Journal de poèmes et chansons d’André DURAND

musicien au 69e régiment d'infanterie

#Chtimiste

 

 

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Préambule

 

André DURAND est menuisier dans le civil, il est né à Bar-sur-Aube (Aube) en mars 1891 ; donc 23 ans en 1914.

André est musicien et toute la musique d’un régiment (au début de la guerre) fait partie de la CHR (compagnie hors rang), elle-même partie de l’état-major du régiment.

Étant musicien, il ne fait pas parti de la partie « combattante » du régiment. Ses séjours en tranchées ne seront pas systématiques. Sa fiche matriculaire indiquera aussi qu’il est (en 1918) brancardier-auxiliaire.

Il a aussi écrit son carnet de guerre (à lire ici).

 

Merci à Yann pour ce carnet.

Merci à Philippe pour la recopie des pages du carnet et toutes les recherches effectués pour mieux suivre et comprendre ce parcours.

 

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La lueur des Réverbères

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Quand le jour fait place à la nuit

Sur le boulevard tout s’éclaire

A mesure que s’éteind le bruit

On allume les réverbères.

Il est toujours intéressant

De noter d’une façon précise

La physionomie des passants.

A cette lumière indécise

Catins, Barbeaux

Trottins vieux beaux

Apaches, agents, hommes d’affaire

Banquiers véreux riches ou vieux

Passent sous les mêmes réverbères.

Mais le cafard au tein blafard

Coudoie l’homme franc sans manière

Honnêtes voleurs

Ont même valeur

A la lueur des réverbères.

2

Le p’tit trottin d’un pas pressé

Rentre au logis mais derrière elle.

Un vieux monsieur très empressé

Envois des mots fadas à la belle.

Elle marche plus vite mais tout à coup

A ses yeux brille étranges choses

Une vitrine ça lui donne un coup

Des bijoux elle devient toute rose

Alors le vieux

Très malicieux

Lui dit si tout ça peut vous plaire

V’nez avec moi ma belle enfant.

Loin d’la lueur des réverbères

Hôtel garni

Vertu finie

C’est une catin de plus sur terre

Qu’une maman cherche en pleurant

A la lueur des réverbères

3e Ct

Vingt ans après sur le trottoir

Vieille avant l’âge elle cherche fortune

Car il faut manger et chaque soir

Monsieur Alphonse attend sa tune

Ce soir c’est triste il fait sale temps

L’amour est triste quand il se mouille

Alphonse ne sera pas content

Car il aime bien qu’on se débrouille

Mais dans la nuit

Marchant sans bruit

Elle l’aperçois que va-t-il faire

Lui subitement l’amène vivement

Près d’la lumière d’un réverbère

T’as du pognon

Mon bon mignon

J’en ai plein l’dos de ces manières

Et son couteau

Lui crève la peau

Loin d’la lueur d’un réverbère

4e Ct

Le lendemain sur le trottoir

Un groupe d’ouvriers qui s’ramassent

En voyant la pauvre catin

Se disent une de moins puis ils passent

Et le bec de gaz clignotant

Semble veille la pauvre fille

Qui vendit son corps à vingt ans

Pour un bijou de pacotille.

Vous tous Messieurs

Jeunes ou vieux

Qui cherchés pour vous satisfaire

Les p ‘tits trottins au minois fins

A la lueur des réverbères

Songez aux pleurs

A la douleur

Qui doit crever le cœur des mères

Quand leur enfant git dans le sang

A la lueur des réverbères

 

Fin

 

 

 

La chanson des mouchoirs

_________

 

Connaissez-vous quelque chose sur terre

De plus varié que ceci le mouchoir

En parcourir la série toute entière

C’est un poème et vous allez le voir.

D’abord l’mouchoir que les marquis de France

Devant Louis Quinzième du nom

Du bout des doigts balancent en cadence

Dans la gavotte au bal du trianon.

Il y a aussi le mouchoir de dentelle

Les fin tissus tout brodés parfumé

Que laisse choir une main nonchalante

Car il contient un billet pour l’aimé.

Puis le mouchoir que jette de son trône

Le fier sultan aux sultanes d’un soir

Devant le grand Eunuque qui rit jaune

N’pouvant plus faire de nœud à son mouchoir.

Refrain

Car tous ces mouchoirs

Mouchoirs de dentelle

Sont plus claquants que de longs discours

Et nous écoutant leurs chansons si belles.

Chansons d’autrefois où chanson d’amour.

2e Ct

Il y a l’mouchoir à carreaux du grand père

Si familier des prises de tabac

Il essuyra les lunettes les verres

Avant d’ouvrir la lettre du p’tit gars.

Le p’tit gas lui qui fait son tour de France

Dans un mouchoir à mis son baluchon

Et sur son dos en chantant le balance

Sur son épaule au bout d’un long bâton.

Il y a aussi le mouchoir de l’apache

Mouchoirs cravate rouge couleur de sang

Parfois d’son coup M’sieur Julot le détache

Pour le serrer sur le coup d’un passant.

Mais plus souvent l’dimanche les militaires

De leur mouchoir tirent vingt sous pour voir

Dans les gourbis de joyeuses moukères

Faire devant eux la danse des mouchoirs.

Refrain

Mais tous ces mouchoirs, quel linge inutile

Pour le vagabon qui va sur le ch’min

Le sien d’un tissus simple mais peu fragile

S’compose simplement des deux doigts d’la main.

3e Ct

Au doux pays de Provence les belles filles

Qui chantent Digué, Ligué, Vengué, mon bon

D’une main preste et coquette entortille

Un long mouchoir autour de leur chignon.

Quand un bateau part des rives Bretonnes

Plus d’un mouchoir fait le geste d’adieu

Et quand revient le vent glacé d’automne

Plus d’un mouchoirs cachent alors de beaux yeux.

Mais bien souvent dans l’Afrique si dure

Un p’tit soldat tombe une balle au front

C’est un mouchoir qui couvre sa blessure

Par où le sang et l’ame s’en iront.

Mais sa maman qui l’attend plein d’alarme

Reçoit un jour n’en pouvant croire ses yeux

Dans un mouchoir qu’elle arrose de larmes

Quelques objets souvenirs de son fieu.

Refrain

Car tous les mouchoirs lorsque l’âme est triste

Saignant sous le coup de noire douleurs

Qu’il soit d’hymble toile ou de fine baptiste

Tous les mouchoirs doivent essuyer nos pleurs.

 

Fin

 

 

 

 

Le moulin de Maitre Jean

_________

 

1er Ct

La bas la bas dans la vallée

C’est le moulin de Maître Jean

Caché sous la verte feuillée

Que dans le soleil bienfaisant

La meunière en est si jolie

Qu’elle fait le bonheur du meunier

Et tous deux la tâche finie

Sur la passerelle s’en vont rêvés.

Refrain

Ecoutez le tic-tac du moulin

Chanter toujours son gai refrain

Chanson charmante

Qui y les enchante.

Mais l’eau qui coule lentement

Est bleu comme le firmament

Tourne, tourne pour les amoureux

Moulin joyeux.

2e Ct

Avec le châtelain du village

Maître Jean du partir un jour

Pour chasser dans le voisinage

Se disant je serai bientot de retour.

Aussi revint-il à la brume

Mais soudain spectacle effrayant

Il aperçut au clair de lune

Sa femme dans les bras d’un amant

Refrain

Ecoutez le tic-tac du moulin

Chantez son perfide refrain

Chanson traitresse et de détresse.

Mais l’eau qui coule lentement

Reflete l’image des amants.

Tourne, tourne au vent du malheur

Moulin trompeur.

3e Ct

Maître Jean palissant de haine

Comme un fou saisit son fusil

Et l’on entendit dans la plaine

Un coup de feu se perdre dans la nuit

Comme écho deux cris de souffrance

Et dans une étreinte d’amour

Les amants, suprême vengeance,

Dans l’eau s’engloutir pour toujours.

Refrain

Ecoutez le tic-tac du moulin

Chanter son cruel refrain

Chanson cruelle aux infidèles

Mais l’eau qui coule lentement

Coule toute rouge de sang.

Tourne, tourne pour les cœurs meurtris

Moulin maudit.

 

 

 

Le cœur de Don Juan

 

Séville est à peine endormie

Et déjà comme un vrai troubadour

Don Juan pour Nita la jolie

Va chanter sa chanson d’amour.

Je vous aime a répondu la Dame

Mais je veux il faut me pardonner

Avant de couronner votre flamme

Eprouver votre sincérité.

Et Don Juan amoureux

De sa belle aux grands yeux

Dans un baiser brulant

Lui fit ce doux serment.

Refrain

O ma brune Espagnole

Au masque de velours

Vous êtes mon idole

Et le serez toujours.

Pour moi dans cette vie

Il n’est pas de bonheur

Et Don Juan ma jolie

Vous donnera son cœur.

2e Ct

Mais il fallu quitter sa belle

Car minuit c’est l’heure de carnaval.

Don Juan que la musique appelle

Va finir sa soirée au bal.

Quelle est donc cette belle inconnue

Sa beauté brille sous le loup noir

On l’admire, on s’arrête à sa vue

Dédaigneuse elle va sans rien voir.

Et Don Juan oublieux

De sa belle aux grands yeux

S’approchant à son tour

Murmure avec amour

Refrain

O ma belle Espagnole

Au masque de velours

Vous êtes mon idole

Et le serez toujours.

Pour moi dans cette vie

Vous êtes le bonheur

Et Don Juan ma jolie

Vous gardera son cœur.

3e Ct

Merci répondu l’étrangère

En levant son masque de velours

C’est moi Nita et je préfère

Cent fois la mort à votre amour.

Vous pourrez avoir toutes les femmes

Jamais vous ne serez mon vainqueur.

En disant ces mots la noble dame

Se plongea un poignard en plein cœur.

Et Don Juan de ce jour

Fut d’amour en amour

Plus rien ne le charmait

Car toujours il songeait.

Refrain

C’était une Espagnole

Aux grands yeux de velours

Elle était mon idole

Et le serait toujours.

Pour moi dans cette vie

Il n’est plus de bonheur

Car Don Juan ma jolie

Vous à gardé son cœur.

 

Fin

 

 

 

 

Les suites d’un premier lit

_________

 

Le jour où j’épousai ma femme

Elle avait de son premier lit

Une fille à l’œil plein de flamme

De laquelle mon père s’éprit.

Mon père qu’était veuf mais très tendre

Avec ma fille il se maria

Si bien que mon père devint mon gendre

Et que j’fut l’beau-père de papa.

Refrain

Je n’sais pas si je me fais comprendre

C’est bien simple mais ! cependant

En tous les cas vous pouvez me reprendre

Si c’la vous semble embarrassant.

2e Ct

Ma belle-fille devint donc ma mère

Ma belle-mère cela s’entend.

Or moi je devins bientôt père

C’est ici qu’ça s’cor légèrement.

De ma fille mon fils fut l’frère

Mais là ne s’arrête pas tout

Car étant l’beau-frère de mon père

Il devint mon oncle du même coup.

(au refrain)

3e Ct

La jeune femme de mon père

Ma première fille par conséquent

A son tour devint bientôt mère

D’un gros garçon très bien portant.

Ce garçon fut la chose est claire

Mon petit-fils mais avec ça

Il était également mon frère

Puisqu’il était l’fils de papa.

(au refrain)

4e Ct

Suivant les règles de la famille

Et les usages établis

Il est claire que l’fils de ma fille

De ma femme devint l’petit-fils.

Or comme il s’trouvait être mon frère

Alors il arriva ma foi

Que ma femme devint ma grand-mère

Tout ayant quatorze ans d’moins que moi.

(au refrain)

5e Ct

Or par ce bizarre amalgame

Alors il arriva ceci

Que j’fus l’petit-fils de ma femme

Dont j’étais également l’mari.

Voilà comment chose singulière

Par les suites d’un premier lit

Je devins mon propre grand-père

Et je l’suis encore aujourd’hui.

Refrain

Je ne sais pas si je m’suis fait comprendre

C’est bien simple mais cependant

Je suis tout près à la reprendre

En reprenant au commencement.

 

Fin

 

 

 

Pot-Pourri

_________

 

C’était par une nuit sans voile

Un soir d’un amoureux espoir

Sur la route de Florence

Au clair de la lune

Je l’ai vue, je l’ai bien vue.

C’était une femme je le proclame

Elle me regardait en souriant

Je l’aborde et lui dit galamment

Vous êtes jolie ; Quel âge avez-vous

Dix-huit ans à peine ; Votre petit nom,

Mon nom : Caroline, Caroline,

J’suis l’beau blond ; j’suis l’beau blond

Ecoutez-moi donc.

Je n’écoute jamais les hommes c’est folie

J’te donnerai, un louis pour faire

Coucou, la conaqui, qui, qui, la conacou

La conaqui.

Vas-y donc mon p’tit chien, chien

Puisque tu casques, tu m’appartient

Bras dessus, bras dessous,

Nous partîmes gaiement

Jusqu’au seuil de ta porte

L’amour est un gamin des plus volage

Et si tu veux qu’on s’aime mon loulou,

Viens avec moi jusqu’au 6e étage.

Ah, c’qu’on est bien mademoiselle,

Ah, c’qu’on est bien chez vous.

Sous son jupon rose,

Je glissai ma main et je lui dit d’un air malin

Je sens qu’il vous manque quelque chose.

Oui quelque chose qui vous ferait bien plaisir

Fait dodo mon p’tit gosse

J’veux pas qu’tu m’embrasse sur la bouche.

Mais plus bas, où ça n’se doit pas.

Je cherche fortune, autour du chat noir

Na mi-mi, ma petite Miette

Tes lèvres sont jolies.

J’suis en l’air, j’suis en l’air

Ah viens ! Ah viens ! Viens dans mon aéroplane

Pousse de ton côté moi j’pousserai du mien.

Qu’est-ce que tu fais là.

Qu’est-ce que tu fais là.

Lorsque tout est fini

C’est la toilette, c’est la serviette.

Petits enfants, perdus dans les flots bleus

Le cœur content, j’quittais la belle enfant

Mais huit jours après, j’allais chez l’médecin

Ça me pique, pique, pique, pique, pique à la mécanique

Petit joujou tu m’as fait faire des bêtises.

J’ai souffert nul ne sais combien.

Si j’avais su j’aurais pas fait tout cela

Ça m’apprendra, ça m’apprendra

Dieu que les femmes sont cruelles

Quand elles sont trop belles.

 

 

 

 

Le baiser au Front par G. Bateau

Ayant dans ce régiment un ami brancardier du nom de Bateau (voir listes de noms en fin de carnet), ce poème doit probablement être de ce dernier.

_________

 

1. Couplet

Sous le doux rayon de l’étoile qui luit

Le petit soldat qui rêve dans la nuit

En montant la garde

Sent qu’on le regarde

Et son jeune cœur, bat bien fort la chamade

Ce sont les beaux yeux, qui là-bas dans Paris,

Pleurèrent pour lui alors qu’il est parti

Et la silhouette

Jolie et coquette

A tous petits pas, trotte dans sa tête.

Refrain

C’est la plus blonde qu’il soit au monde

Exquis bijou d’amour ; qui rode ce soir

Lui murmurant « Espoir

Tu me reviendras un jour ! »

Et l’âme émue

Notre recrue

Songe au printemps derniers

Ou dans un soupir

Il la sentit frémir

Sous le premier baiser.

2. Couplet

Or voici l’aurore et le rêve s’en va

C’est dans un instant que l’on attaquera

Une sainte flamme

Lui passe dans l’âme

Il sait qu’il peut disparaître dans ce drame.

Mais il est encore sous le charme des yeux

S’il revient vainqueur, comme ils seront joyeux.

Que rien ne l’arrête

A la baïonnette.

En avant toujours, pour la blondinette.

Refrain

Mais cette blonde : Unique au monde

Objet de tant d’amour

Qui souffle l’ardeur

Au rythme de son cœur

Et le soutiendra toujours

C’est la patrie

Mère chérie

Voici qu’il est grisé

C’est la gloire enfin

Qui trouble le gamin

Sous le premier baiser.

3. Couplet

On court, on avance, on chasse l’ennemi

C’est l’élan superbe au milieu de grands cris

La mitraille tombe

Et creuse la tombe

Des adolescents qui dans l’herbe succombent,

Baïonnette au clair : on reprend peu à peu

La terre chérie, ou dorment nos aïeux

Et les balles frappent

Le couchant par grappes

A son tour le bleu sent la mort qui le frappe

Refrain

Mais elle est blonde : en la seconde

Où lui tendant les bras

D’un geste éperdu

Ce Héros inconnu

Se couche dans le trépas

Lorsqu’il chancelle

Il sent une aile

Qui semble le froler

La victoire à lui

Le prenant aujourd’hui

Sous le dernier baiser.

 

 

 

 

En quatre-vingt treize

 

1. Couplet

C’est quatre-vingt treize à Paris

On tire le canon d’alarme

Et pour délivrer le pays

Le peuple entier se rue aux armes.

Mais Lison, s’en moque vraiment

Elle est toute à sa jalousie

Car le chevalier son amant

Avec une autre se marie

Pourtant bravant la mort

Le chevalier proscrit

Pour lui dire au revoir, est venu cette nuit

Et dans un baiser il lui dit

Refrain

Je t’aimerai toujours Lison

Tu vois je suis venue quand-même

Mon cœur demeure en ta maison

Puisque c’est toi celle que j’aime

Pourquoi me tourmenter Lison

Embrassons-nous ma blondinette.

Un mariage de raison

Ne peut me faire perdre la tête.

2. Couplet

Mais on frappe à la porte « ouvrez »

La police ! Cache-toi vite.

C’est minuit j’allais me coucher

Je m’habille, et j’ouvre de suite

C’est en vain qu’ils ont tout fouillé

Excusez donc ma charmante

Le bel oiseau c’est envolé

Sa promise sera contente.

Folle de jalousie : Lison a répondu

Le voici prenez le, car perdu pour perdu

Elle ne l’aura pas non plus.

Refrain

Pourquoi m’as-tu livré Lison

Je ne puis te haïr quand-même

Tu vois malgré ta trahison

C’est toujours toi celle que j’aime

Je nargue le bourreau Samson.

Sa besogne est à moitié faite

Car mon amour pour toi Lison

M’a déjà fait perdre la tête

3. Couplet

Lison, depuis déjà trois nuits

N’a pas quitté la guillotine

On attend on chante, on rit

On danse autour de la machine

On amène le chevalier

Lison, supplie la populace

Grâce pour lui mon bien aimé

Qu’on me guillotine à sa place

Il monte à l’échafaud

D’un pas majestueux.

Et son regard s’en va

Comme un baiser d’adieu

Vers Lison qui le suit des yeux.

Refrain

Il monte lentement. Puis un cri dans la foule

Seul le tambour qui roule « Ah ! »

Et Lison chante maintenant.

Il va revenir. Elle le guette

Car Lison comme son amant

Pour toujours à perdu la tête.

 

 

 

 

Rebecca

 

Rebecca joli p’tit trottin

Jeune ouvrière

Allait travailler chaque matin

Rue Poissonnière

Et voilà comme

Certain jeune homme

La trouvant bien, lui demanda sa main « Hein ? »

Mais elle sans s’épater de rien

Lui dit sévère

Mon vieux ne compte pas sur ma main

Y a rien à faire

Et si ça t’gène

Emploie la tienne

Je t’assure mon vieux que tu s’ras mieux servi

Refrain

Rebecca, Rebecca, Ah ! qu’elle a du culot c’te gosse.

A c’t’âge là, faut voir ça

C’est déjà une drôle de p’tite rosse

Rebecca, Rebecca,

Faut qu’elle réponde ou qu’elle rouspette

Ah vraiment la sacré p’tit’ arpète

C’est épa-tant-le-cu-lot qu’elle a.

2. Couplet

Elle a bien soin d’vant les cancans

D’faire sa toilette

Sans jamais tirer les ridaux

La p’tite coquette

Les passants guettent

Ses deux noisettes

Et son papa s’écri qu’est ce que c’est qu’ça. Ah !

Veux tu t’cacher, ici non de nom

C’est un scandale

Mais tranquillement la gosse répond

Ce n’est pas sale

Y a rien qui blesse

C’est pas mes f…. jambes

Que dirais-tu

Si j’leur montrait mon nu.

au refrain

Rebecca, Rebeca, etc…

3. Couplet

Par les grandes chaleurs sans façon

Elle se promène

Mais elle n’met jamais d’pantalon

Ca ça la gène

Quand elle s’installe

Aux impériales

Le conducteur

S’écri d’un air moqueur « Ah ».

« Ah ! mam’zelle qu’elle joli tableau

C’est magnifique »

« Tant mieux pour toi mon vieux poteau »

Qu’elle lui réplique

Comme dans une glace

Fait pas d’grimace

Tu verras qu’c’est

Tout à fait ton portrait.

4. Couplet

Enfin comme elle devait s’marier

La s’maine prochaine

Et qu’elle n’a plus d’fleur d’oranger

Elle dit sans gène

Celui que j’adore

Il l’a encore

De cette façon

Ça fait compensation « ah ! »

S’il rouspète eh bien lui dirai

Mais au contraire

Voyons mon cher c’est tout à fait

Une bonne affaire

Song’s donc grosse bête

Qu’la place est faite

Pour toi mon chien

C’est du travail de moins

Refrain

Rebecca, Rebecca, jamais on n’pourra la faire taire

Un monsieur, vieux grincheux

S’écria si j’étais ton père

Tu verrais, j’te r’dresserais

Mais la p’tite lui dit sans manière

Ah mon vieux va r’dresser ton p’tit frère

Et tu viendra m’voir quand il s’ra prêt

Pas vrai !

 

 

 

 

Le loup de mer

 

Hein ! de quoi un homme à la mer

Tant pis je n’suis pas de service

Comment, un paquebot se perd

Tous vont périr, Dieu les bénisses.

Vous dites que je suis un lache vraiment

Eh bien  écoutez mon histoire

Elle est triste c’est à n’y pas croire

Chaque fois que j’y pense

Je pleure comme un enfant

1. Couplet

J’étais pêcheur bien misérable

Et j’aimais car elle m’était tout

Ma Jeanne une femme adorable

Dont les caresses me rendait fou

Un soir un copain, m’dit Jean-Pierre

Tu sais qu’ta femme a un galant

Ils se voient près de la croix de pierre

Quand sur la mer tu vas d’l’avant

Moi qui m’croyait sûr de ma femme

J’bondis sur le dénonciateur

En lui criant « Canaille infâme

Tu veux donc faire mon malheur »

Refrain

Ma femme est un ange du bon Dieu

Y a du ciel dans ses yeux bleus

Et je suis sûr que la pauvrette

Avec nul ne fait la coquette

Elle est toute ma vie on l’sait bien

Et j’étranglerais le vaurien

Qui voudrait briser mon bonheur

En me prenant son cœur.

Il y a eu ensuite une inversion de page dans les photos car la suite du poême le loup de mer (page de gauche de photo 27) est page de droite de photo 28

2. Couplet

Un soir que j’fuyais d’vant l’orage

Au loin j’vois passer un canot.

Vers lui j’vais en criant courage

Et j’aperçois un homme dans l’eau

Je le cueillis sur une lame.

Quand une seconde tête aparaît

Et je r’connais alors ma femme

Dont le regard me suppliait

Comprenant tout j’lui criais gueuse

Je vais te rendre ton amant.

Et pris d’une folie furieuse

Je r’jetai l’homme dans l’ocean.

Refrain

Je ne sais pas si le Bon Dieu

Me pardonnera se crime odieu

Mais j’pouvais pas faire la folie

D’sauver ceux qui brisait ma vie

Voilà pourquoi quand y a gros temps

Je regarde la mer en pleurant

Car c’est en faisant le sauveteur

Que j’ai brisé mon cœur.

 

 

 

 

 

Conquête et Galette

 

Dans l’faubourg St Martin

L’aut’jour j’vis un pied fin

Je l’accost’ c’était une bacchante

Epatante, Ravissante

Elle avait des nichons

Gros comm’ des p’tits ballons

Une chute de reins magnifique

Et des yeux folichons.

Je l’accoste et lui pince la taille

J’lui tendrons voulez-vous faire ripaille

Je suis très gai lorsque j’ai pris la taille

Sur l’boulvard nous f’rons un balthazard.

Elle me répond d’une voix grave

Tu as raison mon trognon

J’suis pas une poire une betterave

C’qui m’faut c’est du pognon

C’qui m’faut c’est la galette

Ça m’fait boire du Cliquot

Mais vous avez une bonne tête

Allons dans vot’ gargot.

2. Couplet

Au deuxième chez l’traiteur

Nous soupons oh bonheur

Après l’desert suivant l’usage, de son corsage

Elle se soulage.

J’aperçois des rondeurs, des trésors des splendeurs,

Aussitôt j’dis à ma compagne.

Les petits vadrouilleurs

Je vous adore ô ma tendre poulette

Pardonnez-moi je m’sens devenir pompette

Mais subito m’répond la Gigolette

Vieux fourneaux. C’est pas rare d’être poivrot.

Je lui réponds d’une voix grave

Tu as raison mon trognon

J’suis pas une poire une betterave

Mais faut régler l’addition.

Nous montons dans une roulante

Visite son logis

Le cocher, l’bouffeur et l’amante

C’la f’sait déjà trois Louis.

3. Couplet

Le lendemain au réveil

Je m’arrache au sommeil

Et je cherche la maîtresse, mais tristesse.

La diablesse,

Désertant le lit blanc, elle était fichu l’camps

En emportant toute ma galette

Et jusqu’a mon grimpant.

Je cours aussitôt chez Mr le Commissaire

Qui m’dis c’est bien j’vais classer votre affaire

Maintenant mon p’tit allez vous faire lonlaire

C’est tout voilà mon secrétaire vous écrira.

Et je m’en reviens d’un air grave

En m’disant mon garçon

T’as su faire la poire la betterave

Et même le cornichon

Si tu vois une Gigolette

Méfis-toi du pied fin

Songe alors à ta conquête

Du faubourg St Martin.

 

 

 

 

J’ sais pas

 

Avec les femmes qu’ou l’on parl’ d’amour

On us’rait bien sa langue tous les jours.

Avec les cocott’s encor c’n’est rien

On discut’un peu l’prix c’est certain

Mais les femme’s honnêtes c’est différent.

Faut leur faire tout un tas d’boniments

Ell’s répondent de telle façon

Qu’on n’sais jamais nom de nom

Si c’est du Lard ou bien du cochon.

Refrain

Pourquoi rougiss’nt-elles sans cesse ? J’sais pas.

Sitôt qu’on leur pince les f….. ? J’sais pas.

Pourquoi donc qu’elles font un tas d’chichis.

Dès seulement qu’on parle de s’mettre au lit.

Pourquoi qu’elles font tant d’manières ? J’sais pas

Pour une chose si simple à faire ? J’sais pas

Pourquoi donc qu’elles disent non

Puisqu’une fois, qu’elles y sont

Elles murmur’nt chéri ! Ah ! comme c’est bon

3. Couplet

Tout l’monde se plaint qu’on n’fait plus d’enfants

Mais la vie coute si cher à présent

Et la loi laisse encor aujourd’hui

Les filles mère, sans secours sans appui

Dès qu’une balonn’ attrape un’fluxion

On lui colle, ses huit jours allez donc

Et v’la du jour au lendemain

Des pauvr’s fill’s qui rerst’nt sans pain

Mais c’est d’leur faute aussi non d’un chien,

Refrain

Pourquoi donc qu’elles ont la bosse ? j’sais pas.

Sitôt qu’elles s’font fair’un gosse ? j’sais pas

Car enfin si leur ventre restait plat

Y a pas d’erreur ça n’se verrait pas.

Alors pourquoi cette bedaine ? J’sais pas.

Qu’elles trimbal’nt pendant des s’maines ? J’sais pas.

Les hommes sont plus prudents

Quand ils font un enfant

Ils grossissent….mais ça dur ‘moins longtemps

3. Couplet (4e ?)

Y a des gens qui posent pour la pudeur

Et qui tap’nt sur l’concert de bon cœur.

Ils y vont mais pour dire en sortant

Ce spectacle est vraiment ecoeurant

Et tout ça souvent parc’qu’ils ont vu

Un’douzain’ de p’tites femm’s en tutu.

Mais ils conduis’nt leurs enfants

Au Louvre ou c’est dégoutant

Les statues n’en n’ont même pas autant .

Refrain

Est-ce plus moral, et plus digne ? J’sais pas.

Parce qu’il y a des feuilles de vigne ? J’sais pas.

Alors pourquoi donc quand il fait chaud

Qu’on met des culott’s et des pal’tos.

Est-ce que ce n’s’rait pas plus chouette ? J’sais pas.

D’avoir une p’tite bavette ? J’sais pas.

Au moins nos braves agents.

Lorsqu’il f’rait un peu vent

N’aurait plus besoin, d’leur baton blanc.

4. couplet (5e ?)

Aujourd’hui not’commerce est fichu

D’puis quequ’temps les affaires ne vont plus

A la bourse les valeurs ont baissés

C’est à vous dégouter d’être rentier.

L’Agriculture aussi manque de bras

Je n’sais pas comment ça finira

Et tout ça pour qu’elle raison

Parbleu parce que nous achetons

A l’étranger toutes nos provisions

Refrain

Pourquoi qu’on s’sert du bleu d’Prusse ? J’sais pas

Et qu’on porte des chaussettes Russes ? J’sais pas.

Pourquoi donc qu’il y a tant de Français

Qui boulott’nt des p’tits pois ecossais.

Pourquoi donc y a tant d’Française ? J’sais pas.

Qui s’serve’nt de …Cam’lotte Anglaise ? J’sais pas.

Heureusement nom de d’la

Qu’lorsqu’on veut voir le chat

Y a pas b’soin d’aller en Perse pour ça !!!

5. Couplet (6e ?)

Nos deputés sont vraiment de braves gens

Qui prononc’nt des discours epatant.

Y n’sont p’t’etre pas tous du meme avis

Ça n’fait rien c’est pour l’bien du pays

Mais en attendant que l’age d’or soit v’nu

Nous aurons l’impot sur le rev’nu

La reforme de l’enseignement

Deux ou trois bricolles avant

Vous pensez si l’peupl’va etre content

Refrain

Quand est-ce qu’il y aura plus d’guerre ? J’sais pas

Et les retraites ouvrieres ? j’sais pas

Comme y n’reste pas un sou dans l’trésor

Faudra voter les impots d’abord.

Quand est-ce qu’la vie s’ra moins chère ? J’sais pas

Et qu’on s’ra tous millionnaire ? J’sais pas

Mais je sais qu’dans quatre ans

On changera d’parlement

Et ce sera la meme foutais’ qu’avant

Fin

 

 

 

 

La Petite Horloge

 

C’était un p’tit gas arrieré, mal fait

Qui l’soir pour deux sous vendait des bouquets

Une belle dame, un jour l’voyant si novice

De l’emmener chez elle s’offrit le caprice

L’innocent grisé crut mourir d’emoi

Car son cœur battait pour la première fois

Il battait si fort devant la mutine

Qu’il dut a deux mains s’tenir la poitrine

Et tandis qu’elle riait, riait.

Le pauvre gas lui soupirait.

Refrain

J’ai dans l’cœur

Un’ petite horloge

J’entends lorsque je l’interroge

Qu’ell’bat, qu’ell’bat, tant j’ai d’bonheur

Moi qui n’suis qu’un gamin d’Paris

Je n’en sais trop rien, mais j’vous l’dis.

Ell’ doit marquer l’heure du Paradis.

2. Couplet

Etant ça s’comprends eperdu d’amour

Le p’tit gas croyait qu’ca dur’rait toujours .

Mais la demi mondaine le mis à la porte

Non tu n’voudrais pas, mon p’tit faut qu’tu sorte.

N’saisissant pas bien, trop simple d’esprit

Il faillit tomber le pauvre petit

Et tout grimaçant d’un air ridicule

Sentit s’disloquer la petite pendule

Puis ayant un instant songé

Il entra chez un horloger.

Refrain

J’ai dans l’cœur

Un’ petite horloge

J’entends lorsque je l’interroge

Qu’ell’ est cassée, j’en ai bien peur

Elle marchait trop vite en une fois

Et dam’ ça vous fait je n’sais quoi

Quand ça s’arrêt’ ça fait mal, ça fait froid

3. Couplet

Le brave horloger crut qu’il se moquait

Mais le regardant il vit qu’il pleurait

Et dam’ quand on voit couler de vraies larmes

Même ayant le cœur dur, cela vous désarme

Il prit dans sa main celle du petit.

Et tout attendri, doucement lui dit

Tu sens s’detraqué les r’ssorts de ton âme

Va je le comprends c’est l’œuvre d’une femme

Tu n’es pas l’seul mon pauvre gas

Faudra tacher d’oublier ça

Refrain

T’as dans l’cœur

Un’ petite horloge

Pas besoin que je l’interroge

Ça n’marche pas, c’est un malheur

Mais on n’peut rien faire dans ce cas

Car pour tout l’monde ces horloges là

Quand c’est cassé ça n’se raccomode pas.

 

Fin

 

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