Carnets de guerre 1914–1918 du sergent Edouard Mattlinger

du 49e territorial, puis 372e RI, puis re-49e RIT, enfin au 132e RI

Année 1918

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SOMMAIRE (n’existe pas dans le carnet)

 

L’Oise, bataille de Montdidier : mars 1918

Résumé de la bataille de Montdidier

Lorraine : avril 1918

Picardie : Juillet, août 1918

A la poursuite des allemands. Reconquête des secteurs désertés par l’armée allemande. Août-oct. 1918

Les Vosges, puis l’Alsace, entrée en Allemagne, nov.-déc. 1918

 

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1er janvier 1918

Je passe une bien mauvaise journée, pour des futilités de rien. J’ai une discussion terrible avec mon épouse ce qui me surprit beaucoup.

La soirée se termina au cinéma.

2 janvier

Je passe ma journée à la maison à faire quelques petits travaux.

Temps très froid.

3 janvier

Je fais quelques petites excursions à travers la ville et j’en profite pour me faire photographier avec ma petite famille.

Journée très agréable.

4 janvier

Préparatifs de départ.

Je passe une très agréable journée avec ma famille. Je vais dire au revoir aux amis et je me rends à la gare où je prends le train de 3 h.

Je quitte mon épouse et mon frère, très troublé, mais cache l’impression que me produit cette nouvelle séparation.

Après plusieurs manœuvres, le train quitte la gare à 5 h moins le quart. Les wagons ne sont pas chauffés et on a bien froid.

Arrivé à Lure, je change de train où je suis obligé  de me tenir debout. C’est très pénible, les compartiments sont archi bondés.

Arrivé à Épinal, je reste dans le train de ravitaillement qui n’est plus chauffé. Je passe une nuit terrible tellement le froid est rigoureux.

Je suis obligé de danser dans le train pour me réchauffer les pieds et je n’y arrive pas. Je constate dans une petite gare que le baromètre indique 21 au-dessous de zéro.

Le train avance péniblement.

Nous marchons à environ 7 km à l’heure ce qui fait que le train de permissionnaires partant une heure après nous d’Épinal nous dépasse au Thillot.

Enfin on arrive à Bussang à 8 h du matin où je prends une auto découverte qui me conduit jusqu’à Urbès (Haut-Rhin).

De là, je fais le chemin à pied jusqu’à Kruth où je retrouve mes amis.

Je passe un agréable moment avec eux et l’après-midi, je vais me coucher à 3 h car je suis très fatigué.

Je me lève le soir pour souper et je retourne au lit où j’y reste jusqu’au lendemain.

5 janvier

Je me lève à 10 h.

Je vais avec mes amis prendre l’apéritif et je m’occupe de mes distributions. Journée assez agréable mais j’ai le cafard.

6 janvier

Temps de dégel.

Nous pataugeons dans l’eau comme des canards. Journée désagréable. Je vais l’après-midi ai théâtre des armées où je vois jouer une jolie revue. Le soir, je vais me coucher tranquillement à 9 h où je suis tout heureux de me voir si bien dans mon bon lit.

7 janvier

Rien de nouveau. Bussang.

8 janvier

Temps affreux.

Il est tombé dans la nuit plus de 20 cm de neige et il ne cesse de neiger, aussi, je sors le moins possible.

Je me couche à 8 h et je lis mon journal au lit.

9 janvier

Grande surprise en me levant, plus de 40 cm de neige et elle tombe toujours ce qui fait que le soir, nous avons jusqu’à 50 cm.

Je m’ennuie beaucoup.

10 janvier

Temps assez beau.

Après-midi, j’engage un combat de boules de neige qui dura plus de 3 heures.

Étant exténué de fatigue, je pars à ma popote pour me reposer. Le soir, je reste avec les amis qui jouent aux cartes.

11 au 14 janvier

Temps désagréable.

Je m’occupe de mes distributions et je passe le reste du temps avec mes amis à jouer aux cartes ou à écrire.

15 janvier

Préparatifs de départ. Je m’occupe du chargement des voitures de vivres de réserve.

Temps assez beau.

16 janvier

Temps épouvantable.

Je reste toute la matinée à ma popote. Le vent est tellement violent que le chemin de fer aérien ne marche pas ; ce qui rend notre lieutenant d’une humeur massacrante.

Le soir, à 7 h, je monte au câble pour garder les marchandises qui n’ont pu être expédiées.

J’y passe ma nuit en compagnie du personnel qui fête la naissance d’un petit garçon du chauffeur.

C’est une vraie nouba.

Le vin chaud et les bouteilles de vin bouchées abondent, si bien que vers 1 h du matin, tout le personnel du câble se trouve dans une ivresse excessive.

Je quitte le câble le matin à 11 h, très fatigué.

17 janvier

J’arrive à ma popote pour me mettre à table où je dîne sans goût.

Ensuite, je vais me coucher ; une heure après, on me réveille pour me préparer mon service pour partir le lendemain.

Journée désagréable.

18 janvier

Je me lève à 7 h. je prépare mon baluchon que je remets aux voitures.

Je dîne à 10 h et je me mets en tenue de départ.

Nous quittons Kruth à 11 h du matin en passant par le col du Ventron, ascension assez pénible, où la neige reste encore sur les accotements des routes.

Je fais le voyage à pied.

C’est très agréable.

Nous arrivons à Cornimont à 6 h du soir où je fais les distributions à mon bataillon.

Mais le mauvais temps se met de la partie. Notre plus grande difficulté est de trouver un local pour loger nos chevaux.

Finalement, nous installons une grande bâche dans la gloriette du café de la gare où nos chevaux y passent la nuit. Les hommes couchent dans leurs fourgons. Nous trouvons une popote chez des ouvriers où la famille est de 7 personnes.

Nous y sommes très bien. Je loge également chez une personne qui en a autant plus en construction.

Je passe une bonne nuit.

19 janvier

Cornimont.

Je m’occupe de trouver un parc et une écurie pour nos chevaux. Mais toutes les difficultés se présentent. Nous occupons un local à demi achevé.

Le nombre de troupes étant trop important, pas moyen d’obtenir une écurie ni logement, ce qui oblige nos hommes à coucher dans leurs fourgons.

Journée assez agréable.

20 janvier

Je fais ma toilette et je m’occupe de préparer le ravitaillement pour mon bataillon qui a quitté Cornimont pour aller à la Bresse qui se trouve à 6 km.

Comme c’est dimanche, l’on voit beaucoup de monde se promener. La population est d’environ 6.000 habitants.

Important pays usinier. La débauche prime beaucoup aussi, nos Poilus s’en donnent à cœur joie. Je reviens de la Bresse à 5 h du soir et je vais prendre l’apéritif avec le patron de notre popote.

Le soir, je me couche à 8 h1/2 car je suis très fatigué.

21 janvier

Je me lève à 7 h où je m’occupe de mes comptes et d’écrire quelques lettres.

Le temps est maussade.

Je quitte Cornimont à 11 h ½ pour aller à la Bresse ravitailler mon bataillon.

22 au 28 janvier

Temps très beau.

Je passe d’agréables journées avec mes camarades à Cornimont.

29 janvier

Préparatifs de départ.

Journée agréable. Temps superbe.

Le soir, j’assiste à une séance de théâtre aux armées qui était des mieux réussis.

Je vais me coucher à minuit.

30 janvier

Départ de Cornimont à 8 h  par un temps superbe. Nous arrivons à Le Thillot à 10 h où nous sommes très bien reçus.

Le ravitaillement venant de Cornimont arrive très tard, ce qui m’oblige à ravitailler mon bataillon la nuit.

Je couche à l’Hôtel de  la gare où je suis très bien logé mais je regrette mon lit car je suis bien fatigué en me levant.

31 janvier

Départ de Le Thilliot (Vosges) à 7h45 par un froid très sec.

Nous passons par le Col des Croix.

Route du Ballon de Servance.

Notre voyage est très agréable.

Le temps était superbe. Nous faisons une pause au Col des Croix où l’on jouit d’un superbe coup d’œil sur la vallée des Vosges.

Nous arrivons à Servance où nous faisons notre cantonnement. Nous sommes assez bien.

1er février

Je m’occupe tranquillement de mon ravitaillement.

Le temps est superbe ce qui me rend très gai. Nous préparons nos voitures pour partir le lendemain.

La soirée se passe très agréable à la popote.

2 février

Départ de Servance à 5 h ½ du matin par un temps très froid mais très sec. Nous allons chercher notre ravitaillement à Mélisey où nous déjeunons au café de la gare.

De là, je me dirige sur Saint-Germain où j’y ravitaille mon bataillon.

Après nos distributions, je me dirige à La Côte où j’y trouve mes camarades. Nous passons une soirée très agréable.

Nuit froide.

3 février

Départ de La Côte pour aller à Arpenans (Haute-Saône).

Nous passons par Lure où nous faisons une pause d’une demi-heure.

Il fait un temps superbe.

Nous arrivons à Arpenans à midi. Nous avons une popote. On est très bien. La patronne est très gracieuse.

L’après-midi, je vais ravitailler mon bataillon à Rillevans, petite commune de 300 habitants. Je rentre le soir à ma popote où la gaieté règne.

Je n’ai pas de chambre pour coucher ce qui m’oblige à coucher dans le foin où j’ai bien froid.

4, 5 et 6 février

Toujours à Arpenans. Je vais le matin chercher mon ravitaillement en gare de Villersexel […]

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Du 19 au 22 mars

Je continue mon ravitaillement en gare de Belfort. J’ai beaucoup à faire, mes compagnies sont dispersées. Valdoie, Offemont , Pérouse, Vitrigne et Chèvremont, ce qui m’occupe jusqu’à 7 heures du soir.

Vers les huit heures, je me décide d’aller coucher chez moi.

Lorsque vers deux heures du matin, je suis brusquement réveillé par des coups de poing dans les volets. C’est un de mes amis qui vient me prévenir que nous sommes alertés et que nous partons dans la nuit.

Je m’habille en hâte et je me dirige vers Chèvremont où je suis très mal reçu par mon officier qui me menace de conseil de guerre,

Bref, les choses s’arrangent pour le mieux après le chargement des voitures.

23 mars

Nous quittons Chèvremont à 2 heures du matin pour nous rendre à Montrevieux où nous y retrouvons les amis du ravitaillement.

Nous déchargeons nos voitures et nous allons en gare toucher pour quatre jours de vivres.

L’après-midi, je fais mes distributions sur la place de la commune de Montreux, château où mon bataillon, se trouve.

Le soir, nous faisons une petite fête à notre popote pour nous remettre des émotions de la journée.

24 mars

Il y a eu contrordre de départ. Nous ravitaillons nos bataillons le matin et l’après-midi, nous nous préparons à partir.

J’embarque le soir à huit heures.

A 8 heures, le départ de Montrevieux pour Belfort.

Notre train s’arrête à Valdoie. Les avions ennemis se livrent au bombardement de Belfort. Un avion survole notre train et y jette des bombes qui ne nous atteignent pas. Nos mitrailleurs répondent par une grêle de balles, ce qui éloigne l’avion.

Mais nous remarquons que plusieurs bombes ont produit leurs effets sur  Belfort, par deux incendies qui se déclarent. Comme le train reste plusieurs heures en gare de Valdoie, je m’endors ce qui fait que je n’ai pas remarqué notre passage à Belfort.

L’Oise, bataille de Montdidier : mars 1918

25 mars

Je me réveille à 6 heures du matin aux environs d’Epinal,nous faisons un petit arrêt.De là, nous prenons la direction de Paris et passant par Epernay où nous arrivons à 9 heures du matin, à Châlons-sur-Marne à midi, à 3 heures à Paris où je constate les dégâts occasionnés par l’explosion de l’usine à munitions de La Courneuve.

A plus de quatre kilomètres de l’explosion, on trouve des débris de toute nature. Toutes les maisons voisines sont détruites. Nous sommes chaleureusement accueillis dans les gares où nous passons.

Nous arrivons à Oise (Somme) à 1 heure du matin où nous débarquons.

Nous apprenons que l’ennemi n’est pas loin de là.

Après notre débarquement, nous nous dirigeons sur Cantigny. Mais, sur tout notre parcours nous rencontrons des femmes, des enfants et vieillards qui abandonnent leurs villages pour aller chercher refuge on ne sait où.

Tout ce monde est d’une tristesse profonde, aucune parole n’est adressée à la troupe. Pour mon compte, je suis profondément attristé de voir tous ces pauvres gens traînant leurs bagages, ces pauvres enfants exténués de fatigue ainsi que bien des vieilles personnes.

C’est un aspect lamentable qui me crève le cœur.

26 mars.

Nous arrivons à Cantigny, pays à moitié évacué. J’y trouve de l’artillerie anglaise qui bat en retraite.

Les hommes dorment sur leurs pièces.

Ils sont exténués de fatigue. Nous logeons dans une grande propriété appartenant au château du pays.

Je me couche deux heures sur la paille car je suis très fatigué. L’après-midi, je vais ravitaillé mon bataillon à Courtemanche  , pays complètement évacué qui se trouve à quatre kilomètres de Montdidier. J’apprends que l’ennemi est aux portes de Montdidier. Et mon bataillon se porte en avant pour y livrer bataille.

Le bombardement a déjà mis le feu à plusieurs grandes fermes. Ce qui donne l’aspect d’un village complètement en feu.

Je quitte Courtemanche  pour me retrouver à Cantigny où j’apprends que Montdidier est occupé par l’ennemi.

Une bataille assez sérieuse s’est livrée dans le pays avec les troupes de mon régiment mais le nombre oblige les nôtres à se replier.

Pendant ce temps notre cuisinier nous avait fait cuire des poulets abandonnés par la population et nous dégustons de bonnes bouteilles de vin vieux restées dans les caves.

Lorsque vers sept heures du soir, nous recevons l’ordre de nous replier, que l’ennemi avançait, ceci me coupa l’appétit.

Nous nous dirigeons à Sérévillers où nous restons deux heures. J’en profite pour me coucher dans une cave.

Les civils nous voient arriver, abandonnent leurs fermes en laissant presque tout leur bétail dans les écuries.

A 2 heures du matin, nous repartons pour Le Mesnil Saint Firmin où nous arrivons au petit jour.

27 mars

Nous occupons Mesnil Saint Firmin jusqu’à 11 heures du matin. Comme je suis fatigué, je me couche dans de la pence d’avoine où je dors comme un sourd.

Pendant ce temps, nos poilus visitent les caves et les magasins et rapportent des quantités de bouteilles de vin fin ainsi que des conserves prises dans les épiceries abandonnées.

Au moment de notre départ, la plupart de nos hommes sont saouls.

 

Nous quittons à 11 heures du matin pour nous diriger sur Breteuil  où nous installons tous les convois de la division dans les champs aux environs de Breteuil . A notre passage dans Breteuil , un marchand de vin nous fit charger la voiture  de caisses de vin fin pour que l’ennemi n’en profite pas, ce qui représente environ 300 bouteilles.

Aussi c’était la fête.

Pendant que des femmes et enfants pleurant n’ayant rien à manger, les troupes faisaient la noce avec le butin barboté dans les maisons.

Ce qui m’indique que la mentalité de nos hommes est la même que celle des Boches.

 

A 2 heures de l’après-midi, je retourne à Sérivillers où j’y arrive la nuit. J’ai toutes les peines possibles pour trouver mes compagnies.

La pluie tombe à seau et il fait noir nuit. On a du mal à se diriger sur les routes. Je retourne avec mon convoi au parc de Breteuil  où je me couche dans un fourgon.

Je suis transi de froid avec mes vêtements mouillés mais la fatigue est grande et je m’endors tout de suite.

28 et 29 mars.

Nous transportons notre parc à Bacouel aux environs de Breteuil.

Nous y distribuons des vivres aux unités qui n’avaient pas été servies après ce travail. Je constate le pillage des maisons fait par les troupes qui occupaient le pays.

C’est navrant, tout est saccagé.

L’après-midi, je vais ravitailler mon bataillon à Sérivillers.

De là, je me dirige sur Broyes où je sers les unités isolées. Je reçois des ordres par mon adjudant d’aller à Grivesnes  servir le 1er bataillon.

 

Je pars à 8 heures du soir en passant par Plessier. Les routes sont très mauvaises mais j’ai de bons chevaux, ce qui me permet d’arriver.

Sur tout mon parcours je vois des hommes en embuscade, plusieurs officiers me font observer que je suis imprudent d’aller jusqu’à Grivesnes  , l’ennemi étant aux abords du pays. Je suis indécis mais je suis obligé de me conformer à l’ordre qui m’a été donné.

J’arrive à Plessier. Je ne remarque rien d’anormal.

Je continue ma route, lorsque j’arrive à 1 km de Grivesnes , j’entends venir derrière moi des cavaliers qui filaient à toute allure.

Un officier d’artillerie s’arrête en passant près de moi pour me demander qui j’étais et où j’allais.

Après ma réponse, il m’ordonne de partir au plus vite, que les Boches étaient derrière nous. Je ne me suis pas donné la peine de regarder ce qui se passait derrière moi.

J’ai fait courir les chevaux à toute vitesse et je suis arrivé à Grivesnes  au moment où on barrait les routes. J’ai dû mon salut à la présence de cet officier.

Dans Grivesnes , je vois tous les convois se dirigeant sur Ainval, mais à la sortie de Grivesnes  nous restons plusieurs  heures à attendre sur la route, l’artillerie étant occupée à retirer des pièces de 270.

Nous arrivons à Ainval où nous restons jusqu’à huit heures du matin. Nous recevons l’ordre de nous replier sur Sourdons où nous passons quelques heures dans une riche ferme où il reste un très riche mobilier et une superbe basse-cour.

Pendant ce temps les ordres nous arrivent pour ravitailler le bataillon à Thory où nous recevons une rafale d’obus, ce qui nous oblige à partir. Je me dirige ensuite sur La Hérelle où j’arrive à minuit et j’y retrouve mes amis qui me croyaient prisonnier.

Je passe par Sourdons, Esclainvillers, Quiry-le-Sec, Rouvray-les-Merles, Tartigny, Bacouel et La Hérelle.

Sur tout mon parcours je rencontre de l’artillerie et de l’infanterie qui viennent nous renforcer.

30 mars

Je ravitaille mon Bat. à Plainville où j’assiste de loin au bombardement de Montdidier. Je vois également les mouvements de troupe dans la plaine.

Il y a également la plupart des maisons en feu.

Je retourne le soir à La Hérelle où il fait un temps épouvantable.

31 mars

Je vais à Rouvray-les-Merles où je retrouve mon bataillon qui vient au repos.

J’assiste aux conversations de mes amis qui me font part des succès qu’ils ont obtenus sur les Boches. C’est la joie parmi tous ces poilus.

Je retourne à La Hérelle que nous quittons à 1 heure du matin pour nous rendre à Esquennoy (Oise) 

1 avril

 Nous nous installons à Esquennoy (Oise) où nous sommes très bien. Le pays est assez conséquent et on nous fit bon accueil.

2 et 3 avril

 

Décorations des poilus sur la place d’Esquennoy. La cérémonie est imposante.

Une quinzaine d’hommes reçoivent la médaille militaire et deux jeunes officiers reçoivent la légion d’honneur.

 

 

 

  

RESUME DE LA BATAILLE de Montdidier

 

Chaque bataillon au feu et à mesure de son arrivée  a reçu une destination différente et a été jeté dans la bataille à la rencontre de l’offensive allemande.

 

1er Bataillon, envoyé vers le Nord, s’est trouvé les jours suivants avec les troupes de la 12e division.

2ème  Bataillon s’est trouvé avec le 10e groupe de chasseurs à pied de la 56e division.

3èm e Bataillon s’est trouvé seul du 132 dans le secteur commandé par le Lt-Colonel avec des troupes d’autres divisions.

 

Le 27 mars, chaque Bat. A résisté mais a dû se replier dans la crainte d’être encerclé car les Boches avaient profité des brèches dans notre ligne pour y pénétrer et menaçaient de nous tourner.

 

28 mars, résistance acharnée du 1er Bat. sur son front

Le 2e Bat, reprend à la baïonnette le village de Fontaine.

3e Bat. Enlève par une belle manœuvre enveloppante le village de Mesnil et reprend 2 km de terrain aux Boches, décime 2 bataillons allemands, prend une compagnie avec son commandant, un lieutenant, des mitrailleuses et du matériel.

 

29 mars, 1er Bat. résiste vers Coursoir au Nord-est de Gratibus avec la même vigueur et repousse à la baïonnette des attaques boches.

               2e Bat. s’organise et résiste vers Fontaine.

               3e Bat. est lançé à l’attaque de la ligne boche depuis le moulin de Montdidier jusqu’à Le Monchel.

 

30 mars, 1er Bat. repousse des attaques violentes et est relevé dans la nuit.

               2e Bat. résiste à Fontaine et le soir, est obligé de céder le village

               3e Bat. résiste à Mesnil contre la 10e Division  allemande entière qui s’épuise dans cette journée contre cette résistance, et est obligée d’engager jusqu’à sa dernière unité et de faire une concentration de feux d’artillerie sur Mesnil qui est incendiée pour nous obliger à nous retirer.

 

31 mars. On s’organise sur ces positions.

 

Dans la nuit du 31 au 1er avril, le 2e et le 3e Bat.et l’Etat-Major sont relevés.

 

 

UN BATAILLON CONTRE UNE DIVISION

 

      (De notre envoyé spécial accrédité auprès des armées françaises)

 

« Le Boche est arrêté » a déclaré le général.

Pendant la bataille, nous attendions, haletants, les nouvelles. Elles nous disaient comment les Allemands, malgré les forces qu’ils jetaient incessamment, étaient contenus.

C’est maintenant que je dégage toute l’importance des véritables victoires des 28, 29 et 30 mars, bouchant d’abord le trou qui s’était creusé ayant Rollot pour centre, permettant ensuite ce qu’on appelait devant nous un « rétablissement prodigieux sur la barre fixe ». Et dans quelles conditions !

Contre une supériorité numérique qui semblait alors écrasante avec des bataillons engagés au moment même où ils débarquaient sous les balles ! Jamais on ne dira assez ce que fut l’héroïsme des troupes du général Demesse chargé de ce rétablissement.

A Mesnil-Saint-Georges, le 30, les Allemands attaquèrent à 4 reprises à 7h1/2 à 11h.1/2, à 17h. avec l’une des meilleures de leurs divisions. Les forces françaises qui leur tenaient tête ne dépassaient pas mille hommes !

Et elles tinrent leurs positions et par les feux de flanquement de leurs sections de mitrailleuses, elles causèrent aux Allemands de telles pertes que dans des compagnies, des assaillants furent réduits à vingt hommes.

Les allemands mirent le feu au village. Nos soldats se portèrent sur la crête et la gardèrent.

L’admiration et la reconnaissance croîtront pour nos troupes quand on saura par le détail ce qu’elles on fait pendant ces grandes journées.

 Paul Ginisty

 

 

Du 4 au 9 avril

Nous restons à Esquennoy (Oise). J’en profite pour visiter le camp d’aviation qui est immense.

Il ya des avions de tout calibre. J’en ai compté 7 qui mesuraient jusqu’à 22 mètres d’envergure. J’estime à près de 120 le nombre que j’ai remarqué dans ce parc. 

9 avril

Nous quittons Esquennoy à midi pour nous rendre à Saint-Just où nous devons embarquer. Nous arrivons à 3 heures, nous touchons les vivres de route et de débarquement pour quatre jours que nous distribuons aux bataillons au fur et à mesure s de leurs arrivées.

Je passe toute ma nuit à surveiller nos marchandises sur le quai.

Je suis bien fatigué.

Lorraine : avril 1918       

10 avril :

Continuation des distributions.

Temps superbe.

J’embarque avec mon bataillon à 17 heures. J’installe des bottes de paille sous une voiture et je fais tout le trajet le nez au grand air.

Je me réveille le matin à 6 heures aux environs de Paris où je profite d’une grande halte pour me débarbouiller.

11 avril :

Je passe ma journée en chemin de fer. Je voyage d’un wagon à l’autre pour visiter les cuisines roulantes qui font à manger pendant la marche du train.

J’en profite pour admirer les pays où nous passons. Je constate que sur tout le parcours un puissant matériel de guerre appartenant aux Américains.

Nous arrivons à Joinville-le-Pont à midi et demi où nous faisons une grande halte. Nous sommes la curiosité des gens parce que nos wagons portent l’inscription « Relève de Montdidier » car tout le monde savait que c’était la présence des troupes françaises qui arrêta les vagues allemandes à Montdidier.

Nous arrivons à Toul à 5 heures du soir où nous faisons une halte. Sur tout notre parcours, nous trouvons des troupes se dirigeant sur la Somme.

Nous arrivons sur Nancy à 9 heures du soir où nous passons une demi-heure. Nous continuons notre route jusqu’à Bayon où nous débarquons à minuit.

De là, nous nous dirigeons sur Haussonville où nous y arrivons avec bien du mal tellement les routes sont en mauvais état. Je me couche à trois heures du matin assez fatigué.

12 avril :

Je m’occupe de notre parc et je visite le pays qui, d’ailleurs, n’a rien de coquet.

Les gens sont très sympathiques. La population est de 767 habitants.

A notre popote où il y quatre charmantes demoiselles, nous y avons notre dortoir où tous les sous-off. sont logés.

Du 13 au 18 avril :

       Nous restons à Haussonville où nous y passons de bonnes journées. 

19 avril :

Nous quittons Haussonville pour nous rendre à Deuxville, petit pays de 399 habitants. Nous sommes à 4 kilomètres de Lunéville, pays agréable où la population travaille beaucoup la broderie de fil et perles. La plantation de houblon est abondante ainsi que les fèves.

 20 avril :

        Nous employons notre temps à nos distributions et à l’achat de fourrage et bois.

 21 avril :

Nous quittons Deuxville pour aller nous installer à l’écluse de Einville dans un bâtiment vide où nous pouvons installer tout le train régimentaire.

C’est un ancien café qui appartenait à un sujet allemand. J’ai une belle chambre à coucher et notre installation générale est de ces mieux. Nous nous trouvons à 800 mètres d’Einville, petite commune de 1.800 habitants où les femmes font beaucoup de broderie.

La débauche est grande par la présence continuelle des troupes qui stationnent dans le pays.

Du 22 avril au 22 juin :

Nous occupons l’écluse à Einville.

Notre régiment est en ligne en face Serres, Vallet et Bauzemont.

Le secteur est assez tranquille mais nos hommes sont souvent surpris par les gaz qui nous firent beaucoup de mal, surtout les gaz ypérite. Notre ravitaillement se fait de jour, en voiture et en bateau.

Secteur assez agréable. 

22 juin :

Je quitte l’écluse d’Einville pour aller en permission.

Je prends le train à Raville à 15 kilomètres de Lunéville.

Je passe par Epinal et j’arrive à Belfort le 23 à 8 heures du matin où je trouve mon épouse, toute surprise de mon arrivée.

 Du 23 juin au 4 juillet :

       Je passe une très agréable perme avec ma famille. 

4 juillet :

Fête nationale américaine.

Je visite Belfort qui est bien pavoisée de drapeaux aux couleurs de toutes les nations alliées.

Le coup d’œil est admirable.

Beaucoup de monde profite d’un temps superbe pour parcourir les avenues. Je me rends sur la place d’armes pour écouter jouer la musique américaine, mais déception complète.

Il n’y a pas (de) musique.

Je rentre à la maison pour souper et, de là, je me dirige à la gare avec ma petite famille que je quitte à 5 heures du soir pour prendre le train.

Séparation assez pénible après quatre années de guerre. Je passe la nuit en chemin de fer.

J’arrive à Rainville à 2 heures du matin où je couche dans des baraquements en attendant le train du matin se dirigeant sur Lunéville.

5 juillet :

Je prends le train du matin qui arrive à Lunéville à 6h1/2 où je retrouve quelques amis. Nous faisons quelques libations et je quitte Lunéville à 10 heures pour me rendre à Deuxville qui se trouve à 5h où je retrouve mes amis qui me font bon accueil.

Je m’occupe d’une chambre pour coucher que je trouve de suite, où je suis très bien.

Du 6 au 20 juillet :

Nous restons à Deuxville (Meurthe et Moselle)

Le pays n’a rien d’agréable, mais nous y sommes très bien. Notre popote est de ces mieux et notre travail consiste à aller chercher notre ravitaillement à Maixe le matin et d’en faire la distribution.

L’après-midi, à Einville où on a l’occasion de revoir beaucoup d’amis.

 21 juillet :

Nous quittons Deuxville à 5 heures du soir pour nous rendre à Ludres.

Nous voyageons de nuit par un temps superbe. Nous passons par Dombasle, pays minier très important où on y fait des sels et soude.

De là, nous arrivons à Saint-Nicolas du Port à 1h du matin, petite ville très propre où je remarque qu’il y a une superbe cathédrale qui domine tous les environs.

Nous arrivons enfin à Ludres à quatre heures du matin.

Le pays n’est pas joli, beaucoup de bâtiments ont l’aspect d’anciens couvents ou école religieuse. Il s’y trouve également un hospice de vieillards. La population est de 1.885 habitants.

Nous sommes assez mal logés et la débauche est grande. Je vais chaque jour ravitailler mon bataillon à Houdemont et Vandoeuvre qui se trouve à 3 kilomètres de Nancy.

Des hauteurs de Vandoeuvre, on aperçoit le joli panorama de la ville de Nancy et le coup d’œil est superbe. On aperçoit également Dombasle et Saint-Nicolas du Port.

La vue s’étend à plus de soixante kilomètres.

La région est très industrielle. Il y a également les puits de minerais de fer des aciéries de Pompey, qui occupe une bonne partie des populations. 

22 au 26 juillet :

Nous restons à Ludres où, à temps perdu, je me livre à ma passion favorite (la pêche)

J’ai beaucoup de succès. Les rivières n’ont pas trop souffert du passage des troupes.

27 juillet :

       Nous quittons Ludres à 5 heures du matin pour nous rendre à Haussonville (Meurthe et Moselle)

 

Sur mon parcours, je sers mon bataillon à Ferrières que je quitte à 13h ½ pour aller à Haussonville où nous retrouvons à la même place que la première fois, et la même popote où nous sommes très bien, mais le mauvais temps est de la partie.

28 juillet :

Mauvais temps.

Nous faisons nos préparatifs d’embarquement.

L’après-midi, je vais à la musique pour me distraire.

29 juillet :

Départ de Haussonville (Meurthe et Moselle) à 7 heures du matin pour aller au quai d’embarquement de Einvaux préparer les vivres pour distribuer au régiment au fur et à mesure de son embarquement.

Temps superbe.

La gaieté règne dans tout le régiment.

Je passe ma nuit sur le quai à surveiller nos marchandises.

Picardie : Juillet, août 1918

30 juillet :

J’embarque à 11h30 après avoir fait la distribution des vivres à mon bataillon.

Je passe par Toul où nous nous arrêtons un instant, 15h30 -Neufchâteau, 17h – Boulogne (Marne), 20h40.

Je ne m’occupe plus de notre voyage. J’installe ma paille sur le wagon où je me trouve et je dors comme un roi.

Je me réveille le matin à 7 heures sans savoir où je me trouve, lorsqu’à 9 heures ½, j’arrive en gare de Champigny à Nogent les Preux 9h30 – Noisy-le-Sec, 10h – Gare Saint-Denis, 11 h où nous nous arrêtons une demi-heure.

 

J’en profite pour faire ma toilette. Sur tout le parcours, nous rencontrons des trains d’Américains qui nous saluent par des cris baroques. Nous recevons d’eux des paquets de tabac et des cigarettes.

On constate qu’ils sont heureux de nous témoigner leur sympathie. Je constate aussi que les cultures dans la banlieue parisienne sont abandonnées et admirables.

Plus loin, ce sont des champs de blé à perte de vue.

Nous arrivons à Beauvais à 15h35.

J’aperçois la superbe cathédrale dont les vitraux principaux ont été enlevés pour éviter leur destruction par les fréquents bombardements aériens auxquels la ville est soumise.

Enfin, nous arrivons à Crèvecoeur-le-Grand à 18 heures où nous débarquons.

De là, nous nous dirigeons sur Luchy (Oise) où nous installons notre parc Place de l’église.

Je loge dans les remises qui avoisinent notre parc où je passe une bonne nuit.

Du 1er au 8 août :

Nous restons à Luchy où je constate que la population du pays n’est pas sympathique à la troupe.

Le prix des consommations est inabordable, on paie le vin rouge 2frs 40 et le blanc 2.70 et de bien mauvais vin, aussi nous quittons le pays sans regret.

9 août :

Départ de Lucy pour aller à Bonneuil-les-Eaux, pays assez conséquent.

J’y passe quelques heures en attendant des ardus ; je quitte ce pays à 14 heures pour aller distribuer au régiment qui se trouve à Thory (Somme)

Je passe par Haillivillers, La Falaise, Chirmont, Sourdan.

Sur tout le parcours, ce n’est que dévastation.

J’arrive à Thory à 18 heures où je trouve le régiment mais nous sommes obligés d’attendre qu’il soit installé pour y faire nos distributions. Le pays est complètement détruit.

Ce pays me rappelle la retraite anglaise où nous sommes arrivés devant Montdidier et où j’ai failli être fait prisonnier le 28 mars à Grivesnes en passant avec mon convoi à 500 mètres des lignes allemandes.

Je fais mes distributions à proximité du cimetière où plusieurs batteries de 105 bombardent sans répit les positions ennemies. C’est un vacarme assourdissant ; aussi je quitte Thory à 23 heures sans regret car j’ai mal oreilles de cette canonnade.

J’arrive avec beaucoup de difficultés à Bonneuil-les-Eaux à 6 heures du matin lorsque j’apprends que le train régimentaire était parti à Esquennoy où je les trouve à 8 heures.

J’en profite pour me débarbouiller et aller me coucher car je suis bien fatigué.

10 août :

Esquennoy

Après avoir fait quelques heures de sommeil, je vais dîner.

Ensuite, je vais rendre visite à mon ancienne propriétaire qui est toute heureuse de revoir le 132e dans leurs régions.

A 13h, tous les trains régimentaires quittent Esquennoy pour aller s’installer au Bois Louvet.

Mais je continue ma route pour aller à Thory distribuer à mon bataillon où j’arrive à 17h à mon retour. Je retrouve sur mon chemin le ravitaillement en vin ce qui m’oblige à retourner sur mes pas.

Mais le régiment ayant fait mouvement, je me mets à sa recherche et je trouve mes cuisines à la côte 97 en passant par Hangest-en-Santerre.

Je constate un départ de matériel à la gare incendiée dans la nuit par les avions ennemis.

A proximité de cette gare, il y a eu une bataille assez sérieuse. Les cadavres restés sur le carreau en font foi.

A proximité des cuisines, je remarque plusieurs pièces d’artillerie où les artilleurs sont tués à côté de leurs pièces.

Plus loin, un important magasin de vivres où on y trouve des farines en assez grande quantité, des confitures, de la Julienne et des pâtes alimentaires, ainsi qu’une grande quantité de demi-bouteilles d’eau gazeuse.

Je fais ma distribution de vin.

Je déjeune à une compagnie et je retourne retrouver mon TR que je retrouve à La Neuville-sir-Bernard à 17 heures où on m’attendait avec impatience pour avoir des nouvelles du régiment.

Après avoir soupé, je vais me coucher dans un abri boche pour être tranquille à cause des bombardements fréquents des avions boches.

12 août :

Je passe la journée à La Neuville-sir-Bernard où je profite de cette occasion pour visiter le champ de bataille.

e remarque que l’ennemi a été obligé de partir en hâte par le matériel abandonné et les ravages causés par le bombardement. Je retrouve quelques cadavres ennemis.

Le soir, nous sommes violemment bombardés par des avions, mais nous n’avons aucune perte. 

13 août :

Je vais distribuer à Guerbigny en passant par Cantoire, Pierrepaut, Boussicourt, Saulchoy.

Je remarque sur mon parcours un important matériel et munitions abandonnés par l’ennemi ; mais je remarque aussi que les pays ont bien souffert du bombardement. La plupart des maisons sont détruites principalement à Davenescourt et Guerbigny où l’ennemi a mis le feu aux propriétés et aux maisons d’école.

Je retrouve mes cuisines dans des carrières assez profondes ce qui nous protège un peu du bombardement. Nous souffrons surtout de la poussière occasionnée par le passage des convois d’automobiles qui sont fréquents.

14, 15, 16 août :

Nous restons à La Neuville-sir-Bernard  où je profite des heures disponibles pour aller pêcher dans les marais où je fais de bonnes fritures. Par contre, j’ai attrapé un rhume des plus sérieux en couchant dans des abris très humides. 

17 août :

Nous quittons La Neuville-sir-Bernard pour aller nous installer au bois Lecomte en face de Saulchoy où il y a un très important matériel, des munitions et accessoires de toute sorte, ce qui nous vaut d’être bombardés toutes les nuits par les avions.

Je compte environ 60 bombes par nuit, ce qui nous empêche de dormir. Je continue chaque jour mes distributions à Guerbigny où les convois sont bombardés à leur passage.

Les saucisses boches sont bien placées pour nous voir arriver.

J’ai eu la désagréable surprise de voir un obus tomber à quatre mètres de mon fourgon. J’ai également remarqué que les villages sont tous dépourvus de leurs chenaux et de tout ce qui est zinguerie, sans doute que l’ennemi s’en sert pour la fabrication des munitions.

Il y a également à Saulchoy un joli cimetière allemand que j’estime à 700 morts.

Mais il est irréprochable comme entretien et alignement.

Du 18 au 28 août :

Notre parc reste au bois Lecomte et nos distributions se font toujours à Guerbigny. Pendant cette période, nous avons beaucoup à souffrir de la chaleur.

A la poursuite des allemands. Reconquête des secteurs désertés par l’armée allemande. Août-oct. 1918

29 août :

Nous quittons le bois Lecomte pour nous installer une nuit à l’Echelle Saint-Aurin, notre régiment ayant eu un gros succès sur l’ennemi lui faisant 485 prisonniers, plusieurs canons et mitrailleuses.

En passant à Guerbigny, nous avons plusieurs heures d’arrêt ; j’en profite pour aller visiter le caveau d’un château que les boches ont souillé. J’y pénètre et je constate que les cercueils ont été arrachés de leur case.

Ils ont éventré les cercueils à coups de pioche et couper les zincs qui laissent apparaître les corps d’un homme, une femme et un enfant. Ce cas se présente dans d’autres cimetières.

Ils ont encore fait mieux, ils ont déterré nos morts, se sont servis des tombes pour y mettre les leurs, ont gratté les inscriptions de nos monuments et ont fait des inscriptions pour leurs soldats en se servant de tous les monuments.

30 août :

Nous nous installons à Saint-Mard-les-Triot.

Notre pause est en plein champ, à la vue des avions.

Ce pays était fortement ouvragé des abris de mitrailleuses en béton armés de toute part, ce qui valut à notre régiment quelques pertes assez sérieuses au moment de l’attaque qui, d’ailleurs, ne réussit pas.

Voyant ces difficultés, le général fit venir la grosse artillerie qui, en moins de deux heures, réduit tous ces ouvrages en miettes. Il n’y a pas un mètre de terrain qui n’était pas battu. J’ai constaté des trous qui avaient jusqu’à 6 mètres de diamètre et quatre mètres de profondeur.

Il y avait un superbe château où l’ennemi avait d’importants ouvrages en béton, de tout cela, il ne reste absolument rien.

S’il n’y avait pas ça et là quelques coins de maisons couchées sur le sol, on ignorait totalement que c’était un pays, tellement le bombardement fut terrible. La prise de cette position valut à notre régiment la capture de plusieurs centaines de prisonniers qui, eux, se trouvaient dans des abris très profonds, bien à l’arrière de Saint-Mard-les-Triot.

Notre avance fut sérieuse. Nous prîmes Royan et nos lignes furent portées bien en avant de Champien où j’ai ravitaillé mon régiment le soir même. 

31 août :

Je visite les ouvrages abandonnés par l’ennemi.

C’est vraiment effroyable les ravages causés par notre artillerie. J’ai aussi trouvé une vingtaine d’hommes de mon régiment tués dans les débuts de notre attaque sur Saint-Mard-les-Triot. Ces cadavres exposés à une chaleur torride étaient dans un état de décomposition repoussant.

J’ai eu la mission de les enterrer, ce qui n’était pas très agréable.

J’ai été à Champien en passant par Roye, pays très agréable très coquet en temps de paix, mais qui, hélas, a bien souffert du bombardement. Il n’y a pas une seule maison qui n’ait été touchée par les obus. Par contre, le centre de la ville qui était le passage de tous les convois ennemis est littéralement haché.

C’est une désolation profonde.

Sur la route de Champien, sortie de Roye, les Boches ont laissé un important dépôt de munitions.

J’ai visité le cimetière de Champien où l’ennemi a enterré ses morts.

Ce cimetière a été fait par eux. C’est une installation irréprochable. On y remarque un joli mur d’entourage d’un mètre de haut, surmonté de colonnes espacées de 5 mètres et garni d’une superbe palissade peinte en blanc.

En face la porte d’entrée, tout au fond, est élevé un joli monument à la mémoire de leurs morts. Dans ce même cimetière, une vingtaine de soldats français sont enterrés où j’ai constaté que le même soin avait été à nos tombes qu’aux leurs. 

Du 1er au 5 septembre :

Je reste à Saint-Mard-les-Triot où je m’occupe d’installations.

L’après-midi, je vais à Champien où je distribue à mon régiment. Période de chaleur torride.

6 septembre :

Je quitte Saint-Mard avec tout notre ravitaillement pour aller nous installer à Carrépuis où nous sommes violemment bombardés par les avions de nuit.

Je distribue à Libermont où se trouvent les cuisines.

De tout côté, c’est un abandon de munitions et de matériel par l’ennemi.

7 septembre :

Je passe ma matinée à visiter les ouvrages ennemis.

L’après-midi, je vais à Libermont.

Je constate dans ces régions la destruction par l’ennemi de tous les arbres fruitiers en arrivant à Carrépuis.

Je reçois l’ordre de partir avec un jour de vivres à Moyencourt où nous sommes gênés en cours de route par des trous très profonds faits au croisement des routes par des mines que l’ennemi avait fait sauter pour arrêter et empêcher notre artillerie de passer.

Je prends les chemins détournés et j’arrive à Moyencourt à 22 heures où je me trouve incommodé par les gaz qui m’ont bien fait mal aux yeux.

Je remarque que quatre villages sont en feu dans la direction de Ham ce qui indique que l’ennemi se prépare à abandonner ces régions. Le matin, en me promenant dans le pays, je remarque à chaque puits des obus de 210 qui sont reliés avec un fil de laiton à la manivelle du puits de façon qu’en voulant prendre de l’eau, l’obus fasse exploser et détruire le puits ainsi que les hommes qui sont autour.

Egalement les abris importants sont minés, ce qui valut la mort de bien des hommes.

L’après-midi, je vais faire mes distributions à Villette où le régiment vient de s’arrêter.

A mon retour entre Solente et …, je trouve la section plaine qui vient au devant de nous pour nous éviter d’aller jusqu’à Carrépuis. On me remet une note m’enjoignant d’aller avec cette section cantonner au Château de Robecourt où j’arrive très tard.

Il fait une nuit noire qui m’empêche de voir le château qui est entouré d’une petite forêt. J’installe mon parc à la lisière du bois et je me couche sous nos voitures.

Nuit très froide.

8 septembre :

Je me lève à 6 heures pour voir où se trouve ce château que je trouve à 50 mètres de l’endroit où j’ai couché.

Je visite le château qui est presque détruit par le bombardement et également par l’incendie mis par l’ennemi.

Je constate que les caves n’ont pas souffert. J’y remarque environ trois cents couchettes boches.

Egalement autour du château, grand nombre de petites baraques qui indiquent qu’un bataillon logeait dans cette propriété.

Toute cette région a été violemment bombardée par notre artillerie. Le nombre considérable de trous d’obus l’indique.

Je pars à 13 heures pour aller distribuer à Villette lorsqu’à Esmery-Hallon, un cavalier me fait savoir que le régiment venait de partir à l’arrière. A Breuil et Languevoisin, je fais demi-tour. Je passe par Libermont.

Je me dirige sur Breuil où je suis obligé d’attendre plusieurs heures après les cuisines du 2ème bataillon.

Après distribution, je me dirige sur Languevoisin où je distribue aux 1er et 3ème Bat. Je me couche à 22 heures, bien fatigué.

9 septembre :

Je visite le cimetière où je retrouve les mêmes sauvageries qu’à Guerbigny : les caveaux éventrés et les cercueils épars au milieu des caveaux.

Je quitte Languevoisin à 10 heures pour aller au repos à Andéchy où il ne reste plus une seule maison debout. La plupart des hommes couchent dans les caves et les tranchées boches.

9, 10 et 11 septembre

Matériel ainsi qu'un grand nombre de munitions.

Le train en gare de Andéchy est encore chargé de caisses de toute sorte et de plusieurs centaines de sacs de légumes (pommes de terre principalement et carottes coupées en tranche très fines et qui ont été séchées au four ces légumes servaient à la nourriture des chevaux. 

12 septembre

Départ de Andéchy pour Arvillers où nous sommes très bien. Beaucoup de maisons n'ont pas trop souffert du bombardement.

Le pays est très grand, mais il n'y a aucun civil. Je couche dans une jolie cave faite en brique et qui est bien aérée.

 

 

Ordre Général 6 12 85

 Le Général Commandant la 1ère Armée est heureux de transmettre aux troupes sous ses ordres la lettre suivante qu'il vient de recevoir du Maréchal Sir Douglas Haig, commandant en chef des troupes britanniques en France, au moment où la 1ère Armée Française cesse d'être sous ses ordres :

 Général Debessy Commandant la 1ère Armée Française

 

Mon cher Général

 

     La première phase des opérations confiées à la 1ère Armée française et la 4ème Armée britannique vient de se terminer avec succès. Amiens a été dégagé, l'ennemi refoulé derrière le système avancé de défense de cette ville et la principale voie ferrée sur Paris hors d'atteinte de l'ennemi.

     Ces résultats si heureux ont été obtenus en quelques jours. L'ennemi a subi des pertes sévères en hommes et en matériel. Nous avons pris plus de 30.000 hommes et 600 canons.

     Vous et votre armée cessez aujourd'hui d'être sous mon commandement. Je tiens à vous assurer, ainsi que toutes les Unités de votre valeureuse armée, du très réel plaisir que j'ai eu à commander d'aussi belles troupes. J'apprécie hautement la manière brillante dont officiers et soldats de la 1ère Armée française ont accompli leurs missions.

     Je me réjouis spécialement de penser qu'une fois de plus, les Armées françaises et britanniques ont marché côte à côte à la Victoire et qu'ainsi sont plus fortement resserrés les liens d'amitié qui nous unissent. Je tire les plus heureux augures de ce début si favorable d'une autre armée de guerre.

     Je tiens encore à vous féliciter personnellement ainsi que vos officiers et soldats de la part très précieuse et importante prise par la 1ère Armée française dans les opérations qui ont procuré ces magnifiques résultats. Je me réjouis tout particulièrement de ce que grâce à l'habileté des chefs et au courage de vos hommes, vos pertes aient été légéres.

     Je vous remercie cordialement des services éclatants rendus à la Grande Cause pour laquelle nous combattons tous.

     Je profite de l'occasion pour vous adresser un télégramme de notre Premier Ministre dans lequel, de la part du Ministre de la Guerre Impériale Britannique, il rend hommage aux glorieux exploits des armées alliées sous mes ordres pendant ces dernières opérations.

  

                                                                             Très sincèrement votre,

                                                                             Signé: H.Haig

                                                                             Maréchal Commandant en Chef

                                                                             Les Armées Britanniques en France

 

 

De Monsieur Lloyd Georges au Maréchal Sir Douglas Haig

 

     Le Ministre de la Guerre Impériale vous exprime à vous, aux officiers, sous-officiers et soldats sous vos ordres, ses plus chaudes félicitations pour le grand triomphe remporté par les armées alliées pendant cette troisième bataille de la Somme.

     « L'empereur Britannique vous adresse ses plus cordiaux remerciements ainsi qu à vos si valeureuses troupes. »

 

 

du 13 au 27 septembre

Nous restons au repos à Arvillers où nous sommes assez bien, mais nous sommes privés de la population civile.

Il y a de remarquable un grand cimetière où plus de 500 boches reposent ainsi qu'une centaine de Français.

C'est un ordre parfait.

28 septembre

Après avoir été visiter les dépôts de munitions laissées par l'ennemi, je rentre au cantonnement lorsque l'on nous apprend que nous devions nous tenir prêts à partir en alerte, ce qui eu lieu. Nous quittons Arvillers à 1 heure ½ de l'après midi pour aller cantonner à Roye où nous arrivons très tard dans la nuit.

J'ai été obligé de m'occuper auprès de l'intendant d'avoir 600 rations de pain, ce qui m'occasionna des fatigues.

29 septembre

Nous quittons Roye à 8 heures du matin pour nous rendre à Flavy-le-Meldeux où nous installons notre parc.

Petit pays assez endommagé par le bombardement, aucun civil

Du 30 septembre au 1er octobre

Nous restons à Flavy-le-Meldeux où il y a un camp d'aviation important et également un camp de prisonniers de 400 hommes qui sont notre distraction pendant notre court séjour dans ce pays.

2 octobre

Nous restons à Flavy-le-Meldeux à 7 heures du matin en passage par Plessis-Patte d'Oie, Villeselve, Grugny, Annois, Saint-Simon et Ollezy  où je distribue au régt.

Notre parc est à Ollezy où nous sommes très mal et où nous avons la visite des avions qui viennent nous bombarder toutes les nuits, ce qui nous oblige à aller nous abriter dans des tranchées voisines de notre cantonnement. (J'estime à une trentaine le nombre d'avions de bombardement qui viennent chaque nuit)

Les dégâts et pertes en hommes sont insignifiants.

En passant à Annois, j'ai remarque à cette gare un important dépôt de munitions ainsi qu'un train complet détruit par l'ennemi dans sa retraite précipitée. J'estime à près de 20.000 obus et des quantités d'autres munitions.

Du 3 au 9 octobre

Nous restons à Ollezy et je continue de distribuer à Clastres. Mon régiment est devant Contescourt où l'ennemi résiste tout en préparant sa retraite. Nous apercevons les villages en feu, direction Ham

10 octobre

Nous quittons Ollezy pour nous installer une nuit à Saint-Simon.

Je vais distribuer à La Biette notre division ayant avancée jusqu'à Saint-Quentin (Itinéraire : Artemps, Séraucourt, Coutescourt, Grugies, Gauchy et La Biette.)

Je fais mon entrée dans Saint-Quentin. J'aperçois la superbe cathédrale qui domine la ville. Elle est complètement dépourvue de ses vitraux et ses sculptures ont beaucoup souffert.

Toutes ces usines sont détruites, les rues sont dépavées et garnies de réseaux de fil de fer. Les pavés servent à garnir l'intérieur des magasins d'une hauteur d'un mètre pour former abri dans les caves qui sont étançonnées et qui servent de dortoirs aux boches. L'aspect de St-Quentin n'est pas trop vilain, quoique beaucoup de bâtiments aient bien souffert.

Mais ce qu'il y a de plus triste, c'est qu'aucune usine n'est restée debout: ce qui n'a pas été détruit par le bombardement a été incendié ou miné.

Je retourne à St-Simon où j'arrive à 9 heures du soir.

Le retour s'effectue difficilement vu l'encombrement des routes avec les autos et l'artillerie qui avance.

11 octobre

Je quitte St-Simon à 8h du matin pour aller à Grugies où nous installons notre parc.

Il ne reste pas une seule maison debout, on se demande vraiment s'il y avait un pays. S'il n'y avait pas par-ici, par-là des amoncellements de briques, on ne pourrait qu'il existait un pays.

Sur tout notre parcours, je constate la destruction des usines par mines ou incendies et tous les bâtiments qui étaient encore en bon état ont été incendiés. L'ennemi bat en retraite d'une façon rapide, ce qui m'oblige d'aller ravitailler mon régiment à Fontaine Notre Dame.

J'ai toutes les peines du monde pour retrouver les bataillons qui, au dernier moment, ont eu des ordres contraires aux miens, ce qui m'oblige à parcourir toute la région de Fontaine Notre Dame par une obscurité où on ne voyait pas devant soi à un mètre.

Après mille recherches, je découvre le dernier bataillon et je rentre Grugies à trois heures du matin. <Les routes étaient pour la plupart détruites au carrefours<<Itinéraire GauchyLa BietteSt QuentinHaryHomblière et Fontaine Notre Dame.

12 et 13 octobre

 Même service.

Toujours grandes difficultés de circulation, routes en assez mauvais état.

La nuit, sommes contrariés par les avions.

14 octobre

Nous quittons Grugies pour installer notre parc à la côte 91 ou plutôt au ravin entre Urvillers et St Quentin. Je pars ravitailler au ravin de Marcy.

Itinéraire : Neuville Saint-Amand, Ménil Saint-Laurent, Homblière, Château de Marcy.

Secteur est violemment bombardé par l'ennemi à cause des nombreuses batteries qui se trouvent dans ces parages. Retour Homblières, Ménil Saint-Laurent, Itancourt et côte 91 où nous sommes très mal faute d'eau et de pauvres abris.

Tous les soirs, nous avons la visite des taubes.

Du 15 au 25 octobre

Nous restons au ravin 91, je continue à aller distribuer au ravin en face du château de Marcy où, à plusieurs reprises je suis obligé de faire de grands détours pour éviter d'être victime des bombardements fréquents que l'ennemi fait sur la route de Homblière.

Pendant la période du 15 au 26, notre régiment perdît plus de 40 chevaux et plusieurs hommes dans les troupes en réserve.

Le régiment se trouve devant Mont d'Origny, position très difficile à enlever à l'ennemi à cause du canal de la rivière, des marais et la voie ferrée.

Nos pertes furent très sérieuses surtout au 8ème tirailleur d'Algérie. L'ennemi répond très énergiquement à nos tirs.

Par une nuit très claire, l'ennemi fit un raid d'avions sur Homblière et sur St-Quentin où ils nous firent subir des pertes assez sérieuses.

Deux bombes tombèrent à Homblière sur des camions automobiles chargés de munitions et qui causèrent la mort de plusieurs hommes et chevaux ainsi que la destruction de trois autos, également un parc de génie fût complètement détruit.

26 octobre

Après une préparation d'artillerie très sérieuse, notre division enlève Mont d'Origny. La lutte fut très dure mais nos troupes obligèrent l'ennemi à battre en retraite de 9 kilomètres.

Ce fut un beau succès, vu les difficultés du terrain.

27 octobre

Nous recevons l'ordre de transporter notre parc à Regny, petit village aux environs de Mont d'Origny.

En allant ravitailler en ligne, je trouve beaucoup de cadavres de notre division qui ont été surpris par des nids de mitrailleurs installés à travers champs pour protéger la retraite. On remarque aussi que tous ces mitrailleurs avaient reçu des ordres sévères de tenir coûte que coûte car tous sont tués dans leurs trous préparés avant l'attaque. Le nombre de prisonniers est important mais très peu d'artillerie reste entre nos mains.

J'ai aussi à faire des éloges à notre génie pour la rapidité avec laquelle ils construisent des ponts sur le canal de l'Oise à la Sombre et sur l'Oise.

Contrairement à ses habitudes, l'ennemi à laissé les meubles dans Mont d'Origny.

28, 29, 30 et 31 octobre

Nos troupes sont devant Guise où l'ennemi résiste avec acharnement.

Le 31 au matin, mon régiment attaque devant Guise sans grosse préparation d'artillerie pour ne pas détruire le pays.

Malheureusement, l'ennemi avait installé des mitrailleuses dans les caves des premières maisons qui occasionnèrent des pertes assez sérieuses à ce bataillon. En même temps, l'ennemi déclenche un tir de barrage qui fit subir des pertes très sérieuses au 2ème Bat.

Dans la nuit, le régiment est relevé par le 171ème.

C'est la joie complète car tous les hommes ont idée que la guerre est finie pour eux.

1er novembre

Le régiment descend au repos à Regny, pays abandonné par les civils

2 novembre

Départ de Regny pour Itancourt, pays complètement détruit. Nous logeons dans les caves et abris.

Temps de pluie.

3 novembre

Départ d'Itancourt pour Montescourt en passant par Urvillers et Essigny-le-Grand.

Temps de pluie.

 

4 novembre

Départ de Montescourt à 7h en passant par Jussy,  Cugny, Villeselve, Berlancourt et Flavy-le-Meldeux. (Distribution à Plessis Patte d'Oie et Golancourt.)

Flavy-le-Meldeux n'a pas trop souffert. Il y a un camp de prisonniers et, chose bizarre, ce sont ceux que mon régiment à pris à Saint-Mard, eux-mêmes en ont fait la remarque en voyant le 132ème.

5 novembre

Nous quittons Flavy-le-Meldeux pour aller cantonner à Carrépuis, pays complètement détruit.

Nous y sommes très mal, surtout qu'il fait un temps épouvantable. Nous occupons des bâtiments où l'on se trouve comme si l'on était dans la rue. (Itinéraire:  Rouvrel, Fréniche, Libermont, Ercheux, Champien, Carrépuis.)

6 novembre

       Nous restons toute la journée à Carrépuis, temps épouvantable.

7 novembre

       Je pars le matin distribuer aux bataillons qui sont dans les parages de Carrépuis.

L’après-midi, je pars à Roye  préparer le ravitaillement pour l’embarquement.

Arrivé à Roye, j’apprends que notre train de ravitaillement a déraillé.

Les dégâts matériels sont importants, mais ce qui est le plus pénible, c’est que 22 hommes ont trouvé la mort. L’accident nous occasionne un travail fou.

Il nous faut avec nos voitures toucher les vivres, vin et avoine à Chaulnes pour le 106e et des petites fractions.

Je passe toute ma nuit à ce travail et à distribuer à la Cie Hors Rang qui part à 1 heure du matin.

8 novembre

       Je continue les distributions au fur et à mesure de l’arrivée des bataillons et je m’embarque au dernier train de 16 heures qui part à 18 heures. Je me suis couché de suite car j’étais exténué de fatigue.

Temps affreux.

9 novembre

       Je passe ma journée complète en chemin de fer.

Nous arrivons à 10h30 à Nogent sur Seine, à 13 heures à Troyes.

Il fait un temps sec et froid, mais le soleil étant de la partie ce qui met la gaieté parmi tous. Sur tout notre parcours, nous sommes salués par les populations et dans les gares, nous sommes acclamés.

On sent que la guerre tire à  sa fin.

Les Vosges, puis l’Alsace, entrée en Allemagne, nov. –déc. 1918

10 novembre

       Nous arrivons dans les Vosges où nous débarquons à 10 heures à Girancourt. Nous nous dirigeons dur Darneuille où nous nous arrêtons quelques heures. Je vais distribuer à mes bataillons.

En cours de route, mon adjudant vient me prévenir que nous irons rejoindre Ville-sur-Illon où on nous fit un accueil des plus chaleureux.

Rarement ces régions avaient eu des troupes, aussi c’était la fête.

On nous fit un dîner des mieux servis.

Nous restons à table jusqu’à 11 heures du soir en compagnie du fils de la maison qui était en convalescence des suites d’une blessure grave. Ce qui nous surprit le plus, c’est que partant, on nous apporta de l’eau de vie de prunes, ce qui ne nous était pas arrivé depuis le début de la guerre. 

11 novembre

       Je me lève à 7 heures et m’occupe de mon travail lorsque vers 11 heures, on nous annonce que l’armistice était signé.

C’était une joie délirante chez tous les Poilus ou se joignit la population du pays.

Les cloches se mirent à sonner pendant que la musique du régiment parcourt le village en jouant la Marseillaise et le Chant du Départ.

Derrière suivent les Poilus bras-dessus, bras-dessous avec les filles et femmes du pays en chantant à tue-tête.

La soirée se termine par des soûlographies nombreuses. Des feux d’artifice sont faits avec les fusées de tranchées qui nous restaient dans nos voitures.

12,13 et 14 novembre

       Nous restons à Ville-sur-Illon où nous avons passé d’agréables moments. Rarement nous avons été si bien reçus.

15 novembre

       Nous quittons Ville-sur-Illon.

Au moment de notre départ, un incendie se déclare dans une importante ferme dû à la négligence d’un Poilu qui a laissé une bougie allumée dans un grenier à foin.

En moins de deux heures, le bâtiment est complètement détruit, Toute la population prête son concours ainsi que nos permissionnaires et les Russes qui se trouvent au village.

Je pars avec un fourgon qui était resté en retard par l’incendie.

Je me dirige sur Dommivre-sur-Dursion en passant par Bocquegny, Mazelay, Ancourt, Thaon et Girmont.

A Thaon nous faisons une grande halte où j’y trouve les voitures à viande ce qui nous permit de faire cuire chez les habitants de bonnes cassolettes de mouton et de boire quelques verres de bière chez la femme à barbe qui est la curiosité des passants.

16 novembre

       Je quitte Dommèvre-sur-Dursion à 6 heures pour aller à Ménif-Rambervillers où nous logeons dans un moulin.

Journée pénible pour les distributions. 

17 novembre

       Je quitte Ménif-Rambervillers à 8 heures du matin.

Je suis désigné pour conduire le détachement de permissionnaires à Baccarat.

Je vais dîner avec de mes amis.

De là, je visite la verrerie de Baccarat qui est une curiosité.

Toute la journée, il passe des troupes se dirigeant vers l’Alsace.

A quatre heures, je prends le train direction Lunéville.

18 novembre

       J’arrive à Belfort où je retrouve ma petite famille en bonne santé sauf une qui a un bras cassé.

Du 19 au 30 novembre

       Je passe ma permission très agréablement à Belfort. J’en profite pour aller rendre visite à mon grand-père à Rougemont qui est très heureux de me revoir.

1er et 2 décembre

       Je quitte Belfort à 5 heures du soir pour me rendre à Epinal et de là, à Nancy où on me fit retourner à Rambervillers pour aller rejoindre notre centre de rassemblement qui se trouve à Baccarat.

De là, je me dirige sur Bertrichamps où se trouve notre de centre de ralliement.

3 décembre

       Je vais au bois et l’après-midi, je me dirige à Baccarat où je visite la verrerie qui est qui est très intéressante à voir.

Population de 7 mille habitants.

Pays qui a souffert au début de la guerre.

Du 4 au 10 décembre

       Je reste à Bertrichamps où je passe mon temps à aller au bois ou en promenade avec la Compagnie.

Entre-temps, je vais visiter la papeterie de Lachapelle où on y fait du joli papier.

Entre-temps, je vais me promener à Raon-l’Etape et La Neuville qui est séparée par la Meurthe et Moselle, ce qui donne à ces deux pays l’aspect d’être une seule population de 9 mille habitants.

Il ya des usines de papier et une fabrique de chaussons qui occupent deux mille ouvriers.

Entre parenthèse, c’est un pays de débauche par excellence. La plupart des soldats de Bertrichamps partent le soir après la soupe de 5 heures pour passer la nuit avec les femmes de Raon.

11 décembre

       Je reste le matin à Bertrichamps.

A midi, nous partons à 120 hommes pour Baccarat par une pluie battante.

Nous embarquons dans trois wagons, ce qui fait que nous sommes serrés comme des harengs. Notre voyage fut assez pénible. Nous arrivons à Brumath (basse Alsace), à 5 heures du matin. Nous attendons le jour pour nous rassembler.

De là, nous nous dirigeons à Mommenheim où mes camarades m’attendaient avec impatience pour qu’ils puissent aller en perme. 

13 décembre

       Je visite le pays où je constate que les habitants sont d’une joie délirante d’avoir des troupes françaises. Ils ne savent pas quelle politesse nous faire, la presque totalité des hommes couchant dans des lits.

Le soir, les Poilus passent la veillée avec les civils où l’on chante jusqu’à des heures très tardives.

Pour mon compte, j’ai une très jolie chambre et il ne se passe pas un soir que je ne sois obligé de passer la veillée avec eux ou chez les voisins qui sont israélites et qui causent couramment le français.

C’est pour un vrai secteur de repos.

14 décembre

       Je vais ravitailler dans les villages voisins où je trouve la même admiration qu’à Mommenheim.

15 décembre

       Nous recevons la visite d’une famille strasbourgeoise qui viennent à une invitation faite par mes camarades lors de leur passage à Strasbourg.

Journée agréable passée en leur compagnie.

De 16 au 20 décembre

       Je m’occupe de mes distributions et, de temps à autre, je vais à la pêche où je n’ai pas gros succès.

Temps détestable. 

21 décembre

       Je passe ma journée à Mommenheim et le soir, je pars pour Strasbourg rendre visite aux personnes venues le 15.

Je suis très bien reçu et je passe une bonne soirée en leur compagnie.

 22 décembre

       Je suis guidé par Mr Burkhard et sa famille pour visiter tout ce qu’il ya de remarquable à voir à Strasbourg. Les bâtiments sont encore tous pavoisés et ce qui me surprit le plus, c’est que la plupart des magasins ont déjà fait refaire les inscriptions en français.

Ce qui est aussi très remarquable, c’est la joie qui se fit sur les visages des habitants de Strasbourg de revoir leur pays français et d’avoir de quoi vivre.

Il y a la foule dans les magasins pour acheter les cadeaux de Noël et les brasseries et restaurants regorgent de            monde.

Ce qui est surtout admirable, c’est la cathédrale avec ses jolies sculptures et son superbe cadrant. Je visite aussi le château de l’Empereur d’Allemagne où je constate une sculpture lourde, comme d’ailleurs tous les édifices construits par eux.

A la Kaiser place, le monument de Guillaume 1er a été renversé par les étudiants. Il ne reste plus que le socle.

Place Kléber, il y a foule pour admirer ce monument de nuit, encore plus illustre depuis la rentrée des troupes dans Strasbourg.

Ce que je remarque surtout, c’est la propreté des ces régions, je vais passer ma soirée dans une des plus     grandes brasseries du pays.

La soirée se termine par un bon souper et je couche chez Mr Burckhard à minuit, bien fatigué de mes explorations. 

23 décembre

       Je quitte Strasbourg à 6 heures ½ pour retourner à Mommenheim où en arrivant, j’apprends que je dois de suite partir avec mon bataillon pour aller au-delà du Rhin.

Surprise très désagréable pour moi.

Nous nous préparions à faire un bon réveillon.

J’apprends cela à ma propriétaire, qui elle, plus que moi, se trouve bouleversée d’un départ si brusque.

A 8 heures et demi, je pars avec tout mon convoi et j’arrive à Suffenheim à 3 heures.

Je loge mes voitures au moulin et je m’occupe de me trouver une chambre où je tombe chez de bons vieux.

Je passe une agréable soirée. On m’offrit cigares, eau de vie et fruits, et jusqu’à 11 heures ce n’est qui rire avec les difficultés de se comprendre. 

24 décembre

       Je me lève à 6 heures et je déjeune avec mes logeurs où on me fait tous les plaisirs possibles.

Avant de quitter, je reçois encore un paquet de cigares et des poignées de main en veux-tu, en voilà!

De là, je vais trouver mon lieutenant qui me charge de distribuer le ravitaillement à quatre cuisines qui doivent rester à Suffenheim.

Après ce travail, je me dirige sur la gare de ravitaillement de Hatteim pour y toucher ma viande et, en même temps, pour me rendre compte de la façon dont je serais ravitaillé.

A 11 heures ½ , je quitte Hottin pour Seltz où j’arrive à 2 heures.

Là, j’apprends que nous ne pouvons pas nous rendre à Rastatt, le pont de bateau ayant été détruit par les inondations, ce qui nous oblige à passer notre réveillon de Noël à Seltz où, d’ailleurs, nous tombons admirablement bien.

Nous sommes reçus on ne peut pas mieux. Après avoir parqué mes voitures, je me dirige sur la popote où nous sommes chez une des plus riches de la commune.

Tout le monde est occupé aux préparatifs du réveillon.

 

Lorsque après une heure de présence, on nous fit passer au salon où il y a un superbe arbre de Noël bien garni. On nous offrit du Kirsch avec des friandises, pendant que les jeunes filles de la maison jouaient du piano et chantaient des chants patriotiques.

Après avoir passé une heure agréable au salon, nous nous mîmes à table où, malgré notre arrivée tardive, un délicieux déjeuner nous attendait.

A 10 heures, je quitte pour aller me coucher mais il m’en fut interdit. Les personnes chez qui j’avais ma chambre m’ont invité à rester avec eux jusqu’à l’heure de la messe de minuit où nous partîmes ensemble.

A notre retour, nous restons encore un moment ensemble pour prendre le café et du gâteau et, enfin, à deux heures, je vais me coucher bien fatigué. 

25 décembre

       Je me lève à 8 heures.

Je prépare mes affaires pour quitter Seltz.

A 10 heures précises, nous partons sur Beinheim où nous y faisons une grande pause en attendant que l’on      sache si nous pouvons passer par le pont de chemin de fer.

Pendant ce temps, nous consommons quelques bouteilles de bon vin, mais comme le temps est détestable, les gens du pays nous font rentrer chez eux.

A midi nous partons et j’arrive à midi quarante sur le pont du Rhin entre Beinheim et Witterdorf. J’admire ce joli pont pour sa solidité, surmonté d’une formidable charpente en fer.

Ce pont est disposé de telle façon qu’on peut s’en servir pour y passer avec des voitures sans difficulté.

Les trains ne circulent plus depuis l’armistice.

Du haut de ce pont, on domine tous les pays environnants jusqu'à Rastatt. Il mesure 600 mètres de long et se trouve à 25 mètres au-dessus du niveau d’eau. Je constate que les inondations s’étendent à perte de vue.            J’estime qu’il y a environ huit mètres d’eau au milieu de fleuve.

 

Nous arrivons à Wintterdorf où nous sommes l’objet de curiosités extraordinaires, car nous sommes les premiers Français rentrant librement chez eux, aussi je remarque la tristesse se lisant sur le visage des habitants. De Wintterdorf à Rastatt, il y neuf kilomètres que nous parcourons sous une chute de neige épouvantable.

Malgré cela, de toute part, les gens   courant sur les routes pour bien se rendre compte de ce qui se passe. A Rastatt, la neige avait cessé de tomber, ce qui permit aux habitants d’assister à notre entrée.

Beaucoup de gens se demandent si c’est bien vrai que des Français se permettent de venir chez eux, aussi les uns nous regardent d’un air de mépris, d’autres d’un air attristé.

Après les formalités d’usage, nous nous sommes dirigés sur la caserne Léopold Flez qui est gardée par une milice qui nous donne tous les renseignements

 

 

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