Carnets de guerre de Paul Gustave DUCHATELLE

Sergent, puis sous-lieutenant au 303ème régiment d’infanterie, 21ème compagnie

3ème carnet de guerre du 14 juillet – 8 septembre 1915

#Chtimiste

 

 

Publication : mars 2009

Mise à jour : août 2023

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Paul DUCHATELLE du 303e régiment d’infanterie.

 

Marc nous dit en mars 2009 :

« Je vous prie de trouver la copie de quatre carnets de guerre (dans leur version intégrale) de mon arrière petit cousin Paul DUCHATELLE né à Paris le 16 août 1885 et mort au combat le 21 août 1917. Je vous donne l'autorisation de reproduire ces carnets dans leur intégralité. Il y avait sept carnets, trois ont été perdus. Je serai intéressé d'acquérir tout document concernant le 303ème ou être en contact avec d'autres personnes ayant des documents. Bien à vous. »

 

Carnet N° 1 : Perdu

Carnet N° 2 : du 3 avril - 13 juillet 1915 – Le lire ici

Carnet N° 3 : du 14 juillet – 8 septembre 1915 – Le lire ici

Carnet N° 4 : Perdu

Carnet N° 5 : du 25 juin – 7 décembre 1916 – Le lire ici

Carnet N° 6 : Perdu

Carnet N° 7 : du 9 juin au 16 août 1917Le lire ici

 

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TROISIEME CARNET : 14 juillet – 8 septembre 1915

14 et 15 juillet 1915

 

PAGES DECHIREES.

16 juillet 1915

La rue est traversée par les obus qui vont éclater assez loin.

Je vais visiter Fresnes-en-Woëvre dont toutes les maisons sont comme de formidables chicots.

L’église a son autel dévasté ; mais celui de la Vierge et de Saint Joseph sont presque intact. La pointe du clocher droit est retournée verticalement dans l’église.

De la mairie, il ne reste que la façade ainsi que de riches maisons voisines. Je vais visiter la maison du jardinier à l’entrée de Fresnes (route de Manheulles) prés de laquelle nous avions cantonné lors de la reprise de Fresnes en octobre. Actuellement, cette maison n’est que ruine.

Le soir, nuit noire, le canon tonne tout proche ; mitrailleuses, fusées ; dans ces ruines l’écho est formidable et cela dure toute la nuit.

17 juillet 1915

Dès le matin, attaque extrêmement violente. Le canon fait vibrer toutes les maisons de Fresnes, c’est l’ennemi qui a attaqué dans le val des Éparges. Tranchées de Calonne, cela dure plus de deux heures. Le reste de la matinée, le canon continue à tonner plus faiblement et quelques coups éclatent sur Fresnes.

Beau temps.

Une chapelle a été faite dans une chambre qui n’est pas trop endommagée, aux environs d’un magasin de nouveauté dans la rue de Verdun.

Il y a un homme qui a été tué le matin même et il y est exposé dans un cercueil. L’écho du canon dans ces ruines est formidable.

L’après midi, corvée pour porter des caisses de cartouches aux tranchées. Le régiment, le 120ème, que nous remplaçons n’avait aucune cartouche aux tranchées.

Naturellement, l’ennemi aperçoit la corvée et la bombarde et il envoie en même temps quelques obus sur Fresnes et nous avons un blessé.

 

A la nuit, nous partons aux tranchées.

Le secteur à déjà été pris en avril à Trésauvaux, mais actuellement elles sont plus en avant. Je prends service à gauche du chemin du Meusier et je vais au petit poste. Il fait une nuit noire comme encre.

A ce moment, il y a une attaque sur les Éparges et l’ennemi lance quelques obus en arrière de nous.

Je pars donc avec la première escouade au petit poste. Il pleut et le boyau ne forme plus qu’un ruisseau. Je rentre résolument dans l’eau qui monte par dessus les chaussures et les 600 mètres de boyau sont pareils.

Le petit poste est à 300 mètres de la tranchée, avec un autre petit poste à 300 mètres encore plus éloigné. Les sentinelles sont donc à 600 mètres de la tranchée et se trouvent au pied des Éparges.

En sentinelle la plus éloigné, il y a GUYON, CRESTELS et les 2 MORIM, hommes de toute confiance ; ils restent les 24 heures avec DÉCOT leur caporal.

Les 5 autres sont échelonnés dans les 300 mètres de boyau qu’il y a entre les deux petits postes. Ceux que nous sommes venu relever ayant fait un peu de bruit, immédiatement l’ennemi nous envoi quelques scharpnells, et BROUDIN est blessé aux reins dans la tranchée de résistance.

Toute la nuit, le canon tonne sur les Éparges, ainsi que la fusillade.

Il y a attaque sur les 1 heure du matin. C’est infernal.

Le projecteur ennemi d’Hattonchâtel balaie la plaine de son rayon lumineux. L’ennemi a véritablement un outillage merveilleux ; tous nos projecteurs ne sont que des miteux à côté de celui-ci.

Le jour arrive dans trop d’incidents.

18 juillet 1915

Au petit poste, près des Éparges. La pluie a cessé mais ce matin, il fait froid. Le canon tonne continuellement sur les Éparges. Cela a la régularité que possède une aiguille qui marque les minutes ; les silences sont rares et de courte durée.

La côte des Éparges est d’un teint roux, et toute ravinée par la mitraille. Elle fait tache sur la verdure de la ligne des côtes.

Comme monument de souvenir à élever sur cette côte, il faudra après la guerre y ériger un immense Christ en croix et entourer tout le bas de la côte d’une grille et la laisser tel qu’elle se trouve en ce moment.

C’est un des plus grands drames de l’humanité qui se déroule depuis février, et cela tous les jours et toutes les heures.

4 heures 30 du soir, notre artillerie envoie quelques grosses marmites sur Marchéville.

Une attaque violente se déclenche dans le ravin des Éparges.

 

6 heures du soir, l’ennemi nous fait l’honneur, à nous seul, de nous bombarder au petit poste. Il nous envoie plusieurs rafales et nous encadre bien dans un groupement de 20 mètres à peine. Un obus arrive en plein dans le parapet.

La nuit, rétablissement du service de nuit.

L’ennemie continue ses plaisanteries et envoie encore quelques scharpnells dont un morceau tombe au bout de mon pied sans le toucher.

10 heures du soir, TUPPER vient nous relever.

A ce moment, se déclenche une attaque aux Éparges qui cesse aussitôt.

Nous prenons notre repas que nos cuisiniers ont apporté.

Cette tranchée est vraiment un modèle ; elle est très bien et solidement construite avec des sacs de sable. Encore un scharpnell qui éclate juste au dessus des sentinelles ; à l’entrée du boyau et nous n’avons que juste le temps de nous mettre à l’abri toute la nuit.

Les balles rasent le parapet, mais ici cela n’a aucune importance, il y a des créneaux extrêmement bien disposés.

Le projecteur ennemi d’Hattonchâtel continue à balayer le terrain, nos projecteurs, des forts, sont forts piteux à côté, avec leurs faisceaux lumineux si étriqué, ils ont l’air de toujours épousseter le ciel.

19 juillet 1915

Tranchées de Fresnes à Trésauvaux.

Le jour se lève sur un calme en apparence assez complet. Le matin, à 9 heures, attaque dans le ravin des Éparges.

Il y a quelques camarades qui ont la curiosité d’aller jusqu’aux Éparges où la terre est mêlée à des lambeaux de chairs humaines et ou règne une odeur de décomposition.

D’ici l’on voit très bien le bois de sapin ou plutôt ce qui a été un bois, maintenant il n’y a plus que quelques tronçons d’arbres noircis qui se dressent tout déchiquetés. Des grosses marmites sont tombées hier soir sur Trésauvaux, il n’y a eu aucune victime.

Tout le reste de la journée, duel à l’artillerie.

 

Sur les Éparges : de ce côté-là, la tranchée ennemie serpente tout le long de l’arête, elle est très visible.

De ce côté, la notre est parallèle un peu plus en arrière.

On aperçoit nettement l’entonnoir produit par la mine que nous avons fait exploser et qui a manqué une partie de son but, puisqu’une partie des tranchées françaises ont sautées avec une compagnie de chasseurs qui étaient dedans.

L’explosion de cette mine qui a crée l’entonnoir nous a causé la perte de 200 hommes. (*)

 

A la tombée de la nuit, l’ennemi envoi quelques 77 sur la tranchée comme les jours précédents ; ce doit être une habitude.

Nous sommes relevés par la 24, tout parait tranquille.

A ce moment la lune promène son croissant juste au dessus de la côte des Éparges, qu’elle éclaire de sa lumière blafarde, c’est sinistre. Une courte attaque se produit : des fusées de toutes les couleurs aux voiles rouges, blancs et rosés partis de plusieurs points de l’horizon, éclatent.

Nous partons vers la Noire Haye.

Nous voyons dès le départ, des obus, mitrailleuses et fusillade accompagné de la lumière au projecteur à Hattonchâtel.

Nous arrivons à Fresnes en suivant la voie du Meusier sans dommage.

Départ pour la Noire Haye par Manheulles.

Nous arrivons à la voie romaine, et notre attention est attiré par quelque chose d’insolite qui se passe dans le ciel : des éclairs de scharpnells qui éclatent tout dans le ciel et le projecteur ennemi d’Hattonchâtel fouille avec insistance dans le ciel.

Nous apercevons dans le rayon lumineux des projecteurs un fuseau brillant ; pas de doute, c’est un dirigeable, français certainement puisque le projecteur ne le lâche pas, puis du côté de Metz, voici que tous les autres projecteurs des forts de Metz fouillent le ciel à leur tour.

Le dirigeable toujours dans le rayon lumineux du projecteur à Hattonchâtel et de deux autres plus voisin passe au dessus de nous.

Il prend la direction de Verdun ou un projecteur lui fait des signaux pour lui indiquer la route pour rentrer.

Nous arrivons à la Noire Haye ou maintenant loge l’état-major du régiment.

Nuit tranquille.

 

(*) : 19 juillet 1915 : « perte de 200 hommes » : Mémoire de Hommes identifie le 11 juillet 66 tués au total (donc incluant ceux des attaques succédant à l’explosion des mines) et 50 tués le lendemain dont de nombreux du 18ème BCP avec des disparus (probablement ensevelis le 11 selon les JMO cités).

20 juillet 1915

Noire Haye

Belle journée. Écho du canon. Journée tranquille.

Une contre –attaque allemande dans les Vosges nous fait perdre une partie de terrain conquis.

21 juillet 1915

Noire Haye

Belle journée.

Évolution d’aéroplane au dessus du camp.

Écho du canon.

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Photo de l’auteur Paul DUCHATELLE, 303e régiment d’infanterie.

22 juillet 1915

Noire Haye.

Dès le matin, de grosses marmites ne tombent pas loin de Manheulles probablement, notamment une qui fait tout vibrer aux alentours, évolutions d’aéros au dessus du bois.

LEBRUN va travailler à la fabrication des munitions. Il vient me faire ses adieux.

Journée sans incident. Un dirigeable ennemi passe au dessus du bois. L’ordre est donné d’éteindre toutes les lumières.

23 juillet 1915

Noire Haye

Pluie. Le canon se fait entendre dès le petit jour. Période de calme le reste de la journée.

Voici 3 départs de permission dans la compagnie.

Il n’est pas encore parti un sous-officier de la compagnie. C’est un vrai cafouillage que ces permissions, il n’y a que ceux qui sont embusqués ou presque qui partent. Aussi comme protestation, je fais une demande de remise de galons que je dépose au bureau de la compagnie.

Le soir, départ pour les tranchées de Trésauvaux ou la demi-section est de réserve et en liaison avec le 117e territorial du Gard.

Pour venir, nous avons reçu deux averses et nous sommes complètement trempés, avec cela nous avons beaucoup de difficultés à marcher dans le terrain glissant. Le 75 qui tire sur les Éparges et son ravin fait entendre un son sec et cassant toute la nuit.

24 juillet 1915

Tranchées.

Toute la matinée, quelques obus sifflent au dessus de nos têtes ainsi que quelques balles qui viennent se ficher en terre à quelques pas de nous.

Trésauvaux est au bout de la tranchée à quelques centaines de mètres. L’église coquette n’a pas trop souffert à part la pointe du clocher qui a reçu un obus. La grande majorité des maisons paraissent être en bon état.

Pluie continuelle, l’après midi. Quelques obus et balles passent au dessus de nous.

Nuit noire.

Des obus de gros calibre pièces de marine passent à chaque moment au dessus de nous et vont éclater assez loin dans les lignes ennemies du côté de Marchéville. Le 75 fait entendre également son bruit sec. L’ennemi riposte en envoyant quelques 77 sur le petit poste.

Les Éparges paraissent calme à part quelques coups de fusils au petit jour, une brève attaque d’infanterie se déclenche dans le ravin de S …. 

25 juillet 1915

Tranchées Trésauvaux.

Temps couvert. Tout ce matin, duel d’artillerie. L’ennemi riposte sur les tranchées de 1ère ligne relevé par le 31e territorial.

Arrivé à Fresnes dans incident. Naturellement, la compagnie a encore changé de cantonnement. Je me suis couché dans une chambre dont le plafond a été crevé par un obus, et comme il pleut, l’eau tombe sur le parquet.

26 juillet 1915

Fresnes-en-Woëvre.

Belle journée.

Comme j’étais à causer avec le sergent major dans la rue, voilà qu’il arrive trois marmites qui éclatent à 4 mètres de nous, pas de blessé, c’est encore une chance de plus. En ce moment, l’ordinaire est plutôt maigre.

L’après midi, même séance que le matin : un obus éclate dans les jardins, voici qu’un homme du 330e se précipite, un outil à la main pour détruire la fusée qui peut être en aluminium avec lequel il fera des bagues ; un autre obus arrive au même instant et le tue, et ils sont tous comme cela.

Le matin, le même fait a failli se produire avec un cuisinier de la compagnie. Heureusement pour lui que le second obus mit plus de temps à venir ; sans cela il y passait aussi.

Le reste de la journée et la nuit tranquille.

27 juillet 1915

Fresnes-en-Woëvre

Mauvais temps, tranquillité absolue.

Le soir, l’ennemi envoi quelques grosses marmites qui n’éclatent pas loin.

Sur la ligne du chemin de fer (Meusier) ou le soir nous voyons les entonnoirs tout récemment fait de l’après midi, l’ennemi cherche à atteindre une batterie enterrée qui le gène beaucoup. Nous prenons les tranchées 17 en 1ère ligne juste aux pieds des Éparges.

Le 117e Territorial est à notre droite. Toute la nuit, crapouillots dans le Ravin de la Mort.

Au petit jour se déclenche une attaque dans le ravin des Éparges qui dure une demi-heure. Par périodes régulières arrivent des obus de gros calibres dans le Ravin de la Mort.

Il pleut à verse.

28 juillet 1915

Tranchées.

Dans le ravin des Éparges.

Température fraîche pour le mois de juillet. Il ne fait pas chaud.

De grosses marmites éclatent continuellement dans le Ravin de la Mort et font vibrer le sol.

De la tranchée ou nous sommes l’on aperçoit à 100 mètres le bois de sapins ou plutôt ce qui a été le bois qui commence à grimper au pied de la côte. Ce ne sont plus que des tronçons d’arbres. L’entonnoir ; la tranchée française qui serpente sur le flanc de la cote.

Toute l’après midi, les marmites éclatent au pied de la tranchée et les éclats tombent à nos pieds. Au sujet de l’effectif qui garnit la tranchée française, je laisse de la place pour écrire...

 

Le 117e Territorial n’est composé que d’hommes d’un certain âge, déjà 45 ans le moins. Voici dans une semaine 1 an de guerre et la victoire ne nous a plus sourit depuis les combats de la Marne.

Il faut attribuer cela à la désorganisation que la république a mis dans tous le pays.

Tous les courtisans n’ont cherché qu’à s’embusquer et cela dans des emplois qu’ils n’étaient pas préparés à remplir. Pendant que l’ennemi silencieusement travaillait tout l’hiver à fabriquer des munitions, nos journaux braillaient dans leurs colonnes que l’ennemi manquait de cuivre, de coton, d’aluminium, de pétrole, de tout ce qui est nécessaire à la guerre, ce qui était faux; mais nous, nous ne faisions rien ou si peu.

Les trois millions d’Anglais qui devaient venir pour la campagne de printemps ; où sont-ils !

Aussi, maintenant la défaite russe s’accentue et je ne serai pas étonné d’apprendre un de ces jours la prise de Varsovie et alors face à Verdun toute l’artillerie lourde ennemie va venir de ce coté avec le poids de toute la force ennemie.

 

La nuit arrive et amène un peu de calme dans le bombardement.

Nos cuisiniers nous apportent la soupe et de tristes nouvelles.

Quand ils quittèrent la tranchée à 5 heures et demi pour aller à la soupe, ils furent repérés par l’artillerie ennemie qui envoya une rafale sur Fresnes.

Un obus à fenêtre est rentré dans la maison du colonel coupant la cuisse à ce bon camarade FÉDRICI qui était à son poste téléphonique. (*)

Cet obus a également coupé le bas de la jambe de l’ordonnance (**) du capitaine QUENAUD de la 19ème, et déchiqueté la capote de TUPPER faisant fonction d’adjudant de bataillon qui heureusement venait de quitter sa table qui faisait face là ou l’obus est rentré.

Ce pauvre FÉDRICI qui était un grand et fort garçon, excellent camarade est mort un quart d’heure après. C’est une lourde perte pour la France car elle a besoin de beaucoup d’hommes aussi vigoureux. (***)

La nuit, beau clair de lune.

Crapouillots qui déchirent l’air en éclatant. Quelques balles passent d’une façon régulière au dessus de nous.

Nuit sans incident.

 

(*) : Émile Paul FÉDRICI, téléphoniste au 303e régiment d’infanterie, 29 ans, est mort pour la France le 28 juillet 1915 à Fresnes-en-Woëvre. Voir sa fiche.

(**) : LECOCQ Alphonse ou MASSERON Octave.

(***) : Sa fiche matriculaire indique qu’il mesure 1,79 mètres, ce qui est très grand pour l’époque !

Curieusement cet épisode est daté du 29 juillet dans le JMO du 303e régiment d’infanterie…

 

 

29 juillet 1915

Tranchée 17 Bas des Éparges.

Beau temps relatif.

Ce matin, bombardement par l’ennemi du ravin avec des grosses marmites qui déchirent l’air. Journée à peu près tranquille, échange de bombes et crapouillot sur les Éparges.

Le soir, calme absolu. Relève tranquille. Nous cantonnons à Fresnes.

30 juillet 1915

Fresnes-en-Woëvre

Belle journée plutôt froide.

Le canon se fait entendre faiblement. Il a été fait des râteliers d’armes dans les cantonnements !!!!

Dès que le jour est arrivé, corvée de toutes sortes. Bruit dans les rues, on ne se croirait pas aussi près des lignes. Les journaux nous préparent à apprendre la chute de Varsovie. Aujourd’hui a eu lieu la rentrée des premiers permissionnaires.

Impressions pénibles. Paris s’amuse, se fiche pas mal de la guerre ; la débauche règne en maître à l’arrière. Les boulevards regorgent d’embusqués qui se promènent dans des tenues de fantaisie.

Les petites villes de Normandie, idem.

31 juillet 1915

Fresnes-en-Woëvre

Beau temps.

Dès le matin, de grosses marmites tombent sur les tranchées et cela toute la journée. Dans la matinée, à 11 heures du matin, Fresnes est bombardé. Les obus tombent sur notre cantonnement et cela à plusieurs reprises dans la journée.

A la nuit, reprise du bombardement de Fresnes, la compagnie a 3 blessés dont 1 grièvement. (*)

Il aurait pu y avoir une catastrophe : une voiture à explosifs venait de décharger quelques instants après le bombardement à l’endroit ou avaient éclatés les obus.

Quelques minutes après, recommencement du bombardement.

Nous quittons Fresnes avec de grands intervalles entre les sections. Il n’est pas étonnant que nous soyons bombardés, toutes les corvées vont à la gare en fumant force cigarettes et avec un tapage !

Varsovie est bien prés d’être abandonnée, si elle n’est pas déjà occupée par l’ennemi.

Pendant le trajet pour la Noire Haye, les projecteurs font de forts signaux. Il doit y avoir un dirigeable qui évolue dans nos parages. Nous arrivons à la Noire Haye à minuit.

La nuit est calme.

 

(*) : Le caporal HUARD Amélise, sergent LANDRY Charles et le soldat POCHOLLE Gaston.

1er août 1915

Noire Haye.

Dès le matin, l’écho de l’éclatement de grosses marmites nous arrive, ainsi que de plus petit calibre.

L’observation d’artillerie estime qu’hier, il a été lancé par l’ennemi 300 obus de gros calibre sur la tranchée. Dans la journée, corvées diverses.

2 août 1915

Noire Haye

Journée assez calme. Température indécise.

Matin, corvée de gabions.

Violent bombardement de Fresnes. Nous sommes mis en alerte. Orages violents à plusieurs reprises.

3 août 1915

Noire Haye

Il pleut toute la journée.

Corvées diverses. Fresnes est toujours bombardée.

4 août 1915

Noire Haye

Mauvais temps.

L’ennemi continue à bombarder Manheulles et Fresnes. 1200 obus de gros calibres ont étés jetés par l’ennemi sur ces villages. Nous partons pour Fresnes. Sur la route de Fresnes à Manheulles, le projecteur ennemi de Maizeray d’une exceptionnelle puissance éclaire la route et nous force plusieurs fois à nous mettre à genoux.

Arrivée à Fresnes et au cantonnement qui nous est désigné par échelon.

Peu de temps après notre arrivée, l’ennemi envoie une volée de mitrailles. Plusieurs fois successivement dans la nuit, je quitte mon coin trop près du toit pour le rez-de-chaussée, c’est plus prudent. Quelques tuiles ne sont pas une protection suffisante contre un bombardement.

Boue et pluie toute cette journée.

 

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5 août 1915

Fresnes (*)

Belle journée.

L’ennemi envoie quelques obus sur les tranchées. Corvée pour la construction d’abri de bombardement.

L’ordre est donné d’enlever toutes insignes et médailles quelconques.

Cette mesure est prise par les F : pour faire enlever les médailles religieuses que presque tous portent ostensiblement, c’est surtout une persécution contre l’église qui est cherchée, c’est une vilenie de plus.

Les sacs sont montés et des ordres sont donnés pour que tout le monde soit prêt à partir à toute heure en cas d’alerte.

Dans l’après-midi, je suis de garde aux issues, bombardement extrêmement violent des tranchées et de Fresnes toute la nuit.

L’ennemi nous bombarde avec violence.

Des corvées ont lieu pour débarrasser le dépôt de gabions de la gare. Quelques blesses parmi la corvée.

Le petit poste de la 18ème vers Champlon a été bouleversé, 4 morts et 4 blessés. (**) 

Dans la nuit, à l’instant où l’ennemi bombarde, une vive fusillade est engagée ; est-ce l’attaque qui va s’engager ?

Le silence se rétablit peu à peu, cela vaut mieux car dans cette nuit noire comme encre, ce ne serait pas drôle.

Pendant ce temps, que fait notre artillerie ? Voici 10 jours que nous sommes sous ce bombardement et elle ne répond pas!

Tous les jours, des morts, des blessés, alors quoi ?

Que faut-il penser ?

 

(*) : Seule la 21e compagnie se trouvent à Fresnes-en-Woëvre à cette date.

(**) : Tués : Sergent BODEREAU Albert Louis (sa fiche), caporal GUIZIER Lucien, soldat RABLINEAU Eugène, soldat RICHER Marcel.

6 août 1915

Fresnes-en-Woëvre

Journée maussade.

Le matin, au petit jour, l’ennemi continue à nous lancer de formidables marmites. De même par période, pendant le reste de la journée.

A la nuit, départ pour les tranchées.

Nous changeons d’emplacement et nous succédons à la 18ème qui vient d’être éprouvé, nous devons cette faveur au commandant LAQUEUX F qui, ancien capitaine de la 21ème, ne sait de quelle façon la brimer parce qu’il n’est pas en bon terme avec le capitaine SAMAT qui commande la 21ème actuelle.

Nous prenons la route et nous arrivons après avoir subi les rafales de batteries de fusils qui repèrent le chemin.

La demi-section que nous remplaçons vient d’avoir son sergent tué la nuit dernière avec 3 hommes et 2 blessés et, elle est quelque peu désorganisée.

Nous arrivons à nous placer. A peine sommes nous installé qu’un bombardement en règle commence et cela toute la nuit, avec des obus de fort calibre. La gabionnade qui conduisait au petit poste a été complètement retournée par les obus ennemi, il n y avait pas besoin d’être grand clerc pour prévoir ce qui est arrivé.

Ces petits postes avec gabionnade pour y accéder sont à 600 mètres en avant des tranchées.

Elles ont du inquiéter l’ennemi ; mais il aurait fallu que notre artillerie réponde vigoureusement aux coups qui nous sont données mais elle est dans le plus complet silence, pourquoi ?

Existe-t-elle seulement.

Résultat : depuis que nous sommes dans le secteur de Fresnes, blessés et mort tous les jours ou presque.

7 août 1915

Tranchées près de Champlon.

Dans la nuit noire, nous n’avions pas bien situé ou nous nous trouvions.

Nous sommes à l’entrée de Champlon qui semble être presque rasé. C’est à peine si l’on y aperçoit quelques murs. Ici, nous sommes complètement dans la vue de la tranchée ennemie des Éparges (entonnoir).

Ce matin, dans notre petit coin, c’est calme, mais au centre quelques grosses marmites sont encore tombées.

 

De la soirée d’hier, je conserve un fort mal de tête, c’est à se demander si cela va continuer encore longtemps avec la longueur de cette guerre, le bombardement ennemi, l’absence de riposte de notre artillerie, le peu de perspective d’une issue à cet égorgement de l’Europe ; que va-t-il advenir de toute cette folie, et il y a des gens que nos poitrines mettent à l’abri qui hurlent jusqu’au bout, écrasement de l’ennemi, mais qu’ils y viennent donc ici, sous les obus. Si nous avions eu du matériel, des canons lourds, des mitrailleuses, nous aurions été victorieux, mais il n’est pas possible de l’être avec du gâchis et des embusqués.

Maintenant la moitié du régiment est embusqués.

Ce sont toujours les mêmes bons bougres qui sont aux tranchées mais les permissions, les croix de guerre, ce n’est pas pour eux, ils sont tous à la peine.

Ce n’est pas toujours celui qui sème le blé qui le mange.

 

Midi, le bombardement recommence avec période de silence, jusqu’à la nuit où il reprend furieusement.

Sept heures du soir.

Pendant le bombardement un cri dans la nuit. Ce sont deux cuisiniers qui sont mortellement blessé par un éclat d’obus dans la cuisse.

8 août 1915

Tranchée à droite de Champlon.

Belle journée, notre tranchée est couverte de débris de mitraille. L’ennemi a un explosif réellement puissant pour obtenir des morceaux d’une égale grosseur il y a reprise du bombardement à midi, l’après-midi Fresnes reçoit sa part.

Miracle !!!!

Notre 75 envoie une douzaine d’obus, c’est la première fois depuis dix jours, pauvres petits canons.

A la nuit, reprise du bombardement. 11 heures du soir, nous sommes relevés par la 24ème compagnie ; heureusement le bombardement vient de cesser et les batteries de fusils qui balaient la route que nous avons suivies. Nous nous dépêchons d’arriver sur Fresnes et nous y arrivons exténué physiquement et moralement, dépression complète. Nous nous couchons à une heure du matin. Le bombardement des tranchées recommence.

       

9 août 1915

Fresnes.

Bombardement le matin. Fresnes reçoit la ration.

L’après midi corvée.

Nous travaillons à abriter la maison du commandant. Je pense qu’il sera à l’abri avec un mur de 5 mètres d’épaisseur ; pierre, terre, ciment et toute la hauteur de la maison.

Trois heures au soir.

Quoi, nous avons encore des canons !!! Le 155 Rimaillo envoi 7 ou 8 coups. L’ennemi répond à plusieurs reprises nous envoie quelques volée d’obus.

Pas de victimes.

Après la soupe, corvée toute la nuit. 1h et demi du matin, il y a encore de nos hommes qui transportent des troncs d’arbre.

On abuse un peu trop, que cherche t-on ? Bombardement des tranchées.

 

Retour de permissionnaires qui reviennent écœurés de ce qu’ils ont vu à l’arrière ; rétablissement de la censure sur les lettres, la vérité fait peur ; occupation de Varsovie par les Allemands.

Les Anglais se promènent et font la noce à Paris et autre ville de Normandie, je crois que c’est eux nos véritables ennemis, nous tirons les marrons du feu pour eux. Durement pressés, les Russes sont contraints d’abandonner Varsovie.

10 août 1915

Fresnes.

Dès cinq heures et demi du matin, corvée. Décidément on ne veut pas nous laisser un instant de répit.

8 heures : les marmites commencent à tomber sur les tranchées et cela par période toute la journée.

Pluie torrentielle.

Le soir, départ pour les tranchées. Nous prenons un autre chemin et nous arrivons tous extrêmement fatigués de cette marche en terrain glissant.

Nous traversons une partie de Champlon ; c’est la désolation.

Nous arrivons à la tranchée de seconde ligne et nous pataugeons dans la boue des boyaux sans avoir été inquiété par la batterie de fusil qui commande la route.

Minuit ; bombardement de nos tranchées jusqu’au jour les obus se succèdent.

Il y en a un qui rase le léger abri où je me trouve et qui éclate tout proche. Je prie et remercie Dieu de m’avoir protégé encore cette fois.

Le lieutenant VALLÉE sort de son retranchement et s’inquiète que ce ne soit la préparation à une attaque.

11 août 1915

Tranchée de 2eme ligne. Champlon -Trésauvaux

Nous ne faisons que patauger dans la boue.

Deux soldats ont été légèrement blessés cette nuit. Reprise du bombardement.

Notre artillerie est toujours silencieuse. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Le reste de la journée a été à peu près tranquille.

Le soir, notre artillerie enfin se décide à envoyer 15 obus sur les projecteurs ennemis qui quelques instants plus tard réapparaissent mais tout de même l’ennemi nous a laissé la nuit tranquille.

Bombardement des petits postes mais avec moins d’acharnement.

12 août 1915

Tranchées.

Des grosses marmites tombent par instant vers Trésauvaux, mitrailleuses dans le ravin de Longeau. Évolutions d’aéroplanes français et ennemi.

L’ennemi couvre nos aéros de mitrailles, l’ennemi lui se promène au dessus de nos lignes sans être inquiété.

Pluie qui rend le terrain glissant, ce qui fera la relève extrêmement fatigante. Nous traversons la route et parvenons à passer entre deux rafales de la batterie de fusils.

Arrivé à Fresnes ou a lieu le rassemblement.

Arrivé à la Noire Haye couvert de boue et complètement exténué, à bout de force. S’il faut encore patauger dans la boue un autre hiver, j’en suis complètement incapable.

L’ennemi a déposé hier une lettre sur un piquet en face de la 19ème.

Je suis obligé de convenir qu’il n’a pas tort.

13 août 1915

Noire Haye

Journée de pluie.

Le canon se fait entendre depuis plusieurs jours au nord de Verdun-en-Argonne avec violence. La censure sur les lettres est levée.

Déluge.

14 août 1915

Noire Haye.

Le canon se fait entendre avec la même violence.

15 août 1915

Noire Haye. Temps indécis.

Canonnade lointaine.

16 août 1915

La Noire Haye. Mauvais temps.

Ces quatre jours passés n’ont été qu’une suite de corvées pour les hommes.

Rentré de permissionnaires.

Paris est décidément une honte, c’est l’avis de tous : s’amuser ainsi quand tant de français sont morts dans la guerre et tombent tous les jours.

Départ pour les tranchées.

Nous arrivons à Fresnes et nous allons de suite à notre poste A5 ; tranchée entre Champlon et les Éparges ou nous arrivons exténué de fatigue. L’ennemi est plus tranquille ces derniers jours d’après les renseignements qui nous sont donnés.

La batterie de fusils se fait entendre ainsi que quelques coups de canons sur les petits postes. Le projecteur d’Herbeuville et d’Hattonchâtel nous aveugle de lumière.

La nuit se passe sans incidents.

Mauvais temps, tout le terrain n’est que boue.

A chaque pas que l’on fait dans cette nuit noire, l’on trébuche dans la boue.

17 août 1915

La journée est une suite d’éclaircie et de pluie.

Matinée calme, mais naturellement cela ne pouvait durer. La compagnie voisine ne fait que défiler en corvée de fil de fer ce qui nous attire quelques bonnes rafales d’obus.

Pluie.

L’ennemi ayant tiré sur nos batteries, s’attire une réponse. Alors ! Notre artillerie existe encore ?

Pourtant qui l’aurait cru après son silence obstiné de ces jours derniers, ce qui a permis à l’ennemi de faire un saut en avant et de construire une nouvelle ligne de tranchée.

J’oubliais d’inscrire un petit détail !

Pendant notre trajet de la Noire Haye à Fresnes, le projecteur d’Hattonchâtel fouillait le ciel, par mégarde il éclaire un dirigeable qui me semble être un Zeppelin. Aussitôt le projecteur éteint sa lumière. Quelques obus dans le courant de la nuit.

18 août 1915

Tranchées A5

Journée assez calme.

Fritz nous envoie quelques balles. L’artillerie fait échange de bons procédés. Pluie intermittente.

Relevé tranquille. Nous cantonnons à Fresnes.

Violente canonnade au nord de Verdun.

19 août 1915

Fresnes-en-Woëvre.

Belle journée.

Toute la journée, corvée. Canonnade sur les tranchées et sur Champlon.

Le soir corvée pendant une partie de la nuit.

Transport de rails.

20 août 1915

Fresnes-en-Woëvre

Belle journée.

Corvées toute la journée. L’ennemi bombarde Champlon.

Départ pour les tranchées A2 ou je suis chef de section.

Après le coucher de la lune, la nuit est d’un noir d’encre, le ciel et la terre se fondent dans une même teinte et l’obscurité paraît d’autant plus grande que les fusées ennemies nous éclairent à chaque moment, puis c’est une courte et vive fusillade. Le projecteur d’Hattonchâtel éclaire par instant toute la plaine comme s’il faisait jour.

Quelques scharpnells éclatent sur les tranchées de secondes lignes.

Voici le jour qui se lève péniblement.

21 août 1915

Tranchées A2

La matinée se passe assez tranquillement, puis voici 3 heures de l’après-midi, l’ennemi bombarde Champlon où plutôt la trace de ce qui a été ce village et nos petits postes.

Canonnade lointaine au nord de Verdun. Pluie.

Enfin, je vais peut-être partir en permission à la fin de ce mois.

 

Décidemment, nos alliés russes sont dans la déconfiture et nos amis !

Les Anglais profitent. Commencement et ... de la débauche en France que la pudibonde Angleterre ne tolère pas chez elle, c’est joli !

Pauvre France. Pauvre camarades tués depuis une année pour défendre les intérêts anglais.

 

Fritz recommence à nous arroser, toutes ses balles tombent à nos pieds.

La batterie de fusils se met à balayer la route dès la tombée du jour.

Nos cuisiniers nous apportent la soupe.

Toute la nuit nous recevons par intervalles quelques volées d’obus.

Nuit noire, les fusées que l’ennemi lance à chaque moment le fait plus obscur.

Il fait froid.

Le projecteur d’Hattonchâtel continue à nous inonder de lumière. Continuelle lutte de crapouillots et de grenades sur les Éparges. Levé du jour assez tard maintenant 4 heures.

22 août 1915

Belle journée.

Continuelle lutte d’artillerie mais nos tranchées n’écopent pas. Il semble que l’ennemi a pris possession de l’entonnoir des Éparges. Des crapouillots éclatent par intervalles régulier, toute la plaine en renvoie l’écho.

Comme relevé par la 24, retour à Fresnes sans incident.

Toute la nuit, bombardement des tranchées jusqu’au matin.

Il y a un an, nous étions sur la route d’Étain à Opincourt et la division de St Michel passait la déroute.

Les contre-attaques lancées dans les Vosges par les chasseurs alpins n’obtiennent que de maigres résultats.

23 août 1915

Fresnes-en-Woëvre.

Belle journée.

Dès le matin, lutte d’artillerie assez vive qui dure la plus grande partie de la journée.

Le soir, nous travaillons jusqu’à minuit à exécuter des tranchées autour de Fresnes.

Crapouillots sur les Éparges.

24 août 1915

Fresnes. Belle journée.

Canonnade par période. Corvée avant le départ pour la Noire Haye ou nous arrivons à minuit.

Anniversaire de DHINCOURT.

25 août 1915

La Noire Haye

Belle journée. Dès le matin, les pièces de marine se font entendre.

Le soir, corvée autour du bois.

26 août 1915

La Noire Haye.

Belle journée. Ennuyé toute la journée par un tas de corvées.

Le soir, jusqu’à minuit, corvée pour planter des piquets pour un réseau de fil de fer autour de la Noire Haye.

Violente canonnade toute la nuit.

27 août 1915

La Noire Haye

Belle journée. Le matin les pièces de marine se font entendre.

Journée assez tranquille. Canonnade toute la nuit.

28 août 1915

La Noire Haye

Le matin, violente canonnade d’aéros. Belle journée, chaude même.

Le soir, départ pour Fresnes.

Pendant le trajet, orage formidable, arrivons trempés, traversé par l’eau.

Pendant la nuit, canonnade intermittente.

29 août 1915

Fresnes

Température moyenne, temps indécis, corvées diverses, matinée calme.

L’après-midi se passe bien également à part quelque obus échangés de part et d’autres toute la nuit. Tempête, notre maison est inondé, c’est un établissement de bain douches.

Silence complet de part et d’autres, mais les rats et souris sont de plus en plus nombreux à la Noire Haye, Fresnes et aux tranchées se font de plus en plus remuants et nous ont amenés les puces qui ont chassés les poux.

30 août 1915

Fresnes

Température fraîche ce matin.

Après–midi corvées. Silence complet en apparence du moins

Le soir, départ pour tranchées de 2ème ligne, nous arrivons sans incident.

A peine le dernier de la ½ section a t’il mit le pied dans la tranchée que voici l’artillerie ennemie qui arrose le chemin la ou nous sommes arrivés en raccourci sans sortir progressivement. Nous pouvons dire que Dieu nous a bien protégés.

Bombardement de notre élément de tranchée par du 1° 5. L’ennemi cherche à démolir en observation de notre artillerie qui est dans notre tranchée de la gabionnade. Notre artillerie répond vigoureusement alors nous avons la paix le reste de la nuit.

La veille, à la place que nous occupons, un homme a eu la jambe coupée par un éclat d’obus. Lutte extrêmement vive de crapouillots et grenades aux Éparges.

31 août 1915

Tranchée de seconde ligne.

Canonnade de notre première ligne le matin. Lutte de crapouillots et d’artillerie aux Éparges.

Nous sommes tranquilles et nous reconstruisons un abri. Au moment où je trace ces lignes, un obus arrive rasant de près la tranchée et va éclater un peu plus loin dans la plaine.

Avec la nuit, arrivée de nos cuisiniers. Par trois fois, l’ennemi nous bombarde rigoureusement. Arrivée de deux hommes de renfort venant au départ pour la compagnie. Ils sont venus 30 pour le régiment, tous hommes de la classe 97 et n’ayant jamais fait de service militaire avant la guerre.

Lutte de crapouillots sur les Éparges, mais tout de même moins vive que la veille.

Un homme de la 19ème à été tué cette nuit.

1er septembre 1915

Quatorze mois de guerre. Quand cela va-t-il finir ?

Nul ne le sait. L’avenir est sombre.

Anniversaire de Gercourt où j’ai perdu mon excellent camarade Eugène BONNA. (*)

Tranchée de 2ème ligne.

Belle journée qui se gâte sur le soir.

Nous avons travaillé la plus grande partie à la construction d’un abri. L’ennemi dont nous sommes vus des Éparges nous envoie à plusieurs reprises quelques balles. Toute la journée vive lutte d’artillerie particulièrement sur les Éparges ou cela arrive par rafales.

A la tombée de la nuit, vive fusillade côté Champlon, les balles tombent à nos pieds dans la tranchée.

Le projecteur ennemi à Herbeuville fouille la plaine cherchant la relève. Nous sommes relevés par la 24ème. Notre départ est assez mouvementé à chaque moment le projecteur nous éclaire et nous oblige à nous coucher. Nous arrivons à Fresnes non sans peine.

Je suis de garde. Crapouillots toute la nuit (sur les Éparges).

 

(*) : Eugène François BONNA, sergent au 303e régiment d’infanterie, mort pour la France le 1e septembre 1914 à Gercourt (55). Voir sa fiche.

2 septembre 1915

Fresnes

Garde au poste. Lutte d’artillerie toute la journée.

Le matin, les mitrailleuses se font entendre vigoureusement.

Toute la nuit, lutte d’artillerie et mitrailleuses aux Éparges. Corvée de terrassement la nuit.

3 septembre 1915

Description : Description : Description : Description : Description : 2

 

Photo de l’auteur Paul DUCHATELLE, 303e régiment d’infanterie.

 

Fresnes. Notre colonel vient à Fresnes. Temps couvert.

Matinée calme.

L’après-midi se passait de même et j’étais couché sur mon sommier lorsqu’une détonation formidable accompagné d’un tremblement du sol se produisit.

Il était quatre heures environ, aussitôt je me lance vers l’abri de bombardement qui est plein en une seconde, 5 obus de 220 éclatent ainsi dans l’espace d’1/4 d’heure à 45 mètres de nous, les maisons tremblent comme des châteaux de cartes.

Nous sommes comme soulevé de terre, et au moment de l’éclatement un violent déplacement d’air se produit contre des obus ; pareil notre abri est une feuille de papier, nous serions réduit comme chair à pâté s’il en tombait un sur notre abri.

Nous pouvons dire que Dieu nous a bien protégé.

Il n’y a pas eu de victimes et pourtant la sentinelle du pont étant à 10 mètre des trous d’obus, mais le premier coup un peu court avait permis à tout le monde de s’éclipser. Tout rentre dans le silence avec la nuit nous partons aux tranchées ou nous arrivons sans incident.

Lutte de crapouillots sur les Éparges et sur Champlon.

Fritz s’amuse à tirer sur nos tranchées.

L’ennemi a quatre projecteurs qui nous éclairent alternativement, qui sont placés à Hattonchâtel-Herbeuville-hauteur de Combres et dans la tranchée à mi-côte des Éparges.

4 septembre 1915

Tranchées A5.

Dans cette tranchée on ne peut faire un mouvement sans être sous la vue de la tranchée ennemie des Éparges.

Journée à peu près calme.

Lutte de crapouillots sur les Éparges.

Mauvais temps, presque froid et pluie. Nos hommes se plaignent avec raison d’être insuffisamment nourri.

Il serait temps que tout cela finisse.

 

Jusqu’au bout je me demande bien ce que cela veut dire.

Qu’entendent par là les gens de l’arrière, que nos poitrines mettent à l’abri des balles ennemies et qui n’ont pas la pudeur de respecter ceux qui sont mort depuis une année. Ces messieurs de l’armée font la fête… Le ministre s’inquiète de fixer la nuance du Kaki que messieurs les embusqués doivent porter, est-ce que nous en avons nous des uniformes à la mode, de bleu horizon, ils doivent devenir pisseux nos uniformes !

 

A la nuit, départ du petit poste, je les accompagne jusqu’à leur emplacement, la terre est retournée par les obus, ce n’est qu’entonnoirs.

Nuit noire, projecteurs ennemis.

Lutte de crapouillots aux Éparges. Je vais protester auprès du capitaine au sujet d’un passe droit à propos des permissions, quelques balles seules passent de temps à autre.

5 septembre 1915

Un de nos obus de 155 tourné certainement par un notaire ou un maître de danse s’est amusé à faire la pirouette et est tombé entre nos deux lignes ou tranchées.

Matinée fraîche et silencieuse. Le matin, calme absolu.

Vers midi, notre artillerie ayant envoyé quelques obus s’attirent un bombardement en règle jusqu’à 5 heures du soir. Les grosses marmites se succèdent sans interruption. Les éclats arrivent jusqu’à la tranchée.

Article sur le petit parisien où il est dit que la monnaie accepte l’or des bijoux !

Nous sommes relevés et départ pour la Noire Haye. Vu le bombardement de la journée, nous passons à travers la plaine pour aller à Fresnes. Heureuse idée, sans cela, nous aurions reçu une salve de 77 au passage de la barricade, route de Champlon.

MATOSSY et sa protection passait à ce moment et a échappé on ne sait comment à cette rafale.

Arrivée à Fresnes et départ sans incident.

6 septembre 1915

Noire Haye.

Violente canonnade en Argonne. Visite d’aéros au-dessus du camp. Corvées diverses. Notre artillerie se fait entendre par intermittence.

7 septembre 1915

Noire Haye.

Belle journée. Corvées matin et soir.

L’après midi, MATOSSY m’emmène voir la maison Georgin à Haudiomont dont il a la surveillance. Un aéro lance plusieurs bombes sur Haudiomont.

Nous rentrons à la Noire Haye très doucement à six heures au soir.

A notre arrivée, le régiment était en alerte.

 

Petite émotion.

Je n’aime pas beaucoup les surprises ; les hommes avaient été obligés de fêter la soupe qu’ils s’apprêtaient à manger. Enfin, nous sommes autorisées à déplier nos couvertures et dormir à 11 heures du soir. Mais tout cela devient d’une ironie amère, tout ceci est causé par la visite d’une commission de nos bons députés et la suite devient piquante et amère !

Je serai très curieux d’apprendre le nom de ces valeureux qui s’aventurent encore assez loin des obus. Certainement on leur décernera la croix de guerre.

 

Le pourcentage des cuisines roulantes accompagnées d’un cuisinier par section, et du chauffeur et conducteur partiront à 3 heures du matin en terre de campagne irréprochablement propice ; ainsi que les cuisines iront au fort de Rozelier et reviendront par Haudiomont et Manheulles « pour subir l’inspection des parlementaires ». Les hommes devaient avoir comme nourriture du singe «  Bœuf en conserve ». Ils auront de la viande fraîche et la ration a été de deux quarts de vin comme la réclame en est faite dans tous les journaux.

Quel bluff !! Habituellement la ration est de un quart de litre ou même la moitié d’un quart.

Toute cette nuit notre artillerie de campagne est lourde et elle n’a de cesse de tonner pour montrer à nos députés que nous avons la supériorité du feu ! ! ! !

Mais quand c’est utile, notre artillerie se tait comme elle le faisait au commencement le mois dernier.

 

Tous les jours à midi, en première ligne, les hommes de soupe sont attendus.

Dans les secteurs difficiles, leur métier est l’un des plus dangereux. Pour que la fumée ne les trahisse pas aux yeux de l’ennemi, les roulantes sont placées à 4 ou 5 km des lignes.

Les hommes de soupe doivent parcourir cette distance dans ces boyaux étroits où les tireurs d’élite ennemis les prennent pour cible et où il n’est pas rare de voir des canons les prendre spécialement à partie.

Alors, lorsqu’ils arrivent, le « singe », le macaroni, le riz, la morue sont toujours froids, souvent pleins de terre et ils sont accueillis avec des injures par des hommes exaspérés. 

8 septembre 1915

Noire Haye.

Ce matin nous sommes toujours en tenue d’alerte. Cela cesse à neuf heures, le canon tonne toujours.

La cuisine est toujours en ballade.

Il est dix heures du matin.

Morale : nos hommes crèvent de faim, devant les députés ils sont bien nourris. Touchant ½ de vin quand c’est faux.

L’ennemi nous couvre de mitrailles, notre artillerie reste silencieuse, nos parlementaires sont présents, l’artillerie ne cesse de tonner.

Ainsi, ces messieurs iront crier partout notre supériorité (quelle ironie) et pourront dire jusqu’au bout, eux qui n’ont osé d’aventure que jusqu’aux roseliers ou jamais un seul obus doit arriver jusqu’à eux.

Quels sont les noms de ces députés ; ce sera intéressant de le savoir. Ce doit être BOGERIAN, Andre HESSE, Poncet-MIGNOT dont les noms figurent au journal le lendemain.

Évolution et bombardement d’avions. La cuisine roulante revient à neuf heures et demie au soir. Heureusement que les hommes ont pu faire leurs nourritures dans les campements mais la soupe à du être salée à être galvaudée toute une journée.

 

Abri du colonel. Fresnes-en-Woëvre.

A notre arrivée, pareil au reste du cantonnement. Maintenant que le 303ème cantonne ici, notre colonel fait faire des corvées de pierres toutes les nuits jusqu’à ce que cet abri soit constitué ainsi.

Contre le mur de la maison, il a été élevé un autre mur de deuxième épaisseur de pierre, le tout recouvert de terre et tout cela avant qu’il ait été construit un seul abri pour les hommes ! Et tous les jours on y travaille.

 

FIN DU TROISIEME CARNET

 

Carnet N° 1 : Perdu

Carnet N° 2 : du 3 avril - 13 juillet 1915 – Le lire ici

Carnet N° 3 : du 14 juillet – 8 septembre 1915 – Le lire ici

Carnet N° 4 : Perdu

Carnet N° 5 : du 25 juin – 7 décembre 1916 – Le lire ici

Carnet N° 6 : Perdu

Carnet N° 7 : du 9 juin au 16 août 1917Le lire ici

 

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