#Chtimiste
Publication : mars 2009
Mise à jour : août 2023
Paul DUCHATELLE du 303e
régiment d’infanterie.
Marc nous dit en mars 2009
:
« Je vous prie de trouver la copie de quatre carnets de guerre (dans leur
version intégrale) de mon arrière petit cousin Paul DUCHATELLE né à Paris le 16
août 1885 et mort au combat le 21 août 1917. Je vous donne l'autorisation de
reproduire ces carnets dans leur intégralité. Il y avait sept carnets, trois
ont été perdus. Je serai intéressé d'acquérir tout document concernant le
303ème ou être en contact avec d'autres personnes ayant des documents. Bien à
vous. »
Carnet N° 1 : Perdu
Carnet N° 2 : du 3 avril
- 13 juillet 1915 – Le lire ici
Carnet N° 3 : du 14 juillet – 8 septembre 1915 – Le lire ici
Carnet N° 4 : Perdu
Carnet N° 5 : du 25 juin
– 7 décembre 1916 – Le lire ici
Carnet N° 6 : Perdu
Carnet N° 7 : du 9 juin au 16 août 1917 – Le lire ici
PAGES
DECHIREES.
La rue est traversée par
les obus qui vont éclater assez loin.
Je vais visiter
Fresnes-en-Woëvre dont toutes les maisons sont comme de formidables chicots.
L’église a son autel
dévasté ; mais celui de la Vierge et de Saint Joseph sont presque intact. La
pointe du clocher droit est retournée verticalement dans l’église.
De la mairie, il ne reste
que la façade ainsi que de riches maisons voisines. Je vais visiter la maison
du jardinier à l’entrée de Fresnes (route de Manheulles) prés de laquelle nous
avions cantonné lors de la reprise de Fresnes en octobre. Actuellement, cette
maison n’est que ruine.
Le soir, nuit noire, le
canon tonne tout proche ; mitrailleuses, fusées ; dans ces ruines
l’écho est formidable et cela dure toute la nuit.
Dès le matin, attaque
extrêmement violente. Le canon fait vibrer toutes les maisons de Fresnes, c’est
l’ennemi qui a attaqué dans le val des Éparges. Tranchées de Calonne, cela dure
plus de deux heures. Le reste de la matinée, le canon continue à tonner plus
faiblement et quelques coups éclatent sur Fresnes.
Beau temps.
Une chapelle a été faite
dans une chambre qui n’est pas trop endommagée, aux environs d’un magasin de
nouveauté dans la rue de Verdun.
Il y a un homme qui a été
tué le matin même et il y est exposé dans un cercueil. L’écho du canon dans ces
ruines est formidable.
L’après midi, corvée pour
porter des caisses de cartouches aux tranchées. Le régiment, le 120ème, que
nous remplaçons n’avait aucune cartouche aux tranchées.
Naturellement, l’ennemi
aperçoit la corvée et la bombarde et il envoie en même temps quelques obus sur
Fresnes et nous avons un blessé.
A la nuit, nous partons aux
tranchées.
Le secteur à déjà été pris
en avril à Trésauvaux, mais actuellement elles sont plus en avant. Je prends
service à gauche du chemin du Meusier et je vais au
petit poste. Il fait une nuit noire comme encre.
A ce moment, il y a une
attaque sur les Éparges et l’ennemi lance quelques obus en arrière de nous.
Je pars donc avec la
première escouade au petit poste. Il pleut et le boyau ne forme plus qu’un
ruisseau. Je rentre résolument dans l’eau qui monte par dessus les chaussures
et les 600 mètres de boyau sont pareils.
Le petit poste est à 300
mètres de la tranchée, avec un autre petit poste à 300 mètres encore plus
éloigné. Les sentinelles sont donc à 600 mètres de la tranchée et se trouvent
au pied des Éparges.
En sentinelle la plus
éloigné, il y a GUYON, CRESTELS et les 2 MORIM, hommes de toute
confiance ; ils restent les 24 heures avec DÉCOT leur caporal.
Les 5 autres sont
échelonnés dans les 300 mètres de boyau qu’il y a entre les deux petits postes.
Ceux que nous sommes venu relever ayant fait un peu de bruit, immédiatement
l’ennemi nous envoi quelques scharpnells, et BROUDIN
est blessé aux reins dans la tranchée de résistance.
Toute la nuit, le canon
tonne sur les Éparges, ainsi que la fusillade.
Il y a attaque sur les 1
heure du matin. C’est infernal.
Le projecteur ennemi
d’Hattonchâtel balaie la plaine de son rayon lumineux. L’ennemi a véritablement
un outillage merveilleux ; tous nos projecteurs ne sont que des miteux à
côté de celui-ci.
Le jour arrive dans trop
d’incidents.
Au petit poste, près des
Éparges. La pluie a cessé mais ce matin, il fait froid. Le canon tonne
continuellement sur les Éparges. Cela a la régularité que possède une aiguille
qui marque les minutes ; les silences sont rares et de courte durée.
La côte des Éparges est
d’un teint roux, et toute ravinée par la mitraille. Elle fait tache sur la
verdure de la ligne des côtes.
Comme monument de souvenir
à élever sur cette côte, il faudra après la guerre y ériger un immense Christ
en croix et entourer tout le bas de la côte d’une grille et la laisser tel
qu’elle se trouve en ce moment.
C’est un des plus grands
drames de l’humanité qui se déroule depuis février, et cela tous les jours et
toutes les heures.
4 heures 30 du soir, notre
artillerie envoie quelques grosses marmites sur Marchéville.
Une attaque violente se
déclenche dans le ravin des Éparges.
6 heures du soir, l’ennemi
nous fait l’honneur, à nous seul, de nous bombarder au petit poste. Il nous
envoie plusieurs rafales et nous encadre bien dans un groupement de 20 mètres à
peine. Un obus arrive en plein dans le parapet.
La nuit, rétablissement du
service de nuit.
L’ennemie continue ses
plaisanteries et envoie encore quelques scharpnells
dont un morceau tombe au bout de mon pied sans le toucher.
10 heures du soir, TUPPER
vient nous relever.
A ce moment, se déclenche
une attaque aux Éparges qui cesse aussitôt.
Nous prenons notre repas
que nos cuisiniers ont apporté.
Cette tranchée est vraiment
un modèle ; elle est très bien et solidement construite avec des sacs de
sable. Encore un scharpnell qui éclate juste au
dessus des sentinelles ; à l’entrée du boyau et nous n’avons que juste le
temps de nous mettre à l’abri toute la nuit.
Les balles rasent le
parapet, mais ici cela n’a aucune importance, il y a des créneaux extrêmement
bien disposés.
Le projecteur ennemi
d’Hattonchâtel continue à balayer le terrain, nos projecteurs, des forts, sont
forts piteux à côté, avec leurs faisceaux lumineux si étriqué, ils ont l’air de
toujours épousseter le ciel.
Tranchées de Fresnes à
Trésauvaux.
Le jour se lève sur un
calme en apparence assez complet. Le matin, à 9 heures, attaque dans le ravin
des Éparges.
Il y a quelques camarades
qui ont la curiosité d’aller jusqu’aux Éparges où la terre est mêlée à des
lambeaux de chairs humaines et ou règne une odeur de décomposition.
D’ici l’on voit très bien
le bois de sapin ou plutôt ce qui a été un bois, maintenant il n’y a plus que
quelques tronçons d’arbres noircis qui se dressent tout déchiquetés. Des
grosses marmites sont tombées hier soir sur Trésauvaux, il n’y a eu aucune
victime.
Tout le reste de la
journée, duel à l’artillerie.
Sur les Éparges : de
ce côté-là, la tranchée ennemie serpente tout le long de l’arête, elle est très
visible.
De ce côté, la notre est
parallèle un peu plus en arrière.
On aperçoit nettement
l’entonnoir produit par la mine que nous avons fait exploser et qui a manqué
une partie de son but, puisqu’une partie des tranchées françaises ont sautées
avec une compagnie de chasseurs qui étaient dedans.
L’explosion de cette mine
qui a crée l’entonnoir nous a causé la perte de 200 hommes. (*)
A la tombée de la nuit,
l’ennemi envoi quelques 77 sur la tranchée comme les jours précédents ; ce
doit être une habitude.
Nous sommes relevés par la
24, tout parait tranquille.
A ce moment la lune promène
son croissant juste au dessus de la côte des Éparges, qu’elle éclaire de sa
lumière blafarde, c’est sinistre. Une courte attaque se produit : des
fusées de toutes les couleurs aux voiles rouges, blancs et rosés partis de
plusieurs points de l’horizon, éclatent.
Nous partons vers la Noire
Haye.
Nous voyons dès le départ,
des obus, mitrailleuses et fusillade accompagné de la lumière au projecteur à
Hattonchâtel.
Nous arrivons à Fresnes en
suivant la voie du Meusier sans dommage.
Départ pour la Noire Haye
par Manheulles.
Nous arrivons à la voie
romaine, et notre attention est attiré par quelque chose d’insolite qui se
passe dans le ciel : des éclairs de scharpnells
qui éclatent tout dans le ciel et le projecteur ennemi d’Hattonchâtel fouille
avec insistance dans le ciel.
Nous apercevons dans le
rayon lumineux des projecteurs un fuseau brillant ; pas de doute, c’est un
dirigeable, français certainement puisque le projecteur ne le lâche pas, puis
du côté de Metz, voici que tous les autres projecteurs des forts de Metz
fouillent le ciel à leur tour.
Le dirigeable toujours dans
le rayon lumineux du projecteur à Hattonchâtel et de deux autres plus voisin
passe au dessus de nous.
Il prend la direction de
Verdun ou un projecteur lui fait des signaux pour lui indiquer la route pour
rentrer.
Nous arrivons à la Noire
Haye ou maintenant loge l’état-major du régiment.
Nuit tranquille.
(*) : 19
juillet 1915 : « perte de 200 hommes » : Mémoire de Hommes
identifie le 11 juillet 66 tués au total (donc incluant ceux des attaques
succédant à l’explosion des mines) et 50 tués le lendemain dont de nombreux du
18ème BCP avec des disparus (probablement ensevelis le 11 selon les JMO cités).
Noire Haye
Belle journée. Écho du
canon. Journée tranquille.
Une contre –attaque
allemande dans les Vosges nous fait perdre une partie de terrain conquis.
Noire Haye
Belle journée.
Évolution d’aéroplane au
dessus du camp.
Écho du canon.
Photo de l’auteur Paul DUCHATELLE, 303e régiment
d’infanterie.
Noire Haye.
Dès le matin, de grosses
marmites ne tombent pas loin de Manheulles probablement, notamment une qui fait
tout vibrer aux alentours, évolutions d’aéros au dessus du bois.
LEBRUN va travailler à la
fabrication des munitions. Il vient me faire ses adieux.
Journée sans incident. Un
dirigeable ennemi passe au dessus du bois. L’ordre est donné d’éteindre toutes
les lumières.
Noire Haye
Pluie. Le canon se fait
entendre dès le petit jour. Période de calme le reste de la journée.
Voici 3 départs de
permission dans la compagnie.
Il n’est pas encore parti
un sous-officier de la compagnie. C’est un vrai cafouillage que ces
permissions, il n’y a que ceux qui sont embusqués ou presque qui partent. Aussi
comme protestation, je fais une demande de remise de galons que je dépose au
bureau de la compagnie.
Le soir, départ pour les
tranchées de Trésauvaux ou la demi-section est de réserve et en liaison avec le
117e territorial du Gard.
Pour venir, nous avons reçu
deux averses et nous sommes complètement trempés, avec cela nous avons beaucoup
de difficultés à marcher dans le terrain glissant. Le 75 qui tire sur les
Éparges et son ravin fait entendre un son sec et cassant toute la nuit.
Tranchées.
Toute la matinée, quelques
obus sifflent au dessus de nos têtes ainsi que quelques balles qui viennent se
ficher en terre à quelques pas de nous.
Trésauvaux est au bout de
la tranchée à quelques centaines de mètres. L’église coquette n’a pas trop
souffert à part la pointe du clocher qui a reçu un obus. La grande majorité des
maisons paraissent être en bon état.
Pluie continuelle, l’après
midi. Quelques obus et balles passent au dessus de nous.
Nuit noire.
Des obus de gros calibre
pièces de marine passent à chaque moment au dessus de nous et vont éclater assez
loin dans les lignes ennemies du côté de Marchéville. Le 75 fait entendre
également son bruit sec. L’ennemi riposte en envoyant quelques 77 sur le petit
poste.
Les Éparges paraissent
calme à part quelques coups de fusils au petit jour, une brève attaque
d’infanterie se déclenche dans le ravin de S ….
Tranchées Trésauvaux.
Temps couvert. Tout ce
matin, duel d’artillerie. L’ennemi riposte sur les tranchées de 1ère ligne
relevé par le 31e territorial.
Arrivé à Fresnes dans
incident. Naturellement, la compagnie a encore changé de cantonnement. Je me
suis couché dans une chambre dont le plafond a été crevé par un obus, et comme
il pleut, l’eau tombe sur le parquet.
Fresnes-en-Woëvre.
Belle journée.
Comme j’étais à causer avec
le sergent major dans la rue, voilà qu’il arrive trois marmites qui éclatent à
4 mètres de nous, pas de blessé, c’est encore une chance de plus. En ce moment,
l’ordinaire est plutôt maigre.
L’après midi, même séance
que le matin : un obus éclate dans les jardins, voici qu’un homme du 330e
se précipite, un outil à la main pour détruire la fusée qui peut être en
aluminium avec lequel il fera des bagues ; un autre obus arrive au même instant
et le tue, et ils sont tous comme cela.
Le matin, le même fait a failli
se produire avec un cuisinier de la compagnie. Heureusement pour lui que le
second obus mit plus de temps à venir ; sans cela il y passait aussi.
Le reste de la journée et
la nuit tranquille.
Fresnes-en-Woëvre
Mauvais temps, tranquillité
absolue.
Le soir, l’ennemi envoi
quelques grosses marmites qui n’éclatent pas loin.
Sur la ligne du chemin de
fer (Meusier) ou le soir nous voyons les entonnoirs
tout récemment fait de l’après midi, l’ennemi cherche à atteindre une batterie
enterrée qui le gène beaucoup. Nous prenons les tranchées 17 en 1ère ligne
juste aux pieds des Éparges.
Le 117e Territorial est à
notre droite. Toute la nuit, crapouillots dans le Ravin de la Mort.
Au petit jour se déclenche
une attaque dans le ravin des Éparges qui dure une demi-heure. Par périodes
régulières arrivent des obus de gros calibres dans le Ravin de la Mort.
Il pleut à verse.
Tranchées.
Dans le ravin des Éparges.
Température fraîche pour le
mois de juillet. Il ne fait pas chaud.
De grosses marmites
éclatent continuellement dans le Ravin de la Mort et font vibrer le sol.
De la tranchée ou nous
sommes l’on aperçoit à 100 mètres le bois de sapins ou plutôt ce qui a été le
bois qui commence à grimper au pied de la côte. Ce ne sont plus que des
tronçons d’arbres. L’entonnoir ; la tranchée française qui serpente sur le
flanc de la cote.
Toute l’après midi, les
marmites éclatent au pied de la tranchée et les éclats tombent à nos pieds. Au
sujet de l’effectif qui garnit la tranchée française, je laisse de la place
pour écrire...
Le 117e Territorial n’est
composé que d’hommes d’un certain âge, déjà 45 ans le moins. Voici dans une
semaine 1 an de guerre et la victoire ne nous a plus sourit depuis les combats
de la Marne.
Il faut attribuer cela à la
désorganisation que la république a mis dans tous le
pays.
Tous les courtisans n’ont
cherché qu’à s’embusquer et cela dans des emplois qu’ils n’étaient pas préparés
à remplir. Pendant que l’ennemi silencieusement travaillait tout l’hiver à
fabriquer des munitions, nos journaux braillaient dans leurs colonnes que
l’ennemi manquait de cuivre, de coton, d’aluminium, de pétrole, de tout ce qui
est nécessaire à la guerre, ce qui était faux; mais nous, nous ne faisions rien
ou si peu.
Les trois millions
d’Anglais qui devaient venir pour la campagne de printemps ; où sont-ils !
Aussi, maintenant la
défaite russe s’accentue et je ne serai pas étonné d’apprendre un de ces jours
la prise de Varsovie et alors face à Verdun toute l’artillerie lourde ennemie
va venir de ce coté avec le poids de toute la force ennemie.
La nuit arrive et amène un
peu de calme dans le bombardement.
Nos cuisiniers nous
apportent la soupe et de tristes nouvelles.
Quand ils quittèrent la
tranchée à 5 heures et demi pour aller à la soupe, ils furent repérés par
l’artillerie ennemie qui envoya une rafale sur Fresnes.
Un obus à fenêtre est rentré dans la maison du colonel coupant la cuisse
à ce bon camarade FÉDRICI qui était à son poste téléphonique. (*)
Cet obus a également coupé le bas de la jambe de l’ordonnance (**) du capitaine QUENAUD de la 19ème, et
déchiqueté la capote de TUPPER faisant fonction d’adjudant de bataillon qui
heureusement venait de quitter sa table qui faisait face là ou l’obus est
rentré.
Ce pauvre FÉDRICI qui était un grand et fort garçon, excellent camarade
est mort un quart d’heure après. C’est une lourde perte pour la France car elle
a besoin de beaucoup d’hommes aussi vigoureux. (***)
La nuit, beau clair de lune.
Crapouillots qui déchirent l’air en éclatant. Quelques balles passent
d’une façon régulière au dessus de nous.
Nuit sans incident.
(*) : Émile
Paul FÉDRICI, téléphoniste au 303e régiment d’infanterie, 29 ans, est mort pour
la France le 28 juillet 1915 à Fresnes-en-Woëvre. Voir sa fiche.
(**) : LECOCQ
Alphonse ou MASSERON Octave.
(***) :
Sa fiche matriculaire indique qu’il mesure 1,79 mètres, ce qui est très grand
pour l’époque !
Curieusement
cet épisode est daté du 29 juillet dans le JMO du 303e régiment d’infanterie…
Tranchée 17 Bas des
Éparges.
Beau temps relatif.
Ce matin, bombardement par
l’ennemi du ravin avec des grosses marmites qui déchirent l’air. Journée à peu
près tranquille, échange de bombes et crapouillot sur les Éparges.
Le soir, calme absolu.
Relève tranquille. Nous cantonnons à Fresnes.
Fresnes-en-Woëvre
Belle journée plutôt
froide.
Le canon se fait entendre
faiblement. Il a été fait des râteliers d’armes dans les cantonnements !!!!
Dès que le jour est arrivé,
corvée de toutes sortes. Bruit dans les rues, on ne se croirait pas aussi près
des lignes. Les journaux nous préparent à apprendre la chute de Varsovie.
Aujourd’hui a eu lieu la rentrée des premiers permissionnaires.
Impressions pénibles. Paris
s’amuse, se fiche pas mal de la guerre ; la débauche règne en maître à
l’arrière. Les boulevards regorgent d’embusqués qui se promènent dans des
tenues de fantaisie.
Les petites villes de
Normandie, idem.
Fresnes-en-Woëvre
Beau temps.
Dès le matin, de grosses
marmites tombent sur les tranchées et cela toute la journée. Dans la matinée, à
11 heures du matin, Fresnes est bombardé. Les obus tombent sur notre
cantonnement et cela à plusieurs reprises dans la journée.
A la nuit, reprise du
bombardement de Fresnes, la compagnie a 3 blessés dont 1 grièvement. (*)
Il aurait pu y avoir une
catastrophe : une voiture à explosifs venait de décharger quelques
instants après le bombardement à l’endroit ou avaient éclatés les obus.
Quelques minutes après,
recommencement du bombardement.
Nous quittons Fresnes avec
de grands intervalles entre les sections. Il n’est pas étonnant que nous soyons
bombardés, toutes les corvées vont à la gare en fumant force cigarettes et avec
un tapage !
Varsovie est bien prés
d’être abandonnée, si elle n’est pas déjà occupée par l’ennemi.
Pendant le trajet pour la
Noire Haye, les projecteurs font de forts signaux. Il doit y avoir un
dirigeable qui évolue dans nos parages. Nous arrivons à la Noire Haye à minuit.
La nuit est calme.
(*) : Le
caporal HUARD Amélise, sergent LANDRY Charles et le
soldat POCHOLLE Gaston.
Noire Haye.
Dès le matin, l’écho de
l’éclatement de grosses marmites nous arrive, ainsi que de plus petit calibre.
L’observation d’artillerie
estime qu’hier, il a été lancé par l’ennemi 300 obus de gros calibre sur la
tranchée. Dans la journée, corvées diverses.
Noire Haye
Journée assez calme.
Température indécise.
Matin, corvée de gabions.
Violent bombardement de
Fresnes. Nous sommes mis en alerte. Orages violents à plusieurs reprises.
Noire Haye
Il pleut toute la journée.
Corvées diverses. Fresnes
est toujours bombardée.
Noire Haye
Mauvais temps.
L’ennemi continue à
bombarder Manheulles et Fresnes. 1200 obus de gros calibres ont étés jetés par
l’ennemi sur ces villages. Nous partons pour Fresnes. Sur la route de Fresnes à
Manheulles, le projecteur ennemi de Maizeray d’une exceptionnelle puissance
éclaire la route et nous force plusieurs fois à nous mettre à genoux.
Arrivée à Fresnes et au
cantonnement qui nous est désigné par échelon.
Peu de temps après notre
arrivée, l’ennemi envoie une volée de mitrailles. Plusieurs fois successivement
dans la nuit, je quitte mon coin trop près du toit pour le rez-de-chaussée,
c’est plus prudent. Quelques tuiles ne sont pas une protection suffisante
contre un bombardement.
Boue et pluie toute cette
journée.
Fresnes (*)
Belle journée.
L’ennemi envoie quelques
obus sur les tranchées. Corvée pour la construction d’abri de bombardement.
L’ordre est donné d’enlever
toutes insignes et médailles quelconques.
Cette mesure est prise par
les F : pour faire enlever les médailles religieuses que presque tous portent
ostensiblement, c’est surtout une persécution contre l’église qui est cherchée,
c’est une vilenie de plus.
Les sacs sont montés et des
ordres sont donnés pour que tout le monde soit prêt à partir à toute heure en
cas d’alerte.
Dans l’après-midi, je suis
de garde aux issues, bombardement extrêmement violent des tranchées et de
Fresnes toute la nuit.
L’ennemi nous bombarde avec
violence.
Des corvées ont lieu pour
débarrasser le dépôt de gabions de la gare. Quelques blesses parmi la corvée.
Le petit poste de la 18ème
vers Champlon a été bouleversé, 4 morts et 4 blessés. (**)
Dans la nuit, à l’instant
où l’ennemi bombarde, une vive fusillade est engagée ; est-ce l’attaque
qui va s’engager ?
Le silence se rétablit peu
à peu, cela vaut mieux car dans cette nuit noire comme encre, ce ne serait pas
drôle.
Pendant ce temps, que fait
notre artillerie ? Voici 10 jours que nous sommes sous ce bombardement et elle
ne répond pas!
Tous les jours, des morts,
des blessés, alors quoi ?
Que faut-il penser ?
(*) : Seule la
21e compagnie se trouvent à Fresnes-en-Woëvre à cette date.
(**) :
Tués : Sergent BODEREAU Albert Louis (sa fiche),
caporal GUIZIER Lucien, soldat RABLINEAU Eugène, soldat RICHER Marcel.
Fresnes-en-Woëvre
Journée maussade.
Le matin, au petit jour,
l’ennemi continue à nous lancer de formidables marmites. De même par période,
pendant le reste de la journée.
A la nuit, départ pour les
tranchées.
Nous changeons
d’emplacement et nous succédons à la 18ème qui vient d’être éprouvé, nous
devons cette faveur au commandant LAQUEUX F qui, ancien capitaine de la 21ème,
ne sait de quelle façon la brimer parce qu’il n’est pas en bon terme avec le
capitaine SAMAT qui commande la 21ème actuelle.
Nous prenons la route et
nous arrivons après avoir subi les rafales de batteries de fusils qui repèrent
le chemin.
La demi-section que nous
remplaçons vient d’avoir son sergent tué la nuit dernière avec 3 hommes et 2
blessés et, elle est quelque peu désorganisée.
Nous arrivons à nous placer.
A peine sommes nous installé qu’un bombardement en règle commence et cela toute
la nuit, avec des obus de fort calibre. La gabionnade qui conduisait au petit
poste a été complètement retournée par les obus ennemi, il n y avait pas besoin
d’être grand clerc pour prévoir ce qui est arrivé.
Ces petits postes avec
gabionnade pour y accéder sont à 600 mètres en avant des tranchées.
Elles ont du inquiéter
l’ennemi ; mais il aurait fallu que notre artillerie réponde vigoureusement
aux coups qui nous sont données mais elle est dans le plus complet silence,
pourquoi ?
Existe-t-elle seulement.
Résultat : depuis que
nous sommes dans le secteur de Fresnes, blessés et mort tous les jours ou
presque.
Tranchées près de Champlon.
Dans la nuit noire, nous
n’avions pas bien situé ou nous nous trouvions.
Nous sommes à l’entrée de
Champlon qui semble être presque rasé. C’est à peine si l’on y aperçoit
quelques murs. Ici, nous sommes complètement dans la vue de la tranchée ennemie
des Éparges (entonnoir).
Ce matin, dans notre petit
coin, c’est calme, mais au centre quelques grosses marmites sont encore
tombées.
De la soirée d’hier, je
conserve un fort mal de tête, c’est à se demander si cela va continuer encore
longtemps avec la longueur de cette guerre, le bombardement ennemi, l’absence
de riposte de notre artillerie, le peu de perspective d’une issue à cet
égorgement de l’Europe ; que va-t-il advenir de toute cette folie, et il y a
des gens que nos poitrines mettent à l’abri qui hurlent jusqu’au bout,
écrasement de l’ennemi, mais qu’ils y viennent donc ici, sous les obus. Si nous
avions eu du matériel, des canons lourds, des mitrailleuses, nous aurions été
victorieux, mais il n’est pas possible de l’être avec du gâchis et des
embusqués.
Maintenant la moitié du
régiment est embusqués.
Ce sont toujours les mêmes
bons bougres qui sont aux tranchées mais les permissions, les croix de guerre,
ce n’est pas pour eux, ils sont tous à la peine.
Ce n’est pas toujours celui
qui sème le blé qui le mange.
Midi, le bombardement
recommence avec période de silence, jusqu’à la nuit où il reprend furieusement.
Sept heures du soir.
Pendant le bombardement un
cri dans la nuit. Ce sont deux cuisiniers qui sont mortellement blessé par un
éclat d’obus dans la cuisse.
Tranchée à droite de
Champlon.
Belle journée, notre
tranchée est couverte de débris de mitraille. L’ennemi a
un explosif réellement puissant pour obtenir des morceaux d’une égale grosseur
il y a reprise du bombardement à midi, l’après-midi Fresnes reçoit sa part.
Miracle !!!!
Notre 75 envoie
une douzaine d’obus, c’est la première fois depuis dix jours, pauvres petits
canons.
A la nuit, reprise du
bombardement. 11 heures du soir, nous sommes relevés par la 24ème
compagnie ; heureusement le bombardement vient de cesser et les batteries
de fusils qui balaient la route que nous avons suivies. Nous nous dépêchons
d’arriver sur Fresnes et nous y arrivons exténué physiquement et moralement,
dépression complète. Nous nous couchons à une heure du matin. Le bombardement
des tranchées recommence.
Fresnes.
Bombardement le matin.
Fresnes reçoit la ration.
L’après midi corvée.
Nous travaillons à abriter
la maison du commandant. Je pense qu’il sera à l’abri avec un mur de 5 mètres
d’épaisseur ; pierre, terre, ciment et toute la hauteur de la maison.
Trois heures au soir.
Quoi, nous avons encore des
canons !!! Le 155 Rimaillo
envoi 7 ou 8 coups. L’ennemi répond à plusieurs reprises nous envoie quelques
volée d’obus.
Pas de victimes.
Après la soupe, corvée
toute la nuit. 1h et demi du matin, il y a encore de nos hommes qui
transportent des troncs d’arbre.
On abuse un peu trop, que
cherche t-on ? Bombardement des tranchées.
Retour de permissionnaires
qui reviennent écœurés de ce qu’ils ont vu à l’arrière ; rétablissement de
la censure sur les lettres, la vérité fait peur ; occupation de Varsovie par
les Allemands.
Les Anglais se promènent et
font la noce à Paris et autre ville de Normandie, je crois que c’est eux nos véritables
ennemis, nous tirons les marrons du feu pour eux. Durement pressés, les Russes
sont contraints d’abandonner Varsovie.
Fresnes.
Dès cinq heures et demi du matin, corvée. Décidément on ne veut pas nous
laisser un instant de répit.
8 heures : les marmites
commencent à tomber sur les tranchées et cela par période toute la journée.
Pluie torrentielle.
Le soir, départ pour les
tranchées. Nous prenons un autre chemin et nous arrivons tous extrêmement
fatigués de cette marche en terrain glissant.
Nous traversons une partie
de Champlon ; c’est la désolation.
Nous arrivons à la tranchée
de seconde ligne et nous pataugeons dans la boue des boyaux sans avoir été
inquiété par la batterie de fusil qui commande la route.
Minuit ; bombardement
de nos tranchées jusqu’au jour les obus se succèdent.
Il y en a un qui rase le
léger abri où je me trouve et qui éclate tout proche. Je prie et remercie Dieu
de m’avoir protégé encore cette fois.
Le lieutenant VALLÉE sort
de son retranchement et s’inquiète que ce ne soit la préparation à une attaque.
Tranchée de 2eme ligne.
Champlon -Trésauvaux
Nous ne faisons que
patauger dans la boue.
Deux soldats ont été
légèrement blessés cette nuit. Reprise du bombardement.
Notre artillerie est
toujours silencieuse. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Le reste de la journée a
été à peu près tranquille.
Le soir, notre artillerie
enfin se décide à envoyer 15 obus sur les projecteurs ennemis qui quelques
instants plus tard réapparaissent mais tout de même l’ennemi nous a laissé la
nuit tranquille.
Bombardement des petits
postes mais avec moins d’acharnement.
Tranchées.
Des grosses marmites
tombent par instant vers Trésauvaux, mitrailleuses dans le ravin de Longeau.
Évolutions d’aéroplanes français et ennemi.
L’ennemi couvre nos aéros de mitrailles, l’ennemi lui se promène au dessus de
nos lignes sans être inquiété.
Pluie qui rend le terrain
glissant, ce qui fera la relève extrêmement fatigante. Nous traversons la route
et parvenons à passer entre deux rafales de la batterie de fusils.
Arrivé à Fresnes ou a lieu
le rassemblement.
Arrivé à la Noire Haye
couvert de boue et complètement exténué, à bout de force. S’il faut encore
patauger dans la boue un autre hiver, j’en suis complètement incapable.
L’ennemi a déposé hier une
lettre sur un piquet en face de la 19ème.
Je suis obligé de convenir
qu’il n’a pas tort.
Noire Haye
Journée de pluie.
Le canon se fait entendre
depuis plusieurs jours au nord de Verdun-en-Argonne avec violence. La censure
sur les lettres est levée.
Déluge.
Noire Haye.
Le canon se fait entendre
avec la même violence.
Noire Haye. Temps indécis.
Canonnade lointaine.
La Noire Haye. Mauvais
temps.
Ces quatre jours passés
n’ont été qu’une suite de corvées pour les hommes.
Rentré de permissionnaires.
Paris est décidément une
honte, c’est l’avis de tous : s’amuser ainsi quand tant de français sont morts
dans la guerre et tombent tous les jours.
Départ pour les tranchées.
Nous arrivons à Fresnes et
nous allons de suite à notre poste A5 ; tranchée entre Champlon et les Éparges
ou nous arrivons exténué de fatigue. L’ennemi est plus tranquille ces derniers
jours d’après les renseignements qui nous sont donnés.
La batterie de fusils se
fait entendre ainsi que quelques coups de canons sur les petits postes. Le
projecteur d’Herbeuville et d’Hattonchâtel
nous aveugle de lumière.
La nuit se passe sans
incidents.
Mauvais temps, tout le
terrain n’est que boue.
A chaque pas que l’on fait
dans cette nuit noire, l’on trébuche dans la boue.
La journée est une suite
d’éclaircie et de pluie.
Matinée calme, mais
naturellement cela ne pouvait durer. La compagnie voisine ne fait que défiler en
corvée de fil de fer ce qui nous attire quelques bonnes rafales d’obus.
Pluie.
L’ennemi ayant tiré sur nos
batteries, s’attire une réponse. Alors ! Notre artillerie existe encore ?
Pourtant qui l’aurait cru
après son silence obstiné de ces jours derniers, ce qui a permis à l’ennemi de
faire un saut en avant et de construire une nouvelle ligne de tranchée.
J’oubliais d’inscrire un
petit détail !
Pendant notre trajet de la
Noire Haye à Fresnes, le projecteur d’Hattonchâtel fouillait le ciel, par
mégarde il éclaire un dirigeable qui me semble être un Zeppelin. Aussitôt le
projecteur éteint sa lumière. Quelques obus dans le courant de la nuit.
Tranchées A5
Journée assez calme.
Fritz nous envoie quelques
balles. L’artillerie fait échange de bons procédés. Pluie intermittente.
Relevé tranquille. Nous
cantonnons à Fresnes.
Violente canonnade au nord
de Verdun.
Fresnes-en-Woëvre.
Belle journée.
Toute la journée, corvée.
Canonnade sur les tranchées et sur Champlon.
Le soir corvée pendant une
partie de la nuit.
Transport de rails.
Fresnes-en-Woëvre
Belle journée.
Corvées toute la journée.
L’ennemi bombarde Champlon.
Départ pour les tranchées
A2 ou je suis chef de section.
Après le coucher de la
lune, la nuit est d’un noir d’encre, le ciel et la terre se fondent dans une
même teinte et l’obscurité paraît d’autant plus grande que les fusées ennemies
nous éclairent à chaque moment, puis c’est une courte et vive fusillade. Le
projecteur d’Hattonchâtel éclaire par instant toute la plaine comme s’il
faisait jour.
Quelques scharpnells éclatent sur les tranchées de secondes lignes.
Voici le jour qui se lève
péniblement.
Tranchées A2
La matinée se passe assez tranquillement,
puis voici 3 heures de l’après-midi, l’ennemi bombarde Champlon où plutôt la
trace de ce qui a été ce village et nos petits postes.
Canonnade lointaine au nord
de Verdun. Pluie.
Enfin, je vais peut-être
partir en permission à la fin de ce mois.
Décidemment, nos alliés
russes sont dans la déconfiture et nos amis !
Les Anglais profitent.
Commencement et ... de la débauche en France que la pudibonde Angleterre ne
tolère pas chez elle, c’est joli !
Pauvre France. Pauvre
camarades tués depuis une année pour défendre les intérêts anglais.
Fritz recommence à nous
arroser, toutes ses balles tombent à nos pieds.
La batterie de fusils se
met à balayer la route dès la tombée du jour.
Nos cuisiniers nous
apportent la soupe.
Toute la nuit nous recevons
par intervalles quelques volées d’obus.
Nuit noire, les fusées que
l’ennemi lance à chaque moment le fait plus obscur.
Il fait froid.
Le projecteur
d’Hattonchâtel continue à nous inonder de lumière. Continuelle lutte de
crapouillots et de grenades sur les Éparges. Levé du jour assez tard maintenant
4 heures.
Belle journée.
Continuelle lutte
d’artillerie mais nos tranchées n’écopent pas. Il semble que l’ennemi a pris
possession de l’entonnoir des Éparges. Des crapouillots éclatent par intervalles
régulier, toute la plaine en renvoie l’écho.
Comme relevé par la 24,
retour à Fresnes sans incident.
Toute la nuit, bombardement
des tranchées jusqu’au matin.
Il y a un an, nous étions
sur la route d’Étain à Opincourt et la division de St
Michel passait la déroute.
Les contre-attaques lancées
dans les Vosges par les chasseurs alpins n’obtiennent que de maigres résultats.
Fresnes-en-Woëvre.
Belle journée.
Dès le matin, lutte
d’artillerie assez vive qui dure la plus grande partie de la journée.
Le soir, nous travaillons
jusqu’à minuit à exécuter des tranchées autour de Fresnes.
Crapouillots sur les
Éparges.
Fresnes. Belle journée.
Canonnade par période.
Corvée avant le départ pour la Noire Haye ou nous arrivons à minuit.
Anniversaire de DHINCOURT.
La Noire Haye
Belle journée. Dès le
matin, les pièces de marine se font entendre.
Le soir, corvée autour du
bois.
La Noire Haye.
Belle journée. Ennuyé toute
la journée par un tas de corvées.
Le soir, jusqu’à minuit,
corvée pour planter des piquets pour un réseau de fil de fer autour de la Noire
Haye.
Violente canonnade toute la
nuit.
La Noire Haye
Belle journée. Le matin les
pièces de marine se font entendre.
Journée assez tranquille.
Canonnade toute la nuit.
La Noire Haye
Le matin, violente
canonnade d’aéros. Belle journée, chaude même.
Le soir, départ pour
Fresnes.
Pendant le trajet, orage
formidable, arrivons trempés, traversé par l’eau.
Pendant la nuit, canonnade
intermittente.
Fresnes
Température moyenne, temps
indécis, corvées diverses, matinée calme.
L’après-midi se passe bien
également à part quelque obus échangés de part et d’autres toute la nuit.
Tempête, notre maison est inondé, c’est un établissement de bain douches.
Silence complet de part et
d’autres, mais les rats et souris sont de plus en plus nombreux à la Noire
Haye, Fresnes et aux tranchées se font de plus en plus remuants et nous ont
amenés les puces qui ont chassés les poux.
Fresnes
Température fraîche ce
matin.
Après–midi corvées. Silence
complet en apparence du moins
Le soir, départ pour
tranchées de 2ème ligne, nous arrivons sans incident.
A peine le dernier de la ½
section a t’il mit le pied dans la tranchée que voici l’artillerie ennemie qui
arrose le chemin la ou nous sommes arrivés en raccourci sans sortir
progressivement. Nous pouvons dire que Dieu nous a bien protégés.
Bombardement de notre
élément de tranchée par du 1° 5. L’ennemi cherche à démolir en observation de
notre artillerie qui est dans notre tranchée de la gabionnade. Notre artillerie
répond vigoureusement alors nous avons la paix le reste de la nuit.
La veille, à la place que
nous occupons, un homme a eu la jambe coupée par un éclat d’obus. Lutte
extrêmement vive de crapouillots et grenades aux Éparges.
Tranchée de seconde ligne.
Canonnade de notre première
ligne le matin. Lutte de crapouillots et d’artillerie aux Éparges.
Nous sommes tranquilles et
nous reconstruisons un abri. Au moment où je trace ces lignes, un obus arrive
rasant de près la tranchée et va éclater un peu plus loin dans la plaine.
Avec la nuit, arrivée de
nos cuisiniers. Par trois fois, l’ennemi nous bombarde rigoureusement. Arrivée
de deux hommes de renfort venant au départ pour la compagnie. Ils sont venus 30
pour le régiment, tous hommes de la classe 97 et n’ayant jamais fait de service
militaire avant la guerre.
Lutte de crapouillots sur
les Éparges, mais tout de même moins vive que la veille.
Un homme de la 19ème à été
tué cette nuit.
1er septembre 1915
Quatorze mois de guerre.
Quand cela va-t-il finir ?
Nul ne le sait. L’avenir
est sombre.
Anniversaire de Gercourt où
j’ai perdu mon excellent camarade Eugène BONNA. (*)
Tranchée de 2ème ligne.
Belle journée qui se gâte
sur le soir.
Nous avons travaillé la
plus grande partie à la construction d’un abri. L’ennemi dont nous sommes vus
des Éparges nous envoie à plusieurs reprises quelques balles. Toute la journée
vive lutte d’artillerie particulièrement sur les Éparges ou cela arrive par rafales.
A la tombée de la nuit,
vive fusillade côté Champlon, les balles tombent à nos pieds dans la tranchée.
Le projecteur ennemi à Herbeuville fouille la plaine cherchant la relève. Nous
sommes relevés par la 24ème. Notre départ est assez mouvementé à chaque moment
le projecteur nous éclaire et nous oblige à nous coucher. Nous arrivons à
Fresnes non sans peine.
Je suis de garde.
Crapouillots toute la nuit (sur les Éparges).
(*) : Eugène François BONNA, sergent au 303e régiment d’infanterie, mort pour la France le 1e septembre 1914 à Gercourt (55). Voir sa fiche.
Fresnes
Garde au poste. Lutte d’artillerie
toute la journée.
Le matin, les mitrailleuses
se font entendre vigoureusement.
Toute la nuit, lutte
d’artillerie et mitrailleuses aux Éparges. Corvée de terrassement la nuit.
Photo de l’auteur Paul
DUCHATELLE, 303e régiment d’infanterie.
Fresnes. Notre colonel
vient à Fresnes. Temps couvert.
Matinée calme.
L’après-midi se passait de
même et j’étais couché sur mon sommier lorsqu’une détonation formidable accompagné
d’un tremblement du sol se produisit.
Il était quatre heures
environ, aussitôt je me lance vers l’abri de bombardement qui est plein en une
seconde, 5 obus de 220 éclatent ainsi dans l’espace d’1/4 d’heure à 45 mètres
de nous, les maisons tremblent comme des châteaux de cartes.
Nous sommes comme soulevé
de terre, et au moment de l’éclatement un violent déplacement d’air se produit
contre des obus ; pareil notre abri est une feuille de papier, nous
serions réduit comme chair à pâté s’il en tombait un sur notre abri.
Nous pouvons dire que Dieu
nous a bien protégé.
Il n’y a pas eu de victimes
et pourtant la sentinelle du pont étant à 10 mètre des trous d’obus, mais le
premier coup un peu court avait permis à tout le monde de s’éclipser. Tout
rentre dans le silence avec la nuit nous partons aux tranchées ou nous arrivons
sans incident.
Lutte de crapouillots sur
les Éparges et sur Champlon.
Fritz s’amuse à tirer sur
nos tranchées.
L’ennemi a quatre
projecteurs qui nous éclairent alternativement, qui sont placés à Hattonchâtel-Herbeuville-hauteur
de Combres et dans la tranchée à mi-côte des Éparges.
Tranchées A5.
Dans cette tranchée on ne
peut faire un mouvement sans être sous la vue de la tranchée ennemie des
Éparges.
Journée à peu près calme.
Lutte de crapouillots sur
les Éparges.
Mauvais temps, presque
froid et pluie. Nos hommes se plaignent avec raison d’être insuffisamment
nourri.
Il serait temps que tout
cela finisse.
Jusqu’au bout je me demande
bien ce que cela veut dire.
Qu’entendent par là les
gens de l’arrière, que nos poitrines mettent à l’abri des balles ennemies et
qui n’ont pas la pudeur de respecter ceux qui sont mort depuis une année. Ces messieurs
de l’armée font la fête… Le ministre s’inquiète de fixer la nuance du Kaki que
messieurs les embusqués doivent porter, est-ce que nous en avons nous des
uniformes à la mode, de bleu horizon, ils doivent devenir pisseux nos
uniformes !
A la nuit, départ du petit
poste, je les accompagne jusqu’à leur emplacement, la terre est retournée par
les obus, ce n’est qu’entonnoirs.
Nuit noire, projecteurs
ennemis.
Lutte de crapouillots aux
Éparges. Je vais protester auprès du capitaine au sujet d’un passe droit à
propos des permissions, quelques balles seules passent de temps à autre.
Un de nos obus de 155
tourné certainement par un notaire ou un maître de danse s’est amusé à faire la
pirouette et est tombé entre nos deux lignes ou tranchées.
Matinée fraîche et
silencieuse. Le matin, calme absolu.
Vers midi, notre artillerie
ayant envoyé quelques obus s’attirent un bombardement en règle jusqu’à 5 heures
du soir. Les grosses marmites se succèdent sans interruption. Les éclats
arrivent jusqu’à la tranchée.
Article sur le petit
parisien où il est dit que la monnaie accepte l’or des bijoux !
Nous sommes relevés et
départ pour la Noire Haye. Vu le bombardement de la journée, nous passons à
travers la plaine pour aller à Fresnes. Heureuse idée, sans cela, nous aurions
reçu une salve de 77 au passage de la barricade, route de Champlon.
MATOSSY et sa protection
passait à ce moment et a échappé on ne sait comment à cette rafale.
Arrivée à Fresnes et départ
sans incident.
Noire Haye.
Violente canonnade en
Argonne. Visite d’aéros au-dessus du camp. Corvées
diverses. Notre artillerie se fait entendre par intermittence.
Noire Haye.
Belle journée. Corvées
matin et soir.
L’après midi, MATOSSY
m’emmène voir la maison Georgin à Haudiomont dont il a la surveillance. Un aéro
lance plusieurs bombes sur Haudiomont.
Nous rentrons à la Noire
Haye très doucement à six heures au soir.
A notre arrivée, le
régiment était en alerte.
Petite émotion.
Je n’aime pas beaucoup les
surprises ; les hommes avaient été obligés de fêter la soupe qu’ils
s’apprêtaient à manger. Enfin, nous sommes autorisées à déplier nos couvertures
et dormir à 11 heures du soir. Mais tout cela devient d’une ironie amère, tout
ceci est causé par la visite d’une commission de nos bons députés et la suite
devient piquante et amère !
Je serai très curieux
d’apprendre le nom de ces valeureux qui s’aventurent encore assez loin des
obus. Certainement on leur décernera la croix de guerre.
Le pourcentage des cuisines
roulantes accompagnées d’un cuisinier par section, et du chauffeur et
conducteur partiront à 3 heures du matin en terre de campagne irréprochablement
propice ; ainsi que les cuisines iront au fort de Rozelier
et reviendront par Haudiomont et Manheulles « pour subir l’inspection des
parlementaires ». Les hommes devaient avoir comme nourriture du singe « Bœuf en conserve ». Ils auront de la viande
fraîche et la ration a été de deux quarts de vin comme la réclame en est faite
dans tous les journaux.
Quel bluff !! Habituellement la ration est de un quart de litre ou même
la moitié d’un quart.
Toute cette nuit notre
artillerie de campagne est lourde et elle n’a de cesse de tonner pour montrer à
nos députés que nous avons la supériorité du feu ! ! ! !
Mais quand c’est utile,
notre artillerie se tait comme elle le faisait au commencement le mois dernier.
Tous les jours à midi, en
première ligne, les hommes de soupe sont attendus.
Dans les secteurs
difficiles, leur métier est l’un des plus dangereux. Pour que la fumée ne les
trahisse pas aux yeux de l’ennemi, les roulantes sont placées à 4 ou 5 km des
lignes.
Les hommes de soupe doivent
parcourir cette distance dans ces boyaux étroits où les tireurs d’élite ennemis
les prennent pour cible et où il n’est pas rare de voir des canons les prendre
spécialement à partie.
Alors, lorsqu’ils arrivent,
le « singe », le macaroni, le riz, la morue sont toujours froids,
souvent pleins de terre et ils sont accueillis avec des injures par des hommes
exaspérés.
Noire Haye.
Ce matin nous sommes
toujours en tenue d’alerte. Cela cesse à neuf heures, le canon tonne toujours.
La cuisine est toujours en
ballade.
Il est dix heures du matin.
Morale : nos hommes
crèvent de faim, devant les députés ils sont bien nourris. Touchant ½ de vin
quand c’est faux.
L’ennemi nous couvre de
mitrailles, notre artillerie reste silencieuse, nos parlementaires sont
présents, l’artillerie ne cesse de tonner.
Ainsi, ces messieurs iront
crier partout notre supériorité (quelle ironie) et pourront dire jusqu’au bout,
eux qui n’ont osé d’aventure que jusqu’aux roseliers ou jamais un seul obus
doit arriver jusqu’à eux.
Quels sont les noms de ces
députés ; ce sera intéressant de le savoir. Ce doit être BOGERIAN, Andre HESSE, Poncet-MIGNOT dont les noms figurent au
journal le lendemain.
Évolution et bombardement
d’avions. La cuisine roulante revient à neuf heures et demie au soir.
Heureusement que les hommes ont pu faire leurs nourritures dans les campements
mais la soupe à du être salée à être galvaudée toute une journée.
Abri du colonel.
Fresnes-en-Woëvre.
A notre arrivée, pareil au
reste du cantonnement. Maintenant que le 303ème cantonne ici, notre colonel
fait faire des corvées de pierres toutes les nuits jusqu’à ce que cet abri soit
constitué ainsi.
Contre le mur de la maison,
il a été élevé un autre mur de deuxième épaisseur de pierre, le tout recouvert
de terre et tout cela avant qu’il ait été construit un seul abri pour les
hommes ! Et tous les jours on y travaille.
FIN
DU TROISIEME CARNET
Carnet N° 1 : Perdu
Carnet N° 2 : du 3 avril
- 13 juillet 1915 – Le lire ici
Carnet N° 3 : du 14 juillet – 8 septembre 1915 – Le lire ici
Carnet N° 4 : Perdu
Carnet N° 5 : du 25 juin
– 7 décembre 1916 – Le lire ici
Carnet N° 6 : Perdu
Carnet N° 7 : du 9 juin au 16 août 1917 – Le lire ici
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