers bavarois ont déclaré à un lieutenant du 99e qui surveillait le placement des fils de fer, qui tout en restant nos camarades, ils ne pouvaient plus causer avec nous, parce que leur officiers l’ont défendu trop rigoureusement.

Cette interdiction s’explique soit par une certaine agitation qui se serait manifestée chez les Bavarois soit par la crainte de voir des renseignements importants transmis à nos troupes. Ces relations, si elles ne nous ont pas permis de déterminer des soldats allemands à se rendre, ont cependant été utiles à plusieurs points de vue.

Elles ont renseigné les Bavarois sur des faits qu’ont leur cacahit, et sur notre intention de pousser la guerre jusqu’au bout ; elles nous ont permis de poser sans être inquiéter des réseaux de fil de fer et d’inhumer des cadavres des nôtres qui étaient resté sans sépulture très près des lignes ennemies après le 28 novembre. »

2 janvier

« Rien à signaler sur le front de la division (…) »

 

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JMO de la 55e brigade d’infanterie

Du 23 au 31 décembre

« Pendant cette période, le feu de l’infanterie ennemie diminue d’intensité, puis cesse complètement dans la région à l’est du bois Commun et du bois Touffu où nous est opposé un régiment Bavarois. Plusieurs soldats de ce régiment passent volontairement dans nos lignes (…) L’ennemi cherche visiblement à rentrer en relations avec nous.

L’accalmie s’étend bientôt à la plus grande partie du front de la brigade. Nous profitons de ces circonstances pour faire parvenir aux Allemands des journaux français et étrangers afin de les informer de la situation européenne (…) »

 

1e au 6 janvier 1915

« Dès le 1er janvier au soir, les officiers allemands se sont opposés à toutes communication de leurs troupes avec nous. Ces relations sont de moins en moins fréquentes et bientôt cessent complètement. »

 

Du 6 au 12 janvier

« (…) L’accalmie signalée plus haut dans le feu de l’infanterie ennemie cesse peu à peu et bientôt nos travailleurs doivent s’abriter comme par le passé. »

 

 

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JMO du 22e régiment d’infanterie (55e BI, 28e DI)

Les faits ne sont pas relatés dans le journal du 22e RI.

 

 

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JMO du 99e régiment d’infanterie (55e BI, 28e DI)

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Soldats du 99e régiment d’infanterie, avant 1914. L’un d’eux a-t-il été témoin des fraternisations ?

 

 

24 décembre

(…) 13 heures : Un Allemand, ayant dépassé toute la tranchée de la hauteur du buste et étant sans armes, une patrouille sortit de notre tranchée pour inviter l’homme à se rendre. Cet homme déclara que d’autres camarades avaient l’intention de se rendre également. Il leurs fit signe et 6 prisonniers se présentèrent successivement. (…)

 7 Allemands se sont rendus. (…) d’après leurs dires une très grande animosité existe entre Bavarois et les Prussiens. (…)

 

25 décembre

« Les tirailleries ont cessé brusquement chez les Allemands dès le point du jour. Un grand nombre de Bavarois sont sortis de leurs tranchées en faisant signe de ne point tirer sur eux, puis ils se sont avancés à mi-distance de nos tranchées et ont engagé la conversation avec nos hommes devant le secteur du Bois Commun. Trêve complète.

Fureur des Prussiens qui tirent sur les Bavarois.

Ceux-ci nous préviennent de l’arrivée de leurs officiers et déclarent qu’ils tireront en l’air, ce qu’ils font en effet. »

 

26 décembre

« Les bavarois sympathisent toujours devant le secteur du Bois Commun. Trêve absolue »

 

27 décembre

« La paix continue. 2 officiers Bavarois sont venus à mi-distance des tranchées Filippi.

Un de nos hommes s’est approché. La conversation s’est engagée et les officiers Bavarois ont paru tout étonnés d’apprendre que Lyon n’était pas investi par une armée Italienne ainsi que le bruit s’est répandu dans les tranchées allemandes. »

 

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28 décembre

« L’accalmie persiste sur tout le secteur

Au bois Touffu, nous avons pu enterrer 8 morts français remontant au 29 novembre, qu’on est allé chercher tout près des tranchées allemandes.

12 heures : Les Bavarois nous préviennent que le génie prussien va lancer des bombes sur les tranchées de 1e ligne du Bois Commun.

12h10 : les bombes sont lancées sans effet (…) 

 

29 décembre

« Les Bavarois continuent à ne pas tirer et à nous informer de l’arrivée de leurs officiers. Nous en profitons pour placer des fils de fer devant le front de toutes nos tranchées (…) »

 

30 décembre

« Les relations continuent avec les Bavarois. Elles sont toutefois plus restreintes que précédemment. Ils ont prévenu qu’ils ne laisseraient plus travailler à découvert.

Un incident se produit devant les tranchées allemandes entre la ferme Brûlée de Fay et la Palmeraie : un sous-officier et un soldat prussien porteur d’un fanion blanc sortent de leurs tranchées se dirigeant vers les nôtres. Un officier (capitaine MICHOUX) accompagné d’un homme parlant allemand se porte au-devant du parlementaire. Aussitôt 300 soldats prussiens environ sortent sans armes de leurs tranchées. Sur l’invitation du capitaine MICHOUX, le sous-officier allemand fit arrêter ses hommes.

Après une conversation qui a porté sur l’état moral des troupes allemandes qui semble très abattu, le parlementaire a rejoint sa tranchée

Échange de journaux et de cartes postales du nouvel an. »

 

31 décembre

« La trêve continue toujours et les bavarois nous laissent travailler à condition, ont-ils dit, que nous ne coupions pas leur propre réseau de fils de fer.

Dans le secteur de Foucaucourt, malgré les avances faites par les Prussiens, les coups de feu ont continué pendant la nuit (…).

 

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1er janvier

« Continuation de la trêve. Échange de journaux. Nous en profitons pour fortifier nos défenses accessoires. Construction de réseau de fil de fer, chevaux de fraise. Les Allemands continuent à ne pas tirer.

Devant Dompierre et Foucaucourt, les Prussiens sont dans de moins bonnes dispositions ; des coups de fusil nous arrivent de ces directions.

A minuit, pour fêter la nouvelle année, ils ont tirés de nombreux coup de feu en l’air. Avec l’autorisation des Allemands, quelques cadavres ont été enterrés. »

 

2 janvier

« Confirmation de la trêve. Nous continuons à fortifier nos positions et enterrer les cadavres.

Les Allemands regrettent de ne pouvoir continuer à causer avec nous, leurs officiers l’ayant rigoureusement défendu (…) »

 

3 janvier

« L’accalmie persiste toujours dans le secteur.

On parvient très difficilement à renouer conversation avec les Bavarois.

Des relèves fréquentes ont lieu ; Visiblement les chefs bavarois cherchent à éviter les contacts prolongés avec les mêmes adversaires.

Les travaux ont cependant continué à découvert, l’ennemi n’a pas tiré. »

 

4 janvier

(…) Journée calme (…)

 

5 janvier

(…) Aucune conversation n’a eu lieu avec les Bavarois ou Prussiens (…)

 

6 janvier

(...) Désertion du soldat WRICH de la 1e compagnie. Ordre formel a été donné : Personne ne doit sortir des tranchées.

 

 

Le 7 janvier, les bataillons du 99e régiment d’infanterie sont déplacés de quelques km. Pour quelle raison ?

 

Extrait du carnet de Frédéric BRANCHE du 99e régiment d’infanterie

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Frédéric BRANCHE est soldat au 99e régiment d’infanterie. A cette période il se trouvait dans la Somme, au bois Touffu, secteur Fay. La nuit de noël, il est dans la tranchée en toutes premières lignes. Il assiste et est acteur de ces fraternisations. Il sera tué en juin 1918. (Merci à Bernard).

Voici ce qu’il écrit dans son carnet :

 

 

Dimanche 20 décembre 1914

« (…). Je commence à me former à cette vie de tranchées et à m’orienter. Derrière nous se trouve Fontaine-lès-Cappy, et, sur notre gauche, le Bois Commun. Nous sommes dans le Bois Touffu.

Devant nous et à gauche, sur le coteau, je vois le Bois Carré qui est encore à l’ennemi, puis, plus sur la droite, le village de Fay et, plus loin encore, le Bois Etoilé et Foucaucourt.

Nous sommes environ à cent cinquante mètres de l’ennemi ; en d’autres points, les deux tranchées sont à soixante mètres de distance. Des réseaux communs de fils de fer les séparent. (…) »

 

Jeudi 24 décembre 1914

« La nuit a été froide, le soleil long à se lever ; à peine daigne-t-il briller à midi. Il souffle une bise assez forte qui pince. Depuis ce matin, violente canonnade vers Arras.

Quelque opération se prépare. Au rapport, paraît une proclamation du Général JOFFRE : « l’heure des attaques a sonné : depuis trois mois, nous nous tenons sur une défensive agressive, nous avons usé l’ennemi ; nous sommes prêts en hommes et en canons. Haut les Cœurs ! Il faut délivrer le pays ! Avancer ou mourir ! »

Le rapport ajoute d’autre part, que le régiment doit s’attendre à quitter le pays d’un instant à l’autre : il faut se tenir prêt à charger les sacs sur des voitures, les vivres de réserve seront mis dans la musette, la couverture et la toile de tente, portée en sautoir.

… Histoire singulière et qui me donne à réfléchir : STEFANAGGI m’avait raconté que, dans sa reconnaissance d’hier, les bleus, ses compagnons, l’avaient abandonné. Voilà que LEROUX vient de me certifier le contraire, au témoignage d’un caporal parti la nuit passée en patrouille, dans la même direction, pour refaire celle de la veille, mal conduite : succès complet, puisque quatre sentinelles ennemies ont été surprises et tuées à coup de baïonnette… Ces pauvres, je les plains sincèrement ; … mais j’ai pris la résolution d’ouvrir l’œil lorsque je serai de faction la nuit.

J’ai écrit hier ma lettre de nouvel an pour maman. Cela m’a donné le cafard pour une partie de la journée. Pour tous, les fêtes de fin d’année auront de la tristesse : amis et ennemis, tous souffrent de la séparation d’avec la famille et, même il semble que les hommes aient voulu faire trêve à leur tueries, comme semble le prouver le fait suivant.

Vers quinze heures, à la 1e compagnie, sur notre gauche, à la hauteur du Bois Carré occupé par l’ennemi, en un point où les tranchées ne sont distantes que d’une centaine de mètres, un dialogue s’est engagé entre Français et Allemands. De part et d’autre, l’on fait des signes d’amitié ; voici qu’un de nos caporaux mitrailleurs quitte notre tranchée ; un gradé ennemi fait de même ; ils se rejoignent, se serrent la main, échangent des cigarettes et descendent l’un et l’autre dans la tranchée adverse. Bientôt, c’est un défilé de soldats ennemis dans nos tranchées : il en vient huit, des Bavarois qui, une fois chez nous, ne veulent plus retourner là-bas. Quant à notre caporal, il est renvoyé chez nous avec force, cigares et cigarettes.

Questionnés, nos prisonniers volontaires avouent une grande lassitude de la guerre et nous préviennent, en outre, que les Prussiens, nos vis-à-vis, ont décidé de nous attaquer cette nuit ! »

 

Vendredi 25 décembre 1914

« Nous comptions passer une veillée de Noël bien tranquille : ah oui ! Nous avons été des dupes !

En suite des déclarations faites par les prisonniers, le bataillon reçoit l’ordre de passer la nuit aux créneaux, prêt à toute éventualité. Dès dix-sept heures, chacun est à son poste.

Clair de lune superbe ! Du côté de l’ennemi, la fusillade a complètement cessé. Un silence impressionnant règne, seul troublé par les coups de feu de nos sentinelles. Dans le lointain, l’on entend les Allemands chanter, jouer du fifre et du tambourin. Derrière mon créneau, l’oreille aux aguets, fiévreux, j’attends les événements.

Dix-huit heures : quatre coups de 75.

Dix-huit heures quinze : les ennemis nous envoient une marmite qui éclate avec fracas, assez loin de la tranchée… par moments des fusées éclairantes.

Je suis las ; j’ai froid. Je me couche. Soudain, l’on crie : « aux créneaux ! » minute inoubliable ! Je bondis sur mon fusil, le doigt sur la détente, tremblant sur mes pauvres jambes.

C’est une fausse alerte… minuit… deux heures… tout le monde s’est couché, éreinté… On nous fait lever… Encore cinq heures avant le jour ! Et toujours le même silence en face de nous. Les chants ont cessés.

Cinq heures du matin… le brouillard tombe. On redouble d’attention.

Six heures : le silence toujours… nous seuls tirons… l’ennemi est peut-être là, prêt à bondir ; pourtant il envoie de nombreuses fusées éclairantes, comme s’il craignait d’être attaqué… Non, il n’attaquera pas et sottement nous avons veillé tandis qu’en face de nous l’Allemand s’amusait.

Eh bien ! Malgré les réflexes physiques provoqués par l’attente, j’étais tranquille et prêt à sacrifier ma vie. Tout de même j’ai vu poindre le jour avec satisfaction.

Et quel sommeil le matin ! A l’ordinaire, un cigare, un quart de gniole.

Cet après-midi, les causeries ont recommencé de tranchés à tranchés. Les Allemands nous ont tenu un petit discours amical et un de leurs officiers s’est avancé au-devant de l’adjudant FAURE, de la 1ère (compagnie),  pour lui serrer la main.

Voilà donc comment s’est écoulé Noël 1914, dans la tranchée, par un temps froid et triste. Jamais je n’ai autant ressenti l’horreur de cette guerre qu’aujourd’hui, en ce jour de fête, si doux à vivre de coutume et si triste cette année. »

 

Samedi 26 décembre 1914

« Quelle nuit j’ai passé !

L’ennemi n’a pas tiré un seul coup de fusil, lui qui, d’ordinaire, tiraillait sans cesse. J’étais de garde en petit poste avancé ; j’ai pris trois fois une heure et demie, et, chaque fois, je poussais un « ouf ! » de satisfaction quand j’avais fini. Aucun incident…

Pourtant, à partir de trois heures du matin, l’on entendit du côté de Fay des bruits de cavalerie ?… Que se prépare-t-il donc ? Voilà deux nuits que règne le même silence impressionnant.

Ce matin, un soldat ennemi s’est avancé vers nos tranchées au cri de « Kamarad ! Nicht kaput ! » On lui fait signe de venir ; il s’approche ; parlant un peu l’allemand, je vais au-devant de lui. Nous nous serrons la main ; il m’offre un verre de Kummel, un cigare. Il m’apprend qu’il était artiste-peintre, étudiant à Munich ; il a vingt-six ans. Après quelques minutes d’entretien, chacun rentre dans sa tranchée, en se souhaitant au revoir.

Que penser de ces manifestations d’amitié ?

Je souhaite qu’elles soient sincères : ce serait preuve que tous sentent le besoin d’imposer une trêve à cette horrible guerre et qu’elle peut s’établir un instant par accord tacite. »

 

Dimanche 27 décembre 1914

« Nuit pénible par suite du froid : je n’ai pu dormir. Reçu une lettre d’Antoine, de maman, qui m’ont réconforté un peu. Il fait froid. Il pleut.

Ce soir, LEROUX sort comme volontaire pour une reconnaissance conduite par STEFANAGGI. Cela me peine de voir partir ce « copain ». Je lui serre la main, il me remet ses papiers pour sa famille, en cas de malheur.

… Ce n’était qu’une fausse nouvelle… LEROUX est descendu à Fontaine faire des expériences de lancement de bombes. Son retour, ce soir, m’a donné du plaisir. »

 

Lundi 28 décembre 1914

« Temps pluvieux et morose. Une lettre de la maison me donne de bonnes nouvelles de tous. J’ai encore le cafard. Cantonné dans mon gourbi, je songe… comme on songe en un gîte.

Cette après-midi, en face de notre troisième section, des soldats Bavarois sont montés sur leurs tranchées en disant : « Pas kaput ! Kamarad ! » Et nous ont demandé des journaux que l’on s’est empressé de leur donner.

Le 77 allemand bombarde nos tranchées sur la droite, sans résultat ; des 105 lancent des dizaines d’obus sur Fontaine-lès-Cappy. Par instant, des bombes tombent vers un petit poste occupé par la 1e Compagnie, dans un boqueteau à gauche de la vallée Fontaine - Fay… Nous ne tardons pas à répondre d’ailleurs… Somme toute, journée calme…

Depuis le 25, la fusillade a cessé complètement. C’est à oublier que nous sommes en guerre.

Dix-sept heures : un vent violent du sud-ouest s’est levé, chassant d’épais nuages. La lune paraît, se cache à tout instant… Impossible aux sentinelles de rien entendre. C’est un véritable ouragan. Du côté d’Arras, les éclairs d’une canonnade qui dure depuis quatre ou cinq jours, mais dont on n’entend point le roulement.

Dix-neuf heures : le silence était complet ; soudain, des coups de fusil éclatent de notre côté. Je suis veilleur : par ordre je réveille tout le monde… Simple alerte. »

 

Mardi 29 décembre 1914

« Seize heures : notre section descend au repos à Fontaine-lès-Cappy, en attendant que la compagnie et le bataillon la rejoignent le 31. »

 

Son carnet de guerre est publié entièrement sur mon site, ici.

 

 

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JMO de la 56e brigade d’infanterie

Secteur de Dompierre-en-Santerre, Somme

 

25 décembre 1914 :

« La journée est calme, une trêve très spontanée s’établit sur tout le front du secteur, notamment aux deux extrémités où soldats allemands et français sortent par endroits des tranchées pour échanger des journaux et cigarettes… »

 

27 décembre 1914

« Situation stationnaire.

La trêve tacite de Noël se continue et le calme est complet sur tout le front ; sur les deux lignes opposées, les soldats n’hésitent pas à sortir des tranchées. Des isolés viennent à la rencontre les uns des autres : il y a des échanges de journaux et de cigarettes… »

 

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28 décembre

« (…) La situation ne s’est pas modifiée. (…) »

 

29 décembre

(…)

 

30 décembre

« Pas de changement dans la situation. Les conversations entre Bavarois et Français continuent dans le secteur de droite (*), mais n’amène pas le résultat espéré de provoquer quelques désertions dans les rangs allemands. (…) »

 

(*) : Le secteur de droite de la 55e BI est occupé par 3 compagnies et une section de mitrailleuses du 30e régiment d’infanterie et une compagnie du 101e régiment d’infanterie territoriale.

 

31 décembre

(…)

 

1e janvier 1915

« Journée calme sur tout le front ; quelques dialogues s’échangent même de tranchées à tranchées. (…) »

 

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JMO du 30e régiment d’infanterie

 

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Soldats du 30e régiment d’infanterie, avant 1914. L’un d’eux a-t-il été témoin des fraternisations ?

 

 

Le 30e régiment d’infanterie se trouve secteur de Dompierre-en-Santerre.

 

25 décembre

(...)

 

26 décembre

(...)

 

27 décembre :

« Situation stationnaire. La trêve de noël continue et le calme est complet sur tout le front.

Sur les 2 lignes opposées, les hommes n’hésitent pas à sortir des tranchées. Les Allemands viennent à la rencontre des nôtres, il y a échange de journaux, tabac, cigarettes.

Aucune autre manifestation dans la journée »

 

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28 décembre

(...)

 

29 décembre

(...)

 

30 décembre :

« Rien de changer. La conversation s’engage à nouveau entre Français et Bavarois dans le secteur du Cond-Lagarde ( ?), mais n’atteint pas le but poursuivi de provoquer des déserteurs dans les rangs allemands. Tout est calme.(...)

 

31 décembre

(...)

 

1e janvier

Journée calme sur tout le front, sauf quelques dialogues échangés de tranchée à tranchée. (...)

 

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JMO des 9e Hussards et 101e régiment territorial

J’ai aussi consulté les JMO des 101e territorial et 9e Hussards, mais pas d’écrits sur ces faits de fraternisation.

Ces 2 régiments étaient aux côté du 30e régiment d’infanterie à cette date.

 

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Voir les nombreux autres cas de fraternisations (5e, 24e, 28e, 52e, 53e, 58e, 70e, 77e divisions d’infanterie, et les écrits des soldats)

 

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